Transcription – Épisode 21 : Entretien avec Alison LeClaire
David Morrison : Alison LeClaire s’est jointe, à la sortie de l’université, à ce qui était en 1987 le ministère des Affaires extérieures. Cette année-là, le volet politique comprenait Alison, une autre femme et 18 hommes. Récemment, j’ai eu l’occasion de discuter avec Alison de sa vie en tant que femme au sein du Ministère, ainsi que de ses nombreuses et passionnantes tâches, dont celle de directrice générale de l’Arctique, de la Russie, de l’Eurasie et bien d’autres choses encore.
Bonjour Alison, c’est toujours un plaisir de vous voir. Vous êtes en ce moment à la tête de ce que vous avez décrit, mais je crois être d’accord que c’est l’une des directions générales des plus intéressantes au Ministère puisqu’elle s’occupe des deux pays et… et le thème du nord de l’Arctique. Les pays sont non triviaux puisqu’ils incluent la Russie. Alors, j’aimerais comprendre. Vous êtes la... comment est-ce appelé? Vous êtes la directrice générale de…
Alison LeClaire : Mon titre complet est directrice générale des Affaires de l’Arctique, de l’Eurasie et de l’Europe.
David Morrison : D’accord, cela est long pour une carte professionnelle, mais nous y reviendrons. Je veux d’abord parler un peu de vous. Il y a certaines choses que je veux approfondir. La première est, avant de rejoindre le Ministère, je pense que vous n’aviez jamais voyagé et lorsque vous avez rejoint le Ministère, vous avez dit qu’il y avait seulement deux femmes dans votre classe d’officiers politiques, 20 personnes, deux femmes. Donc, ce sont deux choses sur lesquelles j’aimerais commencer. Mais revenons à Richmond Hill.
Alison LeClaire : Eh bien, laissez-moi débuter, David, par vous remercier de m’avoir invité. C’est un plaisir d’être ici. Oui, je suis impatiente de parler de… de la direction générale, mais effectivement lors de mes premières années, j’ai grandi dans une ville du nom de Richmond Hill qui était assez petite à l’époque, une ville du sud de l’Ontario. Toronto était la grande ville entourée de terres agricoles et…
David Morrison : Juste pour une divulgation complète, depuis plusieurs décennies, je pensais qu’Alison venait de Forest Hill et elle a dû me corriger sur la différence entre Forest Hill à Toronto et Richmond Hill en banlieue de Toronto.
Alison LeClaire : Ce qui, pour moi, était révélateur que David n’était pas de la région de Toronto parce qu’il le saurait très bien ... qu’il y a une toute différence entre Forest Hill et Richmond Hill. Richmond Hill est restée pendant de nombreuses années la partie non embourgeoisée de la région du 905. Mais comme je l’ai dit, c’était ... une petite ville où j’ai grandi et qui fait vraiment partie de la région du Grand Toronto. Je ne viens pas d’une famille qui a beaucoup voyagé. Nous avions les cousins américains habituels que nous visitions de temps en temps, mais vous n’aviez pas besoin d’un passeport pour le faire, alors...
David Morrison : Où étaient-ils?
Alison LeClaire : Principalement à New York, la région du Connecticut, en Nouvelle-Angleterre.
David Morrison : Donc, vous traversiez en voiture?
Alison LeClaire : Donc, nous traversions en voiture, oui. Je pense que le plus éloigné que nous sommes allés était Disneyland quand j’étais adolescente. Mon premier passeport était en fait rouge lorsque je suis entré au Ministère tout de suite après l’université. J’ai écrit l’examen dans ce qui était, vous savez, l’examen de recrutement traditionnel. Je l’ai fait lors de ma dernière année de baccalauréat, j’ai eu une offre d’emploi.
David Morrison : Qu’avez-vous étudié?
Alison LeClaire : Les Relations internationales, la science politique, les relations internationales. Ce sont des domaines très dominés par les hommes. Je ne crois pas que ce soit encore le cas, mais ce l’était certainement lorsque j’y étais. Particulièrement compte tenu de mon penchant pour les politiques de sécurité. Donc, beaucoup de gars parlant d’armes à feu et d’autres choses du genre.
David Morrison : La capacité d’emport des missiles.
Alison LeClaire : La capacité d’emport des missiles, et des diamètres. Beaucoup de millimètres. Je n’ai jamais vraiment compris ce que cela voulait dire. En aucun cas. J’ai ainsi eu l’offre d'emploi et le conseil à l’époque me disait que parce que je l’ai obtenu cette année, cela ne signifie pas que je l’obtiendrai à nouveau. Alors, même si j’avais vraiment l’intention de poursuivre mes études et d’obtenir ma maîtrise, c’était une occasion formidable. Une que je voulais, alors je suis partie à Ottawa.
David Morrison : Aviez-vous… connaissiez-vous Ottawa?
Alison LeClaire : Pas du tout. Non.
David Morrison : Et c’était à l’époque lorsqu’ils faisaient des choses intéressantes comme le tour à travers le Canada et… avez-vous participé à toutes ces bonnes choses?
Alison LeClaire : Non, selon la rumeur, à cause du mauvais comportement de quelques classes précédentes, la tournée à travers le Canada ...
David Morrison : À titre d’information, j’étais après Alison.
Alison LeClaire : Cela avait été suspendu et ne semblait pas être une bonne utilisation des fonds. Alors oui, malheureusement, je n’ai pas du tout participé à la tournée canadienne. En fait, je dois dire que l’un des aspects très intéressants de mon travail est de découvrir à quel point je découvre mon propre pays.
David Morrison : D’accord. Super. Alors vous... vous vous êtes jointe et comme toutes les personnes qui se s’ont jointes dans ces jours-là, vous vous êtes empressée de demander où vous alliez être affectée. Où était-ce?
Alison LeClaire : Ma première affectation a été au Brésil. Bien entendu, à ce moment-là, le CFSI ne passionnait personne. Notre formation était une orientation de deux semaines et ensuite ils nous ont mis dans des emplois de formation pour trois mois. J’ai donc passé mes trois premiers mois à la Direction des droits de la personne, puis au Groupe de travail sud-africain, ce qui donnait aux gens un aperçu de ce à quoi je m’étais jointe. Parce que l’apartheid existait encore. Et ensuite à la Direction de l’Amérique latine. Et donc, une affectation au Brésil était une suite assez logique. Mais si vous me le permettez, pour revenir à ce que vous m’avez demandé, David, au sujet de l’égalité entre les genres...
David Morrison : D’accord.
Alison LeClaire : Et le recrutement à cette époque. Ainsi, comme vous l’avez dit au cours de mon année, je pense qu’il y a eu 60 officiers embauchés, dont 20 dans chacun des volets du commerce et de la politique. Nous avions tous les quatre volets à ce moment-là. Il y avait donc un volet de l’immigration et un volet du développement. Mais mon ... donc dans les volets du commerce et de la politique, chacun avait 20 officiers et il y avait deux femmes dans chacun.
David Morrison : D’accord.
Alison LeClaire : Et puis, dans le volet de la politique, ma seule collègue est allée à sa première affectation et a rencontré un diplomate américain et a démissionné. Donc c’était oui c’était encore dans le temps ...
David Morrison : Donc, vous n’étiez plus qu’une. Et donc, parmi vous quatre dans ces deux volets, y en a-t-il encore au service à part vous?
Alison LeClaire : Nous sommes deux. Alors…
David Morrison : D’accord. Ainsi, vous êtes partie pour le Brésil. En ce temps-là, est-ce que la formation linguistique était offerte?
Alison LeClaire : Ah oui. Oui. J’ai eu une occasion de formation linguistique merveilleuse. J’ai fait du travail à temps partiel ici, mais après ils m’ont envoyé passer un mois à Rio de Janeiro. Je l’ai passé sur terrain d’un toujours actif…
David Morrison : Je pensais que vous alliez dire la plage de Copacabana, mais allez-y.
Alison LeClaire : Non, ce n’était pas sur la plage. C’était sur l’une des collines de Rio dans un couvent. C’était un couvent qui était devenu très actif dans le mouvement de la théologie de la libération. Mais il y avait sur le terrain du couvent un petit bâtiment qu’ils louaient à une école de langues. Nous étions au deuxième étage et j’ai appris le portugais au premier. Et puis j’ai passé un mois à parcourir Rio toute seule et à apprendre le portugais avec des missionnaires. C’était une expérience fabuleuse et une… et qui m’a permis de devenir vraiment à l’aise en portugais. Mais je pense, malheureusement, que ce n’est pas le genre de chose que nous faisons souvent, avec certaines exceptions avec les langues plus difficiles.
David Morrison : Oui, alors de là à São Paulo pour combien d’années?
Alison LeClaire : Non, Brasilia.
David Morrison : Brasilia.
Alison LeClaire : Brasilia pour deux ans, les premières affectations duraient deux ans. Une expérience fantastique à une époque où l’officier subalterne dans un poste comme celui-ci connaissait les affaires publiques, mais aussi les affaires consulaires, un peu de gestion. Nous avions alors un bon aperçu de la programmation.
David Morrison : Oui.
Alison LeClaire : Parce que nous avions les fonds d’initiatives locales.
David Morrison : J’aurais, je veux dire… dans ma propre expérience, qui a été un peu plus tard, mais dans le même genre d’emploi, j’étais à La Havane et la personne en politique subalterne et ma commission était troisième secrétaire et vice-consule.
Alison LeClaire : Exact.
David Morrison : Donc, vous aviez à faire avec des Canadiens en détresse. Vous aviez à faire toutes les affaires publiques. Vous deviez faire des rapports politiques, c’était une bonne façon de… d’exploiter ses intérêts quels qu’ils soient, mais aussi d’être forcé à…à apprendre les affaires du ministère. Qu’avez-vous fait quand vous êtes revenue?
Alison LeClaire : Je suis alors revenue pour me joindre à un autre groupe de travail sur la CNUED ou le Sommet de Rio. Donc, c’était le sommet sur l’environnement de 1992. Alors, j’ai travaillé avec Michael Small, qui a récemment pris sa retraite, et ce fut encore une bonne expérience de travail thématique, tout de même lié au Brésil, parce que le Brésil était l’hôte. Alors, en fait, je suis retournée au Brésil un an plus tard pour assister au sommet actuel et j’ai vu la Convention-cadre sur les changements climatiques signés par Mulroney, le premier ministre à l’époque et…et puis je suis demeurée avec la Direction de l’environnement. J’ai eu mon premier aperçu de l’Arctique avant que le conseil de l’Arctique soit formé, mais j’ai fait… fait quelques années sur les questions environnementales internationales. Et je suppose que c’est à ce moment-là que j’ai commencé mon parcours familial, ainsi que mon parcours professionnel, parce que j’ai quitté mon emploi pour avoir mon premier enfant. Est-ce que je devrais continuer avec mon cheminement professionnel.
David Morrison : Mais vous faisiez partie d’un couple de fonctionnaires, ce qui…ce qui amène…. Je veux dire, c’est une dimension intéressante. Je pense que lorsque j’étais célibataire au Ministère, nous pensions tous que les couples fonctionnaires avaient compris, parce que vous…la question du conjoint qui voyage à un niveau subalterne ne s’appliquait pas vraiment, c’était plutôt les couples qui pouvaient se faire…pouvaient se faire affecter. Vous avez un enfant ici, et puis vous…vous avez eu un enfant lors d’une affectation, je pense, aussi.
Alison LeClaire : Oui. Alors je oui, j’ai fait partie d’un couple de fonctionnaires. Comme j’avais été avertie, pendant les premiers mois au Ministère, si vous alliez marier un collègue, il fallait s’assurer que c’était quelqu’un d’un niveau différent. Donc, c’était certainement un de ces… maintenant je pense que le problème est devenu un peu plus courant une fois que le Ministère a réellement commencé à embaucher plus de femmes, ce qui… je pense, s’est établi par le temps que vous vous êtes joint. Cela a sauté très…très vite, à peu près à 50/50. Et puis, l’Institut canadien a été créé. Mais quoi qu’il en soit, ma situation de couple n’était pas avec un collègue rotationnel, mais avec un collègue non rotationnel. Cela arriverait de plus en plus au sein du Ministère, donc je ne dirais pas que c’était « tout prévu ».
David Morrison : D’accord.
Alison LeClaire : Parce que les deux en affectation n’était pas…
David Morrison : N’était pas clair.
Alison LeClaire : Cela a fini par bien se fonctionner, parce qu’il… il s’est concentré sur le commerce et la politique commerciale et j’étais du côté politique, donc c’est devenu effectivement, je suppose, deux rotations.
David Morrison : D’accord, d’accord.
Alison LeClaire : Alors… alors oui. J’ai donc eu un bébé à Ottawa. J’ai eu deux bébés à Ottawa et puis nous sommes partis pour la Suède et j’ai eu un bébé là-bas. Je n’étais pas vraiment en congé sans solde lorsque j’ai eu un bébé en Suède, donc je n’étais pas une pionnière comme l’étaient d’autres collègues, car, vous savez, il n’y avait pas beaucoup de femmes dans le service extérieur—ni d’enjeu politique à ce sujet.
David Morrison : Quand quelqu’un a un bébé.
Alison LeClaire : Avec le congé de maternité
David Morrison : Oui, certainement.
Alison LeClaire : Alors le congé de maternité, mais ensuite la garderie. Et en particulier dans un pays comme la Suède, ce n’est pas l’endroit où il y a le plus de gardiennes. Et pour celles d’entre nous, qui, à l’époque j’avais passé un an à travailler, la question des garderies était vraiment, vraiment difficile, car en Suède, ils ont des garderies comme nous avons d’écoles. Ainsi, c’est… ce n’est pas un problème pour la mère. Vous choisissez de retourner au travail pour des raisons qui ne sont pas en lien avec le coût ou la disponibilité de la garderie. Mais, vous savez qu’aucune expérience n’est perdue. Et je crois qu’en racontant cette expérience aux Relations de travail ou non, plutôt aux personnes des négociations collectives, a contribué certainement à ce que le Ministère a fait désormais pour établir ce cadre stratégique.
David Morrison : Je veux dire, c’est extraordinaire de repenser à comment cela a dû être difficile d’ajouter des choses à l’ordre du jour, alors que probablement la majorité des cadres supérieurs étaient des hommes, et ils ont embauchés 2 femmes sur 20, dans chacun des deux volets d’embauche importants pendant votre année. Avez-vous eu le sentiment de faire partie d’une petite cohorte de femmes avec qui vous étiez? Maintenant, il y a le réseau des femmes et elles… elles mettent des choses à l’ordre du jour. Aviez-vous connaissance d’être une pionnière à ce moment-là? Est-ce qu’il y a quelque chose que vous préconisiez?
Alison LeClaire : C’est une question difficile à répondre, parce que je pense qu’à ce moment-là, c’était étourdissant. C’était comme aller de haut en bas. Donc dans mes années c’était très bas, mais nous avions quelques années avant nous. En 1982, il y a eu un énorme recrutement et j’avais entendu qu’il y avait un groupe de femmes qui avait un peu laissé tomber et qui n’était pas vraiment actif lorsque je m’y suis jointe. Je dirais deux choses. Je dirais que non, nous n’avions pas connaissance que nous étions des pionnières. En fait, nous ne faisions que notre meilleur pour nous adapter. Nous voulions avoir du succès dans le statu quo. Donc, l’idée qu’il y ait quoi que ce soit de systématique ou…
David Morrison : Une autre façon de faire les choses.
Alison LeClaire : Non, et lorsque j’y repense, et je crois vous l’avoir mentionné… mentionné plus tôt, un collègue de l’une de mes premières affectations, où il était directeur adjoint, lorsque l’enjeu était soulevé par rapport aux femmes dans le… dans le Ministère, il disait : « Vous savez, ce n’est pas que le Ministère n’essaie pas de recruter des femmes ni de les promouvoir, c’est juste qu’elles se joignent, elles se marient, ont ensuite des enfants et quittent. » Et cela serait une remarque offensante aujourd’hui. C’était une remarque, et bien sûr que je l’ai affronté, mais non dans le sens que cela était quelque chose de symptomatique, ce n’était simplement pas correct dans le système. Je dirais donc que ceci est un exemple de votre besoin d’avoir une masse critique et que cette masse critique a commencé à se bâtir quelques années plus tard. En même temps, je dirais aussi que j’ai l’impression d’avoir demandé des choses inhabituelles au Ministère et je n’ai jamais senti de résistance. Au contraire, je dirais, par exemple, qu’après mon deuxième enfant, je voulais travailler à domicile. C’était avant l’Internet. Et non seulement ils ont dit oui, ils ont sont venus me préparer et installer les câbles, comme cela je pouvais travailler de la maison avec le… le tout, c’était un équipement assez complexe.
David Morrison : Tu étais où? À Stockholm?
Alison LeClaire : Non, c’était quand je…je suis revenue au travail suite à mon premier enfant, je suis ensuite allée travailler en dotation en tant qu’agente d’affection, et ensuite j’ai quitté pour avoir mon deuxième enfant. J’avais prévu prendre une année sabbatique, même si c’était seulement six mois à l’époque. Et ils… ils avaient besoin que quelqu’un revienne, et j’ai dit que je le ferais, mais je ne voulais pas revenir à temps plein. Et comme j’ai mentionné, j’ai proposé des arrangements de travail flexible qui me permettrait de travailler de la maison et ils m’ont encouragé. Je veux dire, ils cherchaient des initiatives comme celles-ci à l’époque.
David Morrison : Bien sûr. Je veux dire que c’est intéressant comment… comment le progrès se produit et c’est bon de savoir que ces personnes ont été accommodantes, mais vous savez sans doute que le réel progrès ne se produit pas tant que les masses critiques… ont été atteintes. Nous allons aller de l’avant. Vous étiez donc à Genève pour quelques années, vous êtes revenue, vous… vous étiez la secrétaire générale et peut-être vous pouvez nous en donner un aperçu et je voudrais poursuivre sur votre travail… sur l’Arctique et sur la Russie puisqu’il y a certains grands dossiers. Mais parlez-nous rapidement de votre travail de secrétaire générale.
Alison LeClaire : Alors, secrétaire générale. Je suppose que ce n’est pas un emploi pour tout le monde. Cependant, c’est certainement un sujet qui me plaît particulièrement parce que c’était une période intéressante. Je l’ai pris en 2014. Donc, deux ans après, un an après la fusion et ensuite une élection.
David Morrison : Une élection, oui.
Alison LeClaire : Et gérer une transition. C’était fascinant, mais vous travailliez avec des processus ministériels, faire fonctionner la machine… mais avec beaucoup de temps de qualité avec les sous-ministres et la haute direction du ministère. Vous aviez donc un excellent…
David Morrison : Ça permet de voir des deux côtés.
Alison LeClaire : C’était une excellente vue générale et… et une occasion de contribuer aux discussions politiques que vous n’auriez pas autrement. Donc c’était… une occasion intéressante je dirais, comme tout emploi aux affaires ministérielles, cela vous donne une expérience que vous… vous utilisez puisque vous avez une compréhension approfondie du fonctionnement du Ministère.
David Morrison : Pour les auditeurs qui ne comprennent pas ce que fait le secrétaire général et comment c’est vital. Toutes nos notes de breffage, l’AIPRP…
Alison LeClaire : La correspondance ministérielle
David Morrison : La correspondance ministérielle, je veux dire c’est vraiment…
Alison LeClaire : Le cabinet.
David Morrison : Toutes les affaires du Cabinet. C’est vraiment la salle des machines. Et cela se répète à travers la ville, chaque ministère doit avoir un secrétariat des affaires ministérielles pour…pour… pour s’occuper des affaires quotidiennes, surtout pendant la synchronisation avec la ville. Mais après ça, la Russie et l’Arctique.
Alison LeClaire : Oui, la Russie et l’Arctique, la création de la direction générale, parce qu’elle n’existait pas avant à mon arrivée. C’était la décision du sous-ministre, monsieur Shuggart de déplacer la fonction de l’Arctique du secteur responsable des questions de politique stratégique pour rejoindre la fonction où le secteur responsable pour les questions de l’Europe et d’avoir, encore une fois, deux directeurs généraux responsables pour les questions géographiques par rapport à l’Europe. Donc, la Direction la plus facile en termes de division de l’Europe était la plus vieille que nous utilisions pour l’Europe de l’Ouest et de l’Est. Donc…
David Morrison : En fait, ce n’est pas une direction illogique en ce moment compte tenu de certaines tendances politiques.
Alison LeClaire : En effet. Je veux dire, vous avez une adhésion à l’UE, ce qui rend le côté de l’Europe de l’Ouest très important.
David Morrison : Prédominant, oui.
Alison LeClaire : Oui. Alors… alors je suis devenue la directrice générale de cette direction générale hybride que je décris parfois comme d’interrupteur à bascule. Le travail thématique multilatérale de la direction de l’Arctique et la géographie, pas seulement la Russie, mais aussi de l’Ukraine, qui, bien sûr, est une priorité majeure pour nous. Nos relations avec la Turquie, un acteur mondial très intéressant comme l’Asie centrale, où plusieurs choses intéressantes se passent, et très récemment, dans un effort d’égaliser le travail, en plus des synergies opérationnelles que j’ai eu dans les relations bilatérales avec les pays nordiques.
David Morrison : D’accord. Dites-nous pourquoi. Pourquoi l’Arctique est important pour les relations internationales du Canada en politiques étrangères et voyez-vous cette importance grossir? Est-ce que vous, je veux dire, je parierais que la majorité des personnes au Ministère n’en savent pas beaucoup sur ces enjeux. Comment cela est-il différent des autres parties du monde et des autres partenariats que nous avons? Je pense que c’est l’un des seuls endroits où nous collaborons pleinement avec la Russie, par exemple.
Alison LeClaire : Oui, c’est absolument vrai. Je commencerais par dire que l’Arctique est une région où le Canada joue un très grand rôle et nous ne devrions pas sous-estimer cela. 25 % de l’Arctique nous appartient, et cela signifie que nous avons automatiquement une position de chef de file lorsque nous discutons des enjeux internationaux en Arctique. L’Arctique lui-même, en effet, gagne de plus en plus d’attention à l’échelle mondiale à cause de cette anticipation que ses ressources soient plus accessibles. Donc, vous avez la perspective de concurrence mondiale dans cette partie du monde qui change rapidement et qui est fondamentalement fragile.
David Morrison : Fragile écologiquement?
Alison LeClaire : Écologiquement.
David Morrison : D’accord.
Alison LeClaire : Absolument. Alors, cela signifie que la concurrence mondiale doit être gérée très attentivement. Et nous jouons un rôle important dans… dans cette compétition, cette géopolitique en tant que priorité ou intérêt géopolitique de l’Arctique monte au premier plan. Le Canada est, en raison de sa géographie, un acteur très important. Et j’aimerais ajouter que, pour nous, c’est un point névralgique parce que les communautés qui y vivent sont majoritairement autochtones, en particulier dans l’est.
David Morrison : Oui.
Alison LeClaire : Donc, pour ce gouvernement en particulier, je dirais qu’avec son programme de réconciliation, notre position sur des enjeux en Arctique, notre engagement au sein du Conseil de l’Arctique est importante mondialement et localement.
David Morrison : Et localement.
Alison LeClaire : En même temps, comme vous le dites, il y a une… une convention qui demeure, nous collaborons, nous travaillons ensemble avec tous nos partenaires circumpolaires afin de maintenir l’Arctique comme zone de paix, de stabilité et de coopération. Et cela inclut la Russie.
David Morrison : Exact.
Alison LeClaire : C’est donc l’un des rares enjeux pour lequel nous cherchons encore à collaborer avec la Russie.
David Morrison : Alors, est-ce une exagération de mentionner que le changement climatique et… les impacts environnementaux du changement climatique ont fait… ont rendu plus visible au monde qu’il y a de l’argent à faire dans l’Arctique et c’est ce qui suscite un certain intérêt géopolitique? La Chine, par exemple, je me demande, lorsque je vois, ou lorsque nous voyons des photos de navires de différents pays faire sentir de plus en plus leur présence là-haut, si c’est quelque chose dont nous devrions nous réjouir, nous inquiéter?
Alison LeClaire : Bien, cela dépend de votre position… votre position dépend de… quelle est l’expression? Votre position dépend de votre rôle.
David Morrison : Dépend de votre rôle.
Alison LeClaire : Donc, en réponse à votre… votre question principale, absolument, c’est le changement climatique qui est un facteur clé et le réchauffement de l’Arctique et la fonte des glaces. L’impact de cette situation n’est donc pas entièrement prévisible, mais les Chinois, par exemple, ont publié une politique sur l’Arctique qui s’étend de 80 à 100 ans, qui prévoit un Arctique navigable, tant au-dessus de la Russie qu’à travers du Canada, en plus d’une perspective de pêche commerciale en haute mer dans ce que l’on appelle le trou de beigne, au sommet. C’est donc cela... la concurrence est due à la fonte des glaces.
David Morrison : Tout à fait. Tout à fait.
Alison LeClaire : Oui, mais qu’il s’agisse de l’Arctique canadien en particulier, vous savez, le changement climatique est imprévisible. La glace est peut-être en train de fondre, mais cela ne donne pas nécessairement une mer navigable. C’est… notre engagement international dans l’Arctique qui est motivé par la nécessité de maximiser les occasions et d’atténuer les risques, particulièrement pour ceux qui y vivent.
David Morrison : Également, ce n’est pas comme si les diplomates d’Affaires mondiales n’ont pas grand-chose à faire, mais vous venez de souligner que l’Arctique est une région en pleine croissance, et ces tendances persistent sur le plan environnemental pour les communautés autochtones, qui, bien sûr, n’ont jamais fait attention historiquement aux frontières nationales. Il y a donc un angle national, un angle international, un angle de ressources, un angle géopolitique. Je parie que vous n’allez pas manquer de choses à faire d’aussitôt.
Alison LeClaire : Absolument pas, absolument pas. Non, mais c’est… c’est, je pense que c’est l’un des emplois les plus intéressants du Ministère en ce moment et vous savez, je viens tout juste de revenir d’Iqaluit, je suis revenue hier, et vous savez, c’est une communauté en pleine croissance et animée qui veut profiter de l’économie moderne, mais qui veut conserver son mode de vie. Ils ne veulent pas que l’Arctique ne soit plus l’Arctique. Alors oui, faire cela dans un temps de changement très rapide et imprévisible est… est un immense défi.
David Morrison : Merci beaucoup. Ce fut formidable et j’ai hâte d’entendre à un moment donné comment ce défi sera relevé.
Alison LeClaire : Merci. Merci.