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Projet d’Interprétation No…/2024 du Comité mixte de l’AECG du… concernant l'article 8.10, l'annexe 8-A, l'article 8.9 et l'article 8.39 de l’accord économique et commercial global (AECG)

Dégagement de responsabilité :

Le texte de la note d’interprétation est publié à titre d’information avant son adoption par le comité mixte de l’AECG.

Le Comité mixte de l’AECG,

vu l'article 26.1.5, point e), de l'accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d'une part, et l'Union européenne et ses États membres, d'autre part (ci-après dénommé « l’accord »), fait à Bruxelles le 30 octobre 2016,

rappelant la communauté de vues exprimée à la section 6 de l'instrument interprétatif commun concernant l'accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l'Union européenne et ses États membres,

visant à clarifier davantage les intentions des Parties au titre du chapitre Huit (Investissement), en ce qui concerne certains éléments de l'article 8.10 (Traitement des investisseurs et des investissements visés) et l'annexe 8-A (Expropriation), l'article 8.9 (Investissement et mesures réglementaires) et l'article 8.39 (Sentence définitivde l'accord,

A adopté la présente interprétation :

  1. Traitement juste et équitable

    Il est entendu que l’obligation de traitement juste et équitable prévue à l'article 8.10 de l’accord est interprétée de la manière suivante :

    1. la liste des éléments figurant à l'article 8.10.2 est exhaustive;
    2. une plainte pour déni de justice au titre de l'article 8.10.2, point a), nécessite l'épuisement préalable des voies de recours locales, sauf s'il n'existe pas de voies de recours locales raisonnablement disponibles pour offrir une réparation effective, ou si les voies de recours locales n'offrent aucune possibilité raisonnable de réparation.

      Pour déterminer s'il y a déni de justice, le Tribunal devrait garder à l'esprit qu'il n'agit pas comme une cour d'appel des décisions de justice nationales et il ne devrait pas examiner le bien-fondé des décisions de justice nationales.

    3. Pour qu'il y ait un déni de justice et une violation fondamentale du principe de l'application régulière de la loi aux termes de l'article 8.10.2, points et b), une conduite procédurale incorrecte et choquante doit être constatée dans les procédures judiciaires ou administratives, qui ne respecte pas les normes fondamentales internationalement reconnues en matière d'administration de la justice et d'application régulière de la loi, et qui heurte, ou du moins surprend le sens de la correction juridique, tel que le refus infondé d'accès aux tribunaux ou à la représentation en justice, l'absence de possibilité d'être entendu, un traitement discriminatoire par les tribunaux, des juges clairement subjectifs et corrompus, ou un manque complet ou injustifiable de transparence dans la procédure, tel qu'un défaut de notification de la procédure ou des motifs de la décision.
    4. Une mesure est manifestement arbitraire aux termes de l'article 8.10.2, point c), lorsqu'il est évident qu'elle n'a pas de lien rationnel avec un objectif légitime en matière de politique, par exemple lorsqu'une mesure est fondée sur un préjugé ou un parti pris plutôt que sur la raison ou les faits.
    5. Une mesure ou une série de mesures constitue « une discrimination ciblée basée sur des motifs manifestement illicites, comme le sexe, la race ou les croyances religieuses » aux termes de l'article 8.10.2, point d), si la mesure ou la série de mesures distingue l'investisseur en lui accordant un traitement différencié fondé sur des motifs illégitimes tels que le sexe, la race ou les croyances religieuses. L'article 8.10.2, point d), n’est pas interprété comme empêchant les Parties d'accorder un traitement préférentiel pour promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes ou l'égalité raciale, ou remédier de toute autre manière à la sous-représentation des groupes défavorisés sur le plan socio-économique.
    6. Une détermination selon laquelle une mesure ou une série de mesures constitue « un traitement abusif des investisseurs, tel que la coercition, la contrainte et le harcèlement » aux termes de l'article 8.10.2, point e), exige de conclure qu’il y a eu faute grave de la part d'une Partie. Pour parvenir à cette détermination, les considérations pertinentes peuvent inclure le préjudice ou la menace de préjudice pour l'investisseur, notamment la question de savoir si les épisodes de harcèlement ou de coercition allégués étaient répétés et persistants, et la justification des actions de la Partie, notamment la question de savoir si les autorités agissaient dans le cadre de leur compétence ou s'il y a eu un abus de pouvoir.
    7. En application de l'article 8.10.4, des déclarations faites à un investisseur ne peuvent être prises en compte que dans la mesure où elles sont pertinentes pour déterminer l'existence d'une violation du traitement juste et équitable dans les cas prévus à l'article 8.10.2. Des attentes légitimes ne peuvent pas découler de déclarations si un investisseur prudent et avisé ne se serait raisonnablement pas fié aux déclarations pour effectuer l'investissement, notamment parce que les déclarations n'étaient pas suffisamment précises et dépourvues d'ambiguïté et qu'elles n'avaient pas le degré de formalité requis, par exemple parce qu’elles n’ont pas été faites par écrit par l'autorité compétente d'une Partie.
  2. Expropriation indirecte
    1. Il est entendu qu'une expropriation indirecte ne peut avoir lieu que si l'investisseur a été radicalement privé de l'utilisation, de la jouissance et de la disposition de son investissement, comme si les droits y afférents avaient cessé d'exister.
    2. Lors de l'appréciation de « la durée de la mesure ou de la série de mesures » aux termes du paragraphe 2, point b), de l'annexe 8-A de l'accord, il convient d'examiner si l'atteinte au droit de propriété est temporaire, auquel cas elle est peu susceptible de constituer une expropriation indirecte, ou permanente, même si le seul fait qu'une mesure soit permanente ne suffit pas à établir qu’il y a eu expropriation indirecte.
    3. Les « attentes spécifiques et raisonnables sous-tendant l'investissement » visées au paragraphe 2, point c), de l'annexe 8-A de l’accord font référence aux attentes qu’un investisseur prudent et avisé aurait raisonnablement pu concevoir et auxquelles il se serait fié pour effectuer l’investissement. Il est entendu que la question de savoir si les attentes sous-tendant l’investissement d’un investisseur sont raisonnables dépend, dans la mesure où cela est pertinent, de facteurs tels que le fait que la Partie concernée a ou non fourni à l’investisseur des assurances écrites contraignantes et de la nature et de l’étendue de la réglementation publique ou de la probabilité que les pouvoirs publics règlementent le secteur concerné.
    4. L’incidence d’une mesure ou d’une série de mesures apparaît « manifestement excessive » aux termes du paragraphe 3 de l’annexe 8-A de l’accord si elle est clairement et visiblement excessive au regard des objectifs en matière de politique visés.
    5. Il est entendu que les mesures d'une Partie qui sont conçues et appliquées pour protéger les objectifs légitimes de bien-être public visés au paragraphe 3 de l'annexe 8-A de l’accord comprennent les mesures prises pour lutter contre le changement climatique ou pour faire face à ses conséquences actuelles ou futures. De telles mesures ne constituent pas une expropriation indirecte, à moins que leur incidence ne soit clairement et manifestement excessive au regard des objectifs en matière de politique visés.
  3. Changement climatique
    1. Les Parties réaffirment leur droit de réglementer sur leurs territoires en vue de réaliser des objectifs légitimes en matière de politique aux fins de protection de l'environnement, tels qu’ils sont énoncés à l'article 8.9.1 de l’accord, y compris en prenant des mesures pour atténuer ou combattre le changement climatique ou pour faire face à ses conséquences actuelles ou futures.
    2. Lorsqu'il interprète les dispositions du chapitre Huit (Investissement) de l’accord, le Tribunal tient dûment compte des engagements pris par les Parties dans le cadre d'accords environnementaux multilatéraux, y compris l'accord de Paris, fait à Paris le 12 décembre 2015. En particulier, les droits et obligations des Parties au titre du chapitre Huit (Investissement) de l’accord devraient être interprétés d'une manière qui appuie la capacité des Parties à donner effet à leurs engagements respectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre en adoptant ou en maintenant des mesures conçues et appliquées pour atténuer ou combattre le changement climatique ou faire face à ses conséquences actuelles ou futures.
  4. Protection des intérêts essentiels de sécurité

    Les Parties réaffirment que, conformément à l'article 28.6 de l'accord, aucune disposition de celui-ci n’est interprétée comme empêchant une Partie de prendre les mesures qu’elle estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité en temps de guerre ou face à toute autre situation d'urgence dans les relations internationales, y compris toute mesure affectant les investisseurs ou leurs investissements.

  5. Protection des droits fondamentaux

    Il est entendu que le droit des Parties de réglementer en vue de réaliser des objectifs légitimes en matière de politique, tel qu’il est visé à l'article 8.9.1 de l'accord, comprend des mesures prises pour la protection des droits fondamentaux, comme le prévoit la Déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée à Paris le 10 décembre 1948.

  6. Calcul des dommages pécuniaires résultant de plaintes d'investisseurs
    1. Il est entendu que les dommages pécuniaires visés à l'article 8.39.3 de l’accord, à la fois :
      1. ne sont pas supérieurs à la perte ou au dommage subi par l'investisseur ou, le cas échéant, par l'entreprise établie localement, évalué à la date de la violation;
      2. ine reflètent que la perte ou le dommage subi du fait de la violation, ou résultant de celle-ci;
      3.   iisont déterminés avec une certitude raisonnable et ne sont ni spéculatifs ni hypothétiques.
    2. Le Tribunal calcule les dommages pécuniaires en se fondant uniquement sur les observations des Parties au différend et tient compte de l’un ou l’autre des éléments suivants, le cas échéant :
      1. la faute contributive, commise intentionnellement ou par négligence;
      2. ile manquement à l'obligation de limiter ou de prévenir les dommages;
      3.   iiles dommages ou indemnités reçus antérieurement pour la même perte, y compris les indemnités reçues au titre d'un régime d'indemnisation national;
      4. la restitution de propriété, ou l'abrogation ou la modification de la mesure.

Fait à …, le

Par le Comité mixte de l'AECG

Les coprésidents

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