Transcription – Épisode 17 : Entretien avec Deborah Chatsis

David Morrison : Deborah Chatsis a eu une carrière dans le service extérieur pendant près de 30 ans. Elle a eu sept affectations, dont les deux dernières en tant qu’ambassadrice au Vietnam puis au Guatemala. Elle est récemment venue à Ottawa et s’est arrêtée à mon bureau pour parler de sa carrière, de son identité en tant que femme autochtone et de ce qu’elle a appris face à des défis personnels.

Bonjour, Deborah. Merci d’être venue. C’est toujours un plaisir de te voir. Nous avons tant de choses à discuter. Nous avons commencé notre carrière au service extérieur à peu près en même temps; je me souviens que tu étais une nouvelle avocate. Tu travaillais dans le secteur des affaires sociales, ce qui était en quelque sorte un euphémisme pour le travail d’agente d’immigration. Mais il y avait un recrutement conjoint. Tu as changé de domaine pour aller dans le secteur politique, ce qui était très rare. Je sais que tu as eu quelques expériences multilatérales; tu as été chef de mission à quelques reprises. Tu es une femme autochtone, ce qui est assez rare dans le Ministère aujourd’hui, mais qui était inhabituel lorsque nous sommes entrés au Ministère. Et tu es une personne dotée d’une résilience remarquable. Commençons par le début; tu as grandi en Saskatchewan.

Deborah Chatsis : Oui, ma famille, la famille de mes parents vient de la Saskatchewan. Mon père était originaire de la Première Nation Poundmaker, près de North Battleford, et ma mère appartenait à la nation Ahtahkakoop, près de Prince Albert.

David Morrison : C’est environ au centre nord.

Deborah Chatsis : Au centre de la Saskatchewan, oui.

Deborah Chatsis : Mon père s’est enrôlé dans l’armée et s’est finalement retrouvé à Chilliwack, et ma mère l’a rencontré là-bas. Donc, je suis née à Chilliwack alors qu’il était dans l’armée. Et ensuite, nous avons déménagé à l’intérieur de la Colombie-Britannique, puis en Saskatchewan lorsque j’étais en fin de quatrième année. Nous avons vécu à North Battleford pendant un certain temps, mais surtout à Prince Albert, et c’est à cet endroit que je suis allée à l’école secondaire. J’y suis d’ailleurs retournée, et c’est là que je vis maintenant, à Prince Albert. 

David Morrison : Comment était-ce à ce moment-là, lorsque tu y as grandi, et est-ce qu’il s’agissait d’une grande ville?

Deborah Chatsis : Prince Albert n’est pas une grande ville. À cette époque, je crois qu’il y avait environ 30 000 habitants, et maintenant...

David Morrison : C’est une ville de hockey; il y a une équipe de hockey junior.

Deborah Chatsis : Oui, les Raiders de Prince Albert sont populaires là-bas. Je crois que maintenant, il y a environ 35 000 ou 36 000 habitants. À l’époque, c’était une espèce de ville typique des Prairies, plutôt homogène et plutôt blanche.

David Morrison : Attirais-tu l’attention?

Deborah Chatsis : Oui, je sortais du lot. Il n’y avait pas beaucoup d’élèves autochtones à l’école secondaire que je fréquentais parce que c’était une petite école catholique. La plus grande école en comptait quelques autres parce que les élèves du nord descendaient et terminaient leurs études secondaires à Prince Albert. Mais c’était plutôt homogène, alors il est intéressant d’y retourner maintenant parce que je pense que la ville ressemble beaucoup aux autres régions de la Saskatchewan; c’est beaucoup plus diversifié. Vous pouvez vraiment voir les changements démographiques, et cela fait 30-40 ans. Il y a eu de vrais changements.

David Morrison : J’étais en vacances en Alberta la semaine dernière et le visage de l’Alberta rurale est tout à fait différent aujourd’hui. Il était blanc à 100 % lorsque j’y ai grandi. Il est maintenant sud-asiatique, africain, philippin – les changements sont très frappants. Quoi qu’il en soit, tu as des frères et des sœurs?

Deborah Chatsis : Oui, oui.

David Morrison : Tu viens donc d’une famille de combien d’enfants?

Deborah Chatsis : J’ai deux sœurs et un frère. Une sœur plus âgée habite à Prince Albert. Mon frère et mon autre sœur vivent à Régina avec leur famille.

David Morrison : Et ainsi, la jeune Deborah est partie, en quelque sorte, à la conquête du monde, et ses frères et sœurs ont choisi la Saskatchewan.

Deborah Chatsis : Oui, j’ai toujours voulu voyager quand j’étais enfant, et je pense que ce désir remonte à l’époque où mes parents vivaient en Europe alors que mon père était dans l’armée. Il a été posté en Allemagne pendant quelques années; j’ai donc grandi là. Il avait une malle de l’armée remplie de souvenirs d’Europe. À cause de cela, j’ai toujours voulu voyager au Canada, en Europe et ailleurs. Lorsque j’étais à l’université, j’ai commencé à étudier l’ingénierie parce que j’étais forte en mathématiques et en sciences, mais j’ai changé pour le droit.

David Morrison : As-tu eu l’intention de pratiquer?

Deborah Chatsis : Comme avocate?

David Morrison : Oui.

Deborah Chatsis : Oui, parce que j’avais un diplôme en ingénierie et un diplôme en droit. J’étais sur le point de travailler dans le domaine de la propriété intellectuelle. Je l’ai donc fait un peu, mais je me suis rendu compte, à partir du moment où j’ai voulu travailler à l’étranger, que je voulais faire quelque chose de différent et travailler pour le gouvernement. J’ai alors fait l’examen du service extérieur et j’y suis entrée à la fin de l’année 1989.

David Morrison : Oui. Nous étions à quelques mois d’intervalle seulement. Tu œuvrais dans les affaires sociales… Je suppose que cela n’existe plus, mais il y a toujours une cohorte FS à IRCC [Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada] et c’était ton ministère d’origine.

Deborah Chatsis : Oui. De novembre 1989 à l’été 1994, j’ai travaillé comme agente des visas à l’étranger pendant quatre ans. J’ai fait deux ans et demi à Beijing, un an à Bogota et un peu moins d’un an à Miami, où j’ai occupé divers postes. Pendant un an à Beijing j’étais strictement agente des visas. Je produisais des visas et faisait des tâches consulaires à ce moment-là. À Bogota et à Miami, j’ai travaillé en tant qu’agente d’exécution; il s’agit d’un emploi régional dans le cadre duquel on travaille avec les compagnies aériennes et les autorités de l’immigration.

David Morrison : Et tu t’es ensuite jointe au bureau juridique ici, qui était à ce moment-là le MAECI [ministère des Affaires étrangères et du Commerce international], je suppose?

Deborah Chatsis : Oui, je me souviens, c’est étrange, c’était incroyablement long. Oui, j’ai travaillé là pendant quatre ans. J’ai travaillé dans un domaine qui est maintenant le droit à l’ONU, je crois. J’ai fait du droit international humanitaire et du droit en matière de droits de la personne.

David Morrison : D’accord.

Deborah Chatsis : J’ai donc fait cela pendant quatre ans, et ensuite je suis allée à Genève pour quatre ans. J’ai travaillé pour notre mission à l’ONU pour les droits de la personne, puis en 2002, je suis allée à New York pour deux ans.

David Morrison : Où nous nous sommes croisés de nouveau. Juste avant d’aller en ondes, tu m’as dit que tu as eu sept affectations au total.

Deborah Chatsis : Oui.

David Morrison : En tout, je pense que cela pourrait être un record parmi les invités des Dossiers d’AMC. Donc, plusieurs postes multilatéraux… et tu as travaillé au Canada quelques fois. Est-ce qu’il y a quelque chose qui ressort, un lieu d’affectation préféré où tu as le plus appris?

Deborah Chatsis : Je pense que Beijing sera toujours un favori parce que c’était ma première affectation et c’était très intéressant d’y être à cette période alors que le pays s’ouvrait au monde et offrait beaucoup de…

David Morrison : Ce n’était pas longtemps après les événements de la place Tiananmen…

Deborah Chatsis : Oui, c’était un an après. C’était donc un poste exigeant parce que nous avions beaucoup de travail à la section des visas concernant le regroupement familial pour amener des familles au Canada. C’était donc un travail difficile, mais c’était un endroit vraiment intéressant où vivre, et ça m’a plu. J’aime le Vietnam. En partie…

David Morrison : Où tu étais chef de mission?

Deborah Chatsis : Oui, j’ai été là pendant trois ans, soit de 2010 à 2013. C’est un pays magnifique et les gens sont merveilleux, et c’était génial parce que c’était ma première expérience en tant que chef de mission. C’était vraiment excitant et j’ai beaucoup appris. J’ai vraiment aimé l’expérience, et j’avais une équipe formidable là-bas. La visite du gouverneur général, l’ancien gouverneur général, a été le point culminant de mon temps là-bas. C’était son premier voyage à l’étranger et c’était vraiment très excitant. J’ai aussi beaucoup aimé mon séjour au Guatemala.

David Morrison : D’accord.

Deborah Chatsis : Je pense que c’est probablement l’affectation où j’ai le plus appris parce que ce n’est pas l’endroit le plus facile à vivre, mais c’est un lieu intéressant pour travailler. Il y avait beaucoup d’enjeux politiques; il y avait des enjeux commerciaux et j’étais non seulement responsable des politiques commerciales à la base, de l’administration et des services consulaires, mais aussi du programme de développement.

David Morrison : D’accord.

Deborah Chatsis : Ce fut vraiment fascinant. J’ai beaucoup appris.

David Morrison : Tu te souviens bien sûr de la manière dont tu t’es retrouvée au Guatemala. Pour les auditeurs, le processus de nomination des chefs de mission est parfois moins scientifique qu.il ne le paraît. Nous avions besoin de… j’étais sous-ministre adjoint des Amériques à l’époque et les cartes avaient été mélangées. Soudainement, il y avait une ouverture au Guatemala et nous avons pensé à Deborah. J’ai été désigné pour faire l’appel, mais Deborah n’était pas disponible; elle voyageait quelque part en Asie.

Deborah Chatsis : J’étais au Pakistan.

David Morrison : Au Pakistan. Alors je l’ai rejointe et je lui ai dit : « Bonjour Deborah, c’est David. Aimerais-tu être ambassadrice au Guatemala? » Et elle a répondu qu’elle me rappellerait le lendemain, ce qu’elle a fait, et elle a heureusement accepté. Dans mes souvenirs, cela s’est passé très rapidement.

Deborah Chatsis : Tout à fait, oui.

David Morrison : Le Guatemala est un endroit qui compte probablement une population en majorité autochtone, ce qui en fait peut-être, avec la Bolivie, une des plus grandes concentrations d’Autochtones dans le monde. Comment le fait d’être une Autochtone d’origine canadienne a-t-il joué dans ton rôle d’ambassadrice du Canada au Guatemala?

Deborah Chatsis : Bien, je pense que c’était une façon utile pour moi d’amorcer la conversation avec les gens parce que je pouvais parfois partager de l’information sur ce qui se passait au Canada ou ce qui s’était passé, puis essayer de faire le lien entre les personnes au Guatemala et les personnes au Canada. Mais même à un niveau personnel, je pense que les gens l’ont vraiment apprécié. Je voyageais avec du personnel pour visiter des projets de développement du Fonds Chantiers Canada. Nous étions dans un petit village avec une population autochtone, et j’attendais de prononcer le discours que mon personnel avait préparé. Quelqu’un de l’ONU a parlé avant moi et a mentionné toutes les choses dont je voulais parler. J’étais comme… oh mon Dieu. J’ai alors simplement déposé mon discours et j’ai commencé à parler à ce groupe d’étudiants plutôt jeunes, majoritairement composé de filles. J’ai dit : « Je suis autochtone. Je viens d’une communauté en Saskatchewan et je comprends certains des défis en matière de développement et de développement de la communauté, et quelques-uns des défis familiaux et individuels. » C’était vraiment incroyable de voir à quel point je me suis rapprochée des gens; je pouvais le voir de la scène.

David Morrison : J’en suis certain.

Deborah Chatsis : À quel point j’ai établi une relation avec les étudiants et les membres de la communauté aussi. C’était bien d’être capable de faire cela.

David Morrison : As-tu des idées par rapport au rôle que le Canada joue, qui est déjà raisonnablement important, mais le rôle qu’il pourrait jouer dans les enjeux autochtones à l’échelle internationale? Je pense à la demande d’expertise canadienne dans toute la région des Amériques, particulièrement dans le secteur de l’extraction, mais aussi ailleurs dans les questions liées à la consultation et au consentement. Et franchement, dans le domaine du développement économique à lui seul, nous savons que nous avons de grands défis à relever ici au Canada. Mais le reste de l’hémisphère voit le Canada comme une sorte de modèle en termes de relations avec les communautés autochtones. Alors, compte tenu de ton expérience dans les Amériques, as-tu des idées?

Deborah Chatsis : Je pense que c’est vraiment un domaine d’expertise qui devrait être exploré un peu plus. Je veux dire que je pense que nous devons trouver plus de façons d’établir des liens entre le Canada et le Guatemala ou avec d’autres pays où il y a des populations autochtones. Tu as mentionné quelques-uns des enjeux propres au secteur minier et à celui de l’extraction. Eh bien, je pourrais continuer à parler du travail que nous réalisons sur la responsabilité sociale des entreprises, mais deux choses me viennent à l’esprit. D’abord, nous avons amené au Guatemala un collègue qui possède beaucoup d’expérience en consultation et qui travaille souvent en négociation avec des groupes autochtones, les provinces et le gouvernement fédéral. Il était en mesure de partager son expertise, ses leçons apprises. Et la chose qui m’a frappée quand nous parlions des consultations qui prenaient place au Guatemala c’est qu’elles sont incroyablement complexes et très difficiles. Mais il a fait valoir plusieurs fois qu’au Canada il y a plus de 300 consultations en cours en même temps. Alors je ne pense pas qu’on peut dire que nous avons trouvé la solution. Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont une expertise qui peut être partagée, mais pas nécessairement des employés du gouvernement fédéral.

Nous avons aussi amené une femme qui travaille dans les consultations au Nouveau-Brunswick ou en Nouvelle-Écosse, je pense, avec des groupes autochtones. Elle était fabuleuse parce qu’elle pouvait parler des négociations qu’elle avait menées à bien en partageant ses expériences avec les gens et en donnant des conseils sur la façon de gérer ce genre de consultation. Il y avait un autre domaine sur lequel nous nous sommes concentrés; c’était les systèmes juridiques autochtones parce qu’il y avait une proposition conceptuelle pour amender la constitution au Guatemala. Il y avait plusieurs propositions, mais la plus controversée était celle d’inclure une disposition qui reconnaissait les systèmes juridiques autochtones, qui cherchait à reconnaître en quelque sorte les systèmes juridiques traditionnels actuels. Nous avons donc amené un avocat de la Colombie-Britannique qui a pris la parole lors d’une conférence et parlé de l’expérience du Canada avec la reconnaissance du système juridique autochtone. Elle a démontré comment ce système fonctionne dans le cadre de la constitution canadienne actuelle.

David Morrison : Comment il pourrait coexister...?

Deborah Chatsis : Oui, et ce fut très bien reçu, mais c’est quelque chose qui a vraiment besoin d’être suivi sur une base continue.

David Morrison : Oui, au moins dans les Amériques, qui est la région que je connais personnellement le mieux. Il y a une forte demande pour le partage des leçons apprises sur ce que nous avons bien fait. Parle-moi ou parle-nous un peu plus de ton identité en tant que femme autochtone au sein d’Affaires mondiales Canada et de ses ministères prédécesseurs. J’ai mentionné au début qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes autochtones dans ce ministère. C’était très rare, encore plus rare lorsque tu es entrée au Ministère. Quelles sont tes réflexions 28 ou 30 ans plus tard au sujet de cet aspect de ton identité, et comment cette situation a-t-elle façonné ton expérience à Affaires mondiales Canada?

Deborah Chatsis : Bon, je peux dire que ça a toujours été le cas. Je veux dire que cette situation a toujours été une partie de qui je suis et une partie de mon identité. Je dis toujours que mon père nous disait tout le temps : « N’oublie pas d’où tu viens », ce qui veut dire n’oublie pas ta communauté, ta famille. N’oublie pas que tu viens de la Saskatchewan, ce genre de chose. Alors pour moi c’était une partie importante de mon identité, mais ce n’était pas nécessairement quelque chose sur lequel j’ai insisté.

David Morrison : Nous avons un plus profond sens de l’identité maintenant que nous avions auparavant, en termes d’identité personnelle.

Deborah Chatsis : Et je pense que la situation actuelle est différente. Tout comme les villages dans les Prairies ont changé. Je pense que le Canada a changé. Tu sais, une des choses que je défends depuis longtemps est que le service extérieur ou la place du Canada à l’étranger devrait refléter le Canada et les démographies changeantes du Canada en termes du nombre de peuples autochtones au Canada, mais aussi de gens provenant d’autres pays, ayant d’autres origines, possédant d’autres antécédents, pratiquant d’autres religions, etc. C’est drôle, je consultais mes papiers et j’ai trouvé des courriels et des documents sur lesquels j’ai travaillé avec du personnel il y a peut-être 15 ou 20 ans. J’essayais de les encourager à faire plus pour le recrutement, pas seulement en recrutant des personnes autochtones, mais en cherchant des façons de les garder en poste. Parce qu’il y a eu beaucoup de personnes qui se sont jointes au Ministère, mais elles ne sont pas nécessairement restées parce que le Ministère n’a pas toujours été le plus accueillant par rapport à la diversité. Donc…

David Morrison : Quels conseils donnerais-tu à un jeune Autochtone, homme ou femme, qui envisagerait de se joindre au Ministère aujourd’hui?

Deborah Chatsis : Eh bien, je dirais qu’il devrait considérer le poste comme tel parce que, mis à part l’enjeu de l’identité, c’est un emploi fascinant. Pour moi, ce fut une excellente carrière. J’ai été assez chanceuse d’avoir eu sept affectations et d’avoir été chef de mission à deux reprises. J’ai été capable d’accomplir beaucoup de travail à l’international sur les enjeux autochtones. Quand j’étais à Genève et à New York, j’ai participé aux négociations sur la Déclaration [des Nations Unies] sur les droits des peuples autochtones visant à établir un forum permanent et d’autres mécanismes. Je pense donc qu’il y avait des choses que je pouvais apporter à la table des négociations en tant que personne autochtone, des choses que certains de mes collègues d’origine différente ne pouvaient peut-être pas apporter. Je pense donc qu’il y a quelque chose que nous pouvons [apporter]…

David Morrison : Il y a la possibilité de faire progresser les choses…

Deborah Chatsis: D’y contribuer, oui.

David Morrison : Oui, bien sûr. J’ai mentionné brièvement dans l’introduction que tu es une personne très résiliente. Et je me rappelle très bien, je vais dire que c’était en 2002 ou en 2003, tu peux me corriger, que nous nous sommes croisés dans la rue à New York sur la Second Avenue, si je me souviens bien. Tu m’avais dit que tu étais malade et que tu avais un cancer. Tu t’en es sorti et tu as pris soin de toi pendant plusieurs années, mais c’était toujours à l’arrière-plan et c’est maintenant revenu. Tu es donc quelqu’un qui a dû surmonter des défis personnels extraordinaires. Peux-tu nous parler un peu de ces défis qui t’ont amenée récemment à quitter le Ministère plus tôt que nous l’aurions aimé? Peux-tu nous parler un peu de cette première expérience et de ton long combat contre le cancer, de la façon dont le cancer a changé ta perspective de la vie, des priorités et des relations avec ta famille, et comment cela t’a transformée?

Deborah Chatsis : Oui, j’ai eu le cancer pour la première fois en 1998; c’était un cancer du sein de stade 1. À cause de mon âge et de mes antécédents familiaux, ils l’ont traité de façon assez agressive. C’était, disons, en juin, juillet et août 1998. J’étais censée aller en affectation à Genève, mais à ce moment-là, j’étais déterminée à ne pas laisser le cancer changer ma vie. Alors j’ai fini par faire le traitement et déménager à Genève en même temps, et j’ai commencé un nouvel emploi. Tout cela en l’espace de trois, quatre mois. Et les gens à Genève étaient simplement fabuleux. Le chauffeur m’emmenait à mon rendez-vous de chimiothérapie et les gens étaient très compréhensifs; c’était bien. Cela s’est terminé en 1998. Ma famille a eu une longue série de problèmes de santé. Mes deux sœurs ont eu le cancer du sein immédiatement après moi, mon père a eu le cancer du poumon, et ma mère a eu le cancer des ovaires… et elle avait eu le cancer du sein auparavant.

David Morrison : Oui.

Deborah Chatsis : Nous avons donc eu comme une période de cinq ans marquée par le cancer, puis ma mère est décédée et mon père est décédé. Ce fut une période très difficile. À ce moment-là, j’étais à New York.

David Morrison : En réaffectation.

Deborah Chatsis : En réaffectation, oui. Et ensuite, j’ai eu une crise existentielle. À ce moment-là, je n’étais pas vraiment certaine de ce que je voulais faire, alors j’ai pris congé.

David Morrison : Tu as vraiment pris congé?

Deborah Chatsis : Non, je n’ai pas pris congé. Et c’est une des leçons que j’ai apprises; j’aurais vraiment dû prendre congé quand je suis tombée malade pour la première fois. J’aurais dû prendre congé pendant un an, puis consacrer mon temps à récupérer, à prendre des forces, plutôt que d’essayer de passer au travers parce qu’en fin de compte, c’est seulement un emploi, ça aurait pu attendre un an.

David Morrison : Bien sûr.

Deborah Chatsis : Ce n’était pas grand-chose, et j’aurais pu passer plus de temps avec ma famille parce qu’au final, ce qui est ressorti pour moi, c’est que la famille est incroyablement importante, et ils sont tous en Saskatchewan, et c’est pourquoi je suis retournée vivre là-bas.

David Morrison : Oui.

Deborah Chatsis : Oui.

David Morrison : Tu sais, tu as une histoire personnelle extraordinaire. Nous partageons cet attachement à l’ouest du pays, ce qui a toujours été spécial entre nous. Tu as fait une énorme contribution, dont une partie que tu as mentionnée en termes de travail multilatéral. Je sais, de nos amis communs de l’ONU, à quel point tu avais du succès en tant que chef de mission au Vietnam, et j’ai eu le plaisir de te visiter et de rester avec toi brièvement au Guatemala. C’est dommage que tu aies quitté le Ministère, mais tu as évidemment pris la bonne décision pour toi et ta famille en Saskatchewan. Nous te souhaitons la meilleure des chances.

Deborah Chatsis : Merci beaucoup.

David Morrison : D’accord.

Deborah Chatsis : D’accord.

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