Transcription – Épisode 49 : Une discussion avec Brent Robson sur l'opération canadienne de rapatriement liée à la COVID-19
Bienvenue aux Dossiers d’AMC, un balado sur les gens, les enjeux et les idées qui animent Affaires mondiales Canada.
Voici votre animateur, John Hannaford, sous-ministre du Commerce international d’Affaires mondiales Canada.
John Hannaford : Bonjour tout le monde. C’est un plaisir d’avoir l’occasion de poursuivre une autre conversation concernant notre communauté au sein de l’AMC. Ceci est une édition de notre balado concernant une période de notre histoire assez récente. Une période vraiment importante pour nous comme une communauté et comme un pays. J’ai la chance d’avoir avec moi aujourd’hui mon collègue Chris MacLennan, qui est notre sous-ministre délégué des Affaires étrangères, qui participera également à cette discussion et qui a été très étroitement impliqué dans nos divers efforts au cours de l’année dernière. Chris, bonjour.
Christopher MacLennan : Bonjour tout le monde, c’est ma première fois que j’ai eu la chance, d’en fait, de faire partie de cette belle initiative de John, que je sais que John fait depuis plus d’un an maintenant et le sujet dont on va parler aujourd’hui en fait. Comme vous savez probablement, ça fait à peu près un an et demi depuis ma nomination comme sous-ministre délégué des Affaires étrangères et ma toute première réunion comme sous-ministre a été au sujet de Diamond Princess. Donc, et je dirais qu’en fait les 3 premiers mois de mon poste comme sous-ministre délégué ont été complètement débordés par les questions de rapatriement, même au point avec la seule exception, c’était le voyage en Arabie saoudite pour le G20 là où, moi-même, j’ai risqué d’être parmi les Canadiens pris à outre-mer. C’est donc un sujet qui s’est complètement ancré dans ma mémoire au cours des premiers mois de mon arrivée au poste de sous-ministre délégué au sein de notre ministère. Et donc, j’attends avec impatience le premier anniversaire, je suppose, de la conclusion de ces efforts. J’ai vraiment hâte de prendre part à la discussion avec quelques personnes qui ont été directement impliquées.
John Hannaford : Eh bien, c’est formidable. Et comme vous le dites, nous avons la chance d’avoir quelques collègues ici pour raconter leurs souvenirs de cette période assez extraordinaire. Tout d’abord, nous avons Brent Robson, qui est notre directeur des opérations d’urgence. Il a passé énormément de temps à travailler dans le domaine consulaire au cours de sa carrière, mais il a manifestement vécu une série d’expériences particulièrement marquantes au cours de la dernière année. Nous avons également avec nous Anne-Marie Spain, de notre ambassade au Maroc, qui est le chef des services consulaires de cette mission et qui a été directement impliquée dans les vols de rapatriement en provenance de Rabat au cours de la dernière année. Merci à vous deux de vous joindre à nous aujourd’hui. C’est vraiment formidable que vous preniez le temps de venir nous parler. Je vais peut-être commencer par vous, Brent. Je voulais juste avoir un aperçu de vos souvenirs de cette période. Vous savez, ce dont je me souviens – au début – c’était simplement la rapidité avec laquelle les choses évoluaient. Nous avons vécu une période de nombreux défis dans le monde. Mais dès le mois de mars, nous avons publié nos conseils aux voyageurs et nous avons été très rapidement appelés à répondre à une série de défis sans précédent. Je voulais juste que vous nous donniez une idée de ce que cela représentait pour vous et votre équipe, et comment cela s’est déroulé pour vous.
Brent Robson : Eh bien, je vais certainement dire que c’était une période assez intense. Pour être honnête, tous les jours se sont confondus dans ma tête. C’était une période tellement intense où nous devions faire face à des situations que nous n’avions jamais vues auparavant. Nous avons essayé d’intégrer des centaines et des centaines de personnes dans notre réponse d’urgence au sein du Centre de surveillance et d’intervention d’urgence, alors que nous n’avions pas vraiment les structures en place pour faire face à une telle demande. Nous planifions continuellement en prévision de ces différentes urgences qui se produisent dans le monde. Et j’ai un peu ri, parce que j’ai travaillé un peu sur les exercices de préparation dans un emploi précédent. Et nous avons toujours ces exercices où nous avons 1 ou 2 ou parfois même 3 événements qui se produisent. Et les missions se disent alors, « Oh, c’est impossible. Cela ne pourrait jamais arriver ». Et ça me fait sourire maintenant, parce que nous ne prévoyons jamais d’évacuer des gens dans le monde entier. Et donc, c’est vraiment stupéfiant quand on y repense. Je crois que personne n’a jamais pensé que c’était quelque chose que nous devions faire, et encore moins que nous pouvions faire. Nous avons réalisé des choses extraordinaires, une collaboration remarquable, une innovation incroyable qui se produisaient. Je ne dirai jamais que je veux que quelque chose comme ça se reproduise, mais c’était une grande expérience en termes d’apprentissage de ce que nous – le Ministère et le gouvernement – pouvons faire quand les choses se corsent. C’était une période fascinante.
John Hannaford : Cela ouvre certainement la porte à une toute nouvelle série d’exercices, n’est-ce pas? Plus rien n’est irréaliste. Mais je pense que je pourrais juste approfondir un point que vous avez soulevé. L’une des choses qui m’ont frappé durant cette période, c’est que cet exercice est devenu un exercice à l’échelle du Ministère. Je veux dire, vous avez intégré, comme vous l’avez dit, un groupe de personnes qui n’offrent pas normalement de services consulaires. Ils venaient de tous les secteurs du Ministère et voulaient aider, et ils étaient en quelque sorte plongés au cœur des opérations du Centre de surveillance. Donnez-nous une idée de ce que c’était. Pensez-vous que vous avez été en mesure de bien diriger ces gens? Des réflexions?
Brent Robson : Oui. Quand le premier ministre a fait son annonce, c’était littéralement ce jour-là. Les appels au Centre ont connu un pic énorme. Donc, nous savons que lorsque le premier ministre fait des annonces, les gens écoutent parce que nous avons absolument vu ce pic dans le volume d’appels et de courriels. Et nous avons su instantanément que nous n’avions pas les ressources nécessaires pour y faire face. Mais nous étions aussi dans une période où Ottawa et l’Outaouais étaient en confinement. Donc, les gens ne venaient pas au bureau. Et je ne pense pas que nous ayons vraiment compris ce qu’était le travail à distance à ce moment-là. Nous savions donc qu’il y avait des ressources disponibles. Et lorsque l’appel a été lancé en disant, « Nous avons besoin d’aide. Si vous êtes prêt et disponible pour venir nous aider, levez la main ». Les gens ont levé la main. Juste pour la partie du Centre de surveillance en réponse à la COVID-19, plus de mille personnes se sont portées volontaires; il fallait les former à la prise d’appels téléphoniques, aux compétences et connaissances consulaires de base, aux compétences et connaissances de base en matière de gestion des urgences. Et je pense que c’est formidable, parce que nous avons maintenant ce bassin de plus d’un millier de personnes qui ont cette connaissance de base et cette compréhension du fonctionnement de la gestion des urgences au sein du Ministère, des gens sur qui nous pouvons maintenant nous appuyer et à qui faire appel pour les urgences futures. Mais c’était vraiment intense. Et l’autre aspect qui était amusant, c’est que nous avions des employés du Centre de surveillance qui n’avaient jamais vraiment assumé un rôle de supervision, qui les intégraient, les mettaient dans des groupes et les formaient, et les encadraient. C’était une occasion extraordinaire de trouver des solutions novatrices sur la façon d’intégrer les gens pour qu’ils se hissent au sommet, et des compétences de leadership vraiment étonnantes de nos collègues pour qu’ils se hissent au sommet. Et peut-être n’auraient-ils pas eu cette possibilité autrement. Il y a donc eu tellement de bonnes choses qui en sont ressorties et dont nous bénéficions encore aujourd’hui.
Christopher MacLennan : C’est aussi ce dont je me souviens. Est-ce que c’est un peu fou, les premiers jours, de réaliser : « Oui, nous avons le livre sur l’étagère qui nous dit ce que nous sommes censés faire, mais il manque des chapitres sur le problème auquel nous sommes maintenant confrontés. » Il y a là matière à réflexion. Donc, les histoires sont beaucoup ce dont je me souviens des jours et parfois des semaines qui ont passé. Une histoire résume l’expérience que vous avez vécue de bien des façons. Et je me demandais, je vais commencer par vous, Brent, puis je poserai la même question à Anne-Marie. Y a-t-il une histoire particulière que vous aimez raconter et que vous avez racontée au cours de l’année écoulée, quelque chose de particulièrement drôle, de particulièrement frappant ou émouvant, qui résume vraiment l’expérience pour vous?
Brent Robson : C’est peut-être pas tant une histoire, mais c’est quelque chose dont nous parlons encore au CSIU et dont nous rions, et c’est vraiment comme ça que toute la crise de la COVID-19 a commencé. Si l’on se réfère au mois de janvier, on peut dire qu’à ce moment-là, la réponse de Wuhan était en cours. Et je pense que les gens savent que nous avons envoyé 6 employés de notre ambassade à Beijing. Nous les avons envoyés dans la province du Hubei pour coordonner le travail sur le terrain. Et tout le monde travaillait très dur. Ils travaillaient à fond. Mais ce vol de rapatriement, tout n’était pas encore au point. Et je pense que c’est au huitième jour environ qu’un de nos collègues du Centre de surveillance et d’intervention d’urgence a fait remarquer à juste titre que, alors que nous avions tous travaillé avec diligence pour faire sortir 400 Canadiens et résidants permanents de Wuhan, tout ce que nous avions vraiment accompli jusqu’à présent, c’était d’ajouter 6 Canadiens à la ville. Et finalement, un vol a eu lieu un ou deux jours plus tard. Mais avant même que nous ayons terminé, nous nous sommes occupés du Diamond Princess, et c’était une réponse très, très compliquée. Nous avons travaillé sur le Diamond Princess pendant quelques semaines. Nous avons rapatrié, je pense, 129 personnes hors du Japon. Et pendant que nous continuions à aider les personnes touchées au Japon, qu’elles recevaient des soins médicaux, au CSIU, nous avons un peu considéré que c’était mission accomplie. C’était peut-être un peu prématuré, car nous nous sommes ensuite consacrés au bateau de croisière Grand Princess à San Francisco et nous nous sommes à nouveau lancés dans l’action. Et je me souviens très bien que lorsque l’avion était dans les airs, l’un de nos hauts fonctionnaires a déclaré : « OK, nous en avons maintenant fini avec les évacuations en lien avec la COVID. » Avec le recul, il est amusant de constater qu’il ne s’agissait que d’échauffements pour ce qui allait arriver, et certainement de grandes opportunités d’apprentissage. Elles nous ont donné un bon aperçu de ce qui allait se passer environ un mois plus tard – ou en fait quelques semaines plus tard.
Christopher MacLennan : Mais en fait c’est exactement ça. Sans savoir qu’est-ce qui nous attendait par la suite. Chaque évènement avait l’air d’être un accomplissement irréel. Puis là, qui savait que tout de suite après, on avait encore d’autres choses à faire, puis un an plus tard même. Donc, Anne-Marie, toi t’as eu une autre perspective au complet, bien sûr, d’être en poste. Donc, pour toi, est-ce que toi, tu as des souvenirs en particulier qui t’ont frappé dans le moment, et que même un an plus tard, t’en [sic] penses encore?
Anne-Marie Spain : Définitivement. Puis, je dois dire que les 10 jours très intenses du début de la crise, pour moi, je vais m’en souvenir toute ma vie parce que c’est vraiment mémorable. Mais pour vous expliquer un peu plus, mon petit moment magique, je vous mets un peu dans le contexte. On est le 14 mars. Le samedi, quelques chefs de programme se sont rassemblés chez l’ambassadeur pour essayer de voir un peu comment on va répondre à la situation parce que les Marocains commencent tranquillement à fermer des vols vers l’Europe. Et puis, on veut surtout voir comment on va gérer notre réponse à la pandémie au sein de la mission, parce que là on commençait justement à parler de télétravail et comment on allait gérer tout ça. On se lève pour quitter, le téléphone sonne, l’ambassadrice répond. C’est le ministre des Affaires étrangères qui l’appelle pour lui annoncer qu’à partir de demain, les vols à destination et vers le Canada sont annulés. Alors, imaginez un peu la situation. On commence tout de suite à activer l’équipe d’intervention d’urgence et à essayer de voir comment on va gérer cette crise-là. La première étape, le lendemain effectivement les vols vers le Canada, mais l’ensemble des vols, sont suspendus et puis, on nous annonce que nous avons 4 jours pour organiser des vols spéciaux vers nos destinations et que ce sont des ambassades qui doivent organiser ces vols spéciaux-là. Alors, imaginez un petit peu la pression. La première chose qu’on tente de faire, c’est de faire en sorte que le vol d’Air Canada prévu pour le lundi puisse atterrir. Quoique ce vol-là ne pourra pas atterrir, ne pourra pas amener de passagers puisque même les membres de l’équipage ne peuvent quitter l’avion pour se reposer. Donc, c’est un vol vide avec seulement des membres de l’équipage qui vont pouvoir ramener l’avion et les membres de l’équipage qui sont restés au Maroc. Donc, ce premier vol-là, on obtient les autorisations pour qu’il puisse décoller. Et Air Canada nous annonce on ne pourra plus organiser d’autres vols puisque notre équipage n’a pas le temps de se reposer entre les 2 vols. Donc, cette option-là n’existe plus. Alors on commence une négociation avec Royal Air Maroc. Imaginez un peu aussi les Canadiens, dans quel état d’esprit ils sont. Ils n’ont plus aucun moyen de revenir à la maison. Ils s’attendent à ce que l’ambassade organise des vols pour pouvoir les rapatrier, puisque c’est le seul moyen possible. Dès le lundi on renvoie nos appels vers le centre d’urgence puisqu’on est incapable de gérer le volume d’appels. On a reçu cette semaine-là plus de 2000 courriels et cette semaine-là plus de 500 personnes se sont présentées à l’ambassade pour être capables d’avoir eu des réponses sur « Qu’est-ce que vous faites pour nous? Comment vous nous ramenez à la maison? » À ce moment-là, le gouvernement n’avait pas annoncé que nous allions organiser des vols de rapatriement. Donc, la pression et la tension étaient très intenses. Vous souviendrez que les gens étaient très vocaux dans les médias aussi au Canada. Donc, la pression était là. Jeudi, la journée où les vols spéciaux devaient être suspendus, toujours rien. Mais le « deadline » est repoussé au dimanche. Le vendredi, l’état sanitaire d’urgence est décrété au Maroc. Les gens n’ont plus le droit de se déplacer, à moins d’avoir une autorisation spéciale. Les restaurants sont fermés et on s’attend à ce que les hôtels soient fermés également. Alors, les gens sont littéralement en panique parce que qu’est-ce qu’ils vont devenir? C’est beaucoup des touristes qui n’ont aucun lien avec le Maroc autre que d’être ici en vacances, qui n’ont pas de famille et qui doivent rentrer, leur vie est au Canada. Donc, c’est cette journée-là, le vendredi, qu’on obtient l’autorisation d’Affaires mondiales d’organiser un vol pour le lendemain. À 22 h, on annonce le vol. Une heure après, le vol est complètement vendu. Et puis, voici. Il faut gérer la frustration de ces gens-là. Le lendemain, moi, j’étais à l’aéroport pour aider à l’embarquement et pour offrir des services consulaires. On a des gens qui ne sont pas contents parce qu’ils sont pris. Ils n’ont pas moyen de revenir. Puis, malheureusement, on veut tellement les aider, mais on ne peut pas leur garantir qu’il y aura d’autres vols de rapatriement parce qu’on a un « deadline » qui est cette journée-là. Il n’y a plus de vols après ça et on n’a aucune garantie qu’on pourra organiser d’autres vols. Heureusement, notre ministre des Affaires étrangères était venu au Maroc quelques mois auparavant et avait développé une très grande complicité avec le ministre des Affaires étrangères. On réussit à avoir l’autorisation d’organiser d’autres vols alors que tous les vols sont suspendus. On annonce un deuxième vol de rapatriement. Très contents de pouvoir aider encore plus de gens puis, enfin, pouvoir avancer. 45 minutes après l’annonce du vol, le vol est plein. Donc, là on se déplace également le lendemain pour accueillir les gens. Mais au même moment, on peut annoncer le troisième vol de rapatriement. Ce qui a fait que le deuxième vol a été beaucoup plus calme à l’aéroport. Et puis les gens beaucoup plus satisfaits. Le troisième vol a lieu. J’ai la chance de pouvoir revenir au Canada sur ce vol et rejoindre ma famille. Donc, on fait l’embarquement, on s’assure, on veut s’assurer qu’il n’y a plus aucun siège de vide sur ce vol-là. Donc, on contacte nos collègues mexicains et américains qui nous ont aidés à rapatrier des citoyens canadiens sur leurs propres vols pour leur dire « écoutez, envoyez vos personnes, les gens qui attendent pour un vol en stand-by. Si à la dernière minute, il reste des places sur le vol, une fois que tous les Canadiens et les résidents permanents seront embarqués et que tout le monde est en place, on pourra offrir ces vols-là à ces gens-là. Donc, effectivement, peut-être une heure avant l’embarquement, alors qu’on fait des appels. On aide les gens sur place avec leur carte de crédit. On a des gens à l’ambassade qui font des appels parce qu’on a un code spécial pour vendre ces billets-là, parce qu’on veut que le vol soit plein, plein, plein, plein, plein! On réussit à vendre les billets. Tout va bien. Je pars pour l’avion en imaginant que tout était sous contrôle et que c’était la fin. Je m’assois dans mon siège. Tout va bien. Je suis en contact via WhatsApp avec l’équipe qui est toujours à l’embarquement, pour se rendre compte que non. Il y a un problème. Ces gens-là ne peuvent pas embarquer. Ils sont retenus à l’embarquement. Alors, l’ambassadrice : « va voir le pilote, trouve une solution, va voir le pilote, alors, il y a un problème. Il faut trouver une solution ». [Je] pars avec le pilote qui, après avoir consulté son équipage, demande l’autorisation de retarder un peu le départ pour qu’on puisse s’assurer que ces gens-là puissent embarquer. Je pars avec le pilote dans l’aéroport. On parle à Swissport. On se rend à la sécurité. On parle à tout le monde pour leur dire « ces gens-là doivent embarquer. » Le gouvernement est d’accord. Tout est sous contrôle. Ils réussissent par finir. Je les vois arriver à la sécurité. Au même moment, j’entends l’équipe de l’ambassade qui est restée de l’autre côté, crier victoire! On y est, on y est, on y arrive! Ils passent la sécurité. Je cours avec le pilote et les passagers jusqu’à l’avion. On s’assoit. C’est bon! On peut partir! Non, l’avion avance et l’avion recule! C’était surréaliste, parce que on a un code consulaire dans l’avion, quelqu’un qui ne se sentait pas bien et qui doit quitter l’avion. On raccompagne cette personne-là à la sortie. J’écris à mes collègues qui sont restés, qui sont toujours à l’aéroport, « attendez pour voir s’il a besoin d’accompagnement. » Finalement, le vol réussit par atterrir 140 heures de travail plus tard, 10 jours hyper-intenses dont je me souviendrai toute ma vie. Et puis, mon petit moment magique, c’est que le pilote qui a effectué ce vol-là d’Air Canada, c’était son dernier vol avant qu’il puisse prendre sa retraite après 40 ans de service. Donc, c’était quelqu’un de tellement dédié, tellement fier de pouvoir accomplir ce dernier vol-là pour, comme il le disait lui-même, accompagner son monde de retour au Canada et pouvoir faire en sorte que tout le monde puisse retourner. Donc, vraiment des moments très, très intenses, mais très, très satisfaisants.
John Hannaford : J’imagine. Peut-être Brent, je reviens à vous. Vous avez mentionné dans vos remarques précédentes un certain nombre de choses, comme l’utilisation d’exercices, mais aussi ce que c’était comme sorte d’opportunité d’apprentissage, pas seulement pour votre équipe, mais pour le Ministère en général. Quelles ont été les principales leçons que vous en avez tirées? Que faisons-nous mieux maintenant, à la suite de l’expérience que vous avez vécue?
Brent Robson : Eh bien, il y a plusieurs approches pour répondre à cette question. Je pense que nous avons maintenant de meilleurs outils, systèmes et mécanismes. Cela va de la capacité de travail à distance, qui est un peu une aubaine si quelque chose de vraiment critique se produit. Nous n’avons pas besoin d’avoir accès au 125 Sussex. Nous pouvons travailler de chez nous. D’autres éléments techniques sont également très importants, par exemple, le modèle de vol. Ainsi, le modèle de vol que nous avions avec les entreprises du secteur privé, les vols commerciaux facilités. C’est quelque chose qui restera toujours dans notre boîte à outils parce que c’était une grande innovation et qu’elle a connu un immense succès. Mais je pense qu’il y a d’autres choses qui sont vraiment, vraiment précieuses. Je pense que nous avons reçu une très bonne leçon de résilience, par exemple. Je pense que les gens comprennent maintenant que l’intervention en cas d’urgence n’est pas une responsabilité du Secteur C, mais une responsabilité ministérielle. Et je pense que c’est important. Je pense que dans le domaine de la résilience, nous sommes passés à des opérations 24/7 au CSIU. Et je pense que c’est dans la nature humaine que lorsque vous avez un dossier dans lequel vous êtes vraiment investi, vous ne voulez pas confier votre dossier à quelqu’un d’autre. Mais si vous êtes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, vous devez le faire, ou alors vous ne dormez pas, ou vous ne voyez pas vos proches à la maison, ou autre chose. Et nous avons vraiment appris et développé le système pour pouvoir transmettre ce dossier à d’autres personnes, pour pouvoir obtenir des résultats étonnants dans cette opération de rapatriement, mais en même temps avoir un semblant d’équilibre entre le travail et la vie privée et vraiment veiller à notre bien-être et à celui de nos employés. Et c’est sans doute l’une des plus grandes leçons que nous avons tirées au CSIU : comment faire cela dans le cadre d’une opération 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, tout en veillant au bien-être de nos employés.
Christopher MacLennan : C’est très bien. C’est une question difficile, celle des leçons à tirer d’un événement qui ne se produit qu’une fois par génération ou une fois par vie. Et je pense que c’est une question que nous nous posons dans toute une série de domaines, de l’achat de vaccins à l’ouverture et à la fermeture des frontières, en passant par nos efforts de rapatriement. Je pense que c’est une excellente chose. Eh bien, nous approchons de la fin, alors peut-être une dernière question pour vous deux. Il s’agit de savoir s’il y a des pensées finales sur lesquelles vous aimeriez laisser le public d’AMC – que ce soit le point de vue de l’administration centrale ou celui du terrain – sur ce que cette expérience a signifié pour vous.
Brent Robson : De mon point de vue, je voudrais simplement reconnaître que cette opération de rapatriement, nous n’aurions pas pu la réaliser sans la collaboration, la coopération de tant de personnes à travers le Ministère, tant à l’administration centrale que dans les missions. J’espère que nous serons en mesure d’en tirer parti dans un avenir pas trop lointain, afin d’intégrer les gens dans une communauté de gestion des urgences, ou du moins ceux qui sont intéressés à le faire. Mais mon immense respect et mes remerciements vont à tout le monde pour avoir pris le relais quand il le fallait. C’est grâce à tous les autres que nous avons pu gérer adéquatement la situation.
Anne-Marie Spain : Puis, du côté des missions, je pense que les commentaires de Brent s’appliquent également parce que ce ne sont pas seulement les employés canadiens qui ont contribué, mais tous les employés locaux qui n’avaient pas nécessairement fait de consulaire auparavant et qui ont aussi contribué à répondre à des appels, à fournir des lettres, à octroyer des prêts, à appeler les gens. Mais je vous rappelle qu’on était à la mi-mars, donc c’est aussi la fin d’année fiscale que mes employés ont dû gérer parce qu’on a 2 programmes : les services communs et le consulaire. Qu’ils ont dû gérer en autonomie, puisqu’on n’était pas disponibles pour aider avec ça. Tout l’aspect logistique, aussi l’appui logistique qui a été fourni par les employés locaux. Les gens de la sécurité qui se sont assurés qu’on demeure en sécurité, qui ont répondu aux Canadiens en détresse, qui voulaient des réponses et qui se présentaient à la mission. Les gens qui sont venus avec nous à l’aéroport pour nous aider dans la langue locale. La liste est longue. Les gens qui ont aidé à négocier avec les compagnies aériennes, avec les autorités locales et qui ont « monitoré » les médias sociaux, qui ont fourni des réponses. On avait 10 jours pour organiser tout ça et puis ça a définitivement été un effort collectif. Autrement, on n’y serait pas arrivés. Puis on était en pandémie. On connaissait très peu le virus. À ce moment-là, on ne savait pas trop comment ça allait évoluer, comment se protéger. On ne savait rien de tout ça, mais personne n’a hésité à se présenter au travail, à être là tous les jours et à faire des longues journées pour s’assurer que tout le monde puisse rentrer à la maison. Le sentiment de satisfaction, j’aimerais pouvoir le partager, les sourires qu’on a vus, les remerciements, avec tout le monde qui ont contribué à cet effort-là parce que c’est vraiment quelque chose de spécial qui va rester avec moi pour longtemps, parce que comme fonctionnaire fédérale, des moments comme ça, on n’en vit pas à tous les jours. C’est vraiment quelque chose de marquant. Puis de voir comment on peut faire une différence incroyable dans la vie des gens. C’est quelque chose de très précieux. Je pense que je suis très, très fière et très fière de mon équipe, très fière de l’équipe de l’ambassade et très fière d’avoir pu contribuer à ces grands moments-là.
Christopher MacLennan : Merci beaucoup Brent et Anne-Marie. Merci pour avoir pris le temps de partager vos expériences. Un évènement qui a touché l’AMC au complet, bien sûr. Comme on sait très bien, les services consulaires, c’est la place où notre ministère touche monsieur et madame Tout-le-monde canadien, et c’est une des places les plus importants pour le Ministère en termes de nos relations internationales. Un grand merci. Je voudrais souhaiter à tous, au nom des sous-ministres, une fantastique Semaine nationale de la fonction publique. Nous sommes tous impatients de voir la plaque commémorative. Elle va être révélée pour honorer les efforts de tout le Ministère dans ce lieu de souvenirs aussi. Alors merci d’avoir pris le temps de faire ça avec nous. Et ce balado fera également partie de ces souvenirs. Donc, merci d’avoir pris le temps de faire ça avec nous.
All : Merci.
Merci d’avoir écouté le balado, et nous espérons que vous vous joindrez à nous pour les épisodes futurs des Dossiers d’AMC, un balado sur les gens, les enjeux et les idées qui animent Affaires mondiales Canada. N’oubliez pas de vous joindre à la conversation en ligne en utilisant le #DossiersDAMC.
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