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Déclaration de S.E. l’ambassadeur et représentant permanent du Canada à l’ONU, Bob Rae, au débat ouvert de l’assemblé générale de l’ONU sur la protection des civils

Le 23 juin 2022 – Assemblée générale de l’ONU

Le texte prononcé fait foi

Merci beaucoup monsieur le président.

Le Canada appuie la déclaration faite par le groupe des amis de la responsabilité de protéger. Nous remercions le secrétaire général pour son rapport et aussi je remercie madame Nderitu [Conseillère spéciale pour la prévention du génocide] plus tôt pour son discours aujourd'hui, et nous nous réjouissons du fait que le rapport met l'accent sur les enfants et sur les jeunes.

La promotion de la protection des enfants dans les conflits et la violence est une priorité pour le Canada depuis de nombreuses années. Aujourd'hui je dois parler des effets dévastateurs de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine qui est, parmi autres choses, une guerre d'agression contre les enfants de l'Ukraine.

Monsieur le président, alors même que nous évoquons ce sujet ici à l'assemblée générale, les forces russes bombardent aveuglément des hôpitaux, des écoles, soumettent des femmes et des filles à des violences sexuelles barbares et, selon les signalements, déportent des centaines de milliers d'enfants ukrainiens. C'est une guerre qui est livrée contre l'avenir même du pays. La Russie s'efforce de détruire l'identité ukrainienne, identité de l'Ukraine en tant que nation souveraine et indépendante.

Je rappelle à toutes les personnes présentes ici qu'après les événements catastrophiques de la deuxième guerre mondiale, cette assemblée a adopté une Convention contre le génocide qui dit ce qui suit, j'ai le texte sous les yeux car je crois qu'il ne faut jamais oublier ce qui figure dans ce texte « dans la présente convention » peut-on lire « dans la Convention, génocide signifie tout acte parmi les suivants visant à détruire dans son intégralité ou partiellement un groupe national, racial, ethnique ou religieux en tant que tel, a) assassinats de membres du groupe; deuxièmement acte d'infliger délibérément des conditions de vie calculée pour entraîner leur destruction physique en partie ou dans leur intégralité; ensuite, imposer des mesures visant à prévenir les naissances au sein du groupe, et enfin, transférer de force des enfants d'un groupe vers notre groupe. Ce dernier alinéa est très pertinent, transférer volontairement des enfants d'un groupe vers un autre groupe. Cela figure dans la définition de génocide.

L'Ukraine a saisi la Cour internationale de justice des allégations sans justification portées par la Russie de supposé génocide en Ukraine et la Cour a rendu une ordonnance disant que la Russie devait se retirer du territoire ukrainien, et la Russie est membre de la Cour internationale de justice. Nous encourageons vivement le secrétaire général à utiliser tous les outils à disposition des Nations Unies pour veiller à ce que la Russie ait des comptes à rendre pour ses crimes très graves perpétrés contre les enfants en Ukraine.

À certains moments de l'histoire, il est nécessaire de faire preuve d'audace et nous vivons un de ces moments. Nous continuerons quant à nous de promouvoir la reddition de comptes pour les violations du droit international par la Russie en Ukraine y compris par le biais de la CPI, de la CIJ, et des tribunaux nationaux en invoquant la juridiction universelle. Tout comme nous continuerons d'exiger la reddition de comptes en Éthiopie, au Myanmar, en Syrie, au Yémen et partout dans le monde.

Au cours des 13 dernières années, cette assemblée a discuté la question de la responsabilité de protéger. Nous comprenons mieux ce que ce principe signifie et ce qu’il ne signifie pas. La responsabilité de protéger ne concerne pas seulement l'utilisation de la force militaire, contrairement à ce que certains dans cette assemblée continuent d'affirmer, et je suis certain qu'ils vont continuer à affirmer dans ce débat.

Ce n’est pas un outil d'ingérence dans la souveraineté des états. Au contraire la responsabilité de protéger consiste à renforcer la souveraineté responsable des états. Il s'agit avant tout de prévention en utilisant tous les outils dans le plein respect de la Charte des Nations Unies et du droit international. Et la prévention des atrocités criminelles est l’affaire de tous et de tout le monde.

L’année dernière, nous avons ensemble décidé de faire figurer de façon permanente ce point à l'ordre du jour de l'assemblée générale, à juste titre. Il nous tarde de suivre la suite des débats à l'assemblée sur cette question et nous aimerions partager de réflexion.

Tout d'abord, les rapports récents de secrétaire général ont étendu notre compréhension de cette notion.  À l’avenir, les rapports devraient se concentrer sur les situations particulières dans les pays et fournir une évaluation des risques, des recommandations, plutôt que d'étudier seulement la question à travers un prisme thématique, en fait il faut rentrer davantage dans les détails, dans les aspects pragmatiques de la signification de cette notion.  Car cet exercice n'avait pas pour vocation d'être un exercice purement théorique.

Nous ne voulions pas survoler la situation, non, il faut passer à l'action. Nous avons un cadre applicable d'adoption de politiques et d'actions. Charge à nous aux membres de l'assemblée générale de passer de ce cadre à la réalité et recevoir davantage d'information en temps voulu de la part de l'ONU y compris à travers les rapports du secrétaire général.  Cela nous aidera grandement dans cet exercice.

Ensuite nous continuons d'être les témoins d'abus du recours droit de veto au conseil de sécurité ce qui paralyse cet organe dans les crises en Ukraine, au Myanmar, en Syrie alors que le conseil devrait agir, il est paralysé. Si vous faites une recherche sur internet, vous pourrez voir que des civils au Myanmar, des civils en Syrie, des civils en Ukraine brandissent des pancartes « R2P » responsabilité de protéger.

Ils nous appellent à réagir. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. À l'unanimité au conseil de sécurité et à l'assemblée générale nous avons adopté ce principe de responsabilité de protéger. Nous n'avons pas d'excuses. Nous n'avons pas le choix.  Nous devons réagir.

Le droit de veto est non démocratique, il est anachronique. Face aux paralysies au conseil de sécurité, nous avons vu parfois l'assemblée générale assumer à très juste titre ses responsabilités. Une dynamique s'est mise en branle pour apporter plus de transparence dans l'utilisation du droit de veto et compris à travers la résolution sur l'initiative relative au droit de veto récemment présentée par mon ami le représentant permanent de Liechtenstein. Mais les prérogatives de l'assemblée générale ne s'arrêtent pas là. Comme l'a dit la CIJ, l'assemblée générale doit aussi se préoccuper des questions de paix et de sécurité internationales. L'idée selon laquelle nous avons fait notre travail lorsque nous remettons une question au conseil de sécurité est tout à fait erronée.

L'assemblée générale a une responsabilité, elle doit jouer le rôle qui est le sien. Je crois donc que nous devons continuer à avancer ensemble. Tout d'abord nous devons continuer de rechercher des méthodes pour limiter le recours au droit de veto notamment lorsque ce recours empêche le conseil d'agir pour prévenir la guerre ou des atrocités.

La présentation de la résolution relative au droit de veto est un premier pas mais il faut aller beaucoup plus loin comme l'a dit le Mexique, y compris en mettant en œuvre le code de conduite et en appliquant l'initiative franco-mexicaine. Nous pouvons aussi avancer sur la voie de la réforme du conseil de sécurité. Le Canada continue de s'efforcer de prévenir une étendue des pouvoir de veto et nous devons même nous poser la question à mon avis, est-ce que le droit de veto a encore sa raison d'être ?

Deuxième voie sur laquelle nous devons avancer continue d'explorer le rôle de l'assemblée générale pour prévenir ou riposter à la perpétration de crimes atroces conformément à la Charte des Nations Unies et de façon complémentaire à l'action du conseil qui, nous l'espérons, parviendra à mieux fonctionner à l'avenir. D'ailleurs nous exigeons un meilleur fonctionnement du conseil de sécurité.

Monsieur le président, cette assemblée et l'ONU ont évolué au fil du temps alors que nous sommes retrouvés confrontés à de nouvelles problématiques, de nouveaux défis. La responsabilité de protéger est un exemple de cette évolution. Les citoyens du monde entier sont victimes de violences, de déplacements, de menaces qui pèsent sur leur sécurité physique. Dans ce contexte, nous avons la responsabilité de continuer d'évoluer pour répondre à l'esprit et à la lettre de la Charte qui nous lie et à l'esprit et à la lettre du principe de responsabilité de protéger que nous avons tous adopté à l'unanimité.

En guise de conclusion, je dirai ce qui suit. Le 23 juin 1985 est la date à laquelle s’est produit ce qui était à l'époque la pire catastrophe aérienne de l'histoire. Au moment de cette catastrophe, nous savons qu'une bombe avait été posée dans un avion à Vancouver au Canada, ensuite cette bombe a emprunté un autre avion vers Montréal et ensuite a explosé.

On m'a demandé ensuite d'étudier ce qui n'avait pas fonctionné dans notre système de sécurité dans notre système policier. Comment avions-nous échoué à protéger la population ?

Aujourd'hui, nous marquons l'anniversaire de cette catastrophe, c'est le 23 juin qu'elle a eu lieu. Et à cette occasion, alors que nous parlons de responsabilité de protéger, nous ne montrons pas du doigt les autres, nous nous regardons dans la glace, nous pensons à notre propre responsabilité de protéger les civils, de protéger des vies humaines, de prévenir les attaques quelles qu’elles soient, quelles que soient leur nature. C’est une responsabilité fondamentale de tout état. Et ce que nous essayons de faire pour mettre en place cette responsabilité de protéger c’est créer une architecture, il ne s'agit pas là de nier la responsabilité première des états, il s'agit de la compléter, d'y ajouter. Nous avons tous la responsabilité de prêter main forte pour protéger les vies humaines. Et lorsqu'on voit ce qui se passe dans le monde aujourd'hui en Syrie, au Myanmar, en Ukraine, il faut bien comprendre que jusqu'ici cette architecture reste incomplète. Nous avons commencé son édification, nous n'avons pas encore réussi à traduire cette idée dans les faits, à l'appliquer. Cela reste le grand défi de notre époque.

Je vous remercie.

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