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PME appartenant à des femmes et obstacles au commerce

Julia V. Sekkel
2020-04-1

Table des matières

Sommaire

Ce rapport examine comment les obstacles au commerce affectent la participation à l’exportation des petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des femmes. Voici les principales conclusions du rapport :

Afin de comprendre les raisons à la base de ces observations, le présent rapport analyse les différences entre les sexes pour certaines caractéristiques commerciales des PME, à savoir la taille de l’entreprise, l’industrie d’exploitation, les années d’expérience en gestion et la destination des exportations. Les principales constatations qui ressortent de cette analyse sont les suivantes :

Introduction

L’augmentation de la participation au commerce international des petites et moyennes entreprises (PME) appartenant à des femmes aurait des répercussions positives sur la croissance économique du Canada, l’égalité des sexes et la cohésion sociale. Dans le cadre de l’initiative du commerce inclusif, le Canada est intéressé à comprendre les répercussions des échanges commerciaux sur différents segments de la société, notamment les femmes, les peuples autochtones, les PME et d’autres acteurs, afin de s’assurer qu’ils puissent participer au commerce et en tirer profit.

En ce qui concerne les PME appartenant à des femmes, l’hypothèse sous-jacente de cette approche est que le commerce n’est pas sexo-neutre. Les politiques commerciales, sous forme de tarifs et de barrières non tarifaires, peuvent affecter différemment les secteurs et les industries. Étant donné que les entreprises appartenant à des femmes ne sont pas également représentées dans les diverses industries, les changements dans les obstacles au commerce n’auront pas les mêmes effets sur les entreprises appartenant à des hommes et celles appartenant à des femmes. Par ailleurs, le fait que les entreprises appartenant à des femmes et celles appartenant à des hommes présentent des caractéristiques différentes ­– non seulement pour ce qui est de l’industrie d’exploitation, mais aussi pour la taille de l’entreprise et la productivité – engendre des différences dans leur capacité à surmonter les obstacles au commerce et à participer au commerce international.

Alors qu’un certain nombre d’études traitent des obstacles au commerce pour les femmes entrepreneures dans les pays en développement (ITC, 2015; Banque mondiale, 2015; Kiratu et Roy, 2010), seules quelques-unes portent sur les pays développés (The National Board of Trade Sweden, 2020), ou sur le Canada en particulier (Orser et coll. 2004). Les exportatrices des pays en développement sont confrontées à des barrières commerciales disproportionnellement plus élevées, telles que des difficultés accrues pour se conformer aux exigences réglementaires et procédurales, un accès plus restreint à l’information et aux marchés, l’exclusion des réseaux de distribution dominés par les hommes, des contraintes de temps et de mobilité, et un risque accru d’abus, notamment de corruption et de harcèlement à la frontière.

Cependant, dans la plupart des pays développés, les politiques nationales ont évolué pour accroître considérablement l’égalité des genres en matière d’entrepreneuriat et de commerce. Une étude récente du Bureau de l’économiste en chef, d’Affaires mondiales Canada, montre que la participation des PME appartenant à des femmes à l’exportation a considérablement augmenté entre 2011 et 2017. Sur la base des données de l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises de Statistique Canada, la part des PME exportatrices appartenant à des femmes a doublé, passant de 7,4% en 2011 à 14,8% en 2017. Au cours de la même période, la probabilité qu’une PME de propriété féminine exporte est passée de 5 % en 2011 à 11,1 % en 2017, rejoignant la moyenne globale des PME, soit 11,7 %, et atteignant presque la propension à l’exportation des PME de propriété masculine, soit 12,2 %.

Bien que ces résultats montrent une nette amélioration, l’écart entre les sexes au chapitre de l’entrepreneuriat est toujours très important au Canada. Parmi l’ensemble des PME (exportatrices et non exportatrices), la part des entreprises appartenant à des hommes atteignaient 63,5 %, soit quatre fois plus que la part des PME appartenant à des femmes, soit 15,6 %, les 20,9 % restants correspondant aux entreprises à participation égale.

Le présent rapport examine le rôle joué par les barrières commerciales pour limiter l’accès au marché d’exportation des PME appartenant à des femmes, ainsi que les obstacles qui gênent les PME exportatrices appartenant à des femmes lorsqu’elles exportent, par comparaison avec les deux autres groupes, à savoir les PME appartenant à parts égales à des hommes et à des femmes et celles appartenant à des hommes. En examinant comment les différences au niveau de leurs caractéristiques peuvent affecter leur perception des barrières commerciales, le rapport vise à éclairer les réponses aux barrières sexospécifiques au niveau des politiques.

Source de données et définitions

La source des données utilisées dans ce rapport est l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises réalisée en 2017 et publiée en 2018. Dans cette enquête, les PME sont définies comme étant les entreprises ayant entre 1 et 499 employés et des recettes brutes annuelles de 30 000 $ et plus. Les entreprises sont classées comme étant petites lorsque le nombre d’employés se situe entre 1 et 99 employés, moyennes lorsqu’elles comptent entre 100 et 499 employés. Les grandes entreprises sont celles qui ont 500 employés ou plus; ces dernières ne sont pas analysées dans le présent rapport.

La propriété selon le sexe est déterminée dans l’enquête par le pourcentage de la propriété de l’entreprise détenue par des femmes, qui est définie selon trois catégories :

L’enquête identifie également des catégories « d’obstacles au commerce » et des « raisons de ne pas exporter » :

Les entreprises sont classées selon le Système de classification des industries de l’Amérique du Nord. Les sociétés de financement et de crédit-bail, les organisations à but non lucratif, les administrations publiques, les écoles, les hôpitaux et autres organisations du secteur public ne sont pas inclus dans l’enquête.Note de bas de page 1

Obstacles à l’entrée à l’exportation pour les PME appartenant à des femmes

Depuis l’étude phare de Melitz (2003), de nombreuses études ont porté sur la compréhension de la dynamique des obstacles au commerce sur l’entrée des entreprises sur les marchés d’exportation sur la base des caractéristiques des entreprises (voir Trefler, 2004; Lileeva et Trefler, 2010; et Baldwin et Yan, 2015, pour un résumé sur le Canada). Ces études montrent que pour exporter, les entreprises doivent atteindre un certain niveau de productivité qui leur permettra d’absorber les coûts fixes et variables de l’exportation. Par conséquent, les politiques qui abaissent les obstacles au commerce réduisent le niveau de productivité requis pour exporter et encouragent les entreprises moins productives à commencer à exporter.

Le Canada a récemment montré des progrès importants dans la participation à l’exportation des PME appartenant à des femmes. Entre 2011 et 2017, la part des PME appartenant à des femmes parmi les exportateurs a doublé, passant de 7,4 % à 14,8 % en 2017. Bien que les PME exportatrices appartenant à des femmes soient encore minoritaires, la répartition de la propriété en fonction du genre parmi les PME exportatrices est désormais très similaire à la répartition de la propriété de l’ensemble des PME selon le genre, comme il ressort de la figure 1. Ces résultats indiquent que, malgré l’écart entre les sexes au niveau de l’entrepreneuriat des PME, l’écart au chapitre de l’exportation a été essentiellement comblé et les PME appartenant à des femmes ont presque la même probabilité de commencer à exporter que les PME appartenant à des hommes.

Figure 1 – Répartition de la propriété des PME selon le sexe, 2017

Répartition de la propriété des PME selon le sexe, 2017

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
 PME appartenant à des femmesPME appartenant à des hommesPME appartenant à des hommes-femmes
PME exportatrices14,866,318,9
Toutes les PME15,663,520,9

Visant à comprendre le rôle joué par les obstacles à l’entrée à l’exportation, l’Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises demandait aux entreprises qui n’exportaient pas en 2017 de préciser les raisons pour lesquelles elles n’exportaient pas. Les raisons étaient énumérées selon une liste de choix prédéfinis, dont la nature de l’entreprise ainsi que les obstacles liés au commerce. Une caractéristique particulièrement intéressante de cette question est qu’elle identifie deux groupes d’entreprises non-exportatrices : celles qui n’ont pas essayé d’exporter (nature de l’entreprise) et celles qui auraient exporté en l’absence d’obstacles.

Une grande majorité des entreprises ont indiqué que la « nature locale de l’entreprise » était la principale raison de ne pas exporter (non incluse dans la figure 2). 95 % des PME appartenant à des femmes et des PME détenues à parts égales par des femmes et des hommes et 93 % des PME détenues par des hommes ont indiqué que c’était la raison pour laquelle elles n’exportaient pas. Cela laisse penser que la plupart des PME ne sont pas susceptibles d’exporter et que seulement une part légèrement plus importante des PME appartenant à des femmes juge que la nature de leur entreprise ne leur permet pas d’exporter. Ce résultat est intéressant compte tenu de la structure assez différente des activités dans lesquelles les PME appartenant à des femmes sont principalement engagées, un aspect qui sera examiné plus loin dans le rapport.

Les PME qui n’ont pas invoqué la nature locale de leur entreprise comme raison pour ne pas exporter avaient ensuite la possibilité d’indiquer d’autres raisons possibles de ne pas exporter. Pour l’ensemble des obstacles énumérés, la proportion de PME appartenant à des femmes était inférieure à celle des hommes et des entreprises de propriété égale. En d’autres termes, les entreprises appartenant à des femmes étaient moins susceptibles d’identifier des obstacles qui les empêchaient d’entrer sur le marché d’exportation.

Figure 2 – Proportion des PME signalant des obstacles comme raisons de ne pas exporter, selon le sexe majoritaire de propriété, 2017*

Proportion des PME signalant des obstacles comme raisons de ne pas exporter, selon le sexe majoritaire de propriété, 2017*

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.
* Le graphique n’inclut pas la catégorie « Nature locale de l’entreprise »

Texte alternatif
Obstacles logistiquesObstacles administratifs au paysObstacles administratifs à Obstacles frontaliersRisque financierConnaissance du marchéManque de financement, de liquiditésProblèmes liés à la P.I.Autres
PME appartenant à des femmes7 %6 %6 %6 %6 %5 %4 %1 %9 %
PME de propriété hommes-femmes8 %6 %7 %6 %7 %6 %4 %2 %7 %
PME appartenant à des femmes4 %4 %3 %4 %3 %4 %2 %1 %8 %
Toutes les PME7 %6 %6 %5 %5 %5 %4 %1 %9 %

Aucun des obstacles énumérés ne se révèle particulièrement problématique. Les obstacles logistiques étaient perçus comme étant l’obstacle le plus prohibitif par les trois groupes de propriété selon le genre. Il convient de noter également que cet obstacle présente l’un des plus grands écarts de perception entre les hommes et les femmes, 4% des femmes identifiant la logistique comme un obstacle, contre 7% des hommes.

Les obstacles administratifs au pays constituent la deuxième catégorie la plus importante pour les femmes et les hommes. De par leur nature, ces obstacles devraient être sous l’emprise des responsables des politiques canadiens, mais il n’y a aucune information précise sur la nature de ces obstacles. L’écart de perception entre les femmes et les hommes est l’un des plus faibles parmi tous les obstacles, ce qui pourrait vouloir dire que, malgré l’importance de ces obstacles, ils ne semblent à tout le moins pas engendrer un biais sexiste.

Les obstacles administratifs à l’étranger, les problèmes frontaliers et la connaissance du marché sont les autres catégories d’obstacles les plus importantes touchant les entreprises appartenant à des femmes pour pénétrer les marchés d’exportation. Il s’agit là d’obstacles pour lesquels le Service des délégués commerciaux (SDC) pourrait jouer un rôle en offrant de l’information, que les accords commerciaux conclus par le Canada pourraient éventuellement aborder.

Le manque de financement et de liquidités, qui a généralement été identifié comme un obstacle significatif pour les femmes exportatrices dans d’autres pays (ITC, 2015) était l’avant-dernier en importance parmi les raisons de ne pas exporter chez les PME appartenant à des femmes. Cela concorde avec les résultats de Huang et Rivard (2020), qui utilisent la même enquête pour montrer qu’il n’y a pas de différences significatives entre les sexes dans la probabilité d’envisager d’obtenir du financement comme obstacle à la croissance des PME. Cependant, les PME appartenant à des femmes sont beaucoup plus susceptibles que celles appartenant à des hommes de se voir refuser un emprunt. Les prêts refusés ont été associés à une moins grande expérience en gestion (Banque Scotia, 2020). Comme l’ont montré Coleman (2000) et Orser et coll. (2006), en neutralisant l’effet de la taille, de l’âge de l’entreprise et de l’industrie, les différences entre les sexes au niveau de l’accès au financement et des modalités de prêt (taux d’approbation des demandes d’emprunt, exigences de garanties) ont tendance à disparaître. Ces résultats peuvent indiquer qu’il pourrait y avoir des limitations liées au comportement du côté de la demande. Les problèmes de propriété intellectuelle sont des obstacles mineurs, ce qui est compatible avec d’autres observations selon lesquelles seules les entreprises qui utilisent la propriété intellectuelle considèrent que les problèmes de propriété intellectuelle sont un obstacle important (Boileau et Sydor, 2011).

La catégorie « Autre » est la plus importante, ce qui signifie que d’autres obstacles peuvent ne pas être pas identifiés actuellement dans l’enquête. Un rapport conjoint de l’OCDE-APEC (2006) révèle que les PME non exportatrices ont tendance à identifier les capacités internes et les questions internes à l’entreprise comme des obstacles plus importants à l’internationalisation que les barrières commerciales. Par conséquent, les problèmes internes et tout autre obstacle non répertorié pourraient avoir été signalés sous la catégorie « Autres ».

Bien qu'une question similaire ne soit pas disponible dans l'itération de l'enquête de 2011 pour comparer les changements potentiels entre les groupes, ces résultats concordent avec l’observation que la majeure partie de la croissance de la propension globale à l’exportation des PME entre 2011 et 2017 s’explique par la croissance des entreprises exportatrices appartenant à des femmes, plutôt qu’à celle des PME appartenant à des hommes ou des PME de propriété égale hommes-femmes. Au cours de cette période, la proportion des entreprises exportatrices appartenant à des femmes a augmenté beaucoup plus rapidement (de 5% à 11,7%) que celle des PME appartenant à des hommes (passée de 11,8% à 12,3%) et des PME de propriété égale (10,0% à 10,5%). Sans établir de relation de cause à effet, ces tendances peuvent suggérer une corrélation entre la perception plus faible des obstacles à la participation des femmes entrepreneurs à l’exportation et la hausse observée du taux de participation à l’exportation des entreprises appartenant à des femmes.

Obstacles pour les PME exportatrices appartenant à des femmes

Les entreprises qui parviennent à surmonter les coûts et les obstacles à l’exportation le font parce qu’elles étaient suffisamment productives pour le faire. Cela ne signifie pas, toutefois, que ces coûts disparaissent. Selon Yu (2019), bien que la plupart des nouveaux exportateurs au Canada soient des PME, seulement 30 % continuent d’exporter après quatre ans. Baldwin et Gu (2003) montrent que les entreprises manufacturières canadiennes qui ont commencé à exporter et qui ont subséquemment cessé de le faire ont également connu des pertes de productivité. En outre, même si la plupart des nouveaux exportateurs sont des PME, leur taux de survie est très faible, et la moitié d’entre cessent d’exporter après la première année (Yu, 2019).

La présente section met l’accent sur les PME qui exportent déjà et sur la façon dont les obstacles au commerce sont perçus parmi les groupes de propriété selon le genre, en utilisant la question de l'enquête sur la perception des obstacles par les PME lorsqu’elles exportent. À partir d’une liste de catégories prédéfinies d’obstacles au commerce, les répondants pouvaient choisir entre « ne constitue pas un obstacle », « obstacle mineur », « obstacle modéré » ou « obstacle majeur ».

Comme le montre la figure 3, l’obstacle le plus important (déclaré comme étant modéré ou majeur) lorsqu’une PME exporte est de nature logistique (distance, coûts de transport, frais de courtage), qui toucherait aussi plus intensément les entreprises exportatrices appartenant à des femmes, avec l’écart le plus grand entre les sexes. Les obstacles frontaliers constituent la deuxième catégorie d’obstacles majeurs, avec aussi un écart important entre les sexes. Les obstacles administratifs à l’étranger étaient le troisième groupe en importance, en particulier pour les entreprises à participation égale hommes-femmes, avec un écart important entre les entreprises exportatrices appartenant à des femmes et celles appartenant à des hommes. Bien que ces obstacles soient généralement liés aux facteurs spécifiques au marché de destination, certains pourraient être atténués dans le cadre des accords commerciaux, tels que les droits de douane et les contingents, ou par des mesures de facilitation des échanges commerciaux (système à guichet unique, réduction des formalités administratives aux frontières), ou grâce au soutien du SDC par la diffusion d’informations sur les normes et les exigences étrangères.

Le risque financier et le manque de financement, qui n’étaient pas considérés comme des obstacles majeurs à l’entrée à l’exportation, semblent relativement plus importants pour les PME exportatrices, mais ils ne sont pas perçus comme ayant une plus grande incidence sur les entreprises exportatrices appartenant à des femmes que sur les autres groupes. La connaissance du marché a également pris de l’importance en tant qu’obstacle pour l’ensemble des PME exportatrices, mais encore une fois, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ne semblent pas touchées davantage que les entreprises exportatrices appartenant à des hommes.

Les obstacles administratifs au pays ont perdu beaucoup d’importance pour les exportateurs par rapport aux non-exportateurs. Bien que ces obstacles semblent généralement plus faibles pour les PME exportatrices, ils affectent les entreprises exportatrices appartenant à des femmes plus fortement que celles appartement à des hommes, mais avec le plus petit écart entre les sexes.

La perception des obstacles au commerce est passablement différente entre les non-exportateurs (présentés dans la section précédente) et les exportateurs, non seulement pour l’ensemble des PME, mais aussi parmi les groupes de propriété selon le genre. Les obstacles à l’entrée à l’exportation sont déclarés à une fraction du taux des obstacles déclarés par les entreprises qui exportent. Les obstacles logistiques, par exemple, sont mentionnés par près de 20 % des exportateurs, comparativement à quelque 7 % des entreprises qui songent à exporter. De même, les différences entre les sexes sont prononcées; alors que les PME appartenant à des femmes signalent des obstacles à l’exportation à un taux inférieur à celui des hommes pour tous les types d’obstacles, les écarts chez les entreprises exportatrices varient davantage d’une catégorie à l’autre, certaines affectant davantage les entreprises exportatrices appartenant à des femmes, d’autres touchant davantage les entreprises exportatrices appartenant à des hommes.

D’autres études portant sur les pays développés ont aussi relevé des différences dans la perception des obstacles au commerce entre exportateurs et non exportateurs (Moini, 1997; OCDE-APEC, 2006). Bien que les PME non exportatrices mentionnent les capacités internes comme étant des contraintes à l’exportation, celles qui ont déjà de l’expérience dans l’exportation identifient les problèmes commerciaux au pays et à l’étranger comme étant des obstacles plus importants à l’exportation. Cette distinction entre les non-exportateurs et les exportateurs montre qu’une fois que les PME ont surmonté les obstacles internes et qu’elles entrent sur les marchés internationaux, elles prennent davantage conscience de leur environnement commercial et des obstacles au commerce.

La catégorie « Autres » est, par rapport aux obstacles spécifiques, beaucoup moins importante pour les entreprises exportatrices que pour les entreprises non-exportatrices. Cela peut signifier que les obstacles spécifiques saisissent la plupart des problèmes rencontrés par les exportateurs.

Figure 3 – Proportion des PME qui exportent signalant des obstacles modérés ou majeurs, par groupe de propriété selon le sexe, 2017

Proportion des PME qui exportent signalant des obstacles modérés ou majeurs, par groupe de propriété selon le sexe, 2017

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
Obstacles logistiquesObstacles frontaliersObstacles administratifs à l’étrangerRisque financierConnaissance du marchéManque de financement, liquidités insuffisantesObstacles administratifs au paysProblèmes liés à la P.I.Autres
PME appartenant à des femmes24 %22 %19 %11 %11 %9 %11 %3 %5 %
PME de propriété hommes-femmes19 %17 %21 %16 %16 %10 %8 %2 %13 %
PME appartenant à des hommes19 %17 %14 %16 %14 %14 %10 %7 %9 %
Toutes les PME20 %18 %16 %15 %14 %13 %10 %5 %9 %

Taille de l’entreprise

Il y a une abondance de données indiquant que les petites entreprises sont moins susceptibles de commencer à exporter et plus susceptibles de moins exporter. La raison en est que vendre à l’étranger oblige les entreprises à assumer des coûts fixes et variables, et elles doivent donc atteindre un certain niveau de productivité, ce qui est généralement difficile pour les petites entreprises (Arndt et coll., 2012). Avec des ressources limitées et une capacité moindre pour affronter les risques, les obstacles au commerce qui ont pour effet de hausser les coûts fixes ou variables peuvent avoir une incidence marquée sur la compétitivité et la performance des petites entreprises à l’exportation (OCDE, 2006). Cependant, d’autres données montrent que la taille de l’entreprise et l’exportation ne sont pas significativement liées et que les petites entreprises peuvent tout de même détenir un avantage concurrentiel pour des produits spécifiques sur des marchés spécifiques. (Wolf et Pett, 2000; Moen, 1999). Au Canada, par exemple, il y a beaucoup de petites entreprises moins productives qui exportent, ce que Lilleva et Trefler (2010) ont appelé le « paradoxe des exportateurs improductifs ».

Comme l’illustre la figure 3, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes sont concentrées de façon disproportionnée parmi les micro-entreprises par rapport aux autres groupes de propriété selon le genre : 63,9 % des entreprises exportatrices appartenant à des femmes comptent entre 1 et 4 employés, comparativement à celles appartenant à des hommes et à celles dont la propriété est également partagée entre des hommes et des femmes, dont 43,3% entrent dans cette catégorie. En outre, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes montrent une part plus faible dans les autres catégories selon la taille et l’écart est d’autant plus prononcé que la taille de l’entreprise est grande. En d’autres termes, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ont tendance à être beaucoup plus petites que celles appartenant à des hommes et que celles de propriété égale hommes-femmes.

Figure 4 – Répartition des entreprises exportatrices selon la taille et le sexe de propriété majoritaire, 2017

Répartition des entreprises exportatrices selon la taille et le sexe de propriété majoritaire, 2017

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2014 et 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
PME exportatrices de propriété fémininePME exportatrices de propriété masculine ou égale
1 à 4 employés64 %43 %
5 à 19 employés28 %34 %
20 à 99 employés8 %17 %
100 à 499 employés1 %5 %

Pour ce qui est des raisons de ne pas exporter, la taille de l’entreprise ne révèle pas de profil perceptible. Les micro-PME et les PME de petite taille ont à peu près la même probabilité de signaler un obstacle que celles de taille moyenne. Cela concorde avec d’autres études montrant que la taille n’est pas nécessairement un obstacle à la participation à l’exportation, et le rôle de la taille de l’entreprise dans la décision d’exporter a été atténué avec l’abaissement des barrières commerciales (Esteve-Pérez et coll., 2011; Wolf et Pett, 2000; et Verwaal et Donkers, 2002). Il est donc difficile d’associer la taille généralement plus petite des PME appartenant à des femmes aux obstacles signalés à l’entrée sur les marchés d’exportation.

Lorsqu’on examine les obstacles des PME qui exportent selon la taille de l’entreprise, la probabilité de signaler des obstacles importants augmente avec la taille de l’entreprise augmente. Les obstacles logistiques, frontaliers et administratifs au pays et à l’étranger semblent toucher davantage les grandes que les petites entreprises. Les entreprises exportatrices appartenant à des femmes, la plupart de petite taille, sont plus susceptibles d’être touchées par ces obstacles que leurs homologues. Ces tendances indiquent que la taille moyenne des entreprises exportatrices appartenant à des femmes ne semble pas expliquer les écarts observés dans la perception des obstacles à l’exportation, et d’autres facteurs pourraient intervenir.

Industrie d’exploitation

Les entrepreneures ont tendance à créer des entreprises dans des secteurs différents de ceux choisis par les hommes. Elles sont plus susceptibles de posséder des entreprises dans des industries de services, tandis que les hommes se concentrent dans la fabrication (The National Board of Trade Sweden, 2020). Au Canada, le commerce de détail, l’information et les services culturels représentaient près de 50 % des PME appartenant à des femmes en 2017. Des écarts similaires dans la répartition selon l’industrie et le sexe ressortent également parmi les PME exportatrices. Il est possible que ces écarts dans la répartition selon l’industrie soient aussi liés aux différences entre les sexes dans la perception des obstacles au commerce.

Comme le montre la figure 5, près du tiers (31,9 %) des entreprises exportatrices appartenant à des femmes faisaient du commerce de détail en 2017, contre 6,5 % pour celles de propriété masculine ou égale. Les services professionnels et scientifiques montraient la deuxième plus grande proportion d’entreprises exportatrices appartenant à des femmes (22,1 %), comparativement à 25,6 % pour celles de propriété masculine ou égale.

Figure 5 – Répartition des PME exportatrices selon l’industrie le sexe de propriété majoritaire, 2017

Répartition des PME exportatrices selon l’industrie le sexe de propriété majoritaire, 2017

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
PME exportatrices de propriété fémininePME exportatrices de propriété masculine ou égale
Agriculture1 %4 %
Construction1 %3 %
Manufacturier9 %19 %
Commerce de gros7 %11 %
Commerce de détail32 %6 %
Transport et entreposage7 %10 %
Services professionnels, scientifiques et techniques22 %26 %
Services d’hébergement et de restauration2 %4 %
Autres services8 %2 %
Services d’information, culturels et services publics11 %15 %

En outre, comme le montre la figure 6, la proportion d’entreprises appartenant à des femmes parmi les PME exportatrices du commerce de détail a plus que doublé de 2014 à 2017 pour atteindre 46,2 %. Parallèlement, la part de cette industrie parmi les PME appartenant à des femmes a reculé, alors que la proportion d’entreprises appartenant à des femmes dans l’ensemble des PME a légèrement augmenté sur la même période. Ces résultats laissent penser que les PME appartenant à des femmes étaient mieux en mesure de commencer à exporter.

Figure 6 – Part des exportateurs appartenant à des femmes dans le total des exportateurs par industrie

Part des exportateurs appartenant à des femmes dans le total des exportateurs par industrie

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2014 et 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
20142017
Agriculture5 %0 %
Construction8 %0 %
Manufacturier8 %9 %
Commerce de gros9 %7 %
Commerce de détail46 %22 %
Transport et entreposage11 %10 %
Services professionnels, scientifiques et techniques13 %10 %
Services d’hébergement et de restauration8 %20 %
Autres services41 %17 %
Services d’information, culturels et services publics11 %16 %

Pour les PME du commerce de détail et des services d’information et services culturels, les obstacles à la participation à l’exportation ne sont pas considérés comme des obstacles majeurs par rapport aux autres industries. L’une des explications possibles est qu’un accès accru à la technologie permet à de nombreux détaillants de vendre en ligne, ce qui pourrait atténuer leur perception des obstacles à l’entrée à l’exportationNote de bas de page 2. Ahmed et Melin (2017) montrent que les petites entreprises canadiennes qui utilisent des plateformes de commerce électronique sont neuf fois plus susceptibles d’exporter. Le commerce électronique est considéré comme ayant les mêmes effets sur les échanges commerciaux que les politiques de libéralisation, réduisant les obstacles à la participation à l’exportation (Lendle et Vézina, 2013). Ces facteurs peuvent fournir une explication possible des écarts entre les sexes dans la perception des obstacles à l’entrée à l’exportation, et du fait que les PME appartenant à des femmes sont moins touchées en comparaison des autres groupes de PME selon le sexe.

Si l’on examine les obstacles rencontrés par les PME qui exportent, une grande partie de celles qui sont engagées dans le commerce de détail semblent les considérer comme importants. En 2017, 27 % des PME exportatrices du secteur du commerce de détail ont déclaré que les obstacles logistiques étaient modérés ou majeurs, ce qui est 7 points de pourcentage de plus que la moyenne, suivis des obstacles frontaliers, à 19 % – 1 point de pourcentage de plus que la moyenne. Ce sont les mêmes obstacles qui touchent plus durement les exportateurs du secteur manufacturier. Cette similitude montre que, même si le commerce de détail est généralement assimilé à une industrie de services, les PME de ce secteur réalisent des ventes transfrontières de marchandisesNote de bas de page 3, qui comportent des coûts liés à la livraison des produits, aux droits tarifaires et aux droits de douane, outre les exigences et les normes de produits à l’étranger. Ces obstacles sont également perçus comme majeurs pour les entreprises exportatrices appartenant à des femmes. Ces résultats incitent à penser que les différences dans la concentration des entreprises exportatrices appartenant à des femmes selon l’industrie peuvent être liées aux écarts entre les sexes dans la perception des obstacles chez les entreprises qui exportent.

Années d’expérience en gestion

Une autre caractéristique qui pourrait être liée à la perception des obstacles est le nombre d’années d’expérience en gestion ou comme propriétaire d’une entrepriseNote de bas de page 4. L’hypothèse est qu’un plus grand nombre d’années d’expérience en gestion d’entreprise serait associé à une meilleure capacité et à des connaissances accrues pour composer avec les règlements, les normes et les autres exigences, ce qui entraînerait une perception moins marquée des obstacles au commerce. Incidemment, Shoham et Albaum (1995) affirment que l’expérience en gestion peut avoir un impact sur la perception des obstacles. Ainsi, les entreprises qui possèdent une plus longue pratique de gestion opérationnelle ont une perception plus modérée des obstacles au commerce liés aux exigences en matière de documentation, au transport et aux incertitudes sur les marchés étrangers.

Comme le montre la figure 7, bien que la majorité des entreprises exportatrices appartenant à des femmes aient plus de dix années d’expérience en gestion, leur part dans ce groupe est inférieure à la moyenne des PME. À l’inverse, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ont une part proportionnellement plus élevée que la moyenne parmi celles qui possèdent le moins d’expérience en gestion. Les mêmes écarts sont observés parmi les PME non exportatrices. Toutefois, le fait que les PME appartenant à des femmes aient globalement moins d’expérience en gestion que la moyenne ne semble pas expliquer leur perception plus faible des obstacles à l’exportation par rapport aux autres.

Figure 7 – Répartition en pourcentage des exportateurs par années d’expérience en gestion, 2017

Répartition en pourcentage des exportateurs par années d’expérience en gestion, 2017

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
Entreprises exportatrices de propriété fémininePME exportatrices
Moins de 5 ans14 %5 %
De 5 à 10 ans21 %21 %
Plus de 10 ans67 %73 %

Entre 2014 et 2017, la proportion de PME appartenant à des femmes parmi les exportateurs ayant moins de 5 années d’expérience a augmenté plus rapidement que les autres catégories, comme il ressort de la figure 8. Cette augmentation marquée n’a pas été suscitée par des changements dans la répartition des entreprises appartenant à des femmes parmi les catégories définies selon le nombre d’années d’expérience, qui n’ont varié que marginalement durant cette période. Cela indique qu’un plus grand nombre de PME de propriété féminine ayant moins d’expérience en gestion sont devenues exportatrices. Ces nouvelles entreprises exportatrices moins expérimentées ont peut-être pris davantage conscience des obstacles au commerce alors qu’elles exportaient, ce qui pourrait également aider à expliquer l’écart entre les sexes dans la perception des obstacles parmi les entreprises qui exportent.

Figure 8 – Part des entreprises exportatrices appartenant à des femmes dans l’ensemble des entreprises exportatrices selon le nombre d’années d’expérience en gestion

Part des entreprises exportatrices appartenant à des femmes dans l’ensemble des entreprises exportatrices selon le nombre d’années d’expérience en gestion

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2014 et 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
20142017
Moins de 5 ans19 %31 %
De 5 à 10 ans10 %15 %
Plus de 10 ans11 %14 %

Destination des exportations

Les exportations vers les marchés étrangers engendrent des coûts plus élevés en raison de l’éloignement géographique et culturel. Pour le Canada en particulier, dont la plupart des exportations seront destinées aux États-Unis, il est probable que les coûts de faire du commerce sur ce marché sont les moins élevés, de sorte que le fait d’exporter vers tout autre marché semble comporter des obstacles plus importants (Anderson et Wincoop, 2001).

Bon nombre des obstacles identifiés par les PME exportatrices, et en particulier celles appartenant à des femmes, sont propres au marché de destination. La figure 9 révèle que la majorité des PME appartenant à des femmes au Canada exportaient vers les États-Unis. Cependant, elles ont tendance à être plus diversifiées que les PME appartenant à des hommes et celles dont la propriété est partagée également entre des hommes et des femmes, et un pourcentage plus élevé vendent en Europe, dans d’autres pays et en Inde. Ces marchés, suivis par les États-Unis, ont connu les plus fortes hausses de la proportion des entreprises appartenant à des femmes parmi les exportateurs entre 2014 et 2017.

Figure 9 – Part des entreprises exportatrices appartenant à des femmes dans l’ensemble des entreprises exportatrices se la destination des exportations (2014, 2017)

Part des entreprises exportatrices appartenant à des femmes dans l’ensemble des entreprises exportatrices se la destination des exportations (2014, 2017)

Données : Statistique Canada, Enquête sur le financement et la croissance des petites et moyennes entreprises, 2017.
Source : Bureau de l’économiste en chef, Affaires mondiales Canada.

Texte alternatif
PME appartenant à des femmesPME appartenant à des hommesPME de propriété égale hommes-femmesToutes les PME
États-Unis81 %88 %89 %87 %
Europe, à l’exclusion du R.-U.36 %25 %21 %26 %
Autres (reste du monde)22 %18 %17 %18 %
Royaume-Uni20 %16 %15 %17 %
Asie (à l’exclusion de la Chine, de l’Inde et du Japon)10 %12 %14 %12 %
Inde9 %4 %4 %5 %
Mexique8 %9 %9 %9 %
Chine7 %8 %7 %8 %
Amérique latine (à l’exclusion du  et du Brésil)6 %7 %6 %7 %
Japon5 %7 %4 %6 %
Brésil3 %3 %2 %3 %

En considérant les PME qui ont l’intention d’accroître leurs ventes vers des destinations à l’extérieur du Canada, il n’y a pas de différences majeures entre les sexes quant aux marchés où elles préféreraient exporter éventuellement. Les PME appartenant à des femmes et celles appartenant à des hommes avaient une probabilité presque égale d’envisager d’exporter vers les États-Unis, soit 87,0 % pour les entreprises appartenant à des femmes et 89,8 % pour les entreprises appartenant à des hommes. En d’autres termes, les destinations prévues chez les entreprises exportatrices appartenant à des femmes sont moins diversifiées que leurs exportations actuelles. Cela peut vouloir dire que le marché d’exportation visé pourrait avoir un lien avec les différences plus restreintes entre les sexes dans la perception des obstacles à la participation à l’exportation.

Inversement, à mesure que les entreprises commencent à exporter vers des marchés culturellement éloignés, leur perception des obstacles augmente initialement, et les exportateurs desservant des marchés culturellement éloignés tendent à mettre l’accent sur les besoins de ces marchés (Shoram et coll., 1995). Étant donné que les entreprises exportatrices appartenant à des femmes sont relativement plus diversifiées que les deux autres groupes, cette constatation pourrait indiquer que la présence accrue d’entreprises exportatrices appartenant à des femmes dans les destinations étrangères par rapport aux deux autres groupes pourrait être une autre explication possible des écarts entre les sexes dans les obstacles perçus à l’exportation.

Autres obstacles et discrimination fondée sur le sexe

L’utilisation d’une approche basée sur un questionnaire d’enquête pour identifier les obstacles au commerce engendre deux types de limitations. En premier lieu, comme la liste des obstacles est prédéfinie, elle comporte un biais historique ou sectoriel au moment de définir ce qui constitue un obstacle et peut ne pas inclure des obstacles liés à de nouveaux types et formes d’exportation (p. ex., des obstacles propres au commerce électronique). Ainsi, les droits tarifaires sur les importations ou les politiques de réglementation nationales touchent le commerce de détail et ne sont pas explicitement définis, tout comme les obstacles internes à l’entreprise. En second lieu, tel que mentionné précédemment, les questions de cet ordre peuvent comporter un biais de subjectivité et entraîner une imprécision au niveau de la réponse.

Les résultats de Orsen et coll. (2004), qui a appliqué un questionnaire ouvert à un échantillon de PME exportatrices canadiennes appartenant à des femmes, a relevé des obstacles culturels propres au genre, notamment « le manque de respect de la part des propriétaires d’entreprises masculins, les bravades, le chauvinisme, ne pas être prises au sérieux, les hommes d’affaires qui refusent de transiger avec des femmes, et la vérification des décisions prises en les soumettant à  des employés masculins ».

Les obstacles liés à la discrimination fondée sur le sexe n’ont pas été explicitement identifiés dans l’enquête utilisée dans le présent rapport. Il est possible que, dans le cas de la discrimination, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ont été plus enclines que les hommes à considérer les facteurs énumérés ci-dessus comme des obstacles, ou à les avoir mentionnés dans la catégorie « Autres ». Pour être en mesure d’isoler ces effets, il faudrait procéder à une analyse plus poussée à l’aide d’outils économétriques.

Conclusion

Les écarts observés entre les sexes et les différences entre les sexes dans les caractéristiques des entreprises signifient que les politiques commerciales ne sont pas sexo-neutres. Afin de produire des avantages égalitaires, les effets des politiques commerciales doivent être examinés à la lumière de ces considérations.

Au Canada, l’écart entre les sexes parmi les exportateurs semble refléter proportionnellement l’écart entre les sexes au niveau de l’entrepreneuriat. Comme le montre le présent rapport, les obstacles au commerce à l’entrée sur les marchés d’exportation ne semblent pas affecter davantage les femmes entrepreneurs que les autres groupes définis selon le genre, ce qui pourrait expliquer la forte hausse de la propension à l’exportation parmi ce groupe au cours des dernières années par rapport aux entreprises appartenant à des hommes et à celles à participation égale hommes-femmes. Bien que la taille ne semble pas être associée à la perception des obstacles à la participation à l’exportation, la concentration des entreprises appartenant à des femmes dans certaines industries, à savoir le commerce de détail et les services d’information et services culturels, l’est. La technologie et le commerce électronique pourraient être les principaux mécanismes de réduction des obstacles à l’entrée dans ces industries. Une autre explication plausible est que les PME appartenant à des femmes qui envisagent d’exporter ont tendance à avoir des préférences similaires quant aux marchés de destination potentiels que les autres groupes définis selon le genre, de sorte qu’elles ne devraient pas percevoir les obstacles à l’entrée comme étant plus importants que les autres groupes d’entreprises.

Cependant, une plus grande proportion de PME exportatrices appartenant à des femmes, par comparaison avec celles appartenant à des hommes ou celles à participation égale hommes-femmes, considèrent de nombreux obstacles commerciaux comme étant importants au moment d’exporter. Les obstacles logistiques, frontaliers et administratifs à l’étranger non seulement affectent les entreprises exportatrices appartenant à des femmes davantage que celles des deux autres groupes, mais sont également les obstacles les plus importants pour les PME exportatrices en général. Trois caractéristiques des entreprises semblent être associées à ces écarts entre les sexes. Premièrement, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes sont concentrées de manière disproportionnée dans le commerce de détail, ce qui, en pratique, suppose l’expédition de marchandises au-delà des frontières, avec les coûts concomitants. Le deuxième facteur potentiellement lié à l’écart entre les sexes dans la perception des barrières à l’exportation est qu’il y a eu une hausse significative de la proportion des entreprises exportatrices appartenant à des femmes comptant moins de cinq années d’expérience en gestion, et ces exportateurs pourraient aussi avoir moins d’expérience pour régler les problèmes liés à l’exportation. Enfin, les entreprises exportatrices appartenant à des femmes ont tendance à exporter vers des marchés non américains dans une plus grande mesure que leurs homologues, de telle manière que l’éloignement géographique et culturel pourrait aussi accroître la perception des obstacles par les entreprises exportatrices appartenant à des femmes.

Les politiques visant à abaisser les barrières commerciales en vue de faciliter l’accès aux marchés pour les entreprises exportatrices appartenant à des femmes pourraient être plus efficaces si elles ciblaient ces différences sexospécifiques dans les caractéristiques des entreprises. Bien que le Canada n’ait cessé d’ouvrir l’accès aux marchés étrangers par le biais d’accords commerciaux qui répondent aux préoccupations en matière de genre et à celles des PME, les politiques qui facilitent le commerce axé sur la technologie et qui offrent des programmes de formation aux nouveaux exportateurs pourraient aussi se révéler efficaces pour aider les entreprises appartenant à des femmes à renforcer leur participation à l’exportation.

Références

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