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Règlement des différends
Lois américaines portant sur les recours commerciaux : L'expérience canadienne
V. Enquêtes Américaines en matière de droits compensateurs concernant des importations en provenance du Canadan : études de case, 1991-1999
Bois d’oeuvre résineux III
3.1 Résumé
3.2 Historique
3.6 Détermination finale — Programmes examinés
- 3.6.1 Programmes déclarés subventionnels
- 3.6.1.1 Programmes provinciaux relatifs aux droits de coupe
- 3.6.1.2 Restrictions provinciales à l’exportation de bois en grume
- 3.6.1.3 Questions générales de calcul
- 3.6.1.3.1 Taux national
- 3.6.1.3.2 Inclusion de la valeur des produits remanufacturés dans la valeur des expéditions
- 3.6.1.3.3 Imputation du montant de la subvention aux coproduits
- 3.6.1.3.4 Ajustement effectué selon les différences entre le bois à pâte et le bois de sciage
- 3.6.1.3.5 Exclusion du bois en grume vendu par les concessionnaires
- 3.6.1.4 Demandes d’exclusion des produits spéciaux, des produits remanufacturés et de certaines entreprises
3.1 Résumé
Le département du Commerce a ouvert une troisième enquête sur l’opportunité d’appliquer des droits compensateurs au bois d’oeuvre résineux canadien le 31 octobre 1991, suite à la dénonciation par le Canada du Mémorandum d’entente concernant le bois d’oeuvre résineux. En décembre 1991, les requérants américains ont ajouté les restrictions canadiennes à l’exportation de bois en grume à la liste des subventions dont ils alléguaient qu’elles pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires. Le 5 mars 1992, le DOC a publié sa détermination préliminaire de l’existence d’un octroi de subventions, où il concluait que les programmes relatifs aux droits de coupe de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique, de l’Ontario et du Québec représentaient une subvention de 6,25 %; et les restrictions à l’exportation de bois en grume de la Colombie‑Britannique, une subvention de 8,23 %. Un taux d’octroi de subventions de 14,48 % a alors été constaté à titre préliminaire à l’égard du bois d’oeuvre en provenance de toutes les provinces sauf celles de l’Atlantique. Le DOC n’a pas appliqué en l’espèce la méthode de la comparaison des coûts et des recettes utilisée dans l’affaire Bois d’oeuvre résineux II et a plutôt conclu que les droits de coupe, étant inférieurs aux prix du marché, représentaient une subvention dont le bénéfice était transmis aux producteurs de bois d’oeuvre. Il a aussi conclu que la possibilité de bénéficier des programmes relatifs aux droits de coupe était en fait limitée à un groupe particulier de branches de production.
Le 28 mai 1992, le DOC a publié sa détermination finale, par laquelle il ramenait à 2,91 % le taux applicable aux droits de coupe, et à 3,60 % le taux imputable aux restrictions à l’exportation. Il a alors établi à 6,51 % le taux de subvention final correspondant au bois d’oeuvre en provenance de toutes les provinces sauf celles de l’Atlantique. Le 15 juillet 1992, l’International Trade Commission a publié une détermination finale positive de l’existence d’un dommage, principalement fondée sur le fait que les importations de bois d’oeuvre en provenance du Canada représentaient systématiquement une part considérable de la consommation apparente aux États‑Unis. Elle a déterminé que les importations subventionnées de bois d’oeuvre canadien, et d’épinette‑pin‑sapin en particulier, avaient eu pour effet de faire baisser les prix sur le marché américain. Le 29 juillet 1992, un groupe spécial a été institué sous le régime du chapitre 19 de l’Accord de libreéchange entre le Canada et les États‑Unis pour réviser la détermination finale du DOC. Le 6 mai 1993, ce groupe spécial a renvoyé l’affaire au DOC avec ses instructions. Le 17 septembre de la même année, le DOC a publié sa détermination issue de ce renvoi, dans laquelle il confirmait ses déterminations antérieures et portait le taux de 6,51 à 11,54 %.
Le 17 mai 1993, le groupe spécial a publié sa décision faisant suite au renvoi, où il concluait que le DOC n’avait pas étayé d’arguments satisfaisants sa conclusion de spécificité des programmes relatifs aux droits de coupe et renvoyait de nouveau l’affaire au DOC pour une détermination de non‑spécificité quant aux entreprises ou aux branches de production. Le groupe spécial concluait en outre que le DOC n’avait pas démontré empiriquement que les programmes relatifs aux droits de coupe avaient des effets de distorsion des marchés (critère des effets).
Pour ce qui concerne les restrictions à l’exportation de bois en grume, le groupe spécial a conclu que le DOC n’avait pas identifié avec précision les bénéficiaires de ces restrictions et a par conséquent rejeté la détermination de spécificité du DOC. Se voyant tenu par l’ordonnance de renvoi de conclure à la non‑spécificité des programmes relatifs aux droits de coupe comme des restrictions à l’exportation de bois en grume, et donc à l’inopportunité de leur appliquer des mesures compensatoires, le DOC a révoqué son ordonnance portant imposition de droits compensateurs.1
3.2 Historique
Le 3 septembre 1991, le gouvernement du Canada a annoncé son intention de résilier le Mémorandum d’entente concernant le bois d’oeuvre résineux à compter du 4 octobre de la même année. À cette dernière date, le représentant des États‑Unis pour les questions commerciales internationales (USTR) a ouvert une enquête relevant de l’« article 301 »2 sur les exportations canadiennes de bois d’oeuvre résineux. Il a alors décidé que l’évaluation en douane des importations de bois d’oeuvre résineux serait refusée ou suspendue jusqu’à l’achèvement d’une enquête en matière de droits compensateurs par le département du Commerce. C’est ainsi que les importations de bois d’oeuvre résineux ont alors été soumises à des droits pouvant aller jusqu’à 15 % ad valorem, selon la province d’origine. L’imposition de ces droits était subordonnée à l’établissement de déterminations finales positives de l’existence d’un octroi de subventions et d’un dommage à l’issue de l’enquête et avait pour objet les déclarations produites à partir du 4 octobre 1991.
En outre, le département du Commerce a ouvert de sa propre initiative une enquête en matière de droits compensateurs à la même date (le 4 octobre 1991), invoquant la dénonciation du Mémorandum d’entente par le Canada et le fait qu’il possédait des informations concernant l’importance des subventions canadiennes et la probabilité de l’existence d’un dommage. Les entreprises des Maritimes, étant exemptées des impositions à l’exportation depuis 1988, n’entraient pas dans le champ de cette enquête.
Le 20 décembre 1991, l’ITC a publié une détermination préliminaire positive, selon laquelle il y avait raisonnablement lieu de supposer que les importations en provenance du Canada dont on alléguait qu’elles étaient subventionnées menaçaient de causer un dommage important à la branche de production nationale.
Le DOC a publié sa détermination préliminaire quant à l’existence d’un octroi de subventions le 12 mars 1992. Il y concluait que les programmes relatifs aux droits de coupe appliqués par l’Alberta, la Colombie‑Britannique, l’Ontario et le Québec constituaient des subventions pouvant donner lieu à des mesures compensatoires.
Le DOC a établi à l’égard de ces programmes un taux national d’octroi de subventions de 6,25 % en multipliant les taux correspondant aux quatre provinces susénumérées par leurs parts respectives dans l’ensemble des exportations canadiennes de bois d’oeuvre résineux vers les États‑Unis pendant la période couverte par l’enquête.
Le DOC a aussi conclu que les restrictions à l’exportation de bois en grume appliquées par la Colombie‑Britannique équivalaient à une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire. Il a établi à l’égard de ces restrictions un taux national d’octroi de subventions de 8,23 % en multipliant le taux correspondant à la Colombie‑Britannique par sa part dans l’ensemble des exportations canadiennes de bois d’oeuvre résineux à destination des États‑Unis pendant la période couverte par l’enquête. On obtenait ainsi un taux provisoire total de 14,48 %, qui a été appliqué au bois d’oeuvre en provenance de toutes les provinces sauf celles de l’Atlantique. Ont également été exclues du champ de l’enquête six entreprises qui n’utilisaient que du bois en grume d’origine américaine dans leur production.
Le DOC a publié sa détermination finale le 28 mai 1992. En calculant la moyenne pondérée des taux respectifs des provinces (1,25 % pour l’Alberta, 3,30 % pour la Colombie‑Britannique, 5,95 % pour l’Ontario et 0,01 % pour le Québec) en fonction de leurs parts respectives dans les exportations à destination des États‑Unis, le DOC a obtenu un taux national de 2,91 % pour les programmes de droits de coupe. Quant à la réglementation britanno‑colombienne des exportations de bois en grume, le DOC a constaté qu’elle équivalait à une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire suivant un taux de 4,65 %, le calcul de la moyenne pondérée donnant à cet égard un taux national de 3,60 %. On obtenait ainsi un taux final d’octroi de subventions de 6,51 %, applicable au bois d’oeuvre de toutes les provinces à l’exception de celles de l’Atlantique.
Le 15 juillet 1992, l’ITC a publié une détermination finale positive de l’existence d’un dommage, confirmant ainsi l’ordonnance qui avait institué le droit compensateur. Les importations de bois d’oeuvre en provenance du Canada avaient représenté une part systématiquement considérable de la consommation apparente aux États‑Unis pendant la période couverte par l’enquête, et cette part était en augmentation sous le rapport de la valeur (même si elle reculait relativement à la part de marché et au volume). L’ITC a conclu que les prix des bois d’épinettepin‑sapin constituaient un indicateur des tendances du marché et que les importations de ces essences en provenance du Canada avaient pour effet d’empêcher des hausses de prix sur le marché américain. De plus, les coûts du bois en grume n’avaient pas augmenté autant pour les producteurs canadiens que pour leurs homologues américains, fait que l’ITC attribuait en partie aux subventions canadiennes. L’ITC a conclu que l’incapacité des producteurs américains à relever les prix en proportion de la hausse de leurs coûts démontrait à l’évidence l’existence d’une inhibition notable du mouvement des prix et était attribuable, au moins en partie, aux importations subventionnées de bois d’oeuvre canadien.
3.3 Groupe spécial institué sous le régime du chapitre 19 de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis (DOC)
Le 25 mai 1992, les gouvernements du Canada, de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique, du Manitoba, de l’Ontario, de la Saskatchewan, du Québec, des Territoires du Nord‑Ouest et du Yukon, ainsi que le Conseil canadien des industries forestières et les entreprises y affiliées, ont demandé la révision de la détermination finale du DOC par un groupe spécial binational sous le régime de l’Accord de libre‑échange.
Le 29 juillet 1992, un groupe spécial a été institué en vertu du chapitre 19 de l’Accord de libre‑échange pour réviser la détermination finale du DOC. Le 6 mai 1993, le groupe spécial binational a, à l’unanimité, confirmé en partie et renvoyé en partie la détermination finale.
- Pour ce qui concerne les programmes relatifs aux droits de coupe, le DOC avait conclu à leur spécificité au motif du nombre limité des bénéficiaires. Le groupe spécial a décidé que le DOC était tenu de prendre en considération l’ensemble des quatre critères de spécificité énumérés dans son projet de règlement, ainsi que tous les autres éléments de preuve pertinents au dossier, pour sa détermination quant à la spécificité.
- Le DOC avait conclu au caractère préférentiel des politiques gouvernementales de tarification des droits de coupe d’après une comparaison avec des prix de référence ayant cours sur d’autres marchés, à partir de quoi il avait déterminé que ces politiques représentaient une subvention pour les exportateurs de bois d’oeuvre résineux. Le groupe spécial a ordonné au DOC de prendre en considération le point de savoir si le programme relatif aux droits de coupe faussait en fait les échanges de manière à conférer un avantage concurrentiel aux exportateurs canadiens (critère des effets).
- Le groupe spécial a jugé contraire à la législation américaine la conclusion du DOC selon laquelle les restrictions appliquées par la Colombie‑Britannique aux exportations de bois en grume étaient spécifiques de jure et lui a renvoyé cette question pour un nouvel examen, estimant qu’il aurait dû effectuer une analyse de la spécificité de facto. Le groupe spécial a conclu à la majorité que le DOC avait le droit de considérer ces restrictions comme des subventions. Cependant, il ordonnait au DOC de réexaminer un certain nombre des méthodes économiques et statistiques utilisées pour déterminer si ces restrictions conféraient un avantage aux producteurs britannocolombiens de bois d’oeuvre résineux et pouvaient donc donner lieu à l’imposition d’un droit compensateur par les États‑Unis. Deux des membres du groupe spécial, dissidents sur cette question, ont conclu que les restrictions à l’exportation ne pouvaient donner lieu à une mesure compensatoire.
Le 17 septembre 1993, le DOC a publié sa détermination issue du renvoi, dans laquelle il réaffirmait ses déterminations antérieures et portait le taux d’octroi de subventions de 6,51 à 11,54 %. Comme on le lui avait demandé, le DOC avait pris en considération les quatre critères de spécificité énumérés dans son projet de règlement de 1989. Il réaffirmait sa détermination antérieure selon laquelle les programmes relatifs aux droits de coupe pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires au motif que les bénéficiaires de ces avantages étaient « trop peu nombreux ». Le DOC souscrivait à l’opinion du groupe spécial comme quoi les restrictions à l’exportation de bois en grume n’étaient pas spécifiques en droit, mais son réexamen l’amenait à conclure qu’elles étaient spécifiques en fait, essentiellement pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos des droits de coupe. Le DOC s’en tenait à sa position antérieure selon laquelle il n’était pas tenu d’effectuer une analyse de la « distorsion des marchés ». Cependant, conformément aux instructions du groupe spécial, il avait réexaminé la preuve au dossier et en avait conclu que les programmes provinciaux avaient pour effet de fausser les échanges.
Le groupe spécial a publié sa décision après renvoi le 17 décembre 1993. Il y concluait à la majorité de trois contre deux que le DOC n’avait pas étayé d’arguments suffisants sa détermination de spécificité des droits de coupe et lui renvoyait la question pour détermination de non‑spécificité de ces droits à une entreprise ou à une branche de production.
Touchant la question de savoir si les programmes de droits de coupe faussaient les échanges ou avaient d’autres effets sur les marchés, la majorité a exprimé l’opinion qu’une subvention ne peut faire l’objet d’une mesure compensatoire à moins qu’un avantage concurrentiel ne soit conféré par elle ou qu’il en découle une distorsion des marchés. Le groupe spécial a conclu que le DOC n’avait pas démontré empiriquement que les programmes de droits de coupe avaient un effet de distorsion des marchés. Pour ce qui concerne les restrictions à l’exportation de bois en grume, le groupe spécial a souscrit à la détermination du DOC issue de renvoi selon laquelle ces restrictions influaient sur le prix du bois en grume. Cependant, le groupe spécial estimait que le DOC n’avait pas identifié avec précision les bénéficiaires de ces restrictions et, comme le groupe spécial pensait qu’ils n’étaient pas nécessairement les mêmes que les bénéficiaires des programmes relatifs aux droits de coupe, il a rejeté la conclusion de spécificité du DOC. Deux membres du groupe spécial, dissidents à cet égard, ont conclu que, suivant les principes américains de la révision judiciaire de décisions administratives, le groupe spécial ne faisait pas suffisamment preuve de retenue relativement aux choix méthodologiques du DOC en matière de détermination de la spécificité. Tenu par le renvoi de conclure à la non‑spécificité des programmes relatifs aux droits de coupe comme des restrictions à l’exportation de bois en grume, et donc à l’inopportunité de leur appliquer des mesures compensatoires, le DOC se voyait en fait contraint de révoquer son ordonnance.
3.4 Contestation extraordinaire sous le régime de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis
Le 6 avril 1994, l’USTR a demandé l’institution d’un comité de contestation extraordinaire pour la révision des conclusions du groupe spécial qui avait révisé la détermination finale et la détermination issue de renvoi du DOC. Sa demande portait que deux membres du groupe spécial avaient violé de façon sensible les règles de conduite stipulées par l’ALE en s’abstenant de communiquer des renseignements qui auraient révélé au moins l’apparence d’un parti pris et, dans le cas de l’un d’eux, un grave conflit d’intérêts. En outre, le groupe spécial avait manifestement outrepassé ses pouvoirs, son autorité et sa compétence en ne tenant pas compte des critères d’« examen » (c’est‑à‑dire de révision) énoncés au chapitre 19, notamment du droit positif et des faits, dans sa décision d’infirmer la conclusion du DOC selon laquelle les subventions en question étaient spécifiques à une branche de production ou à un groupe de branches de production, et en inventant une prescription juridique obligeant le DOC à déterminer si les subventions faussaient les échanges (critère des effets). Selon l’USTR, ces actes avaient sensiblement influé sur la décision du groupe spécial et menaçaient l’intégrité du processus d’examen binational.
Le 3 août 1994, le comité de contestation extraordinaire de trois membres a confirmé à la majorité les décisions antérieures du groupe spécial binational. La majorité a conclu que le groupe spécial avait appliqué des critères légitimes de révision et interprété correctement la législation américaine3 en décidant que le DOC, dans cette situation exceptionnelle, était tenu d’établir si les programmes canadiens relatifs aux droits de coupe ou les restrictions britanno‑colombiennes conféraient un avantage concurrentiel ou faussaient les échanges, avant de déterminer s’il y avait subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire.
Selon la majorité, le groupe spécial avait formulé les bons critères de révision et consciencieusement appliqué les dispositions pertinentes en infirmant les conclusions de spécificité du DOC au motif que celui‑ci n’avait pas tenu compte de tous les facteurs susénumérés.
La minorité a rappelé un fait nouveau intervenu depuis la décision Bois d’oeuvre résineux II, à savoir l’arrêt rendu par la Cour d’appel pour le circuit fédéral dans l’affaire Daewoo Electrics v. International Union of Electric Workers (6 F. 3d 1511, Fed. Cir. 1993), selon lequel la méthode choisie par le DOC pour déterminer la spécificité et sa décision de ne pas obligatoirement tenir compte des distorsions du marché devaient faire l’objet d’une plus grande retenue judiciaire. Mais la majorité semble avoir souscrit à la thèse canadienne selon laquelle l’arrêt Daewoo n’était pas pertinent et n’ajoutait rien aux principes qui se dégageaient des décisions judiciaires antérieures. Qui plus est, le juge Hart a fait observer que, lorsqu’ils avaient remplacé la révision judiciaire nationale par le processus d’examen binational, le Canada et les États‑Unis ne devaient pas avoir manqué de se rendre compte que les groupes spéciaux binationaux feraient preuve, relativement aux décisions des autorités administratives, d’une retenue moindre que les tribunaux nationaux.
Concernant l’allégation de parti pris et d’inconduite grave formulée à l’encontre de deux des membres canadiens du groupe spécial, la majorité a établi que les faits n’autorisaient pas à conclure à une inconduite grave, à un parti pris, à un grave conflit d’intérêts ou à une violation sensible des règles de conduite. Tout en estimant que les deux membres en question avaient fait preuve de négligence en omettant de révéler qu’ils avaient donné des conseils et fourni des services à diverses parties intéressées touchant des questions sans rapport avec l’espèce, le juge Morgan a conclu qu’ils n’avaient pas violé de façon sensible les règles de conduite. De même, selon le juge Hart, les deux membres n’avaient délibérément omis de révéler aucune activité qui aurait justifié leur radiation, et toute omission à cet égard avait été involontaire. La majorité a aussi fait observer que ces inquiétudes touchant les deux membres n’avaient pas été exprimées avant la deuxième détermination issue de renvoi. Le juge Wilkey, dissident, a pour sa part conclu qu’il n’appartenait pas au comité de contestation extraordinaire de spéculer sur l’importance du conflit d’intérêts non divulgué et que la situation commandait qu’on désigne de nouveaux membres.
Le juge Wilkey a également affirmé que le comité devait agir d’une manière analogue à la Cour d’appel américaine pour le circuit fédéral en ce qui concerne sa révision des décisions d’un groupe spécial, c’est‑à‑dire sa détermination du point de savoir si le groupe spécial avait manifestement outrepassé ses pouvoirs, son autorité ou sa compétence de manière à menacer l’intégrité du processus d’examen binational. En outre, le groupe spécial n’avait pas fait preuve de suffisamment de retenue à l’égard des connaissances spéciales de l’organisme américain et avait substitué ses théories et ses convictions à celles de cet organisme. Enfin, le juge Wilkey mettait en question le principe même de la révision de décisions administratives par des « experts » indépendants et la possibilité d’inculquer le droit américain aux Canadiens.
Par suite de la confirmation de l’ordonnance du groupe spécial binational par le comité de contestation extraordinaire, l’ordonnance portant imposition d’un droit compensateur sur certains produits de bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada a été révoquée le 16 août 1994.
3.5 Groupe spécial institué sous le régime du chapitre 19 de l’Accord de libre‑échange entre le Canada et les États‑Unis (ITC)
Le 24 juillet 1992, les gouvernements du Canada, de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique, du Manitoba, de l’Ontario et du Québec, le Conseil canadien des industries forestières et les entreprises y affiliées, ainsi que l’Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec et ses membres pris individuellement, ont demandé la révision par un groupe spécial de la détermination finale de l’ITC concluant à l’existence d’un dommage.
Le 27 juillet 1993, le groupe spécial a conclu que la détermination de l’ITC n’était pas étayée par des éléments de preuve substantiels au dossier et a ordonné à cet organisme d’établir une détermination touchant le lien de causalité. Selon le groupe spécial, des éléments de preuve substantiels étayaient la détermination de l’ITC selon laquelle les produits considérés canadiens et américains étaient hautement interchangeables et que le volume des importations canadiennes pendant la période couverte par l’enquête était « notable ». Cependant, en l’absence d’une augmentation du volume ou de la part de marché ou d’autres indices, la simple existence d’un volume notable d’importations relevant de pratiques commerciales déloyales ne suffisait pas à justifier une détermination positive de l’existence d’un dommage.
Le groupe spécial a avisé l’ITC que, dans l’hypothèse où elle fonderait une nouvelle détermination affirmative sur l’inhibition de hausses de prix, elle devait rendre compte de l’effet inhibiteur réel des produits considérés sur d’éventuelles hausses de prix. L’ITC devrait aussi tenir compte de la clause du 19 U.S.C. § 1677 (7) (C) (ii) selon laquelle cet effet devait s’exercer « dans une mesure notable ». Le groupe spécial a aussi établi que, dans l’hypothèse où l’ITC déciderait de fonder sa détermination issue de renvoi sur une comparaison intersectorielle, elle devrait formuler les principes juridiques et autres l’y autorisant. Des méthodes appropriées devaient aussi être établies, définies et motivées. Enfin, l’ITC devait étayer d’une explication suffisante sa conclusion selon laquelle les importations de bois d’oeuvre résineux en provenance du Québec ne pouvaient prétendre à une détermination distincte de l’existence d’un dommage.
L’ITC a publié le 25 octobre 1993 sa détermination issue de renvoi, où elle concluait encore à l’existence d’un dommage grave du fait des importations de bois d’oeuvre résineux en provenance du Canada. Elle y constatait que les prix américains avaient moins augmenté qu’ils n’auraient dû et que les importations en provenance du Canada intervenaient pour une part notable dans cette inhibition des hausses de prix.
L’ITC étayait cette conclusion d’éléments de preuve selon lesquels 1) les prix canadiens augmentaient plus lentement et baissaient plus rapidement que les prix américains; 2) les prix des bois canadiens d’épinette‑pin‑sapin avaient une incidence dominante sur les prix du marché américain; 3) on trouvait les prix américains les plus bas dans le Nord‑Est, où la pénétration des importations canadiennes était le plus marquée, et les prix américains les plus élevés dans le Sud‑Est, où la pénétration des importations canadiennes était le plus faible.
Le 28 janvier 1994, le groupe spécial a publié sa révision de la première détermination issue de renvoi de l’ITC. Il y a confirmé la décision de celle‑ci de ne pas établir de détermination distincte de l’existence d’un dommage à l’égard du Québec, l’ITC n’étant pas autorisée par la loi à modifier le champ d’application de la détermination du DOC, qui était en l’espèce une détermination concluant à l’existence d’une subvention à l’échelle nationale.
Le groupe spécial a conclu que les données et l’analyse de l’ITC touchant la dynamique des prix ne constituaient pas une preuve substantielle à l’appui de sa conclusion selon laquelle l’inhibition notable des hausses de prix était causée par les importations en provenance du Canada. L’ITC n’avait pas fourni de renseignements suffisants pour expliquer comment elle était arrivée à ses conclusions. Qui plus est, le groupe spécial s’interrogeait sur l’opportunité d’utiliser des indices de prix à la production plutôt que des prix réels pour dégager les tendances des prix, méthode qu’avait appliquée l’ITC pour établir que les prix du bois d’oeuvre canadien subventionné augmentaient plus lentement et baissaient plus rapidement que ceux du bois d’oeuvre américain. Le groupe spécial a ordonné à l’ITC, dans l’hypothèse où elle fonderait une détermination positive issue du nouveau renvoi sur des données relatives à la dynamique des prix, d’analyser et d’expliquer de manière approfondie ces données et la méthode utilisée pour les traiter.
À la suite du renvoi, l’ITC a conclu encore une fois que les importations canadiennes avaient pour effet d’empêcher des hausses de prix du bois d’oeuvre résineux américain parce que les prix du bois d’oeuvre subventionné en provenance du Canada avaient une incidence dominante sur les prix du bois d’oeuvre ayant cours sur le marché américain. Le groupe spécial a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve pour étayer la conclusion de l’ITC selon laquelle les prix canadiens servaient de référence pour la fixation des prix du bois d’oeuvre américain. En outre, même dans l’hypothèse où il y aurait une preuve substantielle au dossier, elle ne suffirait pas à établir l’existence d’un lien de causalité. Toujours selon le groupe spécial, les éléments de preuve utilisés par l’ITC pour son analyse par région étaient insuffisants, parce qu’ils étaient fondés sur des données qui avaient déjà été rejetées et qui étaient maintenant invoquées sans explication satisfaisante. Qui plus est, l’analyse ne comportait qu’un niveau relativement bas de certitude statistique.
Dans sa deuxième détermination issue de renvoi, publiée le 14 mars 1994, l’ITC a conclu que le groupe spécial avait rejeté toute possibilité de se fonder sur la dynamique des prix et qu’il n’y avait donc rien à ajouter sur cette question.
La majorité de l’ITC (c’est‑à‑dire deux des trois commissaires qui avaient conclu à l’existence d’un dommage) a réaffirmé sa détermination antérieure comme quoi : la branche de production américaine subissait un dommage grave; le marché du bois d’oeuvre est un marché de produits de base, où la concurrence est vive; les importations subventionnées en provenance du Canada, représentant plus du quart du marché, étaient notables et avaient un lien de causalité avec le dommage grave subi par la branche de production américaine; si l’incidence de ces importations sur les prix américains était incertaine, aucune autre cause ne rendait pleinement compte du dommage subi. Il s’ensuivait, selon ces commissaires, que les importations étaient notables et que l’on ne pouvait éviter d’en conclure qu’elles causaient un dommage.
Le 6 juillet 1994, le groupe spécial a publié sa révision de la deuxième détermination issue de renvoi de l’ITC. Il y constatait que celle‑ci avait mal compris ses conclusions touchant l’analyse de la dynamique des prix et que le groupe spécial s’était en fait déclaré disposé à tenir compte des résultats d’une telle analyse à condition qu’elle soit correctement effectuée.
Le groupe spécial a rejeté comme non conforme à la loi la déclaration de l’ITC selon laquelle l’existence d’importations notables en provenance du Canada pouvait être présumée constituer une cause de dommage grave pour la branche de production américaine. En fait, l’existence de telles importations ne pouvait que venir à l’appui d’une détermination concluant à un lien de causalité. Le groupe spécial a renvoyé la détermination de la majorité selon laquelle aucune autre cause que l’existence d’importations notables en provenance du Canada ne rendait entièrement compte des pertes subies par la branche de production américaine. Selon le groupe spécial, cette conclusion était fondée en partie sur la comparaison intersectorielle établie par l’ITC, pratique qu’il avait déjà demandé deux fois en renvoi à l’ITC de réexaminer relativement à plusieurs problèmes méthodologiques et juridiques. Le groupe spécial a renvoyé la détermination du troisième commissaire, qui avait proposé une conclusion distincte mais concordante, de manière que puissent être résolus plusieurs problèmes méthodologiques relatifs au modèle économique utilisé.
C’est à cette étape que le processus d’examen par le groupe spécial de la décision de l’ITC a pris fin dans les faits. La procédure a alors été d’abord suspendue du fait d’une action contestant le caractère constitutionnel du processus d’examen binational devant les tribunaux américains, pour être ensuite close suite à la révocation par les États‑Unis de l’ordonnance le 16 août 1994.
3.6 Détermination finale — Programmes examinés4
Se fondant sur son analyse des programmes relatifs aux droits de coupe et des restrictions à l’exportation de bois en grume, le DOC a établi un taux national de droit compensateur de 6,51 % ad valorem. Étant donné la complexité de l’enquête, nous en proposons ici une analyse détaillée.
3.6.1 Programmes déclarés subventionnels
3.6.1.1 Programmes provinciaux relatifs aux droits de coupe
Pour établir l’opportunité d’appliquer des mesures compensatoires aux programmes provinciaux relatifs aux droits de coupe, le DOC devait d’abord déterminer si ces programmes étaient « spécifiques à une entreprise ou à une branche de production, ou à un groupe d’entreprises ou de branches de production ». Deuxièmement, il devait répondre à la question de savoir si les gouvernements provinciaux fournissaient « des biens ou des services à des taux préférentiels ».
3.6.1.1.1 Le critère de spécificité
Dans l’affaire Bois d’oeuvre I, le DOC avait conclu que la possibilité de bénéficier des programmes relatifs aux droits de coupe était limitée à une branche de production particulière du fait des « caractéristiques intrinsèques » de la ressource naturelle en cause, à savoir le bois. Or, dans sa décision préliminaire en l’affaire Bois d’oeuvre II et dans la décision que nous examinons maintenant, le DOC a fait volte‑face et conclu à la spécificité des programmes relatifs aux droits de coupe, au motif qu’en bénéficiaient seulement deux branches de production : l’industrie des produits en bois massif et l’industrie des pâtes et papiers.5 Le DOC a justifié ce revirement en invoquant sa conviction que 1) l’Omnibus Trade and Competitiveness Act de 1988 avait pour objet d’infirmer les décisions antérieures où il avait conclu à la non‑spécificité sur la base de la doctrine des « caractéristiques intrinsèques »; et que 2) dans l’hypothèse où la Trade Act de 1988 n’infirmerait pas cette doctrine, elle ne l’appliquait pas non plus, laissant au DOC la faculté de rapporter sa décision antérieure.
Le DOC a rejeté la thèse des enquêtés selon laquelle on ne pouvait conclure à la spécificité d’un programme qu’à la condition d’établir l’existence d’une « action délibérée des pouvoirs publics » en vue de limiter la possibilité d’en bénéficier. Selon les enquêtés, l’« action délibérée des pouvoirs publics » signifiait que l’État faisait en sorte de restreindre ou de limiter à une entreprise particulière la possibilité de bénéficier du programme. Le DOC a conclu que l’application du critère de l’« action délibérée des pouvoirs publics » mènerait à cette conclusion absurde que tous les programmes relatifs aux ressources naturelles devraient être reconnus non spécifiques.
Le DOC a déclaré qu’il avait examiné tous les facteurs de spécificité énumérés dans le projet de règlement de 1989 et constaté que l’un d’eux, à savoir le nombre limité d’utilisateurs, commandait en l’espèce une détermination de spécificité. Tout en admettant que les entreprises en question produisaient des produits très divers, le DOC a attribué un sens large à l’expression « branche de production », de manière à y faire entrer toutes sortes de produits en aval fabriqués à partir des mêmes produits de base, c’est‑à‑dire le bois massif et la pâte.
3.6.1.1.2 Le critère du caractère préférentiel
Ayant conclu à la spécificité des programmes relatifs aux droits de coupe, le DOC s’est attaqué à la deuxième question clé, celle de savoir si ces programmes mettaient en jeu des taux préférentiels. Il a conclu que les programmes de l’Alberta, de la Colombie‑Britannique, de l’Ontario et du Québec avaient un caractère préférentiel et pouvaient donc donner lieu à des mesures compensatoires. Il a rejeté la thèse des enquêtés selon laquelle ces programmes ne pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires parce qu’ils ne causaient pas de « distorsion des marchés », c’est‑à‑dire ne faisaient pas augmenter la production au‑delà, ou ne faisaient pas baisser les prix du bois d’oeuvre en deçà, des niveaux d’un marché purement concurrentiel (critère des effets).
Le DOC a aussi étayé sa conclusion comme quoi il n’entrait pas dans les intentions du Congrès qu’il prenne en considération la « distorsion des marchés » en invoquant le contexte législatif de la clause de « compensation » concernant l’analyse des subventions régionales. Avant la Trade Act de 1979, le département du Trésor avait pour règle de prendre en considération les effets des subventions de l’État sur la position concurrentielle des entreprises bénéficiaires. Or, le Congrès a expressément supprimé cette pratique de « compensation » dans la Trade Act de 1979. Le DOC y voyait l’expression de la volonté du Congrès qu’il n’évalue pas les effets économiques d’une subvention sur les bénéficiaires aux fins de la définition ou de l’évaluation d’un programme gouvernemental.
Les enquêtés avaient en partie fondé leur thèse sur plusieurs enquêtes américaines en matière de droits compensateurs dans lesquelles le DOC avait appliqué le critère des effets. Or, le DOC a déclaré que les décisions invoquées n’étaient pas pertinentes en l’espèce parce qu’elles concernaient des importations en provenance de pays à économie planifiée. Les affaires citées ne donnaient pas à penser que le DOC appliquerait nécessairement le critère de la distorsion des marchés dans les enquêtes en matière de droits compensateurs portant sur des importations en provenance d’un pays à économie de marché. L’application du critère des effets s’imposait dans une affaire mettant en jeu un pays à économie planifiée, parce que le concept de « subvention » était dénué de sens hors du contexte d’une économie de marché. S’agissant d’un pays à économie de marché, expliquait le DOC, on présume normalement l’existence d’une « distorsion des marchés » une fois établie l’existence d’une subvention pouvant donner lieu à une mesure compensatoire.
Les enquêtés ont appuyé d’une analyse économique effectuée par M. Nordhaus leur argument selon lequel les programmes relatifs aux droits de coupe n’avaient pas d’effet de distorsion. Le DOC a non seulement conclu à l’absence de pertinence de cette étude, étant donné sa détermination concernant le critère des effets, mais a contesté les méthodes et les conclusions de M. Nordhaus.
3.6.1.1.2.1 Hiérarchie des valeurs de référence
Le DOC a élaboré un classement hiérarchique des critères à appliquer pour déterminer l’existence d’un traitement préférentiel et mesurer la préférence accordée dans la fourniture de biens ou de services par les pouvoirs publics. Il a déclaré qu’il voulait ainsi porter à son maximum la prévisibilité des décisions administratives, la législation n’offrant guère d’orientation dans ce domaine..
Le critère privilégié du DOC (le premier de la liste donnée dans le Preferentiality Appendix)6 pour établir l’existence d’un traitement préférentiel est le point de savoir si l’État a fourni le bien ou le service en question à un prix plus bas que celui qu’il demande aux mêmes utilisateurs ou à d’autres utilisateurs de ce bien ou de ce service dans la même unité administrative. Le DOC a utilisé cette valeur de référence pour la Colombie‑Britannique, l’Alberta et l’Ontario, mais a appliqué le deuxième critère de la liste, soit le prix demandé pour un bien identique dans le secteur privé, pour les produits d’origine québécoise.
Lorsqu’il se révèle impossible d’établir des comparaisons valables en se fondant sur une différenciation des prix à l’intérieur de la même unité administrative, on recourt à l’un de trois autres critères possibles en suivant l’ordre de priorité d’application.7
Le DOC a fait savoir que cet ordre d’application n’était pas « immuable », mais qu’il le suivrait à moins qu’on ne lui « présente des faits ou des arguments démontrant l’inopportunité de le suivre, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ».
Le DOC a rejeté l’argument des enquêtés selon lequel les recettes de chaque province excédaient ses coûts, argument fondé sur l’idée que la quatrième valeur de référence, le coût pour les pouvoirs publics, devrait être utilisée. Le DOC n’a pas retenu cette valeur parce qu’il pouvait en utiliser d’autres d’un degré plus élevé dans la hiérarchie pour chaque province. En outre, le DOC a fait valoir que le critère du coût pour l’État posait des problèmes particuliers s’agissant de ressources naturelles, et que l’Ontario, le Québec et l’Alberta avaient exprimé des préoccupations touchant l’application de ce critère à leurs cas respectifs.
Le DOC a refusé de comparer les droits de coupe canadiens aux droits de coupe américains parce qu’il avait depuis longtemps pour règle de mesurer le traitement préférentiel à l’intérieur de l’unité administrative étrangère. Il a en outre fait valoir sa conviction que trop de facteurs mettaient en question la comparabilité des droits de coupe américains et canadiens.
3.6.1.1.3 Colombie‑Britannique
Le DOC a déterminé que la Colombie‑Britannique attribuait les droits de coupe à des prix de faveur, étant donné que les prix administrés étaient inférieurs aux prix de concurrence fixés sous le régime de l’article 16 de la loi portant création du Programme d’aide aux petites entreprises forestières. Le DOC a retenu ces derniers prix comme valeur de référence parce qu’ils étaient fixés seulement par les forces du marché et étaient donc non préférentiels.
Le DOC a souscrit à la thèse des enquêtés selon laquelle il devrait tenir compte des prix de l’ensemble des bois résineux en grume pour le calcul des prix administrés comme des prix de concurrence servant de référence, puisque les scieries utilisent aussi bien des grumes à pâte que des grumes de sciage dans leurs opérations.
Calcul de la subvention : Le DOC a établi un taux final de droit compensateur de 3,30 %.8 Le taux de sa détermination préliminaire était de 6,88 %.
3.6.1.1.4 Québec
Pour déterminer si le Programme de contrats d’approvisionnement et d’aménagement forestier du Québec, qui représentait plus de 95 % du bois récolté sur les terres publiques québécoises, prévoyait des taux préférentiels, le DOC a eu recours à la troisième valeur de référence de son classement (ventes privées).
Le DOC a conclu que son critère privilégié — le prix demandé par l’État pour un bien identique dans un contexte non spécifique et non préférentiel — ne pouvait être appliqué, pas plus que le deuxième de la liste, puisque l’État ne vend pas de biens « semblables ». Ayant comparé les taux ajustés du programme en cause et la moyenne pondérée des taux privés, le DOC a constaté que ceux‑là étaient moins élevés et donc préférentiels.
Calcul de la subvention Le DOC a fixé à titre final un taux de droit compensateur de 0,01 %. Le taux de sa détermination préliminaire était de 3,78 %.
3.6.1.1.5 Ontario
Le DOC a constaté que le gouvernement de l’Ontario attribuait les droits de coupe aux scieries non intégrées (c’est‑à‑dire non liées à des usines de pâtes et papiers) à des taux plus bas qu’aux exploitants intégrés. Il a déterminé que le taux demandé à ceux‑ci n’était pas préférentiel et pouvait donc servir de valeur de référence. Comme les taux ontariens étaient fixés seulement par rapport à l’utilisateur final plutôt que selon le type de bois récolté, il n’était pas nécessaire de procéder à un ajustement pour tenir compte de la répartition en grumes de sciage et grumes à pâte. De même, le DOC n’a pas ajusté les taux demandés aux exploitants intégrés et non intégrés, puisque ces deux catégories d’utilisateurs avaient les mêmes obligations.
Calcul de la subvention : La comparaison des taux demandés aux exploitants intégrés et non intégrés a donné lieu à la fixation d’un taux final de droit compensateur de 5,95 %. Le taux établi dans la détermination préliminaire était de 5,21 % pour l’Ontario.
3.6.1.1.6 Alberta
L’Alberta appliquait trois modes de concession pour le bois sur pied : les accords d’aménagement forestier (AAF), les contingents et les licences d’exploitation forestière commerciale (LEFC). Le DOC a retenu le taux des AAF relatifs au bois à pâte comme valeur de référence pour mesurer le traitement préférentiel représenté par les taux des AAF relatifs au bois de sciage, ayant constaté que le premier taux fluctuait en fonction des tarifs d’usage des pâtes et papiers. Selon le DOC, les taux correspondant au bois à pâte pouvaient pour cette raison être considérés comme non préférentiels et donc servir de base à la comparaison. Le DOC a conclu à l’opportunité d’appliquer une mesure compensatoire au taux des AAF relatifs au bois de sciage parce qu’il était plus bas que le taux des AAF relatifs au bois à pâte. Ayant constaté que certains contingents étaient vendus aux enchères tandis que d’autres l’étaient à des prix administrés, le DOC a comparé ceux‑ci aux prix de concurrence et conclu à l’existence d’un avantage pouvant donner lieu à une mesure compensatoire. De même, la comparaison des prix administrés des LEFC à leurs prix concurrentiels a donné lieu à la constatation d’un avantage passible d’une mesure compensatoire.
Calcul de la subvention : Se fondant sur son analyse des trois modes de concession, le DOC a fixé à titre final un taux de droit compensateur de 1,25 %. Le taux de la détermination préliminaire était de 4,16 %.
3.6.1.1.7 Manitoba, Saskatchewan, Yukon et Territoires du Nord‑Ouest
Le DOC a aussi conclu à l’opportunité d’appliquer une mesure compensatoire aux programmes de droits de coupe de ces provinces et territoires. Il a cependant décidé de ne pas construire de marge distincte pour ces unités administratives parce que les taux ainsi calculés n’auraient qu’une incidence négligeable sur le taux de droit compensateur applicable à l’échelle du Canada. Le DOC a donc attribué à ces provinces et territoires le taux national établi à partir de son analyse des programmes albertains, britanno‑colombiens, ontariens et québécois.
Taux national applicable aux droits de coupe : Pour chaque province, le DOC a divisé l’avantage passible d’une mesure compensatoire calculé ci‑dessus par la valeur totale des expéditions de bois d’oeuvre et de coproduits du bois d’oeuvre (par exemple les copeaux et la sciure) de cette province. Il a ensuite établi la moyenne pondérée des taux provinciaux ainsi obtenus selon la part de chaque province dans les exportations canadiennes de bois d’oeuvre résineux vers les États‑Unis. Il a ainsi évalué à 2,91 % le taux national d’octroi de subventions correspondant aux droits de coupe.
3.6.1.2 Restrictions provinciales à l’exportation de bois en grume
Le DOC a maintenu sa détermination préliminaire selon laquelle les restrictions à l’exportation de bois en grume pratiquées par la Colombie‑Britannique conféraient aux producteurs de bois d’oeuvre un avantage pouvant donner lieu à une mesure compensatoire, alors que ce n’était pas le cas pour les réglementations de l’Alberta, de l’Ontario et du Québec.
3.6.1.2.1 Distorsion des marchés
Comme nous l’avons vu plus haut, le DOC a conclu que la Trade Act de 1979 ne subordonne pas la détermination de l’existence d’une subvention à l’établissement d’une distorsion des marchés (critère des effets). Plus précisément, le DOC a déterminé que, si la législation interdit à l’ITC de mesurer les avantages conférés en se fondant sur l’effet économique net de la subvention sur le bénéficiaire (c’està‑dire un accroissement de la production ou une baisse des prix), elle ne l’empêche pas de déterminer l’existence d’une subvention et de l’analyser en fonction de la distorsion des marchés (c’est‑à‑dire des variations du coût marginal et des prix). Par conséquent, le DOC a appliqué une analyse « fondée sur l’offre et la demande » à la question des restrictions à l’exportation de bois en grume, ayant constaté que cette méthode était la seule lui permettant d’établir si ces restrictions conféraient un avantage passible d’une mesure compensatoire aux producteurs britanno‑colombiens de bois d’oeuvre résineux.
Le DOC a fait observer que les restrictions à l’exportation de bois en grume aussi bien que les programmes relatifs aux droits de coupe avaient un effet économique net sur le bénéficiaire dans la mesure où ils réduisaient le coût de sa principale matière première (le bois en grume) et faisaient ainsi baisser son coût marginal. Le DOC a insisté sur le fait que son analyse de l’offre et de la demande sur le marché britanno‑colombien du bois en grume démontrait que les restrictions à l’exportation influaient sur le coût marginal.
3.6.1.2.2 Opportunité d’appliquer une mesure compensatoire aux restrictions à l’exportation
Le DOC a reconnu que, avant la décision rendue en 1991 dans l’affaire Cuirs en provenance de l’Argentine, où il avait appliqué un droit compensateur à des restrictions à l’exportation de peaux brutes, il avait pour règle de ne pas imposer de tels droits à l’égard de mesures à la frontière. Il a cependant ajouté qu’il lui était loisible de changer sa pratique de longue date, à condition de fonder ce changement sur des motifs raisonnables et de démontrer la conformité de la nouvelle pratique à la loi applicable. Le DOC a déclaré erronées les décisions qu’il avait rendues avant l’affaire précitée, selon lesquelles les mesures à la frontière, telles que les restrictions à l’exportation de bois en grume, ne pouvaient en soi donner lieu à l’imposition de droits compensateurs.
Tout en reconnaissant que le Congrès n’avait pas légiféré explicitement sur la question de l’opportunité d’appliquer des droits compensateurs aux restrictions à l’exportation, le DOC a déclaré que, selon son examen de l’histoire et du contexte législatifs et du libellé des dispositions pertinentes, l’intention du Congrès était qu’on donne une interprétation large des termes « subvention » (subsidy) et « prime ou don » (bounty or grant). Par conséquent, selon le DOC, si le Congrès avait examiné directement la question, il n’aurait pas manqué de faire entrer expressément les mesures à la frontière, y compris les restrictions à l’exportation, dans le champ d’application de la législation sur les droits compensateurs.
Le DOC a aussi insisté sur le fait que la liste d’exemples de subventions intérieures donnée par le Congrès dans la Trade Act de 1979 n’était pas exhaustive et ne restreignait pas la définition du terme « subvention ». Le DOC s’estimait libre d’allonger cette liste d’une manière « compatible avec les principes ayant présidé à son établissement ».
Selon le DOC, l’intention du Congrès était qu’il applique des mesures compensatoires aux programmes ayant pour effet indirect de réduire les coûts de fabrication d’un producteur étranger en limitant la demande de la ressource naturelle en cause. Le DOC a conclu que les restrictions à l’exportation de bois en grume appliquées par la Colombie‑Britannique avaient bel et bien pour effet indirect de faire baisser les coûts marginaux des fabricants, tandis que les restrictions à l’exportation appliquées par les autres provinces ne conféraient pas d’avantages pouvant donner lieu à des mesures compensatoires.
Le DOC a rejeté la thèse des enquêtés selon laquelle un programme doit comporter une contribution financière sous une forme ou une autre pour pouvoir donner lieu à une mesure compensatoire, invoquant la disposition explicite de la loi applicable comme quoi les programmes conférant des avantages « indirects » peuvent donner lieu à une telle mesure.
3.6.1.2.3 Effet des restrictions à l’exportation sur les prix intérieurs du bois en grume
Ayant établi que les restrictions à l’exportation pouvaient être considérées comme des subventions intérieures selon la législation américaine, le DOC s’est ensuite demandé s’il existait une corrélation entre les restrictions à l’exportation appliquées par la Colombie‑Britannique et les prix intérieurs du bois en grume récolté dans cette province. Il a déterminé que l’étude de Margolick et Uhler9 avait établi l’existence d’un « effet direct et perceptible » du programme britannocolombien sur les prix intérieurs du bois en grume.
En déterminant pour le bois en grume britanno‑colombien une demande inférieure à ce qu’elle aurait été en l’absence de restrictions à l’exportation, les mesures de la Colombie‑Britannique avaient pour effet de faire baisser le prix du bois en grume vendu sur le marché de cette province. Le DOC a fait observer que, si l’étude précitée n’établissait pas l’existence d’une corrélation absolument certaine, elle permettait de conclure à la « forte probabilité » que la différence entre les prix intérieurs et les prix à l’exportation du bois en grume était principalement attribuable aux restrictions à l’exportation appliquées par la Colombie‑Britannique. Le DOC a en outre conclu que la possibilité de bénéficier de ces restrictions était limitée en droit à un groupe particulier de branches de production utilisant le bois en grume britanno‑colombien, à savoir l’industrie des produits en bois massif et celle des pâtes et papiers.
3.6.1.2.4 Mesure de l’avantage
Le DOC a déterminé que les restrictions à l’exportation de bois en grume appliquées par la Colombie‑Britannique ne faisaient baisser les prix intérieurs de ce produit que dans les régions côtières, les régions arrosées par les eaux sujettes aux marées et les régions frontalières de l’intérieur de cette province. Seuls les détenteurs de droits de coupe de ces régions étaient en mesure de réagir à une levée de restrictions en accroissant les exportations de bois en grume. Les détenteurs de droits de coupe situés dans le Nord et dans les régions centrales de l’intérieur de la province, ne pouvant exporter à des coûts économiques, ne subiraient pas d’effet sur leurs prix.
Le DOC a rejeté la thèse des enquêtés selon laquelle il était possible de rendre compte de tout écart entre les prix à l’exportation et les prix intérieurs du bois en grume par des différences relevant de la qualité et du transport. Le DOC ne s’est pas non plus laissé convaincre par la thèse des enquêtés comme quoi les restrictions à l’exportation de bois en grume de la Colombie‑Britannique ne faussaient pas les échanges parce qu’elles ne faisaient que neutraliser les effets de distorsion des politiques japonaises et américaines sur les régions côtières et les régions de l’intérieur arrosées par les eaux de marée de cette province. Le DOC a fait observer qu’il se souciait des effets d’un programme au sein de l’État étranger qui l’appliquait, et non des effets transnationaux des politiques d’autres unités administratives.
Tout en reconnaissant que la Colombie‑Britannique exportait un volume notable de bois en grume, le DOC a maintenu sa détermination préliminaire comme quoi la réglementation britanno‑colombienne limitait en fait des exportations dont la quantité aurait autrement été plus notable, accroissant ainsi artificiellement l’offre intérieure de bois en grume.
3.6.1.2.5 Calcul de la subvention
Le DOC a comparé les prix intérieurs en cours du bois en grume à ce que ces prix auraient été en l’absence de restrictions à l’exportation. Il a rejeté la demande du requérant qui voulait le voir procéder à une analyse transfrontalière, au motif que, comme on l’a vu plus haut à propos des droits de coupe, sa méthode est axée sur la situation au sein de l’unité administrative considérée.
Prix intérieurs : Le DOC a calculé les prix correspondant aux exportations de bois en grume en provenance des régions côtières en se fondant sur les prix du marché à Vancouver. Il a utilisé les prix observés pour les régions de l’intérieur arrosées par les eaux de marée, et les données de 1989 de Statistique Canada pour les régions frontalières de l’intérieur. Il a calculé la moyenne pondérée des données selon le pourcentage représenté par la récolte de chaque région capable d’exporter. Il a procédé à un ajustement des prix intérieurs en fonction de la catégorie et de la qualité pour rendre compte des différences entre les régions côtières et celles de l’intérieur.
Prix à l’exportation : Le DOC a calculé les prix à l’exportation à partir des données de Statistique Canada. Il a ensuite ajusté ces prix à la baisse en leur appliquant un facteur d’équilibre propre à rendre compte de la diminution des prix à l’exportation qu’entraînerait la levée des restrictions. Il a aussi ajusté les prix à l’exportation en fonction des coûts liés à celle‑ci (c’est‑à‑dire des frais de triage).
Entreprises intégrées : Le DOC a constaté que les restrictions à l’exportation de bois en grume conféraient un avantage aux entreprises intégrées aussi bien qu’aux acheteurs de ce produit. Les restrictions avaient pour effet de subventionner la production de bois d’oeuvre des entreprises intégrées, étant donné que les producteurs étaient détournés de vendre ou d’exporter du bois en grume du fait de ces restrictions et du niveau plus bas des prix.
3.6.1.2.6 Taux national
Le DOC a comparé les prix intérieurs et les prix à l’exportation ajustés. Il a réparti l’avantage conféré entre le bois d’oeuvre et ses coproduits en se fondant sur la valeur des expéditions. Il a ensuite calculé la moyenne pondérée du taux ainsi obtenu en fonction de la part de la Colombie‑Britannique dans les exportations à destination des États‑Unis. Il a ainsi obtenu un taux de 3,60 % pour la subvention à l’exportation de bois en grume, contre les 8,23 % de sa détermination préliminaire.
3.6.1.3 Questions générales de calcul
3.6.1.3.1 Taux national
Le DOC a établi un seul taux à l’échelle du Canada plutôt que des taux spécifiques aux provinces. Il a fait observer qu’il se conformait ainsi à une pratique de longue date. Il n’a pas établi non plus de taux spécifiques aux entreprises.
3.6.1.3.2 Inclusion de la valeur des produits remanufacturés dans la valeur des expéditions
Le DOC a décidé de retenir les valeurs des expéditions de bois de premier sciage publiées par Statistique Canada pour calculer le montant de la subvention, même si elles comprenaient la valeur de certaines expéditions de produits remanufacturés à partir de ce bois. Il a expliqué que, aux fins du calcul de la valeur des expéditions, l’incidence globale de l’inclusion de la valeur des bois resciés était minime et n’avantageait nettement aucune des parties.
3.6.1.3.3 Imputation du montant de la subvention aux coproduits
Le DOC a imputé le montant de la subvention non seulement au bois d’oeuvre résineux, mais aussi à ses coproduits (par exemple les copeaux et la sciure), en se fondant sur la valeur des expéditions de ces coproduits.
3.6.1.3.4 Ajustement effectué selon les différences entre le bois à pâte et le bois de sciage
Le DOC a rejeté la thèse du requérant selon laquelle il devrait procéder à un ajustement en fonction des différences qualitatives entre le bois à pâte et le bois de sciage, au motif que les provinces n’employaient pas ces expressions pour distinguer les grumes quant à la qualité ou aux dimensions, mais pour distinguer les utilisations finales de grumes souvent semblables en fait.
3.6.1.3.5 Exclusion du bois en grume vendu par les concessionnaires
Le DOC n’a pas exclu de son calcul de la subvention le bois en grume vendu par les concessionnaires à des parties indépendantes parce qu’il ne pouvait séparer ces ventes des autres.
3.6.1.4 Demandes d’exclusion des produits spéciaux, des produits remanufacturés et de certaines entreprises
3.6.1.4.1 Produits spéciaux
Le DOC a refusé d’exclure du champ de l’enquête les produits du thuya géant, du cyprès jaune, du thuya occidental, du pin blanc et du pin rouge, ainsi que les bois d’oeuvre des catégories coupes claires et atelier, pour deux raisons principales : 1) les bois de ces espèces et qualités se vendent dans le cadre des mêmes programmes de droits de coupe que ceux de toutes autres espèces de conifères; et 2) ces bois peuvent servir de matières premières aux mêmes produits que ceux qu’on fabrique à partir des autres espèces de conifères, ou à des produits semblables.
3.6.1.4.2 Produits remanufacturés
Le DOC a décidé de ne pas exclure les produits remanufacturés (ou bois resciés) du champ de l’enquête. Premièrement, a fait remarquer le DOC, l’enquête portait sur les produits de bois d’oeuvre résineux, y compris les produits remanufacturés. Deuxièmement, le DOC ne disposait pas d’une définition précise des produits remanufacturés ni de « critères raisonnables et objectifs » pour distinguer les produits remanufacturés des autres produits de résineux qui lui permettait d’exclure ceux‑là du champ de l’enquête. Troisièmement, il n’estimait pas souhaitable de retenir la liste des produits remanufacturés exclus du champ d’application du Mémorandum d’entente parce que cette liste résultait de négociations et ne définissait pas légalement une classe de produits qui devrait être exclue. Quatrièmement, le DOC avait déterminé que les détenteurs de droits de coupe produisaient de nombreux produits remanufacturés; par conséquent, les programmes relatifs aux droits de coupe conféraient un avantage direct au moins à certaines entreprises de nouvelle ouvraison. Il a décidé d’imposer des droits fondés sur la valeur au premier sciage du bois ayant servi de matière première aux produits remanufacturés.
3.6.1.4.3 Demandes d’exclusion de certaines entreprises
Le DOC a jugé irréalisable l’examen de l’ensemble des 334 demandes d’exclusion d’entreprises. Il a cependant exclu du champ de l’enquête 15 entreprises qui utilisaient exclusivement ou principalement du bois en grume d’origine américaine.
Note
L’Uruguay Round Agreements Act de 1995 a précisé la législation américaine sur les droits compensateurs relativement à deux questions importantes examinées par le groupe spécial du bois d’oeuvre résineux, à savoir la spécificité et ce qu’il est convenu d’appeler le « critère des effets ». Sur ces deux questions, la législation, la réglementation et la procédure antérieures à l’URAA étaient souvent vagues, déroutantes et contradictoires, de sorte que le DOC appliquait des critères différents suivant le cas. L’Énoncé de mesures administratives de l’URAA et l’URAA elle‑même portent expressément que, aux fins de la détermination de la spécificité de facto, il suffit au DOC d’établir qu’un seul facteur justifie une détermination de spécificité pour conclure son analyse.
En outre, on a modifié la Tariff Act de 1930 de manière qu’elle dispose explicitement que le DOC n’a pas à appliquer le « critère des effets » pour établir l’opportunité d’appliquer une mesure compensatoire à un programme de subventions.
ASelon l’Énoncé de mesures administratives, cette modification avait pour objet de prévenir les erreurs d’interprétation de la législation américaine sur les droits compensateurs telles que celles commises par le groupe spécial binational du bois d’oeuvre résineux. Le Canada a déployé de grands efforts pour inciter le gouvernement des États‑Unis à supprimer ou améliorer ces modifications; on pensait — c’était en tout cas l’avis de certains — que la suppression du « critère des effets » en particulier entraînerait l’infirmation des décisions du groupe spécial du bois d’oeuvre résineux. Mais ces efforts n’ont pas donné de résultats.
1Le 6 janvier 1994, le DOC a publié sa deuxième détermination issue de renvoi, où il concluait que les programmes relatifs aux droits de coupe et les restrictions à l’exportation de bois en grume ne pouvaient donner lieu à des mesures compensatoires. Le groupe spécial a accepté cette détermination le 23 février 1994. Le 6 avril de la même année, l’USTR a demandé l’institution d’un comité de contestation extraordinaire, lequel a confirmé l’ordonnance du groupe spécial le 3 août 1994. Le 16 du même mois, le DOC révoquait son ordonnance portant imposition de droits compensateurs.
2Sous‑alinéa 302 b) (1) (A) de la Trade Act de 1974, dans sa forme modifiée.
3Aux termes du paragraphe 1904 (3) de l’ALE, les groupes spéciaux devaient appliquer les critères d’examen et les « principes juridiques généraux &187; qu’un tribunal de la Partie importatrice (en l’occurrence les États‑Unis) appliquerait à l’examen d’une détermination de l’organisme d’enquête compétent (en l’espèce le DOC).
4Le développement qui suit est en partie inspiré de l’analyse proposée par le cabinet d’avocats Steptoe et Johnson au Conseil canadien des industries forestières (29 mai 1992). Les passages en question sont reproduits avec l’autorisation du Conseil.
5Le DOC a rappelé que son projet d’établissement de règles de mai 1989 prévoyait l’examen de quatre facteurs pour la détermination de spécificité : a) le point de savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics font en sorte de limiter la possibilité de bénéficier du programme en question; b) le nombre d’utilisateurs réels de ce programme; c) le point de savoir si certains utilisateurs ont recours au programme dans une mesure dominante ou disproportionnée; et d) le point de savoir si l’État exerce un pouvoir discrétionnaire dans la décision d’attribuer les avantages conférés par le programme.
6Voir Noir de carbone en provenance du Mexique, 51 F.R. 13269, 18 avril 1986.
7Les valeurs de référence sont, dans l’ordre de préférence : 1) le prix que l’État compte pour un bien identique à d’autres utilisateurs dans la même unité administrative; 2) le prix, ajusté en fonction des différences de qualité, que l’État demande pour un bien semblable ou apparenté; 3) le prix demandé par les fournisseurs privés pour un bien identique dans la même unité administrative; 4) le coût de la fourniture du bien pour l’État; et 5) le prix d’un bien identique en dehors de l’unité administrative considérée. Ces valeurs de référence constituent ce qu’on appelle l’« annexe sur le caractère préférentiel & 187; (Preferentiality Appendix), qui accompagnait la détermination préliminaire du DOC établie dans son réexamen administratif de l’affaire Noir de carbone en provenance du Mexique en 1986.
8Le DOC a appliqué la même formule générale à chaque province pour calculer les subventions relatives aux droits de coupe. Le numérateur était l’avantage conféré par mètre cube (c’est‑à‑dire la différence entre les taux administrés et la valeur de référence), multiplié par la récolte de bois résineux de sciage. Les valeurs additionnées des expéditions de bois d’oeuvre résineux et de coproduits (par exemple les copeaux et la sciure) formaient le dénominateur.
9Margolick et Uhler, The Economic Impact of Removing Log Export Restrictions in British Columbia, Margolick, avril 1986.
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