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Déclaration du chargé d’affaires Daniel Barbarie sur le Mécanisme de Moscou invoqué par 45 États membres à la suite de consultations avec l’Ukraine

1382e réunion du Conseil permanent

Le 14 juillet 2022

Monsieur le Président,

Je voudrais faire une déclaration nationale en plus de la déclaration prononcée par l’Albanie au nom des 45 États qui l’invoquent et de l’Ukraine. Comme d’autres, nous estimons énormément le travail des experts pour préparer ce rapport et le présenter aujourd’hui.

Monsieur le Président,

Ce deuxième rapport des experts du Mécanisme de Moscou a réaffirmé et renforcé nos préoccupations au sujet des actions des forces russes en Ukraine. Contrairement aux mensonges flagrants propagés par la Russie, y compris devant ce conseil, non seulement le rapport d’aujourd’hui confirme-t-il les conclusions du premier rapport, mais il apporte de nouvelles preuves des graves violations commises par la Fédération de Russie.

Ma délégation et moi avons étudié le rapport de près, et nous aimerions attirer l’attention du Conseil sur certaines des conclusions accablantes qu’il contient.

Concernant la situation générale des civils, le rapport indique que :

« Le nombre de morts et le niveau de destruction et de souffrance qui continuent d’être infligés aux civils sont terribles et inacceptables… D’une manière générale, la situation dans les zones occupées par les forces russes est catastrophique. »

Concernant les écoles, le rapport constate que : 

« Selon tous les éléments recueillis, les attaques intentionnelles de la Russie contre des écoles et d’autres installations civiles peuvent être prouvées à grande échelle. Les preuves rassemblées réfutent les affirmations selon lesquelles la destruction des écoles n’était qu’un simple dommage collatéral. »

En ce qui concerne la torture et les exécutions sommaires perpétrées par la Russie à Boutcha et Irpin, le rapport indique clairement que :

« Les événements survenus à Boutcha et à Irpin, villes qui ont été visitées par la mission, sont des exemples emblématiques de ces graves violations du droit international humanitaire aux termes des Conventions de Genève et de leurs Protocoles additionnels, et constituent des crimes de guerre. »

Quant à l’action des républiques autoproclamées, le rapport indique que :

« La Fédération de Russie est […] manifestement responsable des violations des garanties judiciaires fondamentales dans le cadre des procès menés par les tribunaux de ces deux entités, soit parce qu’elle leur a livré des détenus ou parce que les actes de ces tribunaux sont directement imputables à la Russie. »

Et concernant l’utilisation potentielle de la peine de mort par la « république populaire » autoproclamée de Donetsk, le rapport indique que :

« L’imposition de la peine de mort par des tribunaux établis par une entité non reconnue, qui de surcroît ne respectent pas les garanties fondamentales d’un procès équitable, suscite donc de graves préoccupations et constitue une violation du droit international humanitaire, un crime de guerre et, potentiellement, un crime contre l’humanité. La remise de personnes détenues par les forces militaires russes à de tels tribunaux pour un procès constitue, en outre, une violation du droit à la vie. »

Le rapport, qui est sans ambiguïté sur la torture, déclare que :

« La deuxième mission a trouvé de nombreux éléments démontrant que la torture ou des traitements inhumains et dégradants ont été utilisés par les forces armées russes contre des civils ukrainiens et que des cas de torture et de traitements inhumains ou dégradants ont été signalés dans tous les territoires qui étaient ou ont été temporairement occupés par les forces armées russes. »

Le rapport dresse un bilan sombre des actions de la Russie dans les territoires occupés :

« Il semble y avoir un modèle de comportement assez systématique de la part de la Fédération de Russie : l’occupation militaire d’une zone donnée est suivie d’enlèvements, d’interrogatoires, de mauvais traitements et parfois de meurtres de personnalités publiques importantes, telles que des maires ou des journalistes locaux, et la mission a documenté un modèle de mauvais traitements graves infligés aux civils vivant dans des zones sous le contrôle temporaire des forces armées russes. Les preuves indiquent que ces endroits ont généralement été transformés en zones de non-droit, où les civils ont été laissés à la merci totale des soldats russes qui occupaient la région. »

Bien que la mission n’ait pas été en mesure de déterminer avec certitude si cette situation résultait d’un plan coordonné ou de la désorganisation des troupes russes, elle a affirmé que :

« La Fédération de Russie est responsable de tous les mauvais traitements infligés par ses soldats, y compris par ceux qui abusent de leur pouvoir, et qu’elle a également l’obligation d’enquêter sur ces cas et de tenir pour responsables les individus ayant commis ces mauvais traitements. »

Le rapport rappelle que le fait d’affamer délibérément la population constitue une violation du droit international humanitaire et du droit international en matière de droits de la personne, ainsi qu’un crime de guerre et un crime contre l’humanité. À cet égard, le rapport constate que :

« Bien que la deuxième mission n’ait pas été en mesure d’établir si la famine de la population a été utilisée comme stratégie délibérée de la part de la Fédération de Russie, certains indices — le fait d’empêcher l’accès à l’aide humanitaire, de bloquer les couloirs humanitaires, etc. — laissent croire qu’il pourrait bien en être ainsi. »

Cette constatation est liée à l’évaluation que fait le rapport du vol de céréales ukrainiennes par la Russie. À cet égard, le rapport affirme que :

« Selon certaines informations, les forces russes auraient volé des tonnes de céréales à l’Ukraine et aux agriculteurs ukrainiens sans aucune compensation financière. En vertu du droit international humanitaire, le pillage — c’est-à-dire l’appropriation de biens meubles publics et privés — est strictement interdit […]. Le comportement rapporté des soldats russes s’apparente donc à un pillage, ce qui constitue une violation du droit international humanitaire et un crime de guerre. »

Je tiens à souligner les conclusions claires du rapport au sujet des violations du droit international humanitaire :

  1. « Sur la base des données et des informations qui ont été recueillies, la mission conclut que l’invasion russe a causé des dommages inutiles et disproportionnés aux civils en raison des attaques délibérées de l’armée russe contre des cibles civiles et des attaques aveugles de l’armée russe dans des zones densément peuplées, au mépris manifeste du principe de distinction. »
  2. « Le nombre manifestement énorme de civils tués ou blessés ainsi que de bâtiments civils détruits, dont beaucoup étaient éloignés de l’endroit où les forces terrestres combattaient effectivement […], a conduit la mission à penser que, dans tous les cas signalés, il est très peu probable que l’avantage militaire recherché ait été suffisamment important pour justifier un tel impact négatif sur les civils. »
  3. « Les preuves recueillies au cours de la mission quant aux pertes de vies accidentelles de civils, aux blessures infligées à des civils et aux dommages causés à des bâtiments civils semblent être largement disproportionnées par rapport aux avantages militaires pratiques et directs attendus. Cela constitue une violation du principe de proportionnalité. En outre, les pertes prévues sont manifestement excessives, ce qui peut constituer un crime de guerre. »

Je terminerai en affirmant que la deuxième mission a pleinement confirmé la conclusion de la première mission, selon laquelle certaines tendances d’actes violents résultant de l’attaque de la Russie contre l’Ukraine, tels que les assassinats ciblés, les disparitions forcées ou les enlèvements de civils, remplissent les conditions requises pour constituer une « attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile ». La deuxième mission a également noté que « tout acte violent unique de ce type, commis dans le cadre d’une telle attaque et en connaissance de celle-ci, constitue un crime contre l’humanité » et que « ces tendances sont devenues plus évidentes au cours de la période examinée ».

Monsieur le Président, pris dans son ensemble, le deuxième rapport du Mécanisme de Moscou constitue une nouvelle mise en accusation accablante des actions illégales de la Russie en Ukraine — des actions qui violent le droit international et que, dans de nombreux cas, le rapport qualifie de crimes de guerre et potentiellement de crimes contre l’humanité. Ce rapport, ainsi que les initiatives prises par l’Organisation des Nations Unies, la Cour pénale internationale et d’autres organismes, garantira que la Russie sera tenue de rendre des comptes.

Merci.

Personnes-ressources

Adrien Blanchard
Attaché de presse
Cabinet de la ministre des Affaires étrangères
Adrien.Blanchard@international.gc.ca

Service des relations avec les médias
Affaires mondiales Canada
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