Cette page Web a été archivée dans le Web
L’information dont il est indiqué qu’elle est archivée est fournie à des fins de référence, de recherche ou de tenue de documents. Elle n’est pas assujettie aux normes Web du gouvernement du Canada et elle n’a pas été modifiée ou mise à jour depuis son archivage. Pour obtenir cette information dans un autre format, veuillez communiquer avec nous.
Règlement des différends
Lois américaines portant sur les recours commerciaux : L’expérience canadienne
II La législation américaine sur les droits compensateurs
1. Introduction
2. La législation américaine sur les droits compensateurs : procédure
- 4.1 Questionnaires
- 4.2 Données de fait disponibles (meilleurs renseignements disponibles)
- 4.3 Vérification
- 4.4 Publicité et confidentialité
- 4.5 Produits similaires et détermination du champ d’application
5. Détermination de l’existence d’une subvention
6. Définitions américaines des subventions
- 6.1 Subventions prohibées
- 6.2 Subventions pouvant donner lieu à une action
- 6.3 Subventions ne donnant pas lieu à une action
- 6.4 Subventions en amont
- 6.5 Transfert de propriété et subventions antérieures
7. Calcul des taux de droits compensateurs
- 7.1 Subventions à l’exportation
- 7.2 Dons
- 7.3 Subventions d’équipement
- 7.4 Participation au capital social
- 7.5 Annulation de dettes
- 7.6 Prêts
- 7.7 Garanties de prêt
- 7.8 Subventions et prêts à la recherche‑développement
- 7.9 Crédits d’impôts et déductions fiscales
- 7.10 Programmes de sécurité sociale et prestations à l’intention des travailleurs
- 7.11 Fourniture d’un bien ou d’un service par les pouvoirs publics
- 7.12 Soutien des revenus ou des prix
- 7.13 Taux collectif
- 7.14 Subventions de minimis pouvant donner lieu à une mesure compensatoire
8. Détermination de l’existence d’un dommage par l’ITC
- 8.1 Dommage important
- 8.2 Menace de dommage important
- 8.3 Détermination préliminaire
- 8.4 Détermination finale
- 8.5 Définition de la branche de production nationale
- 8.6 Production captive
- 8.7 Marchés régionaux
- 8.8 Évaluation cumulative
- 8.9 Volume d’importations négligeable
9. Réexamens
- 9.1 Réexamens administratifs
- 9.2 Réexamens relatifs aux nouveaux expéditeurs
- 9.3 Abrogation
- 9.4 Réexamens en cas de changement de situation
- 9.5 Réexamens quinquennaux
10. Autres questions de procédure
- 10.1 Suspension de l’enquête
- 10.2 Circonstances critiques
- 10.3 Clôture de l’enquête
- 10.4 Dispositions anticontournement
- 11.1 Tribunaux américains
- 11.2 Révision par un groupe spécial de l’ALENA
- Note : Histoire du critère de spécificité
1. Introduction
La législation américaine sur les droits compensateurs a pour objet de protéger les branches de production nationales contre les importations avantagées de manière déloyale par les subventions de pouvoirs publics étrangers. En substance, cette législation prévoit l’imposition sur les importations subventionnées d’un droit compensateur égal à la subvention nette dont elles font l’objet lorsqu’il est établi que les deux conditions suivantes sont remplies :
- un État subventionne, directement ou indirectement, la fabrication, la production ou l’exportation de marchandises importées ou vendues aux États‑Unis;
- les importations ou les ventes de telles marchandises causent ou menacent de causer un dommage important à une branche de production américaine ou retardent dans une mesure importante la création d’une branche de production nationale.
Il arrive régulièrement que soient entreprises simultanément une enquête antidumping et une enquête en matière de droits compensateurs relativement au même produit.
1.1 Contexte législatif
Les premières dispositions américaines sur les droits compensateurs furent celles de l’article 303 de la Tariff Act (Loi tarifaire) de 1930 (19 U.S.C. 1303). L’article 303 ne subordonnait pas l’imposition de droits compensateurs à une détermination de l’existence d’un dommage causé à la branche de production nationale par les importations subventionnées. Cet article a été modifié en 1974 de manière à subordonner ladite imposition à une telle détermination dans le cas des produits en provenance de parties au GATT ou d’autres pays auxquels les États‑Unis accordaient le traitement de la nation la plus favorisée (NPF).
La Trade Agreements Act (Loi sur les accords commerciaux) de 1979 a ajouté à l’article 303 de la Tariff Act de 1930 des dispositions réunies au sous‑titre A du titre VII, nouvellement promulgué, de la même loi.1 Le titre VII mettait en oeuvre le Code des subventions,2 c’est‑à‑dire l’accord sur les subventions issu du Tokyo Round du GATT, qui stipulait des règles plus précises touchant la perception de droits compensateurs. Les exportations en provenance des pays signataires du Code des subventions furent dès lors examinées conformément aux procédures prévues au titre VII et bénéficièrent des garanties stipulées par le Code des subventions, notamment la nécessité d’une détermination de l’existence d’un dommage. Quant aux enquêtes sur les exportations en provenance de pays non signataires, elles restaient sous le régime de l’article 303, qui ne prévoyait pas la nécessité d’une telle détermination.
Le titre VII a par la suite été modifié par la Trade and Tariff Act (Loi sur le commerce et les droits de douane) de 1984, l’Omnibus Trade and Competitiveness Act (Loi générale sur le commerce et la compétitivité) de 1988 et, dernière modification en date, par l’Uruguay Round Agreements Act (URAA) (Loi sur les Accords du Cycle d’Uruguay) en décembre 199.3 Le titre II de l’URAA met en oeuvre les dispositions de l’Accord de l’OMC sur les subventions et les mesures compensatoires (ci‑après dénommé « Accord sur les subventions »). L’URAA a aussi abrogé l’article 303 de la Tariff Act. Par conséquent, depuis le 8 décembre 1994, les États‑Unis n’appliquent plus qu’un seul ensemble de dispositions sur les droits compensateurs, soit le sous‑titre A du titre VII de la Tariff Act. Toutefois, le titre VII exclut du bénéfice d’une détermination préalable de l’existence d’un dommage les importations en provenance de pays qui ne relèvent pas de l’Accord sur les subventions (sont réputés relever de celui‑ci les membres de l’OMC dont le président a déterminé qu’ils ont pris envers les États‑Unis des engagements substantiellement équivalents aux stipulations de l’Accord sur les subventions et les pays auxquels les États‑Unis ont accordé un traitement NPF inconditionnel). Les autorités américaines ont par la suite publié une réglementation détaillant la pratique et les procédures à suivre dans les enquêtes en matière de droits compensateurs.
2. La législation américaine sur les droits compensateurs : procédure
L’International Trade Administration, rattachée au département du Commerce, est l’« autorité administrante » chargée en général de veiller à l’application de la législation sur les droits compensateurs et en particulier d’établir si les importations faisant l’objet d’une enquête sont subventionnées. C’est un autre organisme fédéral, indépendant celui‑là, à savoir l’International Trade Commission, qui établit si les importations considérées causent ou menacent de causer un dommage à la branche américaine produisant la catégorie de produits en question.4 Les deux organismes remplissent leurs fonctions simultanément et se notifient l’un à l’autre toutes leurs déterminations. Une détermination finale négative de l’un ou l’autre ou une détermination préliminaire négative de l’existence d’un dommage établie par l’ITC met fin à la procédure. Toutes les déterminations, y compris les exposés des faits et motifs, doivent être publiées au Federal Register. L’enquête se déroule comme suit :
- Le DOC dispose d’un délai de 20 jours à compter de la présentation d’une demande pour établir s’il existe suffisamment d’éléments tendant à prouver l’existence d’un octroi de subventions dommageable pour justifier l’ouverture d’une enquête. Il est très rarement arrivé que le DOC constate une insuffisance de tels éléments au début de la procédure. Le délai de 20 jours peut être porté à 40 lorsque le DOC doit en plus établir si la demande fait l’objet d’un soutien suffisant de la branche de production nationale.
- Lorsque la demande est déclarée recevable, l’ITC procède à une enquête préliminaire pour établir s’il y a raisonnablement lieu de supposer l’existence d’un dommage important. La détermination préliminaire doit normalement être notifiée dans un délai de 45 jours à compter de la présentation de la demande.
- Si la détermination préliminaire de l’ITC est positive, le DOC établit une détermination préliminaire de l’existence d’une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire. Cette détermination est normalement notifiée dans un délai de 65 jours à compter de l’ouverture de l’enquête. Les parties intéressées peuvent demander une prorogation lorsque l’enquête est d’une complexité exceptionnelle ou qu’est alléguée l’existence de subventions en amont. En cas de détermination positive, le DOC établit des taux estimés de subvention nette qui entraînent l’application de droits provisoires et la suspension de l’évaluation en douane des importations du produit considéré déclarées aux États‑Unis. L’ITC engage ensuite la procédure qui donnera lieu à la détermination finale de l’existence d’un dommage.
- Le DOC notifie sa détermination finale dans un délai de 75 jours à compter de la notification de sa détermination préliminaire. Ce délai peut être prorogé lorsqu’est alléguée l’existence de subventions en amont ou qu’il est procédé simultanément à une enquête antidumping.
- La détermination finale de l’existence d’un dommage doit être notifiée par l’ITC dans un délai de 120 jours à compter de l’établissement d’une détermination préliminaire positive par le DOC, ou de 45 jours à compter de l’établissement d’une détermination finale positive par ce département si ce dernier délai est plus long. Lorsque la détermination préliminaire du DOC est négative, la détermination de l’ITC doit être établie au plus tard 75 jours à compter de l’établissement d’une détermination finale positive par le DOC.
- Si l’on a constaté l’existence d’un dommage aussi bien que d’une subvention, le DOC rend une ordonnance instituant un droit compensateur dans les 7 jours qui suivent la notification par l’ITC de sa décision.
- Les parties peuvent demander, à chaque anniversaire de la date où une telle ordonnance a été rendue, un réexamen administratif du taux d’octroi de subventions établi pour les 12 mois précédents.
3. Ouverture de l’enquête
Les autorités américaines ouvrent une enquête en matière de droits compensateurs sur la base d’une demande présentée par une ou plusieurs parties nationales intéressées. Cette demande doit être présentée simultanément au DOC et à l’ITC.5 Répondent entre autres à la définition de « parties intéressées » :
- un fabricant, un producteur ou un marchand en gros d’un produit similaire aux États‑Unis;
- un syndicat ou autre groupement de travailleurs accrédité ou reconnu, représentatif d’une branche d’activité qui fabrique, produit ou vend en gros un produit similaire aux États‑Unis;
- un groupement professionnel commercial ou industriel dont la majorité des membres fabriquent, produisent ou vendent en gros un produit similaire aux États‑Unis.6
Le DOC est tenu d’ouvrir une enquête lorsqu’une demande a été présentée « par la branche de production nationale ou en son nom » et que cette demande porte tous les éléments nécessaires à l’imposition d’un droit compensateur, notamment tous les renseignements qui peuvent raisonnablement être à la disposition du requérant7 Avant la promulgation de l’URAA, les autorités américaines avaient pour règle de supposer que la demande avait été présentée au nom de la branche de production nationale à moins qu’une majorité d’entreprises nationales n’y manifestent explicitement leur opposition.8 Le DOC ne mesurait alors l’étendue d’une telle opposition qu’après qu’elle eut été exprimée.
Conformément aux dispositions en vigueur de l’Accord sur les subventions et de l’URAA, il est maintenant considéré que la demande a été présentée « par la branche de production nationale ou en son nom » seulement si elle est soutenue par les patrons ou les travailleurs d’entreprises nationales dont les productions additionnées constituent :
- au moins 25 % de la production totale du produit similaire national;
- plus de 50 % de la production totale du produit similaire produite par la partie de la branche de production nationale exprimant son soutien ou son opposition à la demande.
Lorsque la demande n’atteste pas le soutien des patrons ou des travailleurs d’entreprises nationales dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire national, le DOC procède en général à un sondage de la branche de production pour établir si le requérant a qualité pour la représenter. En droit américain, l’opinion des travailleurs a le même poids que celle du patronat, de sorte que si la direction d’une entreprise soutient une thèse expressément contraire à celle de ses travailleurs, cette entreprise sera considérée comme ne souscrivant ni ne s’opposant à la demande.9
Il n’est pas tenu compte, pour la détermination de l’existence d’un soutien, de la position des producteurs américains qui importent les produits considérés. Il n’est pas tenu compte non plus de la position des producteurs américains qui sont liés à un producteur étranger, à moins qu’ils ne puissent démontrer que leurs intérêts en tant que producteurs nationaux seraient lésés par une ordonnance instituant un droit compensateur.10 La réglementation prescrit au DOC aussi bien qu’à l’ITC de fournir aux petites entreprises, si elles en expriment le besoin, une assistance technique dans l’établissement de leurs demandes.11 On a créé au sein de l’ITC un service appelé Trade Remedy Assistance Office (TRAO — Service d’assistance en matière de recours commerciaux), qui est chargé de fournir au public des renseignements généraux sur les diverses lois américaines relatives au commerce extérieur, ainsi qu’une assistance technique aux petites entreprises qualifiées qui souhaitent exercer les recours que ces lois prévoient.
Conformément à l’Accord sur les subventions, le DOC avise le représentant à Washington du pays en cause et tient des consultations avec lui avant la publication de l’avis d’ouverture d’une enquête.12
4. Éléments de preuve
4.1 Questionnaires
On obtient les renseignements nécessaires pour établir l’existence et l’importance d’un octroi de subventions en envoyant aux fabricants, aux exportateurs et au(x) gouvernement(s) étranger(s) en cause des questionnaires ou demandes de renseignements. Ces questionnaires sont devenus avec le temps d’autant plus détaillés et complexes que se sont complexifiées les structures commerciales. Les questionnaires doivent normalement être remplis dans les 30 jours, mais ce délai peut être prorogé de peu dans certains cas. Le DOC examine en général les ventes représentant de 60 à 85 % du volume des exportations du pays considéré vers les États‑Unis. Il arrive donc que les petits producteurs ou exportateurs ne reçoivent pas de questionnaires, encore que le DOC ait la faculté d’accepter les réponses communiquées spontanément par de telles parties.
L’entreprise qui répond d’une manière jugée insuffisante à un questionnaire doit être avisée dans les moindres délais de la nature de l’insuffisance et se voir accorder la possibilité d’y remédier ou de l’expliquer. Le DOC est tenu de prendre en considération les renseignements communiqués dans les délais lorsque l’entreprise qui les a communiqués « a agi au mieux de ses possibilités » pour fournir l’information demandée.13
L’ITC, comme le DOC, utilise les questionnaires comme principal moyen d’obtenir des renseignements. Elle envoie des questionnaires aux producteurs nationaux, aux importateurs, aux acheteurs et aux exportateurs. Ces questionnaires s’appliquent en général à une période de trois ans et concernent toutes sortes d’indicateurs économiques, notamment la production, l’utilisation des capacités, les expéditions, les exportations, les ventes, l’emploi, les dépenses en immobilisations et les prix.
Une disposition de l’URAA, entrée en vigueur en 1994, prescrit au DOC et à l’ITC de ménager aux organisations de consommateurs et aux organisations industrielles la possibilité de fournir des renseignements qui ont un rapport avec l’enquête. Le DOC et l’ITC sont également tous deux tenus de prendre en considération les difficultés que pourraient avoir les parties intéressées, en particulier les petites entreprises et les entreprises des pays en développement, à communiquer les renseignements demandés. Les deux organismes accorderont aux enquêtés l’aide qu’ils estiment possible pour éviter de leur imposer une charge excessive.
4.2 Données de fait disponibles (meilleurs renseignements disponibles)
Dans les cas où un enquêté est incapable ou refuse de fournir les renseignements demandés par le DOC ou l’ITC dans les délais fixés et sous la forme demandée, ces organismes peuvent se fonder sur les « données de fait disponibles » (ou, comme on disait auparavant, les « meilleurs renseignements disponibles »), y compris les allégations contenues dans la demande ou formulées dans le cadre de réexamens antérieurs.14 Lorsqu’un enquêté refuse de coopérer, le DOC s’estime en général fondé à tirer de ce refus une conclusion défavorable pour lui et impose le taux le plus défavorable possible à ses intérêts. Le DOC et l’ITC peuvent tenir compte de la situation de l’enquêté, notamment de sa taille, de son système comptable, de ses capacités informatiques, ainsi que de l’aptitude manifestée antérieurement par cette entreprise ou d’autres semblables à fournir les renseignements demandés. L’Accord sur les subventions stipule que lorsqu’elles se fondent sur les « données de fait disponibles », les autorités doivent, lorsque cela est réalisable, vérifier ces données d’après des sources indépendantes.15
4.3 Vérification
Le DOC est tenu de vérifier l’exactitude de tous les renseignements sur lesquels est fondée sa détermination finale dans une première enquête, un réexamen administratif ou un réexamen quinquennal. Dans un réexamen annuel, il procède à une telle vérification si une partie nationale intéressée lui en fait la demande et s’il n’y a pas eu vérification dans les deux réexamens précédents. Dans les autres cas, la vérification est facultative. Le DOC doit obtenir l’accord des personnes étrangères concernées et aviser le gouvernement du pays en question touchant la vérification. Dans les cas où la partie concernée ou le gouvernement étranger s’oppose à la vérification, le DOC s’abstient d’y procéder et fonde plutôt sa détermination sur les données de fait disponibles. À la suite de la vérification, le DOC établit un rapport et ménage aux requérants aussi bien qu’aux enquêtés la possibilité de présenter des observations.16
4.4 Publicité et confidentialité
ILes renseignements communiqués au DOC ou à l’ITC sont considérés comme publics, à moins que ne leur soit attribué un caractère « exclusif ». Les parties qui font valoir la nature exclusive de leurs communications doivent justifier la nécessité de la non‑divulgation de chacun des éléments qu’elles produisent à titre confidentiel. Des résumés non confidentiels des renseignements exclusifs doivent être présentés avec ceux‑ci.17 Les renseignements dont les autorités reconnaissent le caractère exclusif peuvent être communiqués à certaines personnes sous la garantie d’une ordonnance conservatoire administrative. Les avocats ou autres représentants des parties intéressées peuvent avoir accès aux renseignements exclusifs communiqués par les enquêtés, à condition de faire état d’un besoin jugé suffisant de ces renseignements et de s’engager à en protéger dûment le caractère exclusif. Quiconque enfreindrait une ordonnance conservatoire administrative s’exposerait à des sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’exercer dans les procédures de l’organisme en question.18
Les avis d’ouverture d’enquête, les décisions de suspension, ainsi que les déterminations préliminaires et finales établies à l’issue des enquêtes et des réexamens, y compris les exposés des faits et les conclusions de droit qui étayent ces déterminations, doivent être publiés au Federal Register.
4.5 Produits similaires et détermination du champ d’application
La question se pose parfois de savoir si un produit donné entre ou non dans le champ d’une enquête en matière de droits compensateurs. Lorsque cette question se pose, le DOC peut rendre des décisions définissant le domaine d’application d’une ordonnance par rapport à des produits donnés.
De telles décisions ont pour but de faire en sorte que les produits importés soient comparés à des « produits similaires » américains. Dans la Tariff Act de 1930, l’expression « produit similaire » (« like product ») s’entend d’« un produit identique au produit faisant l’objet d’une enquête ou, en l’absence d’un tel produit, du produit qui lui ressemble le plus étroitement par les caractéristiques et les usages ». Le DOC examine en général les facteurs suivants dans la détermination du produit similaire : les caractéristiques physiques générales, les anticipations de l’acheteur final, les courants d’échanges, la manière dont le produit est vendu et présenté et son usage final. Aucun de ces facteurs n’est à lui seul déterminant, et d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération.19
Si l’ITC et le DOC se fondent ordinairement sur la même détermination du produit similaire, l’ITC n’est pas liée par la détermination du DOC. En effet, l’ITC peut donner du produit similaire national une définition plus large que celle de la catégorie de produits importés adoptée par le DOC, ou encore elle peut constater l’existence de deux produits similaires nationaux ou plus correspondant à cette catégorie. Dans sa définition du produit similaire national aux fins de la détermination de l’existence d’un dommage, l’ITC prend généralement en considération les facteurs suivants : 1) l’apparence physique; 2) les utilisateurs finaux; 3) les anticipations de l’acheteur éventuel; 4) la similarité des installations de fabrication; 5) les procédés de production et les travailleurs; 6) les courants d’échanges; 7) l’interchangeabilité; et, s’il y a lieu, 8) le prix. Aucun de ces facteurs n’est déterminant à lui seul, et d’autres facteurs pertinents peuvent être pris en considération.20
5. Détermination de l’existence d’une subvention
Le DOC doit établir dans un délai de 85 jours à compter de la présentation de la demande s’il y a des raisons valables de croire ou de soupçonner qu’une subvention est accordée. Le DOC fonde sa détermination préliminaire sur les renseignements dont il dispose au moment où il l’établit. Le délai de 85 jours peut être prorogé : à la demande du requérant dans les affaires mettant en jeu des subventions en amont, ou encore dans celles que le DOC juge d’une complexité exceptionnelle. Il peut être suivi une procédure accélérée pour établir une détermination préliminaire fondée sur les renseignements reçus dans les 50 jours à compter de la présentation de la demande, à condition que ces renseignements soient suffisants, que les parties renoncent par écrit au droit de vérification et qu’elles soient convenues de l’opportunité d’une telle procédure.
La détermination préliminaire, quand elle est positive, a un double effet :
- le DOC doit ordonner la suspension de l’évaluation en douane de toutes les importations du produit considéré déclarées ou dédouanées pour la mise à la consommation à compter :
- de la date de la publication de la détermination préliminaire; ou
- de l’expiration d’un délai de 60 jours suivant la publication de l’avis d’ouverture d’enquête si cette date est postérieure.
Le DOC doit aussi ordonner à l’égard de toute déclaration ultérieure du produit considéré la fourniture d’une garantie — dépôt en espèces, cautionnement ou autre — égale au montant de la subvention nette provisoirement calculé. De telles mesures ne peuvent être normalement en vigueur que 120 jours au plus.
L’ITC doit commencer son enquête en vue de la détermination finale de l’existence d’un dommage, et le DOC doit mettre tous les renseignements pertinents à sa disposition. Lorsque la détermination préliminaire est négative, l’évaluation en douane n’est pas suspendue, et l’enquête continue. Toutes les parties peuvent présenter des observations sur la détermination préliminaire du DOC et sur les renseignements qu’on lui a communiqués. Si on lui en fait la demande, le DOC tient une audition informelle pour examiner les questions en litige avec les parties. Celles‑ci peuvent déposer des mémoires et des contre‑mémoires avant et après l’audition. Toutes les observations communiquées, que ce soit par les requérants ou par les enquêtés, sont prises en considération dans la détermination finale.
5.1 Déterminations finales
ATel que mentionné plus haut, le DOC doit normalement établir sa détermination finale de l’existence d’une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire dans les 75 jours suivant sa détermination préliminaire. La détermination finale doit porter les conclusions de fait et de droit qui la fondent et le taux de droit compensateur estimé pour chaque partie enquêtée.21 GÉtant donné que le DOC procède à des vérifications sur place des réponses données aux questionnaires par les exportateurs ou les producteurs, il n’est pas rare que les marges établies dans la détermination finale diffèrent de celles constatées dans la détermination préliminaire. Lorsque la détermination finale est négative, il est mis fin à l’enquête, y compris, le cas échéant, à toute suspension de l’évaluation en douane, le montant total des droits compensateurs provisoirement calculés est restitué, et toutes les cautions ou autres garanties sont libérées. Si la détermination est positive, l’ITC engage la procédure qui mènera à sa détermination finale de l’existence d’un dommage.
À la suite de la notification d’une détermination finale positive de l’existence d’une subvention par le DOC et d’une détermination finale positive de l’existence d’un dommage par l’ITC, l’Administration américaine des douanes reçoit l’ordre d’imposer des droits compensateurs définitifs et de recouvrer sur les dépôts en espèces représentant les droits provisoirement estimés sur les importations ultérieures les sommes correspondant aux taux publiés dans la détermination finale. Le droit effectivement imposé peut varier relativement aux expéditions ultérieures, selon les résultats des réexamens administratifs annuels (voir plus loin).22
6. Définitions américaines des subventions
Les articles 3 à 9 de l’Accord sur les subventions énoncent les premiers critères internationaux en date pour distinguer les subventions pouvant donner lieu à une mesure compensatoire des subventions permises.23 Cet accord distingue les subventions prohibées, les subventions pouvant donner lieu à une action et les subventions ne donnant pas lieu à une action. L’Uruguay Round Amendment Act, promulguée en 1994, a aligné la définition américaine d’une subvention sur les stipulations de l’Accord sur les subventions.24
Une subvention est réputée exister lorsqu’une « autorité », c’est‑à‑dire les pouvoirs publics ou un organisme public du ressort territorial d’un État :
- fait une contribution financière;
- pratique une forme quelconque de soutien des revenus ou des prix qui a pour effet direct ou indirect d’accroître les exportations à destination du territoire d’un membre de l’OMC ou de réduire les importations sur ce territoire; ou
- fait des versements à un mécanisme de financement, ou charge un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions de financement qui sont normalement de son ressort, la pratique suivie ne différant pas véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics;
et qu’un avantage est conféré par l’une ou l’autre des opérations susénumérées.25
« Contribution financière » s’entend de l’une ou l’autre des opérations suivantes :
- le transfert direct de fonds (par exemple, sous la forme de dons, prêts et participation au capital social) ou les transferts directs potentiels de fonds ou de passif (par exemple, des garanties de prêt);
- le fait d’abandonner ou de ne pas percevoir des recettes publiques normalement exigibles (par exemple, dans le cas des crédits d’impôt et déductions fiscales);
- la fourniture par les pouvoirs publics de biens ou de services autres qu’une infrastructure générale;
- l’achat de biens par les pouvoirs publics.
Une contribution financière peut être réputée exister lorsque, plutôt que d’agir directement, les pouvoirs publics font des versements par l’intermédiaire d’un organisme de financement, ou chargent un organisme privé d’exécuter des fonctions qui sont normalement de leur ressort. La définition d’une subvention comprend les mesures prises par les autorités infranationales (par exemple, celles d’un État fédéral ou d’une province).26
Pour pouvoir donner lieu à une mesure compensatoire, une subvention doit non seulement comporter une contribution financière ou une forme quelconque de soutien direct ou indirect, mais elle doit aussi conférer un avantage au bénéficiaire. Une subvention est réputée conférer un avantage :
- dans le cas d’une prise de participation au capital social, si la décision en matière d’investissement est incompatible avec la pratique habituelle des investisseurs privés dans le pays où la participation est prise;
- dans le cas d’un prêt gouvernemental, s’il y a une différence entre le coût de ce prêt pour le bénéficiaire et le montant qu’il paierait sur un prêt commercial comparable;
- dans le cas d’une garantie de prêt, s’il y a une différence entre le coût du prêt garanti pour le bénéficiaire et le montant qu’il paierait sur un prêt commercial comparable en l’absence de garantie des pouvoirs publics;
- dans le cas de la fourniture de biens ou de services ou de l’achat de biens, si la fourniture s’effectue moyennant une rémunération moins qu’adéquate ou si l’achat s’effectue moyennant une rémunération plus qu’adéquate, l’adéquation de la rémunération étant déterminée par rapport aux conditions du marché existantes dans le pays qui fait l’objet d’une enquête ou d’un réexamen.27
En plus de conférer un avantage, une subvention intérieure, pour pouvoir donner lieu à une mesure compensatoire, doit aussi être spécifique à une entreprise, ou à une branche de production, ou à un groupe d’entreprises ou de branches de production. On impose généralement des droits compensateurs dans les cas où un avantage est conféré à une branche de production particulière, mais pas lorsque l’octroi de subventions est d’application générale et distribué également entre toutes les branches de production. C’est ce qu’on appelle le critère de l’« application générale » ou de la « disponibilité générale ».
6.1 Subventions prohibées
Sont prohibées :
- les subventions à l’exportation, c’est‑à‑dire celles qui sont subordonnées, au moins parmi d’autres conditions, aux résultats à l’exportation;
- les subventions fondées sur le remplacement des importations, c’està‑dire celles qui sont subordonnées, au moins parmi d’autres conditions, à l’utilisation de produits nationaux de préférence à des produits importés.
Aux fins d’application de la législation sur les droits compensateurs, les subventions à l’exportation sont réputées être spécifiques et donc pouvoir donner lieu à une mesure compensatoire.
6.2 Subventions pouvant donner lieu à une action
Les subventions d’une autre catégorie, à savoir les subventions intérieures, peuvent être aussi considérées comme spécifiques dans certains cas, et donc comme pouvant donner lieu à une action, en l’occurrence une mesure compensatoire. Une subvention intérieure peut être spécifique en droit (de jure) ou en fait (de facto). Il y a spécificité de jure dans les cas où l’autorité qui accorde la subvention limite expressément à une entreprise ou à une branche de production la possibilité d’en bénéficier. Dans les cas où les pouvoirs publics subordonnent à des critères ou conditions objectifs le droit de bénéficier de la subvention, il n’y a pas spécificité à condition que ce droit soit automatique et que lesdits critères ou conditions soient neutres, observés strictement et énoncés dans un document officiel de manière à pouvoir être vérifiés. Il y a spécificité de facto lorsqu’une ou plusieurs des conditions suivantes sont remplies :28
- les bénéficiaires réels, que l’on compte les entreprises ou les branches de production, sont en nombre limité;
- il y a utilisation dominante de la subvention par une entreprise ou une branche de production;
- il est octroyé des montants de subvention disproportionnés à une entreprise ou à une branche de production;
- l’autorité qui accorde la subvention a exercé dans la décision de l’accorder un pouvoir discrétionnaire dénotant qu’elle privilégie une entreprise.
Le poids attribué à ces facteurs pris individuellement varie d’un cas à l’autre, et le DOC n’est plus tenu de réunir et de prendre en considération des renseignements relatifs à l’ensemble de ces quatre facteurs. Précisons que le DOC, dans l’examen de ces quatre facteurs, doit tenir compte 1) de l’importance de la diversification des activités économiques dans la juridiction en question; et 2) de la période pendant laquelle le programme de subventions en question a été appliqué.29 La question de la spécificité des subventions intérieures est controversée et a donné lieu à de nombreux différends aussi bien aux États‑Unis que devant les instances internationales. On trouvera dans la note de fin de chapitre d’autres renseignements sur cette question.
Les subventions accordées par les pouvoirs publics d’un État fédéral ou d’une province qui ne sont pas limitées à une entreprise ou une branche de production situées dans cet État ou cette province ne sont pas considérées comme spécifiques et donc comme pouvant donner lieu à une mesure compensatoire. Les subventions accordées par le gouvernement central et limitées à une entreprise ou à une branche de production situées dans une région déterminée sont considérées par le fait même comme spécifiques et pouvant donner lieu à une action. De même, les subventions octroyées par un État fédéral ou provincial qui sont limitées à des régions déterminées de l’État ou de la province en question sont réputées être spécifiques.
6.3 Subventions ne donnant pas lieu à une action
En plus des subventions d’application générale, il y a certaines catégories de subventions, définies à l’article 8 de l’Accord sur les subventions et dans les dispositions américaines correspondantes, qui sont réputées ne pas donner lieu à une mesure compensatoire ou à une action. Sont en général permises les subventions des catégories suivantes :
- Aide à des activités de recherche si elle couvre exclusivement des coûts spécifiés représentant au maximum 75 % des coûts de la recherche industrielle, ou 50 % des coûts de l’activité de développement préconcurrentielle, ou 62,5 % des coûts additionnés de la recherche industrielle et de l’activité de développement préconcurrentielle, ces coûts spécifiés pouvant être par exemple les dépenses relatives au personnel employé exclusivement pour l’activité de recherche, les coûts du matériel et des terrains et locaux utilisés exclusivement et de manière permanente pour l’activité de recherche, ou les frais généraux additionnels supportés directement du fait de l’activité de recherche).
- Aide aux régions défavorisées revêtant un caractère non spécifique (au sens précisé plus haut à propos des subventions pouvant donner lieu à une action) dans les régions y ayant droit, accordée dans le cadre d’une politique de développement régional où chaque région défavorisée possède une identité définissable et où la région est considérée comme défavorisée sur la base de critères neutres et objectifs qui comprennent une mesure du développement économique, cette politique fixant des plafonds au montant de l’aide qui pourra être accordée à chaque projet subventionné.
- Aide visant à promouvoir l’adaptation d’installations existantes à de nouvelles prescriptions environnementales imposées par la législation et/ou la réglementation qui se traduisent pour le bénéficiaire par des charges plus lourdes, à condition que cette aide soit une mesure ponctuelle, non récurrente, soit limitée à 20 % du coût de l’adaptation, ne couvre pas le coût du remplacement et de l’exploitation de l’investissement ayant bénéficié de l’aide, soit directement liée et proportionnée à la réduction de la pollution prévue par le bénéficiaire et soit offerte à toutes les entreprises qui peuvent réaliser l’adaptation visée.
Les subventions ne donnant pas lieu à une action sont à l’abri des enquêtes en matière de droits compensateurs pour autant que le membre de l’OMC qui les accorde notifie le programme en question au Comité des subventions et des mesures compensatoires avant sa mise en oeuvre. Ce membre doit fournir une mise à jour annuelle de sa notification, qui doit être suffisamment précise pour permettre aux autres membres de l’OMC d’évaluer la conformité du programme aux critères applicables. Dans le cas où le programme considéré n’a pas été notifié, le membre qui l’a mis en place peut établir dans le contexte d’une procédure de règlement des différends qu’une subvention déterminée remplit tous les critères nécessaires pour ne pas donner lieu à une mesure compensatoire.30 L’Accord sur les subventions prévoit la possibilité de soumettre à un arbitrage contraignant les différends concernant le point de savoir si un programme déterminé donne ou non lieu à une action.
Même s’il remplit les critères nécessaires pour ne pas donner lieu à une action qui ont été énoncés plus haut, un programme de subventions peut être considéré comme pouvant donner lieu à une action sous le régime de l’article 9 de l’Accord sur les subventions s’il a « des effets défavorables graves » pour la branche de production d’un autre membre, au point de causer « un tort qui serait difficilement réparable ». Ce critère est plus rigoureux que le critère normal du préjudice ou dommage grave. Le Comité des subventions et des mesures compensatoires doit déterminer si la subvention a eu des effets défavorables graves dans un délai de 120 jours à compter du moment où s’avère l’échec des consultations entre les pays en cause. Si le Comité établit une détermination positive et constate en outre que l’État qui accorde la subvention devrait modifier son programme de subventions, cet État doit prendre dans les six mois des mesures propres à supprimer les effets défavorables graves.
Ces dispositions relatives aux subventions ne donnant pas lieu à une action devaient devenir caduques 66 mois après l’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC, soit le 31 décembre 1999, sauf conclusion d’un arrangement en prorogeant l’application. Or, il n’a pas été conclu d’arrangement de cette nature, et les dispositions américaines correspondantes sont devenues caduques le 1er juillet 2000.
Il y a une autre catégorie de subventions ne donnant pas lieu à une action. Les mesures de soutien interne visant les produits énumérés à l’annexe 1 de l’Accord sur l’agriculture issu du Cycle d’Uruguay qui remplissent entièrement les critères énoncés à l’annexe 2 du même accord sont considérées comme ne donnant pas lieu à une mesure compensatoire jusqu’à la fin de 2003, à moins que l’USTR ne fixe une échéance différente pour un membre donné de l’OMC conformément audit accord.
6.4 Subventions en amont
La législation américaine permet l’imposition de droits compensateurs à l’égard des subventions en amont. Les subventions en amont sont des subventions intérieures :
- octroyées par un État étranger relativement à des « intrants » utilisés dans la fabrication ou la production des produits faisant l’objet de l’enquête;
- qui réduisent sensiblement le coût de production et confèrent donc un avantage concurrentiel relativement aux produits considérés;
- qui ont un effet sensible sur le coût de la fabrication ou de la production des produits considérés.
Ces trois conditions doivent être remplies pour que le DOC conclue à l’existence d’une subvention en amont. La législation précise qu’un avantage concurrentiel a été conféré lorsque le prix de l’intrant utilisé dans la fabrication ou la production du produit faisant l’objet de l’enquête est inférieur au prix auquel le fabricant ou le producteur devait acheter cet intrant à une autre partie dans des conditions de pleine concurrence. En cas de détermination positive de l’existence d’une subvention en amont, le DOC impose un droit compensateur égal au montant de tout avantage concurrentiel ainsi conféré ou au montant de la subvention en amont octroyée, si ce dernier montant est moins élevé. Lorsqu’est alléguée l’existence d’une subvention en amont, la durée d’application de la détermination préliminaire peut être prorogée pour permettre au DOC d’enquêter. On a ajouté en 1988 à la législation une règle distincte, spécialement applicable au calcul des subventions relatives à certains produits agricoles transformés.31
6.5 Transfert de propriété et subventions antérieures
L’Uruguay Round Amendment Act, promulguée en 1994, a introduit de nouvelles dispositions précisant l’effet, quant à une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire, du transfert de la propriété de tout ou partie d’une entreprise étrangère ou de ses actifs productifs. Une subvention n’est pas automatiquement annulée du fait d’un transfert de propriété, même si la transaction s’effectue entre parties indépendantes. Pour ce qui concerne les ventes des pouvoirs publics au secteur privé, le DOC a la faculté de déterminer au cas par cas dans quelle mesure la privatisation supprime ou maintient les subventions antérieurement accordées.32
7. Calcul des taux de droits compensateurs
Le calcul du montant et de la valeur d’une subvention pose des problèmes complexes de comptabilité que nous ne saurions traiter de manière approfondie dans cet exposé sommaire. Une fois qu’il a établi qu’une subvention peut donner lieu à une mesure compensatoire, le DOC détermine au moyen de formules compliquées comment le montant de cette subvention devrait être réparti sur la production du produit similaire. En substance, on détermine le montant de la subvention unitaire en divisant le montant de la subvention par le nombre d’unités produites (dans le cas des subventions intérieures) ou exportées (dans le cas des subventions à l’exportation). Par exemple, pour la troisième affaire relative au bois d’oeuvre résineux (Bois d’oeuvre résineux III), le DOC a appliqué la même formule générale à chaque province. Le numérateur était l’avantage calculé par mètre cube (c’est‑à‑dire la différence entre les taux administrés et les taux de référence), multiplié par le nombre de billes de résineux récoltées. Le dénominateur était la somme de la valeur des expéditions de bois résineux et de la valeur de leurs coproduits (par exemple les copeaux et la sciure). Il peut aussi arriver que les avantages conférés ou les effets produits par une subvention dépassent le montant de celle‑ci. À ce propos, les États‑Unis soutiennent dans les discussions internationales une thèse favorable à la neutralisation intégrale des effets ou avantages des subventions, en particulier des subventions à la recherche‑développement. En fait, les États‑Unis, dans leurs propres décisions en matière de mesures compensatoires, ont pris l’habitude d’imposer un droit propre à neutraliser entièrement la subvention nette, que le programme visé soit ou non une mesure d’aide à la recherche‑développement.
7.1 Subventions à l’exportation
Le DOC a conclu dans de nombreuses enquêtes que pouvaient donner lieu à une mesure compensatoire les prêts consentis dans le cadre du Programme fédéral de développement des marchés d’exportation (PDME), qui prévoit l’octroi de prêts exempts d’intérêt pour le développement de nouveaux marchés. Dans ces affaires, le DOC a établi le montant de l’aide accordée et l’a divisé par la valeur des expéditions du produit considéré à destination des États‑Unis. Il est à noter que, dans les affaires concernant le PDME, on détermine le montant de l’aide en comparant les taux des prêts en question à un taux de référence conçu comme une approximation du taux commercial applicable pendant la période couverte par l’enquête (qui est normalement le taux d’escompte entreprises de la Banque du Canada) et en mesurant le traitement préférentiel ainsi accordé.
7.2 Dons
Comme les dons constituent par définition des subventions selon la législation commerciale américaine, le seul critère utilisé pour décider si l’on devrait leur appliquer une mesure compensatoire est celui du caractère sélectif de leur disponibilité. Ce caractère peut dépendre d’une intention explicite, par exemple lorsque la législation applicable réserve expressément à une ou plusieurs branches de production le droit de bénéficier d’une catégorie de dons. Cette spécificité de jure a été souvent invoquée comme motif de l’application de mesures compensatoires. Les exemples abondent dans la jurisprudence américaine en matière de droits compensateurs. On a ainsi appliqué, dans le cadre de l’affaire Certaines fleurs coupées en provenance du Canada, une mesure compensatoire à un programme aussi mineur et limité que le GEEP ontarien (Programme de stimulation pour la rentabilité de l’énergie dans les serres), qui touchait des exportations évaluées à 40 000 $ seulement, du fait de l’intention explicite de ce programme. Le GEEP prévoyait l’octroi de dons aux exploitants de serres pour alléger les coûts de l’adoption de méthodes à meilleur rendement énergétique.
Mais on a aussi décidé l’application de mesures compensatoires à des programmes plus importants tels que le Programme d’aide pour les bateaux de pêche (PABP) à cause de leur caractère sélectif. Le PABP prévoit une aide pouvant aller jusqu’à 60 % des dépenses afférentes à un bateau, jusqu’à concurrence de 750 000 $. Dans ce cas, les dons ont été étalés sur la durée de vie utile des bateaux (par exemple 12 ans pour les péniches et remorqueurs) et répartis sur la valeur de la production canadienne de poisson de fond de l’Atlantique. On a établi le caractère préférentiel de cette catégorie de dons au moyen d’une comparaison (aux fins de l’étalement des avantages) avec le taux à long terme de la Banque du Canada, retenu comme approximation du coût normal d’une injection de capitaux selon les critères commerciaux, par opposition à un don sans condition de l’État (c’est ce qu’on appelle la « méthode de l’amortissement dégressif »).
Les dons peuvent aussi entraîner l’application de mesures compensatoires en raison de l’administration pratique des programmes en cause, c’est‑à‑dire de leur spécificité de facto. L’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans l’octroi des subventions accroît la vulnérabilité aux mesures compensatoires. Les accords de développement de grande envergure conclus entre le fédéral et les gouvernements provinciaux constituent peut‑être les exemples les plus frappants de programmes canadiens dont on a conclu qu’ils pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires alors qu’ils avaient été conçus pour remplir le critère de la disponibilité générale. Ces accords sont pour la plupart destinés à promouvoir le développement régional. Les programmes fédéraux‑provinciaux tels que les ententes‑cadres de développement, les ententes de développement agricole et régional et les ententes de développement économique et régional ont tous été jugés passibles de mesures compensatoires non parce qu’ils favorisaient certaines entreprises ou branches de production, mais plutôt à cause de leur application sélective sur le plan géographique.
7.3 Subventions d’équipement
La question de la récurrence de l’aide est également importante dans le calcul de la subvention nette qui doit faire l’objet d’une mesure compensatoire. Lorsqu’une subvention est jugée non récurrente, elle est considérée comme une participation au capital social et ses effets peuvent donc être répartis dans le temps. Dans le cadre de la méthode de l’« amortissement dégressif », une subvention non récurrente accordée en dehors de la période couverte par l’enquête peut néanmoins devoir être prise en compte dans le calcul du droit compensateur. Inversement, une subvention récurrente peut faire l’objet d’à peu près le même traitement que des dépenses de programme. À ce titre, elle serait imputée à l’exercice où elle aurait été octroyée. Dans ce cas, une subvention récurrente accordée en dehors de la période couverte par l’enquête ne serait pas prise en compte dans le calcul du droit compensateur.
7.4 Participation au capital social
À l’automne 1982, le DOC a effectué un certain nombre d’enquêtes en matière de droits compensateurs sur des produits d’acier en provenance de la Communauté européenne. Ces affaires ont jeté une vive lumière sur la méthode du DOC, en particulier pour ce qui concerne la participation des pouvoirs publics au capital social. On peut conclure de ces dossiers que le DOC estime que la participation de l’État au capital social ne constitue pas nécessairement en soi une subvention : il y a subvention seulement lorsque cette participation est incompatible avec les critères commerciaux.
L’affaire Rails d’acier en provenance du Canada illustre bien la question de l’application de droits compensateurs à la participation au capital social, et en fait la politique du DOC à cet égard. Le DOC a conclu que les participations au capital social de Sydney Steel Co. (Sysco) pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires au motif que cette entreprise était non seulement « insolvable » (« uncreditworthy &187;) suivant les critères commerciaux, mais aussi « impropre à l’investissement » (« unequityworthy »). Le DOC considère comme « insolvable » une entreprise qui « ne dispose pas de réserves ou de ressources suffisantes pour s’acquitter de ses charges variables et fixes en l’absence d’une intervention de l’État ». Pour établir s’il y a « insolvabilité », le DOC examine les opérations antérieures de l’entreprise « en fonction de divers indicateurs financiers » dont il calcule les valeurs à partir de ses états financiers. Est dite « impropre à l’investissement », dans la terminologie du DOC, « une société incapable de produire un taux de rendement raisonnable dans un délai raisonnable ». La détermination applicable est elle aussi fondée sur un examen des états financiers de l’entreprise « en fonction de divers indicateurs financiers » dénotant son aptitude ou son inaptitude à remplir ses obligations financières.
La participation au capital social dont il s’agit en l’occurrence consistait en une capitalisation de la dette de Sysco par l’État provincial. Normalement, le DOC calcule le montant de l’avantage conféré par une participation des pouvoirs publics au capital social incompatible avec les critères commerciaux en établissant la différence entre le taux national moyen de rendement des capitaux propres et le taux moyen de rendement des capitaux propres de l’entreprise considérée. Le DOC répartit ensuite cet avantage net sur la valeur marchande du produit considéré pour établir le montant de l’avantage conféré au bénéficiaire. Cependant, en ce cas particulier, le DOC a conclu que le calcul d’un taux de rendement pour Sysco n’aurait pas de sens puisque cette société avait entièrement consommé la participation de l’État. Par conséquent, il a traité celle‑ci comme un don.
7.5 Annulation de dettes
Lorsqu’il constate qu’un État a annulé une dette, le DOC traite cette annulation comme un don à l’entreprise bénéficiaire, égal au solde à payer du principal au moment de l’annulation. Lorsque l’encours de la dette a été transformé en participation, c’est‑à‑dire lorsque l’État a reçu des actions dans la société en échange de l’exécution des obligations de celle‑ci, l’existence d’une subvention peut aussi être constatée. Le DOC détermine l’existence et l’importance d’une telle subvention en traitant la capitalisation comme une participation au capital social portée au compte du solde à payer sur le principal de la dette de l’entreprise. Dans la première affaire relative au bois d’oeuvre résineux, plusieurs prêts exempts d’intérêt, par exemple ceux qui avaient été octroyés dans le cadre d’un certain nombre d’ententes auxiliaires entre le Nouveau‑Brunswick et le gouvernement fédéral, étaient des prêts‑subventions (ou subventions remboursables sous condition). Comme il est apparu que l’État avait dans les faits renoncé à toutes ces créances, les avantages ainsi conférés ont été traités comme des dons. Pour déterminer le montant de la subvention correspondant à ces dons, le DOC a appliqué la méthode, décrite ci‑dessus, de l’amortissement dégressif.
7.6 Prêts
Tel que mentionné plus haut, l’octroi de prêts par l’État est essentiellement une fonction ressortissant à sa qualité de propriétaire et pourrait aussi bien être remplie par l’entreprise privée. En cette matière, la pratique des pouvoirs publics qui équivaut le plus souvent à l’octroi de subventions pouvant donner lieu à une mesure compensatoire est l’application de taux d’intérêt préférentiels. Cette pratique peut revêtir plusieurs formes : l’État peut prêter lui‑même, prescrire à un prêteur privé d’offrir de tels taux, ou même participer au paiement de taux commerciaux de telle manière qu’il en résulte dans la pratique des taux préférentiels pour l’emprunteur. Dans de tels cas, le DOC détermine le montant de la subvention en comparant les frais que l’entreprise considérée aurait supportés si elle avait dû rembourser un prêt commercial, principal et intérêts, et ce qu’elle a effectivement payé par suite de l’intervention des pouvoirs publics. Il est souvent arrivé que le DOC juge de telles transactions passibles de mesures compensatoires dans le cas du Canada. Ainsi, dans l’affaire Porcs sur pied et viande de porc fraîche, réfrigérée et congelée (1985), le DOC a conclu dans ce sens à l’égard de quatre programmes provinciaux au motif des conditions de faveur dont leurs prêts étaient assortis. De même, dans l’affaire Poissons de fond de l’Atlantique, sept programmes ont été déclarés passibles de mesures compensatoires par suite des conditions de faveur de leurs prêts. Dans toutes ces occurrences, et en fait dans de nombreux autres cas relevant d’autres affaires, le DOC a appliqué la même méthode. Le plus souvent, le taux concurrentiel de référence utilisé était la « moyenne nationale » ou le taux d’escompte entreprises de la Banque du Canada.
La manière dont le DOC étale les avantages conférés par les prêts a fait l’objet de critiques. Dans la décision Michelin Tire v. the United States (1981), le CIT a déclaré « exagéré » l’avantage calculé par le DOC du report du principal. Le tribunal, jugeant cette détermination « déraisonnable », a blâmé le DOC de ne pas avoir limité son évaluation de l’avantage à une seule constatation du principal. Selon le tribunal, « si des avantages sont conférés dans les exercices suivant celui du report, ils ne peuvent excéder les conséquences afférentes aux intérêts d’un premier avantage conféré au cours de l’exercice du report. La reprise en considération du montant reporté, exercice après exercice, est un défi au bon sens ». La manière dont le DOC avait déterminé la valeur actuelle des avantages étalés a aussi été critiquée dans la décision Bethlehem Steel v. the United States (1983). Ces décisions judiciaires contribuent à préciser, en l’absence de lignes directrices législatives dénuées d’ambiguïté, l’orientation des efforts du DOC dans la mise en oeuvre administrative de ses interprétations de la législation américaine.
Il peut aussi arriver que l’on conclue à l’applicabilité de mesures compensatoires même à l’égard de prêts dont les conditions sont compatibles avec les critères commerciaux, si l’entreprise bénéficiaire est considérée comme « insolvable ». S’agissant d’une entreprise ayant déjà subi des pertes continues, considérables ou notables, ou dont la cote de crédit est en baisse, il y a en effet lieu de penser qu’elle n’aurait pu obtenir de prêt commercial sans l’intervention de l’État. Dans de tels cas, la comparaison avec les taux commerciaux est jugée insuffisante, ne permettant pas à elle seule de rendre compte de l’intégralité de l’avantage conféré. Le DOC voit dans une telle intervention des pouvoirs publics l’équivalent d’une participation au capital social.
7.7 Garanties de prêt
Les critères utilisés dans ces cas ressemblent à ceux qu’on applique aux prêts. Il y a garantie de prêt lorsque les pouvoirs publics s’engagent à rembourser un prêteur privé en cas de défaillance de l’emprunteur. Une telle garantie constitue une subvention dans la mesure où elle entraîne l’octroi de conditions plus favorables qu’un accord qui ne serait pas garanti par l’État. On calcule le montant de cette subvention de la même manière que celle afférente à un prêt consenti à des conditions de faveur.
Les cas où les garanties de prêt ont donné lieu à l’imposition de droits compensateurs sont nombreux eux aussi. Ainsi, dans les affaires Porcs sur pied et viande de porc fraîche, réfrigérée et congelée et Poissons de fond de l’Atlantique, le DOC a conclu dans quatre cas distincts que les garanties de prêt équivalaient à des subventions.
7.8 Subventions et prêts à la recherche‑développement
Du point de vue du DOC, les subventions et les prêts à taux préférentiels octroyés par les pouvoirs publics pour la recherche n’équivalent pas à des subventions lorsque la recherche est d’application générale et que ses résultats sont mis à la disposition du public. Sont aussi considérés comme ne pouvant donner lieu à une mesure compensatoire les programmes d’aide à une branche de production déterminée au titre de recherches dont bénéficient tout un ensemble de branches de production. Inversement, les programmes établis pour financer des recherches qui ne touchent qu’une branche de production ou qu’un groupe de branches de production déterminées et dont les résultats ne sont mis à la disposition que de certains producteurs dans un pays ou un groupe de pays donnés sont considérés comme une subvention à l’égard des produits visés.
Dans l’affaire Aarexco Agricultural Export Co. v. the United States (1985), le CIT a conclu que le critère pertinent pour établir si un programme d’aide étatique à la recherche‑développement équivaut ou non à une subvention est le point de savoir si l’activité de R‑D en question est destinée à profiter à une branche de production particulière. Le traitement du Programme canadien de contrôle des performances est un exemple de cette approche telle qu’elle est interprétée par le DOC. Ce programme, administré conjointement par les gouvernements fédéral et provinciaux, avait pour objet d’aider les éleveurs de porcs dans l’amélioration génétique de leur cheptel et de stimuler la production de viande de porc d’une qualité uniforme et supérieure à des coûts moindres. Dans l’affaire Porcs sur pied et viande de porc fraîche, réfrigérée et congelée (1985), le DOC a conclu que le programme canadien augmentait les marges bénéficiaires d’une branche de production déterminée, à savoir l’élevage de porcs au Canada, dans une grande mesure aux frais des États fédéral et provinciaux, et qu’il était à ce titre passible d’une mesure compensatoire. Cependant, lors du premier réexamen administratif de cette détermination, le DOC a conclu que, comme Agriculture Canada publiait les résultats du Programme de contrôle des performances et la méthode utilisée pour les obtenir, les avantages de ce programme étaient mis à la disposition du public et non pas seulement des éleveurs canadiens de porcs et que, par conséquent, l’avantage conféré par ledit programme n’était pas particulier ou spécifique à cette branche de production. Par suite, le DOC a annulé sa décision antérieure et supprimé le droit compensateur appliqué à ce programme.
7.9 Crédits d’impôts et déductions fiscales
Comme l’imposition relève de la qualité d’« autorité souveraine » de l’État, le critère qu’utilise le DOC pour déterminer l’applicabilité de mesures compensatoires à cet égard est celui du « caractère préférentiel ». C’est sur cette base que le DOC a décidé l’application de droits compensateurs aux crédits d’impôt à l’investissement du Canada dans le cadre des affaires Poissons de fond de l’Atlantique, Produits tubulaires pour champs pétrolifères et Bois d’oeuvre I et II.
Les décisions du DOC étaient motivées par le fait que les taux des crédits canadiens d’impôt à l’investissement variaient selon le type de biens auquel ils s’appliquaient et selon la région où ils étaient appliqués. Il a calculé la subvention afférente à ces crédits suivant sa méthode dite de l’« impôt normal ». Cette méthode est en substance la suivante : le DOC impute un avantage fiscal à l’exercice faisant l’objet de la déclaration de revenus en évaluant les biens imposables qui bénéficient d’un crédit d’impôt préférentiel (c’est‑à‑dire l’ensemble des biens bénéficiant de plus que le taux de crédit de base généralement appliqué, qui est de 7 % au Canada), puis en attribuant à ces biens le taux de 7 % et en soustrayant cette valeur de l’impôt sur la fortune effectivement perçu afin d’établir le montant de l’avantage. Il divise ensuite ce dernier montant par le total des ventes de l’entreprise considérée pour obtenir la valeur de la subvention nette (c’est‑à‑dire de l’avantage conféré au bénéficiaire).
7.10 Programmes de sécurité sociale et prestations à l’intention des travailleurs
Comme ces interventions relèvent aussi de la qualité d’« autorité souveraine » de l’État, l’applicabilité à leur égard de mesures compensatoires est subordonnée à la spécificité aux travailleurs d’une branche de production ou d’une région données de l’avantage ainsi conféré. Le DOC a pour règle de déterminer l’existence d’une préférence de cette nature en se fondant à la fois sur les conditions d’attribution des prestations et sur la participation aux programmes. Même lorsqu’elles sont attribuées à des travailleurs de branches de production particulières, de telles prestations ne peuvent donner lieu à l’imposition de droits compensateurs que dans la mesure où elles déchargent l’entreprise bénéficiaire des frais qu’elle supporterait normalement. C’est ce qui arrive par exemple lorsque l’État s’acquitte à la place de l’entreprise de son obligation normale de financer en partie la retraite de ses salariés. Ces subventions à l’intention des travailleurs revêtent en général la forme de dons et sont en conséquence traitées comme des dons non liés.
Il est souvent arrivé que des requérants américains essaient de convaincre le DOC d’appliquer des mesures compensatoires aux programmes canadiens de sécurité sociale axés sur les travailleurs, mais le DOC n’a pas encore fait droit à une seule demande de cette nature. Dans l’affaire Bois d’oeuvre résineux I, le DOC a conclu que le Programme de croissance locale de l’emploi et les programmes de travail partagé du fédéral, ainsi que le Programme de création d’emplois provisoires de la Colombie‑Britannique, ne pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires parce que les prestations en découlant étaient négligeables ou n’avaient pas été attribuées pendant la période couverte par l’enquête. Dans l’affaire Poissons de fond de l’Atlantique, il a été allégué que l’article 146 de la Loi sur l’assurancechômage accordait un traitement préférentiel aux pêcheurs autonomes de l’Atlantique. Même après avoir reconnu que l’article 146 habilitait effectivement la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada à instituer un régime d’assurance‑chômage pour les pêcheurs autonomes, le DOC a conclu que les allocations offertes à ceux‑ci par ce régime ne représentaient pas un traitement préférentiel. On peut lire dans la détermination finale du DOC que, « si les conditions de l’assurance‑chômage pour les pêcheurs autonomes et pour les contractuels sont très proches, elles ne sont pas identiques », ce qui ne l’empêche pas de conclure en ces termes : « Après avoir comparé les conditions de l’assurancechômage stipulées par le Règlement à l’intention des pêcheurs pour les pêcheurs autonomes à celles que prévoient la Loi sur l’assurance‑chômage et son règlement d’application, nous déterminons que le régime d’assurance‑chômage dont bénéficient les pêcheurs autonomes n’est pas préférentiel et ne peut donc donner lieu à une mesure compensatoire. »
7.11 Fourniture d’un bien ou d’un service par les pouvoirs publics
La fourniture d’un bien ou d’un service par l’État peut être considérée comme une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire si ce bien ou ce service est fourni à des conditions plus favorables à une branche de production qu’à une autre. Dans l’affaire Bois d’oeuvre résineux I, le DOC a précisé son interprétation à cet égard de la notion de préférence, qu’il définit comme étant « le fait d’accorder un traitement plus favorable à certaines entités de l’unité administrative considérée qu’à d’autres entités de la même unité administrative, sans qu’il y ait nécessairement incompatibilité avec les critères commerciaux ».
Il semble cependant que le DOC ait réinterprété depuis ces notions de préférence et de caractère préférentiel. Dans les cas où la fourniture de biens ou de services est limitée, le DOC a utilisé d’autres valeurs de référence pour évaluer la préférence. Le premier exemple en date de la nouvelle interprétation est donné dans le réexamen administratif d’une ordonnance instituant un droit compensateur sur l’affaire Noir de carbone en provenance du Mexique (affaire Cabot). Dans ce réexamen, le DOC a conclu que, étant donné le nombre limité des utilisateurs de noir de carbone, son critère normal d’évaluation du traitement préférentiel ne convenait pas. Par conséquent, il a pris en considération d’autres valeurs de référence et publié une « annexe sur le caractère préférentiel » (Preferentiality Appendix) où il définit ces valeurs.
Le critère habituel et préféré du DOC pour déterminer l’existence d’une préférence est « le point de savoir si l’État (ou les fournisseurs privés agissant sur ses instructions) fournit un bien ou un service au(x) producteur(s) d’un produit donné à un prix inférieur à celui qu’il demande aux mêmes utilisateurs ou à d’autres utilisateurs de ce produit dans la même unité administrative ». Ce critère revient en fait à se demander si l’État étranger pratique la différenciation des prix relativement au produit en question sur son marché intérieur. Cependant, le choix de la valeur de référence appropriée à la mesure de la préférence ne va pas sans susciter des différends, en particulier lorsque l’enquête porte sur des politiques de fixation des prix à deux niveaux ou que le bien en question n’est fourni qu’à un nombre restreint d’utilisateurs effectifs.
À la suite de son réexamen administratif de l’ordonnance rendue à propos de l’affaire Noir de carbone en provenance du Mexique, le DOC a proposé quatre autres critères possibles pour mesurer le traitement préférentiel dans les cas où les producteurs enquêtés sont les seuls utilisateurs du bien considéré dans l’unité administrative étrangère. Il a en outre introduit depuis un cinquième critère. Ces critères,33 dans l’ordre de priorité d’application, sont la différence entre le prix demandé par l’État pour le bien en question et :
- le prix que l’État demande aux mêmes utilisateurs ou à d’autres utilisateurs pour le bien considéré dans la même unité administrative;
- le prix, ajusté en fonction des différences de qualité, que l’État demande pour un bien semblable;
- le prix demandé par les fournisseurs privés dans la même unité administrative;
- le coût de production du bien pour l’État (encore que ce critère ne convienne pas aux ressources naturelles);
- le prix d’un bien identique en dehors de l’unité administrative.
La hiérarchisation de ces critères reflète la conviction exprimée par le DOC selon laquelle les comparaisons de prix à l’intérieur de l’unité administrative étrangère constituent les mesures les plus valables du traitement préférentiel. L’utilisation de prix extérieurs est considérée comme le critère « le moins souhaitable et le moins suffisant parce que, quel que soit le prix extérieur choisi pour son effet sur le marché intérieur, ce critère ne mesure pas la préférence à l’intérieur de l’économie considérée ». Dans l’affaire Bois d’oeuvre II, le DOC a souscrit à la thèse des requérants comme quoi non seulement l’État exerçait dans une large mesure un pouvoir discrétionnaire dans l’attribution des droits de coupe, mais aussi la première conclusion de non‑spécificité de facto devait être remise en question. Le DOC a alors plutôt conclu que la vente des droits de coupe profitait en fait à une branche de production particulière et qu’elle pouvait à ce titre donner lieu à une mesure compensatoire. Il a calculé le montant de la subvention et mesuré la préférence accordée au moyen de la quatrième valeur de référence de l’« annexe sur le caractère préférentiel » (voir la liste ci‑dessus). Le DOC a choisi cette valeur après avoir déterminé qu’il n’existait pas de tarif de référence « d’application générale » pour les droits de coupe.
On a donc établi le montant de la subvention nette pouvant donner lieu à une mesure compensatoire en soustrayant l’ensemble des recettes publiques attribuables à la fourniture de ce bien (c’est‑à‑dire les droits de coupe perçus) des dépenses de l’État au titre de l’aménagement forestier. Cette méthode relevait essentiellement de l’approche consistant à déterminer le coût d’une subvention pour les pouvoirs publics qui l’accordent.
7.12 Soutien des revenus ou des prix
Les programmes gouvernementaux de soutien des prix ou des revenus n’ont pas échappé à l’application de droits compensateurs par les États‑Unis, bien que le Canada ait fait valoir qu’un tel soutien n’influe pas sur la fixation des prix ni sur les décisions de production ou d’investissement, mais qu’il ne fait que garantir un niveau minimum des prix ou des revenus. Dans l’affaire Porcs sur pied et viande de porc fraîche, réfrigérée et congelée (1985), de même que dans l’affaire Porc frais, réfrigéré et congelé (1989), le DOC a examiné un programme de soutien des revenus et conclu qu’il équivalait à une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire.
7.13 Taux collectif
Le DOC établit normalement un taux de droit compensateur pour chacun des exportateurs et producteurs étrangers connus des produits considérés. Les exportateurs et producteurs futurs ou inconnus du même pays sont assujettis à un taux collectif. Ce taux est la moyenne pondérée des taux de subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire qui ont été établis individuellement, excluant les taux nuls ou de minimis et les taux fondés entièrement sur les données de fait disponibles.34 Cependant, comme nous le verrons plus loin, les exportateurs et producteurs qui n’ont pas fait eux‑mêmes l’objet d’une enquête avant d’être assujettis à l’ordonnance instituant les droits compensateurs ont droit à l’établissement d’un taux individuel dans le cadre d’une procédure accélérée de réexamen. Si le nombre des exportateurs ou producteurs est trop élevé pour que le calcul de taux individuels soit réalisable, le DOC a la faculté : 1) d’utiliser une technique d’échantillonnage valable du point de vue statistique; 2) de n’examiner que les exportateurs et producteurs représentant le plus gros volume qui puisse raisonnablement être évalué; 3) d’établir un taux de droit compensateur applicable à l’échelle du pays exportateur.35
7.14 Subventions de minimis pouvant donner lieu à une mesure compensatoire
Conformément au paragraphe 11.9 de l’Accord sur les subventions, les États‑Unis ont modifié la Tariff Act de 1930 de telle manière qu’une marge d’octroi de subventions est maintenant considérée comme de minimis et non passible de mesures compensatoires lorsqu’elle est inférieure à 1 % ad valorem, dans le cas des importations en provenance de pays développés. Ce seuil est établi en fonction de l’ensemble des programmes examinés plutôt que de ces programmes pris individuellement. Cependant, selon l’interprétation du DOC, le paragraphe 11.9 ne s’applique qu’aux enquêtes proprement dites et non aux réexamens. Pour ce qui concerne ces derniers, le DOC continue d’appliquer la formule antérieure au Cycle d’Uruguay, selon laquelle une marge n’est considérée comme de minimis que si elle est inférieure à 0,5 % ad valorem.36
8. Détermination de l’existence d’un dommage par l’ITC
Tel que mentionné plus haut, le rôle de l’International Trade Commission dans les enquêtes en matière de droits compensateurs est d’établir si les importations subventionnées causent ou menacent de causer un dommage important à la branche de production américaine de produits similaires, ou retardent dans une mesure importante la création d’une branche de production américaine. L’ITC est composée de six membres nommés par le président, dont il ne peut y avoir plus de trois appartenant au même parti politique. Les déterminations sont établies à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix touchant l’existence d’un dommage important ou d’une menace de dommage important, l’ITC est réputée avoir établi une détermination positive.
La détermination de l’existence d’un dommage est établie par l’ITC à la suite d’une enquête visant à répondre à deux questions : premièrement, celle de la réalité d’un dommage important; et deuxièmement, celle de savoir s’il y a un lien de causalité entre les importations subventionnées et le dommage important.
8.1 Dommage important
Est réputé important un dommage « qui n’est pas sans conséquence, négligeable ou insignifiant ». La législation prescrit à l’ITC de prendre en considération les facteurs suivants dans la détermination de l’existence d’un dommage important causé à une branche de production nationale par les importations faisant l’objet de l’enquête :
- le volume de ces importations et, plus particulièrement, le point de savoir si ce volume est notable, en termes absolus ou relatifs;
- l’incidence des importations sur les prix américains du produit similaire, notamment l’existence d’une sous‑cotation des prix des importations ou le point de savoir si celles‑ci font baisser les prix américains;
- les effets des importations sur les installations américaines des producteurs nationaux de produits similaires, notamment :
- diminution effective et potentielle de la production, des ventes, de la part de marché, des bénéfices, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités;
- facteurs qui influent sur les prix intérieurs;
- effets négatifs, effectifs et potentiels, sur le flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance et la capacité de se procurer des capitaux;
- effets négatifs, effectifs et potentiels, sur le développement en cours et les efforts de production de la branche de production nationale visant à développer des versions plus avancées du produit similaire national;
- importance de la marge d’octroi de subventions.37
Cependant, l’ITC n’est pas obligée de s’en tenir à ces facteurs, et il lui est arrivé de prendre en considération d’autres indices économiques.
8.2 Menace de dommage important
IL’ITC établit si les importations considérées menacent de causer un dommage important à une branche de production nationale « sur la base d’éléments tendant à prouver que la menace de dommage important est réelle et qu’un tort effectif est imminent ». Cette détermination « ne peut être fondée sur de simples conjectures ou suppositions ».38
L’ITC prend en considération, entre autres facteurs économiques pertinents, ceux dont la liste suit :
- renseignements communiqués par le DOC sur la nature de toute subvention en cause pouvant donner lieu à une mesure compensatoire;
- toute augmentation effective ou imminente de la capacité de production de l’exportateur dénotant la probabilité d’une augmentation des importations aux États‑Unis;
- tout taux d’accroissement notable du volume des importations du produit considéré ou de la pénétration du marché américain qui laisserait supposer un accroissement substantiel des importations aux États‑Unis;
- probabilité que les importations aient pour effet de faire baisser les prix intérieurs dans une mesure notable ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de ces prix, ainsi que de faire augmenter la demande du produit étranger;
- stocks du produit faisant l’objet de l’enquête;
- possibilité de réorientation de la production si les installations étrangères produisant actuellement d’autres produits peuvent servir à la production du produit considéré;
- probabilité d’accroissement, du fait d’une réorientation de la production, des importations de produits agricoles bruts ou transformés faisant déjà l’objet d’une enquête;
- effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les efforts en cours de la branche de production américaine en vue de développer un dérivé ou une version plus avancée du produit faisant l’objet de l’enquête;
- toutes autres tendances démontrables dénotant la probabilité que le produit considéré causera un dommage important.
Les requérants peuvent aussi faire valoir que la création d’une branche de production nationale est retardée dans une mesure importante du fait des importations (effectives ou probables) du produit considéré. Mais cette disposition n’a été que rarement invoquée.
Pour ce qui concerne le lien de causalité, il est important de noter que, si les importations subventionnées doivent constituer une cause importante du dommage, il n’est pas nécessaire qu’elles en soient la seule cause, ni qu’elles en soient une cause plus importante que toute autre.
8.3 Détermination préliminaire
Dans sa détermination préliminaire, l’ITC doit établir, en se fondant sur les meilleurs renseignements disponibles à ce moment, s’il y a « raisonnablement lieu de supposer » que les importations dont on allègue qu’elles sont subventionnées causent ou menacent de causer un dommage important à une branche de production nationale. Quand elle est négative, la détermination préliminaire entraîne la clôture de l’enquête; mais il est relativement rare qu’elle le soit. L’ITC est portée à donner aux requérants le bénéfice de la procédure intégrale, sauf lorsque leur demande n’est pas dûment justifiée.39 C’est cependant au requérant qu’incombe la charge de la preuve touchant l’existence d’un dommage.
8.4 Détermination finale
Une norme de preuve plus rigoureuse est appliquée à la détermination finale. L’ITC doit alors établir si les importations considérées « causent » ou menacent de « causer » un dommage important à une branche de production américaine. Dans le cadre de cette détermination, l’ITC tient une audition publique qui dure en général une journée. Les parties à une procédure de l’ITC peuvent présenter des mémoires détaillés avant l’audition, et il leur est ménagé la possibilité de formuler des observations sur les données réunies et l’analyse effectuée par les enquêteurs de l’ITC. L’audition est une procédure d’enquête plutôt que d’arbitrage; elle n’offre que des possibilités très limitées de contre‑interrogatoire et ne permet pas l’exposition verbale de prétentions. L’ITC établit un rapport contenant sa décision après l’audition et les délibérations des commissaires. Quand elle est négative, la détermination finale entraîne la clôture de l’enquête et la libération de toutes cautions ou autres garanties.
8.5 Définition de la branche de production nationale
Il incombe à l’ITC de définir la branche de production nationale du produit similaire. Selon la Tariff Act de 1930, l’expression « branche de production nationale » s’entend de « l’ensemble des producteurs nationaux d’un produit similaire ou de ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure de la production nationale totale d’un tel produit ».40 Les producteurs américains du produit similaire qui sont liés aux exportateurs ou aux importateurs, ou qui sont eux‑mêmes des importateurs des produits dont il est allégué qu’ils font l’objet d’un octroi de subventions, peuvent être exclus de la définition de la branche de production nationale « dans les cas qui le justifient ». Des parties sont réputées être liées si l’une d’elles, directement ou indirectement, contrôle l’autre. La préoccupation de l’ITC, dans les cas mettant en jeu des parties liées, concerne le point de savoir si la relation des producteurs aux exportateurs ou aux importateurs du produit considéré les met dans une position inhabituelle ou protégée sur le marché par rapport aux autres producteurs.
8.6 Production captive
L’Uruguay Round Agreements Act de 1994 a introduit la notion de « production captive » dans la méthode américaine de détermination de l’existence d’un dommage important aux fins des enquêtes antidumping et des enquêtes en matière de droits compensateurs. Cette notion est fondée sur le fait que certains produits faisant l’objet d’enquêtes en matière de recours commerciaux peuvent être vendus aussi bien comme produits finaux (sur le « marché libre ») que pour ouvraison ultérieure. Si l’on prend par exemple la branche du laminage de l’acier, les rouleaux laminés à chaud peuvent être soit vendus et utilisés comme produits finaux, soit destinés à une transformation ultérieure en acier laminé à froid ou traité contre la corrosion. La question se pose donc de savoir si l’existence d’un dommage devrait être déterminée sur la base de la production totale du produit en question, ou seulement en fonction de la partie de la production vendue sur le « marché libre ». Dans le premier cas, les importations faisant l’objet d’un dumping ou subventionnées représenteraient une proportion moindre de la consommation totale que si la production captive était prise en considération. Par conséquent, il pourrait se révéler plus difficile pour la branche de production nationale de démontrer que les importations faisant l’objet d’un dumping ou subventionnées lui causent un dommage lorsqu’il est tenu compte de la production captive.
L’URAA prévoit des critères41 pour la détermination de l’existence d’une production captive et de son traitement. L’ITC examine normalement la situation de l’ensemble des producteurs américains du produit similaire national pour établir si les importations relevant de pratiques déloyales ont causé un dommage important. Elle prend en considération l’effet des importations subventionnées ou faisant l’objet d’un dumping sur la production totale du produit similaire national. Cependant, si elle constate la présence de certaines conditions, l’ITC déterminera l’existence d’un dommage en se fondant principalement sur le marché libre.
8.7 Marchés régionaux
Aux fins de la détermination de l’existence d’un dommage, la définition de la branche de production nationale peut être limitée aux producteurs du produit similaire établis sur des marchés isolés ou régionaux du territoire américain, même si la branche de production nationale du produit similaire, considérée dans son ensemble, ne subit pas de dommage. Une partie intéressée peut demander une définition régionale, mais la décision est laissée à la discrétion de l’ITC. Pour que l’existence d’un marché régional soit établie, il doit être démontré :
- que les producteurs situés à l’intérieur d’un tel marché vendent la totalité ou la quasi‑totalité de leur production du produit en question sur ce marché;
- que la demande sur ce marché n’est pas satisfaite dans une mesure substantielle par les producteurs du produit en question situés dans d’autres parties du territoire national.
Une fois constatée l’existence d’un marché régional, l’ITC applique plusieurs autres critères pour établir si la branche de production américaine a subi un dommage. Avant qu’une détermination positive ne soit établie, il doit être démontré :
- qu’il y a une concentration d’importations subventionnées sur le marché régional;
- que les importations subventionnées causent un dommage aux producteurs de la totalité ou de la quasi‑totalité de la production à l’intérieur de ce marché.
8.8 Évaluation cumulative
Il est prescrit à l’ITC de procéder à une évaluation cumulative du volume et des effets des importations de produits en provenance de deux pays ou plus lorsque ces importations sont en concurrence entre elles et avec le produit similaire national. Seules les importations pour lesquelles des demandes ont été présentées à la même date et à propos desquelles le DOC a établi une détermination préliminaire positive peuvent faire l’objet d’une évaluation cumulative. Pour ce qui concerne la détermination de l’existence d’un dommage, l’ITC doit procéder à une évaluation cumulative lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1) la marge d’octroi de subventions établie relativement aux importations en provenance de chaque pays est supérieure au niveau de minimis; 2) le volume des importations en provenance de chaque pays n’est pas négligeable; et 3) toutes ces importations sont en concurrence entre elles et avec le produit similaire national sur le marché américain. Pour ce qui concerne la détermination de l’existence d’une menace de dommage important, l’ITC peut à son gré procéder ou non à une évaluation cumulative.42
La nouvelle législation américaine est muette touchant la pratique d’« évaluation cumulative croisée » de l’ITC, c’est‑à‑dire l’évaluation cumulative des effets des importations faisant l’objet à la fois d’une enquête antidumping et d’une enquête en matière de droits compensateurs. Cette démarche est cependant de règle dans les faits.
8.9 Volume d’importations négligeable
Si l’ITC constate que les importations en provenance d’un pays faisant l’objet d’une enquête sont en quantité négligeable, elle clôt l’enquête. Le volume des importations considérées est réputé être négligeable s’il représente moins de 3 % du volume de l’ensemble des importations du produit considéré aux États‑Unis dans les 12 mois ayant précédé la date de la présentation de la demande. Cependant, lorsque les volumes additionnés des importations considérées en provenance de l’ensemble des pays à volume négligeable excèdent 7 % du volume de l’ensemble des importations considérées, ces importations ne sont pas réputées être négligeables.
9. Réexamens
9.1 Réexamens administratifs
Le DOC procède normalement au réexamen administratif d’une ordonnance instituant un droit compensateur ou d’un accord de suspension une fois par période de 12 mois comptée à partir du premier anniversaire de l’ordonnance ou de l’accord, à la demande d’une partie intéressée. Le réexamen administratif sert à déterminer le montant des droits effectivement exigibles au titre de la période faisant l’objet du réexamen et à établir le montant des droits provisoires applicables aux importations qui seront ultérieurement déclarées. Lorsque les sommes recouvrées en garantie pendant la période couverte par le réexamen (sur la base du taux provisoire antérieurement établi) excèdent le montant des droits effectivement exigibles pour cette période tel qu’il est déterminé par le réexamen administratif, le trop‑payé est restitué avec intérêts. Dans le cas contraire, l’Administration américaine des douanes recouvre les montants à acquitter avec intérêts. La procédure du réexamen ressemble à celle de l’enquête proprement dite (ou première enquête). Le DOC n’est pas tenu d’établir une nouvelle détermination relativement au dommage dans un réexamen administratif.
Le DOC peut refuser d’enquêter sur une subvention alléguée dans les cas où il a déjà établi qu’elle ne pouvait donner lieu à une mesure compensatoire et où la partie demandant le réexamen de la question ne produit pas de nouveaux éléments de preuve qui justifient ce réexamen. Le DOC ne peut décider une augmentation du taux de droit compensateur sans avoir constaté explicitement au dossier que la subvention visée peut donner lieu à une mesure compensatoire.
I Conformément au paragraphe 24.4 de l’Accord sur les subventions, la législation oblige maintenant le DOC à établir sa détermination préliminaire en réexamen administratif dans un délai de 245 jours à compter du dernier jour du mois de l’anniversaire de l’ordonnance ou de la conclusion de l’accord de suspension qui fait l’objet du réexamen. La détermination finale doit être notifiée dans les 120 jours suivant la date de la publication de la détermination préliminaire. Le DOC peut proroger ces délais dans certains cas.43
9.2 Réexamens relatifs aux nouveaux expéditeurs
Les ordonnances instituant des droits compensateurs sont habituellement appliquées à l’échelle des pays exportateurs. Comme c’était le cas avant le Cycle d’Uruguay, les nouveaux expéditeurs — c’est‑à‑dire les exportateurs ou les producteurs qui n’ont pas exporté, ou n’ont pas exporté en quantités suffisantes, le produit considéré pendant la période couverte par la première enquête, ou qui n’ont pas individuellement fait l’objet d’une enquête — sont assujettis au taux collectif. Le DOC a maintenant pour règle de procéder, si on lui en fait la demande, à un réexamen « accéléré » (qui doit normalement être achevé dans les 270 jours suivant l’engagement de la procédure) des nouveaux expéditeurs non affiliés aux producteurs assujettis à des droits compensateurs, afin d’établir pour eux des taux de droits individuels. Cependant, un tel réexamen ne peut être engagé qu’à la fin du mois suivant le semestre écoulé après la date de l’ordonnance ou qu’à la fin du mois de l’anniversaire de l’ordonnance, en prenant la date la plus proche.44
9.3 Abrogation
Le DOC a la faculté de clore une enquête suspendue, d’abroger une ordonnance en totalité ou d’en annuler l’application à un exportateur ou un producteur déterminé, à l’issue d’un réexamen annuel ou d’un réexamen en cas de changement allégué de situation. Il peut abroger l’ordonnance en totalité s’il constate que le gouvernement du pays visé a supprimé depuis au moins trois ans tous les programmes jugés passibles de mesures compensatoires et qu’il est improbable qu’il rétablisse de tels programmes ou les remplace par d’autres programmes pouvant donner lieu à des mesures compensatoires relativement au produit visé. Le DOC peut aussi décider l’abrogation intégrale de l’ordonnance s’il constate qu’aucun des producteurs ou exportateurs visés au moment de l’abrogation n’a demandé ou reçu de subvention nette relativement au produit considéré depuis au moins cinq ans et qu’il est improbable qu’aucun d’entre eux demande ou reçoive à l’avenir une telle subvention.
Le DOC a la faculté d’annuler l’application de l’ordonnance à un exportateur ou un producteur déterminé s’il n’a pas demandé ou reçu à l’égard du produit considéré de subvention nette pouvant donner lieu à une mesure compensatoire depuis au moins cinq ans et s’il est improbable qu’il en demande ou reçoive à l’avenir. La ou les parties qui veulent bénéficier d’une abrogation doivent s’engager par écrit à accepter le rétablissement immédiat de l’ordonnance dans le cas où elles recevraient après l’abrogation une subvention quelconque pouvant donner lieu à une mesure compensatoire relativement au produit considéré.45 Ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante, et le DOC peut demander et prendre en considération d’autres éléments de preuve pertinents pour rendre sa décision touchant l’abrogation.
9.4 Réexamens en cas de changement de situation
L’entité assujettie à une ordonnance instituant un droit compensateur à titre final ou qui est partie à un accord de suspension peut demander l’abrogation de cellelà ou la résiliation de celui‑ci en établissant que la situation de la branche de production américaine a suffisamment changé pour justifier cette abrogation ou cette résiliation. L’ITC doit déterminer si l’abrogation de l’ordonnance ou la clôture de l’enquête suspendue risque d’avoir pour effet que le dommage important ne subsiste ou se reproduise. L’entité qui demande l’abrogation a la charge de la preuve et doit convaincre l’ITC et le DOC que cette abrogation est justifiée :46 Dans les réexamens en matière de droits compensateurs, l’ITC doit prendre en considération les facteurs suivants :
- sa détermination antérieure de l’existence d’un dommage;
- le point de savoir s’il y a un lien entre la situation de la branche de production nationale et l’ordonnance ou l’accord de suspension;
- le point de savoir si la branche de production nationale serait exposée à un dommage important en cas d’abrogation de l’ordonnance ou de résiliation de l’accord de suspension.47
La réglementation spécifie aussi les facteurs économiques pertinents, ainsi que les effets éventuels de l’abrogation sur les prix, que l’ITC doit prendre en considération. Celle‑ci peut aussi procéder à un réexamen administratif pour cause de changement de situation ou abroger une ordonnance si elle constate que le requérant ou les autres parties antérieurement intéressées n’ont plus d’intérêt concernant l’ordonnance considérée.48 IEnfin, lorsque le DOC conclut qu’un réexamen accéléré est justifié, les avis d’engagement de la procédure et de résultats préliminaires peuvent être combinés.
9.5 Réexamens quinquennaux
Conformément au paragraphe 21.3 de l’Accord sur les subventions, la législation américaine dispose maintenant que les ordonnances instituant des droits compensateurs et les accords de suspension doivent être réexaminés par le DOC et l’ITC tous les cinq ans, et annulés à la suite de ce réexamen à moins que ne soit démontrée la probabilité que l’octroi de subventions et le dommage important subsistent ou se reproduisent dans un avenir raisonnablement prévisible.49 Cette détermination est normalement établie pour l’ensemble des entités assujetties à l’ordonnance plutôt que pour les entreprises considérées individuellement, encore qu’il existe une procédure d’annulation de l’application individuelle. La réglementation américaine antérieure au Cycle d’Uruguay ne prévoyait pas la caducité automatique des ordonnances instituant des droits compensateurs, qui restaient parfois en vigueur plus de 20 ans. Des dispositions spéciales de transition relatives au réexamen quinquennal des ordonnances en cours d’application permettent le regroupement et la fusion des procédures de manière que les autorités puissent gagner du temps en réexaminant simultanément les affaires mettant en jeu des produits semblables. Les ordonnances relevant de ce régime de transition ont ainsi fait l’objet de réexamens échelonnés à partir du 1er juillet 1998, le dernier ayant été engagé le 1er décembre 1999.
9.5.1 Département du Commerce
Le DOC doit aussi aviser les parties nationales intéressées de leur droit de participer au réexamen. En cas d’absence de réponse, l’ordonnance est abrogée (ou l’enquête suspendue est close) dans un délai de 90 jours à compter de l’engagement de la procédure de réexamen. Si les parties nationales intéressées ne répondent pas dans une mesure jugée suffisante par lui, le DOC procède à un réexamen accéléré sur la base des données de fait disponibles. Il effectue un réexamen approfondi si se manifeste une volonté suffisante de participation et s’il y a des raisons valables de supposer que les parties produiront les renseignements demandés.
Dans sa détermination du point de savoir s’il est probable qu’un octroi de subventions passible de mesures compensatoires subsistera ou se reproduira, le DOC prend en considération :
- la subvention nette pouvant donner lieu à une mesure compensatoire dont le montant a été déterminé lors de l’enquête et des réexamens ultérieurs;
- la question de savoir si le programme correspondant à cette subvention a subi des changements susceptibles d’influer sur le montant de ladite subvention.
Dans les cas où une entreprise est restée longtemps sans bénéficier d’un programme de subventions donné, le DOC conclut normalement que la simple existence de ce programme ne permet pas en soi de conclure à la probabilité du maintien ou de la récurrence d’une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire. Le DOC peut, sur exposé de raisons valables, prendre en considération des programmes dont on a constaté dans d’autres enquêtes ou réexamens qu’ils équivalaient à des subventions pouvant donner lieu à une mesure compensatoire, mais seulement s’il est possible qu’ils soient utilisés par les exportateurs ou les producteurs visés par le réexamen quinquennal et s’ils n’existaient pas au moment où l’ordonnance a été rendue ou l’accord de suspension conclu. Le DOC peut aussi prendre en considération des programmes dont on allègue pour la première fois qu’ils représentent des subventions pouvant donner lieu à une mesure compensatoire, mais seulement dans la mesure où il établit une détermination affirmative en matière de droits compensateurs relativement à de tels programmes et aux exportateurs ou producteurs faisant l’objet du réexamen quinquennal.
Le DOC communique à l’ITC le montant de la subvention nette pouvant donner lieu à une mesure compensatoire qui aura probablement cours en cas d’abrogation de l’ordonnance ou de clôture de l’enquête suspendue. Ce montant a normalement été établi dans le cadre d’un réexamen ou d’une enquête proprement dite. Le DOC doit avoir achevé son réexamen dans les 240 jours suivant l’engagement de la procédure. La possibilité de proroger ce délai est prévue pour les cas d’une complexité exceptionnelle.50
9.5.2 International Trade Commission
Pour ce qui concerne les réexamens quinquennaux, l’ITC détermine d’abord s’il y a lieu de procéder à un réexamen approfondi (lequel comprend une audition publique, l’envoi de questionnaires et d’autres procédures) ou à un réexamen accéléré (où la détermination est établie sur la base des données de fait disponibles, sans qu’il y ait audition publique ou complément d’enquête). Plus précisément, l’ITC établit si les réponses individuelles à l’avis de réexamen sont satisfaisantes, puis, sur la base de ces réponses individuelles quand elles sont jugées satisfaisantes, si les réponses collectives présentées par deux groupes de parties intéressées — appartenant respectivement à la catégorie des parties nationales intéressées (par exemple les producteurs, les syndicats, ou les groupements professionnels ou de travailleurs) et à celle des parties intéressées enquêtées (par exemple les importateurs, les exportateurs, les producteurs étrangers, leurs groupements professionnels ou les gouvernements des pays en cause) — expriment une volonté suffisante de participer et de produire les renseignements demandés, et enfin, lorsque tel n’est pas le cas, si d’autres circonstances justifient un réexamen approfondi.
La législation dispose que, dans les réexamens quinquennaux, l’ITC doit déterminer s’il est probable que le dommage important subsistera ou se reproduira dans un avenir raisonnablement prévisible en cas d’abrogation de l’ordonnance ou de clôture de l’enquête suspendue. L’Énoncé de mesures administratives de l’URAA précise, à propos du critère de probabilité, que l’ITC doit procéder à une analyse hypothétique : elle doit établir l’effet probable dans un avenir raisonnablement prévisible d’un changement important de la situation actuelle — à savoir l’abrogation de l’ordonnance « et la suspension de ses effets de limitation des volumes et des prix des importations ».51 On voit donc que le critère de probabilité est de nature prospective.
Si le critère appliqué dans le réexamen quinquennal n’est pas le même que celui qui préside à l’enquête proprement dite, on y retrouve quelques‑uns des mêmes éléments. Il est ainsi prescrit à l’ITC de prendre en considération la situation qui résulterait probablement d’une abrogation de l’ordonnance, compte tenu de tous les facteurs économiques, quant au volume des importations du produit considéré, à leur effet sur les prix et à leur incidence générale. L’ITC doit tenir compte de sa détermination antérieure de l’existence d’un dommage, ainsi que du point de savoir s’il existe un lien entre toute amélioration intervenue dans l’état de la branche de production nationale et l’ordonnance faisant l’objet du réexamen et si cette branche risquerait de subir un dommage important en cas d’abrogation. L’ITC peut aussi prendre en compte l’importance de la subvention nette pouvant donner lieu à une mesure compensatoire.
Il est permis à l’ITC de procéder à une évaluation cumulative des volumes et des effets des importations du produit considéré en provenance de tous les pays pour ce qui concerne les réexamens engagés à la même date lorsqu’il est probable que ces importations se feront concurrence entre elles et feront concurrence aux produits similaires nationaux sur le marché américain. Si le DOC établit une détermination finale positive, l’ITC doit achever le réexamen dans les 360 jours suivant l’engagement de la procédure. La possibilité de proroger ce délai est prévue pour les cas d’une complexité exceptionnelle.52
Des 15 ordonnances ayant institué des droits antidumping ou des droits compensateurs sur les importations en provenance du Canada qui étaient justiciables d’un réexamen quinquennal au 1er janvier 1995, 5 ont été maintenues (pièces moulées en fonte, tôles et rubans de laiton, rails en acier, magnésium et acier traité contre la corrosion), tandis que les 10 autres ont été abrogées.
10. Autres questions de procédure
10.1 Suspension de l’enquête
Plutôt que de clore une enquête, le DOC peut la suspendre avant d’établir une détermination finale, après avoir conclu un ou plusieurs accords remplissant certaines conditions prescrites par la loi. Deux types d’accords (ou d’« engagements ») sont autorisés :
- Il peut être conclu avec le gouvernement du pays, ou avec les exportateurs ou les producteurs, qui représentent « l’essentiel » des importations considérées (soit au moins 85 % selon l’interprétation du DOC), un accord ayant pour effet de supprimer ou de neutraliser entièrement la subvention nette ou de mettre fin aux exportations de produits subventionnés.
- Lorsque l’affaire est complexe et qu’il existe des circonstances extraordinaires, telles que la suspension de l’enquête profiterait plus que sa poursuite à la branche de production nationale, un accord est conclu pour supprimer l’effet dommageable des importations. Un tel accord doit comporter :
- soit la promesse formelle qu’il sera fait en sorte que les importations ne feront pas baisser les prix des produits nationaux ou ne feront pas obstacle à leur hausse, et que la subvention nette sera neutralisée dans une proportion d’au moins 85 %;
- soit l’engagement pris par un gouvernement étranger de limiter le volume des exportations du produit considéré à destination des États‑Unis, sous réserve de consultations avec les parties américaines qui pourraient être affectées.
Un accord de suspension doit être proposé au moins 45 jours avant la date prévue de la détermination finale. Un exemplaire du projet d’accord doit être communiqué au requérant et aux autres parties intéressées, qui peuvent présenter leurs observations sur ce document. Cependant, le DOC a la faculté de ne pas tenir compte des objections éventuelles du requérant. Le DOC ne peut souscrire à un projet d’accord que s’il estime qu’il est dans l’intérêt public et que son application peut être dûment contrôlée. Lorsque l’État qui accorde la subvention la supprime de son propre chef et sans négociations, le DOC est tenu de suspendre l’enquête si cette suspension est dans l’intérêt public et dans l’intérêt de la branche de production nationale concernée.53 Un accord de suspension peut aussi être conclu lorsque l’ITC a décidé de définir la branche de production selon la région, si les exportateurs qui représentent l’essentiel des exportations du produit considéré à destination de la région en question proposent la conclusion d’un tel accord.54
Pour ce qui concerne les accords axés sur la suppression de l’effet dommageable des importations, une partie intéressée peut présenter à l’ITC une demande de réexamen de la suspension. L’ITC établit alors dans un délai de 75 jours à compter de la présentation de la demande si l’accord proposé a supprimé l’effet dommageable des importations. S’il ne l’a pas complètement supprimé, l’enquête reprend. Si le DOC établit une détermination négative, l’accord est annulé et l’enquête reprend.
Si le DOC constate une violation de l’accord de suspension, il peut sans autres formalités suspendre rétroactivement l’évaluation en douane de toutes les importations déclarées du produit considéré et rendre une ordonnance instituant un droit compensateur. En outre, dans les cas où il n’a pas achevé l’enquête, il peut la reprendre et rendre une telle ordonnance.55
10.2 Circonstances critiques
Le requérant peut faire valoir n’importe quand avant les 20 jours précédant la détermination finale l’existence de « circonstances critiques » qui justifient la suspension rétroactive de l’évaluation en douane des importations du produit considéré déclarées ou dédouanées pendant les 90 jours ayant précédé la détermination préliminaire. Pour établir s’il existe des circonstances critiques, le DOC se pose l’une des questions suivantes ou les deux :
- celle de savoir s’il y a eu des importations massives du produit considéré en un temps relativement court, en comparant les périodes qui ont immédiatement précédé et suivi la présentation de la demande; et, dans l’affirmative,
- celle de savoir si la subvention dont on allègue qu’elle peut donner lieu à une mesure compensatoire est incompatible avec l’Accord sur les subventions.56
TPour être considérées comme « massives », les importations doivent avoir augmenté d’au moins 15 % par rapport à la période précédente de durée comparable. Le « temps relativement court » est en général le trimestre commençant à l’ouverture de l’enquête. Lorsque le DOC établit une détermination positive de l’existence de circonstances critiques, les importations du produit considéré sont évaluées en douane, que la détermination préliminaire ait ou non été positive.
L’ITC peut aussi s’interroger sur l’existence de circonstances critiques sans établir une détermination distincte de l’existence d’un dommage important relativement à la poussée soudaine des importations. Elle prend alors en considération les éléments de preuve de cet ordre dans sa détermination finale de l’existence d’un dommage. Elle doit répondre à la question de savoir si la poussée soudaine des importations survenue avant la suspension ou l’évaluation en douane est de nature à compromettre gravement l’effet correctif de toute ordonnance qui pourrait être rendue, compte tenu : 1) du moment où sont effectuées les importations et de leur valeur; 2) de tout accroissement rapide des stocks du produit importé; et 3) de toutes autres circonstances pertinentes.
10.3 Clôture de l’enquête
Le DOC peut clore l’enquête à n’importe quel moment de son déroulement en cas de retrait de la demande ou d’absence d’intérêt de la part de la branche de production nationale. L’ordonnance est automatiquement abrogée, sauf avis d’opposition, à l’expiration d’une période ininterrompue de quatre ans où aucune partie intéressée n’a demandé de réexamen administratif. Lorsque la clôture doit être fondée sur un accord par lequel un gouvernement étranger s’engage à limiter le volume des exportations à destination des États‑Unis, il incombe au DOC d’établir si une telle clôture est dans l’intérêt public en prenant en considération les facteurs suivants :
- le point de savoir si l’accord aurait sur les consommateurs américains un effet plus défavorable que l’imposition de droits compensateurs;
- l’effet de l’accord sur les intérêts commerciaux internationaux des États‑Unis;
- l’effet relatif de l’accord sur la compétitivité de la branche de production américaine.57
L’ITC peut aussi clore l’enquête en cas de retrait de la demande, mais pas avant d’avoir établi sa détermination préliminaire.58
10.4 Dispositions anticontournement
La question du contournement se pose normalement lorsque l’ordonnance instituant des droits compensateurs a pour objet des produits finis. Il peut arriver que, afin d’éviter d’avoir à payer les droits imposés, un exportateur situé dans le pays assujetti à l’ordonnance expédie les éléments de son produit aux États‑Unis ou dans un pays tiers pour l’assemblage final. On peut aussi essayer de contourner les mesures compensatoires en modifiant légèrement la forme ou l’apparence du produit.
Les États‑Unis ont promulgué des dispositions anticontournement pour la première fois en 1988, dans le cadre de l’Omnibus Trade and Competitiveness Act, dispositions qui ont été modifiées en 1994. Sous le régime de la législation anticontournement américaine, les produit finis en provenance d’un pays tiers ou les éléments expédiés aux États‑Unis pour assemblage peuvent aussi être assujettis à l’ordonnance instituant des droits compensateurs à certaines conditions.59 Ces conditions sont les suivantes : 1) les éléments ou pièces doivent être produits dans un pays faisant l’objet d’une ordonnance instituant des droits compensateurs; 2) les opérations d’assemblage ou de finissage exécutées aux États‑Unis (ou dans un pays tiers) doivent être mineures et négligeables; et 3) la valeur des éléments ou pièces importés aux États‑Unis (ou dans un pays tiers) en provenance du pays faisant l’objet de l’ordonnance doit constituer une proportion notable de la valeur totale du produit fini.60
Pour établir si les opérations d’assemblage ou de finissage sont mineures ou négligeables, le DOC prend en considération les facteurs suivants :
- le niveau des investissements aux États‑Unis;
- le niveau de la R‑D aux États‑Unis;
- la nature des opérations de production exécutées aux États‑Unis;
- l’importance quantitative des opérations de production exécutées aux États‑Unis;
- la question de savoir si la valeur de la transformation effectuée aux États‑Unis (ou dans le pays tiers) représente ou non une faible proportion de la valeur du produit vendu aux États‑Unis.
Aucun de ces facteurs n’est déterminant, et ces dispositions n’ont pas pour objet de créer des normes quantitatives rigoureuses. Pour établir s’il y a lieu d’inclure les éléments ou pièces dans le champ d’application de l’ordonnance, le DOC prend en considération les facteurs suivants :
- la configuration des échanges, notamment de la sélection des fournisseurs;
- le point de savoir si le fabricant ou l’exportateur des éléments ou pièces est affilié à l’entité qui réalise l’assemblage ou le finissage du produit vendu aux États‑Unis (ou dans le pays tiers);
- le point de savoir si les importations de ces éléments ou pièces ont augmenté depuis l’ouverture de l’enquête par suite de laquelle l’ordonnance en question a été rendue.
11. Révision judiciaire
11.1 Tribunaux américains
Toute partie intéressée que ne satisfait pas une détermination finale du DOC ou de l’ITC peut en demander la révision judiciaire au Court of International Trade (CIT — Tribunal américain du commerce international). Pour obtenir la révision judiciaire d’une mesure administrative, il faut déposer simultanément une assignation et une plainte dans les 30 jours qui suivent la publication de la détermination finale. La norme de révision appliquée par le CIT est le point de savoir si la détermination s’appuie sur une « preuve substantielle au dossier » et si elle est « par ailleurs [...] conforme à la loi ». Les décisions de ce tribunal peuvent être contestées devant la Cour d’appel pour le circuit fédéral.
11.2 Révision par un groupe spécial de l’ALENA
Il est stipulé au chapitre 19 de l’Accord de libre‑échange nord‑américain que les déterminations finales du DOC ou de l’ITC concernant des produits originaires de parties à cet accord peuvent être contestées devant des groupes spéciaux binationaux de cinq membres plutôt que devant des tribunaux nationaux. Les groupes spéciaux binationaux établissent si la détermination finale contestée est bien conforme à la législation sur les droits compensateurs de la partie à l’ALENA où elle a été établie. Si le groupe spécial conclut que la détermination est effectivement conforme à la législation nationale, elle est confirmée. Dans le cas contraire, le groupe spécial renvoie l’affaire avec ses instructions aux autorités chargées de l’enquête pour suite à donner. L’article 1904 de l’ALENA stipule que la demande d’institution d’un groupe spécial doit être présentée dans un délai de 30 jours à compter de la mesure administrative contestée. Les règles de la procédure des groupes spéciaux sont conçues de telle manière que le groupe spécial rende sa décision finale dans les 315 jours suivant la date où son institution a été demandée. À l’intérieur de ce délai, des échéances strictes sont prévues pour la sélection des membres du groupe spécial, le dépôt des mémoires et contremémoires et la fixation de la date de l’audition.
L’annexe 1904.13 de l’ALENA prévoit une « procédure de contestation extraordinaire » pour les cas où toute partie en cause ferait valoir dans un délai raisonnable que l’intégrité du processus d’examen binational est menacée, qu’un membre du groupe spécial s’est rendu coupable d’inconduite grave ou a autrement violé les règles de conduite, que le groupe spécial a manifestement outrepassé ses pouvoirs, son autorité ou sa compétence, et que l’un quelconque de ces actes a influé sur la décision. La décision du groupe spécial peut faire l’objet d’un recours devant un comité de trois membres ayant qualité de juges ou d’anciens juges. Ce comité doit être institué dans les 15 jours suivant la présentation d’une demande à cet effet et rendre dans les meilleurs délais une décision portant confirmation, annulation ou renvoi de la décision du groupe spécial.
L’article 1903 de l’ALENA permet à une partie à laquelle s’applique une modification de la législation sur les droits compensateurs d’une autre partie de demander que cette modification soit soumise à un groupe spécial pour avis déclaratoire sur le point de savoir si ladite modification est conforme aux règles de l’OMC et aux dispositions de l’ALENA. Pour qu’une modification des dispositions antidumping ou relatives aux droits compensateurs d’une partie à l’ALENA s’applique aux autres parties, il faut que celles‑ci soient nommément désignées dans la loi portant cette modification.
Note : Histoire du critère de spécificité
L’interprétation du critère de spécificité donnée par le DOC a suscité une controverse considérable au cours des dernières décennies. Avant 1985, le DOC établissait l’applicabilité de mesures compensatoires à une subvention en étudiant le point de savoir si celle‑ci était manifestement attribuée en droit à l’ensemble des entreprises ou seulement à une branche de production ou à un groupe de branches de production. Dans une décision rendue en 1983 concernant le bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada (Bois d’oeuvre résineux I), le DOC a conclu que les programmes canadiens relatifs aux droits de coupe étaient applicables au Canada suivant les mêmes conditions, sans égard à la branche de production ou à l’entreprise du bénéficiaire, et que toute limitation de leur champ d’application était attribuable aux caractéristiques intrinsèques de la ressource naturelle en cause et non à l’action gouvernementale. Par conséquent, selon le DOC, ces programmes étaient d’application générale et ne pouvaient donner lieu à l’imposition de droits compensateurs.61
Dans sa décision rendue en 1985 dans l’affaire Cabot Corporation v. United States,62 le CIT a conclu que l’interprétation donnée par le DOC du critère de spécificité n’était pas « une norme juridique acceptable pour déterminer l’applicabilité de mesures compensatoires ». Selon le CIT, il incombait au DOC d’effectuer une analyse de facto de l’effet des avantages conférés par un programme déterminé plutôt que de s’en tenir à son application théoriquement générale. Par conséquent, après cette décision, le DOC a commencé à examiner le point de savoir si les avantages profitaient dans les faits à un grand nombre de branches de production ou seulement à un groupe restreint d’entre elles.
En 1986, l’ITA a appliqué l’interprétation « Cabot » du critère de spécificité à la deuxième affaire relative au bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada (Bois d’oeuvre résineux II). Contrairement à leur décision de 1983, les autorités américaines ont cette fois conclu que les programmes canadiens de droits de coupe étaient offerts en pratique à un groupe déterminé de branches de production, même s’ils étaient en principe d’application générale et étaient effectivement utilisés par plusieurs branches.63 Dans la troisième affaire relative au même produit (Bois d’oeuvre résineux III), le DOC a encore une fois conclu à l’existence d’une spécificité dans les cas où l’application d’un programme est limitée par les caractéristiques du produit considéré de telle sorte que ce programme ne peut être utilisé que par une entreprise ou une branche de production, ou un groupe d’entreprises ou de branches de production. Depuis la décision Bois d’oeuvre résineux II, le Congrès américain, ainsi que les principes de l’interprétation « Cabot » du critère de spécificité codifiés dans la législation américaine (d’abord en 1988, avec l’Omnibus Trade and Competitiveness Act, puis en 1994, avec l’Uruguay Round Agreements Act), interdisent de conclure à l’inexistence d’un avantage spécifique à une certaine branche de production sur la base de la disponibilité en droit d’une subvention. Comme nous l’avons vu plus haut, le DOC est maintenant tenu d’établir si une subvention intérieure est spécifique en fait, même si la loi ou le règlement applicable la déclare généralement disponible en principe.
1La modification est énoncée à l’article 101 du titre I de la Trade Agreements Act de 1979.
2Accord relatif à l’interprétation et à l’application des articles VI, XVI et XXIII de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Cet accord porte sur les subventions et les mesures compensatoires.
3Pub. L. 103-465, 108 Stat. 4809, 8 décembre 1994.
4Voir 19 U.S.C. §§ 1330 et 1331 concernant l’organisation et les attributions générales de l’ITC.
5Le DOC peut en principe ouvrir une enquête en matière de droits compensateurs de sa propre initiative,mais il exerce rarement cette faculté.Voir 19 U.S.C. § 1573a (a) (1).
619 U.S.C. 1677 (9).
719 U.S.C. §1673a (b) (1).
8Voir 3.5”Microdisks from Japan, U.S. 54 Fed. Reg., 6435 (10 février 1989).
919 U.S.C. § 1673a (c) (4) (A) (1994).
1019 U.S.C §§ 1673 (c) (4) — (C), (B) (ii) et (B) (i).
1119 CFR § 353.12.
1219 U.S.C. § 1671a (b) (4) (A) et 18 C.F.R. § 355.12 (j).
1319 U.S.C. § 1677m (e) (4) (1994).
1419 U.S.C. § 1677e (1994).
1519 U.S.C. § 1677c (c) (1994).
1619 U.S.C. § 1677e (b) (1994).
1719 U.S.C. § 1677f (b)- (d) (1994).
1819 C.F.R. 355.34.
1919 U.S.C. § 1677 (10).
2019 U.S.C. § 1677 (4) (A).
2119 U.S.C. § 1971b (d).
2219 U.S.C. § 1671d (c).
23Articles 1, 2, 8 et 14 de l’Accord sur les subventions.
2419 U.S.C. § 1667 (5).
25Ibid.
2619 U.S.C. § 16779 (5) (C).
2719 U.S.C. § 1671 (5) (E).
2819 U.S.C. 1677 (5A) (D) (iii).
2919 U.S.C. 1677 (5A) (D) (iv).
30As required under Article 8.3 the Subsidies Agreement.
3119 U.S.C. § 1677‑1.
3219 U.S.C. § 1677 (5) (F).
33Projet de règlement, 54 Federal Register 23,381 et 23,382; et Preferentiality Appendix, 51 Federal Register 13,273
3419 U.S.C. § 1671d (c).
3519 U.S.C. § 167d (c) (B) (1994).
3619 U.S.C. § 1671b (b) (4).
3719 U.S.C. § 1677 (7) (B) (i).
3819 U.S.C. §§ 1673d (b) et 1677 (7) (F) (i).
3919 U.S.C. § 1673b (a). Les procédures de l’ITC sont énoncées au 19 § C.F.R. 207.
4019 U.S.C. § 1677 (4) (A).
4119 U.S.C. § 1671 (c) (iv).
4219 U.S.C. §§ 1677 (7) (G) (ii) (I) et (II).
4319 U.S.C. § 1675 (a) (3) (1994).
4419 U.S.C. § 1675 (a) (2) (B) (1994).
45C.F.R. 355.25.
4619 U.S.C. § 1675 (b).
4719 U.S.C. § 1675a.
4819 CFR 353.25 (d) (2).
4919 U.S.C. § 1675 (c) (1) (1994).
5019 U.S.C. § 1675 (c) (1) (1994).
51URAA SAA, H.R. Rep. No. 316, 103d Cong., 2d Sess., vol. I, p. 883‑884.
5219 U.S.C. § 1675 (c) (1) (1994).
5319 U.S.C. § 1671c.
5419 U.S.C. § 1671c (1).
5519 U.S.C. § 1671c (i).
5619 U.S.C. § 1671b (e) et 19 C.F.R. § 355.16.
5719 19 U.S.C. § 1671c et 19 C.F.R. § 355.17.
5819 U.S.C. § 1671c, 19 CFR 355.17.
5919 U.S.C. §§ 1677j (a) (1) (c) et (b) (1) (c).
6019 U.S.C. §§ 1677j (a) (1) (a)- (D) (1994).
61Détermination finale négative en matière de droits compensateurs : certains types de bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada, 48 Federal Register, 31 mai 1983, 24159, 24167.
62620 F. Supp. 722 (CIT 1985).
63Détermination préliminaire positive en matière de droits compensateurs : certains types de bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada, 51 Federal Register, 22 octobre 1986, 37453.
Précédent | Table des matières | Prochain
- Date de modification: