Transcription – Épisode 30 : Entretien avec Sandra McCardell et Sarah Taylor

John Hannaford C’est un plaisir énorme d’avoir l’occasion de parler aujourd’hui avec nos deux championnes de femmes pour notre ministère : l’ancienne et l’actuelle championnes, Sarah Taylor et Sandra McCardell. C’est un réel plaisir d’avoir la chance de discuter et de réfléchir un peu au travail que nous faisons collectivement sur les questions d’égalité des genres au Ministère, et de vous entendre, Sarah, parler de votre expérience en tant que championne, et Sandra, de vos intentions en tant que championne, et de voir comment nous pouvons continuer à travailler ensemble sur ces enjeux.

Peut-être je peux commencer avec vous, Sarah, et vos expériences comme championne. Quels étaient vos priorités et vos accomplissements comme championne?

Sarah Taylor Merci beaucoup, et c’est vraiment un plaisir pour moi de pouvoir en parler avec vous deux aujourd’hui. Alors, parce que je dois dire que c’était – bon, ce n’était pas mon vrai job, si vous voulez, mais c’était quelque chose –

John Hannaford non, c’est un vrai job… –

Sarah Taylor Que j’ai beaucoup, beaucoup aimé faire et c’était une des parties les plus intéressantes en fait du travail que j’ai fait. Alors, c’est, disons, il y a un aspect formel au rôle. On est le représentant, si vous voulez, des sous-ministres, pour pouvoir appuyer l’équité entre les genres au Ministère et, en tant que ça, on siège sur le comité d’équité en emploi au Ministère. Et je fais partie, je faisais partie aussi du nouveau Conseil sur la diversité qu’on a établi. Et on agit à titre officieux comme le président du Réseau des femmes. Donc, il y a tous ces aspects, mais, en plus de ça, il y a un aspect plus informel, si vous voulez, qui était de travailler avec un groupe fantastique de volontaires pour faire des événements, des activités, etc. Et on a, on avait, quand j’ai quitté, à peu près plus que 1 100 volontaires membres du réseau.

John Hannaford Fantastique!

Sarah Taylor Donc, c’est beaucoup de monde et on a pu accomplir des choses fantastiques. Deux dont, je dois dire, je suis la plus fière : c’est le fait qu’on a fait une exposition, une vraie exposition qui était ici, au 125 [Sussex], mais aussi une exposition virtuelle. Cette exposition, intitulée Legacy of Leadership, porte sur les femmes canadiennes qui ont fait des contributions importantes sur la scène internationale. Pas nécessairement des diplomates, mais simplement des femmes qui ont contribué à l’échelle mondiale parce que nous voulions présenter ce à quoi ressemble les rôles de leadership que les Canadiennes ont joué. Une autre grande réalisation, dont je suis très heureuse, c’est que nous avons obtenu, pour la première fois, une salle dans l’édifice Pearson [125, promenade Sussex, Ottawa] qui porte le nom d’une femme. Donc, au cas où quelqu’un n’était pas au courant, vous le savez, maintenant. Si vous allez au neuvième étage, dans la tour A, l’aire de réception là-bas s’appelle dorénavant la salle Margaret Meagher. Cette pièce porte le nom de Margaret Meagher, qui a été la toute première femme canadienne cheffe de mission, c’est une diplomate de carrière très distinguée. Vous pouvez aller au neuvième étage, j’encourage les gens à le faire, et à lire sur sa carrière. Je suis donc ravie que nous ayons pu accomplir tout ça pendant mon mandat de championne.

John Hannaford C’est formidable, félicitations. Et, Sandra, vous prenez maintenant la relève de ce rôle auguste, où vous voyez-vous dans l’avenir... que cherchez-vous à accomplir?

Sandra McCardell Je profite certainement du fait que j’ai eu deux excellentes championnes avant moi : Sarah Taylor et Angela Bogdan, avant elle. Donc, mon premier objectif est manifestement de tirer parti de l’incroyable héritage qu’elles m’ont laissé. Je parle non seulement du travail accompli au Ministère pour attirer l’attention sur la nécessité de faire avancer la cause des femmes, mais aussi du travail qu’elles ont fait pour répondre aux exigences relatives à l’équité en matière d’emploi et autres choses du genre. Je pense que, ce qui est particulièrement impressionnant, et Sarah vient de le mentionner, c’est d’avoir un Réseau des femmes comptant plus de mille personnes. Je pense que c’est incroyable. Alors, il faut d’abord s’appuyer sur cet héritage solide, c’est le premier objectif. Pour le deuxième objectif, la question que je dois me poser est la suivante : « Qu’est-ce que les femmes veulent que je défende? » Je pense qu’il est important de tenir compte de tout ce qui a été fait jusqu’à présent, des gens qui font partie du réseau et des gens qui pourraient faire partie du réseau; quelles sont, selon eux, nos prochaines priorités? Donc, je suppose que, ce qu’il faut faire, c’est écouter. Personnellement, je m’intéresse vraiment au leadership des femmes, et beaucoup a été fait à cet égard, mais je pense que je suis consciente du fait que, lorsque je suis arrivée dans ce ministère, il n’y avait pas beaucoup de femmes que nous pouvions prendre comme modèles, pour nous aider à comprendre à quoi ressemble le leadership au féminin. Le leadership des femmes diffère légèrement de celui des hommes, et je m’intéresse à ce à quoi ressemble ce leadership et à la façon d’encourager un leadership et une autorité qui sont naturels et qui s’appuient sur les forces des femmes au sein du personnel. L’autre chose sur laquelle j’aimerais me pencher est de m’assurer que nous tenons compte de tous nos groupes professionnels. Si on y pense, tout tourne beaucoup autour des FS [Service extérieur] dans ce ministère, parce que c’est le plus grand groupe professionnel, mais il y a d’autres groupes comme le CS [Groupe de la gestion des systèmes d’ordinateurs], pour lequel nous n’atteignons pas les objectifs, alors je veux m’assurer que nous incluons tout le monde. Une dernière chose pour finir, parce que j’ai passé beaucoup de temps dans les missions, je sais que la structure des missions est évidemment très différente, avec les employés recrutés sur place [LES], mais je veux m’assurer que le genre d’énergie que nous apportons, pour faire en sorte que les femmes aient accès aux possibilités qu’elles devraient avoir tout au long de leur carrière, fait que nous nous conduisons de cette façon avec les femmes recrutées sur place.  

John Hannaford Oui, en fait, cela m’amène à vous poser une question, à toutes les deux. Je pense que l’une des choses inhabituelles, au sujet de notre ministère, c’est que nous avons une empreinte dans le monde entier. Ce n’est pas unique, d’autres organisations ont une représentation à l’internationale, mais, vous savez, c’est une caractéristique réelle de notre vie commune, et vous avez toutes les deux passé pas mal de temps en mission, et vous avez collaboré avec l’administration centrale à partir d’ici et d’ailleurs. Je m’intéresse un peu à la façon dont cette réalité du Ministère façonne le travail de la championne des femmes.

Sarah Taylor Je pense que cela ajoute certainement des défis organisationnels parce que, comme vous pouvez le voir, une partie de ce que nous faisons consiste à organiser des événements, des activités et autres qui encouragent les femmes, et pas seulement les femmes, en fait, parce que le réseau et les activités sont censés porter sur l’égalité des genres, ce qui profite à tout le monde. Donc, lorsque nous organisons ces activités et ces événements, ils sont souvent, toujours, en fait, davantage axés sur l’administration centrale. Il y a donc un défi à relever et nous y avons travaillé, mais je pense que nous pouvons toujours faire plus pour essayer d’intégrer davantage les missions. Dans la mesure du possible, chaque fois que nous organisons un événement ou une activité, nous nous assurons toujours que les gens peuvent au moins participer par téléphone, pour que les missions puissent savoir ce qui se passe. Nous avons également constaté que certains membres du réseau, les plus actifs, ont fait du bon boulot pour également organiser des événements régionaux ou dans les missions. Chaque année, l’un des grands événements que nous organisons conjointement avec le réseau des minorités visibles est une activité de mentorat éclair. De plus, certains des membres les plus actifs de notre réseau ont organisé, une année, par exemple, leur propre activité de mentorat éclair dans les missions européennes. C’est donc quelque chose que j’espère vraiment que nous allons continuer de voir de plus en plus. Maintenant que je pars en affectation dans une mission, c’est vraiment quelque chose que j’espère pouvoir faire aussi, apporter davantage ce genre d’enthousiasme dans la mission. Un autre aspect dont Sandra a déjà parlé, c’est que le personnel recruté sur place représente un défi supplémentaire et, si je me souviens bien, je pense en plus que la majorité de nos employés recrutés sur place sont des femmes. En mission, vous devez composer avec des différences sur les plans des postes occupés et de la culture. Il y a beaucoup de différences, ce qui pose des défis supplémentaires à relever pour assurer un milieu de travail sain et équitable et des possibilités de leadership pour les femmes et pour tout le monde, y compris notre personnel recruté sur place.

John Hannaford Par ailleurs, nous tirons également des leçons d’autres contextes, il y a un certain nombre d’autres Services extérieurs qui se sont penchés sur l’égalité des genres de diverses façons très inspirantes. J’étais en affectation en Scandinavie. Les pays scandinaves se sont vraiment attaqués à l’égalité des genres et ont fait d’énormes progrès dans ce domaine, et je crois que nous avons appris de ces pratiques.

Sarah Taylor Absolument, et, Sandra, je ne sais pas si vous avez remarqué la même chose parce que vous êtes revenue récemment d’une affectation à l’étranger.

Sandra McCardell Écoutez, je pense qu’il y a deux autres choses qui comptent de l’expérience en mission, en plus de ce que Sarah disait. Je pense que nous faisons un excellent travail en ce qui concerne l’analyse comparative entre les sexes, et je pense que certains des obstacles qui empêchent les femmes de progresser dans leur carrière peuvent être liés au fait que nos affectations fonctionnent par rotation. Parfois, il s’agit d’avoir accès à un réseau parce qu’on est isolé, il peut s’agir par exemple d’avoir accès à de la formation parce qu’on est à l’étranger et que c’est difficile à obtenir, et parfois il s’agit simplement de la nature du travail qui peut exercer différents types de stress sur les hommes et sur les femmes dans les familles. Alors, je pense qu’il y a beaucoup de choses à considérer à ce sujet, et que nous devons examiner ce que la vie en mission signifie pour l’égalité des genres au sein du Ministère. L’autre chose importante, c’est ce dont vous avez parlé, c’est-à-dire les excellents exemples desquels on peut s’inspirer. Donc, il y a quand même beaucoup d’aspects positifs à observer dans les missions. Je reviens tout juste d’Afrique du Sud, où je suis restée pendant quatre ans. La constitution de ce pays est remarquable, l’un des quatre préambules énonce qu’il s’agit d’un pays non sexiste. Cela ne signifie pas que tout le monde a atteint ses objectifs, mais il y a des pays qui travaillent très dur pour mettre les femmes sur un pied d’égalité avec les hommes. C’est pourquoi, lorsqu’on est à l’étranger, on peut tous apprendre de ces meilleures pratiques et échanger les nôtres, mais on peut aussi ramener chez nous les meilleures pratiques de l’autre pays.

John Hannaford C’est vrai, en effet. D’ailleurs, de quelles façons les gens peuvent-ils contribuer, maintenant? Vous avez discuté un peu de réseaux pour les enjeux concernant le genre. Quelles sont les autres occasions pour faire une contribution?

Sarah Taylor Je crois que, si j’avais un message principal pour les gens qui nous écoutent, ce serait de dire que, bien qu’on ait fait beaucoup de bonnes choses, il nous reste encore énormément à faire. Je crois que le point de vue politique étrangère, etc., on est vraiment un chef de file avec une politique féministe. Mais, il faut quand même regarder nos chiffres à l’interne. Sur le plan de l’équité en matière d’emploi au sein du Ministère, ce sont encore les femmes qui font l’objet du plus grand écart. Selon les statistiques sur l’équité en matière d’emploi, nous avons environ 160 femmes de moins que ce que nous devrions avoir et, de ce nombre, 120 devraient occuper un poste de FS. Force est de constater que nous avons toujours un problème à régler. Je sais que le ministère des Affaires mondiales [Canada] se considère généralement comme une organisation très solide et très performante et, bien sûr, à plusieurs égards, nous le sommes. Cela dit, si on regarde les statistiques pour l’ensemble du gouvernement du Canada, nos résultats sont de fait plutôt médiocres. Je ne sais pas pour les autres, mais, pour ma part, ayant travaillé de nombreuses années dans ce ministère, je ne veux pas que nous soyons médiocres.

John Hannaford Absolument, je suis tout à fait d’accord avec cela –

Sarah Taylor Je veux que nous soyons en tête de peloton sur ce point aussi, et pas seulement pour que nous puissions dire « hé, regardez les statistiques, nous avons comblé notre écart », mais bien parce que tout indique que les organisations les plus diversifiées affichent les meilleurs rendements. Il s’agit donc de nous rendre meilleurs. D’ailleurs, j’ai déjà informé la pauvre Sandra de toutes sortes de projets où je vois d’autres possibilités, des choses que nous avons commencées pour lesquelles nous pouvons faire beaucoup plus, par exemple en examinant nos propres processus internes et en travaillant avec tous nos collègues pour essayer de faire avancer les choses. Je pense qu’un grand pas en avant dans ce domaine a été fait il y a quelque temps, en partie grâce aux encouragements et au lobbying du Réseau des femmes, lorsque Francis Trudel, en tant que chef des RH, s’est engagé à ce que tous les processus des RH du ministère fassent l’objet d’une analyse comparative entre les sexes. Alors, on commence avec ça. On commence déjà à voir les résultats, mais ce n’est pas facile à faire –

John Hannaford Non, ce n’est pas facile –

Sarah Taylor C’est un travail et c’est très important. Mais il faut, pour faire ça, il faut vraiment creuser en profondeur dans tous nos processus pour dire : « qu’est-ce qu’on peut faire pour, par exemple, le processus d’affectation à l’étranger pour s’assurer qu’il n’y a pas de biais inconscients qui se glissent dans ce processus, que tout le monde a accès aux occasions pour aller à l’étranger, pour avoir de bonnes affectations. » Donc, c’est ce genre de travail où on a fait beaucoup de progrès, mais il nous reste encore beaucoup à faire.

John Hannaford Oui, tout à fait. Sandra, sur quel aspect pensez-vous que nous devrions attirer l’attention des gens, si les gens veulent apporter une réelle contribution? Quelle serait la meilleure façon d’y parvenir?

Sandra McCardell Écoutez, je pense que, pour contribuer réellement, les gens peuvent le faire à tous les niveaux. Ce qu’on a vu, surtout dans des études qui étaient faites sur les performances des grandes organisations, c’est que la pluralité des voix, ça aide, comme l’a dit Sarah, à avoir de meilleures décisions. Je pense que tout le monde, à chaque niveau, peut créer son propre réseau. Donc, il y a un réseautage, il y a un mentoring qui pourrait se faire, c’est de voir, de voir des jeunes femmes, de voir qu’il y a des potentiels, de les encourager, de les parrainer, parce que le mentorat et parrainer, c’est deux choses différentes. Je pense que d’être conscient de notre biais inconscient, c’est une étape importante et je pense que c’est d’être ouvert dans l’esprit au besoin de faire avancer des femmes. Je pense qu’on a tendance à dire « écoutez, on a la politique féministe en place, on a déjà un cabinet de gouvernement qui a la parité ». Donc, job de fait, ce n’est pas job de fait. Ça veut dire qu’on a énormément de progrès, mais il faut toujours être attentif au fait qu’on a encore à avancer. Et je pense que c’est par aussi l’appui de la gestion senior qu’on peut réaliser les objectifs qu’on souhaite.

John Hannaford Ultimement, il s’agit de bâtir l’organisation la plus solide possible, et je pense que c’est ce à quoi vous avez contribué toutes les deux, et que c’est ce que vous allez continuer de faire. Je tiens à vous remercier d’être venues discuter aujourd’hui et de votre contribution au Ministère, d’en faire une communauté, c’est vraiment formidable.

Sandra McCardell Merci beaucoup.

Sarah Taylor Merci.

Sandra McCardell Ce sera pour moi un défi de taille que de prendre la relève de Sarah, elle me laisse de grands souliers à chausser.

Sarah Taylor Comme je l’ai mentionné, j’ai hâte de continuer à contribuer à partir de la mission et de continuer à travailler avec Sandra et d’autres, car je pense vraiment qu’il ne s’agit pas seulement de faire avancer la cause des femmes au sein du Ministère, mais de créer un meilleur milieu pour tout le monde.

John Hannaford Je suis tout à fait d’accord.

Sandra McCardell Nous sommes tous des champions et des championnes.

John Hannaford Merci beaucoup.

Sandra McCardell Merci.

Sarah Taylor Merci.

John Hannaford Très bien.

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