Soudan du Sud : Évaluation de la programmation en développement et du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR) d’Affaires mondiales Canada
Janvier 2017
Table des matières
Remerciements
La Direction de l’évaluation du développement (PCE) souhaite remercier tous ceux qui ont contribué à cette évaluation, y compris ses collègues du programme à l’Administration centrale et à Djouba, qui ont apporté un soutien et des conseils tout au long du processus d’évaluation, en plus d'accueillir les missions sur le terrain et de faciliter la collecte de données.
La conception et la collecte de données pour cette évaluation ont été assurées par une équipe d’évaluation indépendante formée de Louise Mailloux, de Goss Gilroy Inc., de Finn Pedersen, de Tana Consulting ApS., de Cathy Huser et de John Oloya. Isabelle Mercier, Janis Grychowski et Denis Marcheterre de la Direction de l’évaluation du développement se sont chargés d’analyser les données et de produire des rapports. PCE a assuré la surveillance et la gestion pendant l’ensemble du processus d’évaluation. Les chefs d’équipe de PCE pour cette évaluation étaient Anne Lavender et Isabelle Mercier.
Nous remercions les nombreux acteurs et partenaires qui ont participé aux entrevues au Canada et à l’étranger et qui ont favorisé une meilleure compréhension de l’incidence du Canada au Soudan du Sud.
David Heath
Chef de l’évaluation du développement, Affaires mondiales Canada
Liste des acronymes
- ACDI
- Agence canadienne de développement international
- AMC
- Affaires mondiales Canada
- APG
- Accord de paix global
- BSCCAL
- Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères
- CAD
- Comité d’aide au développement (de l’OCDE)
- FASM
- Fonds d’affectation spéciale multidonateurs
- FCS
- Fonds commun pour la santé
- GRC
- Gendarmerie royale du Canada
- GTSR
- Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction
- MAECI
- Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international
- MDN
- Ministère de la Défense nationale
- OCDE
- Organisation de coopération et de développement économiques
- SMNE
- Santé des mères, des nouveau-nés et des enfants
Sommaire exécutif
Ce rapport présente les constatations, les conclusions, les considérations et les recommandations sur la programmation future découlant de l’évaluation de la programmation en développement, de stabilisation et de reconstruction d’Affaires mondiales Canada (AMC) au Soudan du Sud pendant les exercices 2009-2010 à 2015-2016. Cette évaluation s’est échelonnée d’octobre 2015 à décembre 2016.
Entre 2009 et 2016, les programmes canadiens de développement et du GTSR au Soudan du Sud se sont poursuivis dans un contexte opérationnel marqué par des changements constants et la persistance d’un conflit civil violent. Le personnel canadien travaillant dans la capitale, Djouba, a été confronté à des problèmes de sécurité et à une incertitude qui ont nécessité une réflexion rapide, l’établissement de liens solides avec les partenaires, de la souplesse et une résolution constante des problèmes. Ce rapport donne un aperçu des résultats des programmes de développement et du GTSR au Soudan du Sud dans ce contexte difficile, caractérisé par une instabilité et une incertitude extrêmes.
Justification, finalité et objectifs
Cette évaluation de la programmation d’AMC au Soudan du Sud visait à s’assurer que l’on rende compte des efforts. De même, il s’agissait d’évaluer la pertinence, l’efficacité et l’efficience des activités du secteur du développement et du GTSR en vue de l’atteinte de leurs résultats escomptés respectifs. L’évaluation, qui porte sur la période de 2009-2010 à 2015-2016, avait aussi pour but d’aider à l’amélioration des programmes, en plus de définir une série de pratiques exemplaires et de formuler des observations en vue d’une contribution ultérieure d’AMC dans des États fragiles et touchés par un conflit.
Les objectifs spécifiques de l’évaluation étaient les suivants :
- Évaluer la pertinence et le rendement (efficacité et efficience, y compris les enjeux transversaux) de la programmation du développement et du GTSR d’AMC réalisée au Soudan du SudNote de bas de page 1.
- Fournir à AMC des renseignements pertinents propres aux États fragiles pour la future programmation, y compris des pratiques exemplairesNote de bas de page 2.
Contexte du programme au Soudan du Sud
Depuis 2006, Affaires mondiales Canada apporte une aide humanitaire et au développement à la population de ce qui est aujourd’hui le Soudan du SudNote de bas de page 3. Le Canada avait d’abord inscrit ce pays à la liste des États fragiles devant faire l’objet d’une attention prioritaire après la conclusion de l’Accord de paix global, en 2006. Cet accord a mis fin à des décennies de guerre entre le gouvernement du Soudan et l’Armée populaire de libération du Soudan, basée dans le sud du Soudan. En 2014, le Canada a réaffirmé son attachement au développement du Soudan du Sud actuel, après la confirmation qu’il s’agissait d’un pays prioritaire pour les efforts de développement international.
Le Canada a concentré la majorité de ses activités de développement et de reconstruction sur quatre États : Équatoria oriental, Jongleï, le Bahr el-Ghazal septentrional et Unité. La contribution d’AMC au Soudan du Sud englobait les secours et l’aide humanitaire internationale, la stabilisation et la reconstruction ainsi que la programmation en développementNote de bas de page 4. Les efforts de stabilisation et de reconstruction ont représenté des investissements de 46,5 millions de dollars de 2009 à 2013; ils ont surtout porté sur la réforme du secteur de la sécurité, la résolution des conflits et la consolidation de la paix, le déminage et la primauté du droit. Pour ce qui est de la programmation en développement, des investissements de 282,7 millions de dollars de 2009-2010 à 2015-2016 ont été attribués à des activités concentrées sur la protection de la vie des enfants et des jeunes; sur la croissance économique durable; la sécurité alimentaire et la promotion de la démocratie. En outre, les investissements d’AMC en faveur de la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants, dans le cadre de l’initiative de Muskoka sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE) de 2010, se sont élevés à 102 millions de dollars de 2010-2011 à 2015-2016.
En décembre 2013, deux ans après l’accession du Soudan du Sud à l’indépendance, les tensions se sont accentuées au point de provoquer une guerre civile, entraînant une insécurité et une violence dévastatrices, de même que le déplacement de plus de deux millions de personnes. En conséquence, les efforts canadiens ont intensifiés la programmation dans le domaine de l’aide humanitaire internationale. À l’heure actuelle, les investissements du Canada dans ce pays n’englobent que la programmation en développement et l’aide humanitaire, car la contribution à la stabilisation et à la reconstruction s’est achevée en 2013.
Méthodologie
L’évaluation examinait un échantillon non aléatoire de 29 projets de développement et du GTSR. L’information a été recueillie au moyen d’une analyse documentaire, d’un examen de la documentation sur les programmes et les projets d’AMC, d’un examen des évaluations antérieures d’AMC des programmes-pays dans les États fragiles et d’entrevues des principaux informateurs (y compris des employés d’AMC au Canada et à Djouba, des partenaires du gouvernement du Soudan du Sud et des organismes des Nations Unies travaillant au Soudan du Sud, des groupes de réflexion et du personnel d’organismes non gouvernementaux et des représentants de donateurs partenaires). Des discussions en groupes ont eu lieu avec des partenaires internationaux recrutés localement, des représentants gouvernementaux et, dans certains cas, des bénéficiaires locaux.
Comme le Soudan du Sud est un État fragile, il s’agissait d’un environnement difficile pour la réalisation d’une évaluation complète. Des contraintes logistiques rendaient difficile la collecte de données à jour et fiables. Cela s’applique en particulier aux données primaires quantitatives obtenues au moyen d’enquêtes auprès des parties prenantes ou des ménages. Une plus grande importance a donc été accordée aux entrevues et aux analyses documentaires.
Principaux messages
La programmation en développement et du GTSR ont permis de répondre aux besoins du Soudan du Sud et correspondaient aux priorités du gouvernement du Canada. Il ressort de l'évaluation que la programmation endéveloppement dans les domaines de la santé – en particulier la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants –, de la jeunesse, de la gouvernance et de la sécurité alimentaire ont permis de répondre aux besoins urgents du Soudan du Sud et de sa population. Même si les priorités de la programmation ont changé au cours de la période d’évaluation, les investissements se sont toujours concentrés sur les besoins fondamentaux du pays. L’importance accordée par le GTSR à la consolidation de la paix, à la sécurité et à la primauté du droit était judicieusement ciblée sur les régions où les besoins étaient criants. Toute la programmation au Soudan du Sud, autant celle pour le développement que celle du GTSR, correspondait aux priorités du gouvernement du Canada et du Ministère.
Malgré les défis extrêmes liés aux activités au Soudan du Sud, AMC a obtenu des résultats. Toutefois, il demeure difficile d’évaluer le degré de durabilité de ces résultats, compte tenu du contexte fragile et en constante évolution. L’évaluation a permis de constater que certains résultats, particulièrement en matière de santé (grâce au Fonds commun pour la santé [FCS] et aux investissements dans la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants [SMNE]) et de sécurité alimentaire, ont été obtenus pendant la période étudiée. Il s'avère également que le GTSR a été en mesure d’obtenir certains résultats. Il s’agissait aussi d’un mécanisme efficace pour commencer à établir des liens entre la programmation en stabilisation et la programmation en développement à plus long terme.
En règle générale, la programmation canadienne concordait avec de nombreuses bonnes pratiques applicables aux efforts dans des États fragiles. Cependant, il aurait été possible d’en faire davantage. Les efforts d’AMC pour prévenir les préjudices, s’assurer que la programmation soit non discriminatoire, prioriser la prévention et éviter de créer des poches d’exclusions étaient conformes aux bonnes pratiques pour la poursuite d’activités dans des États fragiles. Toutefois, même si la programmation en développement et du GTSR intégrait de bonnes pratiques en ce domaine, chacun aurait pu le faire de façon plus structurée et officielle. Plus spécifiquement, AMC aurait pu renforcer les liens entre les objectifs de sécurité et de développement. Il aurait aussi été possible de faire plus pour énoncer plus clairement et spécifier des engagements plus prévisibles dans les différents secteurs du développement.
Le Canada a collaboré efficacement avec d’autres donateurs au Soudan du Sud. La participation active du Canada aux discussions sur les orientations et aux fonds communs s’est avérée utile au dialogue sur des enjeux clés. Tout au long de la période d’évaluation, le Canada est demeuré un donateur important au Soudan du Sud. Toutefois, les occasions d’influer sur les discussions stratégiques et les orientations, dans le cadre de la programmation du GTSR, ont diminué après l’achèvement de ces dernières.
Il se peut que les exigences administratives aient empêché l’exécution optimale de programmes pertinents et efficaces. Il ressort de l’évaluation que les systèmes internes conçus pour des contextes plus traditionnels n’ont peut-être pas été bien adaptés au contexte d’un État fragile. Les exigences en place pour gérer les risques fiduciaires pourraient avoir nui à la souplesse du programme et à sa capacité d’agir promptement dans un environnement en évolution rapide.
Une vision et un engagement à long terme prenant en compte les différents secteurs d’activité d’AMC auraient pu s’avérer bénéfiques à la programmation déployée au Soudan du Sud et dans d’autres États fragiles. Faute de priorités intégrées et interreliées, et d’une compréhension commune des causes fondamentales du conflit, le Ministère a manqué des occasions d’être plus efficace, efficient et réactif. Autre point important, selon l’évaluation, notamment lorsqu’il s’agit du renforcement à long terme de l’État au Soudan du Sud, certaines initiatives de la programmation en développement et du GTSR se fondaient sur une vision à trop court terme, visaient trop à combler des lacunes, au lieu de renforcer les capacités locales, et n’étaient pas nécessairement liées au renforcement des capacités à long terme.
Les ressources et le temps disponibles ne suffisaient pas pour favoriser l’intégration efficace de certaines exigences du programme, en particulier des thèmes transversaux, les facteurs de conflit et les principes de l’engagement dans les États fragiles. Les attentes quant à la mise en œuvre des priorités transversales, comme l’environnement, l’égalité entre les sexes et la gouvernance, ne correspondaient pas toujours aux ressources dans le domaine. Il aurait été utile que l’ambassade du Canada à Djouba puisse considérer le conflit comme une priorité fondamentale de saprogrammation en développement au Soudan du Sud. À cela s’ajoute la possibilité d’avoir constamment et rapidement accès à des spécialistes pour l’aider à élaborer une programmation sensible aux conflits, qui prennent en compte les autres thèmes transversaux, comme l’égalité des sexes, l’environnement et la gouvernance.
Recommandations
- AMC devrait s’assurer que la programmation ultérieure au Soudan du Sud se fond sur une approche intégrée à l’échelle du gouvernement. Plus spécifiquement, le continuum de programmation devrait avoir pour fondement les éléments suivants :
- une vision commune et à long terme pour le pays, qui s’appuie sur l’étude des faits;
- la nécessité de concevoir une programmation réactive, souple et agile, qui peut s’adapter à des contextes en évolution rapide;
- l’intégration efficace des thèmes transversaux;
- une analyse stratégique améliorée qui tient compte des facteurs de conflit et se fonde sur les Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires.
- AMC doit veiller à ce que des spécialistes apportent un soutien adéquat à l’adoption de nouvelles exigences ou à la réorientation d’exigences existantes pour l’intégration, l’analyse et la synthèse des enjeux transversaux et des facteurs de conflit dans les États fragiles.
- AMC doit s’efforcer de limiter les retards dans l’approbation des projets et de la planification au moyen d’un examen et d’une simplification des processus.
Réponse de la direction
Recommandations | Engagements | Mesures | Centre de responsabilité | Date d’achèvement visée |
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| Programme de développement au Soudan du Sud
| Programme de développement au Soudan du Sud
| Programme de développement au Soudan du Sud | Une ébauche d’une nouvelle stratégie-pays ou d’un document équivalent doit être produite d’ici le 31 décembre 2017.Note de bas de page 5 |
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| Programme de développement au Soudan du Sud Programme de développement au Soudan du Sud Programme de développement au Soudan du Sud | T4 de l’exercice 2017-2018 (recommandations sur la prochaine étape du soutien aux initiatives de sécurité alimentaire sensibles aux crises). T4 de l’exercice 2017-2018 (recommandations sur la prochaine étape du soutien aux initiatives de sécurité alimentaire sensibles aux crises). Mises à jour sur la progression grâce aux rapports annuels sur les pays. |
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| Programme de développement au Soudan du Sud | Une ébauche d’une nouvelle stratégie-pays intégrée ou d’un document équivalent doit être produite d’ici le 31 décembre 2017.Note de bas de page 6 |
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| Programme de développement au Soudan du Sud | 30 juin 2018 (analyse des leçons tirées de cette initiative de 2 ans). |
PSOP (anciennement « GTSR »)
| PSOP (anciennement « GTSR »)
| PSOP | 15 janvier 2017 | |
| Programme de développement au Soudan du Sud
À cet égard, le Direction du développement au Soudan du Sud souligner que la disponibilité restreinte des spécialistes à l’interne dans certains domaines demeure contraignante, notamment en ce qui a trait à l’égalité des sexes, à la sécurité alimentaire et à l’analyse des conflits. Nous allons donc faire appel à d’autres directions au sein du ministère pour nous assurer de la disponibilité de ces ressources. | Programme de développement au Soudan du Sud
| Programme de développement au Soudan du Sud Programme de développement au Soudan du Sud Programme de développement au Soudan du Sud Programme de développement au Soudan du Sud | Mises à jour sur la progression grâce aux rapports annuels sur les pays. Fait Les services d’appui aux opérations sur le terrain doivent être opérationnels d’ici le 31 décembre 2017.Note de bas de page 7 Au besoin |
PSOP (anciennement « GTSR »)
| PSOP (anciennement « GTSR »)
| PSOP | 15 janvier 2017 | |
3. AMC doit s’efforcer de limiter les délais dans l’approbation des projets et de la planification au moyen d’un examen et d’une simplification des processus. | Programme de développement au Soudan du Sud
| Programme de développement au Soudan du Sud
| Programme de développement au Soudan du Sud | À déterminer |
PSOP (anciennement « GTSR »)
| PSOP (anciennement « GTSR ») PSOP, conformément à son mandat, offrira du soutien en faveur d’une programmation rapide, réactive et soigneusement ciblée en faisant appel à un processus de planification robuste et intégré. | PSOP | 31 mars 2017 |
1. Introduction
Le présent rapport constitue une évaluation indépendante des programmes de développement et du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR)Note de bas de page 8 au Soudan du Sud. Il comprend des données recueillies sur le terrain au Soudan du Sud en mars 2016. Le rapport s’appuie sur le consensus international émergent quant à la planification, à la gestion et à l’évaluation des efforts de coopération pour le développement dans les États fragiles et touchés par un conflit. L’évaluation a été planifiée de façon à reconnaître toutes les réalisations des programmes canadiens de développement et du GTSR qui ont néanmoins été possibles. Il s’agissait aussi de formuler des recommandations sur la façon d’optimiser, dès maintenant et à l’avenir, l’utilité des interventions canadiennes au Soudan du Sud et dans d’autres États fragiles. L’évaluation a été réalisée conformément à la Politique sur les résultats du gouvernement du Canada.
Il convient de noter le caractère exigeant du cadre opérationnel au Soudan du Sud pour les programmes canadiens de développement et du GTSR entre les exercices 2009-2010 et 2015-2016. L’environnement de travail, pour les programmes canadiens et les partenaires d’exécution, a été marqué par des changements constants et la reprise d’un conflit civil violent.
Le présent rapport donne un aperçu de la pertinence, de l’efficacité et de l’efficience des programmes-pays au Soudan du Sud tout au long de cette période difficile. Il comprend : une introduction énonçant les objectifs et la portée de l’évaluation, la méthodologie et les limites ainsi que le contexte de la programmation dans le pays et au Canada; une section sur les constatations, qui énonce les principaux constats tirés de l’intervention du Canada dans le pays; une section sur les conclusions découlant de l’analyse de ces résultats; des recommandations et des considérations pour la programmation ultérieure au Soudan du Sud et dans des États fragiles.
1.1 Objectifs et portée de l’évaluation
L’évaluation portait sur la période allant de l’exercice 2009-2010 à 2015-2016. Pendant cette période, la programmation d’AMC a comporté des activités communes et fait l’objet d’une large consultation au sein de l’ancienne Agence canadienne de développement international (ACDI) et du Groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction (GTSR) de l’ancien ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI). Jusqu’en 2013, elle comprenait aussi une approche pangouvernementale par l’entremise d’un partenariat et d’une collaboration avec le ministère de la Défense nationale (MDN) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Toutefois, la présente évaluation n’est axée que sur les programmes de développement et de reconstruction de l’ACDI et du MAECI, dont la contribution et les décaissements étaient beaucoup plus grands que ceux des autres partenaires au gouvernement du Canada. S’agissant de la programmation de l’ACDI, l’évaluation était surtout axée sur le programme bilatéral, puisque l’évaluation précédente sur l’aide humanitaire fournissait de l’information sur l’intervention du Canada au Soudan du Sud dans ces contextes. La fusion officielle de l’ACDI et du MAECI en 2013 a motivé la décision de procéder à une seule évaluation englobant la programmation de stabilisation, de reconstruction et de développement et de comprendre comment ces composantes interagissaient sur le terrain.
Les objectifs précis de cette évaluation étaient les suivants :
- évaluer la pertinence, l’efficacité et l’efficience de la programmation d’AMC au Soudan du Sud;
- fournir à AMC des renseignements pertinents pour orienter la future programmation au Soudan du Sud et dans d’autres États fragiles, y compris des pratiques exemplairesNote de bas de page 9.
Les questions d’évaluation se fondaient sur des critères établis par le Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CAD/OCDE) : la pertinence, l’efficacité, l’efficience et la durabilité. Cependant, confrontée aux obstacles importants liés à l’obtention de données fiables et à jour au Soudan du Sud, l’évaluation n’a permis d’aborder que les principales questions pour lesquelles il était possible d’obtenir des données probantes fiables et suffisantes. Plus particulièrement, l’évaluation n’a pas permis de tirer des conclusions explicites sur la durabilité.
Étant donné la situation actuelle au Soudan du Sud, tout a été mis en œuvre, dans le cadre de cette évaluation, pour que les renseignements contenus dans le rapport soient utiles et applicables au contexte nouveau et en constante évolution. Dans toute la mesure du possible, le rapport visait à mettre en lumière les enseignements les plus susceptibles d’être appliqués en vue d’une utilisation ultérieure.
Les questions d’évaluation sont présentées ci-dessous.
Tableau 1 : Questions d’évaluation
PERTINENCE |
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Q1. Dans quelle mesure les interventions du Canada relatives aux politiques et aux programmes répondaient-elles aux besoins de la population au Soudan du Sud? |
Q2. Dans quelle mesure la programmation respectait-elle les priorités canadiennes? |
EFFICACITÉ |
Q3. Dans quelle mesure le Canada a-t-il obtenu les résultats escomptés au Soudan du Sud? |
Q5. Les interventions pour s’attaquer à des enjeux transversaux, comme l’égalité entre les sexes, la viabilité de l’environnement et la gouvernance, par un dialogue sur les politiques et des investissements dans des projets, ont-elles eu une incidence, intentionnelle ou non? |
EFFICIENCE |
Q6. Les ressources humaines et financières ont-elles été bien utilisées pour obtenir les résultats jusqu’à maintenant, à la lumière du contexte, des priorités et des alternatives potentielles? |
1.2 Méthodologie
L’équipe de l’évaluation a examiné un échantillon de 29 projets (c.-à-d. 17 projets de développement dont la valeur combinée s’élevait à 131,7 millions de dollars et 12 projets du GTSR dont la valeur combinée s’élevait à 31,7 millions de dollars). La collecte et l’analyse des données primaires et secondaires comprenaient diverses sources, ainsi qu’une analyse du contenu de documents et des notes d’intervieweurs. Plus précisément, les éléments de preuve suivants ont été utilisés dans le cadre de l’évaluation :
- une analyse documentaire;
- un examen des documents liés aux programmes et aux projets; des stratégies pour le pays, le secteur et le programme d’AMC; les modèles logiques et les cadres de mesure du rendement des programmes; des rapports annuels; et des rapports d’évaluation;
- un examen des évaluations antérieures de programme-pays dans les États fragiles d’AMC;
- des entrevues d’informateurs auprès de différents acteurs, y compris le personnel d’AMC chargé de la programmation du développement et du GTSR ainsi que du programme d’aide humanitaire internationale, des représentants du gouvernement du Soudan du Sud, des représentants d’institutions des Nations Unies, des groupes de réflexion, des partenaires d’exécution non gouvernementaux ainsi que des représentants des donateurs partenaires (un total de 162 entrevues réalisées par des informateurs);
- il y a eu 9 discussions de groupes de consultation regroupant 87 bénéficiaires directs et membres du personnel de partenaires de mise en œuvre recrutés sur place dans le cadre de visites à Bor, dans l’État de Jongleï et à Torit dans l’État de l’Équatoria oriental/l’État d’Imatong;
- deux missions d’observation sur place à Bor, dans l’État de Jongleï et à Torit dans l’État de l’Équatoria/l’État d’Imatong;
- une séance de validation des observations préliminaires avec des parties prenantes à l’Administration centrale d’AMC.
1.3 Limites et lacunes
Des contraintes logistiques au Soudan du Sud ont eu une incidence négative sur la collecte de données à jour et fiables.
L’incertitude persistante dans tout le Soudan du Sud, pendant les phases de planification et de collecte des données, a rendu très difficile cette évaluation. La collecte de données primaires a donc été limitée dans sa portée. Plus précisément, il n’a pas été possible de recueillir des données quantitatives primaires au moyen des enquêtes auprès des parties prenantes ou des ménages. Avec la détérioration de la sécurité et la fermeture de l’ambassade du Canada en juillet 2016, il est devenu impossible de procéder à d’autres missions de collecte de données. Pour pallier ces contraintes, une plus grande importance a été accordée aux entrevues et à l’analyse documentaire en se fondant sur le jugement professionnel des évaluateurs quant à la fiabilité des données.
La validation des données probantes a été difficile en raison de l’absence de données quantitatives à jour et fiables au Soudan du Sud.
L’évaluation a tenté de réaliser un recoupement aussi complet que possible des faits. Toutefois, l’exclusion des enquêtes auprès des ménages et de sources d’information secondaires a entraîné un manque de données statistiques fiables et à jour, en plus de limiter les moyens de confirmation. En particulier, les données sous-jacentes, même de sources très respectées et crédibles, se fondaient souvent sur des modèles et des estimations concernant leurs statistiques les plus récentes (p. ex. l’évaluation pouvait seulement mettre en lumière des domaines pour lesquels l’information manquait parfois, ou devant faire l’objet d’une plus grande attention et d’un examen plus approfondi).
D’autres renseignements sont nécessaires au sujet de la cohérence des programmes; de la collaboration entre les programmes de secours d’urgence, de reconstruction, de développement à long terme et les modes d’exécution; ainsi qu’au sujet de la société civile et le dialogue sur les politiques.
Les résultats de cette évaluation se fondent sur l’analyse de données d’une portée plus limitée que souhaitable. Ils représentent les faits les plus complets et probants recueillis et analysés en cours d’évaluation. De même, certaines questions d’évaluation mentionnées dans le mandat d’évaluation initial ont dû être omises en raison d’un manque de données. En particulier, en raison de lacunes importantes concernant l’information recueillie pour cette évaluation, il a été difficile de tirer des conclusions solides sur : l’efficacité des modes officiels de coopération et d’exécution relatifs aux programmes de secours d’urgence, de reconstruction et de développement à long terme; la pertinence de la programmation pour la société civile; le dialogue sur les politiques.
2. Contexte
2.1 Soudan du Sud
Le 9 juillet 2011, après un référendum national organisé conformément à l’Accord de paix globalNote de bas de page 10 de 2005 et auquel avaient participé des citoyens dans le sud du Soudan et partout dans le monde, le Soudan du Sud est devenu le plus jeune pays de la planète. En raison d’un conflit violent s’étant poursuivi pendant des décennies, dans toute la zone géographique correspondant à l’actuel Soudan du Sud, et de la marginalisation découlant des politiques antérieures des gouvernements ayant leur siège à Khartoum, les nouvelles institutions nationales, ainsi que les nouveaux mécanismes de gouvernance et de prestation de services sociaux de ce pays étaient soit sous-développés, soit inexistantsNote de bas de page 11. C’est ainsi que, faute d’expérience en matière de gouvernance nationale, le nouveau gouvernement de la République du Soudan du Sud a dû faire face à des obstacles importants et à des enjeux de plus en plus difficiles sur les plans politique, économique, social et des droits de la personne.
Le pouvoir a été centralisé dans la capitale et structuré de façon à renforcer le sentiment d’appartenance patrimoniale et ethnique.
Le pouvoir politique a été centralisé à Djouba et les institutions étatiques étaient sous-développées, ne disposant pas de capacités, de ressources, ni de financement suffisants. Le gouvernement central a été structuré en fonction de considérations historiques et ethniquesNote de bas de page 12. La militarisation contribuait aussi à renforcer son pouvoir. Au sein des administrations centrales et de l’État, une structure hiérarchique rigide et une culture de déférence à l’égard de l’autorité auraient souvent été préjudiciables à l’efficacité de fonctionnaires « progressistes ». En définitive, cette situation s’est traduite par une absence de responsabilisation.
De nombreux indicateurs associés au développement étaient faibles pendant la période d’évaluation.
Le Soudan du Sud se classait parmi les cinq derniers pays en développement en ce qui concerne 11 indicateurs relatifs aux Objectifs du Millénaire pour le développement pour lesquels des données étaient disponiblesNote de bas de page 13. Il a obtenu le pire résultat sur 195 pays pour l’Indice de développement humain de l’ONUNote de bas de page 14. Le taux d’alphabétisation était de 27 % (40 % pour les hommes et seulement 16 % pour les femmes) et il était légèrement plus élevé chez les jeunes; 44 % des enfants en âge d’aller à l’école primaire fréquentaient une école. Le taux de mortalité maternelle s’établissait à 2 054 décès pour 100 000 naissances vivantes et le taux de mortalité infantile était supérieur à 10 %. Le taux de couverture vaccinale complète était de 17 %. Environ 38 % de la population devait marcher plus de 30 minutes, dans un sens seulement, pour aller chercher de l’eau potable et près de 80 % des Soudanais du Sud n’avaient pas accès à des installations sanitairesNote de bas de page 15.
L’insécurité alimentaire a été un défi important pour les populations rurales et urbaines.
La population principalement rurale dépendait de l’agriculture de subsistance. C’est ainsi que 78 % des ménages dépendaient de l’agriculture ou de l’élevage à petite échelle comme principal moyen de subsistanceNote de bas de page 16. Malgré le potentiel agricole, la population rurale était constamment touchée par l’insécurité alimentaire, les changements climatiques, la médiocrité de l’infrastructure routière et la difficulté d’accéder aux marchés. En 2013, 38 % des ménages étaient considérés comme étant exposés à une insécurité alimentaire modérée, et 11 %, à une insécurité alimentaire graveNote de bas de page 17.
Sa dépendance au pétrole a rendu le Soudan du Sud très vulnérable et freine sa croissance depuis 2012.
L’économie du Soudan du Sud dépend presque entièrement des revenus pétroliers, puisque 98 % des revenus du gouvernement et 60 % de son PIB dépendent de l’extraction et de la production de cette ressource naturelleNote de bas de page 18. En 2012, la mise hors service d’un oléoduc, à cause d’un conflit entre le gouvernement du Soudan et le gouvernement du Soudan du Sud, a presque complètement stoppé la production de pétrole dans les États d’Unité et du Haut-Nil, ce qui a eu des effets dévastateurs sur l’économie. Pour cette raison, le pays n’est pas en mesure de payer sa dette de centaines de milliards de dollars à ses créanciers.
Les violences contre les femmes et les inégalités entre les sexes sont des problèmes importants, qui se sont fortement accentués sous l’effet du conflit prolongé.
Pendant la période d’évaluation, les inégalités entre les sexes ont continué d’avoir de graves conséquences pour les femmes, notamment en raison de pratiques comme le mariage précoce, l’obligation d’effectuer de lourdes tâches ménagères et agricoles, ainsi qu’un accès limité à l’éducation. En outre, la violence dans les sphères familiale et publique était toujours présente et a augmenté avec l’afflux d’armes légères et de petit calibre pendant la guerre civile du Soudan. Plus spécifiquement, la violence sexuelle et sexiste touchait plus de la moitié de la population féminine âgée de 15 à 24 ansNote de bas de page 19. On a constaté un nombre élevé de mariages forcés d’enfants, d’échanges contre une dot et de cas, parfois violents, d’enlèvement et d’esclavage sexuel de femmes et d’enfants. Les femmes et les filles se sont régulièrement vu refuser l’accès à l’éducation et à des possibilités économiques, en plus d’être souvent tenues à l’écart des décisions ayant une incidence sur elles-mêmes et leur famille.
Le Soudan du Sud est de nouveau en proie à la violence, ce qui a pour effet d’accroître l’insécurité chronique et généralisée.
Pendant les premières années de l’indépendance, le Soudan du Sud a réalisé des progrès vers la mise en place de structures et de systèmes gouvernementaux, y compris des bases nécessaires au renforcement de l’économie, notamment grâce aux secteurs de l’extraction et de l’agriculture. Toutefois, en décembre 2013, un conflit aux plus hauts échelons du gouvernement du Soudan du Sud a ramené sur le devant de la scène des divergences et des doléances qui subsistent concernant les terres, les droits d’accès des gardiens de troupeaux, le droit d’accès aux ressources pétrolières et minérales. À cela s’ajoute la montée des tensions au sein du parti politique au pouvoir. Cette situation a provoqué un conflit armé très violent, souvent au détriment des populations civiles, y compris une crise humanitaire majeure, qui est venue s’ajouter à l’insécurité et au sous-développement chroniques existants. En août 2015, un accord précaire a été signé pour mettre fin au conflit.
Le Soudan du Sud occupe présentement le second rang de l’Indice des États fragiles (Fragile States Index) du Fund for Peace. Les conséquences de la violence à grande échelle ont été catastrophiques pour les civils. Depuis la création du pays, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées et plus de deux millions de civils ont été déplacés. Les combats se poursuivent principalement dans les États du Nord, comme Unité, Jongleï et le Haut-Nil. Une paix et une sécurité durables semblent toujours improbables pour l’instant, notamment pour les raisons suivantes : des problèmes politiques et économiques persistants avec le Soudan voisin; la crise budgétaire au Soudan du Sud; l’effritement d’une gouvernance et de structures de sécurité déjà faibles et limitées; la prolifération des armes légères et de petit calibre; le sous-développement; l’accès difficile aux services essentiels; l’insécurité alimentaireNote de bas de page 20. La corruption entrave de plus en plus le développement économique et social, et, la plupart du temps, dans l’histoire récente du pays, elle a aggravé les causes de conflit.
2.2 Engagement des donateurs au Soudan du Sud
Au Soudan du Sud, la communauté des donateurs était dirigée par la « troïka » formée d’importants acteurs politiques internationaux : les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège. Au sein du groupe de donateurs sur le terrain, le Canada occupait le 4e rang en 2011 et le 6e rang en 2014, parmi les 10 principaux donateurs.
De 2005 à 2011, le Canada, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni ont créé le Bureau conjoint des donateurs pour le Soudan du Sud. Sa mission officielle était de promouvoir les politiques renforçant les objectifs énoncés dans les Objectifs du Millénaire pour le développement, d’aider au travail du Fonds d’affectation spéciale multidonateurs (FASM), de gérer les programmes ne pouvant pas être mis en œuvre par le FASM et de favoriser l’harmonisation du travail des donateurs au Soudan.
Outre les donateurs, les Nations Unies étaient représentées par 20 agences travaillant dans tout le pays sur tous les aspects liés aux secours, à la reconstruction et au développement.
2.3 Programmation d’AMC au Soudan du Sud
L’évaluation porte sur la programmation canadienne en développement pendant une période de sept ans, laquelle a été gérée par le programme-pays pour le Soudan, pendant les deux premières années, puis par le Programme du Soudan du Sud, pendant les cinq années suivantes. L’évaluation couvre trois périodes distinctes : la période avant l’indépendance (2009 à 2011); les années après l’indépendance du Soudan du Sud (2011 à 2013); la période depuis la reprise de la guerre civile (2013 à 2016). En 2006, le Canada a inscrit le Soudan à la liste des États fragiles prioritaires.
De 2008 à 2013, une approche pangouvernementale a été mise en œuvre par le biais d’un groupe de travail formé de représentants de l’ancien MAECI, de l’ancienne ACDI, du MDN et de la GRC. Cette approche se concentrait sur trois objectifs : réprimer la violence et améliorer la sécurité; réduire la vulnérabilité et sauver des vies; renforcer la stabilité et la résilience à long terme. Pour aider à la poursuite de ces objectifs, la programmation canadienne de stabilisation et de reconstruction s’est concentrée sur : l’aide humanitaire et le redressement rapide, le dialogue sur les politiques et la consolidation de la paix, ainsi que la sécurité (c.-à-d. le soutien aux missions de maintien de la paix des Nations Unies). Pendant la même période, la programmation en développement avait pour objectif de renforcer les capacités à long terme en ce qui concerne la prestation de services de santé de base et la sécurité alimentaire, dans le but d’accroître la résilience et de réduire la vulnérabilité. Bien que l’intervention canadienne et la consultation entre la plupart des ministères membres du groupe de travail aient officiellement pris fin en 2013, les consultations et l’échange de renseignements se poursuivent à ce jour en ce qui concerne certains enjeux et la programmation au Soudan du Sud.
Le tableau 2 ci-dessous résume le rôle des ministères dans le groupe de travail sur le Soudan du gouvernement du Canada.
Tableau 2 : Groupe de travail sur le Soudan du gouvernement du Canada de 2009 à 2013
Groupe de travail sur le Soudan | Superviser la coordination des politiques, du soutien opérationnel et de la programmation de l’approche pangouvernementale du Canada pour le Soudan et le Soudan du Sud. |
---|---|
Programme de stabilisation et de reconstruction (GTSR, ancien MAECI) | Par l’entremise du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, le GTSR s’est occupé des activités suivantes : développer et réformer le secteur de la sécurité, soutenir le processus de développement constitutionnel, soutenir les initiatives de résolution des conflits à l’échelle communautaire, réduire les débris de guerre explosifs et renforcer la capacité des opérations de maintien de la paix. |
Ministère de la Défense nationale | Le ministère de la Défense nationale a fourni du personnel et de l’équipement à la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS) et plus tard, à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). |
Gendarmerie royale du Canada – Programme international de police et de maintien de la paix | La Gendarmerie royale du Canada a fourni des agents à la MINUS et à la MINUSS, afin de former et d’encadrer les policiers locaux travaillant au Soudan du Sud. |
Aide humanitaire et au développement (ancienne ACDI) | La Direction générale de l’Afrique, la Direction générale des programmes multilatéraux et la Direction générale des Partenariats pour l’innovation dans le développement se concentraient sur le renforcement des conditions nécessaires à la paix et à la prospérité, notamment un État plus fort et plus légitime; l’accès à des services de base et d’urgence pour les personnes vulnérables; et des citoyens plus résilients et productifs (particulièrement les jeunes à risque) ayant de meilleures conditions de vie. |
De 2009 à 2013, les interventions du Canada se sont surtout concentrées sur quatre États de la région, soit l’Équatoria oriental, Jongleï, le Bahr el-Ghazal septentrional et Unité. À mesure que la crise s’intensifiait, pendant le conflit de décembre 2013, et immédiatement après, l’aide humanitaire d’urgence du Canada a augmenté dans les États touchés, à savoir Jongleï, Unité et le Haut-Nil. Par ailleurs, la programmation en développement s’est poursuivie à leur niveau actuel dans les États moins touchés, comme l’Équatoria oriental et les trois États de la région du Bahr el-Ghazal.
La programmation en stabilisation et en reconstruction s’est concentrée sur la consolidation de la paix et le renforcement de la stabilité, par le biais d’une programmation en promotion de la sécurité. De 2009 à 2013, ces activités relevaient de la direction du GTSR de l’ancien MAECI et ont été financées par le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales (FPSM). Elles consistaient, entre autres, à accroître l’efficacité des missions onusiennes de maintien de la paix au Soudan. Il s’agissait aussi de favoriser un processus de paix constructif au Darfour ainsi qu’une solide coopération entre le gouvernement du Soudan du Sud, la société civile et les collectivités, de manière à répondre aux préoccupations des collectivités concernant la sécurité, à accroître la sécurité des civils et à réduire les pertes de vie chez les populations touchées par le conflit. À cela s’ajoutaient les efforts visant à renforcer la capacité des parties prenantes, dans le Nord et le Sud, à mettre en œuvre de manière pacifique les dispositions transitoires adoptées après le référendum.
Deux stratégies ont guidé la programmation en développement au Soudan du Sud pendant la période d’évaluation : le Cadre de programmation-pays du Soudan 2009-2014, approuvé avant que le Soudan du Sud ne devienne un pays indépendant, et le projet de Stratégie bilatérale de développement du Canada avec le Soudan du Sud 2014-2016.
Les trois domaines thématiques s’énonçaient comme suit : les enfants et les jeunes; la sécurité alimentaire; la gouvernance et la promotion de la démocratie. Ils occupaient une place prioritaire dans les deux documents d’orientation et ont permis la poursuite d’une approche cohérente de la programmation en développement dans le pays. Au niveau de la thématique des enfants et des jeunes, les premières années ont surtout consisté à renforcer les compétences et les moyens de subsistance de remplacement. En 2012, les efforts ont surtout porté sur les services de santé de base et la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE). Le Canada a aussi aidé à financer des activités de protection de l’enfance qui ont permis la réinsertion des enfants-soldats et la prévention du recrutement. Pendant toute la période d’évaluation, la sécurité alimentaire a été un secteur prioritaire pour le Canada, avec un accent particulier sur les moyens de subsistance alternatifs pour les jeunes, de 2009 à 2014; puis sur l’agriculture de subsistance axée sur les femmes, à partir de 2014. En ce qui concerne la planification de la gouvernance et la promotion de la démocratie, les efforts se sont concentrés sur les progrès en vue du référendum et d’autres processus électoraux, ainsi que sur le développement institutionnel par le biais d’initiatives du Fonds d’affectation spéciale pour le renforcement des capacités et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).
L’ancienne Agence canadienne de développement international (ACDI) a investi 452,3 millions de dollars au Soudan du Sud pendant les exercices 2009-2010 à 2015-2016 (tableau 3), et 102 millions de dollars additionnels de 2010-2011 à 2015-2016 en investissements directs dans la programmation en SMNE. La programmation en aide humanitaireNote de bas de page 21 représentait 37 % du montant total des investissements du Canada dans ce pays. La programmation bilatérale était surtout axée sur les enfants et les jeunes (31 %), suivis par la sécurité alimentaire (13 %) et la croissance économique durable (10 %). La promotion de la démocratie représentait moins de 2 % du financement de l’ACDI, l’accent étant mis sur le processus de référendum de 2011 et l’amélioration des systèmes de gestion financière du gouvernement à l’échelle de l’État. Un projet antimine a aussi été financé.
Tableau 3 : Décaissements liés à l’aide au développement canadienne de l’ACDI (2009-2010 à 2014-2015)
Secteur d’intérêt | Total des décaissements | Pourcentage du financement | Nombre de projets | |
---|---|---|---|---|
Aide humanitaire (Secteur des enjeux mondiaux et du développement) | 165,7 $ | 37 % | 72 | |
Enfants et jeunes (y compris la SMNE) | 142,4 $ | 31,4 % | 28 | |
Croissance économique durable | 47,2 $ | 10,4 % | 10 | |
Sécurité alimentaire | 60,8 $ | 13,4 % | 13 | |
Promotion de la démocratie | 6,8 $ | 1,5 % | 3 | |
Assurer la sécurité et la stabilité | 3,9 $ | 1 % | 1 | |
Non déterminé | 25,5 $ | 5,6 % | 8 | |
Total | 452,3 $ | 100 % | 135 |
Les dix principaux partenaires de l’ACDI au Soudan du Sud pendant cette période, selon les décaissements, étaient les suivants : Programme alimentaire mondial (PAM), Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Organisation mondiale de la Santé, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ministère du Développement international du Royaume-Uni, Organisation internationale pour les migrations et Vision mondiale Canada.
De 2009-2010 à 2012-2013, le GTSR a mis en œuvre 37 initiatives dans l’ensemble du Soudan (avant et après l’indépendance du Soudan du Sud), ce qui représente des investissements canadiens de 46,5 millions de dollars. La majorité de ces initiatives ont été mises en œuvre au Soudan du Sud (ou sud du Soudan avant l’indépendance), avec pour objectif d’améliorer la gouvernance et de renforcer la paix et la sécurité au niveau des collectivités. Ces efforts ont surtout pris la forme d’un soutien à la primauté du droit, y compris la justice, les services de police, les prisons et les dispositions du droit coutumier (46 % du total des décaissements réalisés pour le programme); à la sécurité des collectivités et au contrôle des armes de petit calibre, y compris la médiation et la résolution des conflits (36 % du total des décaissements réalisés pour le programme); à la réduction du danger posé par les mines et les restes explosifs de guerre (13 % du total des décaissements réalisés pour le programme).
Tableau 4 : Décaissements du GTSR de 2000-2010 à 2012-2013
Priorité du GTSR | Total des décaissements | Pourcentage du financement | Nombre de projets |
---|---|---|---|
Justice | 9,1 $ | 20 % | 3 |
Services de police et de sécurité | 8,0 $ | 17 % | 6 |
Sécurité des collectivités et contrôle des armements | 7,0 $ | 15 % | 2 |
Consolidation de la paix | 6,0 $ | 13 % | 8 |
Déminage | 6,0 $ | 13 % | 8 |
Services correctionnels | 4,3 $ | 9 % | 2 |
Processus de médiation et de paix | 3,6 $ | 8 % | 5 |
Ressources et conflits | 2,1 $ | 5 % | 1 |
Sensibilisation et promotion | 0,3 $ | 0,1 % | 2 |
Total | 46,5 $ | 100 % | 37 |
Les dix principaux partenaires au Soudan et au Soudan du Sud du GTSR pendant cette période, selon l’importance des décaissements, étaient les suivants : Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Agence allemande de coopération technique (GTZ), Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), groupe Private Agencies Collaborating Together (PACT), Forum des Fédérations, Organisation internationale de droit du développement (OIDD), Danish Demining Group (DDG), Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-HABITAT), Saferworld et Norwegian People’s AidNote de bas de page 22.
3. Constations
La section suivante présente les constatations de l’évaluation des programmes de développement, de stabilisation et de reconstruction au Soudan du Sud.
3.1 Pertinence
Q1.Dans quelle mesure les interventions du Canada relatives aux politiques et aux programmes répondaient-elles aux besoins de la population du Soudan du Sud?
Constatation 1 : Les stratégies des programmes et les opérations sur le terrain convenaient au contexte du Soudan du Sud et répondaient aux besoins nationaux et communautaires, qui différaient.
Pendant la période d’évaluation, le Soudan du Sud était l’un des pays les plus pauvres et les plus instables de la planète. Les besoins sociaux et économiques étaient criants dans tous les secteurs de l’économie. Le Canada a décidé de soutenir les services de santé, de lutter contre l’insécurité alimentaire et d’aider à renforcer la primauté du droit ainsi que la sécurité au niveau des collectivités. L’objectif consistait à s’attaquer à certaines causes sous-jacentes de l’instabilité et de la vulnérabilité. Il s’agissait aussi de créer des possibilités de paix et de développement à long terme pour les populations du Soudan du Sud.
Programmation en développement
Les investissements dans la programmation en développement ont été réalisés dans des secteurs où le Canada pouvait contribuer à changer les choses. Compte tenu des pratiques de financement conjoint au Soudan du Sud et de la création du Bureau conjoint des donateurs, AMC ne pouvait agir seul dans aucun secteur. Le Ministère a donc soutenu des projets qui étaient pertinents et en harmonie avec l’engagement des autres donateurs. AMC a travaillé dans des régions où d’autres donateurs étaient moins présents (p. ex. les États du Haut-Nil et d’Unité) jusqu’à ce que le conflit rende très difficile la poursuite des efforts dans ces régions. En outre, les investissements se fondaient sur une analyse des besoins du pays, nécessaire pour l’élaboration du cadre de développement du programme-pays et à la stratégie-pays pour le Soudan du Sud.
AMC a choisi de mettre à contribution des partenaires appartenant à différents niveaux de gouvernement. Le renforcement de la capacité a été assuré dans le cadre des programmes de développement et du GTSR pour les institutions de l’État, la société civile et les collectivités dans les secteurs de la santé, de l’agriculture, de la primauté du droit, de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes de petit gabarit, ainsi que de la réduction des dangers que représentent les mines terrestres et les munitions non explosées.
La majorité des projets étaient multisectoriels et complémentaires, combinant divers domaines thématiques, comme les jeunes, les femmes, le développement économique et la sécurité alimentaire. Ils convenaient au contexte du Soudan du Sud, qui nécessitait une approche holistique. Par exemple, le déminage favorisait la mise en œuvre de projets en agriculture en sécurisant des espaces agricoles. Grâce à la réduction de la violence armée et aux programmes de résolution pacifique des conflits, la sécurité accrue de la collectivité a contribué à faciliter l’accès aux services de santé.
Le Fonds commun pour la santé (FCS) a été l’initiative canadienne de développement la plus importante et ayant la plus grande portée au Soudan du Sud. Il s’agissait d’une initiative multidonateurs visant à fournir des services de soins de santé, en particulier aux mères et aux enfants, et à renforcer de façon harmonisée la capacité des services de santé gouvernementaux à l’échelle nationale, des États et des comtés. Le FCS était considéré par le ministère de la Santé du Soudan du Sud et par les partenaires internationaux du développement comme le pivot du système de santé. Dans le secteur de la santé, le projet « Renforcer les services de sage-femme », réalisé avec soutien du FCS, a été l’initiative phare du Canada. Il visait à constituer un bassin de travailleurs de la santé compétents et professionnels, avec un accent sur les sages-femmes, pour l’ensemble du pays, autant dans les régions urbaines que rurales.
La sécurité alimentaire a aussi occupé une place importante. Comme mentionné, l’insécurité alimentaire a touché plus de 40 % de la population pendant la période d’évaluation. Cette insécurité était nettement plus fréquente dans les ménages dirigés par une femme. Le programme canadien se concentrait sur des projets conçus pour stimuler la production d’aliments et soutenir la participation au marché de petits exploitants agricoles, y compris l’adoption de moyens de subsistance de rechange (p. ex. production de légumes et pêches). Notamment, ces projets visaient la partcipation des ménages à des activités de type nourriture contre travail et argent contre travail ; incluant la construction et la restauration des routes ; la sécurisation et la conversion des terres à des fins agricoles et la mise en place des cultures plus nutritives.
Outre une programmation ciblée dans le domaine de la santé – au profit des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE) –, les investissements canadiens en faveur des enfants et des jeunes au Soudan du Sud se concentraient sur les jeunes vulnérables des régions éloignées de la capitale. La programmation visait à réduire la vulnérabilité des jeunes femmes et hommes résultant de l’insécurité alimentaire et de l’absence d’activités de subsistance durables dans la région. Les investissements canadiens se fondaient sur les besoins des collectivités participantes et ont contribué à répondre aux besoins des jeunes en ce qui concerne l’éducation, l’agriculture et le bétail. Après la reprise du conflit en 2013, le Canada a aidé à répondre aux besoins urgents des jeunes touchés par la violence au moyen d’une programmation en apprentissage et en acquisition de compétences. À cela s’ajoutent des activités visant à favoriser la réinsertion des enfants soldats et à prévenir leur recrutement.
Programmation du GTSR
Par l’entremise du GTSR, le Canada a appuyé des projets de consolidation de la paix, de sécurité et de promotion de la primauté du droit qui ont eu du succès à tous les niveaux de la société du Soudan du Sud, que ce soit à l’échelle nationale ou à l’échelle communautaire, et les partenaires ont jugé que ces interventions convenaient au contexte opérationnel complexe et difficile. À l’échelle de l’État et conformément aux principes du CAD/OCDE pour les États fragiles, le Canada a contribué au renforcement de l’État en appuyant des programmes qui ont amélioré la capacité du gouvernement du Soudan du Sud à assurer la sécurité élémentaire de ses citoyens. Le renforcement à plus long terme de la stabilité et de la résilience était d’une importance primordiale pour le Cadre stratégique pluriannuel du Soudan du Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, 2010. Le même rapport donnait des exemples de régions de l’État ayant observé un renforcement de la capacité à mettre en place les dispositions postréférendaires, de la capacité du Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères, grâce à de la formation, à de l’équipement et à la capacité de réaction des services de police du Soudan du Sud. Ces programmes convenaient aux besoins macroéconomiques du nouveau pays qui n’avait pas la capacité d’entreprendre les réformes juridiques et du secteur de la sécurité nécessaires à une progression à long terme vers une bonne gouvernance et la consolidation de la paix. Des représentants d’ONG internationaux citaient régulièrement l’attention particulière accordée au renforcement de l’État dans de nombreuses approches de donateurs au Soudan du Sud, en particulier pendant les périodes de l’Accord de paix global et du référendum.
Approche de la programmation générale
En règle générale, les partenaires internationaux de mise en œuvre s’entendaient sur la nécessité que les donateurs poursuivent des priorités de programmation générales au-delà de la capitale, Djouba. Selon de nombreux partenaires, les donateurs accordaient, pour la plupart, une moins grande importance au travail réalisé au niveau des collectivités : une question manifestement importante, mais que l’on semblait avoir négligée. À l’échelle macro, les efforts ont occupé une place importante dans les initiatives de la communauté internationale pour renforcer l’État au Soudan du Sud. Toutefois, les programmes canadiens de développement et les initiatives financées par le GTSR étaient aussi conçus de manière à favoriser les liens entre l’État et les citoyens, en plus de mettre à contribution plusieurs niveaux de gouvernement. L’approche canadienne ne se limitait pas à la coopération avec le gouvernement national du Soudan du Sud. C’est ainsi qu’elle a permis de mieux faire ressortir les liens importants entre ce dernier et sa population. Selon les partenaires de mise en oeuvre, l’accent mis par le Canada sur le renforcement des capacités du Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères (BSCCAL), dans le cadre de la programmation du GTSR, s’est avéré important pour renforcer la capacité du gouvernement de remédier à l’insécurité et, dans le même temps, d’accroître la résilience des collectivités face à la violence et à l’insécurité. Les efforts de développement du Canada visant à fournir des services de santé, tout en renforçant la capacité du ministère de la Santé de fournir et de superviser l’accès à des services de base, étaient considérés comme particulièrement utiles, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la capitale.
Q2. Dans quelle mesure la programmation respectait-elle les priorités canadiennes?
Constatation 2 : La programmation au Soudan du Sud était conforme aux priorités du gouvernement du Canada.
Pendant la période d’évaluation, les activités au Soudan du Sud correspondaient aux priorités du gouvernement du Canada. L’engagement soutenu du Canada relativement aux priorités de politiques étrangères du Soudan du Sud (c.-à-d. la liberté, les droits de la personne et la primauté du droit) était étroitement lié aux intérêts de sécurité du Canada. La programmation au Soudan du Sud correspondait aussi aux thèmes prioritaires de l’enveloppe de l’aide internationale : stimuler la croissance économique durable, accroître la sécurité alimentaire, assurer l’avenir des enfants et des jeunes, promouvoir la démocratie et assurer la sécurité et la stabilité. Selon une analyse des documents de planification couvrant la période de 2009 à 2016, il a été établi que les décisions concernant le financement étaient harmonisées au Cadre de programmation-pays 2009-2014, ainsi qu’à l’ébauche de la Stratégie bilatérale de développement du Canada avec le Soudan du Sud, 2014-2016.
En outre, les objectifs du programme de GTSR pour le Soudan et le sud du Soudan comprenaient le soutien à la mise en œuvre de l’Accord de paix global entre le Nord et le Sud et la mise en œuvre du référendum sur l’indépendance en 2011. Il s’agissait de deux objectifs en matière de politique étrangère du gouvernement du Canada au Soudan du Sud.
La poursuite des objectifs de l’Initiative de Muskoka, lancée en 2010 et axée sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants (SMNE), faisait partie des grandes priorités de développement du Canada au Soudan du Sud. Conformément aux priorités thématiques transversales du Canada, langage contenu dans la documentation des projets tenait compte des genres; ceci était le cas pour tous les projets de développement visés par cette évaluation. Pendant les entrevues, les partenaires de mise en oeuvre ont insisté sur le fait que leurs projets étaient guidés par des stratégies ou des politiques tenant clairement compte de la problématique en matière d’égalité entre les sexes. Toutefois, il est à noter que, même si les documents de programme et de projet mentionnaient la nécessité de tenir compte des sexospécificités, cette évaluation n’a pas permis de vérifier si cela avait contribué à améliorer la situation sur le terrain.
Constatation 3 : La programmation était conforme à un grand nombre de principes régissant les bonnes pratiques dans les États fragiles, mais il aurait été possible d’en faire davantage.
Pendant la période d’évaluation, la programmation au Soudan du Sud s’est poursuivie dans un cadre qui ne correspondait pas au contexte normal dans des pays en développement stables. Par conséquent, cette évaluation visait aussi à comprendre les autres considérations ayant influé sur la pertinence de la programmation canadienne dans ce pays, du fait de la complexité et de la fragilité de la situation. Il s’agissait aussi d’évaluer le respect par le Canada des meilleures pratiques et des principes internationaux. Ces considérations s’inspiraient de celles énoncées dans les Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires de l’OCDE, 2007. Elles s’inscrivaient aussi dans le prolongement des lignes directrices produites par le Comité sur les conflits et les situations de fragilité du sous-ministre, qui renforçaient et concrétisaient les recommandations du rapport de juillet 2009, Maintenir l’engagement du Canada dans les États fragilisés et les situations de conflits.
Il ressort de l’évaluation que les Principes ont été pris en compte dans la conception des programmes de développement et du GTSR. Toutefois, les renseignements obtenus en cours d’évaluation n’ont pas permis de conclure que tous les Principes avaient été pleinement intégrés, et cela de manière réfléchie et avec documents à l’appui, au programme de développement de portée plus générale. Une analyse détaillée est présentée à l’annexe 2. AMC a intégré les Principes à sa programmation. Toutefois, AMC aurait pu en faire plus en établissant des liens structuralement entre les objectifs liés à la sécurité et au développement ainsi qu’en exprimant clairement et en précisant les engagements plus prévisibles dans les secteurs du développement.
3.2 Efficacité
Q3. Dans quelle mesure le Canada a-t-il obtenu les résultats escomptés au Soudan du Sud?
Constatation 4 : Une programmation en développement ciblée dans les secteurs de la santé et de la sécurité alimentaire a contribué à l’atteinte de résultats au niveau des projets. La programmation de stabilisation et de reconstruction a contribué de manière limitée à améliorer la paix et la sécurité. Toutefois, il est probable que la persistance du conflit ait été préjudiciable à ces réalisations.
AMC a joué un rôle utile pour assurer la santé, la sécurité alimentaire, la paix et la stabilisation au Soudan du Sud. Un des principaux résultats auxquels le Ministère a participé est l’amélioration de l’accès aux services de santé pour les femmes et les enfants. En 2015, le financement d’AMC par le biais du Fonds commun pour la santé avait contribué à rendre opérationnels 563 établissements de soins de santé primaires et 15 hôpitaux dans 6 États sur 10. L’incidence de la programmation d’AMC sur les services néonataux était particulièrement évidente, y compris la contribution du Canada en sauvant la vie de milliers de personnes grâce à l’obstétrique d’urgence.
S’agissant du programme de développement, l’évaluation a permis de conclure qu’un nombre important de projets de l’échantillon ont donné des résultats. Il n’y avait pas de renseignements détaillés disponibles sur les résultats de plusieurs projets, mais il importe de rappeler la difficulté d’obtenir, de maintenir et de mesurer les résultats aux niveaux intermédiaires dans les États fragiles. Selon les données sur la réalisation réussie des extrants, des résultats immédiats liés à l’accessibilité ont été obtenus dans certains cas, avec pour effet d’améliorer l’accès des enfants et des femmes à des services de base dans l’ensemble du Soudan du Sud. Les investissements canadiens en matière de développement et de stabilisation visaient, entre autres, les améliorations suivantes :
- éducation – la construction d’écoles primaires, la formation des enseignants et la distribution de fournitures scolaires, comme des manuels;
- santé – la fourniture d’eau potable et de services d’assainissement;
- protection de l’enfance – l’augmentation des données des registres et statistiques de l'état civil, comme les déclarations de naissance, la formation sur les compétences d’urgence essentielles liées aux risques et aux dangers que représentent les munitions non explosées, l’augmentation de la surveillance et du signalement des violations des droits des enfants ainsi que le soutien psychologique aux enfants auparavant associés aux forces de combat;
- sécurité de la collectivité – la capacité accrue du Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères d’analyser les causes de l’insécurité locale et de susciter un débat sur ces questions à l’échelon politique;
- résolution pacifique des conflits par la collectivité – l’augmentation des stratégies d’atténuation pour résoudre les conflits entre les collectivités.
Des résultats immédiats et intermédiaires en matière de sécurité alimentaire ont été obtenus, mais pas maintenus à cause de la reprise du conflit en 2013. Le conflit a nécessité la suspension ou le déplacement de quelques projets. Néanmoins, les investissements du Canada dans la production agricole et la formation ont contribué à améliorer la sécurité alimentaire globale, mais à cause du conflit interne prolongé, la plupart des gains liés à la sécurité alimentaire ont été perdus.
Plus de 95 % des projets relatifs à la sécurité alimentaire et des projets ciblant les jeunes pour la période de 2009 à 2015 faisant partie de l’échantillon examiné dans le présent rapport ont contribué à augmenter les possibilités de consolidation de la paix dans la collectivité. À titre d’exemple, mentionnons le projet concernant la paix et les moyens de subsistance au profit des femmes, qui a entraîné la création de comités communautaires pour la paix collaborant avec des groupes traditionnels pour rétablir la paix. Pendant toute la durée du projet, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 560 %. Malgré la montée de l’insécurité et de la violence observée dans la majeure partie du pays depuis 2013, force est de constater que des groupes œuvrant au développement des femmes ont été des alliés importants dans la promotion de l’agriculture, de la gouvernance, de l’égalité des sexes et de la consolidation de la paix.
Les efforts du Canada pour aider au renforcement de l’État, par le soutien du GTSR au processus de réforme constitutionnelle, ont aidé à améliorer les compétences et les connaissances permettant d’appliquer les arrangements postréférendaires prévus. La création du Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères a aidé à coordonner la sécurité et le contrôle des armes au niveau des collectivités, en plus d’encourager la collaboration entre les différentes parties prenantes. Selon les données examinées aux fins d’évaluation, les investissements du GTSR – sous forme de formation, de matériel et d’infrastructures – ont permis d’accroître légèrement la capacité d’intervention des services de police du Soudan du Sud. Toutefois, ces efforts n’ont eu qu’un impact limité sur la création d’un environnement sûr et pacifique.
Des enjeux de portée plus générale, comme la méfiance des citoyens à l’égard des institutions nationales et l’incapacité de procéder au désarmement complet de la population, ont été préjudiciables aux efforts spécifiques en faveur du désarmement et de la professionnalisation du secteur de la sécurité. Les résultats liés au déminage, à la sensibilisation aux risques et au renforcement des capacités nationales illustrent bien cette influence limitée et fragile sur la paix et la sécurité. Pendant la majeure partie de la période d’évaluation, la programmation en déminage a permis d’assurer la sécurité physique par la dépollution des terres en vue de leur réutilisation. Toutefois, après la reprise du conflit, en décembre 2013, de nombreux gains et résultats au niveau des collectivités, obtenus grâce à cette programmation, ont été perdus, notamment parce que de nouvelles mines ont été posées, et en raison de la détérioration générale de la sécurité.
Constatation 5 : Le Canada a agi avec efficacité et a exercé une influence positive sur la création et la gestion de relations avec le gouvernement du Soudan du Sud et d’autres donateurs partenaires, ce qui a influé sur l’orientation des politiques et l’approche au Soudan du Sud.
L’approche du Canada pour le dialogue sur les politiques au Soudan du Sud prenait en compte les normes existantes en matière de culture d’entreprise dans le pays et le besoin de souplesse et d’une action rapide. Lorsque c’était nécessaire, le Canada a maintenu une solide présence au sein des initiatives officielles des donateurs partenaires. À ce titre, le Canada a été un membre actif de six fonds communs, auxquels il a aussi donné des conseils, au cours de la période d’évaluation, soit : le Fonds d’affectation spéciale multidonateurs; le Fonds d’affectation spéciale pour le renforcement des capacités; le Fonds pour le relèvement du Soudan; le Fonds humanitaire commun; et le Fonds commun pour la santé. AMC a aussi coprésidé le groupe d’assistance électorale et a été membre du groupe de travail conjoint des donateurs sur la stabilisation. De 2007 à 2013, le Canada a fait partie de l’Équipe mixte des donateurs aux côtés des gouvernements des Pays-Bas, de la Norvège, de la Suède et du Royaume-Uni. Les objectifs de l’Équipe mixte des donateurs étaient de fournir une analyse et des conseils stratégiques aux donateurs travaillant au Soudan du Sud; de gérer les fonds communs; et de servir de principal point de liaison avec le gouvernement du Soudan du Sud.
Le Canada a aussi utilisé sa relation privilégiée de longue date, établie grâce aux efforts soutenus de chefs de la coopération consécutifs, avec le ministère et le ministre de la Santé afin d’avoir une incidence concrète sur les politiques et l’orientation. Le Canada a été félicité par ses partenaires internationaux pour avoir accru la sensibilisation aux violations des droits de la personne (y compris les violations des droits des femmes) et à la nécessité d’accroître la responsabilité du gouvernement. L’ambassadeur du Canada à Djouba a été largement reconnu comme étant l’un des diplomates actifs les plus informés et engagés pendant la période visée par le rapport, alors que les activités de développement canadiennes et le chef de l’Aide étaient tenus en haute estime par le ministère de la Santé. La présence continue du personnel du programme de développement s’occupant de la question de la santé a permis d’établir de solides relations qui ont aidé à obtenir des résultats dans ce secteur, comme la priorisation de la SMNE dans la stratégie de santé du gouvernement. Au moment de l’évaluation et par le biais de la programmation du développement canadienne, le Canada était coprésident du groupe de travail intermédiaire sur le renforcement des cadres de la santé et un partenaire du Forum sur la santé reproductive et de l’examen des politiques sur la santé. En tant que coprésident du groupe de travail sur le secteur de la santé, le Canada a contribué à renforcer le dialogue et la coopération avec le gouvernement du Soudan du Sud, particulièrement en ce qui concerne la responsabilité pour les budgets existants et le financement approprié des districts de santé. Le Canada a aussi dirigé un recensement complexe des investissements des partenaires internationaux pour aider le ministère de la Santé à planifier son budget.
La programmation en stabilisation du Canada était étayée par son expérience au sein du groupe de travail sur la stabilisation de l’Équipe mixte des donateurs aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis. Toutefois, l’échange de renseignements et les possibilités d’approches conjointes en ce qui a trait aux efforts de stabilisation du Canada ont été abandonnés lorsque la programmation du GTSR s’est terminée en 2013.
Constatation 6 : Les programmes de développement et du GTSR au Soudan du Sud ont travaillé de concert et ont échangé des renseignements entre eux à Djouba. Toutefois, il n’y avait pas de mécanisme de coordination systématique ou officiel obligeant les deux programmes à viser des résultats communs ou à lutter contre des facteurs de conflit mutuellement priorisés.
Depuis ses débuts en 2006 et jusqu’à sa dissolution en 2010, le groupe de travail sur le Soudan constituait une occasion unique d’échanger des renseignements et de collaborer pour les ministères canadiens travaillant au Soudan du Sud. L’évaluation a permis de conclure que le groupe de travail était un mécanisme utile pour échanger des renseignements sur la sécurité des activités canadiennes au pays. Le groupe de travail se réunissait chaque semaine et il était dirigé par l’ancien ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI). Ces réunions permettaient aux membres d’échanger des renseignements sur les problèmes de sécurité et de se tenir au courant de leurs activités respectives, mais elles n’avaient pas pour but la coordination de la programmation entre les ministères membres. Il n’y avait pas de coordination officielle ou structurée.
Au Soudan du Sud, les programmes de développement et du GTSR ont partagé le bureau de Djouba pendant la majeure partie de la période d’évaluation. Le partage des locaux a donné l’occasion au personnel des programmes de savoir ce que tous les programmes planifiaient en temps réel, et a donné lieu à des possibilités de coordination sur le terrain – que ce soit sur le plan géographique ou thématique. La perception commune des répondants à AMC dans le cadre de l’évaluation était que même si l’échange de renseignements avait aidé à éviter le dédoublement, la programmation avait tout de même tendance à agir de façon indépendante en ce qui a trait aux objectifs de la programmation. Selon les répondants, l’intégration entre les programmes d’AMC était perçue comme étant limitée par la culture ministérielle, où chaque canal de prestation protégeait son espace. De plus, chaque programme était responsable de la gestion des résultats en fonction de modèles logiques distincts et indépendants, prenant en compte des méthodes d’approbation et des délais différents.
Constatation 7 : Les investissements du Canada dans le renforcement des capacités ont été particulièrement efficaces et complémentaires lorsqu’ils aidaient à étendre l’influence du gouvernement et s’inscrivaient dans une vision à long terme.
Compte tenu de la faible capacité des groupes de la société civile, de la fonction publique et de tous les ordres de gouvernement, le renforcement des capacités était un enjeu primordial du développement, de la stabilisation et de la reconstruction au Soudan du Sud. Peu d’éléments constitutifs de l’État existaient avant son indépendance. Le niveau d’études exceptionnellement peu élevé, en général, d’un nombre important de fonctionnaires, conjugué à l’absence de structures et de procédures de base dans les organismes gouvernementaux et locaux, avait pour effet d’aggraver la situation. Les partenaires du Soudan du Sud interrogés pour la présente évaluation croyaient que les stratégies de renforcement des capacités les plus efficaces étaient celles combinant une formation officielle et un renforcement des compétences pratiques pendant une plus longue période.
Les investissements canadiens du GTSR dans le renforcement des capacités par le biais du Bureau de la sécurité des collectivités et du contrôle des armes légères étaient une importante façon d’aider le gouvernement du Soudan du Sud à répondre aux besoins de la population en matière de sécurité à l’échelle de la collectivité. Cependant, cette approche concernant le renforcement des capacités a limité les résultats. Le soutien du Canada au renforcement des capacités locales et de l’État a amélioré les conditions entourant les partenariats et la collecte de renseignements sur des questions liées à la sécurité, mais en général, les partenaires estimaient que le renforcement des capacités de l’ensemble de la collectivité ou de la société civile était déficient. L’approche en ce qui a trait au renforcement des capacités pour les projets de stabilisation à l’échelle de la collectivité était considérée comme trop axée sur la formation à court terme comme les ateliers et les séminaires. D’autres investissements dans le renforcement des capacités à l’échelle nationale relativement au déminage ont été moins efficaces pour renforcer la capacité de l’organisme de déminage national de coordonner, mettre en œuvre et surveiller l’accès sécuritaire aux terres.
Étant donné que le faible niveau d’études et l’inexpérience généralisée en matière de gouvernance entravaient depuis longtemps les investissements du Canada dans le renforcement des capacités, le programme de développement a aussi investi dans le remplacement général des capacités, pour aider les organismes gouvernementaux à combler les lacunes les plus urgentes. Le renforcement des capacités du gouvernement liées aux fonctions essentielles de l’État a cessé lors de la crise de décembre 2013, mais il s’est ensuite poursuivi, tout comme le remplacement des capacités, pour les services de base en santé. Ce remplacement des capacités a parfois été effectué au détriment d’une vision à plus long terme du renforcement des capacités. Par exemple, les initiatives de développement comme la contribution du Canada à l’initiative de remplacement rapide des capacités visaient à combler les lacunes en gestion publique du tout nouvel État indépendant à l’échelle nationale. À l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement, l’initiative a été conçue pour offrir une capacité de remplacement immédiate ou combler des lacunes liées à des postes essentiels de l’administration publique et renforcer la capacité institutionnelle des structures de gouvernance du Soudan du Sud. Le projet a remplacé des fonctionnaires par des conseillers techniques internationaux qui ont fait le travail, plutôt que de se concentrer sur le mentorat et le renforcement de la capacité des membres du personnel à assumer ces fonctions eux-mêmes. Le projet n’a offert qu’une assistance technique à court terme à un nombre limité de personnes.
Parmi les projets de développement faisant partie de l’échantillon de l’évaluation, 2 sur 17 étaient consacrés au renforcement des capacités, même si les projets en santé et en agriculture comprenaient tous un volet sur le renforcement des capacités. Les activités de renforcement des capacités durant moins de cinq ans n’étaient pas assez longues pour réellement modifier les pratiques agricoles et les comportements des producteurs de façon à répondre aux besoins liés à la sécurité alimentaire. D’un autre côté, les investissements relatifs au renforcement des capacités en santé ont eu des conséquences positives et ont bénéficié d’une approche constante et à long terme dans le secteur de la SMNE. L’efficacité du programme a été démontrée par le nombre accru de sages-femmes capables de travailler à l’échelle locale et par une meilleure capacité du ministère de la Santé à s’adresser aux collectivités et à les mobiliser. L’analyse documentaire a permis de constater que 1 projet sur 17 ne correspondait pas du tout aux réalités sur le terrain au Soudan du Sud en ce qui a trait aux ressources disponibles et aux modes d’échange de connaissances, faisant en sorte que le projet était inefficace pour accroître les capacités des médecins locaux. Les participants aux entrevues ont affirmé que l’utilisation de modules de formation sur Internet était inappropriée, étant donné le contexte et l’absence d’accès à Internet haute vitesse.
Q4. Dans quelle mesure la programmation au Soudan du Sud cadrait-elle avec les pratiques exemplaires pour les États fragiles ou touchés par un conflit?
Constatation 8 : Les facteurs de conflit n’étaient pas toujours bien pris en compte dans les décisions sur la programmation en développement et celle du GTSR.
La période allant de l’indépendance du Soudan du Sud en 2011 jusqu’à l’automne 2013 (avant le conflit) a été caractérisée par l’optimisme des acteurs internationaux. Les entrevues auprès des partenaires humanitaires et de développement internationaux travaillant au Soudan du Sud ont mis en évidence une lacune observée pendant cette période concernant la complexité de compréhension par tous les acteurs internationaux envers la dynamique du pouvoir, les facteurs de conflit, les sensibilités culturelles et les pratiques au Soudan du Sud.
Le conflit était un problème fondamental et inévitable au Soudan du Sud, puisqu’il avait une incidence sur tous les aspects du développement et de la stabilisation. Même si la programmationen développement et du GTSR indiquait clairement son lien avec la programmation pertinente au pays, aucune analyse suffisamment détaillée et complexe du conflit n’a permis d’éclairer la conception de la programmation et de mieux s’attaquer aux causes profondes de la violence communautaire, tribale ou nationale. Dans les projets de l’échantillon, rien n’indiquait que le conflit avait fait l’objet d’une analyse continue et rigoureuse prenant en compte les connaissances et les besoins des populations locales, y compris les différents contextes au niveau des payam (comtés) et des boma (villages).
Dans le contexte canadien, l’évaluation n’a pas révélé de renseignements adéquats liés aux projets de l’échantillon confirmant que les facteurs de conflit ont été pris en considération dans la programmation endéveloppement et du GTSR pendant cette période. Certains documents ont montré que la planification du développement pour des problèmes comme l’insécurité alimentaire permettait de lutter contre l’insécurité découlant de la famine et qu’elle favorisait donc la promotion de la paix et de la stabilité. Peu de données démontraient que les projets de développement et du GTSR documentaient les risques et les conséquences interreliés de leurs objectifs sur ceux des autres programmes, ainsi que sur les bénéficiaires pour lesquels ces projets ont été conçus.
Parfois, des décisions pour l’ensemble du Ministère ont entraîné des changements dans la programmation qui ne prenaient pas toujours en considération des facteurs de conflit communément admis au Soudan du Sud. Par exemple, lorsque la SMNE est devenue le centre d’intérêt de l’engagement en matière de développement en 2010, les ressources ont été redirigées de la programmation destinée aux enfants et aux jeunes sur la protection et l’autonomisation des enfants vers des projets axés sur la SMNE. Même si le changement de priorité n’était pas moins pertinent pour le Soudan du Sud, les répondants ont indiqué que cette décision a signifié l’abandon d’un certain nombre d’initiatives qui s’occupaient directement des problèmes liés aux jeunes de façon correspondant beaucoup mieux aux défis liés aux facteurs de conflit au Soudan du Sud, et par conséquent, aux causes de la fragilité; soit les défis associés à la nécessité de s’occuper des jeunes sans emploi, marginalisés et militarisés, puisqu’ils pourraient représenter de futurs facteurs de conflit.
Malgré de solides preuves que le renforcement des capacités du gouvernement du Soudan du Sud était un problème crucial, la décision du Ministère de faire de la gouvernance un thème transversal plutôt qu’un thème prioritaire pour l’ensemble de la programmation en développement complique la lutte aux problèmes de gouvernance au Soudan du Sud depuis 2012. Selon plusieurs répondants, les propositions de projets relatifs à la gouvernance ont par la suite fait l’objet d’examens minutieux.
Il importe de souligner que des initiatives d’autres donateurs en matière de gouvernance ont aussi été rejetées ou ne se sont pas concrétisées lorsque le conflit a éclaté en décembre 2013. Cette situation découlait, en partie, d’une décision conjointe des donateurs de ne conserver que le soutien à la prestation des services de base jusqu’à ce que la paix soit fermement établie et que toutes les parties concernées respectent les modalités de l’accord de paix et de cessez-le-feu. D’après les répondants, le Canada était mieux placé que la plupart des donateurs pour travailler sur la gouvernance, puisque de multiples ordres de gouvernement étaient déjà engagés au pays et qu’il appuyait des activités mises en œuvre par un certain nombre de partenaires différents.
Les activités du GTSR au Soudan du Sud ont pris fin en mars 2013, après la réalisation du mandat du groupe de travail sur le Soudan à AMC. À l’époque, cette décision avait soulevé des objections de la part de principaux informateurs au Soudan du Sud qui étaient au courant des activités de stabilisation et de reconstruction au pays. Ces répondants ont affirmé que la fin du GTSR avait laissé un vide, notamment parce qu’ils étaient d’avis que ce groupe aurait été particulièrement pertinent pendant la période postérieure à 2013. Le programme du GTSR était reconnu pour ses initiatives d’avant-garde pour intervenir dans les situations de crise et de conflit. Comme l’a déclaré un représentant d’un organisme partenaire : « Grâce au GTSR, le Canada est vraiment parvenu à établir un bon équilibre entre les programmes et la portée des innovations auxquels ils ont contribué. »
Au terme de la programmation du GTSR au Soudan du Sud, le Canada n’était plus membre du groupe de coordination de la stabilisation des donateurs aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis. Avec du recul, cela signifiait que le personnel de ce programme n’avait pas accès à des renseignements importants et à des possibilités d’approches conjointes concernant les efforts de stabilisation dans le pays au moment où il en avait le plus besoin. L’élimination du GTSR du portefeuille de programmes du pays a entraîné le retrait d’outils essentiels qui avaient déjà permis d’assurer la pertinence des interventions du Canada et de répondre aux besoins des populations très vulnérables.
Q5. Les interventions pour s’attaquer à des enjeux transversaux, comme l’égalité entre les sexes, la viabilité de l’environnement et la gouvernance, par un dialogue sur les politiques et des investissements dans des projets, ont-elles eu une incidence, intentionnelle ou non?
Constatation 9 : Des gains ont été obtenus par rapport aux thèmes transversaux, particulièrement en matière d’égalité entre les sexes.
La participation active du Canada au Bureau conjoint des donateurs par le biais du programme de développement a aidé le ministère de la Protection sociale et des Affaires relatives aux femmes et aux enfants à renforcer sa capacité à relever les défis en matière d’égalité entre les sexes partout au pays; en élaborant la politique nationale sur l’égalité entre les sexes et en renforçant ses capacités nationales concernant la rédaction de textes législatifs tenant compte des enjeux liés à l’égalité entre les sexes. Selon le ministère de la Protection sociale et des Affaires relatives aux femmes et aux enfants, l’initiative a contribué à améliorer la compréhension des principes d’égalité entre les sexes et des droits des femmes.
Selon le ministère de la Santé, de 2011 à 2013, le nombre d’obstétriciens au Soudan du Sud est passé de 5 à 105; et le nombre de gynécologues, de 5 à 30, dans différentes régions du pays. De plus, 250 sages-femmes autorisées ont été déployées dans tout le pays. Selon les estimations par modèle de la Banque mondiale, le taux de mortalité maternelle est passé de 823 pour 100 000 naissances vivantes en 2010, à 789 pour 100 000 naissances en 2015Note de bas de page 23. Le taux de mortalité infantile chez les enfants de moins de 5 ans est passé de 96 pour 1 000 en 2010, à 93 pour 1 000 en 2015Note de bas de page 24. L’Organisation mondiale de la Santé a estimé que le nombre de femmes ayant reçu des soins obstétriques d’urgence a quadruplé, passant de 851 en 2012, à 3 526 en 2014. Bien que ces chiffres ne soient que des estimations et qu’ils peuvent découler de nombreux facteurs autres que la programmation en développement d’AMC, la perception d’une certaine amélioration a été confirmée de façon indépendante par les entrevues auprès du personnel du programme et plusieurs organismes partenaires.
Constatation 10 : Le programme avait un accès limité à l’expertise nécessaire à la mise en œuvre des thèmes transversaux, dont l’environnement, l’égalité entre les sexes et la gouvernance.
Les spécialistes à l’Administration centrale ont confirmé que même si le travail des experts du secteur continuait d’évoluer, la qualité et l’ampleur du soutien qu’ils étaient en mesure de fournir aux responsables des opérations à partir de l’Administration centrale avaient beaucoup diminué au fil des ans. Le nombre de spécialistes au sein du Ministère avait aussi diminué et ils ne pouvaient plus offrir de soutien en amont, ni assurer le contrôle de la qualité à l’échelle des projets. Par conséquent, le personnel du Ministère sur le terrain était de plus en plus responsable de la gestion des thèmes transversaux par l’entremise de spécialistes recrutés sur place.
Même si le personnel du programme avait accès à un conseiller en matière d’égalité des sexes durant la phase d’évaluation des projets, cette expertise n’était pas offerte dans le cadre de la surveillance des projets. Malgré ces défis, l’évaluation a conclu que des efforts réels ont été déployés en ce qui concerne l’égalité des sexes. Dans l’ensemble, le programme de développement respectait les analyses requises en vertu des politiques ministérielles sur l’égalité entre les sexes. Le programme de développement accordait la priorité à l’égalité entre les sexes dans sa stratégie de développement et ciblait la vulnérabilité des femmes dans ses documents de planification. Une attention particulière était accordée à la participation des femmes et des filles aux opérations de développement et du GTSR, surtout en raison de l’analyse de l’égalité entre les sexes que tous les projets de développement devaient réaliser.
Autant les projets de développement que ceux du GTSR ont intégré dans leurs rapports des données de surveillance ventilées sur les hommes et les femmes. De plus, les travaux sur les genres, par le biais de projets liés à la SMNE, étaient un moyen important pour le Canada d’aborder la question de l’égalité entre les sexes, par le biais de sa programmation en développement. Les listes de vérification ministérielles ont été adéquatement remplies, les documents de planification traitaient de facteurs pertinents à prendre en considération et les rapports annuels au sujet du pays décrivaient les progrès réalisés quant aux objectifs fixés liés aux genres. Pourtant, l’évaluation a constaté une capacité réduite à communiquer le concept de l’égalité entre les sexes à titre de thème transversal du programme pour le Soudan du Sud.
En ce qui concerne le domaine de la viabilité de l’environnement, le personnel avait accès à des spécialistes travaillant à l’Administration centrale et à l’échelle régionale. Les liens entre les changements climatiques et le conflit ont été clairement reconnus dans l’analyse du programme sur la viabilité de l’environnement pour la période de 2009-2014, qui indiquait que le stress environnemental était à l’origine des conditions ayant causé l’émergence de la situation de conflit, qui a ensuite été alimentée par des différences politiques, tribales ou ethniques. Toujours selon l’analyse, il s’agit là d’un exemple tragique de l’effondrement social pouvant résulter d’un effondrement écologique. La paix à long terme dans la région ne serait possible que si ces problèmes sous-jacents et étroitement liés en matière d’environnement et de moyens de subsistance sont résolus. L’analyse se terminait en indiquant que pour défendre la paix avec succès et pour servir de médiateur afin qu’elle soit construite sur une base de développement viable et équitable, la capacité de pouvoir recueillir et miser sur des connaissances est essentielle. Toutefois, l’évaluation n’a trouvé aucune preuve que cette analyse était manifestement ou officiellement liée à la planification du programme ou à la prise de décisions. Seulement un des projets de sécurité alimentaire du programme de développement examinés faisait état de la viabilité de l’environnement.
Selon des entrevues réalisées auprès d’employés d’AMC et de partenaires internationaux, les équipes des programmes de développement et du GTSR au Soudan du Sud devaient trouver un équilibre entre l’attention portée aux thèmes transversaux et celle accordée à d’autres éléments administratifs associés à la gestion des projets. Les avis divergeaient à savoir si un juste équilibre avait pu être atteint.
3.3 Efficience
Q6. Les ressources humaines et financières ont-elles été bien utilisées pour obtenir les résultats jusqu’à maintenant, à la lumière du contexte, des priorités et des autres options possibles?
Constatation 11 : Les ressources financières et les risques fiduciaires ont été bien gérés par les programmes de développement et du GTSR. Par contre, la gestion des risques opérationnels du développement et du GTSR aurait pu être améliorée grâce à un processus d’évaluation des risques.
Dans sa publication de 2014, Development Assistance and Approaches to Risk in Fragile and Conflict Affected States, l’OCDE recommandait des mesures pour aider les donateurs à gérer les risques dans les États fragiles et dans certaines situations en se fondant sur de bonnes pratiques de longue date. Une évaluation des pratiques liées au programme au Soudan du Sud par rapport à ces risques a démontré que les ressources financières et les risques fiduciaires ont été bien gérés.
Conformément aux pratiques exemplaires du CAD/OCDE concernant le travail dans les États fragiles, le Canada a grandement participé à des initiatives communes comme le Fonds d’affectation spéciale multidonateurs et le Fonds commun pour la santé et a utilisé des systèmes nationaux déjà existants pour mettre en œuvre la programmation et dans certains projets de santé particuliers. Il a aussi joué un rôle actif dans la coordination et le travail commun avec d’autres donateurs par le biais d’initiatives comme le groupe de travail sur la coordination de la stabilisation et le Bureau conjoint des donateurs.
Les contributions du Canada à des agences sélectionnées des Nations Unies ont assuré un degré de risque moins élevé pour les investissements dans le développement. Des agences des Nations Unies ont fourni une programmation prévoyant des protocoles de sécurité pour les partenaires de mise en œuvre. Leur portée était grande et ils étaient déjà bien établis partout au pays, ce qui signifiait des dépenses moins élevées en temps et en ressources pour le démarrage des projets. Ils avaient aussi établi des relations avec des partenaires clés au sein du gouvernement du Soudan du Sud. Bien que ce modèle ait été plus dispendieux en général, sa valeur ajoutée en matière de temps, de portée et d’incidence le rendait bien adapté à l’environnement en constante évolution du Soudan du Sud.
Même si les ressources financières et les risques fiduciaires étaient bien gérés, ce n’était pas le cas pour les risques liés aux activités de stabilisation et de développement. L’analyse des risques contextuels a été présentée sous forme d’analyse des risques. Cependant, les projets de l’échantillon contenaient peu de données probantes pour procéder à une évaluation de cette analyse approfondie, continuellement mise à jour et documentée. C’est le CAD/OCDE qui a suggéré cette analyse comme pratique exemplaire pour prendre en compte les nouveaux changements apportés à l’environnement de programmation ainsi que leurs conséquences sur les opérations visant à obtenir des résultats. Parmi les outils de gestion des risques se trouvait un registre des risques, mais peu d’éléments indiquent la présence de points de vue nuancés concernant les options de programmes. De plus, l’analyse était souvent désuète. Alors que la programmation du GTSR permettait d’agir rapidement en raison de ses délais serrés et de ses objectifs à court terme, la programmation du développement ne prévoyait aucun mécanisme de décaissement plus rapide pouvant assurer une souplesse et une efficacité plus grandes de la programmation pour répondre aux besoins de la population.
Constatation 12 : La sélection et la diversité des partenaires étaient appropriées étant donné le contexte de fonctionnement local.
Les coûts des opérations étaient élevés au Soudan du Sud pendant la période d’évaluation; les obstacles comme la géographie, le manque d’infrastructures, les sensibilités politiques, la capacité technique et l’insécurité limitant la mise en œuvre normale de la programmation. Dans ces circonstances, les projets de développement et du GTSR ont été gérés de façon rentable et appropriée.
Bien qu’il s’agisse d’une méthode plus coûteuse que d’autres, les agences de l’ONU étaient constamment présentes dans le pays, ce qui leur a permis de bien comprendre les facteurs déclencheurs de situations humanitaires à l’échelle locale. Ils étaient aussi en mesure de se déployer rapidement dans différentes régions, en raison de leur portée opérationnelle établie partout au pays.
Selon les personnes interrogées, les décisions du Canada d’établir des partenariats avec des organismes non gouvernementaux internationaux étaient documentées par des considérations pragmatiques sur le terrain. Plus précisément, les ONG internationales avaient des connaissances locales et de l’expérience de travail au Soudan du Sud, une certaine viabilité opérationnelle sans le financement du Canada et une présence déjà établie dans le pays. Pour ces raisons, le programme du Soudan du Sud a rarement collaboré avec des organismes canadiens pendant cette période, puisqu’ils étaient peu nombreux à avoir les capacités et l’expérience nécessaires dans le pays pour tenir compte de ces considérations.
Constatation 13 : La programmation du Canada au Soudan du Sud aurait pu tirer profit d’une prise de décisions plus rapide sur certains investissements relevant du portefeuille.
Depuis l’indépendance du Soudan du Sud en juillet 2011, le programme de développement avait élaboré différents documents préliminaires de planification des programmes afin d’orienter les activités dans le nouveau pays. Toutefois, aucun des documents de planification énumérés ci-dessous n’a reçu officiellement d’approbation.
- Ébauche de la Stratégie-pays pour le Soudan du Sud (2013-2018)
- Ébauche de la Stratégie bilatérale de développement du Canada avec le Soudan du Sud (2014-2016)
- Ébauche du Plan d’investissement pour le Soudan du Sud
Cela signifie que l’ancien Cadre de programmation-pays et Stratégie-pays de l’ACDI pour le Soudan, 2009 est demeuré le seul document de planification approuvé officiellement relativement au programme-pays pour le Soudan du Sud. Toutefois, les documents provisoires susmentionnés ont fourni les documents d’orientation de facto renfermant des lignes directrices sur les projets de dépenses. Certaines propositions de projet en harmonie avec ces documents n’ont pas été approuvées, malgré le temps consacré par le personnel. En même temps, l’adoption d’un intérêt renouvelé pour la SMNE par le gouvernement du Canada a détourné l’attention de la programmation axée sur les jeunes et des autres programmations.
Par opposition, le processus d’approbation des projets du GTSR était relativement rapide et souple, ce qui signifie que les initiatives pouvaient être mises en œuvre de façon à répondre aux besoins en question.
Peu importe l’ampleur de l’engagement financier ou le délai accordé, il fallait jusqu’à deux ans pour préparer et approuver les projets de développement, malgré l’évolution rapide du contexte sur le terrain. Bien qu’il puisse s’agir d’un délai normal appliqué dans la plupart de la programmationen développement de l’ACDI dans d’autres pays, le temps nécessaire à la préparation et à l’approbation des projets empêchait une intervention rapide au Soudan du Sud, à mesure que le contexte évoluait. Les répondants ont affirmé qu’il n’y avait pas de suivi rapide de l’approbation des projets pour le Soudan du Sud à titre d’État fragile et que l’ambassade du Canada avait peu de pouvoirs lui permettant de prendre des mesures expéditives ou significatives.
4. Conclusions
Les conclusions présentées ci-dessous sont fondées sur l’analyse des constatations qui précèdent.
Les investissements du Canada ont fortement contribué à répondre aux besoins du Soudan du Sud.
Les programmes de développement et du GTSR au Soudan du Sud répondaient aux besoins du pays et ont joué un rôle positif comme instruments pour que le Canada puisse atteindre ses objectifs en matière de politique étrangère. Étant donné la complexité des défis que doit relever le Soudan du Sud et la nécessité pour les donateurs d’intervenir à tous les niveaux et dans tous les secteurs, le centre d’attention du Ministère, même s’il a changé, est demeuré pertinent pendant toute la période ciblée par la présente évaluation.
Il ressort de l’analyse des faits que les programmes de développement et du GTSR se sont avérés utiles à l’atteinte de résultats, mais que ces résultats ne se sont pas inscrits dans la durée. Le Ministère a grandement contribué à améliorer la qualité de vie de la population du Soudan du Sud pendant une certaine période grâce aux résultats de ses projets et à ses initiatives dans le domaine du dialogue sur les politiques. La réussite du programme a été renforcée par des pratiques efficaces, y compris la collaboration avec des donateurs et des acteurs importants déjà présents sur le terrain.
Le Canada a collaboré efficacement avec d’autres donateurs.
Pour qu’un programme canadien soit pertinent et efficace dans le domaine politique et dans un contexte comme celui du Soudan du Sud, une stratégie comprenant divers instruments était nécessaire. Les activités de développement et d’aide humanitaire du GTSR ont fourni un ensemble raisonnable d’outils pour favoriser le dialogue sur les politiques. Les fonds communs constituaient aussi une occasion précieuse d’engager le dialogue avec le gouvernement du Soudan du Sud et d’autres donateurs internationaux travaillant au pays.
En plus d’être un moyen efficace d’influer sur les politiques, la collaboration avec d’autres donateurs a permis au gouvernement du Canada de s’assurer qu’il était capable d’accroître sa portée, de tirer profit des ressources partagées et de miser sur ses forces et celles des donateurs partenaires, pour mettre en œuvre des projets plus susceptibles de donner des résultats positifs.
Les processus administratifs étaient parfois incompatibles avec la mise en œuvre optimale et efficace de la programmation en développement et du GTSR.
Dans les États fragiles, les opérations de paix et de consolidation de la paix, le renforcement de l’État et les efforts de développement coûtent cher, prennent du temps et sont souvent inefficaces. La programmation dans un État fragile est très différente de la planification et de l’exécution de programmes dans des pays en développement stables. Dans ce contexte, presque toutes les personnes consultées estimaient que la fin du GTSR au Soudan du Sud était en contradiction directe avec l’objectif qui consiste à poursuivre les efforts suffisamment longtemps pour qu’ils puissent aboutir. Les occasions générées ont alors été perdues à cause de cette interruption. Plus précisément, la fin des activités du GTSR en 2013 signifiait la suppression d’un outil qui permettait au personnel du programme à Djouba d’établir un lien entre la sphère politique et les opérations sur le terrain. Il aurait été profitable que les opérations soient davantage fondées sur les principes et les pratiques exemplaires reconnus relativement au travail dans les États fragiles, plutôt que sur des systèmes internes conçus pour des contextes plus traditionnels.
En y repensant, AMC aurait tiré avantage d’analyses plus approfondies des déterminants du conflit, de la consolidation de la paix et du renforcement de l’État pour tous les domaines de la programmation, en particulier pendant la période antérieure au conflit en 2013. Les documents sur la planification du programme auraient pu établir des liens clairs entre chacun des déterminants et les enjeux ciblés, les projets et l’utilisation du dialogue sur les politiques, en plus de décrire comment ces liens étaient censés influencer les résultats attendus. Dans la même veine, il aurait pu y avoir un dialogue interne officiel et des efforts de coordination au sein d’AMC (et du gouvernement du Canada), afin de chercher systématiquement des façons novatrices d’établir des liens entre les investissements liés au GTSR et au développement. Les liens avec les thèmes transversaux auraient aussi pu être examinés de façon proactive. Cela signifie que la gestion des interventions d’AMC au Soudan du Sud aurait dépassé la simple administration des ressources financières et des risques fiduciaires de façon à traiter des risques plus complexes concernant l’obtention de résultats à l’échelle du Ministère.
AMC n’a pas tenté d’atteindre un équilibre approprié entre l’administration des fonds et des risques fiduciaires et la gestion des activités de stabilisation et de développement complexes dans un contexte fragile. L’ACDI et le MAECI avaient peut-être des outils de planification, de surveillance, de gestion et de production de rapports appropriés, mais l’utilisation de ces outils aurait pu nuire à l’approbation rapide des projets, et par conséquent, ils n’étaient pas toujours optimaux.
Des obstacles administratifs ont limité le succès du programme. Différents facteurs ont influé sur sa capacité à optimiser son efficacité et son efficience, y compris : la longueur des processus de préparation et d’approbation des projets, parfois mal adaptés au contexte d’un État fragile; des liens insuffisants entre les projets du GTSR à court terme et la programmationen développement, tout particulièrement en ce qui concerne le renforcement des capacités; un soutien insuffisant à la mise en œuvre des projets, en vue de l’intégration efficace des thèmes transversaux; la fin de laprogrammation du GTSR, qui avait permis de mettre en place une approche pangouvernementale et d’accroître la souplesse d’action d’AMC.
Lorsque le programme réalisait des projets à court terme, une vision et un engagement connexes cohérents, explicites et à long terme auraient permis de renforcer ses efforts.
Des changements aux priorités de programmation qui ont eu un effet perturbateur ont été constatés tout au long de la période d’évaluation. À cela s’ajoute l’insuffisance de liens entre les priorités ministérielles et les causes profondes de l’instabilité au Soudan du Sud, tant à l’ACDI qu’au MAECI. Cette situation a été préjudiciable à une vision à long terme plus stratégique et intégrée du rôle du Canada au Soudan du Sud. Elle a aussi empêché de créer des liens adéquats entre les activités de stabilisation et de développement. Malgré ces problèmes, il y a certains domaines où les résultats découlant de la programmation ont pu être maintenus.
La participation à long terme des pays donateurs au Soudan du Sud est demeurée pertinente pour favoriser les progrès en ce qui a trait à la stabilité et au rétablissement aux fins de justice sociale. La participation à long terme est aussi demeurée pertinente parce que le Soudan du Sud et d’autres États fragiles représentaient une menace possible à la paix et à la sécurité internationales. Bien qu’il n’existe pas de solution facile et normalisée pour travailler dans un contexte fragile, les pays donateurs auraient pu créer des occasions de travailler en dehors des cadres traditionnels de façon à faire la distinction entre : la stabilisation, la consolidation de la paix, le développement et les approches humanitaires; les structures, officielles ou non; le centre et la périphérie; l’État et la société civile; ainsi que les approches sur les plans macroéconomique et microéconomique. Le contexte n’est jamais simple dans les États fragiles, seules les situations peuvent être simplifiées grâce aux pays donateurs.
Dans ce contexte, le renforcement de la capacité était un élément important de l’engagement de la communauté internationale dans le processus de renforcement de l’État au Soudan du Sud. Le faible niveau d’éducation et l’inexpérience en matière de gouvernance au pays et dans les États ont nui au renforcement de la capacité. Pour combler des lacunes immédiates découlant de ces problèmes, le programme de développement a investi dans la capacité de remplacement pour aider les organismes gouvernementaux dans leurs activités. Il importe de noter qu’une certaine programmation de renforcement de la capacité à long terme a été réalisée dans le secteur de la santé. Toutefois, en règle générale, le renforcement des capacités était souvent à trop court terme et trop axé sur des ateliers et de courtes séances de formation, en particulier dans le cadre de la programmation du GTSR, étant donné la nature rapide des interventions. Des leçons importantesNote de bas de page 25 ont été tirées depuis dans le cadre du travail d’AMC quant à la nature d’une programmation efficace dans les États fragiles, surtout pour ce qui est du renforcement de la capacité. Parmi les leçons tirées, mentionnons les suivantes :
- la formation à long terme est beaucoup plus utile que celle à court terme;
- la formation est plus efficace lorsqu’elle est appuyée par des investissements de capitaux (locaux de travail, équipement et systèmes);
- la formation doit respecter ou mettre à jour le programme-cadre;
- la formation est plus efficace lorsqu’elle concerne directement des compétences précises nécessaires aux fonctionnaires ciblés.
Ces leçons signifient qu’il aurait fallu planifier le renforcement de la capacité, autant dans le domaine de la stabilisation que du développement. Il faut parfois beaucoup de temps pour obtenir des résultats, et cela implique une approche progressive plutôt que le modèle traditionnel à court terme axé sur les résultats rapides et les projets. Les avantages d’adopter une approche à long terme pour tous les programmes ont été mis en évidence par les réussites de la programmation du développement dans le secteur de la santé par l’entremise du FCS et le projet sur les sages-femmes. Par opposition, le programme du GTSR n’avait pas de vision claire à long terme, et aucun de ses efforts en matière de renforcement des capacités n’a eu pour résultat de renforcer les capacités locales à long terme. Le fait de se concentrer sur le remplacement de la capacité plutôt que le renforcement de la capacité a eu pour effet de détourner la vision du programme de développement de l’objectif à long terme lié à l’amélioration des institutions, pour se concentrer sur les résultats à court terme de la fourniture des services et des fonctions de base requis. À plus long terme, la programmation du développement dans un milieu où les capacités sont très faibles et qui a nécessité un remplacement de la capacité liée aux services gouvernementaux doit tout de même éventuellement se concentrer sur le renforcement de la capacité. À l’avenir, les échecs du renforcement des capacités peuvent représenter un obstacle fondamental à l’obtention de résultats à long terme en matière de viabilité.
Le soutien était insuffisant pour certaines exigences du programme, notamment la nécessité de tenir dûment compte des thèmes transversaux, des facteurs de conflit et des principes de l’engagement dans les États fragiles.
Il était difficile de tenir compte de la multitude de considérations qui devaient orienter les décisions relatives à la programmation de l’Administration centrale dans le cadre de l’engagement du Canada en matière de développement dans les États fragiles. Parmi ces considérations se trouvaient des thèmes transversaux, des facteurs de conflit et des principes de l’engagement dans les États fragiles. Dans l’ensemble, AMC avait bien défini les objectifs, les principes et les lignes directrices de l’engagement dans les États fragiles à l’échelle de l’Administration centrale. Même si plusieurs de ces éléments ont été mis en application à un haut niveau, certains principes (en particulier ceux concernant l’établissement de liens entre la programmation dans l’ensemble du Ministère) étaient difficiles à prendre en compte étant donné les mécanismes administratifs et les structures du Ministère. Le fait que le programme de développement au Soudan du Sud était un des plus petits programmes d’AMC dans un pays en développement ciblé a aussi entraîné des complications. Il était impossible, avec les ressources offertes pour le programme, de faire des mises à jour et de prendre en compte les thèmes transversaux dans le programme.
Il aurait fallu une approche plus souple pour combler les besoins et régler les problèmes des gens vivant dans des zones touchées par un conflit pour toute la programmation d’AMC.
La fin du GTSR en 2013 a entraîné la suppression d’un outil essentiel qui était efficace pour apporter de la souplesse et établir un lien important vers une approche pangouvernementale holistique au Soudan du Sud. Le GTSR, qui a obtenu des résultats prometteurs au Soudan du Sud jusqu’à sa dissolution en 2013, constituait un outil pour le gouvernement du Canada lui permettant d’établir un lien essentiel entre les efforts de consolidation de la paix d’ordre humanitaire au Soudan du Sud et la programmation du développement. Bon nombre de répondants considéraient qu’il s’agissait d’une approche novatrice. Les conditions nécessaires pour assurer la souplesse et la stabilité de la programmation dans un contexte fragile n’étaient réunies qu’en partie dans le cadre du programme au Soudan du Sud, pendant la période d’évaluation. Si les intentions du Canada étaient de faire des Principes d’engagement dans les États fragiles le cadre central de ses opérations dans les États fragiles, alors la programmation au Soudan du Sud auraient dû pouvoir explorer les nouvelles possibilités novatrices et prendre des risques. Le personnel devait plutôt se concentrer principalement sur la prestation des fonctions administratives.
5. Recommandations
- AMC devrait s’assurer que la programmation ultérieure au Soudan du Sud se fond sur une approche intégrée à l’échelle du ministère. Plus spécifiquement, le continuum de la programmation devrait avoir pour fondement les éléments suivants :
- une vision commune et à long terme pour le pays, qui s’appuie sur l’étude des faits;
- la nécessité de concevoir une programmation réactive, souple et agile, qui peut s’adapter à des contextes en évolution rapide;
- l’intégration efficace des thèmes transversaux;
- une analyse stratégique améliorée qui tient compte des facteurs de conflit et se fonde sur les Principes pour l’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires.
- AMC doit veiller à ce que des spécialistes apportent un soutien adéquat à l’adoption de nouvelles exigences ou à la réorientation d’exigences existantes pour l’intégration, l’analyse et la synthèse des enjeux transversaux et des facteurs de conflit dans les États fragiles.
- AMC doit s’efforcer de limiter les retards dans l’approbation des projets et de la planification au moyen d’un examen et d’une simplification des processus.
6. Considérations pour la programmation future dans des États fragiles
Il existe des possibilités pour que l’apprentissage dans une programmation serve aux autres et pour intégrer dans tout le Ministère des pratiques et principes exemplaires concernant l’engagement dans les États fragiles
Un certain nombre d’évaluations récentes ont permis de tirer des leçons utiles pour la programmation future dans des États fragiles, y compris l’Afghanistan, la Cisjordanie et la bande de Gaza, ainsi que la Colombie. L’important est d’intégrer ces pratiques exemplaires et principes à la programmation.
Publiée en 2015, l’Évaluation du Programme canadien de développement en Afghanistan (2004-2013) recommandait ce qui suit : « Élaborer une vision pour l’engagement ultérieur du Canada en Afghanistan » et « s’assurer d’une orientation stratégique claire ». Cette même évaluation faisait état « des changements clairs de stratégie et de priorité » (renforcement de l’État de 2004 à 2007, stabilisation à Kandahar de 2008 à 2011, ainsi que travail humanitaire, secteur social et égalité entre les sexes, après 2011). L’évaluation soulignait aussi que « les évaluations des besoins qui avaient été menées avaient des limites et les analyses du conflit utilisées ne permettaient pas de pleinement appréhender les vecteurs du conflit et les revendications limitant ainsi, le rendement global du développement ». Finalement, le même rapport indiquait qu’il fallait accorder « plus d’attention à l’élaboration d’une approche du développement dans les zones de conflit intrinsèquement intégrée à l’approche pangouvernementaleNote de bas de page 26 ».
Aussi publiée en 2015, l’Évaluation de la programmation en développement et en aide humanitaire du Canada en Cisjordanie et dans la bande de Gaza (2008-2013) affirmait qu’une des leçons à tirer de la programmation était que « [le] renforcement des institutions, notamment dans un contexte d’État fragile, est un processus à long terme qui suppose un engagement financier à long termeNote de bas de page 27 ». L’Évaluation du programme-pays pour la Colombie (2006-2011), publiée en 2013, indiquait que dans une situation de conflit, « [...] il importe de concevoir des interventions en ayant une compréhension claire du contexte et en faisant preuve de souplesse pour s’adapter à l’évolution des conditions. Le programme a implicitement internalisé cette réalité, mais ses travaux d’analyse pourraient être encore plus solides si le programme intégrait une série de scénarios qui permettraient à l’Agence de mieux prévoir les risques et de mieux réagir à l’évolution de la situation sur le terrainNote de bas de page 28 ».
Les Principes d’engagement international dans les États fragiles et les situations précaires pourraient constituer une piste utile pour favoriser la cohérence du programme entre les mesures de secours, la stabilisation et le développement. Une application manifeste et intentionnelle de ces principes à la planification, à la conception et à la mise en œuvre de la programmation du GTSR, au développement et à l’aide humanitaire permettrait au programme pour le Soudan du Sud de s’assurer que le contexte est pris comme point de départ; qu’il détermine les liens évidents ou subtils qui existent entre les objectifs en matière de politique, de sécurité et de développement et en tire profit; qu’il favorise une harmonisation tout en souplesse des priorités locales dans différents contextes; et qu’il assure une intervention rapide grâce à une optique à long terme. Il sera possible d’y arriver tout en renforçant les domaines où le Canada a continué de participer à des programmes non discriminatoires et inclusifs s’efforçant d’avoir une incidence négative minimale sur la population du Soudan du Sud. Comme certaines données probantes ont illustré cette nécessité dans d’autres États fragiles où le Canada s’est engagé, le programme au Soudan du Sud pourrait grandement profiter d’une application systématique et ouverte des principes à l’échelle du pays.
Le poids des exigences administratives actuelles dans les États fragiles peut entraver la prestation optimale de programmes pertinents et efficaces.
L’examen par les pairs des membres du CAD de 2012 du Programme d’aide du Canada mettait en évidence la nécessité pour le Canada d’y allouer des ressources humaines et financières suffisantes pour respecter ses engagements (CAD/OCDE, Mainstreaming cross-cutting issues 7 lessons from DAC peer reviews, 2014 [en anglais seulement]). En 2009, dans son rapport sur le renforcement de l’efficacité de l’aide, la Vérificatrice générale soulignait que le problème de longue date lié aux processus opérationnels longs et complexes de l’ACDI n’a toujours pas été réglé. Ce même rapport ajoutait ce qui suit : « La grande majorité des employés de l’Agence que nous avons interviewés et divers membres de la communauté du développement nous ont également dit que les processus administratifs continuaient d’être un fardeau pour l’Agence ».
De même, l’examen par les pairs des membres du CAD de 2012 du Programme d’aide du Canada faisait la recommandation suivante : [traduction] « Prenant appui sur les progrès déjà faits dans le cadre de son initiative de modernisation des affaires, l’ACDI devrait simplifier et moderniser davantage sa coopération pour le développement de la façon suivante : 1) terminer sa décentralisation, en faisant en sorte que ses équipes sur le terrain dans les pays partenaires possèdent suffisamment de capacité en consultation et en gestion ainsi que de pouvoirs en matière de programmes et de finances pour offrir une aide plus efficace; 2) simplifier encore plus les processus d’approbation et les rendre plus prévisibles; 3) clarifier, harmoniser et simplifier les exigences de production de rapports. » Une des leçons que l’évaluation canadienne du Programme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza a permis de tirer était la suivante : « Lorsqu’on livre un programme complexe dans un État fragile, il est indispensable que le processus décisionnel soit aussi souple et opportun que possible ».
Il est possible qu’AMC n’ait pas encore redéfini ce qu’est le « juste équilibre » entre la nécessité de gérer correctement les risques fiduciaires et la responsabilité d’exécuter rapidement des opérations de stabilisation, de reconstruction et de développement sur le terrain, ce qui est un autre élément du concept de responsabilité. En atteignant ce « juste équilibre », AMC aurait pu concevoir des processus pour rendre les programmes plus souples, rapides et axés sur le contexte et procéder à une analyse nuancée des rapports de force, des causes de la vulnérabilité, des facteurs de conflit et des indicateurs de résilience. La documentation donne aussi à penser que pour remédier aux causes fondamentales et aux facteurs de conflit, une approche internationale beaucoup mieux coordonnée, ainsi qu’une influence internationale beaucoup plus grande seront nécessaires; que certaines personnes, comme John Prendergast d’Enough Project, décrivent comme étant largement et étrangement insuffisantes compte tenu des outils que possède la communauté internationale. Ces éléments étaient peut-être aussi absents de la conception et de la mise en œuvre des programmes dans les États fragiles. Des progrès dans ce domaine pourraient contribuer à renforcer la pertinence des investissements du Canada au Soudan du Sud. En ce qui concerne l’engagement au Soudan du Sud, comme pour tous les États fragiles, il faut reconnaître la complexité du travail réalisé dans un tel contexte. Il serait profitable pour AMC de s’assurer que les ressources allouées à ces programmes sont suffisantes pour répondre aux attentes, ce qui nécessiterait certainement une évaluation de la concordance entre les exigences administratives et les besoins du programme. La révision de l’un ou l’autre pourrait être nécessaire.