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Sun Peak Metals Corporation et United Tegaru Canada - Évaluation initiale

Notes : Toutes les références renvoient aux principes directeurs de l’OCDE de 2011

Résumé

1. Le 10 septembre 2022, le Point de contact national (PCN) du Canada a reçu une demande d’examen de la part d’United Tegaru Canada (« UTC »), une organisation non gouvernementale ayant son siège à Toronto, en Ontario. La demande d’examen concernait le respect des Principes directeurs par Sun Peak Metals Corporation (« Sun Peak »), une petite société minière canadienne spécialisée dans des projets d’exploration minière en Éthiopie.

2. UTC affirme qu’en exerçant des activités en Éthiopie – et notamment en payant des taxes et des droits de permis au gouvernement éthiopien – la société Sun Peak est, ou a été, mêlée ou contribue à des incidences négatives sur les droits de la personne découlant d’atteintes que le gouvernement de ce pays aurait commises dans le cadre du conflit au Tigré (chapitre IV, paragraphes 1 et 2). Le déclarant se demandait également si Sun Peak est dotée d’une politique formulant son engagement en matière de droits de la personne (chapitre IV, paragraphe 4) et si la société exerçait une diligence raisonnable en la matière (chapitre IV, paragraphe 5). Le déclarant n’affirme pas que Sun Peak a elle-même porté atteinte aux droits de la personne dans le cadre de ses activités en Éthiopie.

3. Lors de l’évaluation initiale, le secrétariat du PCN a tenu des discussions distinctes et a eu des échanges de courriels avec les deux parties. UTC et Sun Peak ont eu la possibilité de fournir des documents justificatifs et des éclaircissements et ont été invités à vérifier les informations présentes dans cette évaluation initiale.

4. Un groupe de travail ad hoc composé de fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada et de Ressources naturelles Canada a examiné le dossier et formulé une recommandation au PCN.

5. Se fondant sur la recommandation du groupe de travail, le PCN offre ses bons offices pour faciliter un dialogue entre les parties sur les questions soulevées en lien avec le paragraphe 5 du chapitre IV (diligence raisonnable en matière de droits de la personne).

6. Le PCN n’offre pas ses bons offices pour faciliter le dialogue sur la question soulevée en lien avec les paragraphes 1, 2 et 4 du chapitre IV.

Fond des circonstances spécifiques

7. Le déclarant, United Tegaru Canada (UTC), est une organisation ayant son siège à Toronto, en Ontario, et qui se décrit elle-même comme étant « apolitique, non confessionnelle et sans but lucratif ». UTC a été fondé en réaction à l’éclatement du conflit dans le nord de l’Éthiopie en 2020 et milite pour une prise de conscience et une action concernant la situation humanitaire et la situation des droits de la personne dans la région du Tigré de ce pays. Dans ses échanges avec le PCN, UTC était représenté par un conseiller juridique.

8. L’intimée, Sun Peak Metals Corporation, est une petite société minière canadienne cotée à la Bourse de croissance TSX et dont le siège se trouve à Vancouver, en Colombie-Britannique. La société se spécialise dans des projets d’exploration minière dans le nord de l’Éthiopie, en particulier avec son « projet Shire », qui comprend quatre titres d’exploration couvrant environ 900 kilomètres carrés. Selon la société, l’équipe de direction de Sun Peak a plus de 15 ans d’expérience dans la région et est appuyée par un effectif d’employés tigréens.

Points de vue du déclarant

9. Le déclarant affirme que le gouvernement éthiopien a été impliqué dans de graves violations des droits de la personne depuis le lancement des opérations militaires dans la région du Tigré en 2020. Dans le cadre de cette plainte, le déclarant a fourni au PCN des exemplaires de rapports d’Amnistie internationale et de Human Rights Watch. Le déclarant a également fourni une copie d’une communication écrite qu’il a présentée en juin 2022 au Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes.

10. Le déclarant soulève des questions concernant le respect par l’intimée de plusieurs principes directeurs énoncés dans le chapitre IV (Droits de l’homme), en particulier :

11. Dans sa demande d’examen, le déclarant n’affirmait pas que l’intimée avait elle-même porté atteinte aux droits de la personne dans ses activités en Éthiopie.

12. Le déclarant demande au PCN de « lui apporter une aide en lui procurant un lieu d’échange pour un dialogue constructif sur ces questions ».

13. Le PCN signale que la demande d’examen du déclarant n’a pas soulevé de questions concernant le respect du paragraphe 3 du chapitre IV.

Points de vue de l’intimée

14. L’intimée décrit ses activités en Éthiopie comme étant de nature purement exploratoire et déclare ne pas s’être engagée dans des activités directes d’extraction de minerai dans ce pays.

15. L’intimée affirme qu’en raison de la nature de ses activités, les interactions dans le cadre desquelles l’entreprise risque d’être impliquée dans des violations des droits de la personne sont limitées. L’intimée affirme surveiller la situation en Éthiopie depuis qu’elle a invoqué la force majeureà l’égard de ses titres et suspendu ses activités en novembre 2020. Elle affirme également avoir pris des mesures pour assurer la sécurité et le bien-être des membres de son personnel.

16. Les réponses de l’intimée aux questions soulevées par le déclarant sont résumées ci-dessous :

Évaluation initiale

17. L’évaluation initiale est fondée sur les renseignements fournis par le déclarant et l’intimée, ainsi que sur des informations publiques.

18. L’évaluation initiale examine si les questions soulevées sont de bonne foi et pertinentes pour la mise en œuvre des Principes directeurs, en tenant compte de ce qui suit :

19. Cette évaluation initiale et la décision du PCN d’offrir ses bons offices ne constituent pas une détermination quant au respect ou non des Principes directeurs par l’intimée. Cette évaluation initiale ne doit pas être considérée comme validant à quelque degré que ce soit, dans un sens ou dans l’autre, les affirmations du déclarant ou de l’intimée.

Identité de la partie concernée et son intérêt dans l’affaire

20. Le déclarant est une organisation qui s’intéresse à la situation humanitaire et aux droits de la personne en Éthiopie et qui s’est dotée d’un mandat à ces égards. Le déclarant semble de toute évidence désireux que l’intimée, une entreprise active en Éthiopie et dans la région du Tigré, respecte les Principes directeurs de l’OCDE.

Caractère significatif de la question et des éléments fournis à l’appui

21. Pour évaluer le « caractère significatif » des questions soulevées, il s’agit de savoir si elles ont un lien clair et important avec les Principes directeurs.

22. Pour évaluer la justification des questions soulevées, il s’agit de savoir si elles sont fondées sur une interprétation plausible et cohérente des événements, étayée par une preuve raisonnablement convaincante et crédible. Les renseignements disponibles ne doivent pas nécessairement prouver de manière concluante, ni même selon la prépondérance des probabilités, que certains événements se sont produits ou que l’entreprise a agi d’une manière particulière. Cela reflète la nature préliminaire de l’évaluation initiale et son objectif de déterminer si les questions soulevées méritent un examen plus approfondi, notamment au moyen d’un dialogue dans le cadre des bons offices du PCN.

23. L’évaluation du PCN visant à établir si les questions présentent un caractère significatif et sont étayées par les éléments fournis à l’appui ne vient en aucun cas affirmer que les événements se sont produits de la manière alléguée par le déclarant, ni déterminer si l’intimée a respecté ou non les Principes directeurs.

Questions soulevées au sujet des paragraphes 1 et 2 du chapitre IV (incidences négatives sur les droits de la personne)

24. Le paragraphe 1 du chapitre IV demande aux entreprises de se garder de porter atteinte aux droits d’autrui et de parer aux incidences négatives sur les droits de la personne dans lesquelles elles ont une part. Le paragraphe 2 appelle les entreprises à éviter d’être la cause d’incidences négatives sur les droits de la personne ou d’y contribuer dans le cadre de leurs activités. Le déclarant affirme qu’en payant des taxes ou des droits de licence au gouvernement éthiopien – et en faisant simplement des affaires en Éthiopie – l’intimée peut être impliquée dans les violations des droits de la personne qui auraient été commises par le gouvernement de ce pays ou y contribuer.

25. Il est important de noter que les Principes directeurs invitent les entreprises à éviter, « du fait de leurs propres activités » ou « dans le cadre de leurs activités », de causer des incidences négatives sur les droits de la personne ou d’y contribuer, et de parer à ces incidences lorsqu’elles surviennent (paragraphe A.11 du chapitre II, paragraphe 2 du chapitre IV). Comme l’indique le paragraphe 14 du Commentaire sur les principes généraux, « les Principes directeurs concernent les incidences négatives dont les entreprises sont à l’origine ou auxquelles elles contribuent ». Ce commentaire précise en outre que l’expression « contribuer » à une incidence négative devrait être interprétée comme une contribution substantielle et ne devrait pas inclure les contributions mineures ou négligeables.

26. Le libellé des Principes directeurs et les commentaires qui l’accompagnent donnent à penser que le paiement de taxes ou de droits de licence à un gouvernement ne suffit pas, à lui seul, pour étayer une affirmation selon laquelle une entreprise participe ou contribue à des incidences négatives liées aux violations commises par ce gouvernement. En l’espèce, et à la lumière des renseignements fournis, il n’y a guère d’éléments permettant d’étayer l’affirmation selon laquelle l’intimée « contribue » aux incidences alléguées, ou qu’elle est « impliquée » dans celles-ci, au sens des Principes directeurs, d’autant plus que les incidences alléguées semblent très éloignées des activités commerciales de l’intimée.

27. Les Principes directeurs ne demandent pas aux entreprises d’éviter d’exercer leurs activités dans un lieu au motif que l’État concerné pourrait ne pas protéger les droits de la personne. Le paragraphe 2 du chapitre I ainsi que le paragraphe 38 du Commentaire sur les droits de l’homme reconnaissent qu’il se peut que des entreprises mènent des activités dans des lieux où les lois ou réglementations nationales sont en conflit avec les principes et les normes des Principes directeurs et où l’État agit contrairement aux obligations internationales en matière de droits de la personne. Dans ces situations, les entreprises sont invitées à chercher des moyens de respecter les principes et les normes des Principes directeurs (y compris le respect des droits internationaux de la personne), dans toute la mesure où cela ne contrevient pas au droit national.

28. Cette position dénote la distinction à faire entre le devoir de l’État de protéger les droits de la personne et la responsabilité de l’entreprise de respecter les droits de la personne et montre que les Principes directeurs s’intéressent plus à la manière dont agissent les entreprises multinationales et non à l’endroit où elles sont actives (et aux gouvernements auxquels elles doivent donc payer des taxes ou des droits de licence). Les questions relatives à l’utilisation finale des recettes fiscales de l’État ne présenteront généralement pas un caractère significatif du point de vue des Principes directeurs.

Questions soulevées au sujet du paragraphe 4 du chapitre IV (politique formulant l’engagement en matière de droits de la personne)

29. Le paragraphe 4 recommande aux entreprises multinationales d’élaborer une politique formulant leur engagement à respecter les droits de la personne. Le paragraphe 44 du Commentaire sur les droits de l’homme précise la nature d’un tel engagement et les éléments qu’il pourrait contenir.

30. La question de savoir si l’intimée s’est engagée dans une politique à respecter les droits de la personne présente un caractère significatif du point de vue des Principes directeurs. L’intimée a initialement reconnu ne pas avoir de politique spécifique dans laquelle elle s’engage à respecter les droits de la personne. Toutefois, en mars 2023, son conseil d’administration a adopté une « politique en matière de droits de la personne ». En vertu de cette politique, l’intimée s’engage, entre autres choses, à exercer « une diligence raisonnable approfondie en matière de droits de la personne pour évaluer, minimiser et gérer les impacts potentiels de ses activités en ce domaine ». Même cette question a pu être suffisamment étayée au début de l’exposé des circonstances spécifiques, il ne semble plus y avoir de raison impérieuse pour que celle-ci fasse l’objet d’un débat plus approfondi avec les bons offices du PCN.

Questions soulevées au sujet du paragraphe 5 du chapitre IV (diligence raisonnable en matière de droits de la personne)

31. Au paragraphe 5, il est demandé aux entreprises multinationales d’exercer une diligence raisonnable en matière de droits de la personne, en fonction de leur taille, de la nature et du contexte de leurs activités et de la gravité des risques d’incidences négatives sur ces droits.

32. La question soulevée par le déclarant présente un caractère significatif du point de vue des Principes directeurs. Toutefois, il est important de noter que le simple fait qu’une entreprise soit active dans une région ou un contexte où il pourrait exister des risques en matière de droits de la personne n’est pas en soi suffisant pour justifier une allégation selon laquelle l’entreprise n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable en matière de droits de la personne.

33. Dans ce cas-ci, le déclarant indique avoir de l’information et des points de vue (outre ceux concernant les taxes ou les droits de licence payés au gouvernement éthiopien) pouvant s’appliquer à l’exercice du devoir de diligence en matière de droits de la personne en Éthiopie par des entités telles que l’intimée. Pour sa part, l’intimée a adopté une nouvelle politique en matière de droits de la personne et a exprimé son engagement à améliorer constamment ses activités de diligence raisonnable, y compris en ce qui concerne les droits de la personne. Dans ce contexte, il semble y avoir des raisons suffisantes justifiant la poursuite du dialogue entre les parties sur la diligence raisonnable au regard des droits de la personne. Il est important de noter que cela ne signifie pas que l'intimée n’a pas respecté les lignes directrices.

Lien apparent entre les activités de l’entreprise et la question soulevée dans la circonstance spécifique

34. Il semble y avoir un lien entre les activités de l’entreprise et les questions soulevées au sujet du respect des paragraphes 4 et 5 du chapitre IV. Il ne semble pas y avoir de lien important entre les activités de l’entreprise et les questions soulevées relativement aux paragraphes 1 et 2.

Pertinence des lois et procédures applicables, notamment des décisions de justice

35. Aucune des parties n’a fait référence à des lois, des procédures ou des décisions de justice qui seraient pertinentes dans ce cas précis.

Manière dont des questions similaires sont (ou ont été) traitées au niveau national ou international

36. Aucune des parties n’a indiqué l’existence de procédures parallèles qui seraient pertinentes dans ce cas précis.

Intérêt que présente l’examen des questions au regard des objectifs visés par les Principes directeurs et de l’efficacité de leur mise en œuvre

37. Chapitre IV (paragraphes 1 et 2) : L’examen de la question de savoir si, par le paiement de taxes ou de droits de licence en Éthiopie, l’intimée a contribué aux incidences négatives sur les droits de la personne imputables au gouvernement de ce pays – ou est impliquée dans celles-ci – n’aiderait pas à atteindre les objectifs des Principes directeurs ni à accroître leur efficacité. Comme indiqué ci-dessus, le PCN considère que cette question n’a pas été assez étayée par les éléments présentés à l’appui et qu’elle ne présente pas un caractère suffisamment significatif du point de vue des Principes directeurs. Ici, le PCN prend également note de la réponse du Comité de l’investissement de l’OCDE à la communication motivée d’OECD Watch concernant le Point de contact national australien (2018), en particulier le commentaire du Comité au paragraphe 42 :

Dans ce cas-ci, le PCN est d’avis que la question soulevée par le déclarant concerne essentiellement la politique gouvernementale (l’utilisation des recettes fiscales de l’État) et l’obligation de l’État de protéger les droits de la personne, et non la responsabilité de l’entreprise de respecter les droits de la personne.

38. Chapitre IV (paragraphe 4) : À la suite des démarches du secrétariat du PCN concernant cette question en particulier, l’intimée a élaboré, adopté et publié une politique en matière de droits de la personne. Dans ce contexte, le PCN doute qu’un examen approfondi de cette question puisse aider, de manière significative, à atteindre les objectifs des Principes directeurs et à accroître leur efficacité.

39. Chapitre IV (paragraphe 5) : Le PCN est d’avis que la facilitation d’un dialogue entre les parties sur l’exercice de la diligence raisonnable – notamment de nature à éclairer, voire à renforcer, l’approche de l’intimée pour donner suite à la recommandation formulée au paragraphe 5, et pour mettre en œuvre sa nouvelle politique sur les droits de la personne –pourrait aider à réaliser les objectifs des Principes directeurs et à accroître leur efficacité.

Conclusion

40. Le PCN offre ses bons offices pour faciliter une séance unique de dialogue entre le déclarant et l’intimée concernant la diligence raisonnable en matière de droits de la personne. De cette façon, l’intimée pourra communiquer de l’information sur sa nouvelle politique en ce domaine. Les parties pourront également faire connaître leur point de vue sur des questions pouvant s’avérer pertinentes pour l’exercice de la diligence raisonnable en matière de droits de la personne en ce qui concerne le projet Shire de l’intimée et ses activités d’exploration en Éthiopie (chapitre IV, paragraphe 5).

41. Le PCN n’offre pas ses bons offices pour faciliter le dialogue sur la question soulevée en lien avec les paragraphes 1, 2 et 4 du chapitre IV.

11 août 2023

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