Communiqué final du point de contact national du Canada - Murchison Minerals Ltd. et ses anciens employés

Le 13 juin 2019

Résumé

  1. Une demande d’examen a été présentée au point de contact national (PCN) du Canada concernant les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales (les « Principes directeurs ») le 14 mars 2018, de la part de trois anciens employés (les « déclarants ») de Flemish Investment Burundi s.a. une filiale de Flemish Investment Limited, au sujet de leur cessation d’emploi au sein de l’entreprise au Burundi en 2014. Les déclarants soutiennent que leur cessation d’emploi contrevient aux chapitres sur les concepts et principes et l’emploi et les relations professionnelles des Principes directeurs de l’OCDE.
  2. Les déclarants cherchent à obtenir une indemnisation de Murchison Minerals Ltd (« l’entreprise »), qui a acquis les parts majoritaires de Flemish Investment Burundi en faisant l’acquisition de la société mère, Flemish Investment Limited, en juin 2014.
  3. Le PCN est un mécanisme d’encadrement du dialogue pour aider les parties à régler des problèmes liés à la mise en application des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales. Le PCN du Canada a suivi les procédures énoncées dans les Principes directeurs de l’OCDE (section C, page 81 de l’édition de 2011) ainsi que le Guide de procédure du PCN (https://www.international.gc.ca/trade-agreements-accords-commerciaux/ncp-pcn/procedures_guide_de_procedure.aspx?lang=fra). Un résumé du processus suivi par le PCN est inclus dans l’annexe.
  4. Conformément à ses procédures, le PCN a réalisé une première évaluation et un examen de tous les documents soumis par les déclarants et l’entreprise. Le PCN a conclu que les questions soulevées dans la demande d’examen ne bénéficieraient pas d’une offre de bons offices sous forme d’un dialogue encadré ou d’une médiation. Le raisonnement du PCN est expliqué ci-après dans la section Évaluation initiale du PCN.
  5. Le PCN remercie les parties de leur collaboration au cours de ce processus. Le PCN fait les recommandations suivantes et ferme le dossier en question.

Recommandations du PCN

  1. Bien que l’entreprise n’ait pas de présence à l’étranger à l’heure actuelle et ne soit donc pas considérée comme une entreprise multinationale, si l’entreprise venait à mener des activités à l’étranger à l’avenir, le PCN encourage la mise en application des Principes directeurs dans le cadre de la diligence raisonnable de l’entreprise tout au long de ses activités et ses opérations. Cela comprend des audits et des contrôles appropriés pour veiller à ce que la gouvernance de ses filiales reflète les valeurs, l’éthique, les contrôles et les processus de la société mère.

Demande d’examen et parties

  1. La demande d’examen a été présentée par Mme Frediane Ndikumana, M. Placide Irikigongwe et M. Jean de Dieu Nzisabira (ci-après collectivement appelés les « déclarants »), tous d’anciens employés de Flemish Investments Burundi (FIB) s.a., une filiale de Flemish Investment Limited (FIL). 
  2. Selon Murchison Minerals, FIB, qui fait l’objet de la demande d’examen, était une filiale en propriété exclusive de FIL et son siège était en Ouganda. FIL, quant à elle, était une filiale en propriété exclusive de Flemish Gold Corporation (FGC), une entreprise canadienne d’exploration et de mise en valeur de ressources.
  3. L’entreprise a avisé le PCN qu’en juin 2014, FGC a réalisé une acquisition d’entreprise inversée de Manicouagan Minerals inc. Le même mois, Manicouagan Minerals inc. a changé de nom à Murchison Minerals Ltd. Les déclarants ont demandé une indemnisation de l’entreprise comme propriétaire de la majorité des actions de FIB.

Les déclarants                           

  1. Les déclarants ont affirmé qu’ils avaient été au service continu de Flemish Investments Burundi s.a. pendant près de quatre ans. Ils ont soutenu qu’ils avaient signé plus de dix contrats, lesquels, conformément au code du travail du Burundi, leur octroient le statut d’employés pour une durée indéterminée. Cependant, lorsque Flemish Investments Burundi s.a, a cessé ses activités au Burundi, en 2014, elle a décidé de verser une indemnisation plutôt qu’une indemnité de départ. Les déclarants ont affirmé que les demandes des employés visant à ce que la direction se conforme au code du travail du Burundi n’ont pas été prises en compte, tout comme une recommandation semblable d’un représentant de l’autorité en matière d’inspection du travail du Burundi, dont les services de médiateur ont été retenus. Les déclarants ont ajouté que bien qu’ils aient signé des avis de non-renouvellement de contrat, tout comme 14 autres employés, certains employés ont signé ces contrats sous la contrainte ou se sont fait promettre conditionnellement un emploi futur au sein de Flemish Investments Limited, dont le siège se trouvait dans le pays voisin, en Ouganda.
  2. Les déclarants ont intenté des poursuites judiciaires contre Flemish Investments Burundi (FIB) devant le tribunal du travail de Bujumbura, qui a tranché en leur faveur. Les déclarants soutiennent que FIB a entrepris un processus de règlement hors cour par l’entremise d’un intermédiaire et a proposé de verser aux plaideurs une somme forfaitaire de 60 000 $ US en échange de l’arrêt des procédures judiciaires. Cependant, FIB a plus tard abandonné ce processus et a omis de comparaître aux audiences suivantes du tribunal. En raison d’une erreur de transcription dans la décision initiale de la cour, les déclarants ont interjeté appel auprès de la cour d’appel de Bujumbura et ont eu gain de cause une fois de plus. Dans une décision rendue le 30 octobre 2015, la cour d’appel a maintenu la décision initiale et l’indemnisation accordée aux anciens employés. Le 31 août 2017, la cour a accordé une indemnisation se chiffrant au total, pour les trois employés, à 223 407 $ US à un taux d’intérêt annuel légal de 6 p. 100. Les déclarants soutiennent que la décision d’octobre 2015 a été communiquée à FIB, qui n’a pas répondu. FIB a aussi omis de répondre à une demande d’exécution volontaire que les déclarants ont envoyée le 21 août 2017. En mars 2015, Murchison Minerals Ltd a commencé à faire état du litige entre les déclarants et Flemish Investments Burundi s.a. dans ses rapports annuels comme une responsabilité financière.
  3. Les déclarants ont affirmé que la décision de FIB de verser une indemnisation plutôt que des indemnités de licenciement et son refus de respecter la décision de la cour constituent un non-respect des Principes directeurs de l’OCDE.
  4. Les déclarants ont cité les paragraphes suivants des Principes directeurs de l’OCDE et ont demandé les bons services du PCN pour parvenir à un règlement avec l’entreprise par la voie de la médiation.

    Chapitre I. Concepts et principes

    Paragraphe 3 : « Dans la mesure où les entreprises multinationales exercent leurs activités dans le monde entier, la coopération internationale dans ce domaine devrait s’étendre à tous les pays. Les gouvernements souscrivant aux Principes directeurs encouragent les entreprises opérant sur leur territoire à respecter les Principes directeurs partout où elles exercent leurs activités, en tenant compte de la situation particulière de chaque pays d’accueil. »

    Paragraphe 8 : « Les gouvernements ont le droit de réglementer les conditions d’activité des entreprises multinationales dans les limites de leurs compétences, sous réserve du respect du droit international. Les entités d’une entreprise multinationale situées dans divers pays sont soumises aux lois en vigueur dans ces pays. Si des entreprises multinationales sont soumises à des obligations contradictoires de la part de pays adhérents ou de pays tiers, les pouvoirs publics concernés sont invités à coopérer en toute bonne foi afin de résoudre les problèmes susceptibles de se poser. »

    Chapitre V. Emploi et relations professionnelles

    Paragraphe d’introduction : « Les entreprises devraient, dans le cadre des lois et règlements applicables et des pratiques en vigueur en matière d’emploi et de relation du travail ainsi que des normes du travail applicables… » Le reste du chapitre dresse la liste des attentes des entreprises sur le plan de l’emploi et des relations professionnelles.

L’entreprise

  1. L’entreprise, dans sa réponse, a déclaré que FIB s.a. n’était pas une filiale de Flemish Gold Corp, comme l’ont indiqué les déclarants, mais plutôt une filiale en propriété exclusive de Flemish Investments Limited (FIL), une entreprise ougandaise. D’après sa réponse, des développements défavorables au Burundi ont forcé FIL dans un état de dormance et à sa fermeture éventuellement, notamment : un nouveau code minier adopté par le gouvernement en 2012 qui a créé une incertitude quant à la propriété du projet; un retard dans le renouvellement des licences de l’entreprise; et les bouleversements politiques dans le pays
  2. En dépit de l’incertitude croissante concernant les activités futures dans le pays à ce moment, Murchison Minerals a fait état que FIB, en consultation avec son avocat au Burundi, avait décidé d’offrir des contrats temporaires à ses employés. L’entreprise soutient qu’en 2014, les trois anciens employés (les déclarants) dont il est question ont signé deux contrats temporaires — soit un contrat de janvier 2014 à mars 2014 et un autre d’avril 2014 à mai 2014. Le 29 mai 2014, les trois déclarants et quatorze autres personnes ont reçu un avis de non-renouvellement, qu’ils auraient signé. L’entreprise soutient que sa filiale (FIB) a rempli toutes les conditions de son engagement et a respecté les conditions des contrats avec tous ses employés avant de quitter le Burundi en 2014, et que tous ses anciens employés ont reçu un paiement d’un mois, selon le texte de leur avis de non-renouvellement.
  3. L’entreprise affirme que les trois déclarants, du fait de leur poste au sein de FIB, avaient des renseignements privilégiés sur la fermeture imminente. Néanmoins, ils ont intenté une poursuite judiciaire après le départ de FIB du pays. L’entreprise n’avait pas les moyens de se défendre en cour et par conséquent, elle n’était pas représentée lors du procès.

L’évaluation initiale du PCN

  1. Il convient de rappeler qu’une évaluation initiale du PCN ne permet pas de déterminer si le comportement ou les actes de l’entreprise sont conformes ou non aux Principes directeurs de l’OCDE, bien que le PCN puisse établir cette conclusion, à sa discrétion, lors d’un processus du PCN. L’évaluation initiale vise à indiquer si le PCN considère qu’un dialogue entre les parties dirigées par lui pourrait servir à résoudre les différends liés aux questions soulevées.
  2. Conformément aux procédures du PCN, ce dernier a examiné toute l’information présentée dans la demande de MM. Irikigongwe et Nzisabira et de Mme Ndikumana ainsi que les renseignements que l’entreprise a présentés, puis a mené une évaluation initiale à l’aide des critères énoncés dans le Guide de procédure du PCN et les Lignes directrices de procédure, c’est-à-dire :
    • de l’identité de la partie concernée et de son intérêt dans l’affaire;
    • de la pertinence des questions ainsi que des documents fournis à l’appui;
    • du lien entre les activités de l’entreprise et la question soulevée dans cette circonstance spécifique;
    • de la pertinence des lois et procédures applicables, y compris les décisions judiciaires;
    • de la manière dont des questions similaires sont ou ont été traitées à l’échelle nationale ou internationale;
    • de l’intérêt que présente l’examen de la question au regard des objectifs et d’une mise en œuvre efficace des Principes directeurs.
  3. Selon les procédures du PCN, par souci de transparence, l’objectif du PCN est de communiquer aux parties l’information reçue des deux parties. Les procédures indiquent aussi, cependant, que pour faciliter la résolution des questions soulevées, le PCN peut prendre les mesures appropriées pour protéger les données d’entreprise sensibles et d’autres renseignements. Ainsi, afin d’équilibrer la transparence et la confidentialité selon les procédures, le PCN doit, pour pouvoir communiquer en tout ou en partie des données provenant d’une partie, obtenir l’autorisation de cette dernière avant de les fournir à l’autre partie. Les deux parties ont consenti à ce que le PCN communique l’ensemble des demandes à l’autre partie.

Conclusions et recommandations du PCN

  1. Le PCN a conclu qu’un dialogue encadré entre les déclarants et Murchison Minerals ne contribuerait pas à la résolution directe des problèmes soulevés dans la demande d’examen. Premièrement, bien que le PCN ait constaté que la cessation d’emploi des déclarants soit pertinente en ce qui concerne l’application des Principes directeurs dans son évaluation initiale, au bout du compte, le principal objectif des déclarants, soit l’exécution de la décision de la cour obligeant Flemish Investments Burundi à verser une indemnisation, n’est pas du ressort du PCN. Deuxièmement, étant donné les ventes multiples des filiales et de l’entreprise mère, le PCN n’a pas été en mesure de vérifier la structure de gouvernance et les politiques et mécanismes internes de l’entreprise pour aider à établir les responsabilités nécessaires pour encadrer la résolution des problèmes soulevés. Flemish Gold Corporation, Flemish Investments Limited (l’entreprise mère) et Flemish Investment Burundi (sa filiale) ont été dissous en 2014. Murchison Minerals, l’entreprise mère actuelle, ne mène pas d’activités à l’extérieur du Canada. Ainsi, bien que ces entités aient entretenu une relation d’affaires et qu’elles soient indirectement liées aux dommages présumés, la justification des allégations est difficile à évaluer.
  2. Cependant, bien que l’entreprise ne mène pas d’activités à l’extérieur du Canada à l’heure actuelle, le PCN a profité de cette occasion pour discuter et encourager l’entreprise à mettre en application les Principes directeurs dans le cadre de sa politique de conduite responsable des entreprises tout au long de ses diverses activités et opérations, si l’entreprise venait à mener des activités à l’étranger à l’avenir.
  3. En vertu du présent communiqué final, le PCN considère cette affaire close.

Annexe A : Dates importantes

  • Le 14 mars 2018 : Le PCN reçoit la demande d’examen des déclarants, avec leur consentement pour la communiquer à l’entreprise.
  • Le 16 mars 2018 : Le Secrétariat du PCN communique avec les déclarants pour accuser réception de la demande d’examen et leur expliquer le processus.
  • Du 16 mars au 16 avril 2018 : Traduction des documents (du français vers l’anglais).
  • Le 11 avril 2018 : Le PCN communique avec le directeur financier de Murchison pour l’informer de la demande d’examen.
  • Le 16 avril 2018 : Lettre officielle du président du PCN au directeur financier de l’entreprise accompagnée de la demande d’examen (versions originales et traduites) et une date butoir pour répondre fixée au 27 avril.
  • Le 20 avril 2018 : L’entreprise accuse réception et demande le report de l’échéance au 11 mai (le PCN accorde cette prolongation.) 
  • Le 11 mai 2018 : L’entreprise fournit sa réponse à la demande d’examen.
  • Le 28 mai 2018 : L’entreprise autorise la communication de sa réponse aux déclarants.
  • Le 30 mai 2018 : Le PCN communique la réponse de l’entreprise aux déclarants.
  • Le 8 juin 2018 : Les déclarants réagissent à la réponse de l’entreprise et en autorisent la communication à l’entreprise.
  • Le 15 juin 2018 : Le PCN communique la réponse des déclarants à l’entreprise, qui refuse de la commenter.  
  • Le 26 juin 2018 : Le PCN commence son évaluation initiale.
  • 22 novembre 2018 : Le PCN fait un suivi et communique avec l’entreprise pour demander des éclaircissements et engage une discussion sur la diligence raisonnable
  • 21 janvier 2019 : Le PCN achève son évaluation initiale et informe le déclarant de sa décision
  • 20 février 2019 : Le PCN communique sa décision à l’entreprise
  • 20 mars 2019 : Le PCN partage le Communiqué final avec les deux parties

Annexe B : Les Principes directeurs de l’OCDE et le processus du PCN

Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sont des recommandations que les gouvernements font aux multinationales exerçant leurs activités dans les pays signataires ou depuis ceux-ci. Ils énoncent des normes et des principes volontaires de conduite responsable pour les entreprises (p. ex. droits de la personne, emploi, environnement, publication d’information, corruption) dans un contexte mondial, conformément aux lois applicables et aux normes reconnues à l’échelle internationale.

Les points de contact nationaux (PCN) sont un mécanisme volontaire et non judiciaire de facilitation du dialogue. Établi en vertu de l’adhésion des pays à la Déclaration sur l’investissement de l’OCDE, leur mandat est le suivant : (a) promouvoir l’adoption des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sur la conduite responsable par les entreprises, qui les guident dans leurs opérations de tous les jours, et (b) faciliter le dialogue entre les entreprises et les parties touchées, quand des questions relatives aux opérations d’une entreprise s’inscrivent dans le cadre des principes directeurs. La démarche que doit suivre le PCN du Canada pour résoudre les questions soulevées par la mise en œuvre des Principes directeurs dans des circonstances précises est décrite dans les Lignes directrices de procédure des Principes directeurs de l’OCDE (section C, page 81 de l’édition de 2011) et expliquée en plus grands détails dans le Guide de procédure du PCN du Canada.

Par suite de la réception d’une demande d’examen, le PCN fait une évaluation initiale pour examiner les enjeux soulevés. Au cours de ce processus, afin de déterminer s’il peut offrir de bons offices aux parties sous la forme d’une médiation ou d’un dialogue encadré, le PCN tient compte des facteurs énoncés au paragraphe 25, page 94 de l’édition de 2011 des Principes directeurs.

Si le PCN établit qu’un dialogue encadré pourrait éventuellement résoudre les questions soulevées, il peut offrir à l’entreprise et à ceux qui font la plainte de participer à un dialogue encadré ou à une médiation sur une base volontaire et de bonne foi. Un dialogue encadré vise à ce que les parties obtiennent une meilleure compréhension des enjeux et identifient des débouchés ou des solutions aux enjeux identifiés dans la soumission au PCN. Le PCN du Canada n’est pas obligé par l’OCDE de rendre une décision sur la « culpabilité » éventuelle, mais il peut le faire, à son entière discrétion. Ce n’est pas le rôle du PCN du Canada de fournir la solution au problème Le PCN offre une tribune neutre pour faciliter le dialogue ou une médiation, afin que les parties trouvent ensemble des solutions, s’il y a une raison de croire qu’un tel dialogue peut aider à trouver des solutions mutuellement acceptables, tout en faisant progresser la mise en œuvre par les entreprises multinationales des principes directeurs de l’OCDE.

Que le PCN offre ou non ses bons offices aux parties, et que les parties parviennent ou non à s’entendre, la procédure exige que le PCN rende publics les résultats des procédures en publiant un communiqué final sur son site Web.