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Déclaration de l'Ambassadrice Natasha Cayer au sujet de la situation des droits de la personne en Tchétchénie, le 30 août 2018

Allocution prononcée par Mme l’Ambassadrice Natasha Cayer, représentante permanente du Canada auprès de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)

Monsieur le Président,

Je fais aujourd’hui la présente déclaration au nom des délégations suivantes : l’Allemagne, le Danemark, l’Estonie, les États-Unis, la Finlande, la France, l’Irlande, l’Islande, la Lettonie, la Lituanie, la Norvège, les Pays‑Bas, le Royaume‑Uni, la Suède et le Canada.

Nos pays sont à l’heure actuelle encore grandement préoccupés par les graves atteintes aux droits de la personne qui sont perpétrées en Tchétchénie. Selon de nombreux signalements faits au cours des 20 derniers mois par des journalistes et des organisations de la société civile, les autorités tchétchènes auraient pris des mesures inquiétantes à l’égard de personnes en raison de leur orientation ou identité sexuelle perçue ou réelle ainsi qu’à l’égard de défendeurs des droits de la personne, d’avocats, de journalistes indépendants, d’organisations de la société civile et d’autres groupes ou personnes. Au nombre des mesures prises, mentionnons le harcèlement et la persécution, les arrestations et détentions arbitraires ou illégales, la torture, les disparitions forcées et les exécutions extrajudiciaires. Le manque apparent de volonté ou l’incapacité de la Fédération de Russie à donner suite à ces graves atteintes aux droits de la personne ont contribué à instaurer un climat d’impunité pour les autorités en Tchétchénie qui commentent de tels actes.

À l’instar de nombreux autres représentants au Conseil permanent, nos délégations ne cessent depuis les 20 derniers mois, de faire part de leurs préoccupations à l’égard de ces atteintes. La réponse de la Fédération de Russie ayant été inadéquate, et dans le but de donner suite à nos préoccupations, nos pays invoquent aujourd’hui les engagements que la Fédération de Russie a pris en vertu du Mécanisme de Vienne (dimension humaine).

Avant de formuler les questions concrètes auxquelles la Russie devra répondre en vertu du Mécanisme de Vienne, nous tenons à réitérer les préoccupations qui ont été soulevées devant le Conseil permanent et énoncer un certain nombre d’exemples concrets pour démontrer le défaut de la Russie de respecter les engagements qu’elle a pris devant l’OSCE.

Monsieur le Président,

Nos pays se fondent sur des comptes-rendus détaillés selon lesquels les autorités tchétchènes auraient participé à l’arrestation, à la détention, à la torture et à l’assassinat de personnes en raison de leur orientation ou identité sexuelle perçue ou réelle, ainsi qu’à l’élimination de renseignements portant sur ces cas d’atteintes aux droits de la personne. En outre, les autorités tchétchènes ont toléré que soient commis des actes de violence visant ces personnes et auraient encouragé les familles à commettre des « crimes d’honneur ». Par ailleurs, des journalistes ainsi que des défendeurs des droits de la personne sont soumis à des menaces et à des représailles aux mains des autorités tchétchènes locales pour avoir documenté ces cas d’atteintes et d’autres formes de violence ainsi que pour avoir apporté leur appui aux survivants.

À l’occasion de l’Examen période universel des Nations Unies au sujet de la Russie, en mai, le ministre russe de la Justice, Alexandre Konovalov, a déclaré que l’enquête préliminaire menée par le gouvernement fédéral avait révélé que de tels incidents n’avaient pas été commis et qu’il n’y avait par ailleurs aucun représentant de la communauté des LGBTI en Tchétchénie puisque les autorités russes n’en avaient trouvé aucun. Cette affirmation est diamétralement opposée aux témoignages détaillés de nombreux survivants dont il a été fait mention dans les signalements de la part des organisations non gouvernementales et des journalistes, notamment celui de Maxim Lapunov qui a courageusement raconté les actes de torture et les mauvais traitements que lui ont réservés des représentants tchétchènes des forces de l’ordre. Ne fournissant aucune réponse, la déclaration du ministre Konovalov a plutôt eu pour effet de soulever de nouvelles questions quant à la crédibilité de l’enquête menée par la Russie.   

Outre les cas de harcèlement commis à l’égard de membres de la communauté LGBTI, la détention continue d’Oyub Titiev, directeur du bureau régional de l’organisation de défense des droits de la personne, Memorial, à Grozny, nous préoccupe toujours. Ainsi que nous l’avons expliqué à de maintes occasions devant le Conseil permanent, M. Titiev semble avoir été arrêté en représailles de son travail de documentation des cas d’atteinte aux droits de la personne en Tchétchénie. Au cours des derniers mois, son organisation a notamment été la cible de menaces et d’incendies criminels dans les quartiers de Ingushetia et de Dagestan. Selon ce que nous avons, les autorités ont refusé de transférer le cas à l’extérieur de la République tchétchène, alors que l’enquête est menée par les organisations que l’on accuse d’avoir fabriqué des éléments de preuve. Le fait que M. Titiev puisse ne pas avoir droit à un procès équitable est donc grandement préoccupant.

Par ailleurs, 27 hommes auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires en janvier 2017, à Grozny, alors qu’aucun d’entre eux ne semble avoir été formellement accusé d’un crime. Ils auraient plutôt été mis en détention par les autorités gouvernementales dans le cadre de l’enquête menée par les autorités tchétchènes locales à la suite d’une attaque terroriste. Le ministre tchétchène responsable de la presse, Dzhambulat Umarov, a déclaré que ces articles constituaient ce qu’on appelle de la désinformation, mais des organisations non gouvernementales ont été en mesure de confirmer que la police tchétchène avait mis au moins 13 de ces hommes en détention avant que ces derniers ne disparaissent.

Monsieur le Président,

Au cours des 18 derniers mois, nous avons fait part de ces préoccupations dau Conseil permanent à différentes occasions et avons exhorté la Fédération de Russie à faire en sorte que quiconque se trouvant en Tchétchénie puisse jouir des protections des droits de la personne enchâssées dans les lois russes, y compris dans la constitution de la Russie, et prises en compte dans les obligations et engagements internationaux de la Russie en matière de droits de la personne. À répétition, nous avons demandé à la Fédération de Russie de mener rapidement des enquêtes efficaces et exhaustives en réponse aux signalements crédibles susmentionnés de manière à ce que les auteurs de ces actes et les personnes qui s’en trouvent complices répondent de leurs actes devant les tribunaux. Nous avons également invité la Fédération de Russie à tenir le Conseil permanent au fait de l’état des enquêtes, menées à l’échelle tant régionale que fédérale, notamment en répondant à des questions précises.

Après 20 mois, la Fédération de Russie n’a toujours pas fourni de réponse détaillée. La délégation de Russie a réfuté des comptes-rendus crédibles présentés par des organisations internationales, des journalistes et des membres de la société civile, répondant aux délégations concernées de l’OSCE de vérifier les faits qu’elles avançaient et les accusant de répandre de fausses nouvelles sur la toile. L’inaction des autorités fédérales pourrait à notre avis contribuer au climat d’impunité en République tchétchène.

Pour ces raisons, et conformément aux engagements pris par la Fédération de Russie auprès de l’OSCE en vertu du Mécanisme de Vienne (dimension humaine), nous demandons des réponses concrètes aux questions suivantes :

  1. Quelles mesures les autorités fédérales ont-elles prises pour s’assurer que les représentants tchétchènes agissent en conformité avec les engagements pris par la Fédération de Russie auprès de l’OSCE?
  2. De quelle manière les autorités fédérales de la Russie ont-elles enquêté au sujet des allégations d’atteintes aux droits de la personne à l’endroit de membres de la communauté LGBTI (authentiques ou perçus), et comment en sont-elles venues à la conclusion (selon ce que les autorités russes ont affirmé à répétition) que de telles atteintes n’ont pas été commises et que la Tchétchénie ne comptait aucun membre de la communauté LGBTI?
  3. Quelles mesures les autorités fédérales ont-elles prises pour veiller à ce que les membres de la société civile et les représentants des médias puissent, librement et sans risque de représailles, rendre des comptes au sujet de la situation entourant les droits de la personne en Tchétchénie, particulièrement au sujet de l’organisation de défense des droits de la personne Memorial?
  4. De quelle manière les autorités fédérales de la Russie ont-elles enquêté au sujet du sort réservé aux 27 personnes qui auraient été victimes d’exécutions extrajudiciaires aux mains des autorités tchétchènes à Grozny, en janvier 2017?

Conformément au Mécanisme de Vienne (dimension humaine), nous nous attendons à recevoir, par écrit dans les 10 jours, des renseignements en réponse à ces différentes préoccupations.

Nous vous saurions gré de joindre la présente déclaration au journal quotidien.

Merci, Monsieur le Président.

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