Instantané #4 – Les bonnes pratiques d’affaires en zone de conflit
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Les contextes de conflit prennent différentes formes. Ils peuvent prendre racine dans des États soi-disant fragiles où un environnement de travail stable existe, ou encore au sein de pays dits « stables ». Du point de vue d’une entreprise, les conflits peuvent être regroupés en deux grandes catégories : les conflits au niveau macro (parfois antérieurs à l’arrivée de l’entreprise), lesquels sont associés au contexte sociopolitique plus large et non nécessairement à la présence de l’entreprise, et les conflits à l’échelle locale, lesquels sont plus étroitement associés à la présence de l’entreprise ou découlent des activités de cette dernière. Avant son arrivée, l’entreprise doit être au fait de tout conflit existant ou potentiel de manière à éviter d’y être mêlée à son insu. Des conflits surviennent effectivement, et ils doivent être perçus et utilisés comme un moyen de progresser. Les conflits ne représentent une menace que lorsqu’ils ne peuvent être résolus.
Pourquoi les conflits importent-ils aux entreprises?
- Incidence sur le temps que les dirigeants doivent consacrer aux enjeux sociaux
- Un investissement dans la collectivité n’est pas synonyme d’une bonne volonté
- Risque de ne plus être en mesure de mener des activités
- Les actions de l’entreprise pourraient engendrer ou exacerber un conflit entre les collectivités ou au sein de celles ci
- Défis plus nombreux en matière de sécurité
- Risques associés à la réputation à l’échelle internationale
- Accès limité au crédit
- Risque de perturbation, de grèves ou de fermetures coûteuses
- Pertes potentielles de vies, de projets, de capitaux ou de biens
- Risque de perdre le soutien du gouvernement en matière de défense des intérêts
Conflit au niveau macro
Le contrôle que les entreprises peuvent exercer sur un conflit au niveau macro est très faible, voire nul. Un tel conflit peut créer un milieu instable pour les affaires ou pourrait constituer un risque associé à la réputation ou au dessaisissement, et le fait d’avoir de plus en plus recours aux forces de sécurité peut accroître les risques associés aux droits de la personne. Mais les entreprises peuvent, de différentes façons, limiter l’incidence d’un conflit au niveau macro. Dans un milieu où les conflits sont importants, il est parfois préférable de tout simplement éviter de mener des activités minières.
Avant d’investir dans un pays où un conflit règne, une entreprise devrait effectuer une évaluation de l’impact d’un conflit dans le cadre du processus décisionnel. L’influence qu’une entreprise peut avoir sur les gouvernements hôtes est plus grande avant que ne soit prise la décision d’investir. Une entreprise peut assortir son investissement de conditions, notamment en négociant une présence accrue du gouvernement/de la sécurité publique dans la région où elle mène ses activités, ou en insistant pour que le gouvernement adhère aux Principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne. Les entreprises ont été en mesure d’offrir une formation aux fournisseurs de services de sécurité de l’État sur le recours à la force, de subventionner l’affectation de procureurs dans la région et d’offrir d’autres incitatifs à l’appui des systèmes locaux de maintien de l’ordre. Les entreprises doivent toutefois faire preuve de prudence afin d’éviter d’avoir à assumer des responsabilités qui incombent au gouvernement.
Dans les États fragiles, il est particulièrement important d’obtenir et de maintenir l’acceptation. En entretenant de bonnes relations avec la collectivité, l’entreprise a souvent plus de facilité à prévenir et à gérer les conflits.
« L’inaction » vs « la neutralité »
L’adoption d’une approche de non ingérence ne signifie pas que l’on opte pour l’inaction. Une telle approche exige une conscience politique non seulement du contexte, mais également du fait que l’entreprise peut avoir une incidence sur la situation. La neutralité exige en outre un accès à de l’information afin de traiter les questions de nature délicate et d’éviter que l’entreprise soit perçue comme appuyant ou endossant le statu quo. Cela est particulièrement vrai lorsque le statu quo est qualifié d’injuste, auquel cas une telle approche pourrait transformer les biens de l’entreprise en cibles.
Conflit à l’échelle locale
Une entreprise peut plus facilement composer avec un conflit à l’échelle locale au sein d’une collectivité ou entre différentes collectivités. Un conflit entre des groupes ou entre l’entreprise et des collectivités est souvent prévisible et il est souvent possible de le prévenir.
Un conflit est souvent aussi sinon plus dommageable pour les collectivités locales qu’il l’est pour l’entreprise. Le fait d’assurer le suivi des relations peut s’accompagner de la possibilité qu’un conflit survienne, mais cela peut également permettre de trouver des solutions.
Une première étape importante consiste à comprendre comment une entreprise peut éviter de s’immiscer dans la dynamique d’un conflit par inadvertance. Il peut s’avérer utile de mener une analyse des facteurs de division et d’entente afin d’évaluer le conflit entre des groupes et de déterminer en quoi ces facteurs sont liés aux activités opérationnelles. Une autre façon de procéder consiste à préparer une matrice des relations de manière à illustrer la qualité des relations entre tous les acteurs et groupes. Cette matrice peut en outre s’avérer utile pour déterminer quelles sont les relations prioritaires. Il peut par ailleurs être utile de désigner des collectivités de référence ainsi que de possibles intermédiaires respectés.
Une deuxième étape pour l’entreprise consiste à éliminer tous les facteurs qui peuvent inciter des groupes locaux à poser des gestes de destruction. À titre d’exemple, il vous est conseillé d’éviter d’adopter les comportements suivants :
- réagir rapidement en cas de barrage routier, mais ne pas répondre aux lettres;
- donner un plus gros montant d’argent aux propriétaires fonciers qui tardent à accepter qu’à ceux qui acceptent plus rapidement de vendre leur terre
- annuler publiquement une décision prise par un employé subalterne en réponse à une protestation publique.
L’entreprise devrait également mobiliser davantage les acteurs qui ont une incidence favorable et qui représentent des intérêts plus vastes. En outre, l’entreprise peut fournir des mécanismes pour régler les problèmes de manière constructive. Cela peut notamment se faire par le truchement d’une mobilisation continue (c. à d. en établissant et en maintenant des relations) ainsi que d’un mécanisme de résolution des conflits à l’échelle de la collectivité.
Analyse des facteurs de division et d’entente
Dans toutes les sociétés existent des éléments qui peuvent amener les gens à se diviser en sous groupes (facteurs de division) ainsi que des éléments qui permettent aux gens de différents sous groupes d’établir des liens entre eux (facteurs d’entente). Lorsque ces facteurs de division sont alimentés ou que ces facteurs d’entente sont affaiblis, la société peut s’effriter. Dans le même ordre d’idée, lorsque les facteurs d’entente sont renforcés et que l’on réussit à éliminer les facteurs de division, les gens trouvent des façons de vivre ensemble et de régler les problèmes courants.
Il peut y avoir des facteurs de division entre les générations (jeunes c. aînés), entre les dirigeants (élite c. représentants élus), entre les gens de la région et ceux de l’extérieur, entre les professions (pêcheurs contre fermiers), etc. Au nombre des facteurs d’entente, mentionnons des préoccupations communes au sujet de la violence chez les jeunes, les lieux publics où les parties opposées dans le cadre d’un conflit peuvent se rencontrer, et les infrastructures qu’utilisent conjointement toutes les parties à un conflit.
Enfin, l’entreprise devrait se familiariser avec le concept des relations entreprise-collectivité. Les approches décrites ci-dessous peuvent sembler simples, mais le fait de ne pas en tenir compte peut facilement mener à un conflit. L’entreprise devrait tenter :
- de tenir ses promesses et respecter ses engagements;
- d’éviter de recruter des personnes de l’« extérieur » pour exécuter un travail auquel la « population locale » estime avoir droit;
- de payer les entrepreneurs locaux en respectant les délais;
- de demander la permission des propriétaires fonciers avant d’aller sur leurs terres;
- de surveiller le comportement des entrepreneurs pour s’assurer qu’il est respectueux;
- d’être une entreprise à l’écoute et transparente, et être perçue comme telle;
- de veiller à ce que la conduite soit perçue comme prudente;
- de donner suite aux plaintes au sujet de l’incidence de l’arrivée de nouvelles personnes;
- de s’investir auprès des représentants qui sont respectés et perçus comme agissant de manière légitime (qui ne sont pas nécessairement ceux qui s’expriment le plus).
Indicateurs précoces d’un possible conflit
- Absence de communications régulières entre l’entreprise et la collectivité.
- Présence de groupes ayant intérêt à créer des conflits.
- Exigences accrues de la collectivité, qui adopte un ton plus hostile.
- Réactions disproportionnées par rapport aux incidents.
- Signes indiquant que l’entreprise est perçue comme prenant parti.
- Personnes devant la barrière de l’entreprise pour manifester leur insatisfaction à l’égard du processus de règlement des plaintes.
- Tendances en matière de vols et de recours, par l’entreprise, aux fournisseurs de services de sécurité armés.
- Appui accru de la collectivité aux critiques.
- Faiblesse du cadre/contexte de réglementation/gouvernance.
Une analyse périodique des plaintes permettra de savoir dans quelle mesure les griefs découlent des approches de l’entreprise ou plutôt de facteurs externes.
Principaux facteurs de réussite
- Principaux facteurs de réussite.
- Faire en sorte que les bénéfices soient répartis entre les collectivités et non seulement au sein des collectivités « hôtes » ou de celles qui constituent la plus grande menace apparente pour les activités de l’entreprise.
- Les perceptions au sein de la collectivité déterminent la façon de réagir. Il est nécessaire de s’informer au sujet des sentiments des gens au sujet de l’entreprise et de les analyser, et non présumer que tous les efforts positifs de l’entreprise s’additionneront de manière à atténuer le conflit dans son ensemble.
- Reconnaître l’importance des aspects intangibles, comme le fait d’établir la confiance, le respect et un bon voisinage, à défaut de quoi il est possible que les collectivités maintiennent leurs griefs à l’endroit de l’entreprise malgré les nombreux avantages matériels qu’elles retirent.
- Déterminer ce qui constitue un comportement inacceptable et être clair au sujet des attentes. Il est nécessaire de faire la distinction entre la violence fondée sur des griefs et la violence associée à un comportement criminel, après quoi des stratégies distinctes peuvent être élaborées pour chacune des situations.
À faire et à ne pas faire
À faire
- Permettre le dialogue et établir/maintenir des relations.
- Assurer le suivi de la qualité des relations à l’aide d’indicateurs (confiance, respect, communication, compréhension mutuelle, résolution de conflits, compatibilité des objectifs, équilibre des forces, centre d’intérêt, fréquence, stabilité et productivité).
- Établir des routines.
- Organiser des rencontres personnalisées afin de solliciter une participation plus constructive.
- Mettre l’accent sur les intérêts communs entre les collectivités ou au sein des collectivités.
- Mettre en place un mécanisme de règlement des griefs communautaires.
- Analyser les facteurs de division et d’entente avant de s’installer dans la région. (À titre de chose « à faire » en complément, mentionnons la mise en correspondance des différents risques associés aux activités de l’entreprise [environnement, RH, etc.]).
- Offrir une formation sur la résolution des conflits aux employés sur le terrain.
- Identifier les leaders qui jouent un rôle constructif et qui se portent à la défense d’une approche non violente, et les confirmer dans leur rôle.
- Collaborer avec les entités gouvernementales locales.
À ne pas faire
- Créer un fossé entre les riches et les pauvres.
- Récompenser les actes de violence ou qui ont une incidence négative.
- Tenir des rencontres uniquement « au besoin ».
- Laisser le champ libre (p. ex. en n’intervenant pas) aux opportunistes venus de l’extérieur pour manipuler les membres de la collectivité.
- Ne chercher que des solutions à court terme en fonction des cibles de production.
Principes directeurs internationaux
Fondées en 2000, les Principes volontaires sur la sécurité et les droits de l'homme sont un ensemble de principes visant à aider les entreprises extractives à anticiper et à atténuer les risques liés au déploiement de la sécurité publique et privée, de telle sorte que l'exploitation puisse être protégée sans violence excessive ni violation des droits de l'homme. Visitez voluntaryprinciples.org pour plus d'informations.
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