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Notes pour le discours de S.E. Hon. Ralph Goodale, PC Haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord à l’Empire Club

Toronto, Ontario (et virtuel)
5 juin 2023

Merci beaucoup, M. Almond, M. Rabanni, Mesdames et Messieurs.

Je suis ravi d’être à nouveau parmi vous pour ma quatrième visite à l’Empire Club de Toronto, cette fois-ci pour vous parler de mon rôle de Haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni. C’est un poste passionnant.

En partie, parce que Londres et le Royaume-Uni sont des lieux tout simplement formidables où l’histoire et la culture sont au rendez-vous et où l’on découvre des choses fascinantes et totalement extravagantes à chaque coin de rue. De plus, Londres est un carrefour mondial majeur pour la politique, l’économie, la diplomatie internationale et les intrigues en tout genre. Qui plus est, le monde entier passe par Londres à peu près tous les mois.

Notre époque est témoin d’événements extraordinaires : un jubilé de platine, des funérailles nationales, un couronnement, de grands bouleversements dans la politique intérieure britannique, l’éternelle saga du Brexit, les négociations commerciales, le COVID et ses répercussions, une guerre tragique en Europe, la réémergence des rivalités entre grandes puissances dans le monde, et bientôt, des élections générales britanniques. C’est une période de turbulence.

Et par-dessus le marché, ma mission est formidable, car les relations entre le Royaume-Uni et le Canada sont anciennes et profondes ; elles sont franches, proactives et productives.

Et en ces temps de bouleversements et de changements profonds sur la scène internationale, il serait facile de sous-estimer l’importance d’un tel atout. Notre relation fonctionne bien. Et même si nous considérons que les liens qui nous unissent vont de soi, d’énormes progrès sont encore possibles. Je pense que la relation qui unit le Royaume-Uni et le Canada doit être considérée comme un élément clé de notre avenir, et pas seulement comme une pierre angulaire de notre passé.

Pour resituer cette relation dans son contexte, notre Haut-commissariat au Royaume-Uni est la plus ancienne mission diplomatique du Canada à l’étranger. Notre pays est représenté à Londres depuis 1869. Nous y employons environ 300 personnes, ce qui fait de Londres l’une des plus grandes missions du Canada à l’étranger, avec Washington et Delhi. Ostensiblement située sur Trafalgar Square depuis 1925, la « Maison du Canada » est l’ambassade qui jouit de la plus grande visibilité de toute la Grande-Bretagne.

Sur le plan géographique, le Canada est 45 fois plus grand que le Royaume-Uni.mais possède environ la moitié de sa population. Tout le Royaume-Uni pourrait tenir dans ma province, la Saskatchewan. Dans ce même espace, la Saskatchewan compte environ un million d’habitants contre près de 70 millions pour le Royaume-Uni. La densité de la population est donc l’une des grandes différences entre nos deux pays.

Nous sommes tous deux des pays riches du G7. Avec un PIB de 3 100 milliards de dollars (US), la Grande-Bretagne est la sixième économie mondiale. Le Canada se situe au neuvième rang, avec un PIB de 2 100 milliards de dollars. Sur le plan individuel, le PIB par habitant du Canada est supérieur à celui des Britanniques d’environ 6 % puisque le nôtre est légèrement supérieur à 58 000 USD et le leur légèrement inférieur à 55 000 USD.

Le coût de la vie est un sujet de préoccupation dans les deux pays. Au dernier rapport, l’inflation au Canada s’élevait à 4,4 %, en net recul par rapport au pic de plus de 8 % d’il y a un an. Au Royaume-Uni, l’inflation s’est maintenue résolument au-dessus de la barre des 10 % bien que les derniers chiffres indiquent que l’IPC britannique est retombé à 8,7 %. Les coûts de l’énergie ont diminué, mais l’inflation des prix des denrées alimentaires au Royaume-Uni reste proche de 20 %. Le taux de la banque centrale dans les deux pays est de 4,5 %. Le gouvernement du Canada a assez régulièrement une cote de crédit AAA, tandis que le gouvernement britannique est plus proche d’un AA.

Les relations économiques globales entre le Canada et le Royaume-Uni sont évaluées à plus de 410 milliards de dollars.

Le commerce bilatéral des biens et des services s’élève à environ 42 milliards de dollars par an, ce qui fait du Royaume-Uni notre troisième partenaire commercial après les États-Unis et la Chine. À l’heure actuelle, nous enregistrons un excédent commercial pour les biens et un léger déficit pour les services.

Sur le plan des investissements, nos relations sont encore plus impressionnantes.  Le Royaume-Uni est la deuxième source d’investissements étrangers directs du Canada et la deuxième destination pour nos investissements. Si l’on tient compte des investissements étrangers directs et des investissements de portefeuille, les participations britanniques au Canada s’élèvent aujourd’hui à plus de 160 milliards de dollars, tandis que les investissements canadiens au Royaume-Uni dépassent les 209 milliards de dollars.

Les principaux fonds de pension du Canada jouent un rôle clé dans ce domaine : leurs investissements au Royaume-Uni s’élèvent actuellement à environ 120 milliards de dollars. Bien qu’il ne s’agisse pas de la seule forme de « participation » canadienne en Grande-Bretagne, notre modèle canadien unique de fonds de pension qui vise des investissements de qualité, à grande échelle et à long terme, constitue un élément majeur de l’impact économique du Canada au Royaume-Uni. En retour, le marché britannique de l’investissement est une source de stabilité et de fiabilité pour les revenus de pension de millions de Canadiens.

La plupart des Britanniques ignorent probablement que le Canada est un grand propriétaire d’actifs britanniques, qui stimule l’activité économique et crée des emplois dans les chemins de fer, les ports, les aéroports, les services publics, la production, le transport et la distribution d’énergie (conventionnelle et renouvelable), les plateformes d’innovation et de technologie, les logements pour étudiants, les services de garde d’enfants, l’immobilier commercial et bien d’autres domaines encore, allant de la fusion nucléaire à la loterie nationale.

Mais surtout, le Canada et le Royaume-Uni ont en commun des siècles d’histoire et de patrimoine culturel, notamment le même monarque, des systèmes gouvernementaux, juridiques et commerciaux similaires, de solides traditions militaires, des liens culturels et universitaires solides, d’innombrables attaches familiales, et avant tout, un profond respect et une grande confiance mutuels fondés sur une expérience commune et des valeurs que nous avons promues et défendues ensemble, et pour lesquelles nous avons toujours été prêts à faire des sacrifices, afin de préserver notre mode de vie.

Cette relation étroite entre le Canada et le Royaume-Uni est probablement plus importante que jamais, et cela pour deux raisons interdépendantes.

Premièrement, partout dans le monde, les régimes autocratiques et souvent violents ont le vent en poupe. Les États démocratiques sont minoritaires et la démocratie n’a jamais été aussi menacée. Dans une grande partie de ce que l’on appelle le « Sud global », la Chine et la Russie ont usé d’une diplomatie audacieuse, de la désinformation, de la coercition économique, et du versement de vastes sommes d’argent et de la dette qu’elles génèrent, pour accroître leur influence et diminuer ainsi la nôtre.

Deuxièmement, le principal rempart de la démocratie dans le monde, à savoir les États-Unis, est déchiré par le populisme, l’extrémisme, la polarisation et l’ingérence étrangère, de sorte que les États-Unis pourraient être moins disposés à jouer, sur la scène internationale, le rôle familier et fiable auquel nous nous sommes habitués et sur lequel nous comptons depuis 80 ans, ou être moins en mesure de jouer ce rôle. D’autres revendiquent le pouvoir et le leadership, et leurs valeurs et ambitions sont bien différentes des nôtres.

Ce qui rend les liens du Canada avec le Royaume-Uni, en tant que famille, alliés, partenaires et amis, d’autant plus essentiels.

L’importance de notre collaboration est particulièrement évidente depuis février 2022, suite à la nouvelle invasion de l’Ukraine par Poutine qui a relancé sa guerre brutale d’agression impériale.

Cette guerre est émaillée de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, de violences sexuelles, de tortures et d’enlèvements. Les enfants sont terrorisés, les maisons, les écoles, les hôpitaux et les infrastructures civiles sont détruits sans raison, et des corps innocents sont jetés dans des fosses communes. Partout en Europe, Poutine rançonne les pauvres et les personnes âgées avec la hausse des coûts énergétiques et menace les populations qui souffrent déjà de la faim d’une famine encore plus grande.

LA plupart des pays dans le monde (plus de 140 membres des Nations Unies) ont systématiquement voté, au cours de l’année écoulée, pour condamner le comportement ignoble de Poutine. Seul un petit groupe de régimes peu recommandables soutient réellement la Russie. Cependant, à chaque appel au vote, plus de 40 pays s’abstiennent ou ne se présentent pas, dont une douzaine de pays du Commonwealth. L’influence insidieuse de Poutine est extrêmement inquiétante.

Seul et déconnecté de la réalité, Poutine affirmait qu’il serait accueilli comme un « libérateur » en Ukraine. Il pensait vaincre toutes les résistances en quelques jours. Il s’attendait à ce que le monde libre soit divisé et se désintéresse rapidement de la question. Il se trompait sur toute la ligne.

Quinze mois plus tard, partout dans le monde, les personnes éprises de liberté n’ont jamais été aussi unies pour aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté et son droit souverain à ne pas être attaquée et à vivre en paix. Nous sommes également UNIS dans la défense de l’intégrité des institutions internationales, du caractère sacré des droits de l’homme, de la viabilité de l’État de droit et d’un système basé sur les règles qui exige un comportement décent.

Le fait que Poutine ait été surpris par la force de caractère du peuple ukrainien témoigne de sa méconnaissance de ce peuple. Les Canadiens connaissent les Ukrainiens. Cela fait maintenant plus de 130 ans que les Ukrainiens émigrent au Canada. Ce sont des bâtisseurs de nation. Aujourd’hui, plus de 1,4 million de Canadiens (soit près de 4 % de notre population) ont des ancêtres ukrainiens et nous avons la deuxième plus grande diaspora ukrainienne au monde.

Nous sommes émerveillés, mais pas surpris, par la force et les capacités, la détermination et la résilience, la ténacité, le courage et la bravoure du peuple ukrainien. Sa soif de liberté est légendaire. Sa quête d’indépendance et d’autodétermination est inextinguible. Sa culture et son identité sont spécifiques, inestimables et bien réelles.

Alors oui, les Ukrainiens se battront pour tout cela aussi longtemps qu’il le faudra. Et ce faisant, ils constituent la ligne de front mondiale de défense de la démocratie du monde entier. Le monde libre doit les soutenir, comme l’a réaffirmé sans équivoque le G7 à Hiroshima le mois dernier.

Le Canada et le Royaume-Uni sont « aux côtés de l’Ukraine » depuis le tout début. D’ailleurs, plusieurs années avant la guerre de Poutine, nous entraînions déjà activement les forces de défense ukrainiennes dans diverses bases en Ukraine. Aujourd’hui, cet entraînement essentiel se poursuit dans des bases au Royaume-Uni, ainsi qu’en Pologne et en Lettonie. Ce soutien pratique et de grande valeur fait une énorme différence sur le terrain. Les forces ukrainiennes ont fait preuve d’une efficacité impressionnante sur le champ de bataille, ce qui s’explique en partie par leur entraînement professionnel par le Canada, le Royaume-Uni et d’autres pays.

Tout comme le Royaume-Uni, le Canada fournit également aux Ukrainiens du matériel et des fournitures militaires, une logistique des transports, des renseignements, un soutien économique, des garanties de prêts, une aide humanitaire et une assistance technique. Depuis le début de l’année dernière, l’aide canadienne s’élève à ce jour à plus de 8 milliards de dollars. Nous avons également reçu plus d’un million de demandes d’asile et nous en avons traité plus de 700 000 à ce jour. En collaboration étroite avec le Royaume-Uni, nous avons également imposé de larges sanctions et d’autres pénalités moins traditionnelles pour faire de Poutine un paria.

Face aux coups portés par Poutine à l’Ukraine, à la montée des tensions dans la région indopacifique liées aux ambitions de la Chine et aux risques et menaces qui pèsent sur d’autres régions du monde, le Canada et le Royaume-Uni examinent attentivement la meilleure façon d’élargir et d’approfondir leur collaboration déjà très étendue en matière de sécurité, de renseignement et de défense.

Par exemple, le Canada est en train de mettre en place une unité spéciale au sein de son département des Affaires mondiales afin de mieux détecter et combattre la désinformation russe, et nous intégrons des spécialistes canadiens dans l’unité britannique correspondante. Nous avons d’autres domaines d’intérêt mutuel : l’ingérence étrangère, la sécurité économique, la fiabilité des chaînes d’approvisionnement, les minéraux critiques, la cybersécurité et d’autres domaines de la technologie de pointe, la volonté d’établir des relations plus solides avec le Sud global et la mobilisation de ressources pour la reconstruction finale de l’Ukraine.

J’aimerais maintenant évoquer deux autres sujets qui ont occupé une place prépondérante dans les relations Canada-Royaume-Uni ces deux dernières années : le commerce et l’arrivée d’un nouveau monarque.

Au printemps 2021, Liz Truss, alors secrétaire d’État britannique au Commerce international, a été l’une des premières personnalités à venir en visite officielle à la Maison du Canada. Elle lançait alors une consultation publique sur la proposition de négociation du tout premier accord de libre-échange bilatéral et autonome entre le Canada et le Royaume-Uni. Les deux pays étaient enthousiastes. Au cours des mois suivants, nous avons terminé toutes les démarches juridiques et parlementaires et les négociations officielles ont commencé en mars 2022.

Cinq cycles de négociation ont eu lieu. Le sixième se tiendra ce mois-ci à Ottawa. Le septième cycle aura lieu à Londres en septembre. Les deux parties font état de progrès notables et sont optimistes. Les négociations devraient s’achever au printemps prochain.

Nos deux pays visent un résultat ambitieux qui favorisera une bonne diversification des échanges ; au-delà de l’UE pour le Royaume-Uni, et au-delà des États-Unis pour le Canada. Nous voulons également collaborer efficacement pour nous protéger contre les effets de distorsion des échanges qu’entraînent certaines mesures étrangères telles que la loi américaine d’envergure sur la réduction de l’inflation.

Nous voulons faire progresser l’égalité des sexes, la diversité et la réconciliation des peuples autochtones. Nous voulons promouvoir des normes de travail rigoureuses et l’intégrité environnementale. Étant donné que nos deux économies s’articulent autour des PME, cet accord vise à faciliter leurs exportations et leurs échanges, afin qu’elles deviennent plus compétitives, plus innovantes, plus rentables et soient capables d’offrir des salaires plus élevés.

Nous voulons faire progresser l’économie numérique qui, depuis la pandémie, est omniprésente dans nos vies. Nous voulons promouvoir la science, la recherche et la technologie, ainsi que des partenariats créatifs qui nous permettent de mutualiser nos compétences et nos talents et d’affronter le monde ensemble, dans des domaines tels que la fabrication de pointe, les protéines, l’alimentation et les sciences de la vie, l’aérospatiale et l’automobile, l’intelligence artificielle, l’énergie quantique, l’énergie propre et le changement climatique.

Il y aura toujours des défis commerciaux à relever. De manière générale, l’agriculture et les intérêts des agriculteurs figurent parmi les questions les plus difficiles à résoudre, aussi bien pour le Canada que pour le Royaume-Uni. Nous l’avons d’ailleurs constaté lors des discussions multilatérales sur la demande d’adhésion du Royaume-Uni au PTPGP (le partenariat transpacifique global et progressiste). Cet accord, conclu il y a quelques années, a permis à onze pays ayant des intérêts dans le Pacifique, dont le Canada, de devenir des partenaires commerciaux qui appliquent des normes élevées. D’autres pays peuvent y adhérer, à condition qu’ils atteignent les seuils requis et qu’ils prennent les mêmes engagements que les onze pays fondateurs.

Le Royaume-Uni a été le premier pays nouveau à demander son admission. Et dès le départ, le Canada a été le premier membre du PTPGP à soutenir la candidature du Royaume-Uni, et il n’a pas pris cette décision à la légère. La candidature du Royaume-Uni a été minutieusement étudiée. Et le PTPGP sera plus fort en comptant parmi ses membres une autre économie du G7. Une fois le Royaume-Uni pleinement intégré, le PTPGP couvrira 16 % du PIB mondial et 600 millions de consommateurs.

Mais cela ne plaît pas à tout le monde. Les éleveurs canadiens s’inquiètent du fait que le Royaume-Uni a l’intention de maintenir son interdiction d’importer du bœuf traité aux hormones (une pratique courante en Amérique du Nord).

Ils s’insurgent également contre les critiques erronées formulées par certains commentateurs britanniques, qui laissent entendre que les systèmes canadiens de sécurité alimentaire et de santé animale sont inférieurs aux leurs.

Soyons clairs : le Canada dispose d’un excellent système alimentaire. Il soutient parfaitement la comparaison avec les meilleurs systèmes au monde et est tout aussi bon que le système britannique. Nos clients, qui comptent des acheteurs les plus sophistiqués et les plus exigeants au monde, sont tout à fait satisfaits de nos produits. D’ailleurs, le seul problème majeur de santé animale de mémoire récente au Canada remonte à une trentaine d’années, lorsqu’un cas d’ESB a été signalé suite à une importation du... Royaume-Uni. Ce fiasco a coûté des milliards aux éleveurs canadiens. Nous sommes donc très attentifs aux questions de qualité et de sécurité, ainsi qu’à l’élevage de haut niveau.

Le point essentiel est le suivant : les règles du PTPGP exigent que toute mesure frontalière restreignant les importations soit fondée sur une analyse scientifique solide. Les onze membres fondateurs ont convenu de ce principe et il s’applique également à tous les nouveaux membres. Le Royaume-Uni affirme vigoureusement qu’il veut et qu’il peut atteindre tous les seuils du PTPGP. Il doit se soumettre à l’obligation d’une analyse scientifique solide au même titre que les autres membres.

Et j’aimerais faire une suggestion. Pour faire avancer les connaissances, la compréhension et la confiance sur ces questions à l’échelle transatlantique, il serait utile d’instaurer un dialogue approfondi et permanent entre nos producteurs agricoles, nos transformateurs de produits alimentaires, nos organismes de réglementation gouvernementaux et nos communautés scientifiques respectifs, afin de mieux nous connaître, de communiquer efficacement et de travailler de manière constructive en nous appuyant sur la même base factuelle solide.

Et enfin, j’aimerais dire quelques mots au sujet de Sa Majesté le roi Charles III, le nouveau roi du Canada.

Il y a environ un an, nous avons célébré le « joyeux et glorieux » jubilé de platine de feu Sa Majesté, la Reine Elizabeth. Puis en septembre dernier, nous avons fait, avec tristesse, nos adieux à la monarque qui a régné le plus longtemps sur notre pays, au cours de funérailles nationales spectaculaires. Son fils aîné, le prince de Galles, a accédé au trône immédiatement, mais le couronnement officiel du roi Charles n’a eu lieu que le mois dernier.

Les Britanniques sont inégalables en matière de faste et de cérémonies et ils ont été à la hauteur de leur réputation au cours des douze derniers mois. En termes de logistique et de sécurité, Londres n’avait rien connu de tel depuis la Seconde Guerre mondiale.

Bien entendu, l’avenir de la monarchie donne lieu à des questionnements. C’est tout à fait normal. La reine Élisabeth est la seule souveraine que la plupart d’entre nous aient jamais connue. Lorsqu’un personnage aussi apprécié quitte la scène et qu’un successeur prend la relève, il est naturel que les gens se posent des questions sur « l’après ».

J’espère que nous profiterons de cette occasion pour examiner la nature de notre monarchie constitutionnelle démocratique et son efficacité en tant que régime politique, par rapport à tous les autres. La distinction entre le chef de l’État et le chef du gouvernement est très utile dans notre système. C’est au niveau du chef du gouvernement qu’ont lieu, comme il se doit, toutes les querelles politiques. Le chef de l’État se tient à part. Il incarne les valeurs et les principes qui nous unissent, il assure la cohésion, la stabilité et la continuité et se situe « au-dessus de la mêlée ».

Lorsque le chef de l’État et le chef du gouvernement ne font qu’un, les problèmes politiques se transforment trop souvent en problèmes constitutionnels qui provoquent des crises extrêmement débilitantes, comme nous avons pu l’observer dans d’autres pays. En comparaison, notre système fonctionne plutôt bien.

En outre, trois questions pratiques doivent être prises en considération. Tout d’abord, il n’y a pas de consensus sur ce qui pourrait remplacer notre modèle. On ne peut pas défendre quelque chose de différent sans définir précisément de quoi il s’agit. Deuxièmement, il n’est pas possible de ne changer qu’une petite partie de la constitution. Il faudrait repenser la totalité du texte, une entreprise dont on peut s’attendre à ce qu’elle prenne un temps infini et détournerait l’attention d’autres questions. Troisièmement, ce type d’amendement nécessite un accord unanime entre le Sénat, la Chambre des communes et toutes les provinces, ce qui est très improbable.

Le roi Charles s’intéresse à des questions qui importent à de nombreux Canadiens : promouvoir des communautés fortes dans lesquelles les gens se mettent au service d’autrui, garantir un environnement propre qui favorise une économie prospère, offrir aux jeunes les compétences et les possibilités de s’épanouir, et faire progresser la réconciliation et l’apaisement avec les peuples autochtones.

En qualité de prince de Galles, il a déjà effectué 18 visites officielles dans tout le Canada. Et il a une bonne connaissance des problématiques, telles que la réconciliation. Bien avant tout le monde, il se rendait dans les communautés autochtones et écoutait les chefs et les anciens. À peine 48 heures avant son couronnement, il a rencontré en personne les dirigeants élus des organisations autochtones du Canada. C’est la première fois qu’une telle chose se produit.

Et il se peut que le roi Charles, aidé de sa représentante vice-royale autochtone au Canada, la gouverneure générale Mary Simon, puisse changer positivement le cours de notre histoire, tant pour les autochtones que pour les non-autochtones.

Et sur ces mots, il ne me reste plus qu’à vous remercier de votre patience et de votre attention et j’attends vos questions.

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