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Rapport annuel 2023 – Application des Instructions visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères

Table des matières

Introduction

Le présent rapport décrit les activités entreprises par Affaires mondiales Canada (AMC) du 1er janvier au 31 décembre 2023 concernant la mise en œuvre de la Loi visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (LECCMTIEE ou la Loi) et du décret sur les Instructions visant à éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements infligés par des entités étrangères (les instructions).

Durant la période visée par le rapport, AMC a élaboré des ressources pour favoriser la mise en œuvre de la Loi dans l’ensemble de ses secteurs d’activité et a travaillé avec d’autres ministères et organismes fédéraux afin d’échanger des pratiques exemplaires. S’appuyant sur le travail entamé en 2022, AMC a ratifié et mis en œuvre plusieurs modifications importantes au mandat du Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (CCEMT), le principal mécanisme de gouvernance soutenant la conformité du ministère avec la LECCMTIEE. Cela a permis de renouveler l’utilisation de la fonction de conformité. Au cours de l’année, le Ministère a collaboré avec plusieurs autres ministères et organismes afin de mieux coordonner les activités d’établissement de rapports sur les droits de la personne et d’évaluation des risques connexes entre les ministères, en tenant compte des recommandations formulées antérieurement par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR). En 2023, AMC a également rendu deux décisions où les restrictions au titre du décret sur les Instructions auraient pu s’appliquer : l’une pour autoriser une activité de partage d’informations et l’autre pour ne pas autoriser une telle activité.

Le rapport suivant donne un compte rendu des obligations d’AMC au titre de la Loi et du décret sur les instructions, résume les activités internes menées par le Ministère en 2023 et souligne les efforts collaboratifs entrepris par les représentants d’AMC avec leurs homologues d’autres ministères durant la période visée par le rapport.

Contexte

En vertu du paragraphe 7(1) de la Loi, le sous-ministre des Affaires étrangères est tenue de soumettre à la ministre des Affaires étrangères, avant le 1er mars de chaque année, un rapport sur la mise en œuvre du décret sur les instructions réalisées par le Ministère au cours de l’année civile précédente.

La Loi et le décret connexe sur les instructions, qui ont été publiées en septembre 2019, restreignent l’échange de renseignements avec des entités étrangères lorsqu’il existe un risque important de mauvais traitements et établissent des limites concernant certaines utilisations de renseignements susceptibles d’avoir été obtenus à la suite de mauvais traitements. Plus particulièrement, le décret sur les instructions interdit :

Avant la publication du décret, AMC était assujetti à l’Instruction du ministre à l’intention d’Affaires mondiales Canada : éviter la complicité dans les cas de mauvais traitements par des entités étrangères de 2017.Les exigences contenues dans l’Instruction de 2017 et le décret de 2019 sont essentiellement les mêmes. Depuis l’adoption de la Loi, le Ministère a actualisé les politiques et les processus élaborés en 2017 afin d’améliorer constamment la mise en œuvre de la Loi et du décret sur les instructions. L’élaboration de la politique d’AMC sur l’échange de renseignements est menée en fonction des obligations réglementaires du Ministère, de certaines définitions contenues dans l’Instruction de 2017 qui sont absentes du décret sur les instructions, ainsi que des recommandations découlant des récents examens menés par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR) au sujet de la mise en œuvre de la Loi par le gouvernement.

Dans le cadre de son mandat, AMC recueille et utilise des renseignements obtenus d’autres ministères fédéraux et d’entités étrangères, notamment au moyen de rapports diplomatiques. En effet, la nature même de la diplomatie implique des échanges fréquents de renseignements. De plus, la promotion et la défense des droits de la personne sont une priorité clé d’AMC et le Ministère lutte activement sur le plan de ses relations bilatérales et au sein d’organisations multilatérales contre la torture et les traitements inhumains.

La grande majorité des renseignements échangés par AMC ne concernent pas des personnes. Lorsque l’échange de renseignements pouvant mettre une personne à risque de subir de la torture ou des mauvais traitements peut être considéré comme nécessaire, le décret sur les instructions offre des conseils clairs aux agents au sujet des considérations pertinentes pour leurs prises de décisions.

Gouvernance et ressources du Ministère

Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements

Le Comité de conformité pour éviter les mauvais traitements (le Comité; CCEMT) est le mécanisme de gouvernance officiel qui aide le Ministère à se conformer à ses obligations telles qu’elles sont décrites dans le décret sur les instructions. Le rôle principal du comité est de prendre des décisions concernant le risque posé par les activités de partage de renseignements avec une entité étrangère, de recommander des mesures d’atténuation des risques, le cas échéant, et de renvoyer les décisions au sous-ministre des Affaires étrangères, si nécessaire. Le Comité est soutenu par un secrétariat qui aide à communiquer les décisions au sein du Ministère, ainsi qu’à documenter la façon dont les cas sont gérés. Le comité est similaire aux mécanismes qui existent dans d’autres ministères et organismes assujettis à LECCMTIEE.

Le Comité est convoqué sur une base ponctuelle pour examiner la proposition de divulgation, de demande ou d’utilisation de renseignements par une direction ou une mission d’AMC dans les cas où les interdictions prévues par le décret sur les instructions peuvent s’appliquer.

Début 2023, un nouveau mandat a été ratifié par le CCEMT à la suite d’une évaluation interne complète de son mécanisme, comme l’exigeait le précédent mandat. Le nouveau mandat comprend plusieurs changements importants tels que des clarifications sur l’objectif du comité et les rôles et responsabilités de chaque membre. Le président a aussi été autorisé à convoquer le comité en l’absence d’une politique à élaborer ou de la nécessité pour les membres de s’informer d’un dossier, et dans le but de mieux faire connaître les obligations du Ministère en vertu du décret sur les Instructions.

Fort de ce nouveau pouvoir, le président a convoqué le CCEMT en février 2023 pour la première fois depuis 2020 (aucune affaire n’ayant été renvoyée au comité en 2021 et 2022) afin de discuter des clarifications sur les rôles et responsabilités de ses membres. Étant donné le cycle permutant d’AMC, il s’agissait également de la première réunion du CCEMT réunissant tous les membres du comité. Les clarifications sur les rôles et responsabilités ont eu un effet revigorant et ont contribué à améliorer la conduite et l’efficacité des réunions au cours de la période considérée.  Le CCEMT s’est réuni quatre fois au cours de cette période, deux fois pour discuter des recommandations d’amélioration de la fonction de conformité, et deux autres fois pour évaluer les cas où le décret sur les Instructions s’est appliqué.

Concernant le premier cas, le Comité a déterminé qu’il y avait un risque substantiel de mauvais traitement et que le risque ne pouvait pas être atténué si l’information devait être partagée avec les autorités étrangères en question. Dans ce cas, le Comité a demandé aux fonctionnaires d’AMC de ne pas partager ces informations. Les détails sont fournis dans une annexe classifiée.

Concernant le second cas, le Comité a déterminé qu’il n’y avait pas de risque substantiel de mauvais traitement si l’information devait être partagée avec les autorités des pays en question. Dans ce cas, le Comité a autorisé les fonctionnaires d’AMC à partager les informations à condition que les stratégies d’atténuation proposées pour assurer la conformité avec le décret sur les Instructions soient appliquées. Les détails sont fournis dans une annexe classifiée.

Politiques et procédures internes

AMC a continué à élaborer ses orientations politiques afin de soutenir la mise en œuvre du décret sur les instructions dans tous les secteurs d’activité en 2023. Le Ministère a élaboré des orientations politiques prêtes à l’emploi pour les directions qui s’engagent dans des activités de partage de renseignements et qui utilisent des formulaires pour documenter la prise de décision dans les cas où les interdictions prévues par le décret sur les instructions peuvent s’appliquer. Le secrétariat du CCEMT a achevé les consultations pour ces documents d’orientation politique et formulaires en 2023 et demandera l’approbation du comité pour les produits révisés au début de 2024. AMC publiera en 2024 ces documents par le biais de divers canaux internes afin de mieux faire connaître les obligations du Ministère en vertu de la LECCMTIEE et du décret sur les instructions, et d’assurer le respect de la loi. Le Ministère élabore également de nouveaux documents d’information sur la manière d’utiliser correctement ces documents d’orientation politique.

Formation et sensibilisation

Les obligations du Ministère en vertu de la loi et du décret sur les instructions sont intégrées dans un cours de formation plus large sur le renseignement intitulé « Gouvernance, accès, sécurité technique et espionnage » (GATE), qui a été dispensé à un total de 818 employés lors de 63 séances de formation au cours de la période visée. Une séance approfondie sur les pratiques de partage de renseignements du Ministère, y compris ses obligations en vertu du décret, a également été offerte à 14 agents du Programme de rapports sur la sécurité mondiale (PRSM) en juin 2023. AMC est actuellement en train d’élaborer un module de formation virtuel consacré exclusivement à la LECCMTIEE afin d’aider les fonctionnaires de tous les secteurs et le personnel servant dans les missions à l’étranger à comprendre les obligations du Ministère lorsqu’il partage des informations avec des entités étrangères.

La Direction générale des politiques consulaires a offert une formation sur le sujet sous diverses formes, notamment l’enregistrement vidéo en ligne de l’atelier « Allégations de torture et de mauvais traitements », des séances pendant la semaine de préparation à l’affectation consulaire ainsi que dans le cours en ligne « Protection des renseignements personnels : le rôle de l’agent consulaire ». Ces différents cours, qui ont permis aux employés de découvrir la LECCMTIEE et le décret sur les instructions, ont été livrés à 42 employés en 2023.

Rapports sur les droits de la personne

Les rapports sur les droits de la personne d’AMC fournissent un aperçu fondé sur des données probantes de la situation des droits de la personne dans un pays donné, y compris les événements, les tendances et les faits nouveaux importants. Les rapports orientent l’engagement international du Canada, notamment en matière de politique étrangère, de développement, de commerce et d’activités consulaires. Ils sont préparés par les missions diplomatiques du Canada à l’étranger et peuvent constituer des documents classifiés. Ces rapports sont produits à l’intention d’un public interne au gouvernement du Canada et sont mis à la disposition d’un grand éventail de ministères et d’organismes, dont la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), le ministère de la Défense nationale (MDN), Sécurité publique Canada (SP) et le Centre de la sécurité des télécommunications (CST). Ils étayent les évaluations des risques fondées sur des données probantes qui sont effectuées par plusieurs ministères et organismes dans les situations où les obligations générées par le décret sur les instructions peuvent entrer en jeu.

Le modèle de rapport sur les droits de la personne d’AMC et les consignes qui l’accompagnent comprennent désormais une section obligatoire sur les risques de torture et de mauvais traitements. Les rapports sont une source d’information importante pour guider la prise de décisions dans les situations où le décret sur les instructions peut s’appliquer. En réaction à la hausse de la demande en données fiables sur les mauvais traitements depuis l’adoption du décret sur les instructions, AMC a revu ses modèles de rapports et les consignes connexes afin de colliger, auprès des missions, des renseignements plus détaillés et pertinents sur la torture et les mauvais traitements.

Chaque année, une liste de pays est établie sur la base de consultations avec les directions géographiques d’AMC (en consultation avec les missions diplomatiques du Canada à l’étranger), les directions consulaires et les ministères et organismes gouvernementaux partenaires, y compris ceux qui ont publié des Instructions au titre du décret pris en vertu de la LECCMTIEE pour soutenir leurs évaluations des cas où les obligations prévues par les directives peuvent s’appliquer. Dans le cycle de rapport 2023, AMC a produit 93 rapports sur les droits de l’homme dans les pays ciblés pour la période de janvier à décembre 2022, qui ont tous été mis à la disposition d’autres ministères en 2023. Grâce à une stratégie de consultation élargie de ces ministères et organismes l’année précédente, la période de 2023 a été une année record pour le nombre de rapports sur les droits de la personne.

À l’automne 2023, la direction générale du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l’inclusion d’AMC a envoyé un message à tous les chefs de mission à l’étranger pour lancer le cycle annuel de production des rapports sur les droits de la personne et leur rappeler le rôle important de ces rapports pour veiller au respect des instructions de la Loi, non seulement par AMC, mais par tous les ministères et organismes partenaires assujettis aux mêmes obligations.

AMC continuera de collaborer avec les autres ministères et organismes gouvernementaux dans le cadre de son processus de rapports sur les droits de la personne afin de fournir des renseignements pertinents fondés sur des données probantes et d’éclairer la prise de décisions concernant les Instructions.

Collaboration avec d’autres ministères et organismes gouvernementaux

Consultation interministérielle sur les droits de la personne

Au cours de la période de référence, AMC a rencontré et collaboré sur une base ad hoc avec les plusieurs ministères sur leurs évaluations respective des risques en matière des droits de la personne pour plusieurs pays. Bien qu’AMC ne produise pas d’évaluation des risques à cet égard, les interventions du Ministère ont été guidées par ses rapports annuels sur les droits de la personne ainsi que la contribution des missions et des Directions géographiques.

Cette collaboration donne suite à une recommandation de l’OSSNR demandant « aux ministères de trouver un moyen d’établir des outils harmonisés et normalisés d’évaluation des risques que présentent les pays et les entités afin de soutenir l’adoption d’une approche uniforme par les ministères lorsqu’ils interagissent avec des entités étrangères qui suscitent des préoccupations au regard de la Loi ». Ces ministères et organismes gouvernementaux ont indiqué que la perspective d’AMC sur le terrain est particulièrement utile pour élaborer les évaluations des risques pour les droits de la personne. Compte tenu de la nature changeante de la situation des droits de la personne dans le monde, cette collaboration est particulièrement utile. AMC s’est engagé à continuer à partager ses rapports sur les droits de la personne de manière proactive avec la communauté interministérielle, et plusieurs ministères ont dit souhaiter développer un moyen de partager de manière proactive leurs profils respectifs comme le fait AMC.

Groupe de coordination d’échange de renseignements

AMC participe au Groupe de coordination d’échange de renseignements (GCER), un groupe de travail interministériel dirigé par Sécurité publique Canada pour appuyer une approche coordonnée de la mise en œuvre du décret sur les instructions dans tous les ministères et organismes concernés. En 2023, le GCER s’est réuni à trois reprises. Les fonctionnaires de AMC ont participé aux discussions sur les politiques et procédures départementales relatives à la mise en œuvre du décret sur les instructions; sur la mise en œuvre d’une approche cohérente des évaluations des risques au niveau des pays; sur la méthodologie et les pratiques exemplaires utilisées dans les rapports sur les droits de la personne; et sur la définition des pays prioritaires pour les ministères et organismes membres du GCER qui doivent être pris en considération par AMC lorsqu’il établit sa liste annuelle de rapports sur les droits de la personne.

Comité d’évaluation des échanges d’information (SCRS)

AMC siège à titre consultatif au Comité d’évaluation des échanges d’informations (CEEI) du SCRS, qui est à la disposition des gestionnaires de cet organisme pour formuler des avis en matière de droits de la personne et de considérations liées à la politique étrangère. Le CEEI est un comité composé de directeurs généraux du SCRS qui se réunit de façon ponctuelle pour délibérer sur des cas susceptibles de présenter un risque accru de mauvais traitements. Il évalue des cas où la divulgation ou la demande de renseignements à des entités étrangères, ou l’utilisation de renseignements provenant d’entités étrangères sont envisagées, et qu’il faut décider si une mesure proposée peut ou non aller de l’avant conformément à la politique du SCRS, à la LECCMTIEE et au décret sur les instructions.

Avant de participer à ces réunions, les fonctionnaires d’AMC se réunissent pour déterminer les considérations du point de vue du Ministère, y compris les considérations juridiques liées au régime de sanctions économiques d’AMC, les évaluations des antécédents en matière de droits de la personne des entités faisant l’objet de la discussion et toute considération de politique consulaire ou étrangère. Le représentant d’AMC fournit ensuite des commentaires au CEEI à l’appui d’une décision des représentants du SCRS sur un plan d’action, y compris toute mesure d’atténuation éventuelle pour garantir la conformité au décret sur les instructions. AMC a participé à trois réunions du CEEI en 2023.

Conclusion

Au cours de la période de référence, deux cas de partage d’informations ont été présentés au CCEMT qui comportaient un risque substantiel de mauvais traitements. Le premier n’a pas donné lieu à une activité de partage d’informations, car le CCEMT a conclu que le risque de mauvais traitements ne pouvait être atténué. Dans le second cas, il a conclu que le risque pouvait être atténué avec certaines restrictions, y compris des assurances et des mises en garde, de sorte que l’activité de partage d’informations a pu être menée à bien. Aucune autre restriction n’a été mise en œuvre par AMC concernant les ententes ou les arrangements d’échange de renseignements en raison de préoccupations liées à la torture ou aux mauvais traitements.

AMC a continué de promouvoir la mise en œuvre complète de la LECCMTIEE et du décret sur les instructions dans toutes les filières et a collaboré avec ses homologues d’autres ministères pour élaborer une approche coordonnée visant à réduire les risques liés à la maltraitance. Au cours de l’année à venir, AMC améliorera l’accessibilité des ressources sur les obligations du Ministère pour les Secteurs à l’administration centrale et dans les missions à l’étranger et augmentera les possibilités de formation liées à la LECCMTIEE et au décret sur les instructions. En outre, le Ministère continuera de collaborer activement avec d’autres ministères et organismes pour appliquer la Loi en fournissant ses rapports sur les droits de la personne à la collectivité pangouvernementale et en participant à des initiatives interministérielles.

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