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Explication de la volatilité des flux d’investissement direct étranger

Zachary MacNaughton
Février 2021

Principaux points à retenir

Introduction

Ce document explore la volatilité des flux d’investissement direct étranger (IDE) entrant au Canada et la manière dont certaines augmentations qui peuvent sembler extrêmement importantes, comme la croissance de 64 % des flux de 2017 à 2018, peuvent être mal interprétées sans contexte approprié et sans une vision historique plus large des flux.

Analyse

L’IDE est un moteur essentiel de la croissance économique mondiale. Mesurer l’IDE et en rendre compte permettent de suivre les résultats économiques dans le temps. Pour leur part, les décideurs politiques souhaitent avoir le plus d’information possible pour suivre le rendement de l’IDE et le sentiment des investisseurs.

Dans le même temps, il peut être difficile de rendre compte de l’IDE et de le mesurer. De multiples facteurs peuvent sous-tendre un résultat statistique donné, si bien qu’il faut analyser rigoureusement ce résultat avant de tirer une conclusion.

Tout d’abord, il est important de savoir que les flux d’IDE peuvent fluctuer considérablement d’un trimestre à l’autre (Figure 1) et même d’une année à l’autre (Figure 2). En fait, la volatilité historique est de 40 %, ce qui signifie que l’on peut s’attendre à des changements de 40 % d’une année sur l’autre. Ainsi, une augmentation ou une diminution des flux de l’ordre de 40 %, si elle semble importante, n’est pas hors du commun.

Figure 1
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Figure 1 : Flux trimestriels nets d’IDE

T1 2007 à T4 2019, G$ CA

Total net flowsMoyenne historique (T1 2007 à T4 2019) = 14
21.1
200722.8
30.8
50.7
20.4
8.6
22.8
13.9
1.3
20090.2
15.8
8.7
1.2
10.1
-6.7
14.2
12.0
201117.8
8.1
1.3
17.5
5.7
8.5
11.4
21.1
201322.4
12.6
15.4
15.4
13.4
15.8
20.7
7.1
201523.3
19.7
5.9
8.3
14.8
10.3
14.4
7.0
20177.2
11.3
8.9
18.4
7.1
11.8
19.0
12.4
201920.3
16.5
17.9

Source : Statistique Canada. Tableau 36-10-0025-01 Balance des paiements internationaux, flux d’investissement direct canadien à l’étranger et d’investissement direct étranger au Canada, trimestriel (x 1 000 000). Données recueillies le 15 septembre 2020.

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Figure 2 : Flux annuels nets d’IDE

2007 à 2019, G$ CA

Total net flowsMoyenne historique (2007 à 2019) = 55,9
2007125,476
200865,679
200925,948
201029,257
201139,254
201243,076
201371,459
201465,186
201556,057
201647,796
201734,424
201856,315
201967,163

Source : Statistique Canada. Tableau 36-10-0025-01 Balance des paiements internationaux, flux d’investissement direct canadien à l’étranger et d’investissement direct étranger au Canada, trimestriel (x 1 000 000). Données recueillies le 15 septembre 2020.

Même les fluctuations supérieures à 40 % méritent un examen minutieux. Une forte augmentation comme celle observée entre 2017 et 2018 (c.-à-d. 21,9 milliards de dollars ou 64 %) peut sembler très importante à première vue. Toutefois, si l’on compare avec la moyenne historique, il apparaît clairement que le résultat de 2018 est conforme à la performance historique (56,3 milliards de dollars contre 55,9 milliards de dollars), présentant un écart par rapport à la moyenne de seulement 0,7 %, soit 0,4 milliard de dollars. L’année 2018 a donc vu une forte augmentation, mais, en fait, elle était égale à la moyenne historique.

S’agissant des fluctuations et des résultats observés, des transactions importantes au cours d’une année donnée peuvent aussi avoir une incidence. C’est ainsi qu’une seule transaction peut modifier le résultat total des flux d’IDE au cours d’une année. La baisse enregistrée en 2017 en est un bon exemple. La diminution des flux d’IDE au Canada de 2016 à 2017 a été fortement influencée par deux transactions dans le secteur de l’énergie. Plus précisément, ConocoPhillips, qui a son siège aux États-Unis, a vendu des actifs de sables bitumineux et conventionnels d’une valeur de 17,7 milliards de dollars à la société canadienne Cenovus Energy. Quant à lui, le géant néerlandais Royal Dutch Shell a vendu des actifs de sables bitumineux d’une valeur de 11,1 milliards de dollars à Canadian Natural Resources Limited. Si l’on omet ces deux transactions dans les résultats de 2017, les flux d’IDE au Canada avaient connu une augmentation d’environ 11 milliards de dollars. En effet, ces deux ventes dans le secteur énergétique se sont traduites par des flux d’IDE de 11 milliards de dollars vers l’étranger, en plus d’ « annuler » 11 milliards de dollars de flux entrants. En fait, en 2017, des flux d’IDE d’au moins 45,4 milliards de dollars sont entrés au Canada. Il s’agit d’un résultat « ajusté » presque équivalent aux résultats de 2016 (47,8 milliards de dollars). La conclusion tirée est alors très différente : plutôt qu’une baisse importante des flux d’IDE, on constate que les résultats sont semblables à ceux de l’année précédente et à peine inférieurs à la moyenne historique de 55,9 milliards de dollars.

Ce résultat « ajusté » de 45,4 milliards de dollars en 2017 a également des implications sur la conclusion à tirer concernant le résultat de 56,3 milliards de dollars de 2018. Plutôt que d’être une très forte augmentation des flux d’IDE avec un taux de croissance de 64 %, les flux de 2018 montrent une augmentation notable de 24 %, mais inférieure à la volatilité historique de 40 %.

Si l’on examine l’IDE par type de flux, il est clair que les différentes composantes de ces investissements − bénéfices réinvestis, fusions et acquisitions et « autres flux » − fluctuent également beaucoup (Figure 3). Il devient encore plus évident que quelques transactions peuvent influencer les flux d’IDE, qu’il s’agisse de fusions et d’acquisitions ou d’une nouvelle expansion d’une entreprise (qui est prise en compte dans les « autres flux »). Par exemple, entre 2007 et 2019, les flux de fusions et d’acquisitions ont augmenté en moyenne de 26 % par an. Toutefois, en 2016 et 2017, ils ont connu leur plus forte diminution depuis 2007 (c.-à-d. -148 %), alors qu’en 2017 et 2018, ils ont enregistré leur plus forte croissance depuis 2007 (c.-à-d. 407 %). De même, en 2012 et 2013, les « autres flux » ont connu une augmentation spectaculaire de 908 %. 

Figure 3
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Figure 3 : Flux annuels d’IDE par type

2007 à 2019, G$ CA

Fusions ou acquisitionsBénéfices réinvestisAutres flux
2007872019
2008231824
20091088
20108139
201118174
201219214
2013112337
2014252317
2015281413
2016101721
2017-52316
2018152615
2019212818

Source : Statistique Canada. Tableau 36-10-0025-01 Balance des paiements internationaux, flux d’investissement direct canadien à l’étranger et d’investissement direct étranger au Canada, trimestriel (x 1 000 000). Données recueillies le 15 septembre 2020.

Des fluctuations similaires sont observées dans les flux d’IDE en provenance des États-Unis (Figure 4). Les flux d’IDE américains contribuent en moyenne à hauteur de 40 % au total des flux d’IDE pour une année donnée. Ils augmentent en moyenne de 26 % par an, avec un maximum de 138 % (2012-2013) et un minimum de -49 % (2013-2014) depuis 2012. Bien que les flux américains se situent au bas de l’échelle en matière de volatilité historique (12e sur 15 pays), ils affichent toujours une volatilité historique de 71 %.

Figure 4
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Figure 4 : Total annuel et flux d’IDE américains

2012 à 2019, G$ CA

Flux des États-UnisFlux des moyens des États-Unis (2012-2019) = 27,4Total des fluxTotal moyen des flux (2012-2019) = 55,2
20121743.1
201340.671.5
201420.865.2
201541.456.1
201624.747.8
201718.934.4
201823.756.3
20193267.2

Source: Statistique Canada. Tableau 36-10-0473-01 Balance des paiements internationaux, flux d'investissements directs canadiens à l'étranger et d'investissements directs étrangers au Canada, selon certains pays (x 1 000 000). Données recueillies le 15 septembre 2020.

Enfin, deux autres réalités doivent être prises en compte dans l’interprétation de la tendance des flux d’IDE. D’abord, les flux d’IDE ne suivent généralement pas le cycle économique, contrairement à d’autres indicateurs économiques. Une étude de 2012 sur les déterminants des flux d’IDE a révélé que la croissance du PIB n’était pas un facteur aussi déterminant pour une entreprise qui choisit d’investir par rapport à d’autres variables, comme le fait de partager une langue commune et le degré de développement du pays d’accueilFootnote 1. Ainsi, un résultat positif de l’IDE, comme une augmentation d’une année à l’autre, ne doit pas être attribué à une conjoncture favorable dans l’économie bénéficiaire ni, par extension, à l’amélioration du sentiment des investisseurs. Ces derniers sont certes sensibles aux conditions économiques générales et à la bonne gestion de l’économie, mais ils s’intéressent surtout au long terme et veulent s’assurer que leur investissement sera profitable dans les années à venirFootnote 2.

Ensuite, les statistiques sur l’IDE font l’objet de révisions par les autorités statistiques, comme Statistique Canada. Afin de fournir des renseignements en temps opportun, des estimations annuelles préliminaires de l’IDE sont d’abord publiées, généralement en avril pour l’année précédente, puis les données sont vérifiées et mises à jour au trimestre suivant. Les révisions peuvent prendre plus d’un an et être importantes, comme en 2019 pour les résultats de 2018. L’estimation initiale pour 2018 était de 54,7 milliards de dollars, alors que le résultat révisé faisait état de 56,3 milliards de dollars. Les estimations pour 2017, également mises à jour au même moment, sont passées de 32,2 milliards de dollars à 34,4 milliards de dollars. Ainsi, les premières estimations laissaient entendre une augmentation des flux d’IDE au Canada de 70 %, passant de 32,2 milliards de dollars en 2017 à 54,7 milliards de dollars en 2018, tandis que, après révision, il s’agissait plutôt d’une augmentation de 64 %, passant de 34,4 milliards de dollars à 56,3 milliards de dollars.

Conclusion

Ce document montre que, bien que les fluctuations des flux d’IDE d’une année donnée, voire d’un trimestre à l’autre, puissent sembler très importantes, qu’elles soient négatives ou positives, il est utile de les examiner sur la durée. En utilisant l’augmentation de 64 % des flux de 2017 à 2018, nous avons montré qu’une ou deux transactions importantes peuvent influencer grandement le résultat global. Ne pas en tenir compte peut nous amener à tirer les mauvaises conclusions. En examinant la moyenne dans le temps et en déterminant les investissements ou les désinvestissements importants, nous pouvons nous faire une meilleure idée de la tendance générale des flux d’IDE et de leurs résultats globaux.

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