ALÉNA - Chapitre 11 - Investissement

Poursuites contre le Gouvernement du Canada

Clayton/Bilcon c. Gouvernement du Canada

Demandeurs

Des membres de la famille Clayton and Bilcon of Delaware Inc., (Bilcon) sont des investisseurs américains qui possèdent des actions dont ils détiennent le contrôle dans une filiale canadienne, Bilcon of Nova Scotia, afin d’assurer l’exploitation du projet de Whites Point, projet ayant pour but de fournir un approvisionnement fiable d’agrégats pour Bilcon of Delaware et les sociétés du Groupe Clayton. Bilcon a conclu une entente de partenariat avec une société de la Nouvelle-Écosse, Nova Stone Exporters, afin d’exploiter une carrière et un terminal maritime à la carrière de Whites Point. Le partenariat a été entièrement acquis par Bilcon en 2004.

Accord

Accord de libre-échange nord-américain (ALENA)

Articles

  • 1102 (Traitement national)
  • 1103 (Traitement de la nation la plus favorisée)
  • 1105 (Norme minimale de traitement)

Dommages réclamés

443 350 772 $US

État

Suspendue

Les procédures ont été divisées en une phase responsabilité et une phase dommages-intérêts. À la phase responsabilité, le tribunal a conclu que le Canada n’avait pas respecté les obligations qui lui incombent en vertu des articles 1102 et 1105 de l’ALÉNA. Le Canada a déposé un avis de demande à la Cour fédérale du Canada pour l’annulation de la décision, mais cette demande a été rejetée. Pendant la phase sur les dommages-intérêts, les demandeurs ont réclamé 443 350 772 $ américains, et le tribunal a accordé des dommages de 7 millions de dollars américains, plus les intérêts. Les demandeurs ont déposé un avis de demande pour l’annulation de cette décision par la Cour supérieure de l’Ontario, cette demande a été rejetée. Les demandeurs ont ensuite fait appel de cette décision. L’appel est toujours en cours. Les procédures de dépens devant le Tribunal de l'ALENA, et toute accumulation d'intérêts, sont suspendues pendant que les procédures d'annulation sont en cours.

Règlement d’arbitrage

CNUDCI

Résumé

Historique des procédures

Le 5 février 2008, William Ralph Clayton et al. and Bilcon of Delaware, Inc. ont déposé une notification de l’intention de soumettre une plainte en arbitrage et, le 6 mai 2008, ils ont présenté un avis d’arbitrage au gouvernement du Canada. Après que les parties contestantes ont échangé les pièces de procédure, le tribunal a tenu une audience sur la compétence et la responsabilité, à Toronto (Ontario), du 22 au 31 octobre 2013, et a rendu une décision en la matière le 17 mars 2015. Comme le tribunal a jugé le Canada responsable d’avoir enfreint l’ALÉNA, la procédure est passée à la phase sur les dommages-intérêts au cours de laquelle les parties ont échangé les pièces de procédure et participé à une audience sur les dommages-intérêts, à Toronto (Ontario), du 19 au 28 février 2018. Le 10 janvier 2019, le tribunal a rendu sa décision en matière de dommages-intérêts. Les procédures de dépens devant le Tribunal de l'ALENA, et toute accumulation d'intérêts, sont suspendues pendant que les procédures d'annulation sont en cours.

Aperçu factuel et nature de la plainte

Les demandeurs font valoir que l’évaluation environnementale (EE) qui a été entreprise par le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse pour le projet de Whites Point, ainsi que l’administration et le déroulement de cette EE, ont été arbitraires, discriminatoires et inéquitables. Les demandeurs ne contestent pas l’exigence selon laquelle une EE doit être effectuée avant que la construction et l’exploitation de projets industriels ne commencent, bien qu’ils prétendent que le régime de réglementation environnementale du Canada ait été appliqué à ce projet de manière arbitraire, inéquitable et discriminatoire.

Les gouvernements du Canada et de la Nouvelle-Écosse ont mené conjointement cette EE pour le projet de Whites Point de 2003 à 2007. Puisque les gouvernements ont convenu respectivement que ce projet suscitait des préoccupations du grand public et présentait la possibilité de répercussions négatives considérables sur l’environnement, l’EE a été transmise à une Commission d’examen conjoint (CEC), qui se composait de trois professeurs de l’Université Dalhousie.

La CEC a recueilli des renseignements concernant les répercussions du projet de Whites Point sur l’environnement, a tenu des audiences publiques et a présenté une recommandation aux décideurs du gouvernement selon laquelle le projet de Whites Point ne devrait pas être mis en œuvre parce qu’il aurait une incidence négative considérable sur l’environnement et, ainsi, sur les « valeurs fondamentales de la collectivité » de Digby Neck. Les « valeurs fondamentales de la collectivité » ont été définies par la CEC comme des croyances partagées par des personnes faisant partie d’un groupe qui constitue les caractéristiques déterminantes d’une collectivité. La Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral ont rejeté le projet à la fin de l’année 2007. Le gouvernement du Canada a conclu en particulier, en vertu de l’ancienne Loi canadienne sur l’évaluation environnementale, que ce projet aurait vraisemblablement une incidence négative considérable sur l’environnement qui ne se justifiait pas.

Décision sur la compétence et la responsabilité

Dans la décision qu’il a rendue le 17 mars 2015 sur la compétence et la responsabilité, le tribunal a tenu le Canada responsable de ne pas avoir respecté ses obligations en vertu des articles 1105 et 1102.

Le tribunal a convenu avec le Canada que les demandeurs ont contesté un certain nombre des décisions qui avaient été rendues au cours de l’EE, plus de trois ans avant le début de la plainte de Bilcon en vertu de l’ALÉNA. Les allégations en ce qui concerne ces décisions ont donc été frappées d’une prescription en vertu du paragraphe 1116(2).

Le tribunal a indiqué son désaccord, toutefois, avec l’argument du Canada selon lequel les mesures de la CEC ne lui étaient pas attribuables. Il a constaté que la CEC faisait partie de l’appareil du gouvernement du Canada et qu’elle avait exercé certains éléments de l’autorité du gouvernement du Canada. Il a également constaté que le Canada avait reconnu et adopté les mesures de la CEC comme si elles étaient les siennes.

Une majorité du tribunal a tenu le Canada responsable de ne pas s’être conformé à son obligation selon la norme minimale de traitement en vertu de l’alinéa 1105(1). Selon cette disposition, les investissements des Parties à l’ALÉNA doivent être traités « conformément au droit international, y compris le traitement équitable, et la protection et la sécurité complètes », et la norme usuelle internationale minimale de traitement des étrangers est la norme qui s’applique. Les conclusions de la majorité s’appuient sur le fait que la recommandation de la CEC repose sur l’application d’une norme, les « valeurs fondamentales de la collectivité », qui ne se trouve pas dans les lois du Canada et que, par conséquent, il n’y a pas d’application régulière de la loi parce que les proposants n’ont pas eu l’occasion d’établir le bien-fondé de leur projet selon ce critère. Le professeur Donald McRae a émis une opinion dissidente en ce qui concerne la constatation d’un manquement à l’article 1105. Dans son opinion dissidente, le professeur McRae n’est pas d’accord avec le prononcé de la majorité selon lequel la CEC a dérogé de manière fondamentale à la norme d’évaluation requise conformément aux lois du Canada. Il a également exprimé son désaccord avec l’incidence de la décision de la majorité sur le seuil pour l’application de la norme en vertu de l’article 1105.

La majorité a également indiqué que le Canada était tenu responsable d’avoir manqué à l’obligation de traitement national en vertu de l’article 1102. Cette disposition exige que le Canada accorde aux investisseurs de l’ALÉNA un traitement qui ne soit pas moins favorable que celui qu’il accorde, dans des circonstances similaires, aux investisseurs nationaux. La constatation de la majorité est fondée sur le fait que la norme appliquée par la CEC n’a pas été mise en application dans d’autres évaluations environnementales et que le gouvernement n’a indiqué aucune raison non discriminatoire légitime justifiant une telle différence de traitement.

Les États-Unis, le Mexique et le Canada ont critiqué la décision du tribunal dans des observations déposées dans le cadre de l’arbitrage de Mesa Power Group, LLC c. Gouvernement du Canada. Les trois Parties à l’ALÉNA ont déclaré que le tribunal n’avait pas traité adéquatement la discrimination fondée sur la nationalité dans son analyse de la plainte de Bilcon selon l’article 1102, qu’il n’avait pas évalué adéquatement le droit international coutumier afin de déterminer le contenu de l’article 1105 et qu’il avait conclu erronément que les manquements prétendus aux lois du Canada représentaient un manquement à la norme minimale de traitement en droit international coutumier.

Décision en matière de dommages-intérêts

Au cours de la phase sur les dommages-intérêts de l’arbitrage, les demandeurs ont réclamé 443 350 772 $US en dommages-intérêts, ce qui représente la perte de profits qu’ils prétendent avoir subie en raison des violations de l’ALÉNA. Le 10 janvier 2019, le tribunal a prononcé sa décision en matière de dommages-intérêts et a accordé 7 millions de dollars américains, plus les intérêts, aux demandeurs.

Dans la décision en matière de dommages-intérêts, le tribunal a conclu qu’un processus d’EE conforme à l’ALÉNA n’aurait pas, selon toute probabilité, entraîné l’approbation et la réussite de la construction et de l’exploitation du projet proposé par les demandeurs. Cela s’explique par le fait qu’il est raisonnable de concevoir différents résultats à la suite d’un processus de CEC conforme à l’ALÉNA – y compris le rejet du projet ou l’imposition de conditions d’atténuation qui rendraient le projet non viable sur le plan économique. Par conséquent, le tribunal a conclu que le préjudice subi par les demandeurs n’était pas le refus de leur projet, mais plutôt le refus d’une occasion de faire évaluer l’incidence environnementale du projet de façon équitable et non arbitraire. Le tribunal a quantifié l’indemnité à accorder aux demandeurs sur ce fondement.

Pour ce faire, le tribunal a tenu compte des montants engagés par les demandeurs dans l’élaboration du projet, y compris pendant le processus d’EE, à titre d’indicateur principal de la valeur de l’occasion perdue par les demandeurs. Le tribunal a également tenu compte de plusieurs évaluations du projet non autorisé au cours des procédures d’EE comme indicateur secondaire de la valeur. En se fondant sur ces indicateurs, le tribunal a déterminé que la valeur de l’occasion perdue par les demandeurs relativement au projet était de 7 millions de dollars américains.

Documents juridiques

Cette affaire est régie par le Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international. Pour obtenir des documents supplémentaires relatifs à cet arbitrage, veuillez consulter le site Web de la Cour permanente d’arbitrage (en anglais seulement).

Les copies de tous les documents juridiques affichés sont préparées dans une des langues de fonctionnement du tribunal ou de la cour qui préside. Le gouvernement du Canada n’a apporté aucun changement ni aucune modification à ces documents. C’est pourquoi ils n’ont pas été traduits.

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Demandes en annulation

Le 16 juin 2015, le Canada a déposé un avis de demande à la Cour fédérale du Canada pour l’annulation de la décision concernant la compétence et la responsabilité au motif que le tribunal a outrepassé ses compétences et que la décision entre en conflit avec la politique publique du Canada. La Cour fédérale a rejeté cette demande le 2 mai 2018.

Le 8 avril 2019, les demandeurs ont déposé un avis de demande auprès de la Cour supérieure de l’Ontario afin d’annuler la décision en matière de dommages-intérêts, au motif que le tribunal avait rendu une décision outrepassant les modalités et la portée de la présentation consensuelle des parties quant au dossier d’arbitrage et que la décision entre en conflit avec la politique publique du Canada.  La Cour a rejeté cet avis de demande pour la décision en matière de dommages-intérêts le 24 novembre 2022. Les demandeurs ont fait appel de cette décision à la Cour d’appel de l’Ontario, le 28 décembre 2022. Les procédures d’appel se poursuivent.