Transcription – Épisode 10 : Entretien avec Sacha Levasseur-Rivard
David Morrison: J’ai connu Sacha Levasseur-Rivard pour la première fois en 2012 pendant mon premier voyage d’affaires à l’ACDI. Depuis ce temps-là, Sacha s’est réinventé. Premièrement comme agent pour l’éthique en Afrique et bientôt comme agent des affaires publiques au Mexique où il sera affecté cet été avec sa famille. J’ai eu l’occasion récemment de parler avec Sacha de sa carrière, sa philosophie de travail et ses conseils pour les collègues plus jeunes ici au ministère. Sacha, c’est toujours un plaisir de te voir. Je crois qu’on s’est connu pour la première fois au Pérou en 2012, on travaillait tous les deux à l’ACDI à ce moment-là.
David Morrison: Depuis, tu es devenu ce que je pense être la nouvelle génération entièrement fusionnée du ministère des Affaires mondiales ou d'Affaires mondiales Canada. Tu as ... tu as travaillé dans mon groupe pendant un moment sur la coordination de mission. Tu étais alors…
David Morrison: Tu étais agent politique, je crois, dans le secteur de l’Afrique du Sud, de l’Ouest. Et maintenant, tu vas aller au Mexique pour travailler dans la fonction de communication et affaires publiques.
David Morrison: Mais tu as commencé la vie en tant que journaliste. Alors, parle ... parle-moi de ça, en grandissant à Gatineau. Tu sembles avoir deux aspects de l'entreprise familiale, le journalisme et le service à l'étranger.
Sacha Levasseur-Rivard: D’abord, merci beaucoup David de me recevoir ici je suis très honoré en fait de faire partie des gens que tu invites pour ton podcast.
David Morrison: On a parlé il y a un moment, le plus jeune…
Sacha Levasseur-Rivard: Le plus jeune oui.
David Morrison: Le plus jeune aux dossiers d'AMC jusqu’à maintenant.
Sacha Levasseur-Rivard: Jusqu’à maintenant. Et je faisais des blagues en disant le moins intéressant aussi, mais ce sera aux auditeurs de juger. Mais non, merci beaucoup en effet, moi je n’étais pas dédié à une carrière internationale. En fait, j’étais, bon c’est ça comme tu l’as dit je suis né et j’ai grandi à Hull en fait de l’autre côté de la rivière qui est maintenant Gatineau, mais mes deux parents sont de Trois-Rivières. Donc il me plaît à dire que je suis un Trifluvien et Gatinois en même temps. Mon père était en fait journaliste.
David Morrison: Journaliste.
Sacha Levasseur-Rivard: Et pour le penchant, le pendant francophone de CBC, Radio-Canada et puis il a été affecté comme nous on l’est, il a été affecté à Vancouver, puis ensuite à Ottawa. Puis ma mère l’a suivi puis c’est comme ça que je suis né dans la région ici. Et j’ai toujours grandi avec cette idée que j’allais faire comme mon père, faire du journalisme, être reporter. Mon oncle, d’ailleurs, le frère de mon père, Paul Rivard, est aussi un journaliste-reporter bien connu au Québec, donc c’est l’image que j’avais de ce que j’allais faire dans le futur. Et puis bien c’est ça j’ai un peu navigué comme ça pour aller faire mes études. Je devais d’abord aller faire des études en communication à l’Université de Montréal et puis ensuite j’ai eu, par hasard, un collègue qui m’a parlé d’un programme qui s’appelait International Studies, Études internationales à l’Université de Montréal, un baccalauréat. Et puis je me suis dit : « ah ben, c’est pas fou! Au lieu d’aller apprendre à communiquer, je pourrais apprendre à comprendre le monde autour de moi. » J’ai toujours été attiré par les enjeux qui sont plus grands que moi. « Bigger than myself ». Et c’est là que je suis allé faire le baccalauréat à l’Université de Montréal et je ne l’ai jamais regretté parce que c’est là que j’ai rencontré ma femme, mes meilleurs amis que j’ai encore aujourd’hui. Ça été pour moi comme le début…
David Morrison: Mais après tu étais à l’Université de Sherbrooke.
Sacha Levasseur-Rivard: Ouais. Ouais.
David Morrison: Mais entre les deux, tu étais journaliste avec La Presse.
Sacha Levasseur-Rivard: Exact. Donc, je suis allé faire le baccalauréat en études internationales qui était très cool, parce que c’était un mélange d’histoire, de science politique, de droit, d’économie. J’avais appris plein de choses, puis là je me suis dit peut-être que maintenant je suis prêt à faire ce que je veux faire, du journalisme. Et j’ai eu la chance d’avoir un boulot à la Presse canadienne, Canadian Press.
David Morrison: Ah OK, OK.
Sacha Levasseur-Rivard: À Montréal. Et j’étais à ce moment-là journaliste radio, donc lecture de nouvelles, chef de pupitre, reporter.
David Morrison: En anglais ou en français?
Sacha Levasseur-Rivard: En français
David Morrison: En français.
Sacha Levasseur-Rivard: Mais j’avais des collègues anglophones qui faisaient le côté anglais. Et j’ai adoré ça, mais j’ai réalisé qu’il manquait quelque chose pour être heureux dans le monde professionnel, puis c’était le travail d’équipe, travailler sur des projets, voir à plus long terme, développer des relations avec des gens, le leadership, le « teamwork ». Et c’est pour ça qu’à un certain moment donné, j’ai décidé de me réaligner et d’aller faire une maîtrise à Sherbrooke en management.
David Morrison: Et en ce moment-là, tu as décidé d’inviter ton oncle à faire un discours, faire une présentation.
Sacha Levasseur-Rivard: Exact
David Morrison: Et ça a changé ta vie.
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument. En fait, c’est particulier, parce que je faisais ma maîtrise en management à Sherbrooke, qui est une super jolie ville, je profitais du plein air là-bas, mais je ne réfléchissais pas beaucoup à où j’allais aller après. Et puis, j’ai eu l’idée d’inviter mon oncle Gilles Rivard, que certains connaissent ici ou plusieurs connaissent, parce qu’il a fait carrière à l’ACDI. À ce moment-là on était en 2006, il avait, il était directeur général, je pense, pour le Maghreb, l’Europe ou le Moyen-Orient et je l’ai invité à venir dans ma classe, dans mon groupe à l’université pour donner une présentation sur ce que fait l’ACDI, les projets de développement, les politiques étrangères canadiennes. Et puis je l’écoutais parler dans la classe. Gilles a, par la suite, été ambassadeur en Haïti, a été ambassadeur aux Nations unies. Un gars qui a beaucoup de contenu, puis je l’écoutais et ça m’a ouvert des lumières, j’ai dit : « ça c’est fascinant, ça c’est plus grand que moi, ça c’est des choses, des enjeux qui sont intéressants ». Et puis, on est allé manger à la cafétéria à l’université ce midi-là, Sodexo, la même qu’ici au 125. Donc, je ne parlerai pas de la qualité du lunch, mais la conversation a été, « écoute, Sach », parce que Gilles m’appelle toujours Sach, « pourquoi t’essayerais pas de faire un stage étudiant à l’ACDI? ». Alors j’ai dit « fine, j’ai écrit ma lettre, j’ai envoyé ça à ce moment-là, je pense que c’était Suzanne Laporte qui était… »
David Morrison: Sous-ministre adjointe.
Sacha Levasseur-Rivard: Ouais. Et puis, elle a été très gentille, elle m’a répondu, elle m’a dit : « je suis intéressée, je vais envoyer ton CV à différentes personnes ». Et puis, c’est Antoine Chevrier, qui est aujourd’hui notre commissaire au Mozambique qui m’a répondu et qui m’a dit : « eille, viens avec nous ». Et puis, c’est comme ça que je suis entré à l’ACDI sur le programme Haïti en 2007.
David Morrison: C’est comme un thème des Dossiers d’AMC. Pour moi c’était Flora MacDonald qui a visité mon école secondaire, qui a changé ta vie.
Sacha Levasseur-Rivard: Exact.
David Morrison: Un discours, une conversation de cinq minutes, une impression et tout à coup, tu as un esprit plus ouvert, je ne sais pas quoi, mais…
David Morrison: C'est vraiment ... Je trouve fascinant de penser que, quand nous sommes dans ces années de formation, il ne faut pas grand-chose pour ... pour ... se passionner pour une nouvelle direction, et ensuite tu regardes en arrière et c'est la direction que ta vie a prise.
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument. Et quand je repense à ma courte carrière maintenant, il s'agit toujours des personnes que vous rencontrez et du timing. C'était donc clairement un moment de ma vie où j'ai dit à ma femme que nous retournions à Ottawa, ce n'était pas comme une conversation super joyeuse. Mais je veux dire quand je regarde en arrière c'était juste la bonne décision au bon moment. Et je dois dire que tu étais l'une de ces personnes qui ont eu une influence sur ma carrière. Mais nous pouvons en parler plus tard.
David Morrison: Nous y reviendrons plus tard, que ce soit positif ou négatif.
David Morrison: T’as travaillé sur le dossier d’Haïti pendant le tremblement de terre.
Sacha Levasseur-Rivard: Oui.
David Morrison: Qu’est-ce que tu as fait?
Sacha Levasseur-Rivard: Bien moi, c’est ça j’ai commencé sur le programme Haïti, je te dirais assez jeune, j’avais 26 ans. Je pense que j’étais étudiant coop et on m’a mis en charge d’un projet de gouvernance, d’appui à la police haïtienne, construction d’une académie de police, en tout cas, j’étais dans cette remise-là. Et puis, je faisais ma job. Moi, le programme Haïti ça été mon école, j’ai tout appris avec des gars comme Louis Verret, comme Luc Fréchette, Isabelle Bérard, qui était DG à ce moment-là, Antoine Chevrier, je peux en nommer plusieurs comme ça.
David Morrison: C’était un des plus gros programmes.
Sacha Levasseur-Rivard: C’était gigantesque. Je suis arrivé au moment où le gouvernement conservateur venait d’annoncer 500 millions de dollars sur cinq ans pour Haïti. Et ça c’était avant le tremblement de terre. Et puis, on travaillait fort, on programmait beaucoup, il y avait un bel enthousiasme. Haïti était en fait à un bon moment de son histoire, elle était en train tranquillement de sortir du marasme, un peu de développement économique. Je me souviens, le premier ministre Jean-Max Bellerive était un homme quand même très sensé et qui avait une idée d’où voulait aller le pays et puis il y a eu cet événement tragique en 2010. Je m’en souviens, c’est l’année où mon fils est né et en fait je devais être là-bas, à ce moment-là, parce que je planifiais ce projet de construction d’académie de police et on avait une visite avec tous les entrepreneurs intéressés, mais je ne suis pas allé, parce que ma femme était sur le point d’accoucher et c’est Lara Brender, ma gestionnaire à ce moment-là qui y est allée. Et je peux vous dire que j’ai toujours vécu avec un peu de culpabilité, parce qu’elle, elle a vécu le tremblement de terre ainsi que plusieurs de mes collègues qui étaient là à ce moment-là. J’en parle et j’ai des frissons, parce que ce n’est pas tous les jours que dans le cadre du travail qu’on côtoie la mort, la souffrance. Mais, il y a des gens qui l’ont vécu qui pourront vous raconter peut-être leur expérience, mais ce que j’ai entendu c’est qu’on a des collègues qui ont été extrêmement courageux. Puis, nous, de notre côté, ici à Ottawa, on faisait le mieux qu’on pouvait pour aider, supporter nos collègues sur le terrain.
David Morrison: Non, c’était un moment de vrai leadership du Canada.
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument. Absolument.
David Morrison: Puis, deux ans après, tu étais au Pérou, je crois, ou peut-être un an après, j’ai visité au mois d’octobre à novembre…
Sacha Levasseur-Rivard: Je m’en souviens très bien.
David Morrison: De 2012…
David Morrison: Nous avons pris un petit vol d'avion ensemble que ...
Sacha Levasseur-Rivard: un soi-disant avion
David Morrison: soi-disant avion.
David Morrison: Comme famille, tu avais deux enfants à ce moment. C’était comment une affectation à Lima dans un moment de transition du pays?
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument. Je pense que pour moi le Pérou ça été une des plus belles expériences de ma vie, personnellement et professionnellement.
David Morrison: Tu avais parlé l’espagnol avant ou...?
Sacha Levasseur-Rivard: Ouais, j’avais suivi des cours. Tu sais, à l’ACDI, dans ce temps-là, ils ne nous envoyaient pas en formation linguistique. Donc j’avais suivi des cours, je m’étais payé des professeurs personnels. Ma femme parle espagnol aussi, elle a voyagé dans le passé. Tu sais, Frédérique et moi, mon épouse on a comme un accord où c’est comme une aventure d’équipe ça. On part, on veut ces expériences-là ensemble. Elle, elle ne fait pas partie des affaires étrangères, elle est professeure au cégep, mais elle est attirée par ça, donc. Puis, on a un amour pour l’Amérique latine. Donc ça été une super belle expérience, mais ça été quand même assez ardu en termes de gestion familiale, parce qu’on avait nos deux enfants, il y en a un qui avait 18 mois, Romain mon garçon, ma fille Violette avait trois mois. Le voyage en avion pour se rendre a été la pire expérience de ma vie. De courir dans l’aéroport pour la connexion à Toronto. Mais je veux souligner par contre qu’Antoine Chevrier, qui était notre chef d’aide à ce moment-là à Lima était à l’aéroport à deux heures du matin pour me recevoir et ça je pense que c’est juste un petit exemple d’à quel point on a été bien reçu au Pérou, l’équipe là-bas. Comme tu l’as dit c’est un moment spécial dans l’histoire du Pérou où il y a une croissance économique extraordinaire, ils ont beaucoup de ressources, maintenant il faut qu’ils apprennent à…
David Morrison: Une croissance des relations entre le Canada et…
Sacha Levasseur-Rivard: Aussi
David Morrison: Entre le Canada et le Pérou.
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument.
David Morrison: Mais quand tu es revenu ici à Ottawa, c’était au moment de la fusion ou après?
Sacha Levasseur-Rivard: En fait, la fusion s’est passée pendant que j’étais là-bas. Je m’en souviens, parce qu’on l’a tous appris en même temps quand le budget a été annoncé.
David Morrison: Moi aussi.
Sacha Levasseur-Rivard: C’est comme voici un préavis pour vous. Et, mais par contre, ce que je veux dire c’est que la fusion s’est passée là-bas formellement, mais nous à l’ambassade au Pérou, on travaillait de façon amalgamée, parce que c’était un programme décentralisé d’abord, un des premiers et on travaillait dans des secteurs qui permettaient une convergence…
Sacha Levasseur-Rivard: Pour moi, c'était une véritable révélation au Pérou parce que je me suis rendu compte que tous ces outils que nous avions dans notre boîte à outils, si nous pouvions les utiliser ensemble au niveau de la politique, du développement et du financement, et les mettre à l'intérieur, nous pouvons faire des choses incroyables. Et c’est ce que nous avons fait. J'étais responsable de la gouvernance des ressources naturelles, à savoir le secteur extractif. À cette époque, il y avait une grande poussée pour attirer des investissements privés et pour cofinancer des projets et en fait nous avons eu beaucoup de succès. Je me souviens de ce fonds local que nous avions l'Initiative régionale Andean : 5 millions au Pérou, en Bolivie et en Colombie. Ensemble, nous avons pu, avec ces 15 millions de dollars, mobiliser près de 10 millions du secteur privé. Donc, avec 15 millions de dollars de fonds publics, nous avons réalisé 25 millions de dollars par projet. Dans les zones où les gens avaient un besoin urgent d'assistance. Et donc pour moi c'était et je veux dire que le gars du développement que j'étais ... J'essayais d'appeler les compagnies minières. Personne ne répondait ou ne retournait mon appel. Et je suis allé voir ma collègue de commerce et elle a pris le téléphone et ils ont rappelé tout de suite. Je venais avec l'argent, elle arrivait avec les contacts et nos collègues politiques avaient, vous savez ces trucs CFLI qui peuvent faire de petites avances et ainsi tous ensemble nous pouvions faire des choses incroyables.
David Morrison: Ça façonne vraiment de vous voir en action au Pérou, qui était actuellement mon premier voyage en tant que membre de l'ACDI. Vous voir en action dans un pays à revenu intermédiaire a vraiment influencé mon point de vue sur le potentiel de fusion. Et je pense qu'il est juste de dire qu'au début, la Colombie, le Pérou et l'Indonésie ont parus comme le genre d'enfants qui affichent l'inaction en matière d'amalgamation. Je pense qu'il est plus difficile de s'en sortir ... dans les pays à faible revenu, mais au ... Pérou, où les intérêts commerciaux, diplomatiques et du développement du Canada ont des synergies naturelles, c'était vraiment incroyable. En fait, quand j'ai visité lors de notre première rencontre, c'était Antoine qui était le chargé d'affaires, ce qui était tout à fait naturel, même s'il travaillait pour l'ACDI. Il y a un thème qui émerge dans notre conversation avec le jeune Sacha.
Sacha Levasseur-Rivard: Je suis tellement content d’entendre que je suis jeune à 36 ans.
David Morrison: et c'est ... c'est. Eh bien, je me rends compte que c'est une sorte de mentorat ... vous semblez avoir rejoint la fonction publique sous l'incitation d'un haut fonctionnaire qui était votre oncle. Vous avez travaillé pour un directeur innovant au Pérou qui vous a ensuite recruté dans une fonction totalement différente au siège social fusionné ... comme c’est devenu en 2013. Parlez-nous de ce que vous avez fait dans ce premier emploi.
Sacha Levasseur-Rivard: Je vais retourner au français pour le plaisir de nos auditeurs. Mais non, NMD que ça s’appelait, ça s’appelle encore NMD,
« géocoordination » mission support. Ça c’était, j’appelais ça à mon époque le terrain de jeu, l’innovation, le grand carré de sable, parce que c’était une unité qui venait d’être tout juste créée après la fusion pour coordonner le travail des secteurs géographiques, mais notre mandat était très large, on avait des fonctions très diverses. On avait toute l’équipe en charge de stratégia, l’équipe en charge du plaidoyer à l’étranger, l’équipe, ben ton équipe qui t’appuyait comme Chef du développement, l’unité de liaison avec Immigration Canada. Puis, moi j’étais dans le bureau du DG à ce moment-là comme conseiller et on s’est dit : « wow le mandat est large, on a tout à faire, parce que ça n’existait pas avant. Essayons de profiter de ça pour développer des approches innovantes pour le travail ». Et puis nous, on était aussi des convaincus de la fusion, de l’importance de mélanger les compétences. Donc, on s’est mis à travailler là-dessus et on a développé des, je ne veux pas devenir trop technique, mais vous savez dans notre organisation, on utilise encore, pour s’organiser là, dans un environnement complexe comme aujourd’hui, on utilise encore le modèle de Adam Smith des années je ne sais pas, 1800, il y a deux siècles, des boîtes avec des lignes. Tu sais, t’as fait trois ans au Pérou, t’es devenu un expert du Pérou, tu reviens ici, on te met dans une équipe de la dénucléarisation et tout à coup, y’a plus jamais personne qui va te parler de Pérou, parce que d’abord on ne sait pas que tu as fait ça, parce que tu es dans une grosse organisation et ensuite on va te dire : « oh non, ça ce n’est pas ta job, ta job c’est la dénucléarisation ». Puis nous, on est un peu contre ça, donc on a essayé de développer une approche plus collaborative, fonctionner par projet pis dire : « OK on a ce projet-là dans l’équipe de stratégia , on a une belle équipe, mais maintenant notre équipe, il nous manque quelqu’un qui connaît bien les applications mobiles ». Alors là on a envoyé un message un peu partout pour dire :
Sacha Levasseur-Rivard: «Y a-t-il quelqu'un dans ce département qui connaît les applications mobiles, parce que nous avons besoin de votre expertise pendant un certain nombre d'heures, je ne sais pas, 4 semaines» et ensuite nous attrapions cette personne.
David Morrison: C’était les micros missions, hein?
Sacha Levasseur-Rivard: Les micros missions, c’est ça. Et on s’est rendu compte que le secrétariat du Conseil du Trésor avec d’autres ministères dans le gouvernement fédéral travaillait aussi là-dessus en parallèle, donc on s’est joint. Puis maintenant, je pense que souvent sur GC Connect, il y a encore des micros missions et on peut encore. Pis les gens doivent le savoir, parce qu’on sait que la mobilité dans le ministère ici est pas très évidente à part monter, avoir des promotions, tu peux avoir accès à d’autres défis basés sur tes compétences, pas ton statut dans l’organisation.
Sacha Levasseur-Rivard: Peu m'importe si vous êtes… désolé, mais un sous-ministre ou un sous-ministre adjoint ou un agent de projet. Je veux dire que vous avez des compétences et que ces compétences et talents devraient être mis en valeur et devraient être accessibles. Vous pouvez imaginer si vous allez dans monÉquipe et au lieu de chercher par les noms, vous recherchez par compétences. Cela changerait tout. En tous cas.
David Morrison: Alors tu ...tu as déployé de nouvelles compétences après cela. Je me souviens t’avoir parlé de tes différentes options, mais tu as sauté ...
Sacha Levasseur-Rivard: C’était en fait une conversation très significative.
David Morrison: Tu as sauté sur un travail de relations bilatérales en Afrique. Il y a environ deux ans, je pense. Alors qu'as-tu appris sur le ministère et sur toi-même alors que tu avais commencé à faire quelque chose de complètement différent?
Sacha Levasseur-Rivard: Ouais j'aime. J'aime vraiment faire différentes choses. Donc l'idée de faire ça, je veux dire très honnêtement j'ai fait le bassin, le bassin FS3, donc c'était pour moi c'était une possibilité de devenir gestionnaire et j'étais vraiment excité à ce sujet. Et c'est arrivé cette année-là.
David Morrison: Tu es directeur adjoint.
Sacha Levasseur-Rivard: Je suis un directeur adjoint. Oui, avec une petite équipe d'employés très crédibles et si nous en avons le temps, j'aimerais en parler plus tard. Mais j'ai donc fait ce mouvement sur le plan politique. J'ai eu la chance de trouver un gestionnaire qui était prêt à m'accepter sans aucune expérience politique parce que ce n'est pas facile non plus. J'ai rencontré beaucoup de gestionnaires qui disaient bien que vous connaissez un FS, un vrai FS. Qu’est-ce qu’un vrai FS? Qu'est-ce qu'un vrai PM? Je veux dire pour moi ... de toute façon c'est une autre conversation. Mais elle m'a pris à bord et c’était à nouveau quelque chose une vraie révélation parce que ...
Sacha-Levasseur-Rivard: Dans le monde des PM, et là je ne veux pas généraliser, mais tu sais, on gère de l’argent, on gère des projets, on pense que nous sommes les vrais. Du côté politique, on pense qu’ils font juste parler, c’est vrai. Il y a beaucoup de discussions, beaucoup de gens qui parlent, mais il y a des choses extraordinaires qui se font.
Sacha-Levasseur-Rivard: De toute façon, cela fait partie du travail que vous menez dans vos relations bilatérales, alors tu dois parler aux gens. Mais j'ai réalisé la puissance des autres outils que nous avons dans notre boîte à outils, par exemple des sanctions. Et comment ... et comment nous avons pu utiliser cet outil dans le cas particulier du Soudan du Sud.
David Morrison: Avec le nouveau Magnitski.
Sacha Levasseur-Rivard: Avec le nouveau Magnitski . Le Soudan du Sud fait partie des treize pays dont je m’occupe quotidiennement et puis lire les rapports sur ce qui se passe au Soudan du Sud c’est une des choses les plus dures que j’ai eu à lire dans ma vie. Quand tu lis, qu’environ 70-90% des femmes dans les camps de personnes déplacées ont vécu ou ont été témoins d’agressions sexuelles, c’est très troublant. Et on lisait ça puis on se disait : « qu’est-ce qu’on peut faire? On n’a pas beaucoup de ressources ». Et quand le gouvernement est arrivé avec son, sa loi de Magnitski
Sacha Levasseur-Rivard: Au fait, je ne sais pas si tu as lu le livre de Bill Browders, Red Notice, mais c'est incroyable et ça raconte toute l'histoire de… Je veux dire quand même que j'ai lu ce livre et j'ai été assez impressionné.
Sacha Levasseur-Rivard: Mais quand on a va que le gouvernement arrivait avec Magnitski on s’est dit : « voici une chance de faire un petit quelque chose ». Et on a travaillé de très près avec nos collègues du Venezuela, nos collègues du programme de la Russie et on a réussi à prendre trois personnes, trois Sud-Soudanais du gouvernement qui ont commis des exactions contre les droits humains. On a réussi à les mettre sur la liste. Aujourd’hui, si vous allez sur le site Internet des sanctions canadiennes, vous allez voir à la fin de la liste, il y a trois Sud-Soudanais qui sont là et qui ne peuvent plus voyager au Canada, qui ne peuvent plus transiter de fonds au Canada ou interagir. Donc, et c’est un outil extrêmement puissant. Je le sais, parce que je couvre aussi le Zimbabwe et un jour ces gens-là ont des enfants qui veulent venir étudier au Canada, parce que c’est un endroit intéressant pour étudier, puis tout à coup, ils ne peuvent pas. Et là ils réalisent qu’il y a une certaine justice dans ce monde. Je ne veux pas devenir trop… Mais c’est intéressant.
David Morrison: Non, mais c’est super intéressant, parce que j’étais, j’ai travaillé là-dessus sur le Venezuela. Et c’était un cas, je crois, où le monde et où le pays, le Canada avait besoin de nouveaux outils.
David Morrison: Le cas de notre ... nos outils avaient besoin de rattraper la réalité. Et n'était pas tout à fait simple, mais nous ... nous savons que nommer et humilier les individus aide à faire avancer la politique pour les raisons que vous venez de dire.
Sacha Levasseur-Rivard: Absolument. C’est l’économie comportementale.
David Morrison: C’est un peu, c’est un peu un coup de pouce.
David Morrison: Et maintenant, tu vas aller au Mexique pour travailler sur le dossier des affaires publiques, quelque chose de pas mal important au Mexique. C’est une section assez grande, je crois, donc l’ambassade, dans un moment stratégique, à un moment très important entre le Canada et le Mexique.
David Morrison: Qu’est-ce qui vous rend excité?
Sacha Levasseur-Rivard: Tout.
Sacha Levasseur-Rivard: Non c’est une grande opportunité, une grande chance qu’on m’offre d’aller représenter notre pays au Mexique. D’abord, parce que je vous l’ai dit, on a un attachement particulier, ma femme et moi, pour l’Amérique latine. Mais aussi, de comme, au Québec, on a une expression, on dit : « toute est dans toute ».
Sacha Levasseur-Rivard: « Tout se trouve dans tout. »
Sacha Levasseur-Rivard: Sur la base de l’expérience que j’ai eue dans le passé, comme journaliste, de retourner dans le domaine des affaires publiques pour un peu, ben c’est ça, promouvoir les valeurs canadiennes au Mexique. Y’a beaucoup de liens, moi j’ai lu dans les dernières semaines pour me préparer, les derniers mois, beaucoup de liens au niveau d’éducation entre les deux pays, les industries culturelles, j’ai entendu les échanges économiques. Et je vois ça comme un grand défi, puis un grand honneur aussi. Un défi familial, maintenant on a trois enfants. Donc, on va, même on est très excités, je pense que sont très contents les enfants aussi, mais ça va être un défi personnel aussi et... c’est ça voir encore une fois, je n’ai jamais fait ça là, cette job-là moi, donc encore une fois développer d’autres outils pour aller agrandir la boîte à outils.
David Morrison: Je pense donc que ce qui rend ta trajectoire intéressante, c'est que tu as commencé comme agent de développement non rotationnel. Personne à l'ACDI n'était rotatif. Tu l’as transformé, ce qui aurait été un seul poste au Pérou, parce qu'il y avait une affectation, mais il n'y avait pas de système de rotation. Tu as passé avec succès plusieurs rôles différents dans le ministère fusionné et maintenant tu es... tu sors dans ce qui serait considéré comme un emploi FS classique. Ça me semble une danse plutôt réussie, une navigation plutôt réussie dans un environnement complexe. Quel conseil donnerais-tu aux autres qui sont à l’étape de ta carrière ou même plus tôt, alors qu'ils regardent vers le haut et font face à des choix?
Sacha Levasseur-Rivard: D'accord. Je ne sais pas. Regardes, j'ai l'habitude qu’à chaque fois que je quitte un emploi, je me suis assis avec mon gestionnaire et le gestionnaire de mon gestionnaire pour discuter avec eux afin de leur demander conseil. J’ai fait ça avec Isabelle Bérard quand elle était ma directrice générale sur Haïti, elle m’a dit : « Sacha, au travail, il faut que tu aies du fun ». Connaissant Isabelle, je crois que c’est un peu.
David Morrison: C’est 100% Isabelle.
Sacha Levasseur-Rivard: Ouais c’est ça. J’ai rencontré Patricia Fortier qui était mon ambassadeur avant de partir du Pérou qui m’a donné d’autres conseils. Et je t’ai rencontré toi aussi avant de quitter les Amériques pour avoir tes conseils sur ma carrière, d’ailleurs ça été une des conversations les plus enrichissantes que j’ai eues, parce que ce moment-là, je m’attendais à ce que tu me dises : « ah ben là, tu sais, t’as fait ça, mais finalement, tu devrais peut-être faire ça. Puis, en passant, travaille fort, fais des longues heures, puis fais des concours ». Ce n’est pas ça du tout que tu m’as dit en fait tu m’as dit :
Sacha Levasseur-Rivard: Je viens de lire un livre intitulé « Road to Character », David Brooks. Et puis tu as commencé à me parler de l'autodiscipline et de l'humilité et de l'importance de pouvoir supprimer des parties de soi-même pour le plus grand bien de l'organisation et pour moi c'était une... révélation. J’ai lu le livre. Et j'ai réalisé que ces valeurs ne sont pas les valeurs dont tout le monde parle ces jours-ci.
Sacha Levasseur-Rivard: Les gens, on est dans une société très individualiste. Qu’est-ce que tu peux faire pour moi? Pourquoi je n’ai pas réussi tel concours? Alors qu’on devrait peut-être plus se poser la question : où est-ce que je pourrais être le plus utile pour mon organisation? Alors moi, pour faire une histoire courte, ce que j’aurais à donner comme conseil aux jeunes ou à d’autres gens qui se posent des questions par rapport à ça c’est soyez conscients que vous n’êtes pas le centre de l’univers, soyez fiers de vos talents et de vos compétences, puis aller chercher toutes les opportunités qui s’offrent à vous pour apprendre, mettre ces talents-là en valeur et avoir du fun. Et ça se résume pas mal à ça. Ceci dit, je suis très conscient qu’il y a dans ce ministère plusieurs jeunes et j’en ai dans mon équipe, je te disais un peu plus tôt que voulais parler de mon équipe, des jeunes extrêmement talentueux, 25-26-27 ans. C’est eux les vrais jeunes et ce n’est pas facile en termes de comprendre où leur carrière s’en va à cause de leur statut d’emploi.
Sacha Levasseur-Rivard: Je suis vraiment inquiet, j'y pensais en vélo ce matin et j'ai accaparé cette expression. Je ne sais pas si c'est trop fort. Mais je m'inquiète d'une génération perdue dans ce ministère parce que je vois des agents très talentueux qui quittent le ministère pour se rendre à la Défense, à IRCC et ailleurs parce qu'ils ne peuvent pas avoir une carrière précise dans ce ministère. Alors j'espère vraiment que nous pourrons trouver un moyen d'exploiter cette énergie et de la garder avec nous. Sachant que ce n'est pas facile et que les ressources sont là. Mais, mais…
Sacha Levasseur-Rivard: Vraiment, les jeunes ici sont motivés, ils travaillent fort, puis il faut leur donner une voix puis les écouter.
David Morrison: Eh bien peut-être que nous pouvons leur donner une voix en les invitant à ...
Sacha Levasseur-Rivard: J’ai des noms pour toi.
David Morrison: les invitant sur le podcast.
Sacha Levasseur-Rivard: D’accord.
David Morrison: Je pense que vous nous avez donné la sagesse au-delà de vos 36 ans.
David Morrison: Et ce sera un grand plaisir de t’inviter de nouveau après quelques mois au Mexique.
Sacha Levasseur-Rivard: En fait, je t’invite à amener ton podcast au Mexique, puis à venir rencontrer des gens là-bas.
David Morrison: OK, deal. Merci Sacha.
Sacha Levasseur-Rivard: Merci beaucoup David.
David Morrison: OK ciao. Merci.