Transcription – Épisode 4 : Entretien avec Janice Charette
David Morrison: Janice Charette est la deuxième femme de l'histoire du Canada à occuper le poste de greffière du Conseil privé, le plus haut poste non élu du pays. Il y a deux ans, elle a quitté son poste pour devenir haut-commissaire du Canada à Londres, où, selon sa propre expression, elle est aux premières loges de l'histoire en devenir. Elle s'est récemment arrêtée à mon bureau où nous avons parlé de son style de gestion, pourquoi elle a fait de la santé mentale au travail un élément clé de son travail de greffière et comment le Brexit présente au Canada de nouvelles possibilités excitantes. Hey Janice, merci d’être venu aux Dossiers d’AMC. Nous nous sommes vu en janvier ou février dernier à Londres. Vous m’avez dit que vous aviez beaucoup de plaisir.
Janice Charette : Effectivement…
David Morrison : Rien de moins, parce que vous avez eu un siège aux premières loges de l'histoire, je pense que vous avez dit ...
Janice Charette : Au premier rang de l'histoire, c’est vrai…
David Morrison : Je pense que vous parliez du Brexit et non du mariage royal.
Janice Charrette : J’aurais souhaité!
David Morrison : Nous supposons que vous avez maintenant recueilli une collection... toute une série de chapeaux fantaisie pour votre femme là-bas. Mais avant d'en arriver là, je veux revenir ici au Canada pour parler de votre carrière remarquable de sous-ministre, trois ou quatre fois comme greffière adjointe, que vous étiez lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois en 2012, puis à titre de greffière du Conseil privé. Le Conseil, la deuxième femme de l'histoire du Canada à occuper ce poste.
David Morrison : Le greffière.
Janice Charette: La greffière.
David Morrison : La greffière.
Janice Charette : Oui j’ai changé le titre pour réfléchir le fait que je suis une femme pas un homme.
David Morrison : Un pionnier.
David Morrison : Donc, pour ceux d'entre vous qui ne savent pas, cela signifiait que Janice était le patron de deux cent cinquante-sept mille fonctionnaires fédéraux. L'une des plus proches conseillères du Premier ministre, la sous-ministre du ministère du Premier ministre. Il y avait environ trois ou quatre emplois dans ce rôle en même temps. Mais je veux commencer par le début, par savoir où vous êtes né et ce qui vous a amené à Ottawa en premier lieu.
Janice Charette : Merci de faire cela David et de me donner l'occasion de parler de mon histoire et d'y réfléchir, ce qui, je pense, sera un voyage intéressant pour nous deux. En fait, je suis née à Ottawa et je suis l'une des rares, je crois, que vous trouvez dans cette ville très passagère. Je suis donc née tout comme mon mari, et croyez-le ou non, nos deux enfants, tous les quatre nés à l'hôpital Civic d'Ottawa, ce qui est assez remarquable.
David Morrison : Vous avez deux garçons?
Janice Charette : Non, un garçon et une fille, un garçon et une fille. Ils me tueraient s'ils m'entendaient les appeler garçon et fille maintenant. Mais un jeune homme et une jeune femme. Et alors Ottawa a été ma maison. J'ai vécu ici pendant la plus grande partie de ma vie. Même si nous vivions juste à l'extérieur de Toronto, dans une petite ville de l'époque, Whitby en Ontario, mais la plus grande partie de ma vie d'adulte a été passée à Ottawa, donc c’était un grand changement d'aller à Londres.
David Morrison : Est-ce que vos parents étaient des fonctionnaires?
Janice Charette : Non, non je viens de… je pense qu'il est juste de dire un milieu plutôt modeste. Mon père était technicien de service chez Consumers Gas et ma mère était coiffeuse. Elle était une mère au foyer. En fait, à cette époque, je ne vais pas vous dire quand je suis née, mais c'était il y a longtemps. Ma mère travaillait quand elle est tombée enceinte de moi. Je suis la plus âgée de ma famille et son employeur l'a forcée à quitter parce qu'il ne pouvait pas avoir une femme enceinte travailler en tant que coiffeuse, ce qui me semble tout à fait remarquable. Mais de toute façon, elle était une maman à la maison et puis mon père est tombé malade et ma mère est retournée au travail. Et non, ma mère et mon père, je dirais, sont diplômés de l'école de la vie.
David Morrison : Bien.
Janice Charette : Ils n’avaient pas de certificat officiel sur leur mur, alors j'étais la première de la famille à aller à l'université et ... mais j'ai eu une éducation pleine d'amour et de bonnes valeurs un peu ... un petit coup de pouce pour savoir que tout ce que tu feras, tu dois bien le faire, ce qui, je pense, devient un peu mon histoire de carrière aussi. Mais ... mais une famille aimante et je suis très chanceuse que ma mère soit toujours là, toujours ici. J'ai malheureusement perdu mon père, mais j'ai aussi un frère et une sœur ici à Ottawa. Nous sommes donc des gens d'Ottawa.
David Morrison : Toute qu’une histoire. Je vais donc éviter la question de l’âge. Mais je sais, de sources publiques, que vous avez joint le service public en 1984.
Janice Charette : Oui, effectivement.
David Morrison : Où avez-vous commencé?
Janice Charette : J'ai commencé comme terme dans un poste CO temporaire au ministère Finances dans une unité de financement des entreprises créée au milieu des années 80 pour faire face au fait que la récession de l'époque causait la chute des entreprises. Et c'était un projet de loi du Centre d'excellence qui aidait, dans certains cas, le gouvernement par son soutien gouvernemental aux grandes entreprises. Donc, malgré le fait que le ministère des Finances a beaucoup de gens formidables et que nous n'avons pas nécessairement un secteur corporatif ou commercial. Et c'est là que je me suis joint et moins d'un an plus tard, mon unité a été liquidée et je me suis réorganisé et c'est à peu près l'histoire du gouvernement, n'est-ce pas?
David Morrison: Plus ça change.
Janice Charette: Absolument, absolument.
David Morrison: Et après ça, qu’est-ce que t’as fait?
Janice Charette : J’ai continué dans le ministère des Finances pour quelques années, mais j’ai commencé de travailler dans des autres ministères. Une des expériences que je pense que c’était tellement important, tellement important pour moi c’était le fait que j’ai accepté un poste dans le bureau de ministre, ministre des finances. C’était Michael Wilson à l’époque et c’était un poste de, ça continue aujourd’hui, le poste « liaison ministériel », mais pendant cette période c’était un poste un peu différent qu’aujourd’hui. J’ai commencé à juste après la fuite du budget, le « budget leak », le « famous budget leak » et j’étais responsable de briefer, de donner un breffage au ministre des finances chaque jour pour la période de questions et j’étais là pour appuyer sur le côté des données et les faits et je n’étais pas responsable du côté politique, mais pendant cette période j’ai travaillé dans plusieurs tâches dans le bureau du ministre alors j’ai appris beaucoup.
David Morrison : Et le ministre à ce moment-là, je crois que les bureaux des ministres étaient beaucoup plus petit.
Janice Charette : Nous étions cette fois, à cette période, une douzaine, une douzaine, mais pas les structures et la taille d’aujourd’hui. Vous avez raison, effectivement.
David Morrison : Alors vous travaillé dans le bureau du ministre. Vous étiez fonctionnaire. Vous, à différents moments, je pense, avez travaillé pour différents…
Janice Charrette : Ministères.
David Morrison : Ministères. Vous avez eu une ascension remarquable en devenant sous-ministre adjointe dans quel ministère?
Janice Charette : Au ministère de la Justice en tant que non-avocate.
David Morrison : En tant que non-avocate.
Janice Charette : En tant que non-avocate.
David Morrison : Ça suscite mon intérêt. Que faisiez-vous?
Janice Charette : J'étais la sous-ministre adjointe séniore responsable du secteur des politiques au ministère de la Justice et je dois dire que c'était un très bon exemple pour moi. C'est un exemple que j'utilise beaucoup quand je donne des conseils de carrière à tous les fonctionnaires et aux non-fonctionnaires. Le sous-ministre de l'époque était un grand homme qui est devenu sous-ministre ici, Morris Rosenberg.
David Morrison : Bien sûr.
Janice Charette : Et j'avais travaillé avec Morris et autour de Morris et j'avais juste un très grand respect de lui et de son leadership et de son intellect. Et il me parlait à ce moment-là que je devais concourir pour ce boulot comme tout le monde. Il me disait qu’il y avait beaucoup d'avocats au ministère de la Justice, mais pas nécessairement quelqu'un qui comprend vraiment comment fonctionne le côté des politiques.
David Morrison : Bien sûr.
Janice Charette : d’Ottawa et donc il aimerait que je vienne et que je travaille avec les avocats et les experts pour m'aider à faire avancer l’agenda des politiques du ministre et du gouvernement dans ce domaine. Et il s'agissait donc autant de changement de culture que de connaissances substantielles.
David Morrison : Vous étiez presqu’un anticorps pour un certain temps dans une équipe de sous-ministres adjoints composée d'avocats?
Janice Charette : Je pense que c'est trop fort parce qu'il y avait beaucoup plus de globules blancs tuant cet anticorps que le contraire. Non je pense que j'étais un bras droit pour Morris, je dirais. J'étais vraiment là pour essayer de l'aider à changer la culture de l'organisation, qui ne se limitait pas seulement à comment faire des politiques, comment impliquer et construire une meilleure relation entre les opérations régionales et le siège social, mais il m'a aussi demandé d'être un champion de la vie professionnelle. Ce qui est un peu comme, je ne sais pas ... à l'époque je pensais que c'était une blague parce que je pensais que je serais la pire personne. J'ai un peu la réputation d'être un travailleuse acharnée et de mettre de longues heures, mais je pense qu'il, que c'est Nixon en Chine. Si vous pouviez mettre Janice en charge de l'équilibre vie professionnelle et personnelle, j'apprendrais peut-être quelque chose à ce sujet ou quelque chose comme ça. Mais ce que je raconte au sujet de mon expérience au ministère de la Justice, c'est que je n'avais pas nécessairement d'affinité ou de passion profonde pour les questions de politiques judiciaires. J'ai appris cela et j'ai appris à être aussi passionné par cela que par tout le reste de ma carrière. Mais j'ai travaillé pour un patron qui m'a donné une quantité incroyable d'espace, qui m'a donné du pouvoir et qui m'a forcé à apprendre. Et donc si vous essayez de choisir entre, vous savez, un emploi OK avec un bon patron qui va vous soutenir et un très bon travail sans un bon patron. C'est un choix assez évident pour moi.
David Morrison : Je veux y revenir parce que je veux en savoir un peu plus sur ce que vous avez fait en tant que patron de nous tous à une époque, mais passons à l'aspect personnel pour une seconde. Tu montais rapidement dans les rangs, tu avais ces deux enfants à la maison. Je sais qu'au moins l'un d'entre eux jouait beaucoup de hockey, je pense ...
Janice Charette : Les deux en fait.
David Morrison : Les deux. Alors comment avez-vous ... je veux dire, étiez-vous une genre de sous-ministre adjointe ou sous-ministre et vous traîniez des adolescents à leurs parties de hockey. Comment avez-vous géré tout cela?
Janice Charette : Eh bien, la première chose à dire et le plus important ... le facteur le plus important dans mon succès personnel et professionnel a été mon mariage. Je suis donc marié à un homme merveilleux qui, au début de notre relation, nous avons décidé très tôt qu’entre nous deux, il serait le parent à la maison. Et donc à partir du moment où notre fils a eu 3 mois. Après cela, je suis retourné au travail et mon mari est resté à la maison à plein temps et a élevé nos deux enfants.
David Morrison : Wow.
Janice Charette : Il a travaillé un peu à temps partiel quand les enfants ont grandi, mais…
David Morrison : Ce n’était pas commun à l’époque.
Janice Charette : Oh mon dieu. Non, certainement pas. Alors, mes enfants, je vais vous dire quel âge ont mes enfants. C'est une question juste. Ils ont 25 et 23 ans. Donc vous avez absolument raison. Et tu sais qu'il y a eu des fois où, mon mari s'appelait Rege, il allait apportait nos enfants jouer avec d’autres enfants, tu sais.
David Morrison : Bien sûr.
Janice Charette : Comme beaucoup parents à la maison font. Et il partait pour des rendez-vous, puis il entendait par la suite que le mari de la mère n'était peut-être pas à l'aise avec le fait qu’il soit là pendant la journée.
David Morrison : Wow.
Janice Charette : Donc, ça c’était il y a 25 ans.
David Morrison : Et ça c’est ce que ça veut dire d’être une pionnière.
Janice Charette : Et maintenant vous savez et maintenant vous savez une fois que les enfants ... une fois que les enfants ont déménagés pour aller à l'université, il a eu beaucoup de défis pour les parents à la maison de savoir, OK donc 25 ans plus tard, maintenant qu’est-ce que je vais faire.
David Morrison : Quelle est mon identité?
Janice Charette : Maintenant, qu’est-ce que je vais faire, exactement. Donc…
David Morrison : Nous reviendrons sur ce qu'il fait au Royaume-Uni. Bon, alors revenons à votre parcours professionnel. Et je suis intéressé par votre, je veux dire votre philosophie de gestion serait un terme recherché, mais j'ai lu et vu que vous avez un bon sens de l'humour. On m'a également dit que vous étiez une patronne exigeante. Comment ... comment obtenez-vous le meilleur des personnes que vous gérez?
Janice Charette : J'aime penser que j'ai un sens de l'humour, c’est vrai. Je n'aime pas penser de moi comme je suis plus exigeante avec les autres que je le suis avec moi-même. Et une partie de cela vient de moi, je suppose que ma propre inspiration est ce qui me motive. Et c'est pourquoi j'ai travaillé en politique, j'ai travaillé dans le secteur public, j'ai travaillé dans le secteur privé. Et j'aime mon travail en tant que fonctionnaire. Je me considère comme un fonctionnaire de carrière parce que je suis motivé à faire du très bon travail pour le pays et pour les Canadiens. Et donc je viens travailler tous les jours en pensant à comment puis-je tirer le meilleur parti de moi-même et de l'organisation avec laquelle je travaille dans le but de servir le gouvernement, servir les citoyens, servir mon ministère et mes patrons du moment, peu importe qui ils sont et à n'importe quel niveau. Et c'est en quelque sorte, je pense que j'ai pris cette attitude tout le long de ma carrière. Pour moi, j'ai appris et vous savez que ce sont des leçons durement apprises, je ne suis pas sûr que j'ai été très amusante à travailler dans mes débuts comme leader senior. Mais vous savez quoi, j'ai beaucoup appris en allant à des fêtes de départ à la retraite. Et j'écoutais les discours qui sont prononcés lors des départs à la retraite. Et les gens ne le font pas, aux fêtes de départ à la retraite, les gens ne parlent pas de la façon dont vous connaissiez un dossier ou un projet. Ils réfléchissent …
David Morrison : Sur qui vous êtes.
Janice Charette : Sur qui vous êtes, oui! Ce dont ils se souviennent, c'est que vous savez qu’un samedi, quand les gens devaient venir au bureau parce que nous avions un dossier chaud, vous savez que vous étiez présents et vous avez remercié tout le monde d'être là ou vous êtes venu avec des pizzas et vous avez aidé à assembler les dossiers ensemble. Il en est ainsi et j'ai appris de cette façon au fur et à mesure, c’est vraiment à propos des gens. Il s'agit de choisir les meilleures personnes, pas les gens qui sont comme vous, mais qui sont complémentaires. Les gens les plus intelligents que vous pouvez trouver, les gens avec des idées parfois extravagantes, pas des gens qui pensent de la même manière que vous, alors je suis une très grande défenseure précoce de la diversité et des équipes. Absolument. Et puis vous les autorisez et vous les soutenez et parfois oui vous les tenez responsables quand ils ne respectent pas leurs engagements, pas quand ils font des erreurs, parce que les gens font des erreurs.
David Morrison : Mais quand ils vous laissent tomber.
Janice Charette : Mais quand ils se laissent tomber ou ils laissent tomber l'organisation.
David Morrison : Donc, je ne peux pas résister à votre exemple de fête de départ à la retraite. Il y a un livre intitulé "The Road to Character" par le chroniqueur du New York Times, David Brooks. Et le livre parle de la différence entre mener une vie où vous construisez votre CV et mener une vie où vous construisez votre éloge funèbre.
Janice Charette : Intéressant.
David Morrison : Parce qu'à vos funérailles, ils ne parlent pas de votre CV. Ils parlent de qui vous êtes et de ce qu'il y a en vous. En fait, j'ai été très impressionné par ce livre il y a quelques années et je l'ai donné à un grand nombre de personnes en tant que traité de gestion sur la façon de traiter les gens. Et comme vous l'avez dit l'importance des gens. Et c'est quelque chose qui est plus facile à faire plus tard dans votre carrière.
Janice Charette : C’est ça!
David Morrison : Que plus tôt dans votre carrière et une fois que vous avez gagné de la confiance en soi. Et donc je veux, si je vous forçais à isoler deux ou trois attributs de vous-même qui étaient responsables ou que vous créditeriez pour votre succès en tant que gestionnaire de la fonction publique canadienne, quels seraient-ils?
Janice Charette : Je dirais sans ordre particulier, donc ce n'est pas une priorité de classement ou quoi que ce soit, mais je travaille vraiment très tort. Et donc peut-être trop dur à l'occasion, mais j'ai donc ... Je peux porter une grosse charge et délivrer. Deuxièmement, je dirais que j'ai une tendance innée à courir vers des problèmes pour les réparer. Et peut-être arrive-t-il parfois que je sois trop rapide pour résoudre les problèmes, alors c'est quelque chose que j'ai vraiment dû surveiller et gérer moi-même. Mais je ... Je ne peux pas résister quand je vois quelque chose que je pense …
David Morrison : Qui est en train de briser ou cassé.
Janice Charette : C'est en train de briser ou cassé ou ça pourrait être meilleur. J'ai décidé de mettre m’impliquer et je veux vraiment faire une différence. Et je pense que la troisième chose est que, j'espère de toute façon, j'ai la réputation de quelqu'un avec qui les gens aiment travailler, malgré le fait qu'il n'y a pas de question. Je me souviens avoir fait l'un de mes premiers processus d'évaluation exécutive. J'ai eu un avis d'être dur, mais juste et je suis sûr que si mon patron aujourd’hui écoute cela, il rit probablement. Il n'a aucune idée de l'impact que ça a eu sur moi. Et j'ai toujours essayé de faire en sorte que je me concentre davantage sur l’équité que sur la dureté, parce que le dur est venu naturellement. Donc, je faisais vraiment attention, vous savez, au côté juste.
David Morrison : En tant que nouveau membre de la communauté des sous-ministres qui fait face à ses premiers commentaires plus tard aujourd'hui.
Janice Charette : Oh, aujourd’hui.
David Morrison : Oui, je reçois un appel plus tard aujourd'hui, alors je vais vous dire comment ça s’est passé. Qu'en est-il de votre style de prise de décision? Êtes-vous quelqu'un qui a besoin de toutes les preuves ou vous utilisez plutôt votre intuition?
Janice Charette : Je dirais que j'ai deux styles de prise de décision différents. Lorsque le temps le permet et que la situation le permet, j'ai tendance à prendre des décisions de manière collaborative. Je ne pense pas que ce soit vraiment ça. Ce que je cherche, ce sont de nombreuses contributions différentes. Il n'y a rien qui me rende plus heureux que d'attirer 10 personnes autour d'une table et de simplement parler de quelque chose et d'entendre différentes perspectives et tester mon idée.
David Morrison : Tout le monde apporte quelque chose.
Janice Charette : Exactement. Et autant que possible comme à la table familiale. Vous amenez tout le monde autour de la table c’est pourquoi c’est une de mes premières actions en tant que sous-ministre de l’Immigration, autrefois était appelé citoyenneté et immigration... Et nous pouvions actuellement avoir toute l’équipe de gestion autour de la table et résoudre un problème. Cela a beaucoup aidé dans ma prise de décision. J’aime faire cela. Mais il a des moments où tu n’as pas…
David Morrison : Vous devez bouger rapidement.
Janice Charette : Tu as besoin de bouger, il y a situation de crise et je suis une personne qui suit son intuition. Et cela m’a bien servi. Vous passez toute votre vie à peaufiner votre instinct pour devenir ce qui vous fera passer au travers des moments difficiles
David Morrison : Et par rapport aux gens? Êtes-vous un peu intuitive… J’ai parlé à Marc-André Blanchard qui est notre ambassadeur auprès des représentants permanents de l’ONU à New York et il était à la tête du plus grand cabinet d’avocats du Canada et il a dit qu’il ne s’est jamais considéré comme un brillant avocat, mais il se considère plutôt comme un brillant dénicheur de talents.
Janice Charette : Je suis plutôt bonne pour dénicher des talents également je dirais. J’ai tendance à aller avec un outsider plutôt qu’un autre candidat. Parfois parce que c’est bien d’avoir un agent provocateur autour de la table, afin de donner une perspective différente des choses. Je peux, par moment, juger trop rapidement et c’est quelque chose que je dois vraiment…
David Morrison : Travailler.
Janice Charette : Travailler, exactement. Laisser les gens… certaines personnes changent dans différentes circonstances.
David Morrison : Dans différentes circonstances, différentes quantités de temps.
Janice Charette : Je crois aussi que je suis plutôt bonne pour les deuxièmes et troisièmes chances.
David Morrison : Oui, très important.
Janice Charette : Alors je n’ai pas… pas besoin.
David Morrison : Vous ne gardez pas de rancune.
Janice Charette : Vous le savez une fois et ensuite vous êtes dehors. Oh, et j’ai un peu de rancune, mais très peu.
David Morrison : D’accord. Quand je pense de ta contribution comme greffeuse, je pense immédiatement de la santé mentale. Janice a été et est une très grande militante concernant les problèmes liés à la santé mentale au travail et cela fait maintenant partie de tous les PGR des EX, je crois. Donc, il y a même une responsabilité.
Janice Charette : Bien.
David Morrison : Pour nous tous de dire comment nous avons tous contribués à ce programme sur une base annuelle, ça vient d’où?
Janice Charette : Ce n’est pas une réponse courte, mais j’ai eu l’honneur de présider la campagne de Centraide pour le gouvernement du Canada, notre campagne de charité annuelle et cela m’a permis… Je veux dire, j’ai travaillé toute ma carrière sur la plateforme nationale, mais cela m’a donné un regard local et j’ai commencé à comprendre certains des défis dans la communauté. En fin de compte, j’ai décidé que je voulais vraiment faire une contribution à la communauté et utiliser mes compétences pour voir ce que je pouvais faire. À peu près au même moment, il y a eu un incident tragique, qui est public, alors je peux en parler, le suicide de Daron Richardson. Daron était la fille de Stéphanie et Luke Richardson. Luke a joué pour les Sénateurs d’Ottawa. Ils ont une autre fille nommée Morgan, et Morgan Richardson et ma fille Casey jouaient au hockey ensemble. Alors nous connaissions bien les Richardson. Nous avions passés plusieurs heures à la patinoire avec eux et… et nous avons appris à nous connaître et… alors quand Daron s’est suicidée c’était… c’était un choc pour nous tous, ses parents bien sûr, mais pour nous tous.
David Morrison : Quel âge avait-elle?
Janice Charette : Elle avait 14 ans et personne ne l’a vu venir. Elle était une merveilleuse jeune femme avec une personnalité pétillante, talentueuse, intelligente, belle, avec une famille formidable. C’est venu de nulle part. Alors c’était… c’était comme une étincelle pour moi, que si j’étais pour faire quelque chose, ce serait en santé mentale. Alors je me suis joint au conseil d’administration du Royal Ottawa ici et je me suis vraiment concentré sur l’accès. L’accès aux services en santé mentale, en particulier chez les jeunes. Mais il a quelques problèmes de transition dans notre système. Mais alors que j’assumais à la fois le poste de sous-greffière du Conseil privé et celui de la greffière, j’avais également la responsabilité de la santé mentale et du bien-être de la fonction publique dans son ensemble et des statistiques sur la prévalence de la santé mentale dans notre société. Et donc, le côté compatissant et empathique de ma personnalité, en termes de prendre soin des gens, mais aussi d’une perspective de productivité et d’absentéisme. Il m’était tout à fait normal de penser « Ok, quel est notre plus gros problème de bien-être » et c’était la stigmatisation et le fait que les gens ne se sentaient pas à l’aise d’en parler, et les gens n’avaient pas les outils pour en parler ou pour le gérer dans notre milieu de travail. Vous savez, cela ressemble à un cliché, mais si vous pouvez réellement changer la vie d’une personne, alors ça en vaut la peine. Certains fonctionnaires du pays qui m’ont parlé, qui m’ont écrit par rapport à ce sujet, m’ont dit que cela les rendait plus à l’aise au travail. En fait, je pense que nous avons engagé les gens et plusieurs apportent une meilleure contribution. Je ne pourrais pas en être plus fière.
David Morrison : En tant que personne qui a quitté la fonction publique et qui est revenue, il y a une différence dramatique.
Janice Charette : C’est intéressant.
David Morrison : Au sens où c’est correct d’en parler.
Janice Charette : C’est bien de l’entendre.
David Morrison : Et c’est OK… dans le cadre de votre rôle de gestionnaire de demander aux gens comment ils vont et de s’attendre à des réponses honnêtes et complètes.
Janice Charette : Et d’être équipé pour une réponse du genre « Pas si bien aujourd’hui ».
David Morrison : Oui.
Janice Charette : Oui.
David Morrison : Comme je le disais, je pense certainement en grosse partie à votre succession en tant que greffière. Après votre poste de greffière, vous avez été invité à devenir notre haut-commissaire à Londres.
Janice Charette : Oui.
David Morrison : Qui est l’un de vos joyaux absolus dans le service diplomatique canadien. Je suis intéressé par ce qui se passe aux premières loges là-bas. Évidemment, c’est un moment extraordinairement difficile pour la Grande-Bretagne et le monde. La Grande-Bretagne et l’Europe évidemment, la Grande-Bretagne et le monde. Où se situe le Canada en tant que l’un des plus proches amis et alliés de la Grande-Bretagne?
Janice Charette : C'est une période fascinante pour être au Royaume-Uni. Et il ne fait aucun doute que ce n'est pas une période facile pour nos amis, les Britanniques qui essaient maintenant de décider de leur avenir en dehors de l'Union européenne. Et bien sûr, il y a toutes les machinations autour du Brexit et quelles seront leurs futures relations dans le domaine de l'économie, de la sécurité et de la défense. Mais je pense que, vous le savez, l'UE et le Royaume-Uni auront ces négociations et vous savez que notre travail consiste à essayer de nous assurer que nous gérons les risques pour les intérêts canadiens ou tout cela. Mais en y regardant de plus près, je pense qu'il y a une réelle opportunité pour le Canada ici. Et comme le Royaume-Uni pense à son avenir en dehors de l'Union européenne, il cherchera dans le monde entier qui sont nos partenaires, qui sont nos alliés, qui sont nos amis, avec qui nous pouvons faire des affaires. Et je pense que le Canada est idéalement positionné et je pense qu'il est juste de dire que si nous regardons le dernier, je veux dire que le Royaume-Uni a été dans l'UE pendant environ 40 ans. Au cours de cette période, je pense que nous avons eu une relation merveilleuse, nous avons beaucoup de choses en commun, mais je ne sais pas si nous avons fait un effort pour en tirer le meilleur parti.
David Morrison : Il n'y en a pas eu, il y a beaucoup d'histoire, il y a beaucoup de momentum là-bas, mais ça n’a pas été, « que pouvons-nous faire ensemble? ».
Janice Charette : Oui, pas nécessairement délibéré.
David Morrison : Pas délibérément.
Janice Charette : C'est exact. Donc nous avons vraiment essayé de le faire carpe diem comme ils disent, profiter du fait que ... il y a cette possibilité. En fait, en septembre dernier, la première ministre May est venu rendre visite au premier ministre Trudeau ici. Ils ont donc eu une réunion et les premiers ministres ont convenu d'un plan d'action de ce que nous allons faire ensemble. Et cela couvre ce que nous considérons comme des domaines traditionnels de coopération, de sécurité, de défense et ainsi de suite. Mais cela comprend de nouveaux domaines intéressants: la science, la technologie, la recherche, l'innovation, où nos intérêts et nos priorités sont complètement alignés. Et...
David Morrison : Les changements climatiques?
Janice Charette : Les changements climatiques indirectement, mais plus comme comment sommes-nous ... comment allons-nous vers une économie verte de croissance propre?
David Morrison : Oui correspond à l'innovation et la science et la technologie.
Janice Charette : Oui, je pense que c'est vrai. Mais les autres parties intéressantes de tout cela ... de ce que j'ai aimé considérer comme un peu comme la plomberie et le câblage de la relation, ce qui semble vraiment ennuyeux. Mais nous, les premiers ministres, avons convenu d'un dialogue stratégique annuel entre les ministres des Affaires étrangères, du Développement et de la Défense.
David Morrison : Oui.
Janice Charette : Donc, un dialogue stratégique annuel qui n'existe pas avec un autre partenaire trois plus trois où nous pouvons réellement nous asseoir et parler des questions sur lesquelles nous pouvons ensemble faire la différence.
David Morrison : Ennuyeux, mais extrêmement important pour faire avancer les choses.
Janice Charette : Et nous avons également fait la même chose en ce qui concerne la fonction publique. Alors, mon successeur, le greffier du Conseil privé, rencontrera son homologue ... le secrétaire du Cabinet, le greffier du Conseil privé au Royaume-Uni, est appelé un peu différemment le titre différent avec un certain nombre de sous-ministres. Et cela veut dire que chaque année, nous aurons cette opportunité humble tant en politique que dans les échelons supérieurs de la fonction publique pour vérifier ce que nous faisons dans la relation.
David Morrison : Le faire de façon plus délibéré.
Janice Charette : Délibéré et je pense, vous savez, si le Canada est intelligent à ce sujet et j'espère que tant que nous y serons, je suis à Londres, nous allons y travailler, c'est mon, vous savez essayer de faire des progrès intuitifs, si nous poussons sur ce programme, je pense que ça ouvre une porte et nous avons les mécanismes pour y arriver. C'est donc à nous d'être ambitieux au sujet de la relation et je pense que nos partenaires au Royaume-Uni seront très accueillants.
David Morrison : Avant de vous laisser partir ... J'ai plaisanté lors d'une réunion hier, disant que je n'avais pas de véritable description de poste et cela fait partie d’être un sous-ministre adjoint.
Janice Charette : Oh oui vous en avez.
David Morrison : Mais vous avez vu Affaires mondiales et ses prédécesseurs de l'extérieur, vous le voyez maintenant comme l'un d'entre nous ... de l'intérieur. Quel conseil me donneriez-vous quant à deux ou trois choses sur lesquelles je devrais me pencher et essayer de faire le genre de changement pour lequel vous êtes célèbre?
Janice Charette : Je vais commencer par le positif parce que c'est comme ça que j'aime commencer. Je suis continuellement impressionné par la passion, le dévouement et la conviction des collègues que j’ai rencontrés ici à Affaires mondiales qui sont prêts non seulement à aller dans des endroits que vous connaissez bien comme Londres, mais qui sont prêts à aller dans des régions les plus difficiles du monde et essayer de porter le drapeau du Canada et de faire la différence sur le terrain, pas seulement pour les Canadiens, mais vous savez, essayez de sauver les travailleurs des droits de la personne, vous savez, les travailleuses des droits de l'homme qui sont à l’extérieur du pays et qui ont risqué leur vie, vous savez, en mettant leur propre sécurité personnelle en danger. Tu sais que c'est vraiment noble et c'est impressionnant et ça vient d'un sens de la vocation. Et donc je suis vraiment impressionné par ça. Mais, il y a un mais et un je ne sais pas ça répond à votre question de savoir si je suis l'une d'entre vous maintenant. Je ne serai jamais l'une des vôtres. Je suis de l'extérieur. Je ne suis pas Affaires mondiales. Je ne connais pas les histoires. Je ne fais pas partie de la guilde comme quelqu'un me l'a décrit une fois.
David Morrison : Personne ne vous a donné la poignée de main secrète.
Janice Charette : Je ne pourrais pas trouver la poignée de main secrète avec une carte. Je pense donc que c'est une chose et qu'il y a un équilibre très important à atteindre ici. Et je ne suggérerais pas un instant que nous mettons à la porte un ministère qui possède de l'expérience et des connaissances et qui a cette capacité d'interagir non seulement à Ottawa, mais dans le monde entier. Nous avons donc besoin de connaissances, d'expérience et d'expertise, mais il faut aussi reconnaître que, en 2018, il n'y aura certainement pas de différence entre l'international et le national. Nous devons donc réfléchir à la façon dont nous construirons le volet humain qui nous permettra d'offrir à l'échelle internationale ce que nous devons faire pour le Canada. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que ce n'est pas juste ...
David Morrison : Ce n’est pas seulement la main d’œuvre.
Janice Charette : Le personnel que nous avons aujourd'hui. Et peut-être que cela ne veut pas dire, vous savez, nous parlons de la mission de l'avenir, nous devrions aussi parler du quartier général du futur. Alors, comment pouvons-nous construire un quartier général qui fonctionne dans cette ville, de la façon dont, vous savez, en réseau, toutes les choses dont nous avons parlé. Nous avons eu une réunion des Chefs de mission au cours des deux derniers jours et nous avons beaucoup parlé de la façon d'éviter les relations régulières où les gens qui sont chefs de mission vont parler aux gens du gouvernement. Engageons-nous avec les acteurs de la société civile? Engageons-nous avec des entreprises? Comment pouvons-nous faire cela dans cette ville et interagir avec un groupe plus large de parties prenantes pour que, vous le savez, ce que nous faisons pour le Canada à l’internationale profite de toutes ces compétences et de cette expertise.
David Morrison : Pas seulement les Affaires mondiales. Nous allons manquer de temps.
Janice Charette : C’est triste.
David Morrison : Je m’en voudrais de ne pas vous demander ce que fait votre mari à Londres.
Janice Charette : C’est une âme très patiente. En ce moment il est, nous sommes justes à la fin de notre deuxième année. Mon Dieu que ça va terriblement vite. Et il passe surtout son temps à profiter de toutes les merveilles de Londres. Il est devenu un très bon guide touristique pour nos visiteurs. Londres a tendance à être un endroit où beaucoup de gens viennent visiter. Mais également, contrairement aux autres emplois que j’ai occupés dans ma carrière, je crois que le poste de haut-commissaire, au moins à Londres, est un sport d’équipe.
David Morrison : Oui. Il participe.
Janice Charette : Il participe et il a volontairement pris le rôle à l’intérieur de la mission de tendre la main aux nouveaux membres de mission qui se joignent à la mission chaque année, mais aussi à leurs conjoints et conjointes. Donc, c’est un peu comme un réseau informel, ce que je crois que nous avions l’habitude d’avoir.
David Morrison : Oui.
Janice Charette : Vous voyez que je m’inclus dans le nous. Nous avions l’habitude d’avoir une fois…
David Morrison : Nous vous aurons encore.
Janice Charette : Mais il aime vraiment faire cela. Alors, les gens qui ont peut-être un peu de difficulté ou ont besoin d’un peu d’aide supplémentaire, il essaye de faire ça aussi. Il est devenu un apiculteur jusqu’à ce qu’il développe une allergie aux abeilles que nous avons sur le toit de la maison du Canada à Londres, qui est d’ailleurs magnifique et nous sommes impatients de vous y accueillir prochainement.
David Morrison : Janice, toujours un plaisir.
Janice Charette : Merci.
David Morrison : Ce fut super. J’aimerais beaucoup revenir et vous visiter à Londres afin de prendre des nouvelles.
Janice Charette : Vous serez le bienvenue n’importe quand.
David Morrison : Okay, merci beaucoup.
Janice Charette : Merci David
David Morrison : Bye.