La culture canadienne dans le contexte de la mondialisation

Nouvelles stratégies pour la culture et le commerce

Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur (GCSCE) - Industries culturelles
Février 1999

Le Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur (GCSCE) - Industries culturelles fait partie du système consultatif du gouvernement fédéral en matière de commerce extérieur. Il donne aux fonctionnaires des Affaires mondiales Canada, ainsi qu'à ceux du ministère du Patrimoine canadien, la possibilité de consulter les représentants des industries culturelles du Canada.

Résumé

Le Canada possède un secteur culturel dynamique qui compte de nombreuses institutions culturelles, une industrie de l'édition diversifiée, une industrie musicale riche en talents, une industrie des nouveaux médias culturels florissante et des industries cinématographique et télévisuelle acclamées par la critique.

La culture est le coeur d'une nation. À mesure que s'accroît l'intégration économique des pays, ceux-ci ont besoin d'une culture nationale et de modes d'expression culturelle vigoureux pour préserver leur souveraineté et leur identité propre. Certains estiment même que la réaffirmation des cultures locales reflète l'influence de la mondialisation.

Nos livres, nos magazines, nos chansons, nos films, nos nouveaux médias et nos émissions de radio et de télévision renvoient l'image de ce que nous sommes. Les industries culturelles façonnent notre société, favorisent la compréhension mutuelle et instillent un sentiment de fierté envers notre identité nationale. Elles jouent donc un rôle essentiel et vital dans la société canadienne.

Pour rejoindre de nouveaux auditoires, nos industries culturelles ont toujours relevé le défi lancé par les concurrents étrangers. Leur aptitude à se tailler une place durable dans nos vies tient à la créativité et au talent des artistes, des créateurs et des producteurs canadiens. Elle est aussi redevable, tout au moins en partie, aux politiques et programmes gouvernementaux axés sur la promotion de la culture canadienne.

Le gouvernement du Canada fait appel à diverses mesures - incitatifs financiers, dispositions fiscales, règles sur le contenu canadien et sur l'investissement étranger, mesures de protection de la propriété intellectuelle - pour promouvoir notre culture. En mettant leurs efforts en commun, le gouvernement et le secteur culturel out pu établir un ensemble de politiques et de critères qui permettent aux Canadiens d'avoir accès à ce qui se fait de mieux dans le monde tout en préservant un espace pour la culture canadienne.

Pressions en faveur du changement

La politique culturelle du Canada s'est transformée au cours des années, s'adaptant sans cesse à l'évolution du marché intérieur et du marché mondial. Certes, les changements massifs provoqués par la technologie et la libéralisation des échanges internationaux à l'aube du XXIe siècle ouvrent la voie à de nouveaux débouchés, mais ils posent aussi un défi à nos industries culturelles.

  • La numérisation et la convergence de la radiodiffusion, de la câblodistribution, de la communication par satellite et des télécommunications donnent naissance à de nouvelles technologies, qui feront concurrence aux systèmes de distribution actuels. Elles accroissent en même temps la possibilité de diffuser les produits culturels à contenu canadien à l'intérieur du pays comme à l'étranger. (Signalons que, dans le présent document, l'expression « produits culturels » englobe aussi les services culturels.)
  • Les nouvelles technologies offrent aux Canadiens de nouveaux outils de communication, mais elles mettent à rude épreuve l'aptitude des pouvoirs publics à faire respecter les règlements visant à garantir aux Canadiens l'accès aux produits culturels d'origine canadienne.
  • Les politiques nationales évoluent et s'adaptent à des phénomènes comme la croissance des multinationales et l'intégration verticale des systèmes et des produits de divertissement, de distribution et de diffusion.
  • La tendance vers une plus grande ouverture des marchés et vers la libéralisation des échanges commerciaux complique la tâche de négocier des accords commerciaux qui reconnaissent la diversité et le caractère singulier des produits culturels.

Tous ces changements ont déjà fait sentir leurs effets. Depuis quelques années, les politiques visant nos industries culturelles font l'objet d'un examen attentif à l'étranger. Les Canadiens croient aux bienfaits que procure l'ouverture des marchés, mais ils s'interrogent sur l'effet que la mondialisation du commerce, conjuguée à l'évolution rapide de la technologie, risque d'avoir sur notre aptitude à faire connaître notre culture ailleurs dans le monde.

Comment le Canada devrait-il réagir à ces pressions? Comment trouver un équilibre entre les politiques nationales de promotion de la culture canadienne et les politiques commerciales qui permettent au Canada de prospérer dans un monde où règne la liberté des échanges commerciaux?

Le moment est-il venu de mettre en place de nouvelles stratégies?

Les membres du Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur (GCSCE) - Industries culturelles, ont étudié la problématique de ces industries. Le GCSCE décrit dans les pages qui suivent les politiques culturelles en vigueur au Canada, celles qu'appliquent d'autres pays, ainsi que les pressions de plus en plus vives suscitées par la technologie et par les accords commerciaux internationaux. Il expose ensuite diverses options en ce qui a trait à la politique commerciale du Canada dans le secteur culturel.

De l'avis du GCSCE, deux grandes approches s'offrent à notre pays :

  • la stratégie de l'exemption culturelle, suivie par le passé, qui consiste à soustraire la culture du champ des négociations commerciales internationales;
  • une nouvelle stratégie, comportant la négociation d'un nouvel instrument international qui porterait expressément sur la diversité culturelle et reconnaîtrait le rôle légitime que jouent les politiques culturelles nationales pour assurer la diversité culturelle.

Suivant l'analyse effectuée par le GCSCE, on s'inquiète de plus en plus à travers le monde des effets que les accords multilatéraux sur le commerce et l'investissement peuvent avoir sur la culture. Le Canada doit aujourd'hui repenser la question des rapports entre les accords commerciaux et les politiques culturelles. Il se peut que les mécanismes et approches retenus par le passé pour empêcher que les biens et services culturels ne soient assujettis au même traitement que les autres biens et services ne suffisent plus. Comme l'ont bien montré les événements des dernières années, l'exemption culturelle a ses limites.

Pour le Canada, le moment est donc venu de prendre des décisions d'une importance cruciale. Sommes-nous tout simplement des producteurs et des consommateurs de biens et de services commerciaux? Ou bien sommes-nous prêts à faire un pas en avant et à réaffirmer l'importance que revêt la diversité culturelle, à réaffirmer aussi combien il importe que chaque pays puisse veiller à ce que la narration de sa propre réalité et de ses propres expériences soit accessible à la fois à ses propres citoyens et au monde entier?

Les membres du GCSCE estiment que le moment est venu d'agir. Tout comme les pays ont uni leurs efforts pour protéger et promouvoir la biodiversité, il doivent maintenant oeuvrer de concert pour promouvoir la diversité culturelle et linguistique. Le GCSCE rappelle à cet égard les propos de Sir David Puttnam, président d'Enigma Productions : Footnote 1

"La narration et l'image comptent parmi les principaux moyens dont se sert la société humaine pour transmettre ses valeurs et ses croyances d'une génération à l'autre, d'une communauté à l'autre. Les films, de même que toutes les autres activités animées par la narration et par les images et les personnages qu'ils véhiculent, sont désormais au coeur même de la façon dont nous gérons nos économies et vivons nos vies. Si nous n'arrivons pas à nous en servir de manière responsable et imaginative, si nous les traitons simplement comme d'autres secteurs de consommation plutôt que comme des phénomènes culturels complexes, nous risquons de porter atteinte de manière irréversible à la vigueur et à la vitalité de notre propre société. »

Le Canada attache depuis longtemps une grande importance aux questions de politique culturelle. Le moment est venu de demander aux autres pays de collaborer à la mise au point d'un nouvel instrument culturel international qui reconnaîtrait l'importance de la diversité culturelle et tiendrait compte des politiques conçues dans le but de promouvoir et de protéger cette diversité. Une action en ce sens nous sera bénéfique à tous.

À quoi servirait un nouvel instrument?

Un nouveau traité international portant sur la diversité culturelle servirait à

  • reconnaître l'importance de la diversité culturelle;
  • reconnaître que les biens et services culturels diffèrent sensiblement des autres produits;
  • reconnaître que les mesures et politiques visant à garantir l'accès à une gamme de produits culturels d'origine nationale diffèrent sensiblement des autres politiques;
  • définir des règles s'appliquant aux mesures réglementaires et autres que les pays peuvent ou non appliquer pour rehausser la diversité culturelle et linguistique;
  • déterminer de quelle façon les disciplines commerciales s'appliqueraient ou ne s'appliqueraient pas aux mesures culturelles qui respectent des règles convenues.

Membres du Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur (GCSCE) - Industries culturelles

  • Ken Stein, président du GCSCE; vice-président principal, affaires générales et réglementaires, Shaw Communications Inc.
  • David A. Basskin, président, Agence canadienne des droits de reproduction musicaux limitée
  • André Bureau, président du conseil, Astral Communications Inc.
  • Steve Forth, président, DNA Media Group
  • Peter S. Grant, associé principal, McCarthy Tétrault, avocats
  • Peter F. E. Lyman, associé, PricewaterhouseCoopers
  • Michael MacMillan, président et directeur général, Alliance Atlantis Communications Inc.
  • Christopher Maule, professeur distingué, Carleton University
  • Scott McIntyre, président et éditeur, Douglas & McIntyre Ltd.
  • Robert Pilon, vice-président, affaires publiques,
    Association québécoise du disque, du spectacle et de la vidéo
  • Angela Pressburger, présidente, Collideascope West Digital Productions Inc.
  • Kathryn Robinson, associée principale, Goodman, Phillips & Vineberg, avocats
  • Kevin Shea, président et chef de l'exploitation, Global Television Network, région de l'est, (CanWest Global Communications Corp.)
  • Lorne C. Stephenson, vice-président principal aux affaires générales et commerciales, NetStar Communications Inc.
  • Richard Stursberg, président, Association canadienne de télévision par câble; président du conseil, Fonds canadien de télévision
  • Susan Gillian Whitney, présidente, Susan Whitney Gallery

Pourquoi avons-nous besoin d'une culture canadienne?

Le moment est venu de prendre des décisions d'une importance cruciale. Sommes-nous tout simplement des producteurs et des consommateurs de biens et de services commerciaux? Ou bien sommes-nous prêts à faire un pas en avant...

Pourquoi avons-nous besoin d'une culture canadienne?

C'est notre culture - nos idées, nos chansons, nos récits - qui concrétise notre identité canadienne. Ainsi, c'est par des produits culturels - des enregistrements sonores, des livres ou des films - que nous exprimons des idées et des façons de voir et que nous partageons, à la fois entre nous et avec le reste du monde, des narrations et des images qui sont spécifiquement canadiennes. Ces produits culturels constituent une nourriture pour l'esprit et pour l'âme qui nous aide à communiquer avec les autres et à échanger des opinions : ils divertissent et informent tout à la fois; ils contribuent à façonner la conception que nous nous faisons de notre identité; ils enrichissent nos vies.

Dans les livres, les magazines, les chansons, les films et les émissions de radio et de télévision canadiens, nous pouvons nous retrouver et nous comprendre. Nous raffermissons la cohésion de notre société et nous renforçons notre sentiment de fierté envers ce que nous sommes comme peuple et comme pays.

Depuis 60 ans, nos industries culturelles en sont venues à jouer un rôle déterminant dans notre société. Ces industries se présentent aujourd'hui comme suit :

  • les ventes en gros de l'importante industrie phonographique en 1995-1996 ont produit des recettes de 56 millions de dollars pour les enregistrements avec artiste ou contenu canadien; les recettes tirées de la vente d'enregistrements originaux, des droits de licence et des droits de reproduction mécanique et de publication s'élevaient à 14 millions; les enregistrements sonores canadiens représentaient environ 13,8 % des ventes totales, comparativement à 10 % en 1990-1991;
  • l'industrie des périodiques a, en 1994-1995, édité et diffusé 1 404 publications distinctes;
  • l'industrie du livre comprend 562 maisons d'édition et contribue puissamment au développement des auteurs canadiens; en 1996-1997, elle a publié 11 400 nouveaux titres en français ou en anglais, dont environ 71 % avaient été rédigés par des Canadiens;
  • l'industrie du film, de la vidéo et de la télévision, qui produit, distribue et vend ses produits au Canada et à l'étranger, prend de l'expansion; elle se compose à la fois de petites entreprises et de grandes sociétés cotées en bourse, dont les recettes de production en 1995-1996 s'élevaient à 879,2 millions de dollars, soit une hausse par rapport au chiffre de 581,3 millions enregistré en 1990-1991;
  • l'industrie canadienne de la radio et télédiffusion n'est devancée que par celle des États-Unis quant au nombre de services qu'elle offre; ces dernières années, elle a créé des services de télévision payante et des chaînes spécialisées qui ont doublé le nombre d'heures d'émissions canadiennes que les téléspectateurs peuvent maintenant regarder;
  • l'industrie naissante du multimédia comprend trois champs d'activité principaux - informatique, télécommunications et culture - qui se concentrent sur la mise au point et la vente de nouveaux produits.

Qu'est-ce que la culture?

Selon l'UNESCO, la culture comprend le patrimoine culturel, la production imprimée et la littérature, la musique, les arts de la scène et les arts visuels, le cinéma et la photographie, la radio et la télévision, ansi que les activités socioculturelles.

La culture dans notre économie

Nos industries culturelles ne nous aident pas seulement à échanger des idées et des expériences, car elles font aussi un apport considérable à notre économie. Au fil des ans, le nombre d'entreprises et d'individus qui se consacrent à la production culturelle s'est multiplié. Ainsi, la Société Radio-Canada/ Canadian Broadcasting Corporation (SRC/CBC) dominait l'industrie de la radiodiffusion durant les années 50, mais depuis, le nombre de diffuseurs privés et de producteurs indépendants a connu une croissance marquée, tout comme l'incidence de leur activité sur l'économie.

Statistique Canada estime qu'en 1994-1995, le chiffre d'affaires du secteur culturel dans son ensemble - les industries culturelles, la radiodiffusion et la télévision, les arts de la scène et les arts visuels, les festivals, les institutions qui se consacrent au patrimoine (musées, galeries d'art, bibliothèques et aires consacrées à la nature) et les professions connexes (architecture, design, photographie, publicité) - s'élevait à plus de 20 milliards de dollars, soit 3 % du produit intérieur brut (PIB) du Canada.

Le secteur culturel contribue également à la croissance de l'économie. De 1989 à 1994, il a enregistré un taux de croissance de 9,9 %, supérieur à celui d'autres secteurs clés, tels les transports, l'agriculture et le bâtiment.

Si on ne tient compte que des activités de base - la création, la production, la diffusion et l'exportation des industries de la culture, de la radiodiffusion, des arts et du patrimoine -, l'apport du secteur culturel se chiffre à 15,3 milliards de dollars en 1994-1995. Les institutions culturelles, les productions théâtrales et autres activités recueillent également une part considérable de l'argent dépensé par les touristes au Canada chaque année (41,8 milliards en 1996).

Toujours en 1994-1995, le secteur culturel a fourni 610 000 emplois à temps plein et à temps partiel. Ce chiffre équivaut à près de 5 % de la population active du Canada. De 1981 à 1991, les effectifs du secteur culturel ont progressé de 32 %, tandis que la population dans son ensemble ne s'est accrue que de 12 %. On s'attend à ce que, de 1991 à 2005, l'emploi dans les secteurs des arts, de la culture, des sports et des loisirs augmente d'environ 45 %, ce qui les classerait au deuxième rang au pays pour la rapidité de leur croissance.

De 1990 à 1994, la main-d'oeuvre du secteur culturel s'est accrue de 5,6 %, alors même que le nombre d'emplois dans l'ensemble de l'économie reculait de 0,5 %. Contrairement à ce qui s'est produit dans d'autres secteurs, les perspectives d'emploi sont donc restées très bonnes dans le secteur culturel au cours de la dernière récession, et elles ont maintenu cette tendance positive durant la reprise qui s'est amorcée depuis.

Bon nombre d'emplois dans les industries culturelles reposent sur le savoir. Ils exigent de la créativité, le sens critique, ainsi que les connaissances et les compétences qui permettent de faire appel aux technologies avancées. Non seulement ceux et celles qui conjuguent ces ressources en créativité et en compétences techniques peuvent-ils créer les produits culturels qui enrichissent nos vies, mais ils peuvent aussi se faire valoir dans d'autres domaines. On trouve dans les activités culturelles plus de travailleurs autonomes qui gagnent bien leur vie que dans les autres secteurs de l'économie.

Le secteur culturel canadien forme une communauté dynamique et diversifiée.

Le but de la politique culturelle du gouvernement canadien consiste à favoriser un climat dans lequel les produits culturels canadiens sont créés, fabriqués, mis en vente, conservés et partagés avec des auditoires au pays et à l'étranger, contribuant ainsi à la croissance économique, sociale et culturelle du pays.

Les effets de la politique culturelle

Dans le cadre de l'objectif plus large consistant à encourager la culture canadienne, la politique culturelle poursuit les objectifs suivants :

  • élaborer un contenu culturel canadien;
  • veiller à ce que ce contenu culturel canadien soit accessible à tous les Canadiens, sans limiter leur accès aux produits culturels étrangers.

Suite aux efforts consacrés à la réalisation de ces objectifs, le Canada possède un des marchés les plus ouverts aux produits culturels étrangers. Cette ouverture offre certes de nombreux avantages, mais elle exerce également des pressions sur les industries culturelles du Canada.

C'est ainsi qu'en raison des économies d'échelle, les petites entreprises canadiennes qui cherchent à se tailler place sur le marché national peuvent éprouver de la difficulté à concurrencer les grands producteurs étrangers, qui disposent de ressources considérables. Il est coûteux de produire pour un petit marché. Les entreprises canadiennes disposent de peu de possibilités de s'assurer un bon rapport coût-efficacité et, à cet égard, les coûts de production peuvent représenter un obstacle redoutable.

En revanche, d'autres pays ont des marchés qui dépassent très nettement l'ampleur du nôtre. Ils sont plus en mesure de récupérer leurs coûts et peuvent donc offrir des produits moins coûteux. C'est ainsi qu'il en coûte à un télédiffuseur canadien environ un million de dollars pour produire une heure de télévision dramatique au Canada qui sera diffusée à une heure de grande écoute, mais seulement le dixième ce montant pour acheter une émission dramatique américaine de même durée.

Vu la proximité des États-Unis (80 % des Canadiens vivent près de la frontière américaine) et les grandes affinités linguistiques entre les deux pays, le Canada anglophone devient facilement un prolongement du marché américain et les produits culturels américains pénètrent sans difficulté au Canada. Il en va autrement en ce qui concerne le marché francophone du Canada, où la langue constitue une espèce de rempart naturel.

De fait, la concurrence étrangère domine le marché culturel canadien. Les entreprises et produits étrangers représentent :

  • 45 % des ventes de livres au Canada;
  • 81 % des magazines de langue anglaise destinés aux consommateurs qui sont offerts dans les kiosques et plus de 63 % des recettes tirées du tirage des magazines;
  • 79 % (plus de 910 millions de dollars) de la vente au détail de cassettes, de disques compacts, de places de concerts, de marchandises et de partitions;
  • 85 % (165 millions de dollars) des recettes provenant de la diffusion de films au Canada;
  • de 94 à 97 % du temps de projection dans nos salles de cinéma; c'est d'ailleurs dans ce secteur que la situation atteint son paroxysme, car les studios de Hollywood ont toujours traité le Canada comme faisant partie intégrante du marché américain.

Compte tenu de la dimension et de l'ouverture de son marché, le Canada s'est doté d'un secteur culturel relativement vigoureux. Les succès que nous avons pu remporter sur le marché canadien, très compétitif, sont attribuables aux facteurs suivants :

  • la détermination, le talent et les compétences des artistes, créateurs, producteurs et distributeurs canadiens;
  • l'aptitude du secteur culturel à s'adapter aux nouvelles technologies, à rehausser ses compétences et à relever la qualité de ses produits.

Nous disposons de producteurs culturels de grande qualité, qui font de l'excellent travail et continuent de chercher à atteindre de nouveaux sommets, à apprendre et à se perfectionner.

La croissance et la diversité de nos industries culturelles sont également attribuables, en partie tout au moins, aux politiques qui soutiennent la culture canadienne et en font la promotion.

La promotion de la culture canadienne

Conscient du fait que les citoyens doivent avoir accès aux produits culturels étrangers, le gouvernement reconnaît aussi que la culture canadienne a besoin d'un espace qui lui soit propre, car elle fait partie intégrante de notre identité.

La diffusion des expériences et des idées, et la promotion d'une meilleure compréhension entre les Canadiens sont autant de moyens d'édifier une société multiculturelle vigoureuse. Le gouvernement, en sa qualité de gestionnaire de notre identité nationale, encourage les activités culturelles qui contribuent à la formation d'un sentiment d'appartenance à la société canadienne.

La culture joue également un rôle décisif par rapport à la consolidation de l'identité nationale. La culture canadienne incarne les valeurs qui nous distinguent des autres pays. Le gouvernement canadien, à l'instar de ceux d'autres pays, reconnaît qu'il faut préserver et nourrir la diversité culturelle au même titre que la biodiversité. Au fur et à mesure que s'intensifie l'intégration économique à l'échelle planétaire, chaque pays a besoin d'une culture nationale et d'une capacité d'expression culturelle vigoureuses afin de préserver sa souveraineté et le sentiment d'appartenance de ses citoyens.

Pour qu'une culture prospère, elle doit pouvoir s'appuyer sur un système de distribution et sur une infrastructure d'investissement; elle doit aussi offrir un environnement stimulant à ses créateurs et ses artistes.

Le gouvernement canadien investit dans la promotion de la culture, tout comme il le fait en faveur d'autres activités bénéfiques pour ses citoyens - la protection de la santé publique et de l'environnement, le maintien d'une force de défense, et ainsi de suite. Il reconnaît par là que les produits culturels ne sont pas uniquement des marchandises qu'on peut emballer et mettre en vente. Les biens et services culturels diffèrent en effet des biens et services offerts par d'autres secteurs, et c'est pourquoi il faut les traiter différemment.

Les instruments de la politique culturelle

Le Canada s'est doté de mesures et de règlements qui offrent à ses citoyens des produits culturels en provenance du monde entier tout en leur permettant de préserver leur propre diversité culturelle.

Par le passé, le gouvernement a, de manière générale, recouru aux subventions pour soutenir les industries culturelles et atteindre ses objectifs en la matière. Au fil des ans, le soutien gouvernemental a évolué, prenant la forme de mesures liées à la fiscalité et à l'investissement, auxquelles se sont adjoints des règlements visant les secteurs de la télévision, du cinéma, de la musique et de l'édition. Il a fait appel à des mesures visant les importations dans le passé (par exemple, des droits de douane), mais celles-ci sont en voie d'élimination.

On peut regrouper de la façon suivante les politiques actuelles destinées à encourager tant la création que la production et la diffusion de produits culturels canadiens sur le marché national :

  • incitations financières et incitations liées aux programmes;
  • prescriptions relatives au contenu canadien et autres règlements;
  • mesures fiscales;
  • restrictions touchant l'investissement étranger;
  • mesures de protection de la propriété intellectuelle.

Principes régissant les politiques et programmes culturels du Canada

Liberté d'expression :les Canadiens vivent dans une société libre et démocratique, où la liberté d'expression culturelle est à la fois nécessaire et souhaitable.

Liberté de choix : les Canadiens ont accès à un vaste éventail de produits culturels d'origine nationale ou étrangère. Le marché intérieur du Canada est ouvert sur le monde.

Accès : le gouvernement fait appel à divers outils - règlements et mesures de soutien, par exemple - pour veiller à ce que les produits culturels canadiens aient toujours une place sur le marché intérieur et que les Canadiens aient facilement accès à leur propre culture.

Diversité culturelle : le Canada possède une société diversifiée et multiculturelle, que reflète d'ailleurs sa production culturelle. Il met au point des produits qui s'intègrent aux deux marchés linguistiques et soutiennent les nombreux services régionaux et locaux du pays.

Partenariats : le gouvernement fédéral ne peut, à lui seul, assurer la vigueur et la prospérité de la culture au Canada. Il collabore avec les provinces et les municipalités, ainsi qu'avec le secteur privé, pour soutenir et promouvoir la culture canadienne. Up

Assises juridiques de la politique culturelle du Canada

La Loi sur la radiodiffusion (1991), qui renferme la politique relative à cette industrie, vise à instaurer un système de radiodiffusion ouvert et à vocation commerciale, qui maximise les choix du consommateur en assurant un large éventail de contenus et en faisant place à la culture canadienne. La loi stipule que : ...le système canadien de radiodiffusion doit servir à sauvegarder, enrichir et renforcer la structure culturelle, politique, sociale et économique du Canada, et favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise les attitudes, les opinions, les idées, les valeurs et la créativité artistique canadiennes.

...chaque entreprise de radiodiffusion doit recourir dans la mesure du possible, et en aucun cas jamais moins que selon l'usage prédominant, aux ressources créatrices et autres du Canada pour créer et présenter des émissions...

...dans le cadre de la politique canadienne de radiodiffusion, la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion ... doit puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales.

1. Incitations financières et incitations liées aux programmes

Le gouvernement reconnaît que, pour permettre aux Canadiens de faire des choix véritables, le marché doit leur offrir une gamme de produits canadiens. Or, la production culturelle est souvent coûteuse. Le coût d'un produit multimédia peut varier de 200 000 dollars à 3 millions de dollars, selon sa qualité et son degré de complexité. Il en coûte au moins un million de dollars pour produire une émission de télévision d'une durée de 60 minutes qui sera diffusée à une heure de grande écoute, et encore bien davantage dans le cas d'un long métrage. De nombreuses entreprises canadiennes actives dans le secteur culturel sont de petite taille et n'ont pas facilement accès à des capitaux.

Le gouvernement soutient les industries culturelles en leur accordant des subventions directes ou indirectes qui contribuent à la préparation de produits canadiens, comme le montrent les exemples qui suivent.

  • En 1972, le Conseil des arts du Canada a élaboré un programme de subventions pour venir en aide au secteur de l'édition.
  • En 1979, le gouvernement fédéral a mis en place le Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition, qui offre une aide financière par le truchement de trois initiatives de financement : l'aide aux éditeurs, l'aide à l'industrie et aux associations, et l'aide à la promotion internationale.
  • En 1986, le gouvernement a créé le Programme d'aide au développement de l'enregistrement sonore (PADES) pour soutenir la production, la promotion et la distribution de produits musicaux canadiens, de même que la formation d'experts pour l'industrie phonographique. En 1997, les crédits affectés au PADES s'établissaient à 9,45 millions de dollars.
  • Le Fonds de financement des longs métrages et le Fonds d'aide à la distribution de longs métrages de Téléfilm Canada ont débloqué respectivement des montants de 22 et 10,3 millions de dollars pour soutenir l'industrie cinématographique en 1996-1997. Téléfilm Canada offre également un Programme de cautionnements de prêts et un Programme de partage des revenus de production qui favorisent la production d'émissions de télévision et de films.
  • Le Fonds canadien de télévision (FCT) offre, par l'intermédiaire du Programme de droits de diffusion et du Programme de participation au capital, un soutien annuel de 200 millions - soit 50 millions provenant du budget de Téléfilm Canada, 50 millions versés par l'industrie de la télévision par câble, et 100 millions accordés par le ministère du Patrimoine canadien - pour encourager une forte présence canadienne sur le système national de radio et télédiffusion en finançant la production et la distribution de dramatiques, d'émissions pour enfants, de documentaires, de spectacles et d'émissions de variété d'origine canadienne.

Ces crédits ne sont accessibles qu'aux entreprises de production partiellement ou entièrement contrôlées par des intérêts canadiens, pour des productions télévisées qui satisfont au règlement sur le contenu canadien et qui doivent être diffusées à une heure de grande écoute par un titulaire canadien dans un délai de deux ans suivant la date d'achèvement de la production. En outre, la SRC/CBC peut avoir accès à 50 % de ces fonds, en partenariat avec des producteurs canadiens indépendants.

  • En 1997, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a commencé à exiger des entreprises de distribution d'émissions radiodiffusées - y compris les services de télévision payante et les nouveaux services de radiodiffusion directe à domicile (SRD) - qu'elles versent au moins 5 % de leurs recettes brutes annuelles au FCT.

L'impact du Fonds canadien de télévision (FCT)

Au cours de ses deux premières années d'existence, le FCT a concouru à la création de 2 221 heures d'émissions canadiennes, qui doivent toutes être diffusées à la télévision à des heures de grande écoute (en général, de 19 à 23 h). Produites dans le cadre de plus de 700 projets, ces émissions de grande qualité disposaient d'un budget total supérieur à 1,2 milliard de dollars; elles ont procuré du travail à des Canadiens de toutes les régions du pays.

Qu'est-ce que le CRTC?

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a pour responsabilité d'établir des règlements qui s'appliquent à la fois à la radiodiffusion et aux télécommunications. Pour ce qui concerne la radiodiffusion, son rôle consiste à trouver un juste équilibre entre les intérêts des consommateurs, des créateurs et du secteur de la distribution lorsqu'il oeuvre à la réalisation des objectifs établis par le Parlement.

Le CRTC définit les critères auxquels les radiodiffuseurs doivent satisfaire pour obtenir un permis et pour exercer leur activité au Canada. Il examine toutes les demandes relatives à de nouveaux services ou aux changements qu'on souhaite apporter aux services déjà offerts; il prend ses décisions à la lumière de la Politique canadienne de radiodiffusion, énoncée dans la Loi sur la radiodiffusion. Le Conseil a mené une action très efficace en faveur de la culture canadienne et on peut s'attendre à ce qu'il continue de jouer un rôle important à l'avenir.

  • Le crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique a pour objet d'encourager un régime de financement plus stable et l'expansion des maisons de production à long terme. Les gouvernements provinciaux offrent également des programmes complémentaires de crédits fiscaux.
  • Le Fonds de développement des industries culturelles offre des prêts aux principales industries culturelles. En 1997-1998, ces prêts ont atteint 9 millions de dollars.
  • En 1997, le gouvernement a annoncé la constitution d'un nouveau fonds de 500 000 dollars, administré par le Conseil des arts du Canada, pour aider les artistes à faire appel aux nouvelles technologies.
  • En juin 1998, le gouvernement a annoncé la mise sur pied du Fonds pour le multimédia, doté de crédits de 30 millions de dollars étalés sur cinq ans. Le fonds a pour but d'appuyer l'élaboration, la production, la distribution et la vente de produits multimédia canadiens. Administré par Téléfilm Canada, il accordera des prêts sans intérêts aux producteurs en vue de les aider à surmonter divers obstacles, y compris le niveau élevé des coûts de production et la difficulté d'obtenir du financement.
  • Au moyen du Programme d'aide aux publications, le gouvernement vient également en aide au secteur des périodiques en offrant des tarifs postaux préférentiels aux périodiques canadiens imprimés et distribués au Canada. Les périodiques en provenance d'autres pays qui sont distribués sur le marché canadien ne sont pas admissibles à ces tarifs préférentiels. Plus de 1 500 périodiques bénéficient de ce programme.

Les incitations financières offertes à l'industrie de la télévision et du cinéma ont évolué, passant d'un régime de subventions à des prises de participation de la part du Fonds canadien de télévision et, aujourd'hui, à des crédits d'impôts plus objectifs et à un financement complémentaire au titre des droits d'obtention d'une licence. Ces changements se produisent dans un contexte où les producteurs de films et d'émissions de télévision canadiens sont en mesure d'attirer un volume croissant d'investissements étrangers et d'engagements de pré-vente afin de soutenir leurs projets.

2. Prescriptions relatives au contenu canadien et autres règlements

Comme on parle au Canada des langues qui sont aussi utilisées dans d'autres pays, le marché canadien est tout naturellement réceptif aux produits culturels étrangers. Certes, le gouvernement ne souhaite pas limiter l'accès à ces produits étrangers, mais il veut faire en sorte que les Canadiens puissent connaître leurs propres produits culturels et que notre marché fasse une place à ces produits.

Pour atteindre cet objectif dans le secteur de la radiodiffusion, le gouvernement recourt à diverses mesures réglementaires. Le CRTC, par exemple, octroie des licences pour créer un espace pour les industries culturelles canadiennes et surveiller les résultats afin de gérer et superviser le système de radiodiffusion du pays.

Contenu canadien

Pour veiller à ce que le système canadien de radiodiffusion diffuse des produits culturels canadiens, le CRTC définit des exigences relatives au contenu canadien de ces produits. Ces règles visent les services de programmation qui diffusent des émissions ainsi qu'aux systèmes de distribution - télévision par câble, systèmes de radiodiffusion directe du satellite au foyer et systèmes de distribution multipoint (SDM) - qui dispensent des services de radiodiffusion vers les foyers.

Les exemples suivants les illustreront.

  • En vertu des règlements du CRTC, les stations de radio et de télévision doivent consacrer un nombre déterminé d'heures d'antenne à des émissions portant un contenu canadien. Dans certains cas, le CRTC exige également qu'un niveau minimum de dépenses ou un nombre minimum d'heures par année soient consacrés à la diffusion de certaines catégories d'émissions produites au Canada, comme des dramatiques, des émissions de musique ou de variétés et des émissions pour enfants.
  • À compter de 1989, les diffuseurs privés conventionnels ont été tenus soit de diffuser un nombre de précis d'heures d'émissions canadiennes dramatiques, musicales ou de variétés par semaine, soit de consacrer une proportion déterminée de leurs recettes brutes de radiodiffusion à des émissions canadiennes.
  • Les services de télévision payante et spécialisée doivent aussi détenir une licence du CRTC, et le contenu canadien de leur programmation doit s'établir entre 16 et 100 %, selon le service.
  • Les services de télévision à la carte et de vidéo sur demande doivent offrir un film canadien pour 20 films non canadiens et un événement canadien pour sept événements non canadiens, et distribuer au moins 12 longs métrages canadiens par année.
  • Le Règlement sur la distribution de services de radiodiffusion, qui est entré en vigueur le 1er janvier 1998, s'applique à toutes les entreprises de distribution, y compris celles qui offrent des SRD et des SDM, et non plus seulement aux compagnies de distribution par câble. Il impose à ces entreprises l'obligation de proposer à leurs abonnés une proportion prédominante de services audio et télévisuels canadiens.

Les câblodistributeurs doivent inclure dans leur service de base les stations locales de la SRC/CBC ou leurs stations affiliées, les services commerciaux canadiens locaux et le service éducatif provincial. En outre, le service de base comprend habituellement une chaîne communautaire, la chaîne parlementaire canadienne (C-PAC), les stations de télévision (et de radio) canadiennes éloignées qui sont admissibles, et il peut comprendre un maximum de cinq services américains (quatre à vocation commerciale et un non commercial).

Qu'est-ce que le contenu canadien?

La définition du contenu canadien diffère selon qu'il s'agit d'enregistrements sonores diffusés à la radio ou d'émissions présentées à la télévision.

Dans le cas des enregistrements diffusés à la radio, on établit le contenu canadien d'après le système MAPP, soit en fonction de la nationalité du compositeur de la musique, de l'artiste, de l'endroit où la production a été réalisée et du parolier. Quand au moins deux de ces quatre éléments sont canadiens, l'enregistrement sonore satisfait aux prescriptions relatives au contenu canadien.

En ce qui concerne les émissions de télévision et les longs métrages, on détermine le contenu canadien d'après une grille de points. Ainsi, une émission peut mériter deux points si elle est l'oeuvre d'un réalisateur canadien et un point pour chaque comédien canadien jouant un des rôles principaux. Pour être considérée « canadienne », une émission doit être produite par un citoyen canadien et recueillir au moins six points. Pour être admissible à une aide financière du FCT, elle doit amasser un maximum de 10 points.

Les règles relatives au contenu canadien peuvent être souples. Soucieux d'encourager la production d'émissions canadiennes et d'aider les industries culturelles à avoir accès aux capitaux et aux marchés d'exportation, le gouvernement canadien a signé des accords de coproduction avec plus de 30 pays. En vertu de ces accords, les productions comptant un minimum de 20 % de participation canadienne peuvent satisfaire aux exigences de contenu canadien.

Réglementation des nouveaux réseaux de distribution

Les nouvelles technologies ont pour effet d'augmenter le nombre de bandes de fréquence et de modifier le mode de transmission des signaux. La politique canadienne en matière de convergence (1996) reconnaît que la présence de nouveaux types de réseaux de distribution (SRD et satellites de radiodiffusion directe) va accroître la concurrence entre les entreprises de radiodiffusion et de télécommunications sur leurs propres marchés. Ces nouveaux réseaux vont élargir les choix qui s'offrent au consommateur tout en stimulant la concurrence. Ainsi, les entreprises de télécommunications peuvent maintenant demander une licence pour offrir des services de radiodiffusion, tandis que les entreprises de radiodiffusion peuvent se doter de services de télécommunications.

Les médias électroniques constituent un moyen extrêmement efficace d'atteindre les auditoires canadiens et un système de distribution de prédilection pour les produits culturels. Pratiquement tous les foyers canadiens possèdent un appareil radio, qu'ils écoutent en moyenne quelque 20 heures par semaine. Environ 99,2 % des foyers canadiens possèdent au moins un téléviseur, et ils regardent en moyenne 22,7 heures de télévision par semaine. Selon le rapport Juneau (Faire entendre nos voix : le cinéma et la télévision du Canada au XXIe siècle, 1996), les Canadiens passent plus de temps à regarder la télévision qu'à s'adonner à l'ensemble des activités suivantes : lecture, cinéma, théâtre, représentations de ballet, concerts symphoniques, services religieux, pratique du sport et participation aux réunions de parents et de maîtres.

Si les nouvelles technologies permettent aux entreprises de télécommunications et de radiodiffusion de proposer des services similaires, la distinction entre les services qu'elles offrent va néanmoins se maintenir et ils resteront assujettis à des régimes réglementaires distincts. Par exemple, lorsqu'une entreprise du secteur des télécommunications dispense des services de radiodiffusion, ces derniers relèveront de la Loi sur la radiodiffusion et des règlements afférents; inversement, lorsqu'une société de câblodistribution offre des services de télécommunications, ils sont régis par la Loi sur les télécommunications et la réglementation afférente.

La politique canadienne en matière de convergence (1996) réaffirme par ailleurs que tous les systèmes de radiodiffusion doivent offrir une programmation canadienne, contribuer financièrement à la production d'émissions portant un contenu canadien et être assujettis aux mêmes règles et obligations.

Vu l'évolution rapide des technologies de radiodiffusion, c'est le CRTC qui régit désormais les nouveaux services de distribution, tels les SRD, qui font appel à des satellites fixes de puissance moyenne ou à des satellites de grande puissance (satellites de radiodiffusion directe) pour transmettre les signaux des stations et services de télévision directement aux consommateurs qui possèdent des antennes paraboliques et des décodeurs.

À l'instar des systèmes de télévision par câble et des autres entreprises de distribution de radiodiffusion, les fournisseurs de SRD doivent, par exemple, veiller à ce que la majorité des stations auxquelles leurs abonnés ont accès offrent une programmation canadienne.

Les services sont aussi encouragés à offrir le canal parlementaire et le service éducatif provincial. Le CRTC a également accordé à des entreprises de programmation rivales le permis d'offrir des services de télévision à la carte et de vidéo sur demande en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, qu'ils soient dispensés au moyen de la câblodistribution, d'un SRD ou d'autres systèmes de distribution.

Prescriptions relatives au contenu canadien

RadiodiffuseurContenu canadien
Radiodiffuseur Contenu canadien
RadioEn général, 30 % de musique populaire*
35 % en 1999
Télévision, SRC/CBC60 % pour l'ensemble par année;
60 % de 18 h à minuit
Télédiffuseurs privés60 % pour l'ensemble par année;
50 % de 18 h à minuit
Services de télévision payante et chaînes spécialiséesDe 16 à 100 %**
Services de télévision à la carte Ratio de 1 à 20 entre films canadiens et étrangersRatio de 1 à 7 entre événements canadiens et étrangers
* En ce qui concerne la radio en français, l'exigence est de 65 % de contenu francophone dans le cas de la musique vocale. Une nouvelle réglementation exigera également un minimum de 55 % de musique vocale en français du lundi au vendredi, de 6 h à 18 h.
** L'exigence varie selon le service. La plupart de ceux-ci sont tenus d'offrir au moins 30 % en émissions à contenu canadien.

Substitution des signaux

Les tarifs de publicité demandés par les stations de télévision, de même que leurs recettes publicitaires, dépendent du nombre de spectateurs qu'elles attirent. Lorsque des diffuseurs locaux ou régionaux achètent des émissions à des producteurs ou réseaux américains ou canadiens, ils paient des sommes considérables pour avoir un droit de distribution exclusif sur leur marché. Si toutefois d'autres stations plus éloignées diffusent la même émission aux mêmes heures d'écoute, l'auditoire local se trouve divisé entre plusieurs stations, si bien que la station locale enregistrera des pertes de recettes.

Appliquées aux États-Unis comme au Canada, les règles de substitution de signaux ont pour objet de protéger le droit de distribution exclusif des stations de télévision locales ou régionales. Il y substitution de signaux lorsqu'une compagnie de câblodistribution insère le signal d'une station locale ou régionale sur la chaîne d'une station située à une plus grande distance diffusant la même émission aux mêmes heures d'écoute. Pour qu'une substitution ait lieu, la station locale ou régionale doit au préalable en faire la demande auprès du câblodistributeur. En outre, la programmation diffusée sur les deux canaux au moment de la substitution doit être identique à 95 %. Une substitution peut se produire entre deux stations canadiennes, mais le plus souvent elle consiste à substituer des signaux canadiens à des signaux américains.

Grâce à la substitution, les stations locales et régionales peuvent conserver leurs publics respectifs, ce qui leur permet de gagner des recettes publicitaires et d'assurer l'intégrité du permis local.

Qu'est-ce qu'un magazine à tirage dédoublé?

On entend par magazine à tirage dédoublé l'édition canadienne d'un magazine originellement publié dans un autre pays; cette édition comprend, pour l'essentiel, le même contenu que l'original, mais elle remplace plus de 5 % des publicités d'origine par des messages publicitaires ciblant le public canadien. Les producteurs de publications à tirage dédoublé recouvrent leurs coûts de production au moyen de ventes et de publicités sur leur propre marché. Ils se trouvent à faire concurrence aux producteurs canadiens pour obtenir les recettes publicitaires dont ces derniers ont besoin pour absorber leurs propres coûts de production.

3. Mesures fiscales

Aux fins de la promotion des industries culturelles du Canada, le gouvernement fait appel à des mesures fiscales et autres pour infléchir le marché intérieur. Ces mesures sont expressément conçues de manière à aider les entreprises canadiennes à maintenir les recettes publicitaires dont elles ont besoin pour survivre et pour amasser les fonds nécessaires à la préparation d'émissions canadiennes.

Par suite de l'avènement de la câblodiffusion et de l'entrée au Canada des signaux des chaînes de télévision américaines, les stations canadiennes ont commencé à perdre des recettes publicitaires en faveur de stations qui se trouvaient de l'autre côté de la frontière. Pour les aider à protéger cette source de revenus, le gouvernement canadien a préparé des projets de loi visant à endiguer cette fuite de recettes publicitaires vers les stations américaines. Ainsi, la Loi de l'impôt sur le revenu (projet de loi C-58, art. 19.1) a rendu le coût des messages publicitaires diffusés par un radiodiffuseur canadien entièrement déductibles du revenu, mais elle a limité la déduction fiscale dans le cas des publicités transmises par les stations frontalières américaines. Des dispositions similaires s'appliquent aux publicités qui paraissent dans les magazines et les quotidiens.

En 1995, le gouvernement a mis en place une taxe d'accise sur les annonces qui paraissent dans les magazines à tirage dédoublé afin d'englober les périodiques étrangers transmis au Canada par satellite et imprimés ici, qui pouvaient de la sorte se soustraire aux droits de douane exigibles. En 1997, les États-Unis ont contesté devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) la taxe de 80 % imposée à l'encontre des publicités qui paraissaient dans les périodiques à double tirage. L'OMC leur a donné raison et le Canada a décidé d'abolir la taxe d'accise Footnote 2.

4. Investissements étrangers et propriété étrangère

Comme d'autres pays, le Canada établit, dans le cadre de sa politique culturelle, des règles qui s'appliquent à la propriété étrangère dans certains secteurs importants. Il le fait principalement au moyen de dispositions figurant dans la Loi sur Investissement Canada.

Cette politique repose sur le fait que les industries culturelles appartenant à des intérêts canadiens auront davantage tendance à créer, produire, distribuer et présenter des produits à contenu canadien. En 1994-1995, par exemple, les entreprises phonographiques canadiennes indépendantes ont vendu 90 % de tous les enregistrements à contenu canadien, bien que leur part du marché canadien des enregistrements sonores ne dépasse guère 16 %. Dans l'industrie du livre, les entreprises contrôlées par des intérêts canadiens publient environ 87 % des titres qui paraissent au Canada. De 1990 à 1994, les sociétés de distribution de films contrôlées par des intérêts étrangers ont acquitté moins de 3 % du total des droits et redevances versés aux productions cinématographiques canadiennes.

On trouvera ci-après certains exemples de mesures visant l'investissement étranger.

  • Aux termes de la Loi sur Investissement Canada (1985), tout investissement étranger dans une industrie culturelle fait l'objet d'un examen.
  • La politique canadienne établit notamment que les entreprises appartenant à des intérêts étrangers n'ont pas le droit d'avoir pour principale activité commerciale la vente de livres, que les nouvelles sociétés doivent être sous contrôle canadien et que l'acquisition par des intérêts étrangers d'entreprises sous contrôle canadien n'est autorisée que dans des circonstances extraordinaires.
  • En 1988, le gouvernement a formulé à l'endroit de l'investissement étranger des directives qui visaient à générer des fonds au bénéfice de l'industrie cinématographique canadienne et à renforcer le secteur de la distribution de films canadiens. Ces directives interdisent les prises de contrôle par des sociétés étrangères de maisons de distribution sous contrôle canadien et ne permettent les prises de contrôle d'entreprises canadiennes appartenant à des intérêts étrangers que si les investisseurs acceptent de consacrer une partie de leurs revenus d'origine canadienne au renforcement de la culture canadienne. Les investisseurs étrangers qui créent des entreprises au Canada sont autorisés uniquement à distribuer leurs produits brevetés propres (c'est-à-dire des films pour lesquels le distributeur détient des droits mondiaux ou dont il est un des principaux investisseurs). Cette restriction ne s'applique qu'aux nouvelles entreprises établies au Canada depuis la mise en place des directives en 1988, et non pas aux maisons de distribution qui étaient déjà présentes à ce moment-là.

Cela dit, les investisseurs étrangers peuvent fournir aux entreprises culturelles canadiennes des capitaux dont elles ont grandement besoin ou conclure avec elles de précieuses alliances stratégiques. Les politiques du gouvernement visent à réaliser un équilibre entre la nécessité d'encourager l'investissement et celle de veiller à ce que les industries culturelles canadiennes restent aux mains d'intérêts canadiens.

Jusqu'en 1996, par exemple, aucune entreprise présentant au CRTC une demande de permis de radiodiffusion au Canada ne pouvait, dans son capital, compter une proportion d'investissements étrangers supérieure à 20 %. Cette année-là, le gouvernement fédéral a demandé au CRTC de relever le plafond admissible. À l'heure actuelle, le maximum est fixé à 46,7 % (33,3 % pour le holding et 20 % pour le détenteur de la licence); la totalité (100 %) des actions sans droit de vote peuvent appartenir à des étrangers, à condition qu'ils n'exercent pas un contrôle de facto sur l'entreprise. Cette nouvelle disposition respecte la prescription légale voulant que le Canada « possède et contrôle » son réseau de radiodiffusion, tout en permettant aux diffuseurs d'obtenir plus de capitaux étrangers afin d'exploiter les innovations technologiques et de faire face à la concurrence. Les modifications apportées en 1996 ont également rapproché les règles relatives à l'investissement étranger dans le secteur de la radiodiffusion de celles qui s'appliquent au domaine des télécommunications.

Les droits de distribution de films

Les droits de distribution de films occupent une place importante dans l'industrie du cinéma. Les distributeurs établis aux États-Unis ont toujours pu acheter les droits de distribution à la fois pour les États-Unis et pour le Canada. Cette pratique prive les distributeurs canadiens de la possibilité de diffuser les grands films à succès sur le marché canadien - et prive le Canada des recettes qu'engendreraient ces droits et qui pourraient ensuite être investies dans la production de films canadiens. En 1987, le Canada a examiné la possibilité d'établir un régime de licences à l'importation qui aurait limité les maisons étrangères à la distribution de leurs propres films ou des films pour lesquels elles détenaient des droits mondiaux. Toutefois, les entreprises étrangères actuellement actives au Canada se sont opposées à cette mesure et le projet de loi n'a pas été adopté. La politique canadienne en matière de cinéma est actuellement à l'étude.

5. Protection de la propriété intellectuelle

Un film, un enregistrement sonore ou un livre ne se résument pas à la pellicule, au disque audionumérique ou au papier qui leur servent de support. Ce qui compte, c'est le contenu, c'est-à-dire le capital intellectuel investi par l'artiste ou l'écrivain lorsqu'il crée un scénario, compose une oeuvre musicale, écrit les paroles d'une chanson, rédige un livre ou monte un spectacle.

Protection du droit d'auteur

Suivant en cela beaucoup d'autres pays, le Canada assure depuis longtemps la protection des droits des auteurs, compositeurs et paroliers. Le droit d'auteur permet aux artistes de recevoir pour leurs créations une rémunération appropriée qui soit compatible avec les normes internationales.

Les amendements apportés récemment à la Loi sur le droit d'auteur (lesquels ont reçu la sanction royale le 25 avril 1997) comprennent des dispositions relatives aux droits voisins qui élargissent la protection conférée par le droit d'auteur dans l'industrie phonographique pour en faire bénéficier non seulement les auteurs (compositeurs et paroliers) et les producteurs, mais les artistes-interprètes également. En outre, lorsqu'un enregistrement sonore passe à la radio ou est présenté dans un lieu public (bar, restaurant, salle de réception, manifestation sportive, etc.), l'auteur (compositeur et parolier), le producteur et l'artiste-interprète toucheront tous des redevances.

Dans le cadre de la révision de la Loi sur le droit d'auteur, le Canada a également adopté d'autres mesures à propos de l'importation parallèle de livres. Cette activité concerne des ouvrages publiés en toute légitimité dans leur pays d'origine, qui sont ensuite importés au Canada sans le consentement des éditeurs ou distributeurs canadiens qui détiennent le droit exclusif de les distribuer au Canada. Dans le passé, les détenteurs du droit d'auteur étaient habilités à empêcher l'importation parallèle. Le Canada a modifié sa loi afin de faire bénéficier les distributeurs d'un droit équivalent.

Redevance au titre de la copie privée

Avant les dernières modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur (1997), les auteurs (compositeurs et paroliers), ainsi que les producteurs d'enregistrements sonores, détenaient le droit exclusif d'autoriser ou non la reproduction de leurs créations, mais ils n'étaient pas en mesure de faire respecter leurs voeux à cet égard. Depuis près de 30 ans, de nombreux consommateurs font des copies non autorisées d'enregistrements sonores ou audiovisuels. Chaque année, l'industrie canadienne de l'enregistrement perd des recettes considérables en raison de ces copies illégales.

Plutôt que d'essayer de prévenir cette activité privée, ce qui serait extrêmement difficile, le Canada a mis en place une redevance pour la copie privée visant les supports vierges d'enregistrement audio, analogiques aussi bien que numériques, ainsi que les CD-ROM.

Les recettes engendrées par cette redevance serviront à compenser les auteurs (compositeurs et paroliers), éditeurs de musique, artistes-interprètes et producteurs pour la reproduction non autorisée d'enregistrements sonores. Aux termes de la Loi sur le droit d'auteur, le Canada indemnisera également les auteurs étrangers d'oeuvres musicales dont le droit d'auteur reste en vigueur au Canada, mais le ministre de l'Industrie a le pouvoir discrétionnaire d'offrir les avantages résultant du régime de copie privée aux producteurs et artistes-interprètes étrangers selon le principe de réciprocité (c'est-à-dire lorsque les pays d'où viennent ces artistes accordent les mêmes avantages aux artistes canadiens.)

Les effets des politiques culturelles du Canada

Les politiques et outils culturels du Canada ont fourni un apport important à la mise en place d'une infrastructure culturelle solide et à la réalisation de nos objectifs culturels. Nous continuons de posséder et contrôler nos industries culturelles et nous produisons des quantités de produits culturels ou de produits à contenu canadien auxquels nous pouvons tous nous identifier et qui renforcent notre identité nationale. En l'absence de ces mesures culturelles, les artistes et organismes culturels éprouveraient plus de difficulté à produire et exposer leurs créations.

Mais le Canada a aussi un des marchés culturels les plus ouverts au monde extérieur. Les Canadiens se classent parmi les plus importants consommateurs, par habitant, de produits culturels, tant canadiens qu'étrangers. Nous avons pu faire une place aux produits canadiens sur notre marché sans limiter l'accès des produits culturels provenant de tous les coins du monde.

Parmi tous les instruments de notre politique culturelle, c'est la réglementation relative au contenu canadien qui a eu le plus de répercussions. Le régime qui s'applique à l'industrie de la radiodiffusion soutient très efficacement les industries culturelles canadiennes tout en respectant les intérêts étrangers. L'industrie attribue à ces règles visant le contenu canadien la hausse des cotes d'écoute des émissions canadiennes de télévision de langue anglaise et la vigueur de l'industrie de l'enregistrement.

Comment les politiques culturelles du Canada se comparent-elles à celles d'autres pays?

Le Canada n'est pas le seul pays qui s'emploie à promouvoir sa culture et ses industries culturelles.

Aide financière

Tout comme le Canada, bon nombre de pays soutiennent directement leurs industries culturelles, comme le montrent les exemples qui suivent.

  • Au sein de l'Union européenne, le programme MEDIA II accorde des subventions et des prêts pour encourager la production de films destinés au marché européen.
  • Le Royaume-Uni subventionne un grand nombre d'activités artistiques par l'intermédiaire de conseils locaux (Art Councils), qui sont financés par des loteries. L'institut du film (British Film Institute) offre des subventions directes et des prêts remboursables pour appuyer la production et l'exposition de films.
  • En France, le Centre national de la cinématographie soutient la production de films au moyen de taxes spéciales perçues dans les salles de cinéma. Tout producteur d'oeuvres de fiction ou d'animation, de spectacles culturels ou de documentaires dont les émissions ont été diffusées par la télévision française reçoit automatiquement une subvention du Fonds de soutien de l'industrie du film et de la télévision.
  • En Allemagne, l'institut de promotion du film (Filmforderungsanstalt), le plus important des fonds fédéraux voués au secteur cinématographique, appuie la production de courts et longs métrages, la préparation de scénarios, les expositions, la formation et la recherche.
  • En Italie, la section du crédit cinématographique et théâtral (Sezione di Credito Cinematografico e Teatrale) de la BNL (Banca Nazionale del Lavoro) accorde des prêts pour la production audiovisuelle et fournit des avances sur les recettes anticipées de la vente de productions nationales à l'étranger.
  • L'institut suédois du cinéma (Svenska Filminstitutet) subventionne la production de films à l'aide d'une taxe sur les billets d'entrée dans les salles de cinéma et sur les locations de vidéos, ainsi qu'avec des crédits de l'État.
  • Les États-Unis soutiennent directement toute la gamme des activités culturelles, de la littérature aux dramatiques télévisées, par l'entremise de la fondation nationale des arts (National Endowment for the Arts).

Protection de la propriété intellectuelle

De puis la fin des années 1880, les pays colla-borent à la protection des droits de propriété intellectuelle dans le cadre de divers accords internationaux. Le piratage d'enregistrements sonores, de livres, de bandes vidéo, de logiciels, voire même de signaux de diffusion continue toutefois de poser des problèmes à l'échelle mondiale. À cet égard, les menaces les plus sérieuses et les plus coûteuses viennent de pays qui n'ont pas encore adopté de mécanismes de protection du droit d'auteur ou qui n'ont pas les ressources ou la détermination nécessaires pour faire respecter les lois déjà en place.

Droit d'auteur et droits voisins

La protection du droit d'auteur et des droits voisins est une mesure d'incitation importante pour les créateurs. En outre, elle contribue à la croissance et à la viabilité des principales industries de l'information et des activités tributaires du droit d'auteur sur les marchés mondiaux, tout en donnant aux pays les moyens d'harmoniser efficacement leurs politiques dans un marché planétaire marqué par l'évolution constante des facteurs économique, sociaux, culturels et techniques.

Un grand nombre de pays (y compris le Canada) ont signé divers accords internationaux dans ce domaine :

  • 131 pays sont liés par la Convention de Berne sur le protection des oeuvres littéraires et artistiques (1971);
  • 132 pays sont liés par l'accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC);
  • 57 pays sont liés par la Convention de Rome sur la protection des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion (1961).

Bien qu'un grand nombre de pays soient parties à ces accords, dans la pratique l'application des règles varie encore considérablement de l'un à l'autre. Dans certains pays, par exemple, la protection des droits d'auteur dure plus longtemps qu'ailleurs ou bien celle des droits voisins est plus généreuse. Certains régimes de droits d'auteur protègent les interprètes et les producteurs d'oeuvres aussi bien sonores qu'audiovisuelles, tandis que d'autres ne protègent que les enregistrements sonores. Dans certains cas, on assure la protection pour un grand nombre d'utilisations, tandis que dans d'autres, on exclut certains types d'utilisation. Enfin, certains pays accordent des redevances très généreuses, tandis que d'autres n'offrent que des montants symboliques.

Copie privée

Plusieurs pays disposent d'un régime d'indemnisation au titre de la copie privée, en vertu duquel une compensation est versée aux auteurs (compositeurs et paroliers), artistes-interprètes et producteurs de matériel sonore ou audiovisuel. Les niveaux de protection et de compensation varient toutefois considérablement d'un pays à l'autre.

Dans certains pays, le régime d'indemnisation ne couvre pas forcément le matériel audio et audiovisuel à la fois. Certains imposent des droits qui s'appliquent aussi bien à l'équipement (par exemple, les appareils de reproduction) qu'aux supports d'enregistrement, tandis que d'autres n'imposent le droit additionnel qu'à ces derniers. Dans la plupart des pays, le régime ne s'applique qu'à la copie privée faite sur des supports analogiques; dans un très petit nombre de pays, il ne s'applique qu'à la reproduction numérique. Beaucoup de pays ne disposent pas de régime relatif à la copie privée mais ont mis en place des règles concernant l'utilisation de matériels protégés à des fins privées.

L'interprétation que donne chaque pays aux obligations qu'il a souscrites dans le cadre des conventions de Berne et de Rome détermine si les bienfaits liés aux redevances pour la copie privée s'étendent au-delà de ses frontières. Dans certains cas, seuls les citoyens sont admissibles à l'indemnisation, qui est liée au régime fiscal, tandis qu'ailleurs les recettes tirées des sommes perçues sur la copie privée servent à indemniser tous les créateurs, où qu'ils se trouvent. La plupart des pays n'accordent une indemnisation aux créateurs étrangers que sur la base d'un traitement réciproque.

Réglementation des contenus

La politique culturelle fait souvent appel à des prescriptions touchant le contenu des produits offerts. Ainsi, la France, l'Italie, l'Espagne, le Mexique et l'Australie imposent des critères relatifs au contenu national qui visent la télévision, la radio, le cinéma et la télévision payante. En 1989, l'Union européenne (UE) a adopté une loi disposant qu'une proportion majoritaire du temps d'antenne consacré à des oeuvres de fiction doit provenir du territoire de l'UE. Certains pays membres de l'Union sont allés plus loin et ont fixé des normes précises, qui varient d'un pays à l'autre et d'un secteur à l'autre. En France, par exemple, on a décidé que 60 % de la programmation doit être d'origine européenne (dont 40 % d'origine française) et que toutes les stations de radio privées et publiques doivent consacrer à des chansons françaises 40 % de leur temps d'antenne aux heures de grande écoute.

Plusieurs pays établissent également à l'égard de la projection de films dans les salles de cinéma des règles relatives au contenu ou encore des contingents. Certains exemples suivent.

  • En France, tous les cinémas doivent réserver cinq semaines par trimestre à des longs métrages français; ceux qui ont présenté un court métrage français pendant six semaines du trimestre précédent doivent réserver quatre semaines aux longs métrages français.
  • En Espagne, les salles de cinéma doivent consacrer une journée aux nouveaux films provenant de pays de l'UE pour toute période de trois jours où elles projettent des films venant de l'extérieur de l'UE.
  • Le Mexique exige que les cinémas consacrent 10 % de leur temps de projection à des films d'origine nationale (ce qui représente une baisse par rapport à la proportion de 30 % qui existait en 1993).

Autres mesures

Certains pays font appel à d'autres mesures afin de contrôler l'accès à leurs marchés de la radiodiffusion et du cinéma.

  • Le gouvernement italien offre aux cinémas qui projettent des films produits en Italie une remise sur les taxes qu'ils doivent acquitter sur les recettes tirées de la vente de billets.
  • L'Espagne possède un régime de permis de doublage suivant lequel les distributeurs de films ne peuvent obtenir un permis pour le doublage de films étrangers que s'ils s'engagent par contrat à distribuer un certain nombre de films espagnols.
  • Le Mexique interdit le doublage de films étrangers, à l'exception des films à caractère éducatif et des films autorisés pour les enfants.
  • Aux États-Unis, on recourt aux cotes de classification de la Motion Picture Association of America (MPAA) pour limiter la distribution de films. Les cinéastes indépendants et étrangers estiment qu'on attribue à leurs films des cotes excessivement sévères.
Comparaison des critères relatifs au contenu national dans l'industrie de la diffusion
PaysCritère
Australie55 %
CanadaEntre 16 et 100 % selon la nature du service de diffusion
FranceContenu européen à 60 %, contenu français à 40 %

Restrictions aux investissements étrangers et à la propriété étrangère

La plupart des pays imposent certaines restrictions à la propriété étrangère au sein de leur économie. Pour ce qui concerne les industries culturelles, on a davantage tendance à restreindre la propriété étrangère dans le secteur de la radiodiffusion que ceux des magazines, de l'édition ou de la distribution de films. (Seuls quelques pays interdisent l'investissement étranger dans ces secteurs culturels.)

Les politiques relatives à l'investissement dans le secteur de la radiodiffusion varient considérablement d'un pays à l'autre. Certains interdisent tout investissement étranger dans les médias d'information et dans le secteur de la radiodiffusion et de la télévision, mais la plupart se contentent d'imposent une limite déterminée, notamment dans le secteur de la télévision.

Les politiques d'investissement d'autres pays manquent souvent de transparence, de sorte qu'il est difficile de les comparer avec celles du Canada. Certains pays adoptent des politiques plus ou moins calquées sur celles de leurs partenaires commerciaux (c'est-à-dire qu'ils s'offrent réciproquement des possibilités et des niveaux d'investissement semblables). Le Canada semble toutefois être le seul pays qui assujettit les investissements étrangers dans les industries culturelles aux engagements pris par les entreprises étrangères à investir une partie de leurs recettes dans la mise au point de produits à contenu canadien.

Bien que la plupart des pays appliquent certaines restrictions à la propriété étrangère, comme le Canada, ils se sont habituellement bien gardés de recourir à l'expropriation ou à toute autre mesure qui inciterait les investisseurs étrangers à quitter le pays. La plupart s'efforcent d'instaurer à l'intention des investisseurs un régime stable et prévisible, et de respecter le droit international en matière d'investissement.

La question de l'investissement étranger et de la propriété étrangère et de leurs incidences deviendront vraisemblablement plus complexes à l'avenir, car la définition de la radiodiffusion n'est ni claire, ni simple. Certains pays font une distinction entre la radiodiffusion et les services de transmission par satellite vers une entreprise de câblodistribution, limitant la propriété étrangère dans le domaine de la radiodiffusion en ondes mais permettant la propriété étrangère des SRD.

Parfois, l'investisseur étranger est une entreprise canadienne...

Au début de 1997, le service australien de radiodiffusion (Australian Broadcasting Authority) et le trésorier de l'Australie ont ordonné à la société CanWest Global de se départir dans un délai donné d'une partie de ses actions dans le réseau australien Ten afin de se conformer aux limitations à la propriété touchant les a ultérieurement vendu une partie de ses actions.

Comparison des limitations à l'investissement étranger dans le secteur de la radiodiffusion
PaysInvestissement/propriété étrangers permis
Australie15%
Canada33.3% du holding
20% de l'entreprise qui détient la licence
États-Unis20% des entreprises de radiodiffusion conventionnelles
Royaume-Unipropriété limitée aux pays membres de l'UE

La culture dans un monde en mutation rapide

Les industries culturelles du Canada constituent un volet crucial, voire indispensable, de notre identité nationale et de notre économie. Pour jouer leur rôle décisif, elles doivent - comme tout autre secteur d'activité - s'adapter aux transformations des marchés.

Les nouvelles technologies, conjuguées à des politiques commerciales plus libérales, remettent en question les politiques qui ont servi à créer une culture canadienne vigoureuse. Pour relever ce défi, le Canada doit réaliser un juste équilibre entre, d'une part, les mesures destinées à favoriser l'expression culturelle et, d'autre part, ses obligations commerciales internationales. Les transformations qui ont marqué les marchés culturels mettent en évidence la nécessité, pour le gouvernement et pour les industries culturelles, de passer en revue nos politiques culturelles et de préciser davantage nos stratégies culturelles. Pour éviter que les produits culturels ne soient traités comme de simples marchandises - c'est-à-dire, pour préserver et favoriser notre diversité culturelle -, nous devons bien comprendre les changements qui se produisent autour de nous et être prêt à y réagir.

Les nouvelles technologies élargissent les choix et la concurrence sur le marché canadien

Les nouvelles technologies influent profondément sur la création, la confection, l'offre et la diffusion des produits culturels. Jusqu'à tout récemment, les consommateurs avaient peu de choix quant aux moyens de recevoir les programmes et l'information. Ils achetaient des livres, des magazines et des journaux. Ils recevaient gratuitement les signaux émis par les stations de télévision ou de radio locales, ou ils pouvaient, moyennant paiement, faire installer le câble chez eux pour recevoir d'autres stations.

Grâce à la mise au point de la technologie de communication sans fil et à l'essor de l'Internet, les consommateurs ont maintenant plus de choix. Ils peuvent acheter des services de câblodistribution qui offrent un plus grand nombre de chaînes, ou encore se procurer une petite antenne parabolique et un décodeur pour recevoir directement les signaux transmis par satellite. Ils peuvent aussi se servir de leur ordinateur pour accéder à l'Internet et y lire des articles, écouter de la musique ou regarder des films.

Avec la venue des nouvelles technologies, les compagnies de câblodistribution qui avaient le monopole de leurs marchés respectifs doivent aujourd'hui faire face à une concurrence plus vive. Les télédiffuseurs canadiens - dont les stations sont les plus susceptibles de présenter des émissions à contenu canadien - doivent désormais se mesurer aux services de diffusion plus nombreux qui leur disputent leur part du marché.

Les nouvelles technologies compliquent le contrôle et la réglementation du marché culturel

Les efforts déployés dans le passé pour faire une place aux produits culturels canadiens sur le marché de la radiodiffusion ont porté fruit parce que le gouvernement pouvait contrôler et réglementer les bandes de fréquence, relativement peu nombreuses. Les télédiffuseurs, les entreprises de câblodistribution, les chaînes de télévision payante et les chaînes spécialisées devaient obtenir un permis pour pénétrer dans les foyers canadiens.

Or, les nouvelles technologies rendent possible une augmentation considérable du nombre de canaux et contribueront ainsi à la complexification et au morcellement du marché, qui deviendra dès lors plus difficile à réglementer. De plus, les nouveaux réseaux de distribution offriront vraisemblablement aux produits étrangers un accès élargi au marché canadien, de sorte que le gouvernement pourrait éprouver plus de difficulté à assurer une place pour les produits à contenu canadien sur ces réseaux. Par exemple, le magazine Sports Illustrated a pu contourner le code tarifaire canadien qui interdit aux entreprises d'importer physiquement des exemplaires sur support papier de magazines à tirage dédoublé en les transmettant par satellite à des imprimeurs canadiens.

Conscient de ces difficultés, le Canada a entrepris de trouver des moyens de poursuivre ses objectifs en matière de politique culturelle. Le CRTC a déjà pris des mesures pour réglementer les services SRD, et il mène de concert avec la Commission du droit d'auteur des travaux en vue d'examiner le rôle de l'Internet et de déterminer s'il convient de réglementer ou superviser les programmes diffusés via l'Internet. Le Canada a par ailleurs assumé un rôle de leadership dans l'action menée à l'échelle internationale au sujet de ces questions, notamment en accueillant la conférence de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) sur le commerce électronique en octobre 1998.

Cette transformation des systèmes de diffusion pose aussi des difficultés du point de vue du droit d'auteur et d'autres mesures conçues pour assurer une rémunération appropriée aux artistes et aux titulaires de droits d'auteur. Le Canada devra trouver les moyens de protéger la propriété intellectuelle et d'encourager les industries culturelles tout en continuant de respecter les traités internationaux sur la propriété intellectuelle. C'est là une étape cruciale de toute stratégie visant à promouvoir notre identité nationale et notre diversité culturelle.

 Plus de 38 % des foyers canadiens ont déjà communiqué par ordinateur et près de 30 % d'entre eux le font régulièrement. Parmi ceux qui utilisent les communications informatiques régulièrement, plus de 84 % le font pour chercher des renseignements sur l'Internet. Ces chiffres montrent à quel point l'Internet est en voie de devenir un important moyen de communication pour les Canadiens.

Commerce et culture

Pour maintenir un standard de vie élevé, le Canada a besoin d'un système commercial ouvert, transparent et prévisible. Riches en compétences et en savoir, les Canadiens sont conscients des bienfaits économiques qui sont attachés à la libéralisation des marchés mondiaux et en ont tiré profit. Nous appuyons la tendance universelle vers l'intensification et la libéralisation des échanges commerciaux.

Commerce international et politiques nationales

En plus d'être membre de l'Organisation mondiale du commerce, le Canada a signé divers accords régionaux, tel l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). En outre, il participe activement aux négociations commerciales internationales. Pour prospérer, nous devons continuer dans cette voie.

Depuis 1948, année où 23 pays ont signé l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT - General Agreement on Tariffs and Trade), le commerce mondial des biens s'est progressivement libéralisé. Les marchés sont maintenant plus ouverts et de nombreuses barrières commerciales ont disparu.

Aux termes des accords commerciaux internationaux, les pays acceptent en général d'accorder à leurs partenaires commerciaux le statut de la « nation la plus favorisée » (NPF) et les traitent tous sur un pied d'égalité. En outre, une fois que les biens ou services de leurs partenaires commerciaux sont entrés sur leur marché, les parties à l'accord doivent accorder à ces biens ou services le « traitement national » (c'est-à-dire les traiter de la même façon que leurs propres biens et services d'origine nationale), dans la mesure où ces produits sont visés par l'accord en question.

Tous les pays ont profité des bienfaits économiques qui découlent de la libéralisation du commerce. Ce mouvement vers l'ouverture accrue du système commercial - c'est-à-dire vers un système prévisible et non discriminatoire - se renforce. Pas moins de 123 pays ont pris part aux négociations qui se sont déroulées au sein du GATT dans le cadre du cycle de l'Uruguay (de 1986 à 1994).

En 1995, les participants ont décidé de constituer l'OMC afin d'intégrer tous les nouvelles ententes qui ont été négociées et signées par la majorité des nations commerçantes. Tout désaccord peut être réglé par les gouvernements des États membres dans le cadre d'un mécanisme spécial de règlement des différends.

Vu la croissance des marchés des services, des connaissances techniques et de l'information, les nouveaux accords vont au-delà des échanges de produits matériels pour englober le commerce mondial des services et certains aspects de la propriété intellectuelle.

Exemptions culturelles et autres mesures commerciales

Les accords commerciaux internationaux ne traitent pas tous de la même manière les produits culturels. Ils se distinguent aussi les uns des autres par la façon dont ils prennent en considération la position des pays qui estiment que la culture est bien plus qu'une marchandise quelconque.

L'accord du GATT, par exemple, prévoit des modalités particulières pour certains aspects de la culture. L'une d'elles permet aux pays de limiter le temps de projection accordé aux films étrangers; une autre disposition prévoit une dérogation générale dans le cas des mesures destinées à protéger les trésors nationaux ayant une valeur artistique, historique ou archéologique. Tout autre produit culturel considéré comme un « bien » est assujetti aux règles de l'Accord général (par exemple, la clause NPF et le traitement national).

Depuis la création de l'OMC, les pays signataires de l'accord du GATT ont négocié des ententes supplémentaires, comme l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires et l'Accord sur les aspects liés au commerce des mesures concernant les investissements (ACMI), qui précisent davantage les règles régissant le commerce des biens.

Ainsi, l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires établit trois catégories de subventions visant les produits : subventions interdites, subventions donnant lieu à une action et subventions ne donnant pas lieu à une action. Les subventions à l'exportation et les subventions liées à l'utilisation de produits de fabrication nationale plutôt que de produits importés sont interdites, tandis que celles qui viennent en aide aux activités de recherche et de développement ou aux régions défavorisées sont exclues de la portée de l'accord. Quant à l'ACMI, il interdit aux pays d'imposer des normes de performance particulières pour que soit accepté un investissement étranger.

Dans l'Accord général sur le commerce des services (AGCS), également négocié pendant l'Uruguay Round, les membres n'ont pas accepté de soustraire la culture aux dispositions de l'accord, mais ils ont toutefois permis aux signataires de ne pas souscrire aux obligations prévues dans la clause NPF et de souscrire aux obligations relatives au traitement national. Le Canada a donc réclamé une exemption de la clause NPF pour ses coproductions cinématographiques et télévisuelles, et n'a pris aucun engagement en matière de traitement national dans le secteur culturel. Autrement dit, le Canada a, de fait, soustrait ses politiques culturelles du champ d'application des disciplines prévues dans l'AGCS, et il a maintenu son droit de promouvoir les services et les fournisseurs canadiens dans le domaine de la culture. Cette mesure est conforme aux objectifs de notre politique culturelle et au principe qui affirme que les produits culturels ne sauraient être traités comme des simples marchandises.

Le Canada a négocié une « exemption culturelle » dans le cadre d'ententes commerciales régionales ou bilatérales (ALENA, accords de libre-échange avec Israël et avec le Chili). Cette disposition lui permet de soustraire les industries culturelles à la plupart des autres dispositions de ces accords. Aux termes de l'ALENA, par exemple, le Canada peut continuer de soutenir ses industries culturelles à condition que les mesures utilisées à cet effet soient conformes à l'Accord de libre-échange initial conclu avec les États-Unis.

Dans les négociations à venir, tous les pays, y compris le Canada, subiront de nouvelles pressions pour libéraliser leurs politiques et leurs pratiques. Ces pressions se manifestent notamment dans les négociations qui entourent actuellement l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), lequel vise l'établissement de principes pour régir le traitement de l'investissement étranger dans certains secteurs convenus.

À l'heure actuelle, les « disciplines » internationales qui régissent le commerce des produits sont plus nombreuses que celles qui visent le commerce des services. Toutefois, comme on a pu le voir lors de négociations récentes, les disciplines relatives aux investissements, au commerce des services et aux droits de propriété intellectuelle deviennent plus fréquentes.

Les principes du système commercial multilatéral

Le système commercial multilatéral repose sur les concepts et principes suivants :

Statut de la nation la plus favorisée (NPF) : les pays parties aux accords commerciaux conviennent d'accorder à tous leurs partenaires commerciaux le statut de « la nation la plus favorisée » (NPF) et de tous les traiter sur un pied d'égalité.

Traitement national : lorsque les biens ou services d'un partenaire commercial font leur entrée sur un marché déterminé, le pays d'accueil accepte de leur accorder le « traitement national », c'est à dire un traitement semblable à celui que reçoivent ses propres biens et services.

Transparence/prévisibilité : les pays conviennent d'assurer la « transparence » ou la « visibilité » de toutes leurs pratiques commerciales en faveur de leurs partenaires commerciaux et de s'abstenir de pratiques inéquitables ou moins visibles, comme l'octroi de subventions à des industries déterminées ou le dumping. Les pays s'engagent également à conclure des accords exécutoires qui instaurent un régime commercial prévisible, de manière à ce que les entreprises et investisseurs étrangers n'aient pas à craindre que des pays ne dressent subitement des barrières arbitraires au commerce.

Ces principes constituent les fondements de l'Accord du GATT, de l'Accord général sur le commerce des services et des accords de libre-échange.

Des industries et produits nouveaux remettent en cause les définitions conventionnelles

Des secteurs qui, auparavant, se distinguaient nettement les uns des autres et étaient orientés par des politiques différentes - radiodiffusion, câblodistribution, satellites et télécommunications - sont aujourd'hui en train de converger et perdre leur caractère distinctif alors que s'accélère le rythme du développement de la nouvelle autoroute de l'information et des nouveaux réseaux de distribution. Cette évolution donne naissance à de nouvelles industries et de nouveaux produits, de sorte qu'il est de plus en plus difficile de tracer une ligne de démarcation nette entre une industrie culturelle et celle des télécommunications ou de l'informatique, par exemple.

La convergence facilite et rend moins coûteuse, pour les éditeurs de magazines et de livres, la fabrication de leurs produits. Elle aide également les artistes à créer des produits culturels entièrement nouveaux, soit les produits multimédias - disques compacts, jeux vidéo, réalité virtuelle, animation numérique et programmes interactifs d'éducation et de formation. Elle transforme aussi les produits culturels et traditionnels. Par exemple, il est moins coûteux de produire un magazine diffusé sur l'Internet et on peut même y ajouter un trame sonore et des séquences filmées, de sorte que la « lecture » d'un magazine en direct est une expérience tout à fait différente de celle d'un magazine imprimé.

Les produits multimédias sont sur le point de devenir des produits véritablement interactifs qui feront bientôt partie de notre vie quotidienne. Ces nouveaux produits, qui puiseront dans des contenus venus des industries du cinéma, de la télévision, de l'enregistrement, du livre, du magazine et des arts, auront des applications allant bien au-delà de ce qu'on considère habituellement comme le monde de la culture et du divertissement. On les trouvera dans le secteur commercial et dans l'industrie, ce qui aura pour effet de rendre plus floue la définition traditionnelle d'un produit culturel.

Du fait qu'elle crée de nouveaux marchés pour les industries des communications et les produits culturels du Canada, la convergence offre certains avantages à nos industries culturelles. Le secteur canadien de la radiodiffusion, qui est déjà un chef de file dans le monde en matière de câblodistribution, de télévision numérique et de radiodiffusion par satellite, est très bien positionné pour vendre ses connaissances et ses compétences techniques au reste du monde. On trouve aussi au Canada des réseaux d'accès à l'Internet et de nombreux fournisseurs de services Internet. De plus, le nombre de réseaux de distribution augmente, et ceux-ci sont à la recherche de « contenu » à distribuer. Ce sont là autant de nouveaux débouchés pour les films, les émissions de télévision et les enregistrements sonores canadiens, aussi bien au Canada même qu'à l'étranger.

Par contre, l'apparition de nouvelles industries culturelles comme le multimédia aura sans doute pour effet de compliquer les aspects commerciaux de ces questions. Les nouveaux liens qui s'établissent entre le contenu des produits culturels, les télécommunications et les applications dans les entreprises et dans l'industrie rendent plus difficile la définition des produits culturels aux fins des accords commerciaux. La convergence soulève la question de savoir quelle est la portée des produits et services qu'on peut considérer comme étant culturellement importants.

Contestations commerciales visant nos politiques culturelles

Ces dernières années, les politiques culturelles du Canada ont fait l'objet d'un certain nombre de contestations.

  • Lorsque Sports Illustrated a commencé à transmettre sa revue au Canada par voie électronique, le gouvernement a réagi en imposant une taxe d'accise de 80 % sur la valeur de la publicité paraissant dans les magazines à tirage dédoublé. Les États-Unis ont alors demandé à l'OMC de mettre sur pied un groupe spécial de règlement des différends; ils contestaient la taxe d'accise, le code tarifaire initial, les tarifs commerciaux pratiqués par la Société canadienne des postes et la subvention postale. Le groupe spécial ayant jugé que ces quatre mesures étaient toutes incompatibles avec l'Accord du GATT, le Canada s'est engagé à appliquer la décision en abolissant la taxe d'accise, en supprimant le code tarifaire et en modifiant ses règles postales.
  • En 1994, le CRTC a octroyé des permis à un ensemble de nouveaux services canadiens de télévision payante et de chaînes spécialisées, dont le New Country Network (NCN), et il a retiré de la liste des services admissibles une chaîne spécialisée américaine concurrente, Country Music Television (CMT). Le représentant spécial au commerce des États-Unis a lancé une procédure aux termes de la loi américaine, tandis que la chaîne CMT contestait la décision du CRTC devant les tribunaux. Ces deux interventions ont toutefois été abandonnées en 1996 lorsque CMT a fusionné avec NCN. Bien qu'il eut agi dans les limites de ses pouvoirs, le CRTC a par la suite déclaré qu'il ne supprimerait vraisemblablement pas un service étranger de la liste des services admissibles même s'il accordait un permis d'exploitation à un concurrent canadien.
  • Lorsque le Canada a approuvé la demande de PolyGram N.V. (une multinationale du secteur du divertissement dont le siège se trouve au Royaume-Uni et qui appartient à 75 % à la société néerlandaise Philips Electronics) d'autoriser la mise sur pied d'une nouvelle maison de production et de distribution de films au Canada, il a exigé de PolyGram qu'elle limite son activité de distribution aux films sur lesquels elle détenait des droits exclusifs. PolyGram a aussi accepté de consacrer une partie de ses recettes canadiennes à des activités de production culturelle au Canada. Estimant que ces conditions n'étaient pas conformes aux obligations prises par le Canada aux termes des accords commerciaux internationaux, l'UE a demandé la tenue de consultations dans le cadre du mécanisme de règlement des différends de l'OMC. Elle a toutefois suspendu son action, en attendant qu'aboutissent les négociations relatives à la vente de PolyGram à Seagram, entreprise appartenant à des intérêts canadiens.

À mesure que les pays s'emploient à libéraliser les échanges commerciaux, il peut arriver que les disciplines deviennent plus rigoureuses et que le nombre de contestations de nos politiques culturelles nationales s'accroisse. Ce que ces contestations mettent en évidence, c'est le besoin de peaufiner nos politiques culturelles de façon à pouvoir continuer de favoriser l'épanouissement de l'expression et de la diversité culturelles.

L'interdépendance économique estompe les frontières nationales

Tout comme on a pu l'observer dans d'autres secteurs, le phénomène des sociétés multinationales prend beaucoup d'ampleur dans les industries culturelles. À mesure que les entreprises s'efforcent de se positionner de façon à prospérer en tirant profit de l'économie de l'information, les fusions et les consortiums - c'est-à-dire les alliances formées entre des entreprises de pays différents pour vendre un produit sur le marché mondial - deviennent monnaie courante. Il arrive souvent que les artistes et les producteurs songent moins au marché de leur propre pays qu'au marché mondial.

La restructuration d'une industrie pourra être une source d'inquiétude pour certaines entreprises canadiennes. D'autres, par contre, y verront une occasion de s'intégrer à une organisation multinationale qui, par définition, a un accès élargi aux marchés étrangers.

Du point de vue des échanges commerciaux, la croissance de l'interdépendance économique des pays fait s'estomper les frontières nationales et modifie la conception qu'on se fait des politiques destinées à préserver les intérêts nationaux. La tendance vers l'interdépendance économique ne se limite pas à l'industrie. À la suite des récents accords commerciaux, comme l'ALENA et les traités qui ont débouché sur la création de l'Union européenne, les intérêts économiques des pays sont, eux aussi, de plus en plus étroitement interreliés. Les obstacles commerciaux tombent et les politiques nationales sont contestées. Ces développements vont se répercuter à la fois sur les politiques culturelles et sur les politiques commerciales dans les années qui viennent.

Dans ce contexte d'intégration économique, les pays cherchent les moyens de promouvoir leur identité culturelle. Les politiques culturelles du Canada nous ont bien servis dans le passé. Les pressions grandissantes créées par les nouvelles technologies et par la mondialisation font ressortir l'urgence d'avoir des politiques culturelles fortes dans l'avenir. Sinon, nous deviendrons simplement des producteurs et des consommateurs de biens et de services commerciaux. Nous n'aurons plus rien qui nous soit propre.

Le défi consiste à formuler, de concert avec les autres pays, des politiques ouvertes et transparentes qui tiennent compte du fait que les produits culturels n'ont rien de commun avec les autres produits et services, et qui nous permettent de préserver notre identité nationale et notre diversité culturelle dans un monde en pleine mutation.

Une nouvelle stratégie culturelle canadienne dans le contexte de la mondialisation

Les politiques culturelles du Canada ont aidé les artistes, les créateurs et les producteurs à bâtir des industries culturelles dynamiques.

Elles ont aussi aidé à promouvoir une identité canadienne et un sens de la fierté envers ce qu'est le Canada et ce que sont les Canadiens. Ces politiques ont évolué au cours des années, s'adaptant aux transformations du marché canadien et des marchés mondiaux.

Le Canada est parmi les pays qui montrent le plus d'enthousiasme envers les produits culturels, ces « aliments » de l'esprit et de l'âme qui aident les individus et les nations à communiquer entre eux et à partager leurs vues et leurs idées. Dans le débat international sur la culture, le Canada est parmi ceux qui affirment que celle-ci est bien plus qu'une simple marchandise.

Les développements technologiques ont eu et continueront d'avoir un impact marqué sur la culture. La notion même d'« industrie culturelle » reflète surtout l'influence de la technologie - par exemple, les imprimés et les magazines, le film, l'enregistrement sonore, la radio, la télévision et le multimédia. Les progrès réalisés ces dernières années ont transformé la façon dont les Canadiens peuvent accéder aux produits culturels. Ces développements suscitent deux grandes réactions. Certains croient que les transformations opérées par la technologie ont rendu les politiques culturelles canadiennes périmées et qu'il sera désormais pratiquement impossible de contrôler l'entrée et la transmission des contenus électroniques. D'autres, par contre, estiment que le changement technologique a rendu les politiques culturelles canadiennes encore plus essentielles et font valoir que les politiques et programmes culturels du Canada lont facilement intégré les progrès technologiques par le passé et qu'ils pourront continuer de le faire à l'avenir.

Il peut s'écouler un long laps de temps entre le loment où une technique devient possible et celui où elle peut faire l'objet d'une diffusion en masse. Si nous agissons rapidement, nous pourrons adapter et modifier nos politiques culturelles et commerciales de façon à maintenir leur efficacité du point de vue de la réalisation de nos objectifs culturels. Des initiatives peuvent aussi être prises pour contrer certains des effets négatifs engendrés par l'avènement de ces technologies, comme cela s'est produit au moment de l'entrée des entreprises canadiennes de distribution de SRD. Les créateurs, les producteurs et les distributeurs de produits culturels ont le même intérêt à trouver des mécanismes garantissant qu'ils continueront à pouvoir exercer les droits qu'ils détiennent et à recevoir une rémunération appropriée.

Il faut aussi se rappeler que les produits et services culturels peuvent très rarement faire une percée sur les marchés étrangers avant de réussir sur le marché national. Dans le secteur audiovisuel, par exemple, le succès que certaines entreprises de production canadiennes connaissent actuellement à l'étranger a été rendu possible par le fait que ces entreprises ont d'abord pu tirer avantage de la dynamique du marché intérieur canadien pour développer leur expertise aux plans de la conception, de la production et de la commercialisation. Nous ne devons pas compromettre l'accès à notre propre marché intérieur - sans lequel la grande majorité des entreprises culturelles canadiennes ne pourraient prospérer et développer leur potentiel d'exportation - pour encourager l'accès aux marchés étrangers. Enfin, il faut se rappeler que l'objectif premier de la politique culturelle canadienne est de permettre aux Canadiens d'avoir accès, sur leur propre territoire, à une gamme diversifiée de produits culturels reflétant leurs valeurs, leur culture et leur identité.

Compte tenu du fait que les nouvelles technologies et la libéralisation des politiques commerciales exercent des pressions de plus en plus fortes sur les industries culturelles, le moment est venu de décider comment le Canada peut établir un équilibre entre les objectifs de sa politique culturelle et les obligations qu'il a souscrites aux termes des accords commerciaux internationaux.

Les Canadiens croient aux bienfaits que procure l'ouverture des marchés, mais ils s'inquiètent aussi de l'effet que la mondialisation des échanges, conjuguée à l'évolution rapide des technologies, pourrait avoir sur notre identité nationale, sur notre culture et sur notre sentiment d'appartenance à une société bien caractérisée. Ces considérations pèsent sur les politiques culturelles du Canada et soulèvent un certain nombre d'interrogations. Comment le Canada peut-il continuer de promouvoir sa culture et son identité tout en continuant de prendre part à la libéralisation des échanges? Comment devait-il utiliser les instruments culturels qu'il possède? Avons-nous besoin de nouvelles politiques et de nouvelles approches?

Au cours des prochaines années, le Canada participera à d'importantes négociations sur le commerce et l'investissement. Dans le cadre de ses priorités de base, l'OMC s'est déjà engagée à négocier des accords sur le commerce des services et des produits agricoles. Étant donné qu'un grand nombre de nos industries culturelles offrent essentiellement des services, le gouvernement devra formuler une stratégie de négociation. Il devra également mesurer les répercussions que pourrait éventuellement avoir sur ses politiques culturelles toute obligation découlant de nouveaux traités commerciaux et, en sens inverse, les incidences des politiques culturelles sur son aptitude à honorer ses obligations au sein de l'économie mondiale.

Le gouvernement s'est engagé à examiner sa politique de façon continue. Il étudie actuellement les politiques et programmes destinés à soutenir les industries du long métrage et des périodiques. Il se penche également sur la politique relative au droit d'auteur à la lumière des nouveaux traités de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle afin d'assurer la protection des droits d'auteur dans un environnement numérique comme l'Internet.

Par ailleurs, le CRTC mène à l'heure actuelle des audiences consacrées au contenu canadien des émissions de radio et de télévision. En outre, il a entrepris un examen des nouvelles techniques de diffusion pour en étudier les aspects liés à la réglementation et, de façon plus générale, les moyens à prendre pour évaluer cette industrie en voie d'émergence.

Ces examens ont pour but de définir le moyen le plus efficace de soutenir la culture canadienne et de positionner nos industries en fonction des débouchés qui s'offriront à elles au cours du XXIe siècle. Soulignons toutefois qu'il n'y a pas qu'au Canada où les changements nécessaires devront se produire. Il se peut certes que nous devions réaménager certaines de nos politiques, mais il peut fort bien arriver aussi qu'on doive modifier les accords commerciaux de manière à ce qu'ils fassent place à la diversité culturelle.

Pour une politique commerciale favorable à la culture

Le Canada peut invoquer certains précédents lorsqu'il réclame que les accords commerciaux internationaux prennent en considération le désir des pays de promouvoir et défendre leur culture.

Dans le passé, on s'est en effet servi des accords commerciaux pour s'attaquer à des questions qui débordaient le seul plan économique. Ces accords servent notamment à faciliter la réalisation de divers objectifs de la politique publique. Tout comme la communauté internationale a convenu, au moyen d'accords commerciaux, de promouvoir la biodiversité en préservant les animaux et les plantes, elle pourrait décider de promouvoir et de préserver la diversité culturelle et linguistique en permettant aux pays de soutenir leurs industries et leurs produits culturels.

Les principaux enjeux

Au moment de choisir une stratégie ou une approche pour les négociations internationales sur le commerce et l'investissement, le Canada doit poser certaines questions essentielles pour définir les principaux enjeux.

  • Quels secteurs, mesures et pratiques culturels seront touchés?
  • Quelles conditions et obligations le traité imposera-t-il? De quelle façon les politiques culturelles en seront-elles affectées?
  • Si l'accord ne vise que certaines industries culturelles, quels seront ses effets? Ce précédent causera-t-il des problèmes aux autres secteurs d'activité?
  • Dans quelles circonstances des désaccords pourraient-ils se produire? De quelle façon pourrait-on les résoudre?

Pour évaluer ses options en matière de politique commerciale dans le domaine culturel, le Canada devra trouver la réponse à ces questions.

Un éventail de solutions possibles

D'après le GCSCE, on peut envisager quatre options possibles relativement à la politique commerciale du Canada dans le domaine culturel.

1. Négocier une exemption culturelle générale

Le Canada pourrait tenter d'obtenir une exemption, libellée en termes généraux, au bénéfice des industries culturelles dans le cadre d'un nouvel accord commercial international. Tous les pays parties à l'accord pourraient se prévaloir de cette exemption.

Pour être efficace, l'exemption devrait

  • ne faire référence à aucune technologie précise, de manière à pouvoir s'appliquer à toutes les technologies actuelles et futures;
  • renfermer des dispositions assez détaillées pour prévenir les désaccords;
  • pouvoir faire l'objet d'une appréciation sans référence à d'autres accords;
  • être à l'abri des contestations ou des représailles;
  • être soustraite à toute obligation de maintenir le statu quo ou de démanteler les mesures prises pour protéger la culture;
  • avoir un caractère assez général pour avoir primauté sur toutes les obligations énoncées dans l'accord.

Dans le mémoire soumis au Comité permanent des Affaires mondiales Canada de la Chambre des communes au sujet de l'AMI, la SOCAN a proposé le libellé suivant pour une exemption culturelle générale :

Aucune disposition du présent accord ne sera interprétée de manière à empêcher l'une ou l'autre des parties de prendre toute mesure qu'elle considère nécessaire à la protection ou à la promotion de ses industries culturelles.

Le même libellé pourrait servir à formuler une exemption pour la culture dans les accords commerciaux - exemption qui irait au-delà de celle qui est actuellement prévue dans l'ALENA et dans les autres accords de libre-échange.

2. Ne souscrire aucun engagement en matière de culture

Le Canada pourrait refuser de prendre quelque engagement ou d'accepter quelque obligation que ce soit au nom de son secteur culturel. Cette « réserve sectorielle propre à un pays » pourrait, du point de vue légal, avoir le même effet qu'une exemption culturelle. S'il advenait toutefois que le Canada ne puisse pas rallier les appuis d'autres pays à cette mesure, il serait soumis à de constantes pressions en vue de l'amener à modifier ses politiques culturelles.

3. Mettre au point un nouvel instrument international portant sur la diversité culturelle

Le Canada pourrait lancer l'idée d'un nouvel instrument international qui établirait les principes de base devant présider à la formulation des politiques culturelles et au commerce des produits culturels, et qui permettrait à tous les signataires de maintenir des politiques qui assurent la promotion de leurs industries culturelles.

Ce nouveau traité culturel chercherait à réaliser un consensus de la communauté internationale au sujet de la nécessité d'encourager l'expression culturelle de chaque peuple et de mettre en place des règlements et autres mesures visant la promotion de la diversité culturelle et linguistique. Le traité ne forcerait aucun pays à prendre des mesures de promotion de la culture, mais il donnerait aux États le droit de déterminer les mesures qu'ils appliqueraient, dans les limites permises par l'accord, afin de sauvegarder leur diversité culturelle.

L'instrument servirait en quelque sorte de plan de base pour favoriser la diversité culturelle et le rôle de la culture dans le contexte de la mondialisation. Il circonscrirait clairement les domaines visés et mettrait l'accent sur l'importance de la souveraineté culturelle.

Le traité préciserait les mesures visées ainsi que celles qui ne le seraient pas, et il indiquerait clairement dans quels cas les disciplines s'appliqueraient ou ne s'appliqueraient pas. De plus, il exposerait de manière explicite dans quelles circonstances les politiques culturelles seraient admissibles et seraient par là même exemptes de toute tentative de rétorsion commerciale.

Pour être efficace, ce nouvel instrument devrait :

  • être aussi général que possible et s'appliquer à l'échelle de la planète;
  • porter autant sur les produits que sur les services culturels;
  • comprendre toutes les mesures de soutien financières et fiscales, les règlements et les contrôles applicables aux investissements étrangers;
  • invoquer la politique de concurrence pour traiter des problèmes de domination du marché qui peuvent nuire à la vitalité d'une industrie culturelle nationale;
  • invoquer la politique relative au droit d'auteur dans les circonstances qui ne contredisent pas les autres obligations du Canada en matière de propriété intellectuelle.

4. Élaborer des accords visant des industries, des mesures ou des pratiques précises dans le secteur culturel

Le Canada pourrait négocier des ententes particulières régissant des industries culturelles déterminées. Cette formule lui permettrait, ainsi qu'aux autres pays signataires, de maintenir des politiques qui font la promotion de leurs industries culturelles, mais elle exigerait qu'on négocie des mesures et des pratiques acceptables pour chaque industrie culturelle plutôt que pour le secteur culturel dans son ensemble.

Le moment d'élaborer un nouvel instrument culturel est venu

Des quatre formules considérées, le GCSCE privilégie la mise au point d'un nouvel instrument international sur la diversité culturelle. De l'avis des membres du Groupe, le Canada se trouve aujourd'hui à un carrefour et doit prendre des décisions concernant les liens entre la politique culturelle et les accords internationaux sur le commerce et l'investissement.

Sommes-nous simplement des producteurs et des consommateurs de biens et de services commerciaux? Ou bien sommes-nous prêts à faire un pas en avant et à réaffirmer à quel point importent la diversité culturelle et l'aptitude de chaque pays à veiller à ce que son histoire et la vie concrète de ses habitants soient accessibles à la fois à ses propres citoyens et au monde entier?

Les membres du GCSCE considèrent que le moment est venu d'agir. Tout comme les pays ont uni leurs efforts pour protéger et promouvoir la biodiversité, il importe maintenant qu'ils oeuvrent de concert afin de promouvoir la diversité culturelle et linguistique.

En quête de partenaires

Que le Canada décide de prendre appui sur l'exemption culturelle actuellement en vigueur ou favorise plutôt la négociation d'un nouvel instrument multilatéral portant sur le secteur culturel, il doit tenir compte des tendances et attitudes qui se manifestent à travers le monde. Il ne pourra pas faire chemin seul dans ce domaine et devra rallier l'appui d'autres pays.

Bien qu'un certain nombre de pays partagent les préoccupations du Canada à propos de la souveraineté culturelle et aient mis en place des mesures similaires de politique intérieure et de politique commerciale pour protéger leur culture, il convient de souligner que, durant les négociations de l'Accord général sur le commerce des services, l'idée d'une exemption culturelle générale n'a pas recueilli un soutien international suffisant.

En encourageant la tenue d'un débat sur la culture et le commerce, le Canada sera peut-être à même de conclure des alliances avec des pays qui partagent sa position en ce qui concerne la souveraineté culturelle. Il pourrait également convaincre d'autres pays de la nécessité de traiter le commerce des produits culturels différemment des autres biens et services si l'on veut protéger la diversité culturelle.

Pour une politique commerciale favorable à la culture

Le secteur culturel a toujours dû s'adapter au changement technologue et à l'évolution des marchés culturels. Nous sommes passés de la radio à la télévision, puis de la câblodistribution aux SRD, et nous avons toujours su adapter nos politiques et nos régimes de contrôle de manière à prévoir les changements et à réagir en conséquence. Nous sommes également passés de marchés relativement fermés à l'Accord du GATT, à l'Accord général sur le commerce des services et aux accords de libre-échange. L'évolution rapide des marchés et l'accélération de la libéralisation des échanges se poursuivront au XXIe siècle et continueront d'exercer des pressions sur les industries culturelles et les politiques commerciales du Canada.

Le Canada a toujours été à l'avant-garde de l'action internationale visant à libéraliser les marchés mondiaux, mais il s'est également fait le défenseur de la souveraineté et de la diversité culturelles. Une fois de plus, notre pays a l'occasion de mener le débat. Moyennant une préparation et des consultations soigneuses, nous pouvons encourager l'adoption de politiques commerciales internationales qui soient bénéfiques sur le plan culturel. En procédant de cette façon, nous pouvons obtenir l'assurance que le Canada sera en mesure de respecter ses obligations commerciales internationales et, en même temps, de protéger sa culture et son identité.

Le Canada occupe depuis longtemps une position de chef de file en ce qui concerne les politiques culturelles. Le moment est venu de proposer un nouvel instrument culturel international et d'appeler les autres pays à promouvoir la cause de la diversité culturelle. Une action en ce sens nous sera bénéfique à tous.

À quoi servirait un nouvel instrument?

Un nouveau traité international portant sur la diversité culturelle servirait à

  • reconnaître l'importance de la diversité culturelle;
  • reconnaître que les biens et services culturels diffèrent sensiblement des autres produits;
  • reconnaître que les mesures et politiques visant à garantir l'accès à une gamme de produits culturels d'origine nationale diffèrent sensiblement des autres politiques;
  • définir des règles s'appliquant aux mesures réglementaires et autres que les pays peuvent ou non appliquer pour rehausser la diversité culturelle et linguistique;
  • déterminer de quelle façon les disciplines commerciales s'appliqueraient ou ne s'appliqueraient pas aux mesures culturelles qui respectent des règles convenues.

Footnotes

Footnote 1

D. Puttnam, The Undeclared War: The Struggle for Control of the World's Film Industry. HarperCollins, 1997 (extrait cité en traduction libre).

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Footnote 2

En juillet 1998, le gouvernement a annoncé une nouvelle initiative pour appuyer les objectifs de la politique culturelle en faveur des éditeurs canadiens. Cette règle réserve aux publications canadiennes le droit exclusif de vendre des services publicitaires qui s'adressent uniquement au public canadien.

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