Rapport annuel 2018-2019 – Directive ministérielle à Affaires mondiales Canada: Éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères
Introduction
La Loi visant à éviter la complicité dans /es cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (ci-après « la Loi ») est entrée en vigueur le 13 juillet 2019. Le 24 juillet suivant, la ministre des Affaires étrangères a approuvé le décret intitulé Instructions visant à éviter la complicité dans /es cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères, qui a été remis au sous-ministre des Affaires étrangères, comme l'exige l'alinéa 3(2) d) de la Loi. Les instructions interdisent :
- la communication de renseignements, à une entité étrangère, qui entraînerait un risque sérieux que de mauvais traitements soient infligés à un individu ;
- la demande de renseignements, à une entité étrangère, qui entraînerait un tel risque;
- l'utilisation de renseignements vraisemblablement obtenus par suite de mauvais traitements infligés à un individu par une entité étrangère.
Avant l'approbation du décret, Affaires mondiales Canada était assujetti à I'Instruction ministérielle visant à éviter la complicité dans /es cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères de 2017. Les exigences contenues dans l'instruction ministérielle et le décret étant essentiellement les mêmes, les ministères et les organismes visés par l'instruction de 2017 n'ont pas été tenus de modifier leurs processus pour passer de l'une à l'autre. Pareillement, Affaires mondiales Canada n'a pas eu à réexaminer ses processus.
À l'instar des exigences sur la production d'un rapport annuel, conformément au paragraphe 7(1) de la Loi, le sous-ministre des Affaires étrangères doit soumettre à son ministre un rapport annuel sur l'application de ces instructions au cours de l'année civile précédente où doivent notamment figurer les éléments suivants :
- des détails sur les cas à risque très élevé pour lesquels la directive ministérielle a été appliquée, y compris le nombre de cas;
- la restriction des ententes conclues en raison de préoccupations liées au mauvais traitement;
- les changements aux politiques et aux procédures internes liées à l'instruction ministérielle.
Contexte
La promotion et la défense des droits de la personne constituent une priorité importante pour Affaires mondiales Canada, et le Ministère travaille activement en collaboration avec d'autres pays de même qu'au sein d'organisations multilatérales pour s'opposer à la torture et aux traitements inhumains. Affaires mondiales Canada soutient également divers programmes d'aide aux renforcements des capacités dans le monde qui visent à renforcer la sécurité, à protéger les droits de la personne et à soutenir l'État de droit.
Dans le cadre de son mandat, Affaires mondiales Canada collecte et utilise des renseignements, en particulier au moyen de rapports diplomatiques, et assure la sécurité des missions, deux responsabilités qui nécessitent d'échanger avec des entités étrangères, incluant des organismes locaux d'application de la loi. Il arrive que ces échanges portent sur la communication de renseignements. Dans la vaste majorité des cas, la communication de renseignements ne vise pas des personnes. Toutefois, lorsque la communication de renseignements vise effectivement des personnes, les instructions énoncées dans le décret donnent une orientation claire aux responsables quant aux considérations à prendre en compte dans leur prise de décision.
Le présent rapport recense les activités entreprises par Affaires mondiales Canada pour la période allant de décembre 2018 à décembre 2019 (sur la base de l'instruction ministérielle de 2017 de décembre 2018 à juillet 2019 et du décret de juillet 2019 à décembre 2019) pour lesquelles les instructions ont été appliquée s.
Comité de conformité à la direction ministérielle
Le Comité de conformité à la directive ministérielle (CCDM) est le mécanisme de gouvernance officiel visant à aider le Ministère à respecter ses obligations découlant de la directive prise par décret. Le rôle du CCDM est de promouvoir le respect du décret par la recommandation de stratégies d'atténuation des risques. Pour ce faire, il consulte au besoin de hauts fonctionnaires et demande leur approbation, et documente la manière dont chaque cas est géré. Ses membres se réunissent sur une base ponctuelle pour examiner de possibles cas de divulgation, de demande ou d'utilisation de renseignements qui appellent l'application de la directive prise par décret. Des structures semblables au CCDM sont en place dans d'autres ministères et organismes assujettis au décret, incluant le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC).
Au cours de la période de référence, le CCDM s'est réuni à quatre occasions pour discuter de quatre cas présentant un risque potentiel de mauvais traitements et exigeant l'application de la directive prise par décret.
Dans les quatre cas, le CCDM a suivi les procédures énoncées dans son mandat et a fourni des conseils en temps opportun aux responsables d'Affaires mondiales Canada à l'origine de la demande sur la manière de régler la situation tout en respectant la directive énoncée dans le décret, y compris des propositions de stratégies d'atténuation des risques et des recommandations sur la manière de procéder.
Dans les quatre cas, les membres ont déterminé qu'il y avait un risque important de mauvais traitement si les renseignements devaient être communiqués aux autorités des pays concernés et ont donc instruit les responsables d'Affaires mondiales Canada de ne pas transmettre les renseignements tout en proposant d'autres solutions pour régler la situation en cause (voir l'annexe classifiée pour de plus amples détails).
Toutefois, plusieurs leçons ont été tirées de ces quatre réunions initiales du CCDM, notamment sur l'organisation des renseignements collectés et sur la manière d'améliorer l'efficacité de la prise de décisions. Conformément au mandat du CCDM, Affaires mondiales Canada dresse actuellement un inventaire des processus du Comité et effectuera un examen complet du mandat après une première année d'opération suivant la date de sa réunion initiale, soit le 24 mai 2019.
Rapports sur les droits de la personne
Les rapports d'Affaires mondiales Canada sur les droits de la personne donnent un aperçu de la situation en la matière dans un pays donné, y compris les incidents, les tendances et les faits nouveaux importants touchant les droits de la personne. Les rapports orientent l'engagement international du Canada, à savoir les activités en matière de politique étrangère, de développement de commerce, de sécurité et les activités consulaires. Les documents produits sont classifiés et destinés à un public interne au gouvernement du Canada : Affaires mondiales Canada, la GRC, SCRS, l'Agence canadienne des services frontaliers (ACSF), Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le Ministère de la Défense nationale (MON), la Sécurité publique (SP), le Centre de sécurité des télécommunications (CST) et d'autres.
La directive ministérielle de 2017 exige qu'Affaires mondiales Canada dispose de politiques et de procédures qui lui permettent d'évaluer les risques associés à ses relations avec des entités étrangères, et qu'il coopère dans ce processus avec d'autres ministères et organismes fédéraux. Le Ministère s'appuie en grande partie sur ses rapports sur les droits de la personne pour évaluer ces risques, et des ministères et des organismes partenaires indiquent consulter fréquemment ces rapports à tous les échelons, y compris les administrateurs généraux. Ces rapports ont ainsi fait l'objet d'une demande croissante au cours de la dernière année, en particulier depuis que le gouverneur en conseil a transmis des instructions quasi identiques à d'autres ministères et organismes du gouvernement du Canada.
En avril 2019, le sous-ministre des Affaires étrangères a écrit à tous les chefs de mission pour souligner l'importance des rapports sur les droits de la personne lorsqu'il s'agit d'assurer le respect de la directive ministérielle de 2017, et cè non seulement pour Affaires mondiales Canada mais également pour tous les ministères et les organismes partenaires assujettis aux mêmes obligations.
Les rapports sur les droits de la personne comprennent maintenant une nouvelle section axée sur les mauvais traitements, de façon à ce que cette question soit traitée à l'avenir. Le personnel des missions du Canada a produit 50 rapports sur les droits de la personne couvrant la période d'avril 2018 à mars 2019. Les documents ont été mis à la disposition des autres ministères et organismes ayant reçu des directives ministérielles similaires afin qu'ils puissent s'y rapporter pour les cas qui pourraient exiger l'application de la directive ministérielle.
Au cours de la prochaine année, Affaires mondiales Canada continuera de travailler avec des partenaires afin d'intégrer les commentaires sur les rapports sur les droits de la personne produits jusqu'à maintenant, examiner des contributions sur des pays d'intérêt pour la prochaine ronde de rapports et peaufiner les directives destinées au personnel des missions qui rédigent les rapports. Tous ces efforts seront menés dans le but de faire en sorte que les rapports sur les droits de la personne appuient au mieux la prise de décisions, à la fois par Affaires mondiales Canada et d'autres ministères et organismes du gouvernement du Canada.
Formation et sensibilisation
Tout au long de 2019, le Ministère a mis en place un programme complet de sensibilisation et de formation, aussi bien à l'administration centrale que dans les missions, dans le but de faire connaître la directive ministérielle et les instructions prises par décret et d'assurer la conformité avec celles-ci. Plus de 580 employés ont reçu de la formation en personne en 2019 sur la directive et les instructions et les obligations qui s'y rattachent pour les employés dans le cadre de la formation d'AMC sur la gouvernance, l'accréditation, la sécurité technique et la sensibilisation à l'espionnage.
Puisque l'échange de renseignements avec des entités étrangères se fait dans une très large mesure à l'étranger, des séances de formation ont été tenues dans 26 missions, couvrant environ 360 employés occupant des postes clés. Les employés cibles pour la formation sur les exigences du décret sont les employés en poste dans des missions à priorité élevée - les agents de sécurité de la mission, les agents-gestionnaires consulaires, les gestionnaires du programme de préparation, les agents du Programme d'établissement de rapports sur la sécurité mondiale, ainsi que les chefs de mission et des employés en poste au Canada.
Certains responsables d'autres ministères et organismes partageant des locaux dans les missions, notamment du personnel de la Défense, du SCRS, de l'ASFC, de la GRC et d'IRCC ont également suivi cette formation.
À l'administration centrale, douze séances de formation ont été ténues pour environ 220 employés hautement prioritaires.
On continuera de peaufiner les documents afin d'appuyer d'autres activités de formation et de sensibilisation au cours de la prochaine année.
Participation au Comité chargé de l'évaluation de l'échange de renseignements
Le directeur général de la Direction générale du contre-terrorisme, du crime et du renseignement siège au Comité chargé de l'évaluation de l'échangede renseignements (CEER), qui est présidé par le SCRS. Le CEER se réunit de façon ponctuelle lorsque le SCRC exige de tenir des délibérations formelles de haut niveau sur des cas pour lesquels il est envisagé de divulguer ou de demander des renseignements à une entité étrangère, ou d'utiliser des renseignements provenant d'entités étrangères, et qu'une décision doit être prise à cet égard à la lumière des obligations contenues dans la directive ministérielle et le décret.
Avant de participer à ces réunions, des responsables d'Affaires mondiales Canada se réunissent afin de déterminer les éléments à prendre en considération du point de vue du Ministère, y compris les considérations juridiques relatives au régime de sanctions économiques d'Affaires mondiales Canada, les évaluations des dossiers en matière de droits de la personne des entités faisant l'objet de la discussion, les considérations consulaires ou liées à la politique étrangère et la conformité globale avec la directive ministérielle et le décret du SCRS. Le représentant d'Affaires mondiales Canada expose les perspectives du Ministère pour que les responsables du SCRS puissent prendre une décision éclairée sur la demande, la divulgation ou l'utilisation de renseignements dans un cas donné, et le cas échéant, déterminer des mesures d'atténuation en vue d'assurer la conformité à la directive ministérielle et au décret.
Un représentant d'Affaires mondiales Canada a participé à 12 réunions du CEER entre décembre 2018 et décembre 2019, fournissant des commentaires utiles pour appuyer la conformité aux obligations contenues dans la directive ministérielle. Affaires mondiales Canada continuera de participer aux réunions du CEET au cours de la prochaine année. Il est à noter que le SCRS a indiqué qu'il envisage de réduire le rôle du Ministère au sein du Comité à un rôle d'observateur.
Groupe de coordination d'échange de renseignements
Affaires mondiales Canada participe au Groupe de coordination d'échange de renseignements (GCER), un groupe de travail interministériel dirigé par Sécurité publique Canada pour appuyer une approche coordonnée dans la mise en œuvre de la directive ministérielle et du décret dans l'ensemble des ministères et des organismes concernés.
En 2019, des représentants du Ministère ont contribué aux discussions sur les politiques et les procédures ministérielles relatives à la directive ministérielle, la mise en œuvre du décret, les leçons tirées et les pratiques exemplaires dans le but d'établir une approche cohérente dans les évaluations des risques à l'échelon du pays, y compris grâce à l'échange de pratiques méthodologiques et autres pratiques exemplaires aux fins de l'établissement de rapports sur les droits de la personne. Par exemple, le GCER met actuellement le point final à un document stratégique qui fournira une orientation sur des questions et des enjeux qui ont été soulevés jusqu'à maintenant au sujet de la mise en œuvre du décret. Le document stratégique a intégré les commentaires provenant des ministères et des organismes concernés qui ont tous participé au processus, y compris Affaires mondiales Canada. Il contiendra des orientations qui tiennent compte des différents contextes dans lesquels ces ministères et organismes évoluent. Le GCER s'efforce également d'harmoniser les approches des évaluations au niveau des entités et à comprendre les ententes d'échange de renseignements des partenaires avec des entités étrangères, y compris s'assurer que les employés concernés sont bien au fait des restrictions relatives aux relations en raison de préoccupations liées à de mauvais traitements.
Au cours de la prochaine année, Affaires mondiales Canada continuera de contribuer aux efforts du GCER dans le but de garantir la conformité aux directives énoncées dans le décret parmi les ministères et les organismes concernés.
Conclusion
Affaires mondiales a traité quatre cas à risque élevé pour lesquels le décret a été appliqué durant la période de référence.
Aucune restriction n'a été appliquée à des ententes sur l'échange de renseignements en raison de préoccupations liées à de mauvais traitements.
Affaires mondiales Canada continue d'enregistrer des progrès en matière de sensibilisation et de mise en œuvre du décret aussi bien à l'administration centrale que dans les missions, de façon à ce que le respect des obligations contenues dans le décret fasse partie du quotidien. On procédera à un examen du mandat et des procédures de fonctionnement et de tenue de dossiers du CCDM au printemps 2020; l'élaboration d'une série de produits stratégiques visant à appuyer les employés dans leurs efforts de conformité aux directives énoncées dans le décret est en cours. Il s'agit notamment des éléments suivant : un guide de référence rapide avec un code de couleurs sur l'évaluation des risques par pays qui identifie les pays comme étant à risque faible (vert), à risque moyen (jaune ) ou à risque élevé (rouge); des guides étape par étape pour les employés et pour les chefs de missions visant à faciliter la prise de décisions concernant la divulgation ou la demande de renseignements; et, enfin, des formulaires liés au CCDM pour aider les employés à cerner divers risques concernant des divulgations ou des demandes potentielles de renseignements et pour proposer des stratégies d'atténuation des risques.
Voici également d'autres priorités pour les mois à venir : l'organisation d'autres séances de sensibilisation et de formation; une coordination continue avec d'autres ministères et organismes pour assurer des pratiques communes; et le développement de la section obligatoire axée sur les mauvais traitements dans les rapports sur les droits de la personne d'Affaires mondiales Canada pour aider les ministères et organismes à appliquer comme il se doit le décret.
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