Transcription – Épisode 1 : Entretien avec Stefanie Beck

David Morrison : Stefanie Beck est l’une des dirigeantes principales les plus éminentes à Affaires mondiales Canada. Elle et moi avons rejoint le service extérieur au même moment il a presque 3 décennies. Elle a fait l’envie de notre classe d’agents du service extérieur lorsqu’elle est devenue chef de mission à l’âge de 34 ans. Elle s’est arrêtée récemment à mon bureau pour discuter de son parcours dans le service extérieur, sa vie en tant que mère célibataire, sa décision de quitter le département et de son retour il y a moins d’un an. Salut Stéfanie, merci de venir me rendre visite à mon studio A-8 super haute technologie, qui était avant mon bureau. Ceci est le premier épisode de notre podcast, les GAC Files. Alors, sache que tu es une invitée très privilégiée. Avant de commencer l’entrevue, j’aimerais vous rappeler qu’il s’agit d’un forum public et que toi et moi devons-nous abstenir de divulguer toute information confidentielle. Étant donné qu’on se connaît bien, on devrait aussi éviter d’échapper des jurons. Chers auditeurs, sachez que Stéfanie a l’habitude de jurer comme un marin. Aussi, pour respecter la Loi sur les langues officielles du Canada, je t’encourage à parler dans la langue de ton choix. Donc, si tu es prête, commençons. C’est un podcast sur les enjeux relatifs aux gens, les gens, les enjeux et les idées d’Affaires mondiales Canada. Je m’intéresse beaucoup à la portion touchant les gens. Je commencerai donc en te demandant d’où tu viens. On se connaît assez bien, en passant à tous les auditeurs, Stéfanie et moi avons joint le ministère environ au même moment en 1989-1990. Stéfanie avait quoi, 12 ans? Mais, contrairement à la plupart d’entre nous qui venons de places exotiques comme Lethbridge, Alberta, Stéfanie a grandi partout au monde. Née en Guyane, elle a fait son secondaire à Singapour, et s’est fait jeter dehors d’un pensionnat en Ontario.

Stefanie Beck : Bon, pas jetée dehors, seulement suspendue.

David Morrison : Mais dis-nous, pensais-tu que c’était inévitable que tu aboutisses à un milieu de travail comme Affaires mondiales ou Affaires étrangères comme c’était, car ta famille n’est pas de cet avis. Qu’est-ce qui t’a attirée vers l’international?

Stefanie Beck : Excellente question. Mais tout d’abord, je veux commencer par dire que je suis honorée et privilégiée d’avoir été choisie comme étant la première personne qui fait ce podcast. C’est d’une gentillesse. Et je veux juste souligner que je ne parle pas toujours comme un marin. Ça dépend qui est mon auditoire et si des amis en font partie. Mais je suis capable de suivre une conversation sans être impolie, à la grande surprise de certaines personnes. Donc, mes parents sont de la Nouvelle-Zélande et ils m’ont élevée un peu comme ils l’ont été. Ils sont la première génération née et ayant grandi en Nouvelle-Zélande. Leurs parents sont de l’Écosse et de l’Irlande et ma même était une Kennedy. Et deux de mes frères et moi sommes nés en Guyane britannique, loin de la côte, et à McKenzie dans une mine de bauxite, car mon père travaillait pour Alcan. J’ai donc vécu près des mines de bauxite de partout au monde, ce qui était fascinant et parfait pour jouer, même si ma mère n’aimait pas trop, parce que nos vêtements devenaient orange. Mais on jouait avec des gros camions et des vélos à grosses roues et on faisait toutes sortes de trucs comme glisser sur des pentes de bauxite humide. Très divertissant. Mais j’ai dû aller à l’école en Guyane, en Jamaïque, dans la vallée du Saguenay, à Singapour, puis je suis retournée à ce pensionnat en Ontario que tu as mentionné, dont je ne donnerai pas le nom. J’ai grandi avec des enfants de différentes nationalités qui venaient de partout sur la planète, de différents contextes et parlaient différentes langues. Et ce qui m’a marquée après être déménagée au Canada, c’est que je ne remarquais jamais vraiment ça avant. Je savais simplement qu’ils s’appelaient Kim ou Nabeel ou Susan ou Karen. Ce n’était pertinent pour moi, je ne voyais pas la couleur ni les origines, peu importe comment on appelle ça. J’ai donc découvert que j’aimais vraiment la différence et j’aimais les gens et je voulais un travail qui me permettrait d’être payée pour m’entourer de ça.

David Morrison : Qu’est-ce que j’aurais fait si je n’avais pas commencé à travailler au ministère?

Stefanie Beck : C’est une bonne question. J’ai d’abord passé l’examen quand j’étais à McGill et je faisais les tests LSAT. J’avais la possibilité de poursuivre mes études. Après mon université, mon père est allé travailler en Guinée, encore loin de la côte, et non à Conaky, la ville capitale. J’ai obtenu mon diplôme de McGill, puis suis allée travailler en Allemagne comme… buffet mädchen dans le cadre d’un échange à Friedrichshafen au sud de l’Allemagne et mon père m’appelle et me dit : « Veux-tu venir vivre avec moi en Guinée? » Ma mère ne voulait pas suivre pour une autre année, mon petit frère était à l’école et bon, sois tu cherches un travail à Montréal ou tu vas vivre dans la jungle de l’Afrique de l’Ouest, c’est évident. En y repensant, je me dis que pas tout le monde aurait pris cette décision. Mais pour moi c’était évident et pendant que j’étais là-bas, j’ai fait l’examen du ministère et je l’ai fait pour le FS comme dans le bon vieux temps.

David Morrison : Où devais-tu aller, devais-tu aller à Londres?

Stefanie Beck : À Londres et j’ai rencontré quelqu’un. C’est là que j’ai fait aussi l’examen, ouais c’était super. Et quand tu fais ton examen et tu es déjà à l’étranger en train de vivre l’expérience, comme le médecin qui a fait mon bilan m’a dit : « Les faits le prouvent, c’est évident que tu peux le faire, tu es déjà en train de le faire ».

David Morrison : Ok, donc tu connais du succès tôt dans ta carrière, tu deviens une très jeune ambassadrice et ta première affectation était au Sénégal si je me souviens bien. Je ne me souviens pas de grand-chose d’autre, sauf que tu as appris à piloter. Tu as obtenu ton permis de pilote. Pourquoi?

Stefanie Beck : Les gens me demandent souvent quelle a été mon affectation préférée. Ça doit t’arriver qu’on te pose la question. Ça dépend toujours de ce qu’on est à cette période précise de notre vie. Donc, quand je suis allée au Sénégal, ce n’était pas mon premier choix en passant, pour ceux qui s’interrogent sur les affectations, je voulais aller à Hong Kong. En tout cas, j’ai abouti à Dakar et l’affectation couvrait aussi la Guinée, alors j’y suis retournée.

David Morrison : Pour que ce soit clair, je voulais l’Argentine et ils ont envoyé un végétarien.

Stefanie Beck : Je crois que je sais c’est qui. Alors je suis retournée dans une région que je connaissais un peu en tant que diplomate, là où j’ai vécu pendant un an et demi. Mais à Dakar, il y avait quelque chose de génial, on avait congé les mercredis après-midi et les vendredis après-midi, et des heures de travail flexibles. Si je peux me permettre de demander respectueusement au sous-ministre adjoint, ce serait bien d’avoir ça aussi à Ottawa. Peut-être juste pour l’été, mais de temps en temps au moins. Je reviens à mon histoire : j’étais plus riche à l’époque, comme je n’étais pas mariée et n’avais pas d’enfants. En plus, qui n’a pas envie d’apprendre à piloter un avion? Il y avait une petite école de pilotage.

David Morrison : Ne couvrais-tu pas aussi la Mauritanie ou quelque chose comme ça?

Stefanie Beck : Oui, on avait sept pays d’accréditation, et je suis donc allée aux Îles du Cap-Vert. Je crois qu’il y a là-bas plus de Cap-Verdiens.

David Morrison : Mais tu n’as pas piloté?

Stefanie Beck : Non, pas pour aller là-bas. On a pris l’avion jusqu’en Mauritanie. J’ai convaincu le haut-commissaire de venir avec moi dans un petit avion. Je ne le pilotais pas. Le pauvre, il était vert tout le long. Le vol était un peu turbulent et je restais assise, mais on a dû le mettre à l’arrière, car il était habitué d’être à l’arrière et il avait chaud. Par le temps qu’on atterrisse à Nouakchott, il semblait un peu mal à l’aise. Il ne voulait plus le refaire et j’ai dû le convaincre de reprendre le vol pour revenir, car on ne peut pas faire un aller simple avec un petit avion.

David Morrison : Donc, je ne me souviens pas de tous les endroits, mais Canberra en était un.

Stefanie Beck : Ensuite ambassadrice au Cambodge, puis en Croatie. Autre affectation depuis le Cambodge.

David Morrison : Quel âge avais-tu quand tu es devenue ambassadrice au Cambodge?

Stefanie Beck : J’avais 34 ans et je crois qu’à cette époque, j’étais la plus jeune femme ambassadrice. Je pense qu’il y a des femmes plus jaunes aujourd’hui. Mais c’était ça à l’époque et les RH m’ont dit que ça représentait un risque. J’imagine. Mais d’une certaine façon, être là-bas seule, je suis devenue prudente. Je ne me vois pas normalement comme une personne particulièrement prudente, mais comme je n’avais pas grand-chose à quoi me fier, j’ai ralenti et arrêté de douter de moi-même, tout en réfléchissant bien à tout avant de porter un jugement.

David Morrison : C’était quoi le plus dur? Quelles difficultés as-tu rencontrées parce que tu étais une femme de 34 ans?

Stefanie Beck : Bon, je dois dire que ça ne doit pas aider que je ne sois pas très grande. Chers auditeurs, vous ne pouvez pas me voir, mais j’ai des taches de rousseur et je n’ai pas l’air très vieille. Il y a des femmes de 34 ans qui ont l’air plus vieilles que leur âge, mais je dois dire que je me suis un peu amusée avec ça. Je vous avertis que ce n’est pas de l’information classifiée ou de nature délicate.

David Morrison : Et tu ne vas pas jurer?

Stefanie Beck : Non. J’étais allée rencontrer le doyen du corps diplomatique qui s’adonnait à être un homme très âgé. Il m’a dit au moins trois fois, mais vous êtes très jeune, mais vous êtes très jeune madame mais vraiment, vous êtes jeune. Est-ce que vous connaissez le premier ministre? Comme si j’avais obtenu une nomination politique par contact, et j’ai répondu : Mais non, en fait, c’est juste parce que je suis très intelligente. Quoi d’autre pouvais-je répondre? Je ne pouvais pas lui dire qu’il avait l’air très vieux, je suis plus polie que ça. Mais après, il a accepté ma parole. Autre exemple : j’étais à une réception diplomatique et un ambassadeur d’un autre pays se penche vers moi et me dit la même chose, que je suis jeune, oh la la très jeune, et je me suis un peu lassée, parce que ça faisait environ 20 fois qu’il me le disait, alors je lui ai murmuré à l’oreille : « Je suis en fait beaucoup plus vieille que j’en ai l’air, mais j’ai subi de nombreuses chirurgies plastiques ». Je ne pouvais pas m’empêcher. Ce n’est pas vrai, en passant.

David Morrison : Quels conseils donnerais-tu, comme tu connais les difficultés et que tout n’était sûrement pas rose, aux jeunes femmes ou aux femmes qui ont l’air jeune qui ne sont pas prises au sérieux comme elles devraient l’être. On peut désamorcer la situation avec humour, mais quels autres conseils leur donnerais-tu?

Stefanie Beck : Je pense que l'un des avantages d’être ambassadrice et représentante du Canada est d’avoir, disons, un délai de 5 à 10 minutes. Il y a l’option par défaut où on vous prend au sérieux et on vous respectera. Vous devez utiliser ce temps pour démontrer que vous méritez ce respect, que vous livrerez la marchandise, que vous connaissez vos dossiers et que vous savez exactement pourquoi vous êtes là. Une fois que vous passez à travers du « hum » initial, alors le reste se passe bien. J’aimerais aussi ajouter qu’il faut utiliser ce temps à votre avantage pour qu’on se souvienne de vous. Il n’existe personne d’autre qui a l’air si jeune ou qui vous ressemble ou représente ce pays, alors ça s’inscrit automatique à la mémoire des gens. C’est très utile.

David Morrison : Il faut tourner cette situation à son avantage.

Stefanie Beck : Oui, exactement.

David Morrison : Donc après le Cambodge et la Croatie, tu es revenue à Ottawa en tant que mère monoparentale. Tes enfants étaient assez jeunes, 6 et 3 ans. Comment c’était?

Stefanie Beck : À cette époque, on commençait à utiliser des BlackBerry ou d’autres appareils mobiles et à travailler de la maison. Au début, ce que j’ai fait, ce qui n’est pas si différent de ce que tu as fait David en tant que père monoparental, c’est de me créer un énorme réseau et beaucoup de plans A, plans B et plans C, des nounous à la maison, des gardiens(nes), des amis. Mes parents n’habitent pas à Ottawa. Le père des enfants est déménagé à Madagascar, alors il était n’était pas là les week-ends ou autres moments. Je ne pouvais pas me fier sur lui. Parfois j’appelais mon ancienne belle-mère et elle venait me rendre service, ce qui était bien. Elle est particulièrement bonne pour organiser le garde-manger et elle adore les enfants, alors ça se passait très bien. Mais j’étais un peu inquiète, ou devrais-je plutôt dire que les autres étaient inquiets de savoir comment je ferais mon travail. Ils pensaient que je serais distraite et que je devrais retourner à la maison tôt et ils se demandaient comment ça se passerait. Mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Au début, j’étais directrice des relations de la sécurité et de la défense, un poste important, traitant avec l’OTAN en Afghanistan pour les détenus, puis à la deuxième année, j’ai travaillé dans le bureau du ministre Bernier. J’étais chef du personnel et il m’a demandé : « Tu es mère monoparentale, peux-tu faire ton travail »? Je me suis demandé s’il aurait posé la même question à un père monoparental. Mais ce que j’ai découvert au sein de ces deux postes, c’est que j’avais la possibilité de travailler de la maison ou je pouvais partir à 17 h 30 ou 18 h, et dans mon travail avec le ministre un peu plus tard, mais j’avais le BlackBerry et je pouvais donner le bain à mon enfant tout jetant un coup d’œil au BlackBerry. Et surtout dans mon travail avec le ministre, ce n’était pas moi qui rédigeais les documents. J’écrivais qu’il y avait urgence, quelqu’un peut-il s’en charger. Il y avait des moyens de gérer tout ça.

David Morrison : Cette expérience t’a-t-elle rendue plus organisée, plus apte à te concentrer sur ce qui est important?

Stefanie Beck : Oui. Peut-être c’est un peu des deux. J’ai toujours été très organisée. Maman me l’a dit quand j’avais 3-4 ans : « C’est toi qui organisais les fêtes, c’est toi qui dirigeais les gens à l’école. »Mais oui, il faut faire du multitâche, penser aux cinq prochains coups d’échec ou à ce que je dois faire pour organiser ceci, faire de la planification majeure à long terme. Et oui, je suis devenue plus efficace à la tâche, parce que je réfléchissais à tous les problèmes qui pouvaient se manifester, le cas du pire scénario.

David Morrison : Selon mon expérience, et ce que tu m’as appris, le gouvernement est un employeur très adapté aux employés avec des familles. Pour ceux qui ne le savent pas, le gouvernement paie aux parents monoparentaux les services de gardiennage pour la nuit s’ils doivent voyager pour le travail. C’est un truc de moi ou de Stéfanie que je mentionne ici, parce que j’ai travaillé dans plusieurs institutions dans différents pays et nulle part ailleurs on ne s’adapte autant aux demandes des parents monoparentaux et aussi des gens avec des familles. C’est quelque chose à savoir à propos d’une carrière dans la fonction publique. Stéfanie, parlons d’une autre chose qui distingue ton parcours. Quand je suis revenu au ministère ou au Canada en 2012-2013, tu étais DG ou SMA intérimaire dans la plateforme, donc tu as fait du travail dans le bureau du ministre, tu connais l’aspect géographique, multilatéral, bilatéral et les services ministériels. Puis à la surprise de beaucoup d’entre nous, tu as quitté le ministère pour de bon. N’est-ce pas? Tu as quitté Affaires mondiales et tu t’es jointe à IRCC en tant que SMA, Services ministériels. Parle-nous de cette expérience.

Stefanie Beck: D’abord, le fait de passer aux services ministériels était quelque chose. J’ai été spécialiste politique, puis gestionnaire de niveau EX et ce, pendant, je ne sais pas, 19 ans disons, et l’élection a eu lieu quand je travaillais dans le bureau du ministre. À ce moment, c’était le ministre Emerson et moi je cherchais quelque chose à faire après et tu sais cette imp ression d’avoir fait le tour de la chose, alors je me suis dit que je voudrais bien savoir comment fonctionnent les services ministériels. Par exemple, d’où l’argent provient-il donc? Il ne tombe pas des arbres, il semble apparaître quand on en a besoin, mais pas sous la forme qu’on voudrait. Les gens, comment les gère-t-on? Qu’est-ce que la gestion du rendement? Qu’est-ce qu’une mesure de dotation? Donc j’ai pensé que si je travaillais aux services ministériels pendant un moment, je comprendrais mieux le squelette du ministère. J’ai pensé aussi que ce serait utile pour tout prochain emploi et bien franchement, j’aime diriger beaucoup de gens et beaucoup d’argent. J’ai donc fait le saut dans les services ministériels ici initialement dans le ministère de la plateforme, puis à IRCC. Ma décision a été longuement réfléchie. À ce moment, j’étais employée depuis près d’un quart de siècle dans ce ministère et je me suis demandé quoi d’autre j’aurais pu y faire. J’avais fait quatre affectations.

David Morrison : Et tu l’a dit, tu ne voulais plus être chef de mission.

Stefanie Beck : Non, j’ai vécu la plupart de ma vie à l’étranger. Maintenant je sais, et je devrais calculer pour être certaine, mais à l’époque j’ai certainement passé la majorité de ma vie à l’étranger et je n’avais plus le goût de déménager à nouveau et déraciner les enfants. Ils étaient heureux là où ils étaient. Alors je me suis dit que je voulais découvrir d’autres aspects du gouvernement du Canada. Et j’ai vraiment aimé être à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, un ministère fantastique. Et j’en rajoute : le mandat est génial, c’est très clair ce qu’on doit faire pendant les journées. Un plus petit ministère, mais qui compte quand même huit mille personnes.

David Morrison : Et une présence à l’étranger. Et c’était super d’avoir vécu, et survécu, les opérations durant la crise de réfugiés de la Syrie.

Stefanie Beck : Le moment était parfait.

David Morrison: Quelle est ta nouvelle perspective sur cet endroit, car tu as vraiment coupé le cordon et tu es partie ailleurs? Que pourrais-tu dire aux gens à propos d’Affaires mondiales que les gens qui y travaillent ne savent pas?

Stefanie Beck : Tu sais, ce qui m’a vraiment marquée dans les premières semaines ou les premiers mois, c’était l’isolement physique de cet immeuble, ce qu’on ne remarque quand on est dedans et surtout quand j’étais dans la plateforme, je me disais oh je sais ce qui se passe partout en ville, j’ai 34 clients et je peux leur parler tout le temps. Mais une fois au centre-ville dans le bureau d’IRCC, au coin de Laurier et de Kent. De meilleurs restaurants. Mais on n’a pas le temps d’y aller non plus. Mais l’espace physique, je n’avais jamais réalisé à quel point c’était un changement mental, on se rend compte qu’on fait partie du gouvernement du Canada. On n’est pas sur une petite île, mise de côté. Et j’ai mieux compris les priorités nationales et le rôle qu’elles jouent pour les parties internationales et comment on ne peut pas faire des politiques étrangères sans penser à ce qui se passe au Canada.

David Morrison : Mais enfin tu as décidé de venir.

Stefanie Beck : Mais le timing était parfait. C’est toujours une question de timing, je trouve quand on change de poste. Qu’est-ce qui est ouvert, et à quel moment. Je voulais changer de poste de toute façon. Ça faisait 3 ans et demi que j’étais à IRCC, que j’ai adoré. Mais j’étais dans un concours de promotion, j’avais réussi, c’était le moment où est-ce que je vais maintenant? Et le moment était parfait. Affaires mondiales cherchait des gens ayant un mélange d’expérience, qui avaient été en affectation, qui avait une bonne expérience de ce type de vie. Et je dois dire pour cet emploi en particulier en tant que SMA en Europe, au Moyen-Orient, dans le Maghreb et en Arctique, à mener 50 missions et plus dans 70 pays et plus, il est extrêmement utile de connaître les services ministériels.

David Morrison : Alors, comment cela se passe-t-il? Quand on est dans un autre ministère, le timing est important comme tu as dit. Je n’ai pas de réponse à cette question. Le téléphone sonne, c’est Ian Shugart. Comment es-tu revenue?

Stefanie Beck : En réalité, c’est comme les histoires de naissance que se racontent les mères. Comment était ton bébé? Mais, je suis plutôt allée à une fête. Voilà comment les choses se passent. Au fil des ans, j’avais gardé bien sûr contact avec mes amis et collègues à Affaires mondiales. Et la saison d’affichage des postes s’en venait. J’avais regardé un poste aux Nations Unies, et mes collègues d’Affaires mondiales m’aidaient pour ça, mais ça n’a pas marché, ce qui m’a déçue, car les conditions et le salaire étaient incroyables; c’est fou l’argent qu’on fait dans ce type de poste. Chose intéressante à savoir si vous cherchez un emploi aux Nations Unies. Incroyable. C’est différent du gouvernement du Canada. En tout cas, je suis allée à cette réception du haut-commissaire britannique et je me promenais lorsque je suis tombée sur un directeur général qui me dit : « Alors, j’ai entendu dire que tu revenais », et j’étais surprise, je me demandais s’il savait que j’allais bouger à IRCC parce que c’était mon plan, je voulais changer de postes et savais, tu sais, la réponse implicite. Puis j’ai revu un autre sous-ministre de ce ministère qui me dit : « Stéfanie, tu devrais vraiment revenir et qu’on discute, on a des postes vacants ». Et je réponds : « Oh oui, ok, merci ». Puis 10 minutes s’écoulent et un autre sous-ministre, il y en avait beaucoup à Affaires mondiales, vient me dire : « Stéfanie, tu devrais vraiment venir discuter avec nous, des postes sont vacants ». Alors je dis : « Ok, merci Josh, c’est gentil », et j’ai ensuite écrit à Ian pour lui dire qu’on m’avait invitée à venir discuter d’un poste potentiel. Il a tellement été gentil je dois dire. J’ai écrit un samedi et il m’a répondu de venir et m’a demandé, c’est si gentil, si je pouvais le rencontrer à son bureau le mardi suivant. J’ai hésité un moment. Je me demandais si je devais le faire venir dans mon bureau. Mais je me suis souvenue du respect de cet endroit et je me suis dit que je voulais travailler pour une personne qui est gracieuse et respectueuse.

David Morrison : Donc, à mon avis, c’est souvent comme ça qu’on trouve un emploi. Oui, le moment et la chance et d’autres facteurs. Mais je me souviens quand tu es revenue et que tu as utilisé un langage coloré pour décrire combien de pays tu avais sous ta charge et que tu ne savais pas comment tu pouvais tous les gérer et, je dis ça en tant qu’ancien chef de la direction générale des Amériques, c’est une gigantesque tâche avec ce que je crois être les missions et chefs de missions les plus marquants. Et tout ce qu’elle implique sur le plan de la responsabilité de gestion et les PMA et tout le reste. Laisse-moi changer un peu de sujet que je te réinviterai au podcast pour que tu nous parles de ce qui se passe au Moyen-Orient et en Europe, ainsi de suite. Mais avant qu’on manque de temps, dans le cadre du mouvement « moi aussi » et des efforts de notre ministère à cet égard, j’aimerais profiter de cette occasion pour de te demander comme ça a été. Tu dois être là depuis au moins 30 ans, tu es arrivée à une époque bien différente. Parle-nous de ton parcours en tant que femme à Affaires mondiales. Et dis-moi quels conseils tu donnerais à des femmes, particulièrement aux jeunes femmes.

Stefanie Beck : Ce n’est pas aussi facile que l’on pourrait croire. Je ne parle pas du parcours. Je parle de donner des conseils, parce que je pense comme bien des gens, pas juste des femmes, qu’on vient pour travailler et on fait de son mieux et on espère que ça nous amène à des choses intéressantes. Dans ma carrière, je n’ai jamais particulièrement pensé que je n’obtenais pas un poste ou autre chose parce que j’étais une femme. Je pense qu’en fait, ça a dû être plus difficile parce que j’étais jeune et je n’avais pas d’expérience ou quelque chose comme ça, mais pas précisément parce que j’étais une femme. Avec le recul, à mon âge avancé, puisque nous sommes maintenant la direction « senior », ce qui me fait toujours rire, car je ne me considère pas comme une « senior », je repense à ce que je faisais ou le poste que j’avais qui me permettait de progresser et passer à un autre poste. Et parfois, c’est le bon moment, mais souvent c’est de la diligence pure. Et l’autre chose c’est de choisir un travail qu’on aime. C’est mieux de faire un travail qui nous intéresse et de bien le faire que de choisir un travail parce qu’on pense qu’il va nous mener loin.

David Morrison : Exact.

Stefanie Beck : Alors, on fait semblant, mais ça paraît toujours.

David Morrison : Personnellement, je pense que l’authenticité est l’une des plus belles qualités que peut avoir une personne. Et c’est facile de constater avec mon expérience de gestionnaire qui passe son temps à soumettre sa candidature pour le prochain emploi, contrairement à une personne qui aime vraiment son travail. Une autre chose super importante pour les gens qui gravissent les échelons est le choix des gens avec qui ils travaillent. On parle beaucoup de formation, mais en fait, la plupart des gens apprennent en observant les autres, et non des cours de formation officiels. Ça aide de choisir son patron. Et l’apprentissage se fait dans les deux directions. Il est bon d’apprendre quels comportements sont mauvais chez un cadre et lesquels sont bons, parce que tout le monde aime certaines choses chez son patron et n’aime pas d’autres. C’est important de savoir les comportements qu’on ne veut jamais reproduire et les pratiques qu’on trouve excellentes et qu’on veut appliquer.

Stefanie Beck : L’autre chose que j’aimerais ajouter est qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes d’expérience quand j’ai évolué dans ce ministère, quoiqu’il doive y en avoir plus maintenant. Donc, en termes de mentors ou de personnes avec qui on voulait se tenir, il fallait y aller assez général. Des gens comme Marie-Lucie Morin ou Katherine McCallion ou hum, Colleen Swords. Les jeunes ne reconnaissent probablement pas ces noms, mais ces femmes étaient à l’avant-garde à leur époque et en tant que leaders dans le ministère, elles ont démontré le type de valeurs et de comportements qu’on veut reproduire. Ce genre de choses. Maintenant en tant que leader, c’est ce que j’essaie de créer et de démontrer, je veux être le genre de leader pour qui j’aurais aimé travailler. Ça a du sens? Tu sais le mantra « fais pour les autres ce que tu voudrais qu’on fasse pour toi », et le fait d’être très conscient de l’impact de nos paroles et de nos gestes sur nos employés, en particulier les femmes. J’essaie d’être consciente de ça, mais ce n’est pas toujours facile. Parfois, vous faites juste votre travail.

David Morrison : Ouais, mais Stéfanie et moi avons suivi le même cours de leadership, pour les cadres EX4 et 5 l’an dernier et une des leçons clés étaient justement de faire attention, car on est le leader même si on n’y pense plus, car les gens observent. Je trouve toujours ça étrange, dans mon nouveau poste, quand une personne vient dans mon bureau et la première chose qu’elle fait est de s’excuser de prendre de mon temps, alors qu’en réalité, c’est mon travail de rencontrer les gens, d’apprendre à les connaître et de leur donner les conseils ou l’aide dont ils ont besoin pour résoudre leurs problèmes. Je pense que c’est en partie de ce que signifie être un leader senior dans l’organisation où nous travaillons tous les deux.

Stefanie Beck : Et la plupart de mes tâches consistent à appuyer les gens pour qu’ils puissent faire leur travail comme il faut.

David Morrison : Ah bien c’est super ça. Merci, Stéfanie, ce premier épisode est vraiment réussi et tu devras revenir pour parler plus de tes dossiers.

Stefanie Beck : Merci beaucoup. Ça me ferait plaisir.

David Morrison : Ok.

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