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11e session extraordinaire d’urgence (reprise) de l’Assemblée générale des Nations Unies (Ukraine) – 9e séance plénière

Déclaration de SE l’ambassadeur Bob Rae, représentant permanent du Canada auprès des Nations Unies

24 mars 2022 – Assemblée générale de l’ONU

Le texte prononcé fait foi

Merci beaucoup Monsieur le Vice-Président. Je me félicite d’avoir la possibilité de m’exprimer devant l’Assemblé générale aujourd’hui comme bien d’autres moi aussi je tiens à adresser mes plus sincères condoléances au nom du Gouvernement canadien, la délégation du Canada à l’occasion de la disparition de Madeleine Albright, une femme brillante, dirigeante incroyable pour les États-Unis, une amie du Canada, une amie de notre ministre des affaires étrangères qui était son homologue, sa présence nous manquera sur la scène internationale, c’est une perte dure pour tout le monde.

 Nous sommes à la croisée des chemins pour les Nations Unies.

 La Fédération de Russie, membre permanent du Conseil de sécurité, poursuit son invasion illégale de l’Ukraine, une agression gratuite contre son voisin. La Russie ne s’est pas repentie pour l’instant et continue ses saillies depuis notre dernière rencontre où nous avons condamné ses actions qui constituent une violation de la Charte des Nations unies.

 Ces derniers jours, la Cour internationale de Justice a également ordonné à la Russie de suspendre immédiatement son opération militaire en Ukraine et malgré cela, la Russie, un membre permanent du Conseil de sécurité, co-créateur du procès de Nuremberg, un signataire de la création de la Cour internationale de Justice, signataire des Conventions de Genève, continue comme si la loi n’existait pas, comme si les règles ne les concernaient pas. 

 Nous le savons, la situation humanitaire en Ukraine est grave: de nombreux civils notamment des enfants, ont été tués ou blessés. Et la situation se détériore heure après heure.

 Nous sommes les témoins d’une destruction préméditée de villes entières.  Ce qui se passe à Marioupol aujourd’hui est limpide, c’est une guerre d’agression cruelle que mène la Russie, la Russie assiège la ville, assiège d’autres villes, assiège des peuples, bombarde des hôpitaux, des écoles, détruit des appartements par milliers, des femmes enceintes, des enfants, du personnel médical dans des hôpitaux pour enfants ou des maternités sont détruits. C’était le cas le 9 mars lors d’une attaque ignoble.

Ça fait donc partie d’une tendance terrible. En 25 jours, l’ONU a vérifié 25 attaques contre des centres de soins de santé en Ukraine. Le personnel médical et les infrastructures médicales sont censés être protégés dans le cadre du droit humanitaire international. Ces attaques et toutes les attaques contre des civils et dans des zones civiles doivent cesser.  On ne peut justifier ces attaques, et l’opération militaire de la Russie en Ukraine n’a rien de « spéciale». Elle cible des villes entières, des foyers. Il faut aussi se rappeler que, comme dans tout autre conflit armé, toutes les parties ont des obligations dans le cadre du droit humanitaire international, ces lois sont créées pour protéger les civils, pour limiter les souffrances et pour s’assurer que les personnes nécessitant une assistance la reçoivent. Ces obligations ne peuvent pas être négociées ou éliminées, elles s’appliquent à la Russie, elles s’appliquent à l’Ukraine, et ces obligations doivent être respectées. 

 La résolution dont nous sommes saisis sur les conséquences humanitaires de l’agression contre l’Ukraine, et d’ailleurs le Canada fait partie des co-auteurs, comme 80 autres pays, réaffirme ceci en exigeant un respect total du droit humanitaire international et exigeant un accès humanitaire oh combien nécessaire. Si cette résolution est adoptée, nous pourrons fournir sans plus attendre une assistance humanitaire. Il n’y aura pas de division quant à l’octroi d’une assistance humanitaire.

 Plus de dix millions d’Ukrainiens ont été forcés de fuir leur foyer, dix millions de personnes, dix millions, imaginez, en quatre semaines à peine. Ça veut dire qu’à cause de cette agression de la Russie en Ukraine, la population totale de plus de 100 États représentés dans cette Assemblée est déplacée, dix millions de personnes en quatre semaines, imaginez-vous. Parmi ces dix millions de personnes, des millions de réfugiés ont quitté l’Ukraine depuis le début de la guerre. Ce qui crée des difficultés dans les pays voisins. Et ce n’est pas un accident non plus. Ce qui ajoute au nombre déjà record des personnes réfugiées personnes déplacées dans le monde qui ont fui l’Afghanistan, le Venezuela, la région du Sahel, la Syrie, le Myanmar, et d’autres pays très nombreux. Bien sûr aujourd’hui nous nous concentrons sur l’Ukraine, mais nous ne pouvons pas oublier ces autres contextes. Les besoins humanitaires partout dans le monde nécessitent tout autant d’attention. Le Canada continuera de répondre à ces besoins tout comme nous répondons à la catastrophe qui déchire l’Ukraine.

 M. le Vice-Président, il faut se souvenir que les répercussions de cette guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine ont pour objectif de détruire l’Ukraine. C’est ce que veut faire la Russie. C’est son objectif. Détruire, saper l’économie, les structures, les peuples, les villes, et l’humanité de l’Ukraine. Mais les conséquences se font sentir au-delà de la région dans les pays vulnérables, au sein des populations vulnérables partout dans le monde. Les prix de l’énergie flambent, la chaîne d’approvisionnement est perturbée, la sécurité alimentaire est menacée, les prix plus élevés de la nourriture mènent à l’instabilité, à la malnutrition, aux famines. Ces répercussions de la guerre russe est un choix car cette guerre après tout est un choix, un choix qui a des conséquences. Des conséquences qui menacent les progrès durement acquis cette dernière décennie. Cela empêche le monde de se remettre de la pandémie de la COVID19 et empêche le monde de mettre en œuvre les objectifs de développement durables.

M. le Vice-Président, soyons : tous ces impacts et ces crises, aussi graves soient-ils, peuvent disparaître demain si la Russie mettait fin à sa guerre d’agression. La Russie doit mettre fin à cette guerre avant que d’autres dommages ne soient causés.

L’Assemblée générale, dans sa première résolution de cette session extraordinaire d’urgence, a déploré les actions de la Russie comme une violation de la Charte des Nations Unies, de ses objectifs et de ses principes.

La guerre de la Russie n’est pas seulement contre l’Ukraine, et il faut se souvenir de cela, l’Ukraine n’est pas la seule victime de cette guerre. Elle va à l’encontre des principes et des engagements que nous avons pris collectivement en signant la Charte des Nations unies. Cette guerre est contre la paix, le progrès et la liberté des nations et des peuples de choisir leur propre destin. Nous sommes, les Nations Unies, et nous ne sommes pas les empires en guerre.

Monsieur le Vice-Président, chers collègues, c’est une guerre que le président Poutine ne peut pas remporter. Il faut le répéter, il ne peut pas remporter.

 La Russie a empêché le Conseil de sécurité de s’acquitter de son devoir fondamental de protéger la paix et la sécurité du monde. Elle a également empêché le Conseil, par la menace d’un veto, d’adopter une résolution humanitaire.

 Alors maintenant il incombe donc de nouveau encore une fois à l’Assemblée générale de défendre l’ordre international fondé sur des règles au sein duquel l’ONU et sa Charte jouent un rôle central.

Nous avons devant nous aujourd’hui une résolution qui, selon nous, devrait mériter le soutien de tous les pays. Le Canada vous exhorte de l’appuyer. 

Nous avons écouté très attentivement dans cette Assemblée et au cours de nos conversations les préoccupations exprimées par tous les États membres. On nous a demandés de répondre aux préoccupations, sur les répercussions sur les pays les moins avancés, les questions liées à la discrimination face aux réfugiés qui fuient l’Ukraine, quant à la sécurité des étudiants étrangers, des questions de sécurité alimentaire et le financement plein et total du Programme de réponse humanitaire des Nations Unies.  La résolution proposée va dans ce sens, en plus d’exiger la protection des civils et un accès humanitaire sûre et non entravée.

Certains ont suggéré pendant notre rencontre aujourd’hui qu’une résolution humanitaire ne devrait rien dire des causes immédiates d’une crise ou d’afficher une responsabilité pour quelque partie que ce soit. M. le Vice-Président, permettez-moi de le dire nous ne sommes pas d’accord, ce n’est pas une catastrophe naturelle. Une crise humanitaire de cette nature ne sort pas de nulle part, non. Elle est le résultat d’une attaque délibérée sans provocation d’un pays sur un autre pays. C’est le résultat direct d’une décision délibérée de la Fédération de Russie d’en envahir un autre pays, l’Ukraine.   Je vais le dire très simplement, nous ne pouvons pas parler de Moby-dick sans dire que c’est une baleine. On ne peut pas le dire non, on ne peut pas le dire. On ne peut pas se dire que c’est un facteur qui n’a pas d’importance.

Si nous n’identifions pas l’agresseur, si nous n’insistons pas pour dire que l’agresseur doit respecter ses obligations dans le cadre du droit international et respecte l’ordre juridiquement contraignant de la Cour internationale de Justice alors je pense que nous ne ferons pas notre travail.  Un cessez-le-feu et un désengagement des troupes occupantes est nécessaire pour prendre les mesures suivantes.

 Le fondateur suisse de la Croix rouge internationale, Henri Dunant, fut si touché par la dévastation humaine au champ de bataille à Solférino qu’il a commencé son travail exemplaire menant aux principes fondateurs de l’aide humanitaire et aux obligations de tous en temps de guerre.

On dit que ses dernières paroles avant sa mort ont été la question « où est l’humanité? »

Nous devons aujourd’hui répondre « nous sommes ici ».

Nous voterons « oui ». Nous voterons en faveur de l’humanité. Nous votons oui pour l’humanité, non pas parce que nous pensons que nous pouvons régler tous les problèmes du monde, c’est impossible, mais parce que nous devons entamer la marche vers la paix, la vérité, la justice, la réconciliation. Oui, parfois, il faut dire des choses difficiles, et on ne peut éviter les faits et la réalité de cette situation. Mais Leonard Cohen l’a dit:

« Rien n’est parfait.

Il y a des fissures.

Mais c’est comme ça que la lumière entre. »

Concentrons-nous sur la lumière, et utilisons l’amour et la solidarité pour nous en sortir. Malgré les divergences, nous nous en sortirons, mais uniquement si on utilise la solidarité et le courage.   

 Merci, Monsieur le Vice-Président.

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