Transcription – Épisode 14 : Entretien avec Myriam Pineault-Latreille et Deena Allam
David Morrison : Myriam Pineault-Latreille et Deena Allam sont des milléniaux qui se sont joints au Ministère en janvier 2017, après avoir effectué des stages dans des ambassades canadiennes à l’étranger. Peu de temps après, elles ont fondé Prochaine génération, une série de dîners-causeries mensuels pour les jeunes professionnels du Ministère. J’ai récemment rencontré Myriam et Deena pour parler de leurs impressions d’Affaires mondiales Canada, de leurs perspectives en tant que milléniaux et de leurs projets de carrière et de vie. Aujourd’hui, nous allons essayer quelque chose de différent dans le cadre des dossiers d’AMC. Nous allons interviewer deux personnes : le duo dynamique de Deena Allam et de Myriam Pineault-Latreille. Elles se sont rencontrées alors qu’elles étaient étudiantes de cycle supérieur à l’Université d’Ottawa et sont toutes deux entrées au Ministère en janvier 2017, soit il y a environ 18 mois. Depuis leur arrivée, elles ont fondé le réseau jeunesse Prochaine génération et en sont les coprésidentes. Prochaine génération organise presque tous les mois des dîners-causeries avec des personnes provenant de l’ensemble du Ministère et de toute la ville. Alors, sans plus tarder, accueillons Deena et Myriam.
Deena Allam et Myriam Pineault-Latreille : Merci.
David Morrison : Maintenant, comme vous le savez, parce que je sais que vous êtes des auditrices assidues, nous avons tendance à commencer au tout début, alors pourquoi ne me dites-vous pas à tour de rôle d’où vous venez et comment vous vous êtes retrouvées ici à Affaires mondiales? Commençons par Deena.
Deena Allam : Bien sûr. Je suis née et j’ai grandi à Toronto. Mes parents sont venus au Canada dans les années 80 en provenance d’Égypte.
David Morrison : Pourquoi? Pourquoi sont-ils venus [au Canada]?
Deena Allam : La situation économique en Égypte n’était pas si favorable. Ils avaient fait des études supérieures aux États-Unis, mais ils n’ont pas réussi à immigrer là-bas. Ils sont donc venus au Canada.
David Morrison : As-tu des frères ou des sœurs qui sont venus?
Deena Allam : Non, je suis une enfant unique. Alors oui, je suis née et j’ai grandi à Toronto. J’ai fait une immersion en français là-bas et j’ai ensuite fait mes études de premier cycle à l’Université de Toronto en littérature française et en sciences politiques. Et puis après cela, je ne savais plus vraiment quoi faire de ma vie. Je suis donc venue à Ottawa pour faire des études supérieures, et c’est comme ça que je suis entrée au Ministère.
David Morrison : Bien, et Myriam?
Myriam Pineault-Latreille : Je suis née et j’ai grandi à Montréal. J’ai fait mes études de premier cycle en politique internationale et en droit international. Par la suite, moi non plus je ne savais pas quoi faire de ma vie, ça fait que je suis allée à Ottawa. En fait, j’ai eu un stage sur la Colline parlementaire. J’ai finalement travaillé là pendant deux ans en politique un peu, sur les dossiers de réforme électorale. J’ai finalement réalisé que la politique n’était pas pour moi. Ça fait que là, je suis retournée à l’école pour justement faire une maîtrise en affaires publiques internationales, et c’est là que j’ai rencontré Deena, pour finalement aboutir ici.
David Morrison : Et toutes les deux, vous avez l’occasion, je crois, d’avoir des stages aux ambassades canadiennes. Myriam, c’était où?
Myriam Pineault-Latreille : Moi j’ai eu un stage justement d’environ 4-5 mois à l’ambassade du Canada à Hanoï, au Vietnam.
David Morrison : C’était quand?
Myriam Pineault-Latreille : C’était peut-être juste avant que j’arrive au département, ça fait que peut-être deux ans environ.
David Morrison : Et tu faisais quoi? T’as fait quoi?
Myriam Pineault-Latreille : En fait, ça été un bon « timing », pis en même temps un mauvais « timing », mais ça adonné que j’étais supposée faire du travail plus de FPDS, mais finalement ma superviseure est tombée malade et, donc, j’ai fini par me promener un peu entre du « trade work », « development work » et FPDS, pis j’ai vraiment adoré ça. Ça m’a donné l’occasion dans le fond de goûter un peu à tout et de voir c’est quoi la « big picture » en fait du travail en ambassade.
David Morrison : Et Deena, tu étais à Latvia, je pense?
Deena Allam : Oui, j’ai fait mon stage à l’ambassade en Lettonie, et donc l’ambassade, ça couvre Lettonie, Lituanie et Estonie. C’était une petite ambassade, donc on était je pense 11 en incluant le chauffeur de l’ambassadeur. Et il y avait seulement l’ambassadeur qui était un CBS. Donc, c’était un environnement très intéressant.
David Morrison : Et vous avez fait ces stages parce que vous étiez des étudiants coop, est-ce exact? Cela faisait partie de l’entente ou c’était du moins quelque chose qui vous était offert? Je veux dire, si vous êtes jeune, comment allez-vous travailler dans une ambassade canadienne?
Myriam Pineault-Latreille : Cela faisait partie de notre programme. L’université est en contact avec différentes ambassades et c’est ainsi que nous avons eu ce travail.
Deena Allam : Je pense que, depuis 2011, l’Université d’Ottawa, notre programme de maîtrise en particulier, a envoyé des étudiants des études supérieures dans des ambassades. C’est un peu un réseau qu’ils ont construit avec l’un de leurs anciens chargés de cours, Dan Livermore, qui travaillait pour le Ministère. Celui-ci a communiqué avec ses amis et leur a demandé s’ils voulaient des stagiaires… et ça a continué comme ça.
David Morrison : Est-ce que tout le monde dans votre classe a fait un stage?
Myriam Pineault-Latreille : Non, nous devons d’abord passer deux entrevues et ensuite, oui. C’est comme ça que vous êtes choisi.
David Morrison : Est-ce qu’on vous rémunère?
Myriam Pineault-Latreille : Non.
David Morrison : Donc, des stages non rémunérés. OK, je sais que c’est une tout autre histoire...
Deena Allam : C’est une tout autre histoire.
David Morrison : C’est une tout autre discussion, et nous consacrerons un balado entier à celle-ci. Alors, était-il naturel que vous soyez recrutées au sein du Ministère ou comment avez-vous procédé? Avez-vous passé des appels? Comment êtes-vous sorties de l’université pour ensuite arriver ici?
Deena Allam : D’accord, oui, je veux dire que je pense que ça dépend de votre expérience à l’ambassade. Je connais des amis qui sont entrés au Ministère en raison des contacts qu’ils ont établis lors de leurs stages à l’ambassade. Mon expérience était un peu différente, car il n’y avait qu’un CBS et il était... Je crois qu’il prend sa retraite maintenant. C’était très utile, mais pas en termes de progression dans ma carrière grâce au réseautage. J’étais donc dans le programme coopératif. Et quand vous êtes une étudiante coop à Ottawa, seules les personnes qui embauchent sont dans le gouvernement. Je me suis donc concentrée sur les offres d’emplois à Affaires mondiales Canada, et c’est comme ça que je m’y suis glissée.
David Morrison : Et les offres sont-elles sur le site Web? Ou appelez-vous les gens de façon spontanée? Ou comment procédez-vous?
Deena Allam : Nous passons par le bureau du programme coopératif.
David Morrison : Je vois. C’est comme une sorte de service de placement.
Myriam Pineault-Latreille : J’ai fait un peu des deux, mais mes appels spontanés n’ont pas fonctionné du tout. J’ai donc dû passer par l’université.
David Morrison : Alors… vous arrivez au Ministère et vous avez cette expérience de l’ambassade… Vous asseyez-vous à la cafétéria ou à Tavern on the Falls après le travail? Et de quoi parlez-vous? Que pensez-vous de cet endroit en tant que nouvelles venues?
Myriam Pineault-Latreille : C’est drôle parce qu’en fait, hier, nous avons fait une liste mentale de toutes les émotions que vous ressentez au cours de votre premier mois au Ministère. Donc, comme la différence entre le badge horizontal et le badge vertical, c’est vraiment un gros problème pour nous.
Deena Allam : C’est le cas lorsque nous avons reçu nos badges horizontaux qui ne précisaient pas pour quelle direction nous travaillions. C’était comme si nous arrivions à un tout nouveau niveau.
David Morrison : Qu’est-ce que c’est ? Vous parlez une langue que la plupart d’entre nous ne comprennent pas. Quelle est la différence entre un badge horizontal et un badge vertical?
Deena Allam : Quand vous êtes une étudiante, vous avez un badge vertical qui indique votre direction parce que c’est la direction pour laquelle vous travaillez.
David Morrison : C’est la direction à laquelle tu appartiens.
Deena Allam : Oui, exactement. Mais une fois que vous devenez une employée occasionnelle ou embauchée pour une durée déterminée, vous obtenez un badge horizontal avec une date d’expiration généralement plus longue.
David Morrison: Impressionnant.
Myriam Pineault-Latreille : Donc, vous savez que vous êtes un joueur important, que vous faites maintenant partie du jeu.
Deena Allam : C’était vraiment excitant.
David Morrison : OK, je vais devoir garder les yeux ouverts. Donc, vous êtes toutes les deux devenues des badges horizontaux. Et je veux dire que nous en avons parlé brièvement avant que nous poursuivions, mais votre désir de faire les stages et de venir ici était vraiment motivé par votre désir de travailler dans les affaires internationales, mais aussi par votre désir d’être affectées à l’étranger ou de travailler à l’étranger pour le Canada. Comment faites-vous le saut? Parce que vous êtes arrivées par l’entremise de programmes coopératifs, vous êtes en quelque sorte des candidatures spontanées. Vous n’avez pas emprunté l’itinéraire que de nombreuses personnes auront suivi, à savoir l’examen du service extérieur canadien ou le recrutement postsecondaire. Vous êtes donc un PM, je pense, Myriam.
Myriam Pineault-Latreille : Ouais.
David Morrison : Et Deena, vous êtes une EC dans une boîte FS. Alors comment voyez-vous l’avenir et comment vous voyez-vous à l’étranger par rapport à où vous vous trouvez actuellement?
Myriam Pineault-Latreille : Je ne sais pas. Je sais que ça va être une réponse ennuyeuse, mais il est un peu difficile pour moi au moins de voir mon avenir dans ce ministère simplement parce que je me concentre sur le mois prochain, vous comprenez? C’est-à-dire ce que je fais et où je suis...
David Morrison : Combien de temps dure votre contrat?
Myriam Pineault-Latreille : C’est toujours comme passer d’une année à l’autre. Et mon contrat se termine fin août. Quoi qu’il en soit, je suppose que c’est juste comme si je me concentrais sur cela, comme si je ne savais pas où je serai dans deux ans, n’est-ce pas? Mais j’aimerais rester ici. C’est très difficile de dire où on aimerait être en mission…
David Morrison : Bien sûr, bien sûr.
Deena Allam : Et je veux dire qu’être des employées embauchées pour une durée déterminée... Où j’aimerais être en mission n’est pas une question que nous pouvons nous poser parce que nous ne pouvons pas être envoyées en mission.
David Morrison : Oui, vous préférez pouvoir payer votre loyer avant la fin du mois d’août.
Myriam Pineault-Latreille : Nous pouvons être aussi dramatiques. Nous voulons juste être capables de payer pour la nourriture.
Deena Allam : Nous aimerions être envoyées en mission, mais nous ne pouvons donc pas.
David Morrison : Ouais. Je veux dire que ce sujet pourrait faire l’objet d’un balado différent, mais je veux dire que nous espérons... le Ministère espère être dans une situation financière permettant de recommencer à offrir des contrats pour une période indéterminée. Le fonctionnement de cette approche a été en partie le sujet d’une récente retraite que nous avons eue sur les questions de ressources humaines et, vous savez, l’un des sujets qui ont été débattus était de savoir s’il était possible ou souhaitable de revenir à un recrutement national comme moyen de s’assurer que notre main-d’œuvre est représentative de tous les aspects du Canada, tant sur le plan géographique que sur celui de la diversité culturelle. De toute façon, il y aura plus de nouvelles à ce sujet dans les mois à venir. Permettez-moi de changer de sujet quelque peu. Vous êtes, je crois, connues comme des milléniaux. Ici, dans la nature, pas en captivité. Maintenant que je vous ai devant moi, j’aimerais savoir si vous vous identifiez de cette manière, si vous pensez que votre vision de votre carrière ou de la vie est différente de celle de vos parents, par exemple, ou de vos aînés, les gens plus vieux que vous voyez dans ce bâtiment. Vous savez que la caricature est que vous avez tous droit à des flocons de neige qui, vous le savez, doivent avoir un enrichissement de carrière constant et être capables de faire des allers-retours sans payer vos dus, etc. Et que pensez-vous de cette caractérisation, Myriam? Comment avez-vous été reçue ici?
Myriam Pineault-Latreille : Vraiment bien… je trouve que c’est une question difficile.
David Morrison : Vous pouvez simplement revenir en arrière et parler de votre expérience en tant que millénial.
Myriam Pineault-Latreille : Je ne sais pas à quel point nous sommes différentes de la génération passée des jeunes. Je pense que ça reste quand même, on est le résultat du contexte actuel. Ça reste qu’il y a quand même beaucoup d’instabilité pour le futur et pour le nôtre, veut, veut pas. On est au courant que pas juste à GAC, mais à l’extérieur aussi du Ministère, il y a beaucoup d’instabilité. Ça reste aussi qu’on a grandi, c’est très cliché, mais avec toute cette technologie-là qui fait en sorte qu’on est justement… On a une ouverture sur le monde que peut-être nos parents n’avaient justement pas. On a plus voyagé, on a peut-être plus mangé de la bouffe de différents pays, parce que justement il y a comme cette espèce de globalisation qu’il y a.
David Morrison : Et personnellement, tu as appris, tu as fait des stages, tu as fait des études en Afrique du Sud…
Myriam Pineault-Latreille : Oui, en fait c’était après mon secondaire. Je trouvais que mon niveau d’anglais était justement pas très bon. Je m’étais dit : il faut que j’améliore mon anglais. Puis là, j’ai décidé qu’à la place d’aller en Ontario, j’irais en Afrique du Sud pour améliorer mon anglais, et c’est ça, j’ai passé un an là-bas dans une famille d’accueil à Johannesburg, puis j’allais à l’école avec d’autres étudiants.
David Morrison : Mais c’est vrai que votre génération l’est, alors que le monde est plus petit. La technologie a rendu le monde plus petit et les coûts de voyage sont beaucoup moins élevés. Il est donc tout à fait normal pour les gens de votre âge – et je ne révélerai pas d’âge précis, mais l’une de mes invitées a moins de 25 ans et l’autre, moins de 30 ans.
Deena Allam : Très diplomatique.
David Morrison : Mais c’est le cas. Il est vrai que les gens qui entrent maintenant dans ce bâtiment ont déjà beaucoup d’expérience internationale, et c’est ce qui caractérise les milléniaux, je dirais. Et vous Deena?
Deena Allam : Ouais, je veux dire que je pense que le terme « milléniaux » est si souvent utilisé comme presque un terme péjoratif. Il est associé à une entreprise de flocons de neige à laquelle vous avez fait allusion plus tôt. Et je pense que la façon dont nous avons été reçues dans le Ministère dépend vraiment de certaines personnes. Les gens ont été très accueillants, ils ont vraiment apprécié notre enthousiasme et notre passion, et ils reconnaissent que nous sommes ici parce que nous voulons être ici et que nous acceptons l’instabilité, parce que nous sommes passionnées par les affaires internationales. Mais il y a des endroits et des gens qui pensent que, vous savez, nous n’avons pas d’expérience ou que nous devons attendre, ou que nous n’aimons pas que nos opinions ne soient pas nécessairement aussi valables. Et donc je pense que c’est vraiment un peu de tout. Et je pense que certaines personnes que vous connaissez prennent des risques et donnent des occasions aux jeunes, comme l’a fait mon directeur. Mais dans d’autres cas, ce n’est pas ce qui se passe et il y a des jeunes qui écrivent des fiches de renseignements alors qu’ils pourraient faire beaucoup plus.
David Morrison : Oui, vous êtes toutes les deux arrivées et vous avez instantanément ou rapidement décidé de remplir un créneau en créant cette chose appelée Prochaine génération. Parlez-moi de cela.
Myriam Pineault-Latreille : En fait, ça a commencé peut-être quelques mois justement après qu’on soit arrivées au Ministère. On voyait tous ces jeunes-là qui avaient cette drive-là, qui prenaient des cafés, qui faisaient du « network » à la cafétéria, pis Deena et moi on n’est juste vraiment pas comme ça. Fait qu’on était comme… on n’est sûrement pas les seules jeunes qui avons un peu peur, pis qui aimeraient quand même entendre parler, puis justement le « senior management », puis entendre parler de leurs expériences, puis avoir des conseils. On s’est dit « Let’s all get together », puis créons justement cette espèce de « safe space » où on peut parler avec des personnes avec qui généralement on n’aurait pas une conversation justement.
David Morrison : Et t’as invité, je crois, John Hannaford et des autres. Qui?
Myriam Pineault-Latreille : Oui, OK, fait qu’on a eu environ jusqu’à 15 « brown bag lunch », puis là… c’est ça, on a eu… notre premier invité était John Hannaford qui était mon professeur à l’époque quand j’étais à l’Université d’Ottawa. Fait que je me disais que c’était une bonne occasion de le présenter au reste du Ministère. Mais sinon, on a eu Tarik Khan, on a eu Marcy Grossman, Tamara Mawhinney.
Deena Allman : Larisa Galadza… Alan Hamson…
Myriam Pineault-Latreille : On a fait différentes thématiques aussi, des fois on a fait justement un panel de comme « women and power ». On en a fait un autre sur comment c’est de travailler dans un bureau de DM, fait qu’on a eu Yannick Lamonde qui est venu nous parler de ça.
David Morrison : Qui est votre audience? Je vois les factures, alors vous faites de la publicité, mais est-ce principalement pour les jeunes professionnels?
Myriam Pineault-Latreille : Je dirais des jeunes qui ont moins de 25 ans ou moins de 30 ans.
David Morrison : Les auditeurs ne peuvent pas voir, mais une des deux rougit.
Myriam Pineault-Latreille : Mais c’est ça « casual », étudiants, termes. Y’a du monde déterminé, du monde indéterminé. On a aussi des personnes qui sont jeunes de cœur, mais qui sont un peu plus vieux, je pense en fait que c’est du monde curieux, puis c’est ça aussi qui caractérise beaucoup les milléniaux à GAC. C’est qu’on est très avides de tout savoir, puis tout connaître, ça fait que généralement on a une audience d’environ 60 personnes ou plus. Le dernier « brown bag lunch » qu’on a eu c’était avec Francis Trudel qui était.
David Morrison : Ça serait plus…
Myriam Pineault-Latreille : Ouais, fait qu’on était au-dessus de 100 personnes. Ça fait que ouais...
David Morrison : Deena, je veux changer de sujet maintenant et vous parler un peu de votre identité. Vous faites partie d’une minorité visible, vous êtes une femme. Vous étiez, je pense, ancienne secrétaire du réseau des minorités visibles.
Deena Allam : Oui…
David Morrison : Comment ces aspects de votre identité ont-ils façonné votre intérêt pour les affaires internationales dans la politique étrangère du Canada et votre rôle jusqu’à présent à Affaires mondiales Canada?
Deena Allam : OK.
David Morrison : Vous pouvez aussi contribuer à la discussion...
Myriam Pineault-Latreille : Je vais juste l’écouter.
Deena Allam : Eh bien, je pense comme grandir à Toronto avec des parents immigrants, dans un secteur où les parents de tous étaient des immigrants.
David Morrison : Comme où à Toronto?
Deena Allam : À North York. Comme ma classe de maternelle a été traduite en cantonais et en mandarin. Il y avait environ cinq d’entre nous qui parlions anglais, donc c’est un peu l’environnement dans lequel j’ai grandi et tous mes amis venaient de partout dans le monde. Donc, je pense que cela a toujours été quelque chose qui m’intéresse d’être en contact avec des personnes de cultures différentes, c’est comme une grande partie de ce que je suis. Et comme être égyptienne, c’est aussi une grande partie de qui je suis. Cela a donc en quelque sorte suscité cet intérêt à aider à façonner l’apparence du Canada et à façonner un Canada qui ressemble à celui dans lequel j’ai grandi. Et donc quand j’ai déménagé à Ottawa, c’était comme surprenant pour moi de voir comme la capitale est différente de ce à quoi j’étais habituée. Et c’est vraiment intéressant parce qu’à l’ambassade, vous savez, nous faisons la promotion de cette vision du Canada à l’étranger comme d’un grand endroit multiculturel, et c’est comme ça que je l’ai vécu, mais en venant ici ce n’était pas le cas. Et venir à AMC était vraiment surprenant pour moi.
David Morrison : Quoi... soyez un peu plus précise. Qu’est-ce que c’était, je veux dire était-ce une sorte d’anglophone classique masculin? Est-ce ce que vous voulez dire?
Deena Allam : Ouais, comme un homme blanc anglophone, si je suis autorisée à le dire. Ça va être coupé au montage, désolée que cela va être coupé.
David Morrison : Nous couperons cette partie. Mais bon, c’était votre impression de la ville et de l’immeuble, vous dites.
Deena Allam : Et le bâtiment, oui, comme si cela m’étonnait que quelque chose qui, comme un bâtiment, soit dédié aux affaires internationales, mais n’ait pas l’air très international quand on déambule dans les couloirs. Ce fut une grande surprise pour moi si je suis tout à fait honnête et je pense que c’est ce qui m’a poussée à m’impliquer dans les communautés de minorités visibles qui existent ici parce que nous sommes ici et nous voyons comment nous pouvons amplifier notre voix et voir les problèmes auxquels la communauté est confrontée et voir pourquoi nous ne sommes pas représentés autant dans la chaîne de gestion. Eh oui, c’est juste quelque chose qui m’a vraiment intéressé.
David Morrison : Eh bien, en tant qu’homme blanc anglophone, vous devez être félicitée parce que j’ai le sentiment que les personnes avec qui j’interagis au plus haut niveau sont vraiment engagées à créer le genre de ministère qui est plus conforme à votre expérience en tant que Canadienne. Mais nous avons tous des angles morts et je sais à quel point les députés l’ont trouvé quand les coprésidents du réseau LGBTQ2+ sont venus nous parler de leur réalité au Ministère et des défis auxquels la communauté qu’ils représentent était confrontée et de ce qu’ils faisaient à ce sujet. Et ainsi, ces réseaux, le réseau des femmes, ont été très précieux et ont fait entendre leur voix sur une série de problèmes auxquels le Ministère est confronté. Je ne peux pas parler au nom de mes collègues sous-ministres, mais nos emplois, dans un certain sens, consistent à prendre les meilleures décisions possible, et nous ne pouvons pas le faire à moins d’avoir des informations complètes. Et je trouve que les réseaux de ce ministère aident à fournir cette information complète que nous pouvons ensuite utiliser pour essayer de prendre les meilleures décisions possible pour le Ministère. Vous avez bien fait d’avoir votre rôle dans le réseau des minorités visibles. Permettez-moi de changer un peu le sujet et de reprendre cette notion d’incertitude qui, comme vous l’avez dit toutes les deux, n’est pas nécessairement unique à ce ministère. Le temps où les gens quittaient l’école et entraient dans un endroit qui offrait un emploi à vie et où ils restaient pour la vie est probablement révolu depuis longtemps. Et les gens comme vous peuvent espérer avoir deux, trois carrières ou plus dans une vie. Si vous voulez toutes les deux rester au Ministère, j’espère que le Ministère pourra satisfaire à votre demande et vous offrir le genre de carrière que nos nombreux auditeurs ont eu. Mais si cela ne fonctionne pas pour quelque raison que ce soit, quelles autres choses envisagez-vous de faire, en considérant vos intérêts mutuels dans les affaires internationales?
Myriam Pineault-Latreille : Je dirais que ça dépend des journées. Certains matins, je me réveille et je veux juste ouvrir une boulangerie. Et vendre du pain.
Deena Allam : Je reçois ce genre de textos.
Myriam Pineault-Latreille : Mais sinon, plus sérieusement c’est sûr que le côté international je veux le maintenir dans ma carrière plus tard, si c’est pas justement au Ministère que c’est possible de l’atteindre, ben à ce moment-là, est-ce que ce serait dans une organisation internationale? C’est sûr que c’est ça aussi qui est un peu angoissant, c’est qu’il y a énormément de possibilités, et il y a tellement de différentes organisations et de structures partout, c’est comme…
David Morrison : Ouais, les ONG, les Nations-Unies…
Myriam Pineault-Latreille : Exactement, ça fait que c’est, j’imagine, à explorer et donc ça crée des fois certaines crises d’angoisse, parce qu’à la fois y’a comme pas de choix et trop de choix, ça fait que… Mais c’est sûr que c’est un volet international très important pour moi, puis avoir un impact. C’est à la fois dans l’organisation où je suis, mais aussi dans le monde. Je sais que c’est très cliché, peut-être aussi très, mais…
David Morrison : Il faut avoir ces objectifs. Et puis toi Deena?
Deena Allam : Ouais, je veux dire que je pense beaucoup à ... pour moi c’est très similaire et comme je veux vraiment avoir la capacité d’avoir un impact sur le monde pour façonner le monde dans lequel nous allons vivre. Je ne sais pas vraiment quelle direction cela va prendre. Définitivement l’international serait très intéressant. Je suis aussi une vraie intello et j’ai vraiment aimé l’école et je vais probablement retourner à l’école. De temps en temps, je me sens dans un état où je commence à regarder les programmes de doctorat et puis je me convaincs de laisser tomber parce que je veux avoir un peu plus d’expérience avant de retourner à l’école. Mais oui, je pense que ce sera certainement intéressant, mais je n’essaie pas vraiment de planifier, car je réalise que je ne peux pas vraiment planifier.
David Morrison : Je veux donc dire que je ne pense pas que ce que vous dites soit terriblement différent de ce que les gens des générations précédentes pouvaient avoir vécu. Je veux dire, je pense qu’il y a tout...
Deena Allam : Ouais, c’est un soulagement.
David Morrison : Je ne sais pas. Je veux dire que nous devons tous faire face aux cartes qui nous ont été distribuées, mais je pense que le genre de crises existentielles concernant la boulangerie ou les affaires étrangères sont des choses que certains d’entre nous subissent très régulièrement. Je vous encourage à parler à d’autres collègues, peut-être à des collègues un peu plus âgés, pour voir si leur carrière et leur processus de pensée sont aussi linéaires qu’ils puissent paraître de l’extérieur. Je parie que la réponse est non.
Myriam Pineault-Latreille : En fait, avec Prochaine génération, ce fut une excellente occasion d’écouter ces conseils ou chemins différents, comme si nous avions des gens qui disaient que oui, il n’y avait pas seulement un chemin. Peter McGovern nous a dit de bâtir notre carrière comme nous l’entendons. Nous avons eu ces conseils.
Deena Allam : Les petites astuces… et c’est vraiment génial d’entendre quelqu’un comme John Hannaford dire qu’il ne savait pas vraiment qu’il le faisait non plus et il était beaucoup stressé à l’époque. C’est un peu rassurant.
David Morrison : Tout le monde se sent comme ça. Je peux vous assurer que John et moi avons parlé de la façon dont nous avons pris les décisions que nous avons prises et que John a ... J’aurais dû le laisser nous le dire. Mais il a une bonne anecdote d’un été passé à conduire un camion de bière à Muskoka et, franchement, il était vraiment mauvais. Il a donc réalisé qu’il devrait faire ce qu’il fait de mieux, c’est-à-dire rester à l’école, et c’était évidemment un bon choix. J’étais menuisier et je n’étais pas très bon. J’ai donc rapidement appris à me concentrer sur ce que j’aimais faire et sur ce que je faisais bien. Une des choses que les affaires étrangères ont eu tendance à offrir au fil des ans, ou à Affaires mondiales maintenant, est la possibilité de changer d’emploi, n’est-ce pas? Plutôt que d’être dans le même travail pendant des décennies, vous pouvez, vous le savez, travailler dans le même domaine, mais travailler dans différents pays avec des capacités différentes.
Myriam Pineault-Latreille : Mais même à ça nous, c’est drôle parce qu’on en parlait justement l’autre jour à quel point. Je peux dire que tous les domaines nous intéressent. D’une certaine façon, vous savez. Parce que les jeunes justement on saute de terme en terme, ce qui fait en sorte que des fois, on va se retrouver dans un terme en « trade », un terme en développement, un terme en « policy ». Puis ça fait en sorte qu’on est peut-être le produit de l’amalgamation, dans le sens que moi je suis prête à avoir une carrière peut-être autant en « trade » qu’en développement, qu’en « policy ». On pense pas comme du monde de développement ou comme du monde de… en tout cas… Ça fait que…
Deena Allam : Mais je pense que c’est une considération sérieuse, non? Comme nous sommes ici et que nous sommes... nous existons dans un ministère qui est déjà intégré, donc nous n’avons pas une sorte de mentalité fragmentée. Et souvent, je lis des choses et je me demande pourquoi il n’y a pas comme un angle de développement dans ce type de document sur le FPDS...
David Morrison : Nous devrions faire de vous l’affiche d’enfants pour cela.
Myriam Pineault-Latreille : Oui, oui, exactement, c’est là que nous voulions que cette conversation aille.
David Morrison : Je veux dire qu’il y aura toujours une tension entre... et cela s’est produit lors de notre récente retraite sur les ressources humaines, mais la tension réside entre le besoin de spécialistes dans un monde qui exige de plus en plus de spécialistes. Pensez aux négociateurs commerciaux ou aux personnes qui sont à l’aise et qui excellent dans le travail avec des entreprises ayant des compétences différentes que celles requises pour travailler au sein des gouvernements. Pensez au contrôle des armes. Pensez à la santé dans le domaine du développement où l’expertise technique est requise. Mais alors, pensez à être dans une ambassade où, dans certains cas, vous devez, dans la même journée, faire du développement, faire du commerce, faire de la politique étrangère. Donc, nous ne résoudrons jamais celui-là. Je pense que le défi est de trouver un équilibre dans les effectifs. Eh bien, écoutez, merci d’être venu aux dossiers d’AMC.
Myriam Pineault-Latreille : Merci de nous avoir reçues.
Deena Allam : Oui, merci pour l’invitation.
David Morrison : Nous nous asseyons souvent et nous disons en quelque sorte que je ne sais pas ce que penseraient les milléniaux ou ce que penseraient les jeunes. Donc encore...
Myriam Pineault-Latreille : Sommes-nous décevants? C’est comme ça que nous pensons.
Deena Allam : Nous sommes vraiment excitées lorsque nous prenons l’ascenseur jusqu’au huitième étage. C’est comme ça que les milléniaux pensent.
Myriam Pineault-Latreille : Nous sommes excitées que vous ayez votre propre salle de bain.
David Morrison : Oui, nous avons eu une prévisite hier pour vérifier les choses. Donc, sincèrement, merci beaucoup pour être venues et bonne chance.
Deena Allam et Myriam Pineault-Latreille : Merci!