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Comparution de la Ministre des Affaires étrangères devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC) sur l’ingérence étrangère dans les élections

2022-12-13

Table des matières

  1. Note de scénario
  2. Mot d’ouverture
  3. Notices biographiques des membres du PROC
  4. Aperçu et analyse de la couverture médiatique
  5. Transcription de la réunion no1 de l’étude (1er novembre 2022)
  6. Transcription de la réunion no2 de l’étude (3 novembre 2022)
  7. Transcription de la réunion no3 de l’étude (22 novembre 2022)
  8. Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (SITE)
  9. Mécanisme de réponse rapide (MRR)
  10. Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM)
  11. Rôle d’Affaires mondiales Canada (AMC) dans la réponse à l’ingérence étrangère
  12. Désinformation – Chine
  13. Désinformation – Russie
  14. Allégations d’ingérence chinoise dans la 43eélection générale
  15. Relations bilatérales entre le Canada et la Chine
  16. Allégations de « postes de police » de la RPC et engagement diplomatique récent
  17. Ingérence étrangère – Chine

Note de scénario

Calendrier de la présente étude

Depuis le 1er novembre, le Comité a tenu trois réunions sur l’ingérence étrangère dans les élections, et a entendu des témoins gouvernementaux d’Élections Canada, du SCRS, du CST, d’AMC et de la GRC. Parmi les autres témoins figurent l’organisation DisinfoWatch et un ancien directeur du SCRS.

Membres du Comité

Contexte

Votre invitation a été précipitée par un article de Global News daté du 7 novembre, intitulé Canadian intelligence warned PM Trudeau that China covertly funded 2019 election candidates: Sources (les services de renseignement canadiens ont averti le premier ministre Trudeau que la Chine a financé secrètement les candidats aux élections de 2019 : sources). L’article prétend ce qui suit :

Réponses des chefs de partis à la Chambre :

Commentaires des députés du principal parti d’opposition au sujet de l’ingérence étrangère dans les élections :

Mot d’ouverture

L’honorable Mélanie Joly

Ministre des Affaires étrangères du Canada

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m’avoir invitée à discuter de l’ingérence étrangère dans les élections.

Et je vous remercie de vous pencher sur la question de l’ingérence étrangère dans les élections fédérales au Canada.

Nous savons tous que le monde traverse une période critique. Les structures du pouvoir dans le monde sont en pleine mutation. Les systèmes démocratiques sont menacés et, dans certains cas, attaqués. Nous savons que le Canada n’est pas à l’abri, en particulier compte tenu des réalités de notre monde interconnecté. La réalité est que nous ne pouvons rien tenir pour acquis, ce qui signifie notamment que nous devons veiller à la protection de notre propre démocratie.

Les rapports faisant état d’ingérence étrangère chinoise dans l’élection générale de 2019 au Canada sont profondément troublants. Nous prenons ces allégations très au sérieux, et je parlerai de la Chine de façon plus détaillée dans un instant.

D’abord, j’aimerais dire que la protection de notre démocratie contre toute forme d’ingérence est une priorité d’une importance cruciale pour le gouvernement du Canada.

Nous devons nous assurer que nos élections sont légitimes, crédibles et fiables.

Nous adoptons une stratégie pangouvernementale pour contrer les menaces à l’intégrité électorale, à la prospérité et à la souveraineté du Canada.

Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur a été créé avant les élections générales de 2019.

Le Protocole établit un processus simple, clair et impartial qui permet d’informer les Canadiens de toute menace à une élection après son déclenchement. Un groupe fédéral d’experts en sécurité nationale, en affaires étrangères, en élections et en droit est chargé de suivre ce processus.

Le Protocole fait partie du plan pangouvernemental visant à protéger notre démocratie. Ce plan repose sur quatre piliers : la lutte contre l’ingérence étrangère, la création d’un écosystème de l’information sain, l’amélioration de l’état de préparation des citoyens et le renforcement de la préparation organisationnelle.

Le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections – également connu sous le nom de Groupe de travail MSRE – est un autre élément important de ce plan.

Ce Groupe de travail est composé de représentants du CST, du SCRS, de la GRC et d’Affaires mondiales Canada. Ceux-ci travaillent ensemble pour prévenir les activités secrètes, clandestines ou criminelles qui pourraient perturber les élections canadiennes. En outre, ils surveillent diverses activités en ligne et hors ligne et aident le gouvernement du Canada à évaluer les menaces et à y réagir.

Le Mécanisme de réponse rapide du Canada surveille le réseau d’information en ligne pour y repérer des signes d’ingérence étrangère et coordonne l’échange d’information et la réponse au sein du G7 en ce qui concerne les menaces étrangères à la démocratie. Le Canada dirige le Mécanisme de réponse rapide du G7 depuis sa création lors du Sommet de Charlevoix en 2018.

Pendant les élections fédérales, le Mécanisme de réponse rapide du Canada est membre du Groupe de travail MSRE. Il est de plus chargé de l’analyse de source ouverte des menaces étrangères en ligne. Ce travail représente une source d’information pour le Groupe de travail MSRE et peut servir de système d’alerte précoce pour les autres membres du Groupe de travail ou les membres du groupe d’experts. En plus de surveiller le réseau en ligne, le Mécanisme de réponse rapide tire parti de son réseau du G7 pour communiquer les leçons apprises et fournir des renseignements provenant d’autres contextes électoraux sur les menaces ou tactiques potentielles observées dans d’autres pays.

En tant que membre du Groupe de travail MSRE, le Mécanisme de réponse rapide du Canada a organisé, lors de la dernière élection fédérale, une formation sur l’ingérence étrangère à l’intention des ministères et organismes concernés. Il a de plus contribué à des séances d’information sur les menaces à l’intention des hauts fonctionnaires, des partis politiques et des médias, et produit des comptes rendus quotidiens.

J’aimerais maintenant parler des campagnes de désinformation et d’ingérence menées par la Russie et la Chine.

Russie

Bien que le Canada n’ait pas été la cible principale de la désinformation russe ces dernières années, la Russie a recours depuis longtemps à la désinformation et à la propagande pour atteindre ses objectifs.

Cela est bien connu, tout comme les tactiques du Kremlin consistant à créer des récits de polarisation qui visent à saper la confiance et la cohésion sociale en Occident.

Le Canada continue de collaborer avec ses partenaires internationaux pour surveiller les tactiques utilisées par la Russie et communiquer des informations à ce sujet, notamment en ce qui concerne les campagnes de désinformation.

Conscient de l’importance de ce travail, le premier ministre a annoncé l’été dernier l’élargissement du Mécanisme de réponse rapide du Canada pour y intégrer une équipe spécialisée dans la désinformation russe dans le cadre de la stratégie du Canada en Europe de l’Est et dans le Caucase.

Bien que l’équipe continue de surveiller les tactiques russes, elle n’a pas observé à ce jour de campagne de désinformation ciblée de la part de la Russie en rapport avec les élections canadiennes.

Chine

La Chine fait preuve d’une sophistication croissante dans l’organisation de campagnes en ligne visant à influencer les Canadiens et les populations du monde entier.

Beijing peut rapidement saturer les plateformes de médias sociaux avec des messages, mais elle est également suffisamment agile pour microcibler les publics anglophone, francophone et sinophone au Canada.

La Chine est considérée par certains comme la mieux placée pour étendre son influence en ligne, maintenant que les entreprises de médias sociaux ont réduit l’activité des comptes alignés sur la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine.

En ce qui concerne les dernières élections fédérales, le Mécanisme de réponse rapide du Canada a signalé que, bien qu’il ait observé une certaine désinformation en ligne, il n’a pas été en mesure d’attribuer entièrement cette activité à un gouvernement étranger.

Le mois dernier, j’ai soulevé la question de l’ingérence étrangère présumée de la Chine auprès de mon homologue chinois, Wang Yi, en marge du G20. J’ai déclaré que le Canada ne tolérera aucune forme d’ingérence étrangère sur son territoire.

Et comme je l’ai dit récemment en lançant la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, nous ferons davantage pour contrer l’ingérence étrangère et la désinformation.

La Stratégie reconnaît l’influence croissante de la Chine dans le monde. Elle précise qu’au niveau national, l’approche du Canada vis-à-vis de la Chine consistera à renforcer la défense de l’infrastructure et de la démocratie canadiennes contre l’ingérence étrangère. Cela inclut l’ingérence dans nos élections.

Permettez-moi de m’arrêter ici pour l’instant, Madame la Présidente. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Merci.

Notices biographiques des membres du PROC

L’honorable Bardish Chagger, présidente
LPC – Waterloo (ON)

Bardish Chagger

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Désinformation

John Nater, vice-président
CPC – Perth—Wellington (ON)

John Nater

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Désinformation

Marie-Hélène Gaudreau, vice-président
BQ – Laurentides—Labelle (QC)

Marie-Hélène Gaudreau

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Désinformation

Luc Berthold
CPC – Mégantic—L'Érable (QC)

Luc Berthold

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Ingérence étrangère

Désinformation

Rachel Blaney
NDP – North Island—Powell River (BC)

Rachel Blaney

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Russie

Désinformation et mésinformation

Blaine Calkins
CPC – Red Deer—Lacombe (AB)

Blaine Calkins

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Ingérence étrangère

Russie

Désinformation

Michael Cooper
CPC – St. Albert—Edmonton (AB)

Michael Cooper

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Ingérence étrangère

Désinformation

Greg Fergus
LPC – Hull—Aylmer (QC)

Greg Fergus

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Mark Gerretsen
LPC – Kingston and the Islands (ON)

Mark Gerretsen

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Sherry Romanado
LPC – Longueuil—Charles-LeMoyne (QC)

Sherry Romanado

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Désinformation

Agents étrangers

Ingérence étrangère

Cyberguerre

Ruby Sahota
LPC – Brampton North (ON)

Ruby Sahota

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Ryan Turnbull
LPC – Whitby (ON)

Ryan Turnbull

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Désinformation

Ingérence étrangère

Aperçu et analyse de la couverture médiatique

Analyse des médias – allégations d’ingérence chinoise dans les 43e et 44e élections générales

Introduction

Le volume de la couverture médiatique consacrée à l’ingérence chinoise dans les élections canadiennes entre le 7 et le 24 novembre 2022 a été considérable. Le ton était très négatif. Tous les articles ont exhorté le gouvernement à se montrer proactif et à prendre au sérieux l’ingérence présumée de la Chine dans les élections de 2019. Dans l’ensemble, les points de vue des articles étaient partagés entre la critique du premier ministre Justin Trudeau et l’enquête sur la manière dont cette ingérence s’est infiltrée dans le système politique canadien, ainsi que sur les solutions concrètes qui pourraient être apportées. De nombreux articles ont préconisé une approche plus critique à l’égard de la Chine dans l’espoir que la nouvelle Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique reflète cette orientation (Toronto Star)(The Globe and Mail)(Edmonton Journal)(The Globe and Mail)(CBC). Plusieurs articles ont également souligné la confrontation entre le premier ministre Trudeau et le président chinois Xi Jinping lors du G20 (The Canadian Press)(La Presse)(The Canadian Press).

Sécurité nationale

La question de la sécurité nationale a été évoquée dans plusieurs articles. Un article écrit par Terry Glavin (Ottawa Citizen) a dénoncé la dichotomie entre le discours du premier ministre Trudeau sur la sécurité nationale et celui des organismes de sécurité nationale et de renseignement du Canada. M. Glavin a fait valoir que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité de 1984 devait être mise à jour, car les menaces ont évolué et proviennent de nouvelles puissances mondiales depuis la fin de l’époque de la Guerre froide. Une analyse de la journaliste Emmanuelle Latraverse (Le Journal de Montréal) et une autre de Stéphanie Grammond (La Presse) ont repris les mêmes arguments. Peu après la publication de l’enquête de Global News, des articles ont été publiés pour critiquer l’inaction du gouvernement, soulignant que cette ingérence était prévisible, mais que la question avait été ignorée pendant plusieurs années (La Presse)(The Vancouver Sun)(National Post)(The Hill Times)(National Post). De même, l’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint‑Jacques, a souligné que les Chinois ont compris depuis longtemps qu’ils pouvaient exploiter le système politique canadien (Le Journal de Québec). De nombreux articles ont dénoncé la facilité avec laquelle l’ingérence chinoise s’est installée dans le pays, et la commentatrice politique Tasha Kheiriddin a estimé que les expatriés chinois au Canada devaient être mieux protégés contre les personnes agissant dans l’intérêt du gouvernement chinois (The Windsor Star). La nouvelle Stratégie pour l’Indo-Pacifique menée par la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a été citée comme un espoir que le Canada adopte une position ferme (Radio-Canada) et réaliste (The Globe and Mail) dans ses relations avec la Chine.

Incidence sur la démocratie et pression pour une enquête

D’autres articles ont souligné les conséquences de cette ingérence dans les élections fédérales de 2019 sur la démocratie canadienne, y compris les préoccupations des membres du Parti conservateur (National Post), comme le chef conservateur Pierre Poilièvre (CBC). La journaliste Mélanie Marquis a également souligné les demandes de réponses des députés conservateurs (La Presse). D’autres publications ont affirmé que le Canada n’est pas à l’abri de ce type d’ingérence et qu’il commettrait une faute en supposant que l’ingérence étrangère n’a pas pu se produire sur son territoire. Le chroniqueur Andrew Phillips a appelé les Canadiens à réorienter les discussions sur les problèmes de la démocratie américaine vers la résolution des problèmes de leur propre pays et s’est plaint du fait que le gouvernement esquive les questions (Toronto Star).

D’une manière générale, les articles de presse et les commentaires ont exprimé une certaine frustration face au manque de détails communiqués au public sur l’ingérence présumée dans les élections et ont fait état d’une pression accrue de l’opposition sur les représentants du gouvernement pour qu’ils en disent et en fassent plus (Le Devoir). Le chroniqueur Brian Lilley a critiqué l’inaction du gouvernement face à ce type d’ingérence étrangère dans les institutions canadiennes et a dénoncé le statu quo (Toronto Sun). Le manque de combativité de M. Trudeau sur la question a également été critiqué (Radio-Canada)(National Post)(Ottawa Citizen)(CBC), et un article du journal The Globe and Mail a fait valoir que la défense de la démocratie devrait être abordée comme une question non partisane.

En particulier, il y a eu une certaine confusion quant à la chronologie des événements, à savoir quand le premier ministre a reçu telle ou telle information et comment elle lui a été présentée (The Canadian Press)(CBC)(National Post)(Radio-Canada)(Toronto Star)(La Presse). Des questions ont été posées sur le fait que le premier ministre a établi un lien entre ces allégations et l’ingérence dans les élections américaines (Le Devoir)(La Presse Canadienne). Plusieurs sources ont rapporté l’affirmation du directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, selon laquelle les élections canadiennes ont été libres et équitables (The Hill Times)(National Post). Divers médias ont également rapporté les déclarations du premier ministre lors de la période des questions à la Chambre des communes le 23 novembre, écrivant qu’il avait esquivé les questions et était resté vague sur les détails de l’ingérence, se référant aux déclarations de M. Perrault (La Presse Canadienne)(National Post).

De plus en plus de commentaires ont demandé à M. Trudeau de faire preuve d’honnêteté envers les Canadiens et de divulguer les informations concernant les candidats visés par l’ingérence chinoise (Toronto Sun)(Calgary Sun)(Calgary Sun). D’autres ont exprimé une confusion et un doute quant à l’affirmation du premier ministre selon laquelle il n’avait pas été informé du fait que des candidats recevaient de l’argent de la Chine et se sont demandé, dans ce cas, de quoi il avait discuté avec le président chinois Xi Jinping lors du G20 (The Globe and Mail)(Toronto Sun)(Toronto Star)(National Post)(Le Devoir)(Toronto Sun). Face à cette confusion, l’éditorialiste Lorrie Goldstein, dans l’Edmonton Sun, a examiné les différentes déclarations qui ont été faites et a conclu que personne n’a nié l’existence de l’ingérence, mais que les détails de la gravité et de la manière dont elle a été évaluée restent obscurs.

Confrontation du premier ministre Trudeau et du président Xi au Sommet du G20

Les interactions entre le premier ministre Trudeau et le président Xi lors du Sommet du G20 à Bali ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique. La couverture s’est particulièrement intensifiée après la diffusion d’une vidéo montrant le président Xi réprimandant le premier ministre Trudeau pour avoir prétendument divulgué à la presse les détails d’une conversation non officielle dans laquelle M. Trudeau abordait la question de l’ingérence dans les élections (National Post)(Cape Breton Post)(The Globe and Mail). En outre, Radio-Canada a rapporté l’évaluation du député conservateur Michael Chong, selon laquelle l’ensemble de cet épisode témoigne du manque de respect de la Chine envers le Canada et que le Canada doit préciser sa politique étrangère à l’égard de la Chine.

Les commentaires sur la confrontation ont été mitigés. Certains auteurs ont écrit que l’irritation de M. Xi était la preuve que le premier ministre faisait son travail et l’ont encouragé à continuer de tenir tête à la Chine (Toronto Star)(Edmonton Sun)(Le Devoir)(La Voix de l’Est). Dans le National Post, la chroniqueuse Sabrina Maddeaux a affirmé que le comportement du président Xi était une tentative d’intimidation à l’égard du premier ministre Trudeau pour qu’il renonce à enquêter sur l’ingérence de la Chine, et que le Canada ne devait pas céder. D’autres ont critiqué M. Trudeau pour avoir donné l’impression d’être faible et d’avoir l’air châtié dans la vidéo diffusée, ainsi que pour avoir mis trop de temps à aborder le rapport du SCRS (National Post)(Edmonton Sun). Certains commentaires ont apprécié le fait que le premier ministre a abordé les allégations auprès du président Xi, mais ont exprimé leur mécontentement quant au fait que le gouvernement ne semble pas les avoir abordées au cours des mois qui ont suivi les premières séances d’information sur la sécurité (The Globe and Mail)(The Globe and Mail)(The Halifax Chronicle Herald). Quelques auteurs ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la politique partisane (The Hill Times)(National Observer).

À la suite du G20, le Toronto Star a fait état d’une déclaration de l’ambassade de Chine à Ottawa, rédigée exclusivement en chinois, réfutant ces allégations. Selon Guy Saint‑Jacques, ces propos sont une tentative de mésinformation visant précisément la diaspora chinoise au Canada.

Transcription de la réunion no 1 de l’étude (1er novembre 2022)

44e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la procédure et affaires de la Chambre

TÉMOIGNAGES

NUMÉRO 037

Le mardi 1er novembre 2022

Présidente : L’honorable Bardish Chagger

[Français]

La présidente (L’hon. Bardish Chagger (Waterloo, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue à la 37e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Comité se réunit aujourd'hui pour commencer son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.

Le premier groupe de témoins que nous recevons se compose du directeur général des élections, de la commissaire aux élections fédérales et du personnel qui les accompagne.

Pendant la deuxième heure de la réunion, nous recevrons une représentante du Service canadien du renseignement de sécurité et une représentante du Centre de la sécurité des télécommunications.

La discussion d'aujourd'hui porte sur la nouvelle menace à la sécurité que représente l'ingérence étrangère dans les élections canadiennes.

Je précise aux membres du Comité que tous les témoins présents de façon virtuelle ont réussi les tests de son et de connexion avant la réunion.

[Traduction]

J'aimerais simplement rappeler aux députés et à nos invités que tous les commentaires doivent être faits par l'entremise de la présidence.

Je crois comprendre que nos invités d'aujourd'hui vont se partager huit minutes pour faire leur déclaration préliminaire. Je vais commencer par M. Perrault.

Bienvenue de nouveau au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

[Français]

Stéphane Perrault (directeur général des élections, Élections Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.

Aujourd'hui, je suis accompagné de M. Serge Caron, sous-directeur général des élections du secteur de la Transformation numérique.

Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser au Comité au sujet de cet important enjeu qu'est le risque d'ingérence étrangère dans nos élections.

D'entrée de jeu, je souhaite préciser qu'au cours des deux dernières élections générales, Élections Canada n'a constaté aucune atteinte à son infrastructure de TI ni ingérence dans ses activités électorales. De plus, nous n'avons connaissance d'aucune tentative, de la part d'acteurs étrangers, pour entraver la capacité de voter des électeurs.

L'expression « ingérence étrangère » ne renvoie pas à une activité précise, mais bien à une source de menaces pouvant prendre différentes formes: des cyberattaques, du financement illégal de candidats, de partis ou de tiers, une campagne de désinformation, ou même de l'intimidation. En raison des diverses formes que cette ingérence peut prendre et parce qu'elle met en cause des relations interétatiques, la lutte contre l'ingérence étrangère dans notre processus électoral exige des efforts concertés de la part de différents organismes et ministères.

Aujourd'hui, je vais parler des partenariats établis entre Élections Canada et d'autres organismes, ainsi que du rôle précis d'Élections Canada et du cadre juridique qui régit notre organisme.

Notons d'abord que la Loi électorale du Canada ne contient aucune définition de ce que constitue l'ingérence étrangère. La Loi interdit plutôt diverses manières par lesquelles il pourrait s'exercer une participation étrangère dans nos élections, et ces manières sont principalement reliées au régime de financement politique. Par exemple, seuls les citoyens canadiens et les résidents permanents peuvent apporter une contribution. De plus, la Loi interdit aux étrangers de s'enregistrer en tant que tiers, et les tiers ne peuvent pas utiliser des fonds de l'étranger pour financer leurs activités réglementées.

La Loi interdit également certaines activités constituant une « influence indue par des étrangers » aux termes de la Loi, notamment le fait d'engager des dépenses pour favoriser ou contrecarrer directement un candidat ou un parti pendant une période électorale. La Loi reconnaît toutefois que les étrangers peuvent avoir une certaine influence, notamment en faisant des déclarations visant à encourager les électeurs à voter pour ou contre un candidat ou un parti donné.

[Traduction]

Le rôle d’Élections Canada est d’assurer la conduite des élections et de protéger le processus électoral contre toutes les menaces, peu importe leur provenance. Élections Canada doit notamment prendre les mesures appropriées, sur l’avis et avec l’appui de ses partenaires de sécurité, pour protéger l’infrastructure informatique électorale. Élections Canada a effectué d’importants progrès à cet égard depuis quelques années. Nous avons également le privilège de pouvoir compter sur l’appui continu du Centre canadien pour la cybersécurité, notamment pour la surveillance étroite de notre infrastructure. Un autre rôle fondamental d’Élections Canada est de veiller à ce que la population canadienne ait la bonne information concernant le processus électoral. Cela inclut l’information dont les électeurs ont besoin pour s’inscrire et voter, de même que l’information qui leur permet d’avoir confiance dans le processus électoral et les résultats. Pour contrer la diffusion d’informations inexactes sur le processus électoral – que ces informations soient d’origine canadienne ou étrangère –, Élections Canada surveille en continu l’information accessible au public. Lorsqu’une information inexacte est détectée dans les médias d’information, sur Internet ou sur les médias sociaux, nous y répondons en communiquant la bonne information.

Il est important de souligner que nous ciblons le contenu portant sur le processus de vote et l’administration des élections. Je n’ai pas pour mandat de surveiller ou de vérifier ce que des personnes ou des organisations médiatiques d’ici ou d’ailleurs disent au sujet des programmes des partis ou des candidats.

La sécurité des élections est un travail d’équipe qui exige une approche pangouvernementale. Élections Canada travaille activement avec différents organismes de sécurité et du renseignement du gouvernement du Canada, dont le rôle inclut la détection de l’ingérence étrangère, en particulier étatique. Cela comprend le Service canadien du renseignement de sécurité et le Centre de la sécurité des télécommunications.

Ensemble, nous avons élaboré des protocoles et des pratiques pour discuter de tout ce qui constitue une menace pour les élections, échanger de l’information lorsque nécessaire et veiller à ce que chacun de nous soit prêt à jouer son rôle pour la promotion de la sécurité électorale.

Madame la présidente, je crois savoir que le Comité entendra des témoins d’organismes chargés de la sécurité et du renseignement au Canada. Ils seront certainement mieux positionnés pour répondre aux questions relevant de leur mandat.

[Français]

Mme Caroline Simard: Je vous remercie, madame la présidente, de l'invitation à témoigner devant le Comité aujourd'hui.

Je suis accompagnée de M. Marc Chénier, sous-commissaire et premier conseiller juridique à mon bureau.

[Traduction]

La question de l'ingérence étrangère est un enjeu que mon bureau prend très sérieusement. En tant que commissaire, mon rôle est de veiller à l’observation et au contrôle d’application de la Loi électorale du Canada. La Loi prévoit le cadre juridique du travail mené par mon bureau.

Plusieurs dispositions de la Loi visent des activités qui pourraient constituer des tentatives d'ingérence étrangère. Le libellé des obligations et des interdictions de la Loi, tel qu’il a été adopté par le Parlement, définit la portée de notre travail d’observation et de contrôle d'application.

Par exemple, la disposition sur l'influence indue est limitée à la période électorale et ne comprend pas la période préélectorale.

[Français]

Rappelons également que nous sommes une organisation qui fonctionne principalement sur la base des plaintes du public. Nous encourageons les Canadiennes et les Canadiens à nous contacter lorsqu'ils croient qu'une infraction à la Loi électorale du Canada a été commise.

Je peux vous confirmer que mon bureau n'a observé aucun changement récent en ce qui concerne le nombre d'enjeux donnant lieu à des plaintes sur des questions d'ingérence étrangère, ni pour la 43e élection générale ni pour la 44e.

Comme vous pouvez l'imaginer, les affaires d'ingérence étrangère peuvent poser des défis opérationnels importants pour notre travail. La présence d'activités, d'individus ou d'entités à l'extérieur de la frontière canadienne peut contribuer à augmenter de façon importante le niveau de complexité d'une enquête.

Bien sûr, ces défis ne sont pas uniques à mon bureau. [Traduction]

Au fil des années, mon bureau a travaillé avec plusieurs organisations clés de contrôle d'application de la loi, de sécurité nationale et de renseignement. Cela a été utile pour nous permettre de mieux comprendre les menaces potentielles auxquelles sont exposées les élections. Ce travail a également servi à assurer une communication efficace, au besoin, pendant une période électorale.

[Français]

En terminant, j'aimerais rappeler aux membres de ce comité que je ne serai pas en mesure de discuter les détails de cas pouvant faire l'objet d'une enquête à mon bureau. Cela inclut toute affaire qui fait présentement l'objet d'une plainte ou qui a fait l'objet d'une plainte par le passé.

Je serai heureuse de répondre à vos questions. Merci.

La présidente: Je vous remercie, madame la commissaire aux élections fédérales.

Nous allons maintenant passer à la première série de questions, où chacun des intervenants disposera de six minutes.

Nous allons commencer par M. Cooper, puis ce sera au tour de Mme Romanado, de Mme Gaudreau et de Mme Blaney.

Monsieur Cooper, vous avez la parole pour six minutes. [Traduction]

Michael Cooper (St. Albert—Edmonton, PCC): Merci,

madame la présidente, et merci aux fonctionnaires d'être ici.

Ma question s'adresse à M. Perrault et porte précisément sur le financement étranger de tiers.

Lors de l'élection de 2015, il était bien établi qu'un certain nombre d'organisations basées aux États-Unis blanchissaient de l'argent par l'entremise de diverses entités. Cet argent s'est retrouvé entre les mains de tiers enregistrés. Par exemple, près de 800 000 $ provenant de la fondation Tides, établie aux États-Unis, ont été transférés à la Sisu institute society, établie en Colombie-Britannique, cet argent a ensuite été blanchi et transmis à Leadnow, qui a activement fait campagne pour défaire les candidats conservateurs aux élections de 2015.

Des modifications ont été apportées à la Loi électorale du Canada en 2018 avec le projet de loi C-76. Êtes-vous d'accord pour dire que la lacune qui existait au moment des élections de 2015 n'a pas été corrigée dans le projet de loi C-76?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, je suis d'accord pour dire qu'il se peut que des fonds étrangers se retrouvent entre les mains des parties, mais je n'ai pas connaissance de telles pratiques. C'est pourquoi j'ai fait une recommandation au Parlement, que je me ferai un plaisir d'examiner avec votre Comité dans les mois à venir, concernant l'utilisation potentielle de fonds étrangers.

En résumé, cette lacune, si on peut l'appeler ainsi, concerne la capacité d'un tiers d'utiliser ses propres fonds, de sorte qu'à moins que l'argent ne soit fourni expressément à des fins réglementées, il ne serait pas visé. Qu'est-ce qu'un fonds propre et comment pouvezvous régler ce problème?

J'ai formulé quelques recommandations et je pourrais vous en parler plus longuement aujourd'hui si le Comité le souhaite.

Michael Cooper: J'aimerais connaître vos recommandations.

Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'y a rien dans la loi qui empêcherait l'argent américain d'être versé à une entité canadienne, puis à une autre entité canadienne, puis à une autre entité, par exemple? La provenance de cet argent pourrait alors être considérée comme canadienne.

Stéphane Perrault: Il est possible de faire circuler de l'argent par l'entremise d'une tierce partie. Toutefois, si le tiers a recueilli des fonds pour une activité réglementée, il doit divulguer la provenance du financement. Il doit s'agir d'une provenance canadienne.

Nous sommes davantage préoccupés par l'argent reçu à des fins générales, qui peut plus tard devenir un fonds propre, passer par divers groupes, puis être utilisé. Dans ce cas, il s'agit d'une dépense déclarée à partir de la source de l'entité elle-même.

De plus en plus de tiers financent leurs activités électorales avec leurs propres fonds.

Michael Cooper: Bref, des lacunes existent en ce qui concerne les tiers. Vous l'avez reconnu dans votre témoignage du 28 mai 2018, lorsque vous avez comparu devant le Comité. Vous avez dit: « J'estime qu'il y a une ouverture résiduelle à l'égard du financement étranger par l'entremise des tierces parties ».

Rien n'a changé. N'est-ce pas?

Stéphane Perrault: Je me suis engagé à examiner la question et à formuler des recommandations, ce que j'ai fait.

Michael Cooper: Vous avez notamment recommandé une disposition anti-évitement.

Stéphane Perrault: Non. Il s'agit d'une recommandation préconisant que les groupes financés, dans une large mesure, par des contributions, soient tenus d'avoir un compte bancaire distinct. S'ils utilisent de l'argent pour des activités réglementées, il doit provenir de ce compte bancaire, et chaque sou doit venir des Canadiens.

Cependant, les groupes, qu'il s'agisse de sociétés ou de syndicats, qui ne sont pas des agents de financement, mais qui gagnent de l'argent au Canada, continueraient d'être en mesure d'utiliser leurs propres fonds, tout comme les particuliers.

Un agent de financement — quelqu'un qui reçoit de l'argent sous forme de contributions — devrait être soumis à une réglementation différente. Je propose au Comité d'explorer cette voie.

Michael Cooper: Pour être clair, un tiers étranger peut accepter de l'argent étranger. C'est clair. Il peut accepter de l'argent étranger.

Stéphane Perrault: Il ne peut pas accepter de fonds étrangers aux fins d'activités électorales réglementées, mais toute...

Michael Cooper: Autrement, s'il ne s'agit pas d'une activité réglementée en particulier, il n'y a pas de limite.

Stéphane Perrault: Toute personne au Canada est une tierce partie, à moins qu'elle ne soit candidate. Elle peut recevoir des fonds au moyen d'investissements ou de revenus provenant de différentes sources, y compris de sources étrangères. Cela peut aussi comprendre les contributions, à moins que ce soit à des fins d'activités réglementées, vous avez tout à fait raison. Les gens et les groupes au Canada reçoivent des fonds de différentes provenances.

Michael Cooper: Comme vous l'avez dit, les fonds pourraient être mélangés, et il n'y a rien dans la loi qui clarifie cela. Comment faites-vous respecter...

Vous avez dit qu'il fallait créer un compte bancaire distinct si l'argent était manifestement donné à des fins administratives. Ensuite, il est mélangé à d'autres fonds et utilisé à des fins différentes.

Stéphane Perrault: C'est exact.

Si l'argent est donné à des fins générales, et non à des fins particulières d'activités réglementées, il devient un fonds propre. Il peut ensuite être utilisé et déclaré uniquement à titre d'argent personnel, même s'il s'agissait d'une contribution.

Je pense que le Parlement pourrait choisir d'apporter des précisions au sujet de cette question dans la loi concernée.

Michael Cooper: D'accord.

Qu'en est-il d'une clause anti-évitement?

Stéphane Perrault: Il y a un certain nombre de dispositions anti-évitement dans la loi. Je ne suis pas au courant de poursuites, mais je me trompe peut-être.

Chénier a une longue expérience de ces choses et de leur efficacité. Je vais peut-être le laisser répondre.

Marc Chénier (sous-commissaire et premier conseiller juridique, Bureau du Commissaire aux élections fédérales): Oui, il est interdit de contourner l'interdiction d'utiliser des fonds étrangers. Le Comité a ajouté cette interdiction lorsqu'il a été saisi du projet de loi C-76.

La présidente: Merci. [Français]

Madame Romanado, vous avez la parole pour six minutes.

Mme Sherry Romanado (Longueuil—Charles-LeMoyne, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.

Monsieur Perrault, je vous remercie d'avoir dit, dans votre témoignage, qu'Élections Canada n'avait constaté aucune atteinte à son infrastructure de TI ni ingérence dans ses activités électorales au cours des deux dernières élections générales.

[Traduction]

Il est important de le souligner, parce qu'il y a eu beaucoup de conversations et de rapports sur la question de savoir s'il y a eu ou non ingérence lors des deux dernières élections. Je tiens à vous remercier.

Je crois comprendre, madame Simard, que vous avez également souligné qu'il n'y a eu aucune ingérence étrangère au cours des deux dernières élections.

J'aimerais parler de la période préélectorale. On entend beaucoup parler des initiatives et des efforts qui sont faits en période électorale.

Pourriez-vous nous en dire davantage sur le travail que vous faites en période préélectorale pour assurer la sécurité de nos élections?

[Français]

Stéphane Perrault: J'aimerais faire un petit commentaire. Comme j'ai essayé de le préciser dans mon allocution d'ouverture, l'expression « ingérence étrangère » peut porter plusieurs sens, selon le contexte. C'est pourquoi j'ai essayé d'être assez précis quand j'ai dit qu'on n'avait pas vécu une telle situation à Élections Canada.

Je dirais qu'il y a deux avenues de travail, en période préélectorale.

[Traduction]

Un volet de notre action consiste à travailler avec nos partenaires du gouvernement du Canada pour assurer la sécurité des élections. Étant donné que les gens vont et viennent entre les élections, une grande partie du travail consiste à s'assurer que tout le monde comprend qui est responsable de quoi, à qui il faut s'adresser lorsqu'il y a un problème et quels organismes sont chargés de tel ou tel type de problèmes. Il faut s'assurer que les paramètres des mandats sont bien compris et que nous avons des contacts. Nous recevons également des séances d'information de la part des services de sécurité sur l'environnement global.

C'est un volet de notre action. J'inclurais dans ce volet notre travail en matière de cybersécurité.

L'autre consiste à s'assurer que les Canadiens ont l'information correcte sur le processus du vote. C'est essentiel pour nous. C'est vraiment au cœur de notre mandat. Par exemple, lors des dernières élections, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour afficher sur notre site Web de l'information sur les bulletins de vote postaux, simplement parce qu'il y avait des préoccupations à leur sujet. Comment les comptons-nous? Quel est le niveau de transparence? Quelles mesures de protection sont en place pour assurer l'intégrité du processus? C'est une partie importante de notre travail.

À l'avenir, je pense que nous devrons continuer d'expliquer aux Canadiens pourquoi ils devraient faire confiance à nos élections et aux procédures que nous avons mises en place.

Mme Sherry Romanado: Merci beaucoup.

J'ai une question complémentaire. Vous avez parlé des bulletins de vote postaux. Je crois comprendre qu'environ 200 000 bulletins de vote spéciaux n'ont pas été retournés lors des dernières élections. Évidemment, avec la COVID, beaucoup de gens se sont prévalus des bulletins de vote spéciaux.

Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet? Certains ont dit que les résultats des élections auraient peut-être été différents si les bulletins de vote qui n'ont pas été retournés à temps avaient été comptés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Merci.

Stéphane Perrault: Tout d'abord, rien n'indique que les bulletins de vote postaux aient eu un effet sur le résultat des élections. Je ne suis pas au courant.

Quand on parle de 200 000 bulletins, on parle parfois de bulletins non comptés. Il ne s'agissait pas de bulletins non comptés. Il s'agissait de bulletins de vote qui n'ont pas été reçus ou qui n'ont pas été déposés. Dans certains cas, les électeurs sont venus voter en personne. Ils avaient demandé une trousse électorale, mais n'ont pas envoyé leur bulletin de vote, ou il a été reçu en retard, ou il avait été rempli d'une manière qui le rendait invalide au yeux de la loi. On comptabilise ces bulletins. Ils sont comptés de la même façon qu'au bureau de scrutin, si un bulletin est mal rempli, il est mis de côté. Cela ne veut pas dire qu'il n'est pas compté.

Mme Sherry Romanado: Merci de cette précision. Comme vous l'avez souligné, beaucoup de gens comprennent mal ces bulletins « non comptés », comme on les appelle.

Vous avez parlé de campagnes de désinformation. De plus en plus nous constatons, avec les médias sociaux, la facilité avec laquelle il peut y avoir de la désinformation sur les élections. Quelles sont les autres mesures de protection? Dans votre témoignage, vous avez indiqué que lorsque vous repérez une fausse information, vous rétablissez immédiatement la vérité et dites, non, voici la situation, qu'il s'agisse des dates des élections ou de la façon dont les gens peuvent voter.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que nous pouvons faire d'autre pour nous assurer de nous attaquer à la désinformation? Le problème, c'est que c'est très rapide. Une fausse information peut devenir virale très rapidement. Nous pouvons essayer de contrer cela en disant, non, en fait, voici l'information, mais nous ne sommes pratiquement pas crus — qu'il s'agisse des partis politiques, des candidats, d'Élections Canada. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que nous pouvons faire ensemble pour nous assurer que les gens ont la bonne information au sujet des élections, de l'endroit où ils peuvent voter et du moment où ils peuvent le faire, afin d'assurer une participation maximale?

Stéphane Perrault: Certainement, madame la présidente.

La formulation est importante. Nous préférons utiliser le mot information « inexacte », parce que nous n'avons aucun moyen de savoir s'il s'agit de renseignements erronés ou de désinformation. Ce ne sont tout simplement pas des renseignements exacts. Nous mettons en avant l'idée qu'Élections Canada est la source fiable d'information sur le processus du vote. C'est quelque chose que vous candidats et vos partis pouvez faire. Vous pouvez mettre cela en avant et en cas de doute, vous pouvez vous adresser à Élections Canada. C'est très important.

Nous surveillons ce qui se passe, en particulier sur les médias sociaux. Nous avons des relations avec les plateformes de médias sociaux. Nous surveillons 67 plateformes dans 15 langues. C'est très vaste.

La présidente: Merci.

[Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.

Mme Marie-Hélène Gaudreau (Laurentides—Labelle, BQ): C'est impressionnant de savoir qu'on surveille 67 plateformes dans diverses langues.

Cela m'amène à poser ma question de façon un peu plus précise. De mon côté, c'est plus particulièrement la désinformation et les cybermenaces qui me préoccupent. J'aimerais savoir ce qui nous manque pour bien travailler sur le plan de la prévention.

J'ouvre ici une parenthèse. Les lois à l'échelle internationale sontelles insuffisantes pour bien régir les fournisseurs de services Internet? Il y a déjà plusieurs comités qui se sont penchés sur la contribution possible du Groupe des cinq pour légiférer afin de cibler toute tentative de cyberattaque, toute cybermenace, ou même toute tentative de désinformation.

À votre avis, n'est-ce pas un outil dont il faudrait s'occuper au préalable, avant de demander à tout le monde de déposer des plaintes?

Je demanderais aux deux témoins de répondre à tour de rôle.

Mme Caroline Simard: Notre bureau dispose actuellement d'outils qui lui permettent de faire un travail d'enquête. C'est important de comprendre la distinction entre les divers rôles. Pour notre part, nous avons un rôle d'observation et de contrôle d'application de la Loi électorale du Canada. Dans cet esprit, comme vous le savez, il y a eu la création d'outils ainsi que de nouvelles dispositions qui, pour la plupart, sont entrées en vigueur en 2019. Cela a pu être éprouvé tranquillement.

J'aimerais apporter une précision au commentaire qui a été fait. Notre bureau a reçu des plaintes relativement à de l'ingérence étrangère, c'est important de le noter, mais aucune mesure officielle n'a été appliquée.

Pour ce qui est de votre question au sujet des recommandations, je vais laisser au sous-commissaire Chénier le soin de vous éclairer en vous donnant une réponse plus précise.

Marc Chénier: Comme la commissaire Simard l'a indiqué, de nouvelles dispositions ont été mises en œuvre à la suite de l'adoption du projet de loi C‑76. Cela a permis de renforcer le système et de réduire la possibilité que de l'argent provenant de l'étranger entre dans le système.

En matière d'ingérence étrangère, les pouvoirs de notre bureau se limitent aux dispositions que le Parlement a choisi de...

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Qu'est-ce qui vous manque, alors?

Marc Chénier: M. Côté, le prédécesseur de Mme Simard, avait recommandé d'ajouter une troisième composante à la définition d'« influence indue » inscrite dans la Loi. Selon la Loi actuelle, il y a une influence indue lorsque des dépenses sont engagées pour favoriser ou contrecarrer un parti ou un candidat, ou bien lorsqu'une activité qui est menée en vue de promouvoir ou de contrecarrer un parti ou un candidat contrevient à une loi fédérale ou provinciale.

Selon M. Côté, bien qu'il soit important de protéger la liberté d'expression dans le débat politique, ce droit à la liberté d'expression ainsi que la protection du dialogue politique sont nettement réduits quand des étrangers tentent, de façon volontaire, de semer la confusion dans l'esprit des gens. Il avait donc recommandé que la Loi reconnaisse cette troisième façon d'exercer de l'influence indue, c'est-à-dire les cas où une personne ou une entité étrangère sème de la confusion ou diffuse de la désinformation de façon volontaire.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je vais poser ma question de façon plus précise.

Est-ce que cela vous aiderait si les pays du G7 adoptaient des règles qui détermineraient ce qui est acceptable sur les plateformes et ce qui ne l'est pas? Ici, on parle d'ingérence étrangère dans les élections, bien sûr, mais il pourrait s'agir de règles qui concernent, de façon plus générale, les plateformes qui n'obtiennent pas le consentement des gens ou sur lesquelles on retrouve de la pornographie juvénile, par exemple.

L'objectif, c'est de faire ressortir les éléments à privilégier dans nos actions.

Qu'en pensez-vous, monsieur Perrault?

Stéphane Perrault: J'ai formulé quelques recommandations à cet égard dans mon rapport.

Ce dont on a besoin, avant toute chose, c'est une plus grande transparence de la part des plateformes numériques. Il faut comprendre les médias sociaux, savoir quelles sont leurs politiques en matière de publicité électorale et comprendre la manière dont elles traitent l'information erronée sur le processus électoral. Comme je le disais tout à l'heure, nous surveillons les médias sociaux et, quand nous voyons des informations qui, à nos yeux, sont erronées ou correspondent à de la désinformation, nous pouvons alerter les grandes plateformes. Nous avons des protocoles en place pour ce faire. Lorsque des cas leur sont soumis, ces grandes plateformes les traitent selon leurs politiques. Or, nous ne connaissons pas toujours leurs politiques. Il faudrait à tout le moins de la transparence. Les plateformes peuvent établir leurs propres politiques, mais il faudrait qu'elles les divulguent. Je pense que cela aiderait à établir la confiance.

J'ai également des recommandations pour renforcer les règles entourant la désinformation, mais je commencerais par la transparence, avant toute chose.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Ma prochaine question est bien simple: pourquoi la commissaire se limite-t-elle à la période électorale pour recevoir des plaintes au sujet de l'ingérence étrangère ou pour faire de la surveillance à cet égard?

Mme Caroline Simard: Comme le directeur général des élections l'expliquait dans ses propos, aucune disposition de la Loi ne traite de l'ingérence étrangère. Je pense que vous voulez plutôt parler de la disposition sur l'influence indue. À ce sujet, le directeur général des élections avait d'ailleurs recommandé d'allonger la période de surveillance, de sorte qu'elle ne se limite pas à la période électorale. Il pourrait vous en parler. Mon prédécesseur approuvait cette idée.

La présidente: Merci beaucoup.

Je tiens à préciser à tous les témoins qu'ils peuvent toujours répondre à une question dans la langue officielle de leur choix, peu importe la langue dans laquelle la question leur a été posée.

Madame Blaney, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney (North Island—Powell River, NPD):

Merci.

Je tiens à remercier tous nos témoins d'aujourd'hui. Il est toujours important pour nous de parler de notre processus du vote et de ce que nous faisons pour nous assurer de le protéger contre les menaces étrangères.

Nous tous qui sommes élus, et ceux comme vous qui occupent des postes de confiance, savons que l'un des principaux obstacles est d'amener les gens à faire confiance au système. Cela devient de plus en plus difficile avec autant de désinformation. Nous avons vu récemment, bien sûr, ce qui s'est passé aux États-Unis et qui était en réalité une tentative délibérée de miner le système électoral et de donner l'impression que quelque chose de concret ne l'était pas. C'était très préoccupant. Je sais que nous surveillons tous ce qui se passe lorsque des entités étrangères abusent de la désinformation.

Ma question s'adresse à vous deux, par l'entremise de la présidente. Comment pouvons-nous nous assurer que des renseignements exacts et fiables sont communiqués ici au Canada afin que des entités étrangères n'utilisent pas la désinformation à leur avantage?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, il faut commencer par diffuser très largement les bons renseignements. Une grande partie de notre travail de préparation à une élection consiste à créer un répertoire de renseignements sur le processus du vote que les médias, les candidats et les partis peuvent consulter pour comprendre les règles et les procédures.

La deuxième chose, c'est de surveiller ce qui se dit, de nous concentrer sur l'information concernant le processus du vote, ce qui est mon mandat, et de réagir à toute information erronée ou inexacte en diffusant l'information exacte. S'il semble y avoir une tentative d'ingérence dans le processus de rapport, je peux renvoyer la question à la commissaire aux fins d'enquête. Mon rôle est de m'assurer que les Canadiens ont l'information exacte sur le processus du vote.

Dans mon rapport, j'ai fait des recommandations pour élargir les règles sur la désinformation. Je serais heureux de vous en parler davantage.

[Français]

Mme Caroline Simard: D'un point de vue pratique, il est important que vous sachiez que, conformément à son rôle d'observation et de contrôle d'application de la Loi électorale du Canada, mon bureau a engagé un dialogue avec les plateformes. Jusqu'à maintenant, ce dialogue a été extrêmement positif. Certains contenus ont pu être retirés des plateformes, à notre demande, et la preuve a pu être préservée et communiquée. Évidemment, je ne parle pas strictement de cas d'ingérence étrangère, mais de nos enquêtes en général.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney: Pour revenir à cette idée, j'aimerais savoir quelles méthodes sont envisagées pour déterminer quelles collectivités sont les plus vulnérables. Je veux dire par là, par exemple, que les collectivités autochtones, où il y a déjà souvent un sentiment de méfiance, pourraient être plus vulnérables à la désinformation sur la façon de voter et sur le processus. Nous savons aussi que les néoCanadiens ne sont pas forcément en mesure d'avoir accès à l'information en anglais et en français. J'ajouterais qu'il me semble que les collectivités rurales peuvent être un sujet de préoccupation. En raison de leur éloignement, elles n'ont souvent pas accès à l'information aussi facilement que les autres.

Dans le cadre du travail qui se fait, comment ces collectivités sont-elles prises en compte en fonction de ces vulnérabilités particulières, surtout dans le domaine des menaces étrangères? Il s'agit d'une situation unique qui doit être prise en compte. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Stéphane Perrault: Madame la présidente, je pense que c'est un point très important. Nous savons qu'il y a des communautés au Canada qui connaissent mal nos institutions politiques. Ces personnes n'en savent peut-être pas autant qu'elles le devraient au sujet du processus du vote et du fonctionnement de nos institutions. Cela les rend plus vulnérables. Nos activités de sensibilisation sont axées sur les communautés qui connaissent mal notre processus de vote.

Par exemple, nous travaillons actuellement à un projet pilote avec les collectivités autochtones du Nord de l'Ontario afin de mettre sur pied un programme d'éducation civique destiné spécifiquement aux Canadiens autochtones. Il s'agit d'un projet pilote, nous en tirerons des leçons et nous verrons comment nous pouvons l'élargir.

Nous avons toute une gamme d'activités de sensibilisation visant précisément à combler cet écart pour certaines communautés. Vous avez tout à fait raison de souligner que cela rend ces Canadiens — les néo-Canadiens et différents groupes — plus vulnérables à la désinformation.

Mme Caroline Simard: À titre d'information, cela ne fait pas partie de notre mandat de surveillance de la conformité et de contrôle de l'application de la loi.

Mme Rachel Blaney: Merci.

Nous savons que l'ingérence électorale n'est pas seulement un problème canadien, alors je me demande quels sont les pays dont Élections Canada s'inspire en matière de protection de l'intégrité des élections et quelles leçons vous en tirez.

Stéphane Perrault: Oui, madame la présidente, c'est encore une bonne question.

Nous travaillons avec des partenaires internationaux. L'un de nos meilleurs partenaires est l'Australie. Lors de la dernière campagne électorale dans ce pays, un registre de désinformation a été créé. Ce registre publiait les fausses déclarations sur le processus du vote, et les gens pouvaient s'y référer. Les autorités australiennes ont estimé que c'était un ajout précieux à leur programme. Nous envisageons quelque chose de semblable pour nos élections, alors nous échangeons des renseignements. À la fin du mois, j'assisterai à une réunion de l'OEA, l'Organisation des États américains. Je rencontrerai des gens du Brésil, des États-Unis et d'autres pays des Amériques pour discuter de ces questions.

La présidente: Merci.

C'est au tour de M. Calkins et il sera suivi de Mme Sahota. Allez-y.

Blaine Calkins (Red Deer—Lacombe, PCC): Merci, madame la présidente.

Pouvez-vous me confirmer, monsieur Perrault, qu'environ 17 millions de personnes ont voté aux dernières élections fédérales?

Stéphane Perrault: C'est exact.

Blaine Calkins: Le résultat des dernières élections a été que le soir du scrutin, il manquait au Parti libéral du Canada, qui forme maintenant le gouvernement, 11 circonscriptions pour obtenir la majorité. N'est-ce pas?

Stéphane Perrault: C'est exact.

Blaine Calkins: Si vous regardez les 11 circonscriptions dans lesquelles les résultats ont été les plus serrés — et je dirais qu'il y en a en réalité 13, parce que des choses se sont produites par la suite —, le Parti conservateur a ensuite posé des questions sur l'ingérence étrangère dans 13 circonscriptions. Dans les 13 circonscriptions les plus serrées que le Parti libéral aurait pu gagner, la différence entre le candidat perdant et le gagnant, selon mes estimations, est d'un peu plus de 20 000 votes. Sur 17 millions de votes exprimés, la différence entre un gouvernement majoritaire et un gouvernement minoritaire au Canada était de 0,1 % des suffrages exprimés. Dans quelle mesure un État étranger est-il en mesure de faire bouger les résultats de 0,1 % au Canada?

Stéphane Perrault: Je n'ai pas de réponse à cette question. Je ne connais pas l'efficacité des interventions, qu'elles soient nationales ou étrangères. L'un des aspects de notre travail est que, lorsque nous voyons, par exemple, les débats sur les médias sociaux ou les critiques formulées à l'endroit d'un candidat ou d'un parti — et nous en voyons beaucoup — nous ne sommes pas équipés pour savoir et n'avons aucun moyen de vérifier si ces critiques proviennent d'une source étrangère ou d'une source nationale et s'il s'agit d'une composante légitime du processus ou d'une tentative d'ingérence étrangère. Ce travail incombe aux organismes de sécurité nationale. À part cela, il est difficile de déterminer quelles seraient les répercussions. Je reconnais que le défi ici est de déterminer si cela aurait une incidence.

Blaine Calkins: Mon ancien collègue, Kenny Chiu, qui a perdu aux dernières élections, était, avant le scrutin, très critique à l'égard de ce qui se passait à Hong Kong et il a allégué publiquement que le Parti communiste chinois utilise un logiciel qui n'est peut-être pas visible par tous, mais qu'il utilise des groupes de clavardage et ainsi de suite. Ces groupes de clavardage peuvent être assez importants et toucher des dizaines de milliers de personnes. Étant donné que nous avons eu des signalements au Canada au sujet de postes de police non officiels du Parti communiste chinois ou de postes d'application de la loi dans certaines régions du pays, dans quelle mesure peut-on supposer que ce genre de choses se produisent de façon si secrète que nous ne serions pas au courant de leur existence ou de leur importance?

Stéphane Perrault: Il est tout à fait possible que cela se produise, et c'est une source de préoccupation. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous avons des organismes de sécurité nationale qui se penchent sur ces questions. Je n'ai pas le mandat ni la capacité d'examiner ces questions. Cela dit, s'il y a des infractions à la loi ou des plaintes reçues par la commissaire qui relèvent des paramètres de la loi, il y a des façons pour son bureau de les examiner. Il est très difficile pour notre organisme de déterminer dans quelle mesure il y a des activités étrangères visant à influencer les élections.

Blaine Calkins: Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que les services de renseignement canadiens — le SCRS et le Centre de la sécurité des télécommunications — ont été en contact avec vous, ou que vous êtes en contact avec eux. Ces services discutent évidemment avec vous. Que pouvez-vous dire publiquement au Comité en ce qui concerne vos impressions à l'égard de l'information que vous avez reçue de nos services de sécurité?

Stéphane Perrault: Avant les élections, nous avons eu droit à des séances d'information générales sur le savoir faire de certains pays et sur l'intérêt porté par certains pays aux élections canadiennes. C'est une information de très haut niveau. Nous avons été informés de tout ce qui pouvait donner lieu à des actions de notre part. Il est entendu que s'il y a quelque chose qui se rapporte au processus du vote dont je dois être informé pour organiser l'élection, alors il faut que je le sache. Je n'ai été informé d'aucune activité à cet égard. Au-delà de cela, ce sont ces organismes qui traitent de l'ingérence étrangère.

Blaine Calkins: J'ai une dernière question. Le retour au recensement vous aiderait-il, aiderait-il votre organisation, améliorerait-il l'intégrité du système électoral?

Stéphane Perrault: Non, pas du tout. Je pense très clairement qu'un retour au recensement nuirait à l'intégrité de l'élection.

Blaine Calkins: Merci, madame la présidente.

La présidente: C'est excellent. Merci.

Madame Sahota, vous avez la parole.

Mme Ruby Sahota (Brampton-Nord, Lib.): Merci.

Je remercie tous les témoins d'être ici aujourd'hui une fois de plus pour aider à renforcer notre démocratie.

Ma première question s'adresse au Bureau du Commissaire ou à Élections Canada.

Vous faites partie de ce Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Même si ce n'est peut-être pas votre rôle de recueillir l'information, je suis sûr que, du moins à un niveau élevé, vous êtes tous informés des différentes menaces et de la nature de celles-ci.

Selon un rapport publié en 2021 par le Service canadien du renseignement de sécurité, « Menaces d'ingérence étrangère visant les processus démocratique du Canada », bien que le système électoral du Canada soit solide, l'ingérence étrangère menace l'intégrité des institutions démocratiques et la confiance des Canadiens à leur égard.

Ce rapport traite de l'ingérence étrangère et de différentes techniques, la cybersécurité, l'élicitation, la culture d'une relation, la coercition, la corruption et le financement illégal. Différents rapports nous ont appris que, en matière de cybersécurité, des pays comme la Russie, la Chine et l'Iran comptent parmi les principaux contrevenants. Quels autres pays ont participé à certaines de ces opérations secrètes dont vous avez été informés?

Stéphane Perrault: Vous avez nommé les pays qui me viennent à l'esprit. Je suis certain que les représentants des organismes de sécurité qui comparaîtront après nous pourront vous répondre, mais je n'ai pas d'autres renseignements à fournir au Comité.

Mme Ruby Sahota: Est-ce qu'aucun autre pays n'a été mentionné, ou est-ce que vous n'avez pas été mis au courant des opérations sur le terrain dans d'autres pays que ces trois-là.

Stéphane Perrault: Je ne m'en souviens pas. Je veux être prudent. Il est difficile de se rappeler si les renseignements dont vous avez connaissance sont sensibles. Je ne voudrais pas vous donner des renseignements que je ne dois pas divulguer publiquement, mais franchement, il n'y a pas d'autres pays qui me viennent à l'esprit.

Mme Ruby Sahota: Disons que ce sont les menaces connues du public. Vous êtes peut-être au courant de la participation d'autres pays, mais vous ne pouvez pas nous en dire plus aujourd'hui. Est-ce bien cela?

Stéphane Perrault: Eh bien, oui, et peut-être devrais-je ajouter qu'il est difficile d'établir la source d'une menace, qu'il s'agisse de renseignements erronés ou de cybersécurité. Je vais laisser les experts en cybersécurité vous en parler. Ce n'est pas évident d'emblée lors d'un événement. Vous voyez des renseignements inexacts. Qu'il s'agisse d'information erronée ou de désinformation, que ce soit à l'étranger ou au Canada, il s'agit simplement de renseignements inexacts, et nous devons nous y attaquer. Il en va de même, de notre point de vue, des cyberattaques. Nous avons besoin de pare-feux. Nous avons besoin de mesures de protection.

Pour ce qui est de savoir qui est à l'origine de ces cyberattaques, c'est évidemment un sujet important pour le Canada, mais notre rôle est la protection de notre infrastructure.

Mme Ruby Sahota: Il ne s'agit pas seulement des cyberattaques, mais d'autres types d'opérations qui pourraient avoir une influence. Laissons de côté les États, des tierces parties ou des entités situées dans d'autres pays vous viennent-elles à l'esprit?

Stéphane Perrault: Je n'en connais pas, madame la présidente.

Mme Ruby Sahota: D'accord. Ma prochaine question porte sur les entreprises de médias sociaux.

De nombreuses entreprises de médias sociaux ont signé la Déclaration du Canada sur l'intégrité électorale, qui s'engage, entre autres, à lutter contre la désinformation. Nous savons que la transparence algorithmique est un problème s'agissant de ces entreprises de médias sociaux. Bon nombre de ces algorithmes proviennent des États-Unis. La plupart de ces entreprises de médias sociaux sont américaines également.

Selon vous, dans quelle mesure cela contribue-t-il au fait qu'ils sont considérés comme exerçant une ingérence étrangère sur les élections?

Stéphane Perrault: Là encore, c'est un peu une question piège.

[Français]

Il faut faire attention: le fait qu'il y a des activités de l'étranger ne signifie pas nécessairement qu'il y a de l'ingérence. Au sens de la Loi électorale du Canada, la notion d'ingérence renvoie à des infractions très précises. Il est donc difficile de démêler tous les éléments de votre question.

Je pense que les Canadiens auraient une plus grande confiance dans le processus électoral si on était en mesure de savoir quelles sont les politiques des plateformes de médias sociaux quant au traitement de l'information inexacte, de la désinformation et du contenu illégal. En ce moment, c'est une boîte noire. Nous avons des protocoles en place avec les plateformes pour leur faire part de nos préoccupations, mais nous n'obtenons pas d'elles la transparence que nous souhaiterions et qui nous assurerait que des actions sont prises pour diminuer les répercussions de l'information inexacte ou de la désinformation.

[Traduction]

Mme Ruby Sahota: Mon temps de parole est épuisé, mais je tiens à vous remercier de tout le travail que vous faites pour veiller à ce que les élections se déroulent de façon équitable et harmonieuse.

La présidente: Merci. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Étant donné le peu de temps dont je dispose, je m'en tiendrai à des questions très précises.

Ma première question s'adresse à Mme la commissaire.

Madame la commissaire, vous avez dit que votre travail fonctionnait principalement sur la base des plaintes du public. Or, vous avez également dit, tantôt, qu'il y avait eu de l'ingérence, mais qu'il n'y avait pas eu de plaintes au cours des deux dernières législatures.

Je me pose donc la question suivante: s'il n'y a pas de plaintes, quel type de surveillance exercez-vous? J'imagine que vous allez faire un travail de peaufinage, inspecter ou analyser davantage ce qu'il en est.

Mme Caroline Simard: En réponse à la question, je dirais que la Loi m'accorde un pouvoir de discrétion. Il est important de comprendre les paramètres à l'intérieur desquels s'inscrit cette discrétion et de savoir que cette discrétion a été exercée par le passé. Vous trouverez cette information dans les rapports publics de mon prédécesseur.

Voilà ce que je dirais pour l'instant.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Vous avez dit que la présence d'activités ou d'entités au-delà de la frontière canadienne pouvait faire augmenter de façon importante le degré de complexité d'une enquête.

Nous sommes là pour vous aider. De quoi auriez-vous besoin pour que vos enquêtes soient moins complexes?

Mme Caroline Simard: Comme je vous l'ai dit, notre mandat est prévu dans la Loi, nous avons déjà des outils et nous pouvons déjà faire du travail.

Ce qu'il est important de comprendre, c'est que notre mandat est limité à ces dispositions et à ce cadre, et que nous devons travailler en collaboration avec des partenaires. C'est ce que nous faisons déjà et c'est ce que nous continuerons de faire.

Puisque vous semblez nous tendre la perche en nous demandant quelles améliorations pourraient être apportées, je vous dirais qu'une recommandation a déjà été faite par mon prédécesseur au sujet des définitions et des termes utilisés dans la Loi. Le sous-commissaire pourrait vous les préciser.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Comme il ne me reste que quelques secondes, je vous invite à nous indiquer par écrit quels sont les éléments qui manquent présentement et dont vous auriez besoin, madame la commissaire.

De la même façon, monsieur Perrault, nous aimerions vraiment savoir ce qui découlera de vos échanges d'idées avec l'Australie ainsi que de vos rencontres à venir avec le Brésil, entre autres, afin d'inclure ces éléments dans notre rapport.

La présidente: Merci.

Il s'agit d'une bonne invitation, que je lance d'ailleurs à tous les témoins. Si quelqu'un a des informations supplémentaires à transmettre au Comité, il suffit de les envoyer au greffier du Comité.

Madame Blaney, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney: Merci, madame la présidente.

Ma dernière question pour vous deux porte sur la période préélectorale. Nous entendons beaucoup plus parler de la diligence raisonnable qui doit être exercée pendant la période préélectorale. Nous ne devons jamais sous-estimer l'influence étrangère dans ce contexte.

Je me demande si vous pourriez nous parler un peu de ce qui serait le plus avantageux pendant la période préélectorale s'agissant des services que vous fournissez et de la façon dont ils pourraient nous aider à renforcer la confiance des Canadiens à l'égard des systèmes que nous utilisons lors des élections.

Merci.

Stéphane Perrault: Madame la présidente, si vous me le permettez, il est important que nous parlions de plus en plus de nos actions en vue de protéger l'intégrité de notre processus électoral. Nous avons commencé à le faire lors des dernières élections. Je pense que cela a été une réussite. Nous avions beaucoup d'information au sujet des bulletins de vote postaux en raison des inquiétudes qu'ils suscitaient.

Il est également important d'aller plus loin et d'expliquer aux Canadiens pourquoi ils doivent faire confiance aux élections. Nos procédures comportent des mesures de protection extraordinaires. S'ils en savaient davantage, les gens sauraient que c'est un processus très transparent.

Je pense que nous avons la responsabilité de diffuser cette information au sein de la population canadienne, bien sûr, par l'entremise des médias, des députés et des candidats. S'agissant du travail à accomplir entre les élection, c'est une façon d'aller de l'avant, de sorte que nous occupions largement le terrain avec des renseignements sains sur le processus électoral et que nous ne laissions pas de place aux théories du complot ou aux renseignements inexacts.

[Français]

Mme Caroline Simard: Je vous répondrais qu'il est important que les Canadiens nous soumettent leurs plaintes. À titre d'information, pour les dernières élections générales, 13 situations d'ingérence étrangère ont été portées à notre attention par l'entremise de 16 plaintes, alors que nous avons traité un total de 4 000 dossiers. Il est donc important que les Canadiens communiquent avec nous.

En ce qui concerne la complexité des enquêtes, il faut comprendre que tout est une question de preuve. Comme nous fonctionnons sur la base d'éléments tangibles, il est important qu'on nous transmette ces éléments tangibles.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney: Mon temps de parole tire à sa fin, mais je répète que c'est en interagissant avec nos systèmes que nous gagnons la confiance, alors je crois que c'est important pour le volet préélectoral.

Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Cooper, vous avez quatre minutes. Allez-y.

Michael Cooper: Merci, madame la présidente.

Ma question s'adresse à quiconque sera en mesure d'y répondre.

La Loi électorale du Canada interdit à un tiers d'utiliser des fonds étrangers à des fins réglementées, comme vous l'avez souligné.

Permettez-moi de vous soumettre une hypothèse. Un tiers peut dépenser 1,5 million de dollars. Imaginons qu'il reçoive 1,5 million de dollars de sources nationales et une entité américaine fait un don de 1,5 million de dollars. Si le tiers dépense 1,5 million de dollars en vue d'une élection, que se passe-t-il?

Stéphane Perrault: C'est une hypothèse. Nous n'avons peutêtre pas de renseignements sur les actifs historiques de cette tierce partie. Un tiers est toute personne au Canada qui n'est pas un parti enregistré, l'association de circonscription ou le candidat. Il s'agit pour ainsi dire de tout le monde.

Nous n'avons pas de visibilité sur l'historique de ses actifs. Il doit faire rapport, et c'est une amélioration qui a été apportée...

Michael Cooper: Il doit rendre compte des sommes dépensées à des fins réglementées, n'est-ce pas?

Stéphane Perrault: C'est exact, mais ça...

Michael Cooper: Quel est le mécanisme d'application?

Stéphane Perrault: Si le tiers déclare avoir utilisé ces 1,5 million de dollars — et très peu d'entre eux atteignent ce montant car, pour être clair, la grande majorité dépense de petits montants —, il devra déclarer la source de la dépense, l'origine du financement.

Une partie importante pourrait provenir de ses propres fonds, alors nous n'avons pas de mécanisme...

Michael Cooper: Ces fonds pourraient être des fonds étrangers.

Stéphane Perrault: Ces fonds pourraient être des fonds étrangers. C'est pourquoi j'ai recommandé que les tierces parties...

Michael Cooper: Cela malgré que la loi interdise l'utilisation de fonds étrangers. Selon vous cela ne veut pas dire grand-chose.

Stéphane Perrault: Je n'irais pas jusque-là, mais je dirais que c'est incomplet.

Tant que nous n'avons pas le contrôle de l'utilisation des fonds propres d'une entité, je pense que la loi est incomplète et qu'il faut y remédier.

Michael Cooper: J'aimerais poser une autre question.

Madame Simard, vous avez dit qu'entre la 43e et la 44e élection, le nombre de plaintes contenant des allégations d'ingérence étrangère était resté à peu près le même. Quels étaient les chiffres?

S'il n'y a pas eu d'augmentation importante, quels étaient les chiffres?

Mme Caroline Simard: Je vais demander au sous-commissaire de répondre à cette question.

Merci.

Marc Chénier: Je crois que, pour la 43e élection générale, il y a eu 10 plaintes pouvant relever de l'ingérence étrangère. Lors des dernières élections générales, il y a eu 13 plaintes. Ce sont des allégations. Bien souvent, les faits ne relèvent pas des comportements interdit par la loi. Encore une fois, cela dépend du comportement interdit et de l'allégation. Souvent, on ne peut rien faire de la plainte.

Michael Cooper: Merci, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Cooper, je suis heureux de vous avoir parmi nous. Vous me redonnez toujours du temps, alors je vous en suis reconnaissante.

Monsieur Turnbull, vous avez quatre minutes.

Ryan Turnbull (Whitby, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci à tous les témoins d'être ici aujourd'hui.

Monsieur Perrault, je vais commencer par vous. Je suis heureux de vous revoir.

En réponse au commentaire de Mme Blaney au sujet de la désinformation, je crois que vous avez indiqué que vous la surveillez constamment et que vous diffusez des messages pour corriger la désinformation qui circule. Évidemment, cela nous préoccupe tous. La prévalence de la désinformation est très troublante.

Pourriez-vous nous parler des répercussions de l'attaque ou de l'affaiblissement par des tiers de nos institutions démocratiques, comme Élections Canada? Comment ces choses influent-elles sur leur capacité — sur votre capacité — d'être une source d'information fiable?

Stéphane Perrault: C'est une question très générale, et je vais y répondre de façon très générale. Je me réjouis de l'appui de tous les partis pour renforcer la confiance dans le processus électoral. C'est un partenariat que nous avons avec les Canadiens pour nous assurer que les gens font confiance au processus électoral.

Si les partis ont des préoccupations au sujet de certains aspects du processus électoral, il devrait évidemment y avoir un débat à ce sujet. Il y a des possibilités pour ce faire, mais il est essentiel que nous travaillions tous ensemble pour renforcer nos institutions démocratiques.

Ryan Turnbull: Monsieur Perrault, vous avez dit dans votre déclaration préliminaire qu'il n'y avait pas eu d'ingérence étrangère lors des deux dernières élections générales, ce qui est bien. Comment le savez-vous?

Stéphane Perrault: J'ai dit qu'il n'y avait pas eu de brèche dans notre infrastructure de TI. Je le sais pertinemment. Nous subissons des cyberattaques tous les jours, comme toutes les institutions. Nous n'avons aucun mécanisme pour savoir si elles émanent de l'étranger ou du Canada. Je suppose qu'elles émanent en grande partie de l'étranger, mais que nous ne sommes pas spécifiquement ciblés. Il n'y a eu aucune violation ni aucune ingérence dans nos activités.

Cela ne veut pas dire que les élections canadiennes, les débats politiques et les résultats politiques ne suscitent pas d'intérêt à l'étranger, mais ce sont des domaines qui, au bout du compte, échappent à la compétence d'Élections Canada.

Ryan Turnbull: D'accord. S'agissant de périodes préélectorales, dans un Parlement minoritaire, elles sont un peu plus longues.

Je m'intéresse à la façon dont on a tenté de miner notre démocratie pendant le convoi. Nous avons vu et entendu les médias dire à maintes reprises qu'il y avait beaucoup de fonds qui traversaient la frontière pour appuyer ce convoi, dont l'intention déclarée était de renverser le gouvernement et qui tentait vraiment de miner les politiques pour lesquelles un gouvernement avait été démocratiquement élu.

Pouvez-vous nous dire comment nous pouvons nous protéger contre cela? Je dirais que c'est une forme d'ingérence à la fois étrangère et nationale. Il s'agit d'ingérence nationale parrainée par des étrangers, et c'est préélectoral. Que faisons-nous dans ce domaine?

Stéphane Perrault: C'est une question qui dépasse largement le domaine de l'administration électorale. Il est certain que la surveillance que j'ai décrite en lien au processus du vote se poursuit en dehors de la période électorale, alors s'il y avait eu des renseignements inexacts sur le processus de vote pendant le convoi ou dans toute autre circonstance, nous aurions réagi, et nous réagirions si cela devait se produire.

À propos de ce que vous avez dit au sujet du financement étranger, j'ai lu les journaux, comme nous le faisons tous. Je n'ai pas de données définitives sur la source de financement du convoi, mais c'était certainement une illustration de la nécessité, dans le cas du financement d'un groupe ou d'un individu par des fonds provenant de l'étranger, d'avoir des mesures pour empêcher que ces fonds ne s'infiltrent dans les activités de tierces parties. Je pense que nous sommes tous d'accord.

Ryan Turnbull: Merci, monsieur Perrault.

La présidente: C'est excellent. Cela met fin au temps que nous avions à consacrer au premier groupe de témoins. Nous tenons à remercier Mme Simard, M. Perrault, M. Caron et M. Chénier de s'être joints à nous aujourd'hui.

Si vous avez des renseignements supplémentaires sur l'étude que vous aimeriez transmettre à notre Comité, veuillez les remettre au greffier, et nous veillerons à ce qu'ils soient communiqués à tous les membres.

Sur ce, je vous remercie de votre excellent travail et je vous souhaite une bonne journée.

(Pause)

[Français]

La présidente: Nous reprenons maintenant la séance. [Traduction]

Pour le deuxième groupe, nous accueillons Michelle Tessier, sous-directrice des opérations au Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS. Nous accueillons également Mme Alia Tayyeb, chef adjointe du renseignement électromagnétique au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST.

Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de quatre minutes de Mme Tessier, puis nous poursuivrons avec Mme Tayyeb.

Bienvenue au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Madame Tessier, vous avez la parole.

Mme Michelle Tessier (sous-directrice, Opérations, Service canadien du renseignement de sécurité): Merci beaucoup.

Bonjour madame la présidente et bonjour aux membres du Comité.

Comme cela a été dit, je m'appelle Michelle Tessier et je suis la sous-directrice des opérations au Service canadien du renseignement de sécurité.

[Français]

Je vous remercie de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui pour parler de cet important sujet que sont les menaces d'ingérence étrangère visant nos élections.

[Traduction]

J'aimerais commencer par déterminer ce qui constitue l'ingérence étrangère et ce qui n'en est pas. Les activités diplomatiques et de relations publiques normales que mènent des États étrangers pour influer sur des politiques ne sont pas de l’ingérence étrangère. Lorsqu’elles ont lieu ouvertement, ces activités sont acceptables au Canada, même si elles sont conduites de façon vigoureuse. Il ne s’agit pas d’ingérence étrangère.

[Français]

Les activités d'ingérence étrangère sont différentes. On parle ici d'activités qui dépassent les limites, qui visent à miner nos processus démocratiques ou qui menacent nos concitoyens.

[Traduction]

Dans la Loi sur le SCRS, le Parlement définit les « activités influencées par l’étranger », qui est un autre terme pour désigner l’ingérence étrangère comme des activités « qui touchent le Canada ou s’y déroulent et sont préjudiciables à ses intérêts, et qui sont d’une nature clandestine ou trompeuse ou comportent des menaces envers quiconque ».

Je tiens à préciser que l’ingérence étrangère est une activité menée de façon clandestine et malveillante par un État étranger dans le but de servir ses intérêts nationaux au détriment de ceux du Canada. Ce genre d’activités visent souvent les Canadiens ainsi que nos institutions et nos processus démocratiques. Elles prennent également pour cible l’économie, les processus politiques, les communautés et les médias du Canada.

Aujourd’hui, nous parlerons de l’incidence que l’ingérence étrangère a sur la démocratie au Canada. L’ingérence étrangère vise tous les paliers de gouvernement, tant fédéral, provinciaux que municipaux, de même que les partis politiques, les candidats, les élus et les membres de leur personnel, et les élections en soi. Les États peuvent chercher à influencer qui sera choisi comme candidat officiel et même les résultats des élections.

En effet, un État étranger peut menacer des personnes ou leur faire craindre des mesures de représailles si elles refusent d’appuyer publiquement un candidat en particulier ou de contribuer au financement du parti ou du candidat qu’il privilégie. Les acteurs étatiques peuvent utiliser des techniques de coercition pour atteindre leurs objectifs. Ils peuvent aussi recourir à la flatterie, promettre des récompenses ou faire appel à la fierté d’une personne pour un autre pays pour l’amener à adopter le comportement voulu.

Le SCRS constate également que des États étrangers utilisent de plus en plus les médias, y compris les médias communautaires et plus traditionnels – sans compter les médias sociaux – pour diffuser de fausses informations ou lancer des campagnes d’influence visant à semer la confusion, à diviser l’opinion publique ou à s’ingérer dans un sain débat public et le discours politique.

En tant que membre du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, le SCRS a travaillé en étroite collaboration avec des partenaires pour accroître la sensibilisation et évaluer les menaces d’ingérence étrangère pesant sur les élections fédérales de 2019 et de 2021. Il a également présenté des séances d’information classifiées sur l’ingérence étrangère à des membres de partis politiques qui possédaient la cote de sécurité requise.

En 2019 et en 2021, le groupe de hauts fonctionnaires responsables du Protocole public en cas d’incident électoral majeur a établi que le gouvernement du Canada n’avait pas détecté les activités d’ingérence étrangère qui menaçaient la capacité du pays d’assurer une élection libre et équitable, et que cela justifiait une communication publique.

L’an dernier, en prévision des élections fédérales de 2021, le SCRS a publié un rapport intitulé « Menaces d’ingérence étrangère visant les processus démocratiques du Canada » pour mieux informer les Canadiens sur cette menace grave. Comme le montre ce rapport, des États étrangers prennent pour cible le processus démocratique du Canada pour influencer en secret des politiques et l’opinion publique et, en fin de compte, nuire à la démocratie du pays. Or, il y a des façons de se protéger contre cette menace. Dans son rapport, le SCRS a présenté des stratégies que les Canadiens pouvaient adopter pour détecter l’ingérence étrangère et y résister.

Le SCRS et la GRC disposent de lignes téléphoniques et de mécanismes en ligne faisant l’objet d’une surveillance 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pour quiconque souhaite signaler une menace pour la sécurité nationale, y compris en matière d’ingérence étrangère.

La présidente: Merci, madame Tessier. Quatre minutes passent vite.

Madame Tayyeb, vous avez la parole.

Mme Alia Tayyeb (chef adjointe des renseignements électromagnétiques (SIGINT), Centre de la sécurité des télécommunications): Merci, madame la présidente et merci aux membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.

Je m’appelle Alia Tayyeb, mes pronoms sont she/her/elle, et je suis sous-ministre adjointe de la section du renseignement électromagnétique du Centre de la sécurité des télécommunications. Le CST est l’organisme national de cybersécurité et de renseignement électromagnétique étranger du Canada

[Français]

J'ai l'honneur d'être ici aujourd'hui avec ma collègue Michelle Tessier, du SCRS.

Aujourd'hui, je présenterai les observations du CST concernant la menace que représente l'ingérence étrangère pour notre système électoral.

[Traduction]

Je vais commencer par décrire certaines des principales tendances que nous avons observées. Pour compléter les observations de Michelle, je vais me concentrer sur ce que nous voyons du point de vue de la cybersécurité.

Vendredi, nous avons publié notre « Évaluation des cybermenaces nationales », communément appelée ECN. Comme l’indique l’ECN, les activités d’influence étrangère en ligne sont devenues la norme, et les adversaires cherchent à influencer les élections et le discours international lié à l’actualité.

Nous estimons que la mésinformation, la désinformation et la malinformation, la MDM, émanant d’auteurs de cybermenaces étatiques constituent une menace constante pour la population canadienne. Les adversaires étatiques diffusent constamment — et largement — de la MDM pour faire avancer leurs intérêts. De plus, nous avons constaté que les activités de cybermenace parrainées par un État ont des répercussions sur les Canadiens et les Canadiennes étant donné qu’elles ciblent tant les personnes que l’économie du Canada dans son ensemble. Au nombre des personnes ciblées, citons les membres et les activistes des diasporas au Canada. Ces activités peuvent aussi viser les renseignements personnels des Canadiens et des Canadiennes. Une autre méthode employée par les auteurs parrainés par des États consiste à cibler la valeur économique du Canada, que ce soit en volant de la propriété intellectuelle ou en menant des opérations de renseignement étranger.

[Français]

Comme le Canada participe activement à la communauté internationale et fait partie d'importantes organisations comme l'OTAN et le G7, il ne fait aucun doute que les citoyens canadiens sont des cibles de choix pour les campagnes d'influence étrangère en ligne.

De 2015 à 2020, la grande majorité des cyberactivités menaçant les processus démocratiques étaient attribuables à des auteurs de cybermenaces étatiques. La Russie, la Chine et l'Iran étaient fort probablement responsables de la plupart des cybermenaces contre les processus démocratiques à l'échelle internationale.

[Traduction]

Pour prévenir ces menaces et nous défendre contre celles-ci, nous recueillons des renseignements sur les activités étrangères, y compris toute activité d’ingérence étrangère ciblant les institutions et les processus démocratiques du Canada.

Nous agissons à titre d’autorité en matière de cybersécurité et d’assurance de l’information, un travail qui consiste notamment à fournir des conseils et des moyens de défense contre les acteurs étatiques malveillants qui pourraient chercher à s’ingérer par des moyens informatiques. Par exemple, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous avons observé de nombreuses campagnes de désinformation en ligne appuyées par la Russie, dont le but était de discréditer les alliés de l’OTAN et de propager de la mésinformation à leur propos, en plus de diffuser de fausses informations concernant la participation du Canada dans le conflit. Nous avons diffusé cette information sur Twitter pour appuyer les efforts du gouvernement du Canada visant à informer ses citoyens.

Par ailleurs, nous avons mené des cyberopérations actives et défensives visant à perturber des activités étrangères hostiles, ce qui peut comprendre les activités d’ingérence étrangère. Nous fournissons également du soutien technique et opérationnel au SCRS et à la GRC pour les aider à cerner, à prévenir et à contrer l’ingérence étrangère.

[Français]

Le CST ainsi que le Centre canadien pour la cybersécurité qu'il chapeaute fournissent également, depuis plusieurs années, des conseils à Élections Canada en matière de cybersécurité afin de l'aider à assurer la sécurité des élections.

[Traduction]

Je sais que plus tard cette semaine, vous accueillerez le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Je vais donc m’en tenir à une brève description du rôle du CST au sein de ce groupe de travail.

Avant et pendant l’élection fédérale de 2021, nous avons collaboré étroitement avec nos partenaires dans le cadre du groupe de travail pour surveiller l’ingérence et les menaces étrangères qui guettaient le processus électoral du Canada.

[Français]

Mis à part le contexte des élections, notre travail de renseignement nous permet de conseiller nos partenaires en ce qui a trait à l'ingérence étrangère, tandis que notre travail en matière de cybersécurité nous aide à prévenir et à contrer les cyberintrusions préparant le terrain à l'ingérence étrangère.

[Traduction]

Mesdames et messieurs les députés, je peux vous assurer... [Français]

La présidente: Merci, madame Tayyeb.

[Traduction]

Le temps file, je le sais, mais nous avons hâte d'en entendre davantage pendant la période des questions.

Monsieur Calkins, bienvenue. Vous avez six minutes.

Blaine Calkins: Merci, madame la présidente.

Merci à nos témoins. J'apprécie vraiment vos témoignages. Je n'aurai pas le temps de poser toutes les questions qui me viennent à l'esprit, alors je vais aller droit au but.

Le Parti communiste chinois a adopté sa loi nationale sur le renseignement en 2017, qui exige que les organisations chinoises et les citoyens du monde entier participent aux activités de renseignement d'État du Parti communiste. Êtes-vous d'accord?

Mme Michelle Tessier: Oui, nous sommes tout à fait d'accord.

Blaine Calkins: En septembre, un article du Globe and Mail a révélé la présence d'un vaste réseau de postes de police chinois non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres pays démocratiques du monde. Nous savons également que le gouvernement du Canada a dû limiter l'utilisation de l'opération Fox-Hunt par le Parti communiste chinois en 2015, car il craignait qu'elle ne soit utilisée pour intimider des dissidents au Canada.

Ma question est la suivante: quelles mesures vos organisations prennent-elles pour surveiller cette menace?

Je ne sais pas si vous avez suivi les questions que j'ai posées aux témoins précédents, mais 17 millions de Canadiens ont voté aux dernières élections. La différence entre un gouvernement libéral majoritaire et un gouvernement libéral minoritaire dans les 13 circonscriptions dont les résultats étaient les plus serrés n'était que d'environ 20 000 votes. Même si ce n'est peut-être pas directement lié à votre mandat, je vais vous poser la question suivante: les acteurs d'États étrangers, qui représentent à mon avis une menace différente du financement de tiers provenant d'autres pays, peuvent-ils influer sur le résultat à hauteur de 20 000 ou 30 000 votes pendant une campagne électorale fédérale?

Mme Michelle Tessier: Madame la présidente, je peux peut-être commencer, et je cèderai la parole à ma collègue, Alia Tayyeb, pour qu'elle fasse des commentaires.

Si je réponds à la première question au sujet des postes de police à l'étranger, comme vous pouvez certainement le comprendre, je ne peux pas entrer dans les détails opérationnels du travail du Service, mais je peux vous dire que nous utilisons tous les pouvoirs dont nous disposons pour examiner toute menace potentielle pour nos communautés. Il est très important pour nous de veiller à ce que nos communautés au Canada se sentent protégées et qu'elles ne soient pas victimes de menaces à leur endroit ou qu'aucun acteur étranger ne tente de les menacer ou de menacer leur famille dans leur pays, ce qui, nous le savons, est un sujet de préoccupation. Évidemment, cela demeure une priorité pour nous.

Pour ce qui est de l'influence des États étrangers sur les élections, je ne suis pas en mesure de dire si certains chiffres pourraient être influencés de cette façon. Comme nous l'avons dit dans nos rapports publics et dans d'autres tribunes, nous sommes très préoccupés par les activités d'ingérence étrangère contre nos institutions démocratiques et contre nos élections, et nous voyons ces activités augmenter. Nous travaillons avec nos intervenants et d'autres partenaires du gouvernement du Canada pour accroître la sensibilisation à cette menace.

Blaine Calkins: En 2019, on a découvert qu'un espion du gouvernement communiste chinois avait été recruté pour diriger la circonscription d'un parlementaire australien. Malgré la distance géographique qui nous sépare de la Chine, on craint que ce pays n'interfère avec notre politique intérieure, bien sûr. Je citerai les exemples de l'intervention de l'ancien ambassadeur John McCallum au nom de Meng Wanzhou, ainsi que les louanges de la Chine à l'endroit des sénateurs canadiens qui ont voté contre la motion sur le génocide des Ouïghours.

Y a-t-il des parlementaires ou des sénateurs en poste, des bénévoles dans diverses campagnes ou des membres du personnel travaillant pour des députés ou des sénateurs au sujet desquels le Parlement devrait être informé et qui pourraient être compromis? S'il y en avait, comment communiqueriez-vous cela et qui serait mis au courant?

Mme Michelle Tessier: Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, nous sommes très préoccupés par le ciblage. Nous savons qu'il y a certainement une volonté de cibler les élus à tous les paliers de gouvernement, municipal, provincial et fédéral. Nous nous efforçons d'offrir des séances d'information défensives et nous encourageons activement les personnes qui ont des préoccupations ou des questions à communiquer avec nous. Nous sensibilisons beaucoup les intervenants et organisons des séances d'information défensives lorsque ce genre de préoccupations sont soulevées.

Blaine Calkins: Afin d'atténuer...

Je suis désolé, madame Tayyeb. Avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Alia Tayyeb: Je voulais simplement me faire l'écho des propos de Michelle Tessier à cet égard. À l'approche des élections nous avons travaillé, et nous le faisons toujours, en très étroite collaboration dans le cadre du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections, les quatre organismes ensemble, pour tenir des séances d'information régulières à l'intention des partis politiques. Nous travaillons également en étroite collaboration avec la Chambre des communes pour veiller à ce que tous les renseignements au sujet des menaces d'ingérence étrangère lui soient communiqués.

Merci.

Blaine Calkins: Compte tenu de vos commentaires sur les outils dont vous disposez, madame Tessier, en ce qui concerne le niveau accru d'ingérence des États étrangers, y a-t-il de nouveaux outils ou d'autres pouvoirs dont vous pensez avoir besoin l'une ou l'autre, pour continuer à protéger les institutions démocratiques du Canada?

Mme Michelle Tessier: Notre sentiment, et nous l'avons exprimé par le passé, est que la Loi sur le SCRS a été rédigée en 1984 et ne s'est pas adaptée au contexte des menaces actuelles et aux progrès technologiques modernes et complexes. Nous réfléchissons donc constamment à nos pouvoirs et aux outils dont nous avons besoin.

Je citerai l'exemple de notre capacité à utiliser et à évaluer les données. Nous vivons dans un monde où il y a de plus en plus de données. Bien que des modifications aient été apportées à la Loi sur le SCRS pour nous permettre d'examiner les données et de gérer les ensembles de données, nous sommes toujours d'avis qu'avec l'évolution de la technologie et de nos pouvoirs, il faudra probablement discuter de la capacité du SCRS d'évaluer les données. Un autre exemple...

La présidente: Merci. Je suis désolée. Je sais que notre temps passe très vite. Vous pouvez toujours nous fournir ces renseignements, surtout lorsqu'il s'agit de renseignements dont nous devrions être informés pour vous aider à faire le travail important que vous faites.

Monsieur Turnbull, vous avez six minutes.

Ryan Turnbull: Merci, madame la présidente.

Je remercie nos deux témoins d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai trouvé vos remarques préliminaires très utiles.

Madame Tessier, je vais commencer par vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que le SCRS n'avait pas décelé d'ingérence étrangère qui devait être divulguée. Pour revenir au Protocole public en cas d'incident électoral majeur, il semble qu'il n'ait pas été utilisé.

Je me demande si vous pourriez parler du fait qu'il peut y avoir une menace potentielle qui n'a pas atteint le seuil en vertu de ce Protocole. Pouvez-vous expliquer cela un peu plus en détails au Comité?

Mme Michelle Tessier: Certainement. Comme nous l'avons mentionné — et je crois que des membres du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections comparaîtront plus tard cette semaine —, nous participons au Groupe de travail, de même que d'autres partenaires gouvernementaux comme le CST, Affaires mondiales Canada et la Gendarmerie royale du Canada. C'est en fait une combinaison de tous nos renseignements qui est utilisée pour informer le groupe d'experts critique si, à notre avis, une forme quelconque d'ingérence étrangère pourrait avoir une incidence sur l'intégrité de l'ensemble des élections. Ce n'a pas été le cas lors de cette élection, mais c'est un travail que nous faisons en permanence. Le Groupe de travail informe régulièrement le groupe d'experts des incidents qui se produisent en période électorale.

Ryan Turnbull: Merci de cette précision.

Nous pouvons probablement déduire qu'il y a des menaces potentielles dans notre processus électoral. C'est simplement qu'elles n'ont pas d'incidence importante sur l'intégrité des élections. Est-ce bien cela?

Mme Michelle Tessier: C'est exact. Comme nous l'avons mentionné, nous voyons des activités d'ingérence étrangère ou des tentatives d'ingérence étrangère pour tenter d'influencer, mais pas suffisamment pour avoir atteint le seuil d'incidence sur l'intégrité électorale globale.

Ryan Turnbull: Merci. Je m'adresse maintenant à Mme Tayyeb.

De nombreuses entreprises de médias sociaux ont signé ce qu'on appelle la déclaration sur l'intégrité électorale dans laquelle elles s'engagent, entre autres, à s'attaquer aux MDM, comme vous les 'appelez.

Nous savons que la transparence algorithmique est un problème; on en a souvent parlé. Si j'ai bien compris, les algorithmes qu'elles utilisent proviennent surtout d'entreprises américaines, c'est-à-dire étrangères. À votre avis, madame Tayyeb, dans quelle mesure ce fait peut-il être considéré comme une influence étrangère dans une élection?

Mme Alia Tayyeb: Nous travaillons de très près avec des entreprises de médias sociaux partout dans le monde. Une collaboration a été établie dans le cadre des activités du Groupe de travail également.

Pour répondre à votre question sur l'origine américaine de ces algorithmes, il est certain que nous travaillons avec des entreprises américaines. De plus, nous leur communiquons l'information ou les soupçons que nous avons quant à d'éventuelles ingérences. Nous avons une relation de collaboration très poussée avec elles. Pour leur part, elles se montrent empressées de répondre à ces préoccupations. Comme vous l'avez souligné, elles ont adoptée des politiques rigoureuses régissant l'utilisation de leurs plateformes, et nous avons constaté qu'elles y sont très sensibles.

Il pourrait être utile que préciser que le CST, quand il se penche sur l'ingérence et l'influence étrangères, s'intéresse surtout aux activités des acteurs étatiques. Cela ne signifie pas qu'une entité étrangère ne pourrait pas également être impliquée dans de telles activités. Dans le cas des États-Unis, nous avons établi de très solides partenariats avec ces entreprises et nous avons pu travailler en collaboration avec elles.

Merci.

Ryan Turnbull: Un cas récent qui me vient à l'esprit est le gazouillis de Canada Proud @ElonMusk, quelques heures après qu'Elon Musk est devenu propriétaire de Twitter, au sujet du projet de loi C-11, qui, nous le savons, a fait l'objet d'une désinformation considérable pendant la dernière élection.

Quel est rôle des entreprises de médias sociaux, en tant qu'acteurs responsables, pendant et avant les élections?

Ryan Turnbull: Désolé. Oui, c'est à vous que je posais la question, madame Tayyeb.

Mme Alia Tayyeb: Je vais laisser du temps à Mme Tessier, au cas où elle aurait quelque chose à ajouter.

Nous pensons qu'elles ont un rôle très important dans ce domaine. En tant que praticiens du milieu de la sécurité et du renseignement, il importe de ne pas donner l'impression d'entraver le moindrement l'expression de propos admissibles, même s'ils nous rebutent. Nous sommes convaincus que les activités qui ne sont pas dirigées par un État étranger tombent carrément dans la sphère de responsabilité des entreprises. Certes, notre rôle à cet égard est de les conseiller et de leur fournir les renseignements dont elles ont besoin pour se protéger et protéger leurs auditoires, mais nous sommes tout à fait convaincus qu'elles sont en mesure de faire face à ces menaces.

Merci.

Ryan Turnbull: Merci.

Madame Tessier, voulez-vous ajouter quelque chose?

Mme Michelle Tessier: Non, je trouve que Mme Tayyeb a très bien répondu.

Je veux simplement répéter que nous travaillons dans un régime démocratique. La gestion des médias sociaux, sachant qu'il s'agit d'un moyen de prédilection des acteurs étrangers, est évidemment préoccupante, et nous encourageons la sensibilisation à cette situation et la liaison avec ces plateformes afin qu'elles soient en mesure de reconnaitre les cas d'ingérence étrangère et d'agir en conséquence.

Ryan Turnbull: Diriez-vous, madame Tayyeb, que la plupart des MDM qui existent sont propagées par les médias sociaux?

Mme Alia Tayyeb: Je dirais que c'est certainement un très gros vecteur dans la société de nos jours. Ce n'est pas exclusif aux médias sociaux, mais nous constatons, depuis la très forte propagation des médias sociaux dans l'ensemble de notre société, une augmentation de ce genre d'activités.

La présidente: Merci. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci beaucoup, madame la présidente.

Je remercie les témoins de leur présence. J'apprends beaucoup de ces témoignages.

Vous savez que nous avons reçu, juste avant vous, la commissaire aux élections fédérales, le sous-commissaire et le directeur général des élections. Je leur ai posé une question que j'aimerais maintenant vous poser, et j'en aurai d'autres par la suite. C'est à propos de la situation législative actuelle.

La surveillance que vous effectuez est capitale. Elle est non seulement préventive, mais aussi curative; nous ne souhaitons pas avoir à nous rendre jusque-là, mais, les choses étant ce qu'elles sont, c'est une possibilité.

Les lois de notre pays sont-elles insuffisantes pour régir les fournisseurs de services Internet et les plateformes en ligne? C'est un sujet dont on parle depuis plusieurs années. Il y a eu des pourparlers et des consultations à ce sujet parmi le Groupe des cinq, mais nous n'avons pas encore eu vent d'une possible mesure législative commune aux pays membres du Groupe des cinq ou du G7, par exemple.

De quelle façon devrions-nous établir les priorités parmi nos efforts à cet égard, pour vous permettre de mieux faire votre travail?

J'aimerais entendre les commentaires des deux témoins à tour de rôle.

Mme Michelle Tessier: Nous examinons constamment les pouvoirs et les outils que nous avons. Comme je le disais plus tôt, la technologie évolue, tout comme les lois et la complexité de l'environnement. Nous sommes constamment en discussion avec d'autres ministères ou organismes du gouvernement du Canada et avec nos alliés pour comprendre ce qui pourrait être utile pour le pays.

Évidemment, nous respectons le fait que les décisions relatives aux lois et aux changements de politiques appartiennent à la sphère politique. Nous ne faisons qu'envoyer nos recommandations ou nos avis. Cela dit, nous restons à l'affût de ce qui pourrait être utile pour nous ici, au Canada, en nous basant sur des expériences que d'autres pays ont peut-être vécues.

Mme Alia Tayyeb: Pour ma part, je vais répondre en anglais à votre question, afin d'être plus précise.

[Traduction]

Je suis d'accord avec Mme Tessier. Nos pouvoirs évoluent constamment. Nous collaborons très étroitement avec des partenaires dans l'ensemble du gouvernement pour nous assurer qu'ils disposent de l'information que nous recueillons sur les menaces étrangères qui pèsent sur les processus électoraux canadiens, mais aussi sur la manipulation du dialogue sociétal.

Cela dit, la réglementation sur ce plan n'est pas du ressort du CST. Nous serions heureux de donner des conseils à nos collègues du gouvernement, mais nous-mêmes ne participons pas à la réglementation des télécommunications ou des médias sociaux.

Merci. [Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Vous m'avez relativement ras‐

surée, tout de même, pour ce qui est de l'ingérence dans les élections. C'est sûr qu'il est inquiétant d'entendre parler de malveillance, de démarches clandestines, ou même de flatteries.

Ce que l'on vit aujourd'hui en matière de cybersécurité et de cybermenaces vous inquiète-t-il pour les décennies à venir, si on regarde cela d'un point de vue global?

Mme Alia Tayyeb: Si vous me le permettez, je vais répondre en premier à cette question.

[Traduction]

Dans l'optique du CST, nous ne manquons pas de constater que nos adversaires disposent de beaucoup de ressources. Ils sont dévoués à leurs intérêts stratégiques. Nous avons beaucoup à faire pour rattraper notre retard et pour être en mesure de continuer de cerner et de contrer les menaces qu'ils représesntent.

Cela dit, nous avons un ensemble très solide de pouvoirs, du moins au CST, pour remplir notre mandat relatif au renseignement étranger et notre mandat relatif à la cybersécurité. En outre, plus récemment, en 2019, nous avons reçu le pouvoir de mener des cyberopérations défensives et actives, ce qui, à mon avis, a considérablement amélioré les outils dont dispose le Canada pour se défendre contre ces menaces.

Nous avons également des partenariats très solides avec nos collègues canadiens de la communauté de la sécurité et du renseignement et dans l'ensemble du gouvernement, en plus de solides partenariats avec nos collègues du Groupe des cinq et d'autres collègues partout dans le monde.

Je pense que nous sommes bien placés pour nous défendre contre ces menaces, mais nous devons nous assurer d'évoluer constamment pour y faire face. Comme vous le savez, le domaine cybernétique connaît une croissance exponentielle, et il nous incombe de revoir constamment nos pouvoirs et nos tactiques afin de nous assurer d'être toujours en mesure de défendre les Canadiens.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: En bref, la réponse n'est ni oui ni non; l'important est de s'adapter à ce qui s'en vient.

Madame Tessier, pouvez-vous nous dire rapidement ce que vous en pensez?

Mme Michelle Tessier: J'ajouterais que beaucoup d'informations continuent de circuler sur Internet. Il faut se protéger et se méfier des courriels qu'on reçoit. Il faut se tenir au courant des menaces et prêter attention à l'information qu'on publie soi-même sur Internet, pour éviter de se rendre vulnérable. C'est toujours une question d'éducation, parce que les acteurs utilisent des techniques très sophistiquées qui évoluent sans cesse.

La présidente: Merci beaucoup.

Madame Blaney, vous avez la parole pour six minutes. [Traduction]

Mme Rachel Blaney: Merci, madame la présidente.

Bien sûr, je remercie les gens qui sont ici pour témoigner. Je vous suis vraiment reconnaissante du travail que vous faites. J'apprends beaucoup aujourd'hui.

Au cours de cette discussion, je ne peux m'empêcher de réfléchir à l'importance de protéger les électeurs et les institutions contre toute menace à la démocratie et à l'importance de poursuivre ce travail. Je vous remercie de participer à ce travail.

Je m'adresserai d'abord à Mme Tayyeb, puis à Mme Tessier au cas où elle aurait quelque chose à ajouter. Dans une mise à jour de juillet 2021 sur les menaces à la démocratie, le Centre canadien pour la cybersécurité a écrit qu'entre 2015 et 2020 les activités de cybermenace visaient plus souvent les électeurs que les partis politiques en période électorale. Que pensezvous qu'un Canadien ordinaire devrait comprendre de cette information? On nous dit que ces menaces sont de plus en plus sophistiquées. Quels genres de mesures les électeurs devraient-ils prendre pour s'assurer de recevoir une information véridique sur la démocratie au Canada?

Mme Alia Tayyeb: C'est une excellente question. Elle va vraiment au cœur de la perception que nous avons de cette menace et de notre façon d'y réagir, c'est-à-dire de faire tout notre possible pour que les Canadiens soient conscients de la menace, qu'ils soient au courant des tactiques utilisées et qu'ils sachent à quoi s'attendre de ce qui leur présenté en ligne. C'est en grande partie la raison pour laquelle nous avons publié des mises à jour sur les cybermenaces aux institutions démocratiques au cours des années précédentes. Celle de 2021 était, je crois, notre troisième.

Notre première ligne de défense est de s'assurer que les Canadiens ont le plus d'information possible sur les tactiques employées et les adversaires que nous nommons, ceux qui sont les plus prolifiques dans cet espace. Nous décrivons les tactiques qu'ils utilisent, notamment la désinformation sur le processus politique, l'incitation à la discorde dans les médias sociaux et le dénigrement du processus démocratique dans son ensemble.

Nous croyons qu'il est important que les Canadiens reçoivent le plus d'information possible à ce sujet. Nous communiquons régulièrement avec les Canadiens, par l'entremise de communiqués de presse ou de Twitter, afin d'insister le plus possible sur ces messages.

Merci beaucoup.

Mme Rachel Blaney: Je suis heureuse de l'entendre. Cependant, dans ma circonscription, il y a beaucoup de collectivités rurales et éloignées où l'accès aux services est souvent limité, et je suis curieuse de savoir si vous avez des stratégies ou des recommandations particulières à l'intention de différents groupes — les collectivités rurales, les collectivités éloignées où la connectivité est limitée — ou si vous vous intéressez à différents groupes plus marginalisés au pays. Je me demande s'il existe des stratégies ou des recommandations précises à cet égard, surtout pour ce qui est de promouvoir la démocratie. Nous savons que ces groupes, parfois, sont parmi ceux qui ne participent pas aussi souvent ou aussi pleinement à la vie démocratique. Je suis simplement curieuse de savoir quel est le processus.

Mme Alia Tayyeb: C'est une excellente question. Au CST et au Centre canadien pour la cybersécurité, nous parlons beaucoup des moyens pour atteindre le plus grand nombre possible de Canadiens, d'accroître la portée de nos campagnes médiatiques et de nous assurer d'atteindre les collectivités partout au Canada, notamment les collectivités éloignées et nordiques. Nous sommes en train de mettre au point des moyens pour mieux faire les choses, mais nous savons qu'il y a beaucoup de travail à faire à cet égard.

Merci.

Mme Rachel Blaney: Lorsque nous nous penchons sur ce processus, il faut, bien sûr, établir un équilibre entre ce que nous attendons des électeurs pour s'informer et comprendre et ce que le gouvernement devrait faire pour s'assurer que le public a accès à des renseignements exacts. Comment envisagez-vous l'équilibre entre ces deux éléments?

Mme Michelle Tessier: Je vais peut-être y aller en premier, et Mme Tayyeb pourra répondre par la suite.

Il s'agit, pour l'essentiel, de sensibiliser les Canadiens, les diverses collectivités, et de leur rappeler, s'ils ont des préoccupations, s'ils voient des renseignements qu'ils jugent douteux et surtout s'ils se sentent menacés, que nos collègues de la GRC et d'autres organismes d'application de la loi seront certainement disponibles pour faire face à toute menace éventuelle.

C'est avant tout une question de sensibilisation. Il faut que les Canadiens sachent qu'ils peuvent s'adresser à nous s'ils ont des questions ou des préoccupations, ainsi qu'à la GRC et à Élections Canada. Nous pouvons répondre aux questions et sensibiliser les gens afin qu'ils aient le sentiment d'avoir les renseignements dont ils ont besoin et d'être bien informés quant aux élections et à l'exercice de leur droit de vote.

Mme Alia Tayyeb: Merci.

Je ne veux pas parler au nom d'Élections Canada, mais, ayant travaillé avec ses gens pendant la campagne électorale, je sais que c'est un problème auquel Élections Canada s'est également attaqué en améliorant ses efforts de sensibilisation des collectivités à l'importance de participer au processus démocratique. Élections Canada pourra peut-être vous donner plus de renseignements à ce sujet également.

Mme Rachel Blaney: Merci. Comme il ne me reste que quelques secondes, je les cède.

La présidente: Merci, madame Blaney.

Nous passons maintenant à M. Cooper, qui sera suivi de Mme O'Connell.

Monsieur Cooper, vous avez cinq minutes.

Michael Cooper: Merci, madame la présidente, et merci aux fonctionnaires. Mes questions s'adressent au fonctionnaire le mieux placé pour y répondre.

Voici ma première question. Le régime communiste chinois est-il intervenu dans les dernières élections fédérales?

Mme Michelle Tessier: Vous comprendrez sans doute, comme je l'ai déjà dit, que je ne peux pas parler des détails opérationnels de nos enquêtes. Ce que je peux dire, c'est que nous savons que le Parti communiste chinois cherche à promouvoir ses propres intérêts nationaux. Il se livre à des activités d'ingérence étrangère. Nous l'avons dit publiquement. Je peux affirmer de nouveau que nous sommes préoccupés par les activités comportant des menaces à la sécurité du Canada, y compris l'ingérence étrangère par le Parti communiste chinois.

Michael Cooper: Je comprends que vous ne pouvez pas entrer dans les détails opérationnels, mais pourriez-vous nous parler de façon un peu plus générale de certaines des activités d'ingérence du régime communiste chinois?

Mme Michelle Tessier: Oui. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous savons que la Chine, entre autres pays, cherche à cibler des élus de tous les ordres de gouvernement afin de promouvoir ses propres intérêts nationaux et d'encourager les gens à parler ou à agir comme mandataires, pour ainsi dire, du Parti communiste de la Chine.

Il y a même de l'information ouverte qui fait état de ce genre d'activités et de l'utilisation de mandataires dans d'autres pays qui servent à faire valoir ses intérêts. Cela demeure une préoccupation pour nous pour ce qui est des activités d'influence et des tentatives de manipulation de certaines personnes pour les amener à travailler dans l'intérêt de la Chine contre celui du Canada.

Michael Cooper: Serait-il juste de dire que le régime chinois menace et intimide des personnes en sol canadien?

Mme Michelle Tessier: Il est juste de dire qu'il emploie peutêtre un certain nombre de techniques, y compris les menaces à l'endroit de communautés ici, le recours à des mandataires pour occulter la participation du gouvernement chinois et les tentatives d'utilisation des ressources communautaires. Il est juste de dire qu'il utilise peut-être un certain nombre de techniques pour promouvoir ses propres intérêts nationaux contre ceux du Canada.

Michael Cooper: Serait-il juste de dire que cela se produit de façon assez généralisée?

Mme Michelle Tessier: J'hésite à donner une fréquence. Encore une fois, je dirais que nous sommes de plus en plus préoccupés. Nous avons vu, comme cela a été dit plus tôt, que des lois adoptées par le Parti communiste chinois obligent tout le monde en Chine, y compris le secteur privé, à travailler pour le compte du gouvernement.

À cet égard, nous voyons un autoritarisme sans cesse croissant, si je puis me permettre ce mot, quant aux stratégies du Parti communiste chinois.

Michael Cooper: Pouvez-vous nous parler de l'utilisation des médias de langue chinoise par le régime?

Mme Michelle Tessier: Nous sommes préoccupés par l'utilisation des médias par de nombreux acteurs étatiques hostiles, y compris la Chine. Nous savons qu'il y a des tentatives. Nous avons parlé de désinformation et de mésinformation dans tous les médias. À vrai dire, les médias sont une victime ou un outil d'ingérence étrangère.

Michael Cooper: [Note de la rédaction: inaudible] ...usines à contenu?

Mme Michelle Tessier: Je suis désolée. Je n’ai pas entendu la question.

Michael Cooper: Qu’en est-il des usines à contenu, de ces fabriques à contenu qui produisent de la désinformation ou ont recours à des stratégies de saturation d’informations?

Mme Michelle Tessier: Je dirais que tous les vecteurs médiatiques sont exposés à des intrusions par des acteurs étatiques hostiles, que tous les types de médias sont vulnérables.

La présidente: Merci.

Madame O’Connell, vous avez cinq minutes.

Mme Jennifer O'Connell (Pickering—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente, et merci aux témoins.

Je vais poursuivre dans la même veine et traiter de la question de l'instrumentalisation des médias par des entités malveillantes. Madame Tessier, vous avez, je crois, mentionné que les acteurs étatiques étrangers passent souvent par les médias locaux pour faire de la désinformation. Il y a un instant, vous disiez que tous les types de médias — je paraphrase ici, bien sûr — sont susceptibles d'être utilisés à cette fin.

Pour le SCRS, le CST ou tout autre organisme canadien, si un soi-disant groupe médiatique comme Canada Proud ou Rebel News en venait à se faire les relais de la désinformation chinoise ou russe dans leurs campagnes locales de désinformation ou de propagation d'informations trompeuses, de quels mécanismes disposeriez-vous pour signifier aux Canadiens que des États étrangers comme la Chine ou la Russie instrumentalisent cette source d’information locale?

Mme Michelle Tessier: Je tiens à insister sur ce que nous avons dit plus tôt, à savoir que nous respectons... Évidemment, nous vivons dans une démocratie et nous respectons les médias. Il ne faudrait pas que nos actions soient perçues comme des intrusions dans les médias. Je pense qu'il est important d'insister sur ce point. Ce n’est certainement pas le genre d'activité que souhaite entreprendre le SCRS.

Nous ne pouvons trop aller dans le détail, mais disons que la situation serait évaluée par le biais d'une enquête. Nous chercherions à déterminer la nature de la menace et, pour ce faire, nous utiliserions toute la gamme d'outils à notre disposition.

Je tiens encore une fois à souligner l’importance de travailler avec le milieu, de travailler avec les parties prenantes pour protéger le milieu. Il est important, en ce sens, que les membres de ce milieu communiquent avec nous s’ils ont l’impression que ce genre d’activités a lieu. Ce n’est certainement pas le rôle du SCRS de commencer à surveiller tous les médias.

J'en appelle à la prudence. Nous reconnaissons que la liberté d’expression est un droit fondamental en démocratie. Toutefois, nous sommes inquiets dès que notre mandat est remis en question alors que des États hostiles ont recours à des méthodes clandestines pour nuire aux intérêts nationaux du Canada ou qu'ils représentent des menaces pour le milieu de la presse. Notre mandat est bien défini et je vous garantis que nous nous en tiendrons à ce mandat.

Mme Jennifer O'Connell: Merci.

Dans le même ordre d’idées, n'est-ce pas précisément l'objectif des États étrangers de miner la démocratie dans des pays comme le Canada et, j’en suis sûr, dans d’autres pays également? N'est-ce pas le but recherché: miner la confiance dans les institutions démocratiques, chercher à fragiliser les piliers de la démocratie? L’ingérence étrangère ne consiste pas nécessairement à envoyer des messages du type: « Nous aimons tel ou tel candidat ou tel parti plutôt que tel autre »; il s'agit surtout de semer le doute au sujet de nos institutions. Prenons, par exemple, je ne sais pas, le gouverneur de la Banque du Canada ou les médias locaux qui ont posé des questions difficiles à certains partis... Ces exemples ne démontrent-ils pas que l'interférence ne de ramène pas à l'appui très net donné par un gouvernement à un autre gouvernement, que l’ingérence étrangère prend plutôt la forme d'un doute semé au sujet de nos institutions démocratiques? L'interférence peut prendre des formes plus subtiles.

Mme Michelle Tessier: Vous avez tout à fait raison. C’est l’un des principaux vecteurs qui consiste à trouver un élément de discorde susceptible de diviser la société et l’amplifier d’une façon ou d’une autre.

Je suis heureuse de constater que la sensibilisation et le fait que l'on parle de plus en plus de l’ingérence étrangère montrent que la société est pleinement consciente de la menace que celle-ci représente.

Mme Jennifer O'Connell: À votre avis, la COVID-19 a-t-elle constitué un moment de bascule? Vous avez parlé de transformer un enjeu en source de discorde et de l'instrumentaliser contre les gouvernements. On a reproché à Canada Proud, par exemple, de répandre des faussetés relativement à la distribution des vaccins. Avez-vous constaté une augmentation de la désinformation, des tentatives de semer le doute dans la société canadienne? Avez-vous constaté une augmentation du phénomène pendant la pandémie de COVID-19?

Mme Michelle Tessier: Encore une fois, je me limite à ce qui concerne notre mandat, mais si l'on s'en tient aux menaces à la sécurité du Canada, pendant la pandémie de COVID-19, nous avons constaté une très nette volonté de la part d'acteurs étatiques hostiles à répandre de fausses informations. C'est un phénomène que nous avons pu observer. Nous avons aussi assisté à des tentatives d’espionnage destinées à saper une partie du travail entourant les vaccins, et nous avons entrepris de...

La présidente: Merci. Je suis désolée, mais le temps a passé très vite. Notre greffier est toujours très efficace, et je ne doute pas que vos cinq minutes soient écoulées.

[Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci beaucoup, madame la présidente.

Ma question est très simple et elle s'adresse à Mme Tessier.

Vous avez parlé de l'importance de l'éducation et de la sensibilisation. Aux fins du rapport que nous rédigerons, j'aimerais entendre vos commentaires et vos suggestions sur la façon dont nous pourrions nous y prendre, à ce chapitre. Vous m'avez relativement rassurée, tout de même, en nous expliquant tout le travail que vous faites en amont.

Mme Michelle Tessier: Dans notre rapport public, nous décrivons plusieurs techniques utilisées par des États hostiles aux intérêts canadiens. Il y a, entre autres, ce que nous appelons les démarches intéressées. C'est lorsque des individus cultivent des relations en offrant des cadeaux, des voyages payés ou ce genre de choses.

Notre rapport parle aussi de la cybersécurité. Par exemple, il explique comment se protéger en ligne et précise le genre de courriels dont on devrait se méfier.

Nous donnons aussi des conseils aux individus, par exemple dans des cas où ils sentent qu'on leur pose beaucoup de questions sur plusieurs sujets, ce qui les amène à se demander s'ils donnent trop d'informations.

Notre rapport donne des conseils en fonction des techniques utilisées.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Ce que je vois, c'est qu'il y a un arrimage à faire avec les autres commissaires qui s'occupent de questions liées aux cadeaux, aux requêtes ou aux moyens par lesquels certaines personnes tentent d'arriver à leurs fins. J'ai l'impression qu'il faudrait des programmes de sensibilisation et de prévention. Nous en avons à la Chambre des communes, entre autres pour contrer le harcèlement. Outre les élus et leur personnel, j'ai l'impression que, dans un proche avenir, il devrait y avoir des programmes de sensibilisation destinés au grand public.

Madame Tayyeb, avez-vous un commentaire à ajouter rapidement?

Mme Alia Tayyeb: J'aimerais renchérir sur ce que Mme Tessier a mentionné. En matière de cybersécurité, nous publions beaucoup de conseils, destinés à plusieurs personnes, sur les façons de se protéger. Je peux en énumérer quelques-uns.

[Traduction]

Nous conseillons aux gens d’utiliser des mots de passe difficiles à deviner. Michelle a parlé de la prudence...

La présidente: Merci. Je voulais vous donner un peu plus de temps pour donner un exemple. Vous pourrez envoyer le reste par écrit au greffier.

Mme Alia Tayyeb: Oui, je le ferai.

La présidente: Je suis sûr que Mme Gaudreau et les membres du Comité seront ravis d'en apprendre plus.

Madame Blaney, vous avez deux minutes et demie.

Mme Rachel Blaney: Merci.

Ma question s’adresse à vous deux. Je vous laisse décider de qui répondra.

Je constate une augmentation de la désinformation dans les réseaux sociaux, et il me semble que le phénomène ne cesse de prendre de l'ampleur. Il n’y a plus de débat d'opinions, d'échanges de points de vue, il semble qu'on débat davantage des faits et de la réalité, ce que je trouve particulièrement effrayant et préoccupant. On sait qu’il existe des structures de signalement sur les sites des médias sociaux. Twitter et Facebook sont bien sûr les premières cibles des plaintes à ce sujet en ce moment.

Cependant, les entreprises qui tirent profit des échanges sur leurs plateformes sont-elles les plus à même de freiner cette propagation de la désinformation? Comment s'assurer, dans ce pays, que la désinformation n’émane pas de quelque puissance étrangère qui chercherait, par-dessus tout, à s'ingérer dans notre processus électoral?

Mme Alia Tayyeb: Peut-être que je peux commencer, puis je vais céder la parole à Michelle.

C’est une excellente question. Nous en avons discuté avec des représentants d'entreprises de médias sociaux. Nous entretenons d'excellentes relations avec bon nombre d’entre eux. Il est également dans leur intérêt commercial que leurs plateformes ne soient pas utilisées à des fins malveillantes. Dans l'ensemble, la collaboration avec nos partenaires de l’industrie est excellente.

Il existe, certes, d’autres plateformes en ligne hébergées dans d’autres pays avec qui nous n’avons aucun lien. Comme elles sont installées ailleurs, d'un point de vue des relations extérieures, ce sont elles qui doivent faire l'objet d'une surveillance continue, afin de déterminer si des gouvernements étrangers les utilisent pour diffuser de la désinformation au Canada. En cas de menace, nous informons le gouvernement, surtout en cas d’ingérence électorale, afin de déterminer quel organisme est le mieux placé pour y répondre.

Et puis, si jamais le CST avait des motifs raisonnables de croire qu’un gouvernement étranger utilise certaines plateformes pour cibler des Canadiens, il y aurait des moyens de contrer ces activités en utilisant par exemple des cyberopérations actives. Je ne sais pas si Mme Tessier...?

Mme Michelle Tessier: Vous avez bien répondu. C’est évidemment un sujet récurrent dans les discussions du SITE, soit le genre d’activités que nous observons pendant les périodes électorales et, comme Mme Tayyeb l’a souligné, qui est le mieux placé pour répondre à la menace.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons accorder une brève période de deux minutes à

Cooper, puis à Mme Sahota.

Allez-y, monsieur Cooper.

Michael Cooper: Merci beaucoup, madame la présidente.

Dans le rapport du SCRS intitulé « Menaces d'ingérence étrangère visant les processus démocratiques du Canada », il est dit que certains donateurs de candidats politiques peuvent avoir des liens avec des États étrangers et être contraints de faire des dons. On peut y lire: « Les partis politiques et les candidats aux élections peuvent aussi recevoir des fonds (par exemple des dons) d’un présumé Canadien alors qu’ils proviennent en fait d’un étranger » et « Il est possible d’être appelé à participer à des activités de financement illégales pour le compte d’une autre personne ».

Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? C’est assez alarmant. Avez-vous une idée des montants provenant de l'étranger qui sont acheminés de cette façon?

Mme Michelle Tessier: Je ne peux évidemment pas entrer dans les détails de certaines de nos enquêtes, mais c’est une préoccupation et c’est une possibilité bien réelle. Nous avons pris soin de l'indiquer dans notre rapport public pour sensibiliser la population à cette menace potentielle et à la façon dont certains acteurs étatiques hostiles cherchent à utiliser le financement. Je ne peux pas entrer dans les détails quant aux mesures qui sont prises sur le plan opérationnel, mais je peux dire que c’est suffisamment préoccupant pour que nous l’inscrivions dans notre rapport public afin de sensibiliser la population.

Michael Cooper: Avez-vous des recommandations quant à la façon de combattre cette menace?

Mme Michelle Tessier: Confrontés à ce genre d’activités, nous examinerions bien sûr tous les outils à notre disposition, toujours en fonction des résultats des enquêtes, afin de déterminer la meilleure façon d'agir. Nous travaillerions de concert avec les autres intervenants et informerions les personnes concernées, mais pas forcément au courant, du fait qu'elles reçoivent l'appui d'une source de financement douteuse.

Il s’agit d'abord d’examiner tous les outils à notre disposition pour s’assurer que les gens sont bien au fait de la situation, puis de travailler, par exemple, avec le Bureau du commissaire aux élections, s'il s'agit de l'instance concernée.

La présidente: Merci.

Madame Sahota, vous avez deux minutes.

Mme Ruby Sahota: Merci, madame la présidente. Ma question s’adresse à Mme Tayyeb.

Seriez-vous d’accord pour dire que l'extrémisme de droite se situe dans un angle mort pour bon nombre des services de police et des services de renseignement du Canada? C'est ce qui ressort des événements du Capitole et aussi de la commission sur le convoi des camionneurs, qu’il s’agisse d’acteurs étrangers ou parfois d’un mélange d’acteurs étrangers et canadiens, ce qui ajoute à la confusion.

Je sais que certaines des menaces énoncées dans les rapports sur le terrorisme du Canada ont été révisées au fil des ans. Plus récemment, elles l'ont été pour inclure certaines de ces menaces, mais traditionnellement, elles n’ont pas nécessairement fait l’objet d’une enquête de l'ampleur de celle que nous essayons de mener aujourd’hui.

Mme Alia Tayyeb: Je ne peux m'exprimer qu'en ce qui concerne le CST. Tout extrémisme violent à caractère idéologique d'origine étrangère qui vise le Canada fait partie de nos préoccupations et nous sommes actifs dans ce domaine depuis très longtemps.

Pour ce qui est de la première partie de votre question, je ne suis pas en mesure de parler au nom des forces policières ou d'autres organes de sécurité. Je sais que nous prenons tous très au sérieux les menaces qui pèsent sur les Canadiens; c’est ce que j'ai pu constater dans mon travail avec la collectivité.

Mme Ruby Sahota: Pourriez-vous nous préciser la différence entre l’ingérence étrangère à proprement parler et la diplomatie internationale considérée comme légitime? Si l'on se fie à ce qu'on a entendu aujourd’hui, il y a visiblement beaucoup de chevauchements qui sont parfois exploités par différents pays.

Mme Alia Tayyeb: Je peux effectivement commencer par vous répondre sur ce point avant de céder la parole à Mme Tessier. Nous estimons que de nombreuses activités diplomatiques légitimes sont entreprises par les États à l’égard du Canada. C’est seulement lorsque cette activité est de nature secrète et trompeuse qu'il convient de parler d’ingérence ou d’influence. Ces activités malveillantes ont pour objet d'influencer les décideurs canadiens d’une manière qui va à l’encontre des intérêts nationaux du Canada, et...

La présidente: Merci.

Je vous remercie pour ces informations. Comme j’ai dû vous interrompre à plusieurs reprises, nous apprécierions que vous fassiez passer par le greffier les renseignements demandés, car cela serait bénéfique pour les membres du Comité et pour cette étude.

Je tiens également à vous remercier pour votre collaboration aujourd'hui pour répondre à nos questions. Je pense que c’est la première fois que j'assiste à un travail d'une telle efficacité de la part de nos partenaires.

Je vous remercie toutes deux d’avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd’hui. J’ai hâte de voir ce que vous aurez à ajouter par écrit et que le greffier communiquera à tous les membres. Sur ce, je vous souhaite à toutes les deux une bonne journée.

Je signale aux membres du Comité que les recommandations pour l’étude de la Cité parlementaire doivent être remises au greffier d’ici 17 heures. Nous accueillerons jeudi de nouveaux témoins dans le cadre de cette étude. Nous avons demandé au greffier de nous remettre d'ici vendredi midi ses recommandations relatives à la tenue d'une étude hybride dans les deux langues officielles.

Nous entamerons ensuite une semaine de relâche. Je pense que certains souhaitent qu’un sous-comité se réunisse pour la première fois, ce que nous essaierons probablement de faire le jeudi suivant notre retour de la semaine de relâche. Ensuite, nous établirons notre plan en conséquence.

Allez-y, madame Blaney.

Mme Rachel Blaney: Parlez-vous du jeudi ou du mardi de notre retour?

La présidente: Ce sera le mardi 14 novembre. Je suis désolée. J'ai visiblement très hâte.

Restez à l'affût pendant la semaine de relâche, car des rapports vous seront envoyés. Nous veillerons à ce que les équipes disposent d’environ une semaine pour rédiger le rapport, afin que tout le monde puisse le lire. Il y a beaucoup d’information.

Bon mardi. Bonne journée. La séance est levée.

Publié en conformité de l’autorité du Président de la Chambre des communes

PERMISSION DU PRÉSIDENT

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Transcription de la réunion no 2 de l’étude (3 novembre 2022)

44e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la procédure et affaires de la Chambre

TÉMOIGNAGES

NUMÉRO 038

Le jeudi 3 novembre 2022

Présidente : L’honorable Bardish Chagger

[Français]

La présidente (L’hon. Bardish Chagger (Waterloo, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Je vous souhaite la bienvenue à la 38e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Le Comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.

[Traduction]

Notre premier groupe de témoins est le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Dans le deuxième groupe, nous avons deux experts qui ont passé beaucoup de temps à étudier la vulnérabilité de notre système électoral face à l'ingérence étrangère et à la désinformation.

J'informe le Comité que tous les témoins qui comparaissent à distance ont passé les tests préalables de connexion et de son.

En ce qui a trait à l'interprétation, si vous êtes sur la plateforme Zoom, vous avez le choix, au bas de votre écran, entre le parquet, le français ou l'anglais. Les personnes présentes dans la salle peuvent se servir de l'écouteur et sélectionner le canal désiré. Je rappelle avant de commencer que toutes les observations des membres et des témoins doivent s'adresser à la présidence.

Dans notre premier groupe de témoins, nous accueillons Mme Tara Denham, directrice générale, Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement; Mme Lisa Ducharme, directrice générale par intérim, Police fédérale, Renseignement national, à la Gendarmerie royale du Canada; et M. Adam Fisher, directeur général, Évaluation du renseignement, au Service canadien du renseignement de sécurité. Nous entendrons aussi M. Lyall King, directeur, Programmes d'atténuation des risques, au Centre de la sécurité des télécommunications.

Monsieur King, je sais que vous avez quatre minutes, mais comme vous êtes le seul à prendre la parole, je vais me montrer indulgente. Je vous accorde jusqu'à cinq minutes.

Bienvenue au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Lyall King (directeur, Programmes d’atténuation des risques, Centre de la sécurité des télécommunications, Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections): Merci. C'est très gentil, madame la présidente. Je vous en suis reconnaissant. Bonjour. Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du Comité, de m'avoir invité à prendre la parole aujourd'hui.

Je m'appelle Lyall King et je suis l'ancien président du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, ou MSRE pour simplifier. Je suis maintenant directeur des programmes d'atténuation des risques au Centre de la sécurité des télécommunications, le CST. Je suis heureux de me joindre à mes collègues de chacune des organisations qui composent le Groupe de travail MSRE.

Je sais que, plus tôt cette semaine, des représentants du CST et du SCRS vous ont présenté un exposé qui portait sur la menace d'ingérence étrangère dans son ensemble. Je vais quant à moi vous donner un aperçu de la menace d'ingérence étrangère dans nos élections.

Le Groupe de travail sur les MSRE est composé de représentants du Centre de la sécurité des télécommunications, du Service canadien du renseignement de sécurité, d'Affaires mondiales Canada et de la Gendarmerie royale du Canada. Ensemble, nous avons pour mandat d'offrir aux partenaires gouvernementaux un point d'engagement clair avec la communauté de la sécurité et du renseignement; d'examiner et de cibler la collecte de renseignements, l'évaluation et l'analyse de données en consultation libre en rapport avec l'ingérence étrangère; de fournir aux partenaires gouvernementaux, aux hauts fonctionnaires et à d'autres partenaires une connaissance de la situation; de promouvoir l'utilisation des renseignements, l'évaluation et l'analyse de données en consultation libre dans la protection des processus électoraux en échangeant avec nos partenaires ou, lorsque le mandat le permet, en prenant des mesures pour atténuer la menace.

Chaque organisation ici présente a un mandat distinct qui nous permet de travailler ensemble à réduire la menace d'ingérence étrangère dans nos institutions démocratiques.

J'aimerais prendre un moment pour souligner quelques-unes des contributions importantes que nos membres apportent au Groupe de travail. Il s'agit d'un aperçu qui ne couvre pas tous les rôles et responsabilités de chacun.

Le SCRS présente des exposés sur les menaces et transmet des renseignements à Élections Canada et au commissaire aux élections fédérales, et il fournit aux décideurs du gouvernement une analyse des méthodes et des moyens d'action des États hostiles au Canada.

Affaires mondiales Canada effectue des recherches sur les campagnes de désinformation menées par des acteurs étrangers contre le Canada et présente des rapports sur les tendances, les paramètres et les incidents mondiaux. La GRC enquête sur toute activité criminelle de nature à influencer les processus électoraux du Canada et collabore étroitement avec les organismes du renseignement, d'application de la loi et de réglementation.

Le CST fournit des renseignements et des évaluations de cybersécurité sur les intentions, les activités et les capacités des auteurs de menaces étrangers, protège les systèmes et réseaux gouvernementaux liés aux élections grâce à des mesures de cyberdéfense et fournit des conseils et des consignes de cybersécurité aux partis politiques, aux provinces et aux autres institutions participant aux processus démocratiques.

Il est important de noter qu'en plus du Groupe de travail sur les MSRE, un comité non partisan de hauts fonctionnaires est chargé d'administrer le Protocole public en cas d'incident électoral majeur. Le Groupe de travail sur les MSRE lui présente régulièrement des mises à jour et organise des séances d'information classifiées à l'intention des principaux partis politiques du Canada afin de les tenir au courant des menaces.

L'important travail du Groupe de travail sur les MSRE se poursuit en dehors des périodes électorales, car nous continuons d'aider le gouvernement à évaluer les menaces étrangères qui pèsent sur les processus électoraux du Canada et à y réagir.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère que mon exposé vous aura permis d'en apprendre davantage à propos du Groupe de travail sur les MSRE et du rôle important que chacune de nos organisations joue dans la protection de la démocratie canadienne.

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Merci.

La présidente: Je vous remercie de cet excellent exposé.

Nous allons débuter par des interventions de six minutes, en commençant par M. Cooper, suivi de Mme Romanado, de Mme Gaudreau et de M. MacGregor.

Monsieur Cooper, allez‑y.

Michael Cooper (St. Albert—Edmonton, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci aux témoins.

Mes questions s'adressent à n'importe quel témoin en mesure d'y répondre.

Je veux parler de la campagne électorale fédérale de 2021. Il est maintenant établi qu'il y a eu ingérence de la part de médias sous contrôle communiste chinois. Il y a eu sur les réseaux sociaux une prolifération de désinformation influencée ou commandée par le régime communiste chinois. Des organisations de la société civile ont fait état de cette ingérence pendant la campagne électorale, dont DisinfoWatch.

Pendant la campagne, Affaires mondiales Canada avait observé par le Mécanisme de réponse rapide cette avalanche de désinformation, qui ciblait en particulier le Parti conservateur et certains de ses candidats. Un exemple flagrant est le cas de Kenny Chiu, député conservateur sortant dans la circonscription de Steveston—Richmond-Est.

On a mentionné l'existence du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, qui vise à informer en toute transparence les Canadiens au sujet d'incidents qui menacent l'intégrité d'une élection en cours. Selon le protocole, sauf pour des raisons primordiales de sécurité nationale ou de sécurité publique, les organismes doivent communiquer aux partis politiques concernés toute information en matière d'ingérence.

Est‑ce que Kenny Chiu a été informé?

Lyall King: Madame la présidente, je peux commencer, puis peut-être céder la parole à mes collègues.

Merci beaucoup de la question. Je comprends.

Je veux juste dire qu'on a effectivement observé des activités, certainement pendant la campagne électorale. Je ferai remarquer qu'il s'en produit aussi constamment, c'est‑à‑dire que nous voyons des choses avant, pendant et après une élection. C'est ce que fait aussi le Groupe de travail sur les MSRE, observer les comportements sur une certaine période.

Je dirais...

Michael Cooper: Mon temps est limité. Ma question porte précisément sur les élections de 2021.

Je sais qu'il se passait des choses avant et qu'il se passe des choses maintenant, mais ce protocole sert en campagne électorale. Le comité des hauts fonctionnaires est en place pendant la campagne électorale. Selon le protocole, s'il y a preuve d'ingérence, le parti touché doit en être informé.

Ma question est très simple. Est‑ce que Kenny Chiu a été informé?

Lyall King: Je vous remercie de cette précision sur le minutage.

Je dirai simplement que nous avons communiqué l'information au comité chargé d'appliquer le protocole. Pour ce qui est des déclarations publiques, c'est à lui de décider si le seuil nécessaire a été franchi ou non. Au Groupe de travail sur les MSRE, nous ne faisons que relayer l'information.

Je vais céder...

Michael Cooper: Sauf pour des raisons de sécurité nationale ou publique, conformément au protocole, le parti politique touché doit être informé. L'a‑t‑il été, oui ou non?

Lyall King: Toutes mes excuses, monsieur. Je vais demander à mon collègue Adam Fisher, du SCRS, s'il peut répondre à cette question.

Adam Fisher (directeur général, Évaluation du renseignement, Service canadien du renseignement de sécurité, Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections): Merci beaucoup.

Bonjour, madame la présidente. Par votre entremise, merci de la question. À ce sujet, il est clair que nous ne pouvons pas entrer dans le détail des affaires ou des enquêtes. Ce que nous pouvons dire — et je me fais l'écho des propos de mon collègue —, c'est que tout incident ou renseignement lié à une tentative d'influence de la part d'un État étranger aurait été communiqué de façon cohérente au Comité des cinq. À partir de là, c'était à lui de décider si le seuil d'activation du protocole était atteint.

Je peux vous assurer que nous avons été sensibles aux menaces tout au long de la période électorale et avant, et que nous avons fourni des renseignements et des conseils, de même que nos collègues.

Michael Cooper: Selon le protocole, si un certain seuil est atteint, le public doit être informé.

Le public n'a pas été informé. Pourquoi?

Lyall King: Je vais essayer de répondre à cette question. Je vous en remercie.

Je dirai simplement que cette décision relève exclusivement du Comité des cinq, comme nous l'appelons, les cinq hauts fonctionnaires. Notre groupe de travail ne sait pas exactement comment et quand il prend ces décisions. Nous sommes là pour lui fournir l'information qui lui permet de prendre une décision éclairée.

Nous ne sommes pas en mesure de dire pourquoi tel incident a atteint ou non le seuil d'activation. Cela relève du Comité des cinq, monsieur.

La présidente: Merci.

Madame Denham, est‑ce que vous vouliez intervenir?

Mme Tara Denham (directrice générale, Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections): Merci, madame la présidente.

Je voulais simplement ajouter quelque chose, parce qu'il a été question du signalement de menaces par le Mécanisme de réponse rapide.

Pour reprendre les propos d'autres collègues, nous avons bien vu qu'il y avait de l'activité, mais dans les rapports du Mécanisme de réponse rapide — je rappelle que nous cherchons des menaces étrangères —, nous n'étions pas en mesure de vérifier si cette activité était dirigée par un État, si elle était organique ou un mélange des deux.

Je tenais à le préciser.

La présidente: Merci.

Je rappelle à tous mes collègues que si on veut interrompre, il vaut mieux passer par la présidence. Pour les besoins de nos interprètes et du travail que nous faisons, il est important d'accorder du temps à nos invités, qui ont accepté de comparaître pour nous livrer l'information que nous recherchons.

Sur ce, madame Romanado, vous disposez de six minutes.

Mme Sherry Romanado (Longueuil—Charles-LeMoyne, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leur présence. J'aimerais en savoir un peu plus sur un point qui a été mentionné dans la déclaration préliminaire. Monsieur King, vous avez parlé de séances d'information classifiées à l'intention des partis politiques, et nous venons d'en entendre parler un peu. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous qualifieriez de parti politique?

Comme vous le savez bien, il peut y avoir au Canada des centaines de partis politiques enregistrés auprès d'Élections Canada. Certains ne sont peut-être pas aussi bien établis ou connus que d'autres. Est‑ce que vous offrez ces séances d'information classifiées à tous les partis politiques enregistrés, ou est‑ce qu'il y a un certain seuil ou des critères à respecter?

Lyall King: Merci beaucoup de votre question.

Je dirais tout d'abord que c'est le rôle du Bureau du Conseil privé, de nos collègues de la sécurité et du renseignement et du directeur qui a négocié ces engagements. Cela ne passe pas directement par le Groupe de travail sur les MSRE, mais par le Bureau du Conseil privé.

Le BCP envoie des invitations, je crois, à des partis politiques enregistrés. Si je me souviens bien, l'invitation expliquait l'objet de la séance, puis il y avait un suivi auprès de ceux qui étaient intéressés. C'était aux partis d'accepter ou de décliner l'invitation.

C'est le Bureau du Conseil privé qui faisait cela. Merci.

Mme Sherry Romanado: D'accord, merci.

Vous avez parlé de séances d'information classifiées. Je sais que, par exemple, lorsqu'un ministre ou un secrétaire parlementaire prête serment, il fait l'objet de vérifications de sécurité supplémentaires pour obtenir une cote de sécurité de niveau secret, très secret et ainsi de suite.

Lorsque vous parlez de séances d'information classifiées pour les partis politiques, les bénévoles et les employés des partis n'ont pas nécessairement la cote de sécurité nécessaire. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous entendez par « séances d'information classifiées »?

Lyall King: Encore une fois, je vous remercie de la question.

Les séances d'information classifiées sont généralement de niveau secret. À vrai dire, elles s'adressent à un petit groupe. Nous nous tournons naturellement vers les directeurs de campagne ou les dirigeants principaux de l'information des partis. Nous leur donnons un aperçu général de la menace pour qu'ils comprennent le contexte et ce à quoi nous avons affaire régulièrement. Nous décrivons un peu ce dont ils pourraient être témoins et, finalement, nous lançons simplement un dialogue pour avoir des interlocuteurs dans cette sphère si jamais quelque chose devait se produire.

Les séances d'information classifiées sont de niveau secret et se font devant un groupe relativement restreint.

Mme Sherry Romanado: Merci.

Dans un autre ordre d'idées, j'aimerais savoir ce que vous pensez — n'importe qui dans le groupe peut me répondre — des avantages d'un registre des agents étrangers. Qu'en pensez-vous?

Lyall King: J'ouvre la discussion pour voir si un de mes collègues veut intervenir en premier.

Adam Fisher: Par votre entremise, madame la présidente, merci de la question. Je peux essayer de répondre.

Je ne suis pas chargé de politiques. Je ne viens pas d'un service qui élabore des politiques. Nous fournissons des renseignements et des conseils au gouvernement, alors j'espère que vous me pardonnerez de répondre de façon générale.

Ce que je dirais, c'est que la menace d'ingérence étrangère ne se fait pas sentir seulement au Canada. Elle se fait sentir aussi chez nos plus proches alliés, ceux du Groupe des cinq. Nous faisons tous face à la même menace et, en grande partie, aux mêmes adversaires hostiles. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. Nous apprenons de nos partenaires, tout comme ils apprennent de nous. Je crois savoir, par exemple, que le Groupe de travail sur les MSRE est unique au Canada et que nos alliés cherchent à le reproduire sur leur territoire.

Je sais, je ne réponds pas directement à votre question, mais je dirais qu'il y a beaucoup à apprendre. En tout cas, dans les cercles du renseignement, nous parlons constamment avec nos alliés, et je sais qu'il en va de même dans la sphère des politiques. Au bout du compte, bien sûr, c'est au gouvernement de décider des politiques qu'il veut mettre en place pour corriger le problème.

Merci.

Mme Sherry Romanado: Monsieur King, voulez-vous ajouter quelque chose?

Lyall King: Merci.

Je n'ai pas grand-chose à ajouter, si ce n'est qu'il existe de toute évidence divers outils qui peuvent nous aider à cerner certains aspects de l'ingérence étrangère. Sans vouloir m'y attarder plus que ça, il me semble qu'un registre des agents étrangers pourrait en faire partie. Comme M. Fisher l'a souligné, nous cherchons à nous entendre avec nos alliés, à connaître leurs pratiques exemplaires, ce qu'ils ont en jeu et en quoi cela pourrait nous aider ou non dans nos efforts de lutte contre l'ingérence étrangère.

Merci.

La présidente: Merci. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.

Mme Marie-Hélène Gaudreau (Laurentides—Labelle, BQ):

Je vous remercie, madame la présidente.

Je viens d'une petite région qui est extraordinaire, située non loin d'ici, Laurentides—Labelle.

J'écoute ce qui se dit aujourd'hui sur ce sujet et je pense aux gens qui nous regardent en me demandant ce dont mes concitoyens, et les électeurs en général, devraient ou doivent être informés.

Quand j'entends, d'entrée de jeu, parler d'un parti qui est ciblé et d'ingérence étrangère, je ne suis pas rassurée du tout. Pendant le temps qui m'est alloué, j'aimerais apprendre certains éléments de nos témoins.

D'une part, je comprends le rôle du Bureau du Conseil privé; d'autre part, j'aimerais savoir quelle est la limite des informations à ne pas divulguer, une fois que les seuils sont atteints.

J'aimerais aussi savoir pourquoi nous apprenons cela maintenant, et qu'il faut un comité pour en discuter. Peut-être des personnes concernées sont-elles au courant, mais comment se fait-il que les électeurs ne soient pas suffisamment informés des problèmes d'ingérence étrangère?

J'aimerais obtenir une brève réponse, madame la présidente. [Traduction]

Lyall King: Merci beaucoup de la question, madame la prési‐

dente. Je tâcherai d'y répondre.

Je pense que c'est une excellente question, et nous en avons pas mal parlé au sein de notre groupe de travail, car nous tenons à ce que l'information soit pertinente et accessible au public également. En définitive, je dirais que le tout se résume à une question de sensibilisation et d'échange d'information vis‑à‑vis des électeurs.

Côté sensibilisation, le gouvernement du Canada — le Centre de la sécurité des télécommunications — n'a pas manqué de produire divers rapports au fil des ans sur les menaces qui pèsent sur les processus démocratiques, plus concrètement en 2017, 2019 et 2021, actualisant chaque fois la liste de choses que les gens peuvent surveiller et les moyens de se protéger. On trouvera aussi toute une foison de conseils sur notre site Web.

Nous avons également publié, comme vous l'avez sûrement entendu cette semaine, l'évaluation nationale des cybermenaces, qui décrit de façon générale ce que les gens peuvent s'attendre à voir et les risques réels pour les Canadiens, notamment en ce qui a trait à la cybercriminalité.

Nous avons également mentionné les activités d'États-nations comme la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l'Iran. De plus, je sais que le service a publié une série de produits pour décrire le comportement des agents étrangers et les méthodes qu'ils utilisent. Je dirais donc que le mot d'ordre c'est la sensibilisation, l'éducation. Il faut de l'éducation, encore et toujours de l'éducation.

Il faut aussi faire comprendre aux gens ce qui est une bonne source, leur apprendre à évaluer les sources qu'ils consultent, ce qui est sans doute tout un défi. Il n'y a pas que notre groupe de travail et nos services de renseignement qui jouent un rôle à cet égard, mais aussi, certainement, Élections Canada, qui se doit de fournir de l'information claire, pertinente et opportune au public.

Je vais m'arrêter là et céder la parole à mes collègues au cas où ils auraient d'autres commentaires.

Adam Fisher: Madame la présidente, si je peux avoir quelques secondes, je voudrais ajouter quelque chose et renforcer le message de mon collègue.

Du point de vue du service, nous considérons que c'est d'une importance cruciale. Le gouvernement fédéral ne peut pas s'attaquer à lui seul aux activités influencées par l'étranger, pas plus que les autres ordres de gouvernement ou la société civile. Bien que notre loi fondatrice et notre mandat nous aient toujours dicté de fournir des renseignements très sensibles au gouvernement, au cours des 5 à 10 dernières années, nous avons élaboré un programme très solide de mobilisation des intervenants par l'entremise duquel nous collaborons avec la société civile, les universitaires, les collectivités et les communautés de la diaspora, les médias, l'industrie et tous les ordres de gouvernement. Nous le faisons de manière non classifiée. Il y a des tas de choses dont nous pouvons parler dans un contexte non classifié pour préparer comme il faut les Canadiens à savoir reconnaître les menaces dans un climat d'ingérence étrangère.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je vous remercie.

J'ai une question cruciale à vous poser: sommes-nous suffisamment équipés?

En pensant à la double identification et aux engagements biométriques que nous demandent depuis un bon moment déjà nos institutions financières, je me demande si nous avons ce qu'il faut pour contrer les cyberattaques, notamment personnelles.

Vous exercez en effet une surveillance en dehors du cadre électoral. Sommes-nous à côté de la plaque en ce qui a trait à nos mesures législatives? Vous avez parlé du Groupe des cinq. Pouvez-vous établir une comparaison avec ce qui se fait ailleurs et nous parler de bonnes pratiques que nous devrions adopter?

[Traduction]

Lyall King: Madame la présidente, je vais tenter de répondre à la question, ne serait‑ce qu'en partie.

Je dirais que nous plongeons chaque fois plus dans l'environnement en ligne. Nous en avons parlé, et je vais revenir à l'évaluation nationale des cybermenaces. Le Canada a une économie numérique assez importante. Les gens travaillent maintenant en mode hybride. Nous ne pouvons pas nous passer d'Internet, alors il faut...

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: En vous fondant sur votre expertise, nous diriez-vous si nous sommes suffisamment équipés?

Si ce n'est pas le cas, il va falloir s'attaquer à la protection des renseignements personnels, à l'éducation et à la transparence de nos médias sur les plateformes Web. C'est beaucoup. Nous ne voulons pas que vous travailliez dans le vide.

Sommes-nous bien équipés? [Traduction]

Lyall King: Merci de cette précision.

Ma réponse est qu'il s'agit d'un environnement en constante évolution. Il nous faut constamment évoluer et actualiser nos méthodes pour contrer les menaces. Pouvons-nous être sûrs à 100 % que nous sommes équipés pour tout faire? Je ne le crois pas.

Je pense qu'il s'agit de pousser la barre et de faire passer le message au sujet de la résilience. Il ne s'agit pas nécessairement de savoir si quelque chose va se produire, mais d'être préparé pour le moment où cela se produira, ce qui signifie être en mesure de détecter...

La présidente: Merci.

Ce sera au tour de M. MacGregor, pour six minutes.

Alistair MacGregor (Cowichan—Malahat—Langford, NPD): Merci, madame la présidente.

Je suis très heureux d'entendre nos témoins aujourd'hui. Je fais habituellement partie du Comité permanent de la sécurité publique et nationale, devant lequel il est déjà arrivé à leurs organismes de comparaître.

Je constate avec plaisir que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur cette question, qui rejoint un peu les travaux du comité de la sécurité publique sur des questions d'extrémisme violent à caractère idéologique et sur la position du Canada à l'égard de la Russie en matière de sécurité. Nous avons entendu divers experts en la matière et des représentants de vos organismes — dont le chef d'état-major de la défense — qui ont brossé un tableau très sombre de l'évolution des tensions géopolitiques dans la scène internationale, en particulier des menaces que la Russie et la Chine font peser sur le Canada et d'autres démocraties qui partagent la même vision. Je pense que le témoignage du général Wayne Eyre a sonné l'alarme pour tous les membres du comité. Dans le cadre de nos deux études, nous avons beaucoup entendu parler de ce que des acteurs étrangers tentent de faire pour perturber le système démocratique canadien et influencer nos citoyens et nos normes démocratiques.

J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur... Nous nous sommes notamment penchés sur le rôle des plateformes de médias sociaux, nous demandant quelle serait la ligne de conduite que le Parlement du Canada devrait adopter pour leur réglementation et les types de partenariats qu'il faudrait établir avec eux.

L'un d'entre vous pourrait‑il nous dire à quoi ressemble votre relation de travail avec certaines des principales plateformes de médias sociaux? Les parlementaires pourraient-ils vous aider à améliorer cette relation?

Prenez quelques minutes pour en parler, je vous en prie.

Mme Tara Denham: Madame la présidente, je pourrais peut- être commencer. Je vous remercie de la question.

Encore une fois, je vais commencer par le contexte des élections. Comme le Comité le sait, il y a eu la Déclaration sur l'intégrité électorale en ligne. C'est une déclaration volontaire à laquelle les entreprises de médias sociaux ont été encouragées à participer. Quelques-unes ont signé, ce qui représente un progrès. Je pense que nous devons continuer à travailler sur ce genre de déclarations et à inciter davantage de médias sociaux à y adhérer.

Du point de vue d'Affaires mondiales, nous étudions la question et nous communiquons ce que nous avons fait. Cette déclaration constitue donc une pratique exemplaire. Nous examinons ensuite ce que font les autres pays et les résultats obtenus. Ce type de travail, comme la déclaration, encourage également les entreprises de médias sociaux à travailler ensemble; elles collaborent pour assimiler l'espace dont elles disposent et les mesures qui sont prises. Si cela se produit collectivement, non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres pays, nous nous demandons comment nous lancer dans un dialogue mondial, peut-être au sujet des cadres de comportement à établir pour les entreprises de médias sociaux. Je sais qu'il y a moult débats au sujet des projets de loi. La législation nationale ne relèverait pas d'Affaires mondiales. Je peux dire que nous surveillons la situation et que nous faisons appel à des entités comme la Freedom Online Coalition, dont le Canada est actuellement le président. Nous essayons de pousser les conversations sur ce qui peut être fait lorsqu'il s'agit de mesures qui traversent les frontières nationales et internationales.

Alistair MacGregor: Merci de cette réponse.

Monsieur King, vous avez dit qu'il s'agit d'un environnement de menace en constante évolution, et je pense qu'il est sous-entendu que nous devons être alertes. À votre avis, quelles sont les lacunes législatives, politiques et financières auxquelles les parlementaires devraient accorder une attention particulière pour que votre collection d'organismes puisse répondre à cette menace en constante évolution? Sur quoi les parlementaires, peut-être ceux qui siègent au comité de la sécurité publique et à celui‑ci, devraient-ils porter attention, afin que vous ayez les outils nécessaires pour faire votre travail et protéger notre système démocratique?

Lyall King: Je vous remercie de la question.

En toute franchise, je ne pense pas être qualifié pour commenter certaines des grandes choses que vous avez demandées, monsieur.

Je crois que je soulignerais — en me limitant au point de vue du Groupe de travail et des fonctions de notre organisme dans le contexte des menaces — que nous devons continuer à nous assurer d'avoir un dialogue ouvert avec les entreprises de médias sociaux. Nous avons chacun des domaines d'intérêt différents et des façons différentes de participer. Du point de vue d'un cybercentre, il s'agira de travailler avec ces entreprises pour essayer de mettre en relief les menaces que nous percevons selon notre angle de vision, et d'apprendre d'elles des moyens de détecter ces menaces, d'y réagir et de les réduire.

Je ne voudrais pas commenter l'aspect législatif des choses. Du point de vue du Groupe de travail, je dirais que nous voulons demeurer impliqués et avoir une relation ouverte et collaborative, une relation de partage, dans la mesure du possible.

Monsieur Fisher, je ne sais pas si vous désirez faire un commentaire du point de vue des services.

Adam Fisher: Non, je pense que vous avez bien couvert la question.

Je pourrais vous donner mon point de vue, et j'espère que mes collègues me pardonneront, mais je n'ai rien à craindre, puisque mon sous-directeur a dit la même chose devant le Comité.

En ce qui concerne les médias sociaux et la technologie des activités influencées par l'étranger, la menace évolue. Du point de vue du service, nous n'avons certainement pas tous les outils nécessaires pour bien comprendre cette menace. Je parle en particulier de la capacité d'examiner les données et de les intégrer à nos enquêtes et à nos évaluations. Notre loi n'a pas suivi le rythme de la technologie et du paysage juridique à cet égard.

C'est une lacune que mon organisme ne manquerait pas de signaler.

La présidente: Merci.

Nous allons maintenant accorder cinq minutes à M. Calkins, qui sera suivi de M. Fergus.

Blaine Calkins (Red Deer—Lacombe, PCC): Merci.

Je vais poursuivre dans la même veine.

Monsieur Fisher, est‑ce parce que la loi n'est pas suffisamment neutre sur le plan technologique, ou y a‑t‑il une autre lacune? Pouvez-vous être un peu plus précis, sans révéler notre capacité de surveillance ou quoi que ce soit du genre? Votre réponse était intéressante, mais assez vague pour que je m'y perde un peu.

Adam Fisher: C'était probablement voulu, madame la présidente. Pardonnez-moi d'être aussi général. Ce n'est vraiment pas mon domaine d'expertise.

Je dirais que notre loi a été conçue en 1984 et qu'elle n'a pas vraiment été remaniée depuis. Il ne fait aucun doute que l'environnement technologique dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui, conjugué à la nécessité très réelle de protéger les droits à la vie privée et les droits constitutionnels qui sont au sommet de nos préoccupations, exigent que nous reconsidérions notre façon d'aborder ces menaces.

Blaine Calkins: Madame la présidente, en 1984, je chantonnais avec Van Halen en écoutant la radio, et je peux vous assurer qu'il y a belle lurette de cela. Si nous avions de la chance, nous avions tout au plus un Walkman de Sony.

C'est un peu alarmant, alors j'espère que votre organisme et vous pourrez être un peu plus directs, peut-être par un autre moyen, avec les membres du Comité, mais nous comprenons votre point de vue.

J'ai une question d'ordre général à vous poser. C'est une chose que de cerner la menace ou de surveiller la situation, mais c'est tout autre chose de s'y mettre, compte tenu de la structure actuelle de la loi. C'est tout autre chose d'informer le groupe de cinq dont vous avez parlé, de décider qu'un seuil est atteint et d'informer les électeurs ou de parler aux partis politiques.

J'aimerais parler un peu plus de ce que nous faisons pour interdire ou entraver les activités exercées par un acteur étranger dans les limites territoriales du Canada, ou pour mener une enquête ou des poursuites contre lui au besoin. Y a‑t‑il quelqu'un ici qui puisse nous dire s'il y a des lacunes à ce chapitre?

Adam Fisher: Madame la présidente, je peux peut-être commencer, puis je céderai la parole à ma collègue de la GRC.

En ce qui concerne les mesures que le service peut prendre lorsqu'il voit des activités influencées par des pays étrangers se produire au Canada, nous avons des mécanismes dans le cadre de notre mandat, des solutions justifiées et non justifiées, qui sont parfois appliquées pour tenter de réduire ces menaces. Nous abordons habituellement la question en collaboration avec d'autres organismes et ministères afin de choisir le meilleur outil.

C'est plus difficile lorsqu'il s'agit de poursuites, car il y va de l'éternel problème du transfert de renseignements dans le domaine de la preuve. Il y a toutefois des moyens de le faire, et c'est toujours une option.

Je vais m'arrêter ici et laisser ma collègue de la GRC intervenir.

Mme Lisa Ducharme (directrice générale par intérim, Police fédérale, Renseignement national, Gendarmerie royale du Canada, Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections): Je vous remercie de la question.

En ce qui concerne les menaces d'ingérence étrangère en général, la GRC utilise tous ses pouvoirs pour s'attaquer à ces problèmes et surveiller les activités criminelles en vertu de la Loi sur la protection de l'information. Il faut pouvoir prouver qu'il y a espionnage, divulgation de renseignements classifiés, influence étrangère, menaces ou violence. Il y a aussi le Code criminel, qui prévoit diverses infractions comme la menace, l'intimidation et la corruption de fonctionnaires, parmi d'autres outils législatifs à la disposition de la GRC.

En ce qui concerne les questions électorales, c'est le commissaire aux élections fédérales qui est chargé de déterminer s'il souhaite procéder à une enquête, et ce, sur l'avis d'Élections Canada et du groupe des cinq, qui se fait conseiller par le Groupe de travail sur les MSRE.

La GRC a un protocole d'entente avec le commissaire aux élections fédérales pour toute enquête qu'il souhaite faire. Nous pouvons collaborer dans le cadre d'enquêtes conjointes en fournissant de l'aide technique, des conseils, de l'orientation et d'autres formes de soutien, le cas échéant.

Merci.

Blaine Calkins: Mon collègue à côté de moi vient de dire que les élections sont un processus très court et que ce processus semble très long.

Madame la présidente, je prendrai le temps de mon collègue au prochain tour, si c'est possible.

Si vous pouviez résumer les améliorations possibles et informer le Comité de tout ce qui peut rendre ce processus plus efficace pour vos organismes, je pense qu'il vous en saurait gré.

La présidente: Merci.

Le vice-président Nater a eu la gentillesse d'offrir du temps pour qu'on réponde à la question tout de suite, mais nous pouvons prendre cela par écrit, selon la préférence de M. Calkins.

[Français]

Monsieur Fergus, vous avez la parole pour cinq minutes.

L’hon. Greg Fergus (Hull—Aylmer, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais remercier les témoins d'aujourd'hui de leurs témoignages.

Nous sommes en train de discuter d'un enjeu très sérieux.

J'aurai trois questions à poser, et je vais commencer par la plus facile.

Monsieur King, en réponse à une question d'un de mes collègues, vous avez dit que la Chine, la Corée du Nord, l'Iran et la Russie sont les quatre principaux pays responsables de l'ingérence politique dans les médias sociaux.

Je sais que la plupart des questions sont centrées sur la Chine, mais pouvez-vous nous décrire brièvement ce que font les autres pays? Est-ce semblable à ce que fait la Chine ou est-ce différent? Y a-t-il une différence qualitative entre ces interventions non souhaitées?

Lyall King: Je vous remercie de votre question. Je vais continuer en anglais pour être plus clair.

[Traduction]

Merci beaucoup.

Je voudrais préciser quelque chose. Les pays que j'ai énumérés sont tirés de l'évaluation nationale qui porte sur les cybermenaces stratégiques contre le Canada de la part des États-nations. Il ne s'agit pas tellement des pays comme tels qui participent aux médias sociaux et à des activités connexes qui nous ciblent sur le plan politique. Je tiens à le clarifier.

Je ferai remarquer que, de façon générale, lorsqu'il s'agit de menaces contre les processus démocratiques — et ce n'est pas surprenant, comme nous l'avons déjà mentionné —, la Chine et la Russie ont tendance à être les deux principaux acteurs dans ce domaine. Ces pays représentent des menaces différentes pour nous parce qu'ils se comportent différemment, chacun en fonction de ses intérêts, de ses intentions et de ses capacités.

Je tiens à préciser que le commentaire que j'ai fait au sujet de ces quatre pays se rapportait à la menace stratégique plus vaste pour le Canada au chapitre de la cybersécurité, monsieur. Merci.

[Français]

L’hon. Greg Fergus: J'apprécie beaucoup cette nuance.

Pouvez-vous nous dire quelle est la différence entre ce que fait la Chine et ce que fait la Russie? On a beaucoup parlé de la Chine, mais j'aimerais aussi parler de la Russie.

Quelle est la nature des activités de la Russie? Qu'est-ce qui les différencie de celles de la Chine?

[Traduction]

Lyall King: Merci.

Je vais faire un bref commentaire et peut-être m'adresser à mon collègue du service également.

Encore une fois, je dois souligner que je ne peux évidemment pas entrer dans les détails de certains aspects que nous connaissons au sujet des comportements et des activités de ces États. Cela dit, il me semble qu'il suffit de voir la presse et consulter les renseignements de source ouverte pour voir ce qui se passe. On verra même des entreprises de médias sociaux, par exemple, recourir à de faux comptes et à d'autres manigances de ce genre.

La Russie et la Chine ont différentes façons de fonctionner dans ce domaine, mais je ne peux pas vous parler des aspects concrets que nous observons. Je vais peut-être demander à M. Fisher, du service, s'il a quelque chose à ajouter.

Adam Fisher: Bien sûr. Merci, madame la présidente.

Je vais simplement faire quelques commentaires, toujours en termes généraux, mais pas seulement sur les médias sociaux.

Mon collègue en a déjà parlé. Leurs approches et leurs activités dans le domaine de l'ingérence étrangère dépendent de leur intention stratégique. À partir de sources ouvertes, on peut généralement déduire que la Russie est plus encline à perturber et à miner notre système de gouvernement par des messages qui jettent un doute sur ce qui se passe chez nous. En revanche, je dirais que la Chine est plutôt portée à travailler au sein du système pour le corrompre, en compromettant les fonctionnaires, les élus et les particuliers à tous les paliers de gouvernement, au sein de l'industrie et de la société civile, en utilisant notre société ouverte et libre à ses fins malveillantes.

C'est ainsi que je ferais, très généralement, la distinction entre les deux. J'ajouterais que la Chine est sans aucun doute le principal agresseur dans ce domaine.

Merci.

La présidente: Merci. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez deux minutes et demie.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci, madame la présidente.

Je vais devoir poser à nos précieux témoins des questions pour lesquelles nous attendrons des réponses écrites aux fins de notre rapport. Nous vous informerons de la date d'échéance à la fin de la rencontre.

Je vais poser mes questions en rafale.

Vous avez dit que vous vous étiez entre autres inspirés du Groupe des cinq pour certaines pratiques. J'aimerais connaître les bonnes pratiques du Groupe des cinq.

Vous avez aussi parlé de vos outils pour mener à bien le travail que vous faites. Nous ne pouvons pas en parler puisque nous n'avons pas assez de temps. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet.

Tout à l'heure, je vous ai demandé si vous étiez suffisamment équipés pour mener à bien votre travail. Vous avez parlé de certains éléments, mais vous pourriez compléter votre réponse.

Finalement, les mots que je retiens sont « transparence » et

« éducation ». De quoi avez-vous besoin?

Je vous laisse les prochaines secondes pour me dire ce qu'il vous manque pour réussir à bien éduquer les gens. Comme nous l'avons dit, nous devrions être gênés de la situation de la protection des renseignements personnels. La loi date de 1984. J'espère qu'il y a des gens qui entendent cela.

Il me reste environ 30 secondes pour recevoir vos commentaires.

Lyall King: Je vous remercie de vos questions. Encore une fois, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Cela fait beaucoup de questions.

J'aimerais simplement souligner, en ce qui concerne les pouvoirs et les outils dont nous disposons pour faire notre travail, que, comme M. Fisher l'a déjà dit, il serait peut-être temps d'actualiser la loi.

La Loi sur le Centre de la sécurité des télécommunications est entrée en vigueur en 2019, ce qui nous a dotés d'outils supplémentaires. Nous estimons que cette modernisation nous a énormément aidés, et il ne nous reste qu'à investir continuellement pour pouvoir rester au fait de la situation sur le plan technologique et financier.

Mme Denham ou Mme Ducharme aimerait peut-être prendre la parole.

La présidente: Pas cette fois‑ci, mais j'ai hâte de vous entendre la prochaine fois.

Monsieur MacGregor, vous avez deux minutes et demie.

Alistair MacGregor: Merci, madame la présidente.

Je m'adresse à nos témoins. Je veux me concentrer sur la Russie, en raison du conflit en Ukraine et de l'évolution des relations entre le Canada et la Russie à cause de ce conflit.

Au comité de la sécurité publique, nous avons entendu des témoignages dans le cadre des études que j'ai mentionnées précédemment au sujet de la relation entre le gouvernement russe et diverses organisations criminelles russes qui commettent des crimes financiers dans le monde. Il y a aussi une sorte de relation floue entre le gouvernement russe et ces organisations criminelles en Russie.

Mes deux questions sont les suivantes. Primo, pouvez-vous nous parler de cette relation par rapport à l'influence étrangère? Secundo, en quoi les activités de la Russie ont-elles changé depuis le début du conflit en Ukraine? Quelles tendances générales avez-vous observées depuis le début de ce conflit?

Lyall King: Monsieur Fisher, voulez-vous répondre en premier?

Adam Fisher: Volontiers. Nous nous écartons un peu de la question de la sécurité des élections.

En ce qui concerne le conflit en Ukraine, nous avons vu la Russie utiliser les médias sociaux pour faire la promotion de son discours selon lequel l'invasion serait attribuable à l'agression de l'OTAN. Ce discours va évidemment à l'encontre de celui qui est souscrit par l'Occident. Ce qui a changé avec le conflit, c'est peut-être le point de mire des discours qu'ils lancent à tout vent par des moyens à la fois transparents et voilés.

Alistair MacGregor: Pour que ce soit bien clair, je demandais si leurs activités avaient changé par rapport à l'ingérence dans les élections, non seulement au Canada, mais aussi parmi nos alliés démocratiques, pour être précis.

Adam Fisher: Je ne suis pas certain d'avoir une réponse adéquate à vous donner à ce sujet dans une tribune non classifiée.

Lyall King: Je peux peut-être me contenter de dire que c'est un domaine que nous continuons d'examiner pour essayer de comprendre. Cela dépasse peut-être un peu l'objectif du Groupe de travail, mais pour ce qui est de comprendre le lien entre les diverses composantes du régime russe...

La présidente: Merci.

Nous allons maintenant passer à M. Nater pour deux minutes — peut-être même deux minutes et demie — suivi de Mme O'Connell.

Monsieur Nater, allez‑y.

John Nater (Perth—Wellington, PCC): Merci, madame la présidente.

Merci à nos témoins.

J'aimerais d'abord poser une question à qui sera en mesure d'y répondre.

Quand on voit une diaspora qui compte entre 1 million et 1,5 million de personnes au Canada, et qu'on constate que, souvent, une élection peut être décidée par une poignée de sièges — une douzaine environ avec un total de 20 000 à 30 000 votes —, dans quelle mesure les acteurs des États étrangers sont-ils actuellement capables de faire avancer l'aiguille de 20 000 ou 30 000 voix parmi la diaspora au Canada?

Lyall King: Désolé, monsieur Fisher, mais je vais vous passer le relais.

Adam Fisher: Merci, madame la présidente.

J'hésite à me prononcer sur la mesure dans laquelle des adversaires étrangers peuvent faire bouger les choses dans certaines circonscriptions ou certaines élections.

Si nous nous en tenons à la Chine, elle cherche à s'ingérer à tous les égards, y compris dans certaines élections et certaines circonscriptions. Elle voit certainement la diaspora locale comme une occasion de faire avancer son discours et de faire pression pour obtenir des résultats qui sont dans l'intérêt de la République populaire. L'intention est là, et certes... Je parle en termes très généraux. Je ne fais pas allusion aux dernières élections ou à une circonscription donnée. De façon générale, la Chine y voit une occasion d'exercer une influence étrangère.

John Nater: Merci.

J'aimerais m'adresser brièvement à M. King.

Plus tôt cette semaine, le directeur général des élections a déclaré qu'Élections Canada n'avait subi aucune violation de son infrastructure informatique ni d'ingérence dans ses activités électorales, ce qui est une bonne chose. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord.

Deuxièmement, très brièvement — et vous pourrez peut-être répondre par écrit à une date ultérieure —, quelles menaces voyez- vous en ce qui concerne l'infrastructure informatique d'Élections Canada si vous songez qu'il y a 338 circonscriptions électorales avec leurs bureaux respectifs?

La présidente: Je vous accorde 30 secondes pour répondre.

John Nater: Merci.

Lyall King: Merci beaucoup de la question.

Madame la présidente, je répondrai que je suis tout à fait d'accord avec l'évaluation du directeur général des élections. Le Centre pour la cybersécurité travaille en étroite collaboration avec Élections Canada depuis de nombreuses années pour renforcer les systèmes et la capacité de détection et de défense dans cet environnement. Nous leur faisons amplement confiance à cet égard.

Quant à la menace globale...

La présidente: Je vais devoir vous interrompre. Je suis désolée. J'ai pourtant essayé.

Nous veillerons à ce que... Je reviendrai sur quelques points à la fin. Madame O'Connell, vous avez trois minutes.

Mme Jennifer O'Connell (Pickering—Uxbridge, Lib.): Merci, madame la présidente.

Mardi, le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, nous a dit que les acteurs étrangers, que ce soit pour perturber ou influencer les élections, n'appuient pas strictement un parti plutôt qu'un autre. Il s'agit plutôt de montrer qu'ils se méfient des institutions politiques et de la démocratie. Voilà le contexte de mes questions.

Le rapport annuel de 2020 du service parle aussi de gouvernements étrangers qui continuent d'essayer de s'ingérer dans les affaires canadiennes — dans le contexte qui nous occupe, les élections. Ce même rapport parle beaucoup des célibataires frustrés qui en veulent aux femmes, et en particulier des gens qui participent à des forums pour promouvoir la violence faite aux femmes.

Dans le contexte des États étrangers qui tentent de promouvoir la violence et la désinformation, diriez-vous que ces hommes frustrés que le service du renseignement a identifiés comme étant d'un extrémisme violent sont une tribune dont des États étrangers pourraient profiter pour perturber nos institutions démocratiques? En particulier, la promotion de la violence contre les femmes serait- elle une tribune où les acteurs étatiques étrangers pourraient se plaire à lancer des mensonges et des campagnes de désinformation?

Lyall King: Merci de la question, madame la présidente.

Encore une fois, je vais répondre de façon générale. Je dirais que nos adversaires sont opportunistes. Ils cherchent des questions qui sèment la discorde à l'échelle nationale et ils les exploitent. C'est certainement une possibilité, ne serait‑ce qu'en théorie, et des adversaires étrangers pourraient en profiter au Canada.

J'aimerais également apporter quelques précisions ou développer un peu l'allusion aux activités influencées par l'étranger qui perturbent la société canadienne et minent nos institutions. Il y a là aussi des États qui cherchent à exploiter le système que nous avons de l'intérieur de façon secrète et trompeuse. C'est tout aussi inquiétant et préoccupant pour le service du point de vue de la sécurité nationale.

[Français]

La présidente: Je remercie les témoins de leur présentation.

Comme l'ont demandé les députés, nous vous serions reconnaissants de nous transmettre au greffier de l'information, qu'elle soit classée secrète ou non.

Nous vous sommes également reconnaissants pour le temps que vous consacrez à notre étude et les responsabilités que vous exercez dans le cadre de votre travail.

Nous vous souhaitons une bonne journée. [Traduction]

Je vais suspendre la séance très rapidement et nous nous préparerons à accueillir le deuxième groupe de témoins. Veuillez ne pas vous éloigner de votre siège, car je voudrais commencer dans deux minutes.

Merci.

(1155)

(Pause)

[Français]

La présidente: Maintenant que le deuxième groupe de témoins est prêt, nous allons poursuivre la réunion.

Nous recevons deux témoins, aujourd'hui.

Nous recevons M. Marcus Kolga, directeur de DisinfoWatch, et Jim Judd, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, qui est ici à titre personnel.

Nous allons commencer par M. Kolga.

Monsieur Kolga, soyez le bienvenu. Vous avez la parole pour quatre minutes.

[Traduction]

Marcus Kolga (directeur, DisinfoWatch): Merci, madame la présidente et membres du Comité, de consacrer votre temps à l'étude de la menace que représente la désinformation pour l'intégrité des élections et, en fait, la cohésion de toute notre démocratie.

Je m'appelle Marcus Kolga. Je surveille, j'analyse et j'expose la désinformation russe depuis 15 ans. En 2020, j'ai lancé DisinfoWatch, une plateforme vouée à exposer les récits de désinformation étrangers avec le soutien du Département d'État américain et de Journalistes pour les droits de la personne, sous les auspices de l'Institut Macdonald-Laurier. Initialement, DisinfoWatch était axé sur le suivi de la désinformation étrangère au sujet de la COVID‑19. Nous avons élargi sa portée en 2021 et nous avons suivi activement les propos étrangers lors de la dernière élection fédérale.

Dans les semaines qui ont précédé les élections du 20 septembre 2021, nous avons été alertés par les récits des médias d'État chinois qui ciblaient directement le Parti conservateur et son chef, Erin O'Toole. Simultanément, des membres de la communauté sino-canadienne ont porté à notre attention des similitudes apparaissant sur les plateformes médiatiques canadiennes de langue chinoise et sur la chaîne WeChat des médias sociaux chinois. WeChat est communément considéré comme un outil utilisé par le gouvernement chinois pour la surveillance et la répression.

Le 9 septembre 2021, le tabloïde Global Times, propriété du Parti communiste chinois, a publié un article attaquant le programme de politique étrangère du Parti conservateur. L'article menaçait les Canadiens en les avertissant que s'ils s'avisaient d'élire un gouvernement conservateur, ils devraient s'attendre à une forte contre-attaque, et c'est le Canada qui en souffrirait.

Au même moment, un article anonyme est paru dans WeChat à l'intention d'un député en poste, Kenny Chiu. En septembre 2021, Chiu a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire visant à créer un registre canadien d'agents étrangers sur le modèle des lois australiennes et américaines existantes. La loi aurait obligé des particuliers et des groupes agissant au nom de régimes autoritaires étrangers reconnus comme tels, dont la Russie, la Corée du Nord, l'Iran ou la Chine, à s'identifier et s'enregistrer. La mesure menaçait d'empêcher le gouvernement chinois d'influencer les opérations au Canada. L'article anonyme de WeChat a accusé Chiu de chercher à supprimer la communauté chinoise au moyen de son projet de loi. Les récits du Global Times et de WeChat ont été diffusés sur les plateformes numériques et de médias sociaux locales des Canadiens d'origine chinoise.

Selon la principale ONG taïwanaise spécialisée dans l'analyse de la désinformation, Doublethink, les acteurs de l'État chinois utilisent souvent la désinformation de bas niveau diffusée sur les plateformes de clavardage...

La présidente: Je vais m'arrêter très rapidement, monsieur Kolga. Je sais que vous essayez de nous donner beaucoup d'information. Je peux vous assurer que nous vous dirons tout à l'heure comment nous faire parvenir de plus amples renseignements.

Comme nous travaillons dans les deux langues officielles, il s'agirait de ralentir un peu pour que le message puisse être reçu dans l'autre langue.

Marcus Kolga: Volontiers.

La présidente: D'accord. Nous voulons entendre ce que vous avez à dire.

Je vais continuer à chronométrer. Vous en êtes actuellement à 2 minutes et 17 secondes.

Vous avez la parole.

Marcus Kolga: Parfait. Merci.

Selon la principale ONG d'analyse de la désinformation de Taïwan, Doublethink, les acteurs de l'État chinois utilisent souvent la désinformation de bas niveau diffusée sur des plateformes de clavardage comme WeChat et d'autres comme méthode d'attaque. La méthode et le contenu des récits diffusés au sujet de l'ancien député Kenny Chiu correspondent tactiquement à ceux cernés par Doublethink.

Après avoir analysé les données de sources ouvertes et consulté les principaux intervenants, nous croyions et continuons de croire que le moment et le contenu de ces récits étaient conformes aux opérations d'information antérieures du gouvernement chinois et indiquaient la probabilité d'une opération coordonnée ciblant les électeurs canadiens d'origine chinoise. Nous avons publié notre rapport initial le 14 septembre 2021 et un rapport subséquent en décembre. Des chercheurs du laboratoire de criminalistique numérique du Conseil de l'Atlantique et de l'Université McGill ont plus tard confirmé nos constatations dans des rapports indépendants distincts.

Je vais maintenant parler brièvement de l'ingérence russe.

Les opérations d'information et d'influence russes sont persistantes et en croissance. Elles ne s'allument pas et ne s'éteignent pas avec les cycles électoraux et se sont intensifiées depuis l'invasion russe de l'Ukraine. Au cours des 36 derniers mois, nous avons observé le Kremlin exploiter la pandémie de COVID‑19 en amplifiant l'hésitation à se faire vacciner et le discours anti-confinement, une menace que j'avais prévue au début de la pandémie. Il s'agissait d'enjeux clés lors des élections fédérales de 2021.

Les récentes opérations d'information de la Russie ont également visé à déshumaniser et à marginaliser les Canadiens d'origine ukrainienne, y compris ceux qui ont été élus à une charge publique, peu importe leur allégeance politique. La vice-première ministre Freeland fait face à des attaques continues depuis 2017 de la part de l'ambassade de Russie et de mandataires nationaux qui y sont alignés et qui l'accusent d'être néo-nazie.

L'objectif principal et permanent de la Russie est de miner et de déstabiliser notre démocratie en exploitant les enjeux les plus polarisants de l'heure. Leurs opérations sont axées sur l'amplification et la légitimation des récits qui soutiennent l'extrême gauche et l'extrême droite afin de miner la confiance et la cohésion au sein de notre société. Ces attaques touchent notre environnement et nos choix politiques tous les jours, pas seulement en période électorale.

La présidente: Merci, monsieur Kolga. Croyez‑le ou non, je vous ai accordé 45 secondes supplémentaires. J'ai hâte de vous entendre plus longuement par la suite.

Sur ce, nous passons à M. Jim Judd.

Soyez le bienvenu. Je ne serai pas très stricte, mais tâchez de vous en tenir à quatre minutes, si possible.

Jim Judd (ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, à titre personnel): Merci.

Je m'appelle Jim Judd, comme cela a été dit. Je suis un fonctionnaire fédéral retraité. J'ai pris ma retraite de l'administration fédérale en 2009. Je suis ici aujourd'hui, je suppose, parce que le Bureau du Conseil privé m'avait demandé, il y a bien des années, d'évaluer le protocole d'incident électoral critique qui était en place et qui confiait à un groupe de hauts fonctionnaires la tâche de contrôler l'ingérence étrangère éventuelle pendant l'élection de 2019.

J'ai fait le travail. Le rapport a été publié il y a environ deux ans et demi. Pour mener à bien mon évaluation, je me suis basé sur des entrevues avec un grand nombre de personnes, dont les membres du comité, des représentants d'organismes de sécurité, des universitaires et d'anciens fonctionnaires, ainsi que sur des recherches approfondies, principalement dans des documents de source publique. Je n'ai pas eu accès, pour mon évaluation, aux renseignements qui avaient été communiqués au comité; je me suis fondé simplement sur les entrevues avec ses membres pour avoir leur point de vue sur ce qui s'était passé.

L'examen a été mené en vertu du protocole lui-même, qui prévoit un tel examen à la suite d'une élection.

Voilà, j'espère, l'essentiel de l'histoire.

La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Judd?

Jim Judd: Je crois que oui.

La présidente: Je vous remercie.

Je vous suis reconnaissante de votre témoignage.

Nous allons maintenant commencer notre première série de questions. Monsieur Cooper, vous avez six minutes.

[Français]

Il sera suivi de M. Fergus, de Mme Gaudreau et de Mme Blaney. Monsieur Cooper, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

Michael Cooper: Merci beaucoup, madame la présidente. J'adresse mes questions à M. Kolga.

Monsieur Kolga, vous avez parlé des renseignements que DisinfoWatch a recueillis sur les activités des acteurs de l'État communistes chinois qui ont utilisé les plateformes de médias sociaux pour propager de la désinformation contre le Parti conservateur en général et certains candidats, ciblant de façon vraiment particulière la circonscription de Steveston—Richmond-Est et Kenny Chiu.

Dans le cas de Kenny Chiu, et peut-être plus généralement sur ce qui s'est produit pendant la campagne électorale, y a‑t‑il des indications que cette ingérence a eu des effets sensibles sur le résultat de l'élection?

Marcus Kolga: Je vous remercie de la question.

Il est incroyablement difficile de mesurer l'effet des opérations de ce genre sur les résultats d'élection. Cependant, on ne peut pas nier qu'elles ont peut-être eu un effet, mais dans ce cas‑ci, il est certainement très difficile à mesurer. On peut supposer que les messages, qui étaient en chinois et ciblaient les Canadiens d'origine chinoise, ont probablement atteint des milliers de membres des communautés chinoises. On peut mesurer leur impact dans différents forums et autres tribunes en vérifiant le nombre de personnes qui les ont lus ou commentés.

Je répète que rien ne prouve que cette opération particulière ait directement influencé ou changé le résultat de l'élection dans la circonscription en question ni dans aucune autre circonscription ayant une forte communauté chinoise. Encore une fois, le fait est que...

Michael Cooper: Je suis désolé de vous interrompre. Mon temps est limité.

Cependant, on ne peut pas l'exclure non plus.

Marcus Kolga: Non, on ne peut pas l'exclure.

Michael Cooper: Vous avez parlé un peu de l'ampleur de la campagne de désinformation. Je vous demande de prendre un peu de temps pour expliquer ce qui s'est passé exactement. Comment la désinformation a‑t‑elle servi? Combien de personnes aurait-elle atteintes?

Marcus Kolga: De nouveau, ce qui s'est passé dans la campagne anonyme de WeChat, c'est qu'on a lancé le récit de M. Chiu et de son projet de loi d'initiative parlementaire, qui aurait créé un registre d'influence étrangère. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, ce projet législatif, s'il devenait loi, aurait obligé les acteurs agissant pour le compte de certains régimes autoritaires étrangers à s'inscrire auprès du gouvernement.

C'est quelque chose dont le gouvernement chinois ne voudrait pas, et il est donc tout à fait possible que le récit ait été lancé sur WeChat — une plateforme, soit dit en passant, qui est essentiellement contrôlée par le gouvernement chinois — par des acteurs alignés sur le gouvernement chinois. WeChat est largement utilisé par les locuteurs chinois partout dans le monde, y compris au Canada.

L'impact global de ce récit est inconnu, mais le fait qu'il se soit propagé à diverses autres plateformes et tribunes — forums de langue chinoise ici au Canada et médias locaux — indique qu'il était généralisé. Des dizaines de milliers de Canadiens d'origine chinoise, peut-être des centaines de milliers, en ont probablement pris connaissance.

Encore une fois, on ne sait pas si cela a influé sur leur intention de vote à l'élection, mais le fait qu'un si grand nombre de personnes en aient eu connaissance devrait nous préoccuper. À mon avis, nous sommes certainement justifiés de supposer qu'il s'agissait d'un effort visant à miner l'intégrité de nos élections.

Michael Cooper: Merci de ces propos.

J'aimerais vous poser quelques questions au sujet du protocole public en cas d'incident électoral critique. Il s'agit d'un mécanisme, censé être transparent, devant servir à attirer l'attention des Canadiens sur les cas d'ingérence pendant la campagne électorale. Il semble — en fait, je crois que cela a été établi — que le protocole public en cas d'incident électoral critique n'ait pas été invoqué. Aucun avis public n'a été donné. Les électeurs de Steveston—Richmond-Est, ni d'ailleurs, n'auraient pas été informés de cette campagne de désinformation. Le seuil est assez élevé.

Pourriez-vous nous parler de ce protocole et du seuil à atteindre? Qu'en pensez-vous? D'une part, le seuil devrait probablement être assez élevé, mais, d'autre part, la durée de la campagne électorale est limitée. Comment ce protocole peut‑il être utilisé ou comment peut‑il être amélioré pour assurer une plus grande transparence dans de brefs délais?

Marcus Kolga: Eh bien, le protocole a été établi avant l'élection de 2019, de même que plusieurs autres mesures, notamment le maintien du MRR, qui est d'importance cruciale pour la protection de notre démocratie. Il s'agissait, je pense, d'une première étape très prometteuse. En 2019, le protocole semble avoir été efficace. Qu'il s'agisse de dissuader des acteurs étrangers de tenter de s'ingérer... il semble avoir été efficace.

Je ne peux pas me prononcer sur les seuils qui ont été établis. Vu cet incident et les tentatives directes des médias étatiques chinois, du Global Times, de s'ingérer dans notre élection en y introduisant divers récits, je ne sais pas trop quelle est la correspondance entre ces agissements et les seuils. Malheureusement, je ne peux pas me prononcer là‑dessus.

D'après ce que je comprends de l'information accessible au public, lorsque ce seuil est atteint, les partis politiques concernés, les candidats ciblés et le public sont avisés.

La présidente: Merci. [Français]

Monsieur Fergus, vous avez la parole pour six minutes.

L’hon. Greg Fergus: Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais remercier les témoins. Je connais moins M. Kolga, mais je respecte beaucoup son travail. Je connais très bien M. Judd, son travail et sa carrière dans la fonction publique.

Monsieur Judd, je vous remercie de votre service au Canada.

Monsieur Kolga, j'ai trouvé votre déclaration d'ouverture extrêmement intéressante et pertinente. Vous avez mentionné que les acteurs étrangers qui cherchent à déstabiliser la démocratie peuvent exploiter les récits polarisants qui existent déjà au Canada. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Avez-vous des exemples? Comment effectuent-ils ce travail?

[Traduction]

Marcus Kolga: Merci beaucoup de cette question.

J'ai résumé comment certains acteurs étatiques chinois opéraient au cours de la dernière élection. Ils utilisaient des médias étatiques comme le Global Times, qui est contrôlé par le Parti communiste chinois. Ils utilisent des plateformes comme celle‑là pour introduire de faux récits dans notre environnement informationnel et dans l'environnement informationnel mondial dans l'espoir qu'ils seront repris par divers acteurs au pays et qu'ils se propageront de cette façon.

Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, les Russes sont continuellement actifs. Leurs activités ne cessent jamais. Ils ne dorment jamais. Ils cherchent constamment à exploiter les problèmes les plus polarisants dans notre société.

Pendant la pandémie de COVID‑19, ils ont certainement été extraordinairement actifs pour promouvoir les discours anti-vaccination et anti-confinement et, simultanément, un discours anti-gouvernemental. Au cours de cette période, nous avons vu un certain nombre d'organismes nationaux anti-vaccination et anti-confinement amplifier ces messages.

En fait, tout ce crescendo a atteint son apogée en février de cette année avec la manifestation des camionneurs à Ottawa. Nous avons vu RT, la chaîne de médias étatiques de la Russie — autrefois présente sur nos ondes publiques et qui heureusement ne l'est plus —, diffuser des entrevues avec des extrémistes participant à la manifestation, trop heureux d'en profiter pour marteler leur discours anti- gouvernemental. Les dirigeants de ces groupes anti-vaccination, à qui on donnait une tribune sur le RT, réclamaient en fait le renversement de notre gouvernement.

Plus tard en février, avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie, les plateformes Twitter de ces organismes sont passées des discours anti-vaccination, anti-confinement et anti-gouvernementaux à un discours explicitement anti-ukrainien. Dans certains de leurs gazouillis, ces organismes retransmettaient les déclarations qu'ils recevaient directement de l'ambassade de Russie au Canada.

C'est là l'objectif ultime de certains de ces organismes: adopter le discours d'États étrangers, trouver des acteurs locaux qui les amplifieront et influer ainsi sur la discussion et sur le débat local sur les questions d'actualité.

[Français]

L’hon. Greg Fergus: Je vous remercie beaucoup de nous donner ces exemples, c'est très utile.

Reculons de six mois et revenons à ce qui s'est passé lors de l'occupation à Ottawa.

Croyez-vous que l'influence qu'a eue la Russie dans nos médias sociaux était aussi puissante que celle du gouvernement de la Chine ou des acteurs associés à la Chine?

[Traduction]

Marcus Kolga: Je dirais, d'après mon évaluation de la situation, que le gouvernement russe est très efficace quand il s'agit de trouver les questions les plus polarisantes, de les amplifier, puis de trouver des acteurs au niveau national pour les amplifier.

La Chine n'est pas aussi ingénieuse dans ses opérations, et je pense donc que les efforts du gouvernement russe pendant cette période ont eu beaucoup plus d'influence que ceux du gouvernement chinois.

[Français]

L’hon. Greg Fergus: J'aimerais poser une dernière question à Kolga avant de passer à M. Judd.

Croyez-vous que les activités de la Russie ont un effet aussi important sur l'électorat canadien que celles de la Chine?

[Traduction]

Marcus Kolga: Voulez-vous dire pendant la campagne électorale? D'accord.

C'est difficile à mesurer. Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, les efforts de la Russie sont incessants. Ils sont persistants, et je pense donc que ce sont les opérations d'information russes qui ont peut-être eu le plus d'influence pendant la campagne électorale.

La Chine a ciblé des circonscriptions particulières et, dans ces circonscriptions, son influence a été beaucoup plus grande que celle de la Russie. Il est difficile de dire, en regard du résultat final de l'élection, lequel des deux pays a eu le plus d'influence.

[Français]

L’hon. Greg Fergus: Il ne me reste pas beaucoup de temps, monsieur Judd, mais je vous poserai la même question.

Croyez-vous que les activités russes et chinoises ont eu la même influence sur le résultat de l'élection?

[Traduction]

Jim Judd: Ce que je vais dire est fondé sur de l'information de source publique. Je n'ai pas vu de rapport des services du renseignement depuis des lustres, le temps d'avoir trois nouveaux petits- enfants. Les sources publiques d'information sont tout à fait extraordinaires, et pas seulement ici. En fait, c'est mondial: en Europe, aux États-Unis et ainsi de suite.

Je ne pourrais certes pas être en désaccord avec M. Kolga au sujet des activités de ces individus. Pour moi, c‘est passablement nouveau, puisqu'à l'époque où je travaillais, ce n'était pas un problème. À mon époque, les priorités du SCRS et les questions de sécurité nationale étaient très différentes.

La présidente: Merci. Nous reviendrons à vous. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour six minutes.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je vous remercie, chers témoins.

D'entrée de jeu, je vous informe que je vais poser deux questions à M. Kolga, puis deux autres à M. Judd.

Kolga a dit que, en 2019, un protocole avait été mis sur pied pour protéger la démocratie et que, depuis ce temps, cela n'avait pas changé. Alors, je voudrais avoir une précision.

Très rapidement, j'aimerais qu'il me dise ce qui n'a pas changé à la suite de la mise en place du protocole en 2019.

[Traduction]

Marcus Kolga: Je ne sais pas dans quelle mesure le protocole a changé ou si les seuils ont changé. Je n'ai aucune information à ce sujet.

La menace a certainement évolué. C'est ce qui a changé depuis 2019. En 2019, nous croyions que la menace à notre démocratie visait exclusivement nos élections et ne pesait que pendant nos campagnes électorales. Depuis, notre compréhension de la menace, je crois, a évolué. J'ai mentionné à plusieurs reprises au cours de mon témoignage que les menaces — certainement de la part de la Russie, mais de la Chine également — sont incessantes. Voilà ce qui a changé.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je vous remercie.

Selon ce que je comprends, le protocole n'est pas suffisant pour répondre aux menaces croissantes. J'ai une autre question à vous poser. Je passerai ensuite à M. Judd.

Kolga a dit que le public devait être informé. Avec les autres témoins, on parlait de transparence et d'éducation. J'aimerais qu'il me dise si, effectivement, le public a été informé de toute ingérence étrangère. Si oui, j'aimerais savoir ce que notre comité peut recevoir comme information sur l'origine de ces activités, aux fins de notre rapport.

Je suis un peu naïve, alors je veux savoir à quoi cela ressemble, quand on se fait prévenir.

[Traduction]

Marcus Kolga: Encore une fois, je vous remercie de cette question.

À DisinfoWatch, nous avons tenté d'informer le public lorsque ces efforts ont été portés à notre attention au début de septembre. Nous avons pris le temps d'examiner l'information que nous avons reçue et de la traiter. Nous ne pouvions pas nécessairement en retracer la source directement jusqu'au gouvernement chinois, mais, vu la nature des messages ciblant M. Chiu, la campagne en Colombie- Britannique et aussi cette autre...

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Madame la présidente, ma question était la suivante: un message a été envoyé au public ou aux personnes concernées; pouvons-nous recevoir les communications et les liens? C'était ma question.

Je vais laisser M. Kolga nous fournir l'information. J'aimerais maintenant poser des questions à M. Judd.

Monsieur Judd, j'ai entendu dans votre discours que le Bureau du Conseil privé vous avait demandé d'apporter des éclaircissements au protocole public en cas d'incident électoral majeur. Vous dites que vous n'avez pas eu accès à certains éléments. Quels éléments vous ont manqué pour vous permettre de bien faire votre travail? Cela dit, je me trompe peut-être.

[Traduction]

Jim Judd: Merci.

Ce que je cherchais à dire dans ma déclaration liminaire, c'est que, dans le cadre de mon travail, je n'ai pas eu accès aux renseignements transmis au comité par le Groupe de travail sur les MSRE, l'organisme intégré du renseignement.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Madame la présidente, je voulais savoir pourquoi monsieur n'avait pas accès à ces éléments.

[Traduction]

Jim Judd: Ils étaient classifiés au‑dessus de mon niveau d'habilitation de sécurité et vu le délai fixé pour faire le travail, il aurait fallu trop de temps pour rétablir le niveau d'habilitation de sécurité que j'avais auparavant. C'est essentiellement pour cette raison.

Sur ce point cependant, je dirais que, d'après ce que j'ai compris de l'élection de 2019, les partis politiques étaient tenus informés par le Groupe de travail sur les MSRE tout au long de la période électorale et même avant. Je crois comprendre que cela a aussi été le cas pendant la dernière élection. Il y a de bonnes chances que quelqu'un de votre parti en sache beaucoup plus que moi à ce sujet.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Madame la présidente, j'essaie de m'éduquer, car l'ingérence étrangère est un domaine que je connais peu. Je fais des constats qui me bouleversent énormément.

Je pose la question à qui voudra y répondre.

Quels sont les moyens nécessaires? On a entendu des suggestions du Groupe des cinq et j'aimerais savoir quelle serait la première étape à franchir pour réduire la croissance.

Je crois qu'il me reste une minute de temps de parole, alors je demanderai aux témoins de nous dire quelques mots à ce sujet.

[Traduction]

Marcus Kolga: Je vous ferai part rapidement de quelques- unes de mes réflexions.

Je crois fermement qu'il est de la plus haute importance d'exposer ces efforts d'ingérence, de les analyser et de les expliquer. C'est le travail que nous faisons à DisinfoWatch. Je pense que le gouvernement devrait élargir l'initiative qu'il a déjà prise avec le protocole public en cas d'incident électoral critique et en faire une organisation à temps plein qui comprendrait des représentants de la société civile, du milieu universitaire, des médias et de tous les principaux partis au Canada, ainsi que des médias sociaux...

La présidente: Merci.

Madame Blaney, vous avez six minutes.

Mme Rachel Blaney (North Island—Powell River, NPD):

Merci, madame la présidente.

Je remercie les deux témoins de leur témoignage aujourd'hui. Je vais commencer par M. Kolga.

Dans une de vos réponses, vous avez clairement dit que la Russie ne dort jamais. Je pensais que c'était un point important à souligner. Nous savons que la Russie ne dort jamais et qu'elle cherche constamment des moyens de créer des situations déstabilisatrices dans d'autres pays. Je pense que nous sommes tous préoccupés par cela.

En fait, notre étude porte sur deux choses, à savoir veiller à ce que les Canadiens aient confiance dans notre processus et nos systèmes électoraux et veiller à ce que nous soyons les mieux protégés possible contre toute menace étrangère. Nous savons que plus il y a de désinformation, moins les Canadiens croient aux systèmes que nous avons. La Russie gagne, et nous ne pouvons pas laisser cela se produire.

Je me demande si vous pourriez parler du fait que la Russie ne dort jamais et du fait que c'est un problème, non seulement pendant les élections, mais aussi en dehors de celles‑ci et même avant.

Marcus Kolga: Merci beaucoup de cette question.

Tout à fait, la Russie ne dort pas. La Russie se livre à des opérations de désinformation et d'influence depuis très longtemps, depuis près d'un siècle en fait. Déjà dans les années 1930, Joseph Staline avait créé des hypertrucages, si vous voulez, consistant à trafiquer des photographies.

C'est ce que la Russie a fait tout au long de la guerre froide. Les Canadiens d'origine d'Europe centrale et orientale ont été constamment la cible de désinformation russe pendant cette période parce qu'ils critiquaient l'occupation soviétique de leurs pays. On les traitait souvent de néo-nazis et d'autres qualitatifs semblables. Ce genre de discours visait à les déshumaniser, à les marginaliser, à les réduire au silence et à faire des citoyens de seconde classe de ces Canadiens.

Nous observons le même genre de tactique de nos jours, à la faveur de la guerre avec l'Ukraine. Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, la diaspora ukrainienne a été ciblée par des récits et des opérations semblables.

À l'analyse des opérations de désinformation de la Russie en général, on voit que tout cela vise à briser l'appui géopolitique, canadien et américain envers l'OTAN. Cela vise à briser la cohésion au sein de cette alliance parce que, comme nous l'avons vu, la Russie est incapable de rivaliser avec nous lorsque nous sommes unis.

Au Canada, la Russie essaie de briser la cohésion au sein de notre société. Cela signifie détruire la confiance dans nos institutions démocratiques, dans tous nos élus — vous tous au sein du Comité — et dans nos médias, etc. Elle le fait en menant des campagnes de désinformation, en diffusant des théories du complot, etc., dans l'espoir que divers extrémistes d'extrême gauche et d'extrême droite s'en serviront. Elle espère que ces versions de l'histoire seront reprises par nos médias grand public et qu'elles pénétreront dans notre débat démocratique normal. C'est le résultat ultime que vise la Russie avec ses opérations de désinformation.

À moins que nous nous opposions à ces narratifs et que nous n'essayions de les dénoncer, comme vous le faites en ce moment dans le cadre de cette étude, et à moins que nous n'ayons une discussion active sur la façon dont nous relevons ce défi, la Russie gagnera. Elle dispose d'un budget de centaines de millions de dollars pour ce genre d'efforts, ce qu'elle fait jour et nuit. Il y a des centaines, peut-être des milliers de personnes qui sont employées pour mener ces campagnes, utiliser les médias sociaux et exploiter nos libertés pour gagner l'avantage.

Nous devons absolument redoubler d'efforts. Je crois que pendant l'invasion actuelle de l'Ukraine par la Russie, le gouvernement canadien a commencé à reconnaître l'ampleur de cette menace et à prendre des mesures pour y faire face. Nous devons continuer de le faire.

Comme j'essayais de le dire dans ma réponse précédente, nous devons adopter une approche pansociétale inclusive. Cela s'entend des médias, des géants des médias sociaux, de la société civile et, bien sûr, du gouvernement et de nos élus. Nous devons avoir cette discussion tous ensemble parce que c'est la seule façon de nous protéger contre ce phénomène et de nous défendre contre les opérations de désinformation étrangères à long terme.

Mme Rachel Blaney: C'est très intéressant. Je pense au convoi à l'extérieur du Parlement et au nombre de personnes qui s'offusquaient des nouvelles bidon. J'ai vu des journalistes qui disaient des choses comme: « Dites ce que vous voulez. Nous sommes tout à fait ouverts. Vous êtes à la télévision en direct. » Les gens perdaient simplement ce lien avec la compréhension de notre réalité.

Ma prochaine question porte sur le ciblage des groupes marginalisés. Prenez mon cas, je représente des collectivités rurales et éloignées. Je suis simplement curieuse de connaître les stratégies qui pourraient être utilisées contre les collectivités éloignées, les collectivités marginalisées, les communautés autochtones et les groupes ethniques. Je pense que ces stratégies seraient précises et ciblées.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Marcus Kolga: C'est une excellente question. Elle mérite sa propre étude, à mon avis.

Nous devons travailler avec les médias locaux et les petites organisations médiatiques qui s'adressent à ces groupes pour nous assurer qu'ils obtiennent les bons renseignements, les faits et la vérité.

Nous avons lu des rapports sur le fait que de petits organes de presse cessent tout simplement leurs activités. Ils disparaissent. Or, des médias solides et fiables sont un moyen de nous défendre contre la désinformation étrangère. Il est très important de veiller à ce que les groupes vulnérables — les groupes minoritaires et autres — aient accès à l'information, et je crois que c'est une façon efficace de lutter contre la désinformation et la mésinformation.

La présidente: Merci.

C'est maintenant au tour de M. Calkins, pour cinq minutes, et il sera suivi de Mme O'Connell.

Blaine Calkins: Merci, madame la présidente.

Monsieur Kolga, si je peux résumer ce que vous dites, dans un contexte où les Canadiens pourraient être privés de leurs droits — si vous êtes un travailleur du secteur pétrolier qui a perdu son emploi, si vous êtes le parent dont l'enfant a été expulsé du collège ou de l'université parce qu'il ne voulait pas se faire vacciner, si vous avez perdu votre emploi ou si vous n'avez pas été en mesure de voyager —, cela crée des motifs de frustration. Cela peut être n'importe quoi, n'importe quelle source de cette frustration.

Je viens de l'Ouest; je viens de l'Alberta. Je sais ce que fait l'aliénation de l'Ouest. Je sais ce que pensent mes électeurs, car je pense comme eux. Je suis ici depuis 17 ans, je l'ai été sous un gouvernement libéral et sous un gouvernement conservateur. Je peux vous dire que les attitudes et les frustrations des gens sont complètement différentes selon qui gouverne le pays.

Si nous avons en réalité... et les collègues du caucus du premier ministre ont essentiellement déclaré qu'il a une approche de clivage, de stigmatisation et de division. Est‑ce que cela fournit un terreau fertile à ce genre d'organisations, comme la Russie, pour manipuler la population canadienne?

Marcus Kolga: Oui, tout à fait. Le gouvernement russe exploite ces griefs et les exacerbe. C'est exactement ainsi qu'il fonctionne.

Je dois toutefois vous rappeler qu'il le fait depuis assez longtemps. Il y a environ un an et demi, nous avons mené une étude sur plus de 100 comptes Twitter qui avaient été supprimés par Twitter. Nous avions accès aux gazouillis supprimés de ces comptes qui étaient liés au gouvernement russe, et ils remontaient à 2014.

En 2014, ces comptes faisaient activement la même chose. Ils attaquaient le gouvernement Harper dans divers dossiers. Ils n'ont aucune sensibilité politique. La Russie plante ses crocs dans la gauche comme la droite, et elle exploite n'importe quel enjeu jusqu'à ce que cela nous déchire. C'est tout.

Peu importe qui forme le gouvernement, les conservateurs un jour, les libéraux le lendemain, le NPD un autre jour, ou peut-être le Bloc un jour. Tous ces partis — même lorsqu'ils sont dans l'opposition — seront attaqués s'ils critiquent le régime russe et, encore une fois, les griefs qui sont formulés à l'égard du parti au pouvoir, quel qu'il soit, seront exploités par la Russie.

Blaine Calkins: Étant donné que, dans votre témoignage, vous venez de dire que peu importent les acteurs politiques qui prennent les décisions du moment, nos institutions démocratiques sont vulnérables à ces attaques.

J'ai vérifié de mon côté. WeChat compte 1,25 milliard d'utilisateurs dans le monde et plus d'un million d'utilisateurs au Canada. Je viens de visiter la page de DisinfoWatch sur Facebook, et vous avez de la chance, monsieur — et ce n'est pas là un camouflé que je vous fais — d'avoir plus d'une centaine de personnes qui ont visionné vos vidéos explicatives, etc.

Pouvez-vous donner au Comité une idée de ce qu'il faut faire? L'information lubrique ou mésinformation semble être absorbée et consommée par les gens beaucoup plus facilement que la vérité. Comme parlementaires, comment pouvons-nous combler cet écart?

Marcus Kolga: C'est une très bonne question. Je dois ajouter que nous essayons, et notre influence se fait surtout sentir dans les médias et les médias grand public lorsqu'ils font état de nos rapports. Vous ne devriez pas vous fier à nos points de vue sur Facebook.

Je pense que le problème est loin d'être réglé. Je ne pense pas qu'on puisse remettre le génie dans la bouteille, mais on peut prendre des mesures pour inoculer les générations futures. Cela signifie que nous devons nous tourner vers des pays comme la Finlande, qui a adopté des stratégies de littéracie des médias numériques pour la petite enfance, nous assurer que cela figure dans nos programmes d'études, d'informer les Canadiens et de faire ce que nous pouvons pour exposer ces récits de désinformation afin que les élus, nos médias et toute personne qui souhaite connaître les faits aient accès à cette information.

Je pense que c'est ce que nous devons commencer à examiner dès maintenant parce que, comme je l'ai dit, nous ne pouvons pas remettre le génie dans la bouteille. Je pense que ces opérations d'information, la désinformation et la polarisation de notre société en sont presque à un point de non-retour.

Blaine Calkins: Dans le contexte d'une élection générale canadienne ou même d'une élection partielle, même si nous ne voulons pas mettre beaucoup... Vous savez, nous jouissons de notre liberté. Nous jouissons de la liberté d'expression. Nous sommes heureux de profiter de toutes ces choses. Toutes les démocraties occidentales libéralisées en sont heureuses. Cependant, devrions-nous envisager ou le Comité devrait‑il recommander que ces plateformes soient identifiées ou retirées pendant, disons, une période électorale, alors que nous savons très bien que certains types de plateformes servent expressément à cette fin?

La présidente: Retenez ce que vous étiez sur le point de dire.

Je vais céder la parole à Mme O'Connell pour cinq minutes.

Mme Jennifer O'Connell: Merci, madame la présidente. Monsieur Kolga, je vais commencer par vous.

Monsieur Judd, j'espère qu'il me restera du temps. J'ai aussi des questions à vous poser.

Monsieur Kolga, j'ai trouvé votre dernière intervention particulièrement intéressante. Vous disiez qu'il fallait veiller à ce que les élus aient accès à la désinformation et à l'information à leur disposition. Je repense à ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet de la retransmission par la télévision russe du convoi et à quel point il doit être gênant pour les élus qui ont posé au côté de membres du convoi ou qui leur ont apporté du café, pour ensuite se retrouver sur les écrans de la télévision russe. Ce que vous avez dit au sujet des élus qui ont cette information, qui comprennent leur rôle dans la désinformation et au sujet des agents d'acteurs étrangers russes est très intéressant.

J'aimerais en venir à mes questions concernant certains de vos commentaires sur la désinformation et sur le fait que vous ne pouvez pas discréditer ce qui aurait pu être un résultat dans l'élection de M. Chiu. Vous avez parlé de la participation d'agents chinois ou de l'activité en provenance de la Chine. Vous avez également parlé de ce que fait actuellement la Russie, et vous avez expressément nommé la ministre Freeland comme étant une personne qui fait l'objet de ce genre d'attention par ces acteurs.

J'ai deux ou trois questions à poser, après quoi je vous céderai la parole. Comment faites-vous la distinction pour dire que cette activité continue des Russes contre la ministre Freeland n'a aucune incidence, mais que l'activité à l'endroit de M. Chiu pendant la période électorale aurait pu en avoir une? Je pense que la désinformation ou les activités d'acteurs étatiques étrangers sont réelles, mais nous devons faire très attention à ce que certaines parties ne s'en servent d'excuses pour justifier une défaite.

Je peux vous dire que les électeurs de Steveston—Richmond-Est ont rejeté M. Chiu en 2015. Il a ensuite remporté l'élection en 2019. Si l'on compare les chiffres des élections de 2019 et de 2021, il y avait un écart de 4 412 voix pour M. Chiu entre ces élections. Je remarque également que de l'élection de 2019 à l'élection de 2021, le taux de participation a été inférieur d'environ 3 070 voix. On pourrait soutenir — et je suis certaine que les conservateurs le feraient — que le taux de participation a été plus faible en raison de la désinformation et des campagnes de la Chine. J'aimerais également souligner que, dans le cas de mon élection, de 2019 à 2021, la participation dans ma circonscription a été inférieure de plus de 5 000 voix, donc un plus grand écart.

Comment pouvez-vous déterminer que, si les électeurs de 2015 ont rejeté M. Chiu... Le taux de participation était plus faible partout au pays. Comment pouvez-vous déterminer que les actions de la Chine ont eu une incidence et que celles de la Russie n'en ont eu aucune sur la ministre Freeland? Est‑ce que nous prenons le risque de jouer à ce jeu consistant à déterminer s'il y a eu incidence ou pas, plutôt que de protéger notre démocratie en général contre l'ingérence étrangère, plutôt que d'essayer de choisir des gagnants et des perdants circonscription par circonscription, alors que vous ne pouvez pas le déterminer sur la foi des données disponibles?

Marcus Kolga: Pour répondre à votre commentaire d'introduction au sujet de certains politiciens qui se sont fait prendre en photo avec des membres du convoi de protestation à Ottawa, le fait que des représentants élus la fassent avec ces gens ou appuient des gens qui pourraient avoir des griefs légitimes n'est pas de la désinformation. Cela fait partie de nos processus démocratiques. Que vous soyez d'accord ou non avec eux, ce n'est pas nécessairement de la désinformation.

Ce que j'essayais de dire, c'est que RT exploite des franges de ce mouvement qui militent pour la déstabilisation de notre démocratie.

Pour ce qui est du résultat dans la circonscription de M. Chiu, je ne le sais pas. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Encore une fois, ce que je voulais dire, c'est que cette élection en particulier était ciblée. Le candidat, Chiu, a été ciblé par des opérations étrangères. Encore une fois, nous ne pouvons pas en mesurer l'incidence, alors je ne peux pas...

Mme Jennifer O'Connell: Je suis désolée de vous interrompre.

L'élection de la ministre Freeland était‑elle également ciblée par la Russie?

Marcus Kolga: Si vous me le permettez, je vais en parler.

La ministre Freeland est ciblée depuis 2017 en raison de son rôle après qu'elle est devenue ministre des Affaires étrangères. Dès qu'elle est devenue ministre des Affaires étrangères, une campagne est apparue. Nous le savons grâce à divers reportages de journalistes canadiens...

La présidente: Je vais devoir vous arrêter ici.

Marcus Kolga: C'est une question très importante.

La présidente: Elle est très importante. Nous allons veiller à ce que vous puissiez nous fournir l'information.

J'ai un travail difficile et je ne dois pas en dévier. Madame Gaudreau, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci, madame la présidente.

Je pense que nous pouvons être tous d'accord sur le fait que peu importe le type de désinformation et la personne qui en est la cible, c'est inacceptable.

Depuis tantôt, j'essaie de soulever des éléments pour que le débat soit constructif, mais je suis déçue de ce que j'ai entendu.

Au bout du compte, nous allons produire un rapport dans lequel nous formulerons des constats. Je me pose des questions, à savoir comment nous pouvons nous améliorer.

Tantôt, M. Kolga a dit que la Finlande a un protocole en matière de littératie numérique. J'aimerais savoir de quels autres pays nous pourrions nous inspirer.

Je vais poser une seule question aux deux témoins.

La Finlande semble être un modèle. Sur une échelle de 1 à 10, où se situe la Finlande pour ce qui est des mesures qu'elle prend pour contrer la désinformation?

Ensuite, où se situe le Canada sur une échelle de 1 à 10 sur cette question?

J'aimerais que les deux témoins répondent à ma question.

La présidente: Nous allons commencer par M. Judd.

Monsieur Judd, avez-vous entendu toute l'interprétation en anglais? Avez-vous compris la question?

[Traduction]

Jim Judd: J'ai compris la question.

Je réfléchis encore à ma réponse.

La présidente: Je vais donner la parole à M. Kolga très rapidement, puis je reviendrai à M. Judd.

Marcus Kolga: Je pense que nous faisons bien certaines choses. Je pense que nous faisons moins bien d'autres choses.

Je ne peux pas vous donner un chiffre précis, mais je pense que nous devrions regarder du côté de la Finlande, qui fait un bon travail. Je pense que nous devrions regarder du côté de la Suède...

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: On ne fait que parler. On dit un chiffre seulement pour évaluer où on se situe, à savoir si le Canada n'est pas si mal, moyen ou très bon. On donne un chiffre.

Où se situe la Finlande sur une échelle de 1 à 10 pour son modèle? À 8 sur 10? Le Canada, quant à lui, se situe...

[Traduction]

Marcus Kolga: Si nous prenons la Finlande, la Suède, les États baltes et Taïwan, qui font cela et le font bien depuis longtemps, s'ils sont le point de référence, s'ils représentent la note de 10, alors je pense que nous sommes peut-être sur le point d'atteindre 7.

La présidente: C'était crédible.

Monsieur Judd, vous avez la parole.

Jim Judd: Le problème dont nous parlons, celui de la désinformation, est mondial. Beaucoup d'autres gouvernements se posent les mêmes questions que vous. Le Parlement britannique est en train d'élaborer une nouvelle législation en réponse à l'ingérence russe dans le Brexit et l'élection en même temps.

La présidente: Merci, monsieur Judd. [Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Madame la présidente, l'interprétation fait que nous avons perdu du temps. Quel serait le chiffre?

La présidente: Votre temps de parole est écoulé, madame Gaudreau.

Nous allons poursuivre avec Mme Blaney.

Madame Blaney, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney: Merci, madame la présidente.

J'ai une question pour M. Kolga. J'aimerais revenir à la question que j'ai posée plus tôt au sujet des collectivités rurales et éloignées, des Autochtones, des groupes ethniques et des groupes marginalisés.

Vous avez beaucoup parlé des petits médias locaux et communautaires et de l'importance d'avoir ces systèmes durables en place pour qu'ils puissent fournir de l'information de façon fiable et qu'ils soient des ressources fiables. Je sais aussi que bon nombre de ces collectivités utilisent les médias sociaux pour établir des liens avec la collectivité.

Pourriez-vous nous parler des menaces qui pourraient viser ces groupes précis? Je pense qu'ils sont uniques et que, d'une certaine façon, si quelqu'un pénétrait ce système, la confiance pourrait être établie très rapidement. Je m'inquiète de cette désinformation, surtout si l'on tient compte du fait qu'il pourrait être encore plus difficile de lutter contre la désinformation en raison de la langue et de l'éloignement.

Marcus Kolga: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Les médias sociaux sont clairement exploités pour établir des liens avec ces collectivités et les diviser, pour les influencer de diverses façons. Je pense qu'il y a là un très gros problème. Pour ce qui est de la façon d'aborder la question, je ne pense pas que nous ayons vraiment commencé à en discuter à l'échelle nationale.

C'est pourquoi, depuis plusieurs années, je réclame une approche pansociétale de ce problème. Cela veut dire faire participer les entreprises de médias sociaux. Je suis certain qu'elles sont également intéressées, car il est dans leur intérêt de mettre de l'ordre dans leurs affaires. Le gouvernement doit prendre les devants, de concert avec tous les autres groupes que j'ai mentionnés plus tôt, pour discuter de la façon dont ces communautés vulnérables sont protégées et des mesures qui peuvent être mises en place à cette fin.

C'est seulement ainsi que nous allons régler ce problème. Nous ne pouvons pas nous en remettre uniquement aux médias sociaux. Nous ne pouvons certainement pas nous en remettre à ces collectivités vulnérables. Nous ne pouvons pas simplement les laisser à elles-mêmes, parce qu'il faut un certain leadership. Je pense que c'est un domaine où le gouvernement fédéral et les autres ordres de gouvernement peuvent certainement intervenir pour aider.

Mme Rachel Blaney: Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Judd?

Jim Judd: C'est un gros problème. Je suis d'accord avec Kolga en ce qui concerne une approche pansociétale.

Si vous voulez envisager un régime robuste pour lutter contre la désinformation dans les médias sociaux, je vous suggère de regarder ce qui se passe à Singapour, qui a adopté des lois ces dernières années pour lutter contre les campagnes de désinformation dans les médias sociaux lors des élections. Maintenant, ils en rajoutent en ce qui concerne les questions de haine, indépendamment de ce qu'elles sont.

La présidente: Merci. [Français]

Je suis désolée de devoir vous interrompre, monsieur Judd.

Monsieur Berthold, vous avez la parole pour deux minutes.

Luc Berthold (Mégantic—L'Érable, PCC): Je serai bref. J'ai quelques points et questions à soulever.

Monsieur Kolga et monsieur Judd, est-il possible de fournir au Comité des documents concernant la Finlande? Quels programmes exactement sont mis en place en Finlande pour les jeunes?

Monsieur Judd, si vous avez d'autres informations à transmettre au Comité au sujet de Singapour, nous vous en serions reconnaissants.

J'aimerais maintenant réagir à un commentaire de l'une de mes collègues.

La désinformation et l'interférence étrangères, que ce soit envers un député libéral, conservateur, bloquiste ou néo-démocrate, sont inacceptables, un point c'est tout. Il n'y a aucune différence. C'est inacceptable. Nous devons faire tout en notre pouvoir pour combattre l'influence étrangère dans toutes les circonscriptions, afin que les Canadiens décident seuls du résultat d'une élection. Je pense que c'est la prémisse de notre étude aujourd'hui.

Monsieur Kolga, quelle est la part de responsabilité des algorithmes des réseaux sociaux comme Facebook et Twitter dans la propagation de cette désinformation?

[Traduction]

Marcus Kolga: Je vous remercie de cette question.

Il est évident que les revenus des entreprises de médias sociaux dépendent du nombre de personnes qui prennent connaissance d'un contenu, et ces entreprises veulent s'assurer que leurs utilisateurs restent sur leurs plateformes le plus longtemps possible afin de pouvoir les exposer à la publicité.

Je pense que bon nombre de ces entreprises de médias sociaux ont reconnu leur responsabilité en veillant à ce que la désinformation se retrouve plus bas dans leurs algorithmes.

Je pense que Twitter, certainement au cours des 12 derniers mois, et encore plus pendant l'invasion russe de l'Ukraine, a vraiment déployé des efforts pour mettre de l'ordre dans ses affaires. Nous verrons ce qui se passera maintenant avec le changement de propriétaire. Il pourrait y avoir un recul, mais cela reste à voir.

Chez Facebook, je pense qu'il reste beaucoup de travail à faire. Je pense que YouTube a très bien réussi à étiqueter les médias étatiques étrangers lorsqu'il s'agit de ces plateformes.

Je le répète, il reste encore beaucoup à faire.

[Français]

La présidente: Merci, monsieur Kolga. Je regrette de vous interrompre.

Vous aurez des devoirs à faire, car nous voulons connaître vos réponses. Nous vous serions reconnaissants de les faire parvenir au greffier de notre comité.

Madame O'Connell, vous avez la parole pour deux minutes. [Traduction]

Mme Jennifer O'Connell: Merci, madame la présidente.

Merci à mon collègue.

Je n'ai pas eu le temps de le faire au dernier tour, alors je veux poser mes questions à M. Judd.

J'ai pris connaissance de votre rapport tandis que je siégeais au CPSNR. De toute évidence, nous ne pouvons pas en discuter ici.

En lien avec une question précédente, je voudrais préciser votre rôle. Pouvez-vous nous donner plus d'explications? Je crois comprendre que la raison pour laquelle le renseignement ne vous a pas été fourni, c'est que votre rôle consistait à examiner le processus. Il ne s'agit pas de cas individuels. Vous ne faisiez pas, disons, une vérification du processus la dernière fois, mais vous en faisiez un examen. À cet égard, avez-vous examiné la question d'avoir en place ce processus concernant l'ingérence étrangère pendant les élections, avant le déclenchement officiel des élections?

Jim Judd: Je vous remercie pour votre question, car je voulais l'expliquer plus tôt.

La question du bref électoral m'a toujours dérangé à cet égard. Pour revenir à ce que disait M. Kolga, c'est un problème sans fin. Une élection moyenne dure 50 jours. Il y a 315 autres jours dans l'année où il peut y avoir toutes sortes de méfaits susceptibles d'avoir, d'une façon ou d'une autre, une incidence sur la politique, mais surtout, je crois, sur la cohésion sociale en général vaste au pays et ailleurs.

La présidente: Merci beaucoup.

Je remercie nos deux invités du temps qu'ils nous ont consacré aujourd'hui. N'hésitez pas à transmettre l'information aux membres du Comité par l'entremise du greffier. Pour revenir sur ce qui a été dit, je précise que si vous demandez à ce que la documentation ne soit pas rendue publique, le greffier veillera à ne la faire parvenir qu'aux membres du Comité. S'il y a autre chose qui peut être rendu public... Précisez‑le simplement et nous veillerons à ce que l'information soit gérée et traitée avec la minutie que vous exigez.

Sur ce, je vous souhaite à tous deux une bonne journée.

Je signale aux membres du Comité que nous retournerons dans nos circonscriptions la semaine prochaine pour la Semaine des anciens combattants. J'espère que vous prendrez le temps de réfléchir à la façon dont nous pouvons profiter des libertés dont nous jouissons aujourd'hui. Nous reviendrons le 15 novembre pour une réunion du sous-comité. Il n'est donc pas nécessaire que tous les membres soient présents, mais les membres du sous-comité devront l'être le mardi 15 novembre.

Pendant la semaine de relâche, vous recevrez un rapport, sinon les deux, et nous reviendrons à huis clos le 17 novembre en comité plénier pour examiner l'ébauche du rapport.

Je vous souhaite une excellente semaine. Portez-vous bien et soyez prudents.

Publié en conformité de l’autorité du Président de la Chambre des communes

PERMISSION DU PRÉSIDENT

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Transcription de la réunion no 3 de l’étude (22 novembre 2022)

44e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la procédure et affaires de la Chambre

TÉMOIGNAGES

NUMÉRO 041

PARTIE PUBLIQUE SEULEMENT - PUBLIC PART ONLY

Le mardi 22 novembre 2022

Présidente : L’honorable Bardish Chagger

[Traduction]

La présidente (L’hon. Bardish Chagger (Waterloo, Lib.)): Je vous souhaite la bienvenue à la deuxième heure de la réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Je souhaite également la bienvenue au directeur général des élections, Stéphane Perrault. Nous sommes heureux de vous revoir.

Merci de prendre le temps de témoigner devant nous. Sur ce, je vous cède la parole.

Stéphane Perrault (directeur général des élections, Élections Canada): Merci, madame la présidente.

Depuis ma comparution du 1er novembre, j’ai pu lire certains articles dans les médias faisant état d’ingérence étrangère dans l’élection de 2019. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur l’exactitude de ce qui a été publié, mais je peux dire ceci.

D’abord, avant les élections de 2019, il y avait des inquiétudes au sujet des risques d’ingérence étrangère pouvant prendre diverses formes. C’est d’ailleurs pour cela que, dans le cadre des préparatifs pour les élections de 2019, des agences de sécurité nationale avaient pris part à une rencontre du Comité consultatif des partis politiques — chapeauté par Élections Canada — pour sensibiliser les partis aux risques que des acteurs étatiques étrangers s’ingèrent dans les élections. Comme je l’ai déclaré lors de ma dernière comparution, protéger la sécurité des élections est un sport d’équipe.

[Français]

Deuxièmement, il y a des protocoles clairs entre les organismes de sécurité nationale, Élections Canada, la commissaire aux élections fédérales ainsi que d'autres organismes chargés de l'application de la loi pour permettre l'échange d'information en fonction du mandat de chaque organisme.

La Loi électorale du Canada interdit très clairement à toute entité étrangère de faire une contribution à un candidat. Selon les protocoles en place, s'il existe de l'information susceptible d'appuyer une enquête relative à des contributions illégales, elle devrait alors être acheminée à la commissaire.

Je note cependant, comme je l'ai fait précédemment, que les questions d'ingérence par des États étrangers soulèvent des questions qui vont bien au-delà de la conformité aux dispositions de la Loi et mettent en cause des relations entre États.

Merci, madame la présidente. Cela me fera plaisir de répondre aux questions.

La présidente: Merci beaucoup de vos commentaires.

Nous allons passer au premier tour de questions, où la durée de chaque intervention sera de six minutes. Avant de commencer, je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.

Monsieur Cooper, vous avez la parole. [Traduction]

Michael Cooper (St. Albert—Edmonton, PCC): Merci

beaucoup, madame la présidente.

Merci, monsieur Perrault. Je suis heureux de vous revoir devant le Comité.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez parlé d'un article de Global News. Dans l'article du 7 novembre et dans une mise à jour du 20 novembre, Global News a fait valoir que des notes d'information avisaient le premier ministre et plusieurs ministres du Cabinet d'une vaste campagne d'ingérence de Pékin dans la campagne électorale de 2019.

Est‑ce que le premier ministre ou un membre de son Cabinet a rapporté ces renseignements au sujet d'une campagne d'ingérence de Pékin?

Stéphane Perrault: Je ne connais pas les détails relatifs à une campagne d'ingérence de Pékin, sauf ce qu'on a pu lire dans les journaux.

Michael Cooper: Donc, la réponse à ma question est que le premier ministre et les membres de son Cabinet n'ont pas déclaré ces renseignements.

Stéphane Perrault: C'est ce que j'ai dit, madame la présidente. Je tiens à rappeler aux membres du Comité que, contrairement au mien, le mandat de la commissaire aux élections fédérales est d'enquêter sur les cas de non-conformité. S'il y a des renseignements qui pourraient donner lieu à une enquête relative à une infraction en vertu de la Loi électorale du Canada, ils devraient être transmis à la commissaire aux élections fédérales.

Michael Cooper: Je veux être certain de bien comprendre: aucun rapport du premier ministre ne vous a été transmis à vous ou à la commissaire, ni à personne de votre bureau...

Stéphane Perrault: Pas que je sache.

Michael Cooper: ... ou de son bureau.

Stéphane Perrault: Aucun rapport ne m'a été transmis ou n'a été transmis à mon bureau. Je ne peux pas parler au nom de la commissaire.

Michael Cooper: Pouvez-vous lui demander?

Stéphane Perrault: Je crois qu'il lui revient de parler au Comité, madame la présidente. Si le Comité veut lui poser la question, il pourrait le faire par écrit, peut-être...

Je tiens à souligner que l'indépendance de la commissaire est très importante et qu'elle a fait l'objet de nombreuses mesures législatives au cours des dernières années. Il y a une distinction claire entre ses mandats...

Michael Cooper: Nous devrions peut-être entendre la commissaire, alors, comme nous l'avons fait lorsque nous vous avons reçus tous les deux le 1er novembre.

De façon similaire, pourriez-vous nous dire si un ministre du Cabinet ou un représentant du gouvernement a transmis un quelconque rapport à Élections Canada?

Stéphane Perrault: Je n'ai pas reçu de rapport au sujet de cas précis de non-conformité à la loi ou de l'ingérence de la Chine dans les élections.

Michael Cooper: Vous ne savez pas si la commissaire a reçu un tel rapport de la part d'un quelconque ministre.

Stéphane Perrault: Non. Je sais que nous...

Lorsque nous nous préparons pour les élections, nous discutons longuement avec nos partenaires. Nous réalisons des exercices de simulation avec les titulaires de postes de divers échelons au sein de chaque organisation — directeurs généraux, sous-ministres adjoints, sous-ministres — de sorte que les gens puissent comprendre leurs rôles et responsabilités et qu'ils puissent diffuser l'information.

Michael Cooper: Oui. Merci, monsieur.

Je comprends qu'aucune enquête n'a été lancée.

Stéphane Perrault: Je ne peux répondre à cette question. La loi établit clairement le rôle de la commissaire et les restrictions relatives à la communication de renseignements.

Michael Cooper: Donc, vous ne pouvez pas en parler.

Vous pourrez peut-être nous parler des réponses fournies par la commissaire au Comité, et que nous avons reçues hier. Vous vous rappellerez que le 1er novembre, la commissaire avait fait valoir qu'au cours des élections générales de 2019, 10 allégations distinctes d'ingérence étrangère avaient été portées à l'attention d'Élections Canada. Elle avait parlé de 158 plaintes.

Pourriez-vous nous dire si ces allégations d'ingérence étrangère portaient sur le Parti communiste chinois?

Stéphane Perrault: Je ne peux répondre à cette question. Je répète que le travail de la commissaire est indépendant du mien et qu'il est confidentiel.

Michael Cooper: Vous ne pouvez commenter aucun détail associé à ces allégations.

Stéphane Perrault: C'est exact.

Michael Cooper: Vous ne pouvez pas nous éclairer sur...

Stéphane Perrault: C'est exact. Je peux vous parler des rôles et responsabilités...

Michael Cooper: D'accord. Merci.

Vous avez dit...

La présidente: Je vais arrêter l'horloge quelques instants.

Nous avons passé beaucoup de temps en comité à comprendre l'important travail des interprètes. Notre pays compte deux langues officielles. Par conséquent, je demanderais aux membres du Comité de s'adresser à la présidence lorsqu'ils posent les questions et de laisser les témoins — que nous avons invités à témoigner devant le Comité, ne l'oubliez pas — de répondre à ces questions.

Sur ce, monsieur Cooper, il vous reste une minute et demie. Je ne veux pas entendre deux personnes parler en même temps. Il est important de nous centrer sur le travail que nous avons à faire.

Monsieur Cooper, vous avez la parole.

Michael Cooper: Merci, madame la présidente.

Monsieur Perrault, dans votre discours préliminaire, vous avez dit ceci: « La Loi électorale du Canada interdit très clairement à toute entité étrangère de faire une contribution à un candidat. » Pouvez-vous nous parler plus en détail des sanctions associées au versement de fonds étrangers aux candidats ou à la réception de tels fonds en toute connaissance de cause?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, si vous le souhaitez, je peux vous transmettre un tableau présentant les diverses infractions pouvant être commises dans une telle situation. Je serai heureux de le faire parvenir au Comité plutôt que d'en lire la liste.

Il est vrai que la loi interdit clairement les contributions des entités autres que des particuliers qui sont citoyens canadiens ou résidents permanents. Toute autre forme de contribution est illégale. Il est aussi illégal de cacher la source d'une contribution et de diriger les contributions vers d'autres personnes. Il existe diverses infractions en ce sens. Habituellement, la sanction la plus élevée est une peine d'emprisonnement d'un an.

J'ai le tableau complet ici et je serai heureux de le faire parvenir aux membres du Comité.

Michael Cooper: Quelle est la plus importante sanction?

Stéphane Perrault: Je crois qu'il s'agit d'une peine d'emprisonnement d'un an, selon l'infraction.

La présidente: C'est tout? Excellent. Merci.

Nous passons maintenant à M. Turnbull, qui dispose de six minutes.

Ryan Turnbull (Whitby, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Perrault, de témoigner à nouveau devant nous. Vous le faites souvent et nous vous en remercions.

J'aimerais vous poser une question simple et claire pour commencer.

À votre avis, est‑ce que les élections de 2019 étaient justes et libres?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, je n'ai aucune raison de croire que les élections, dans leur ensemble, n'étaient pas justes et libres.

Ryan Turnbull: Si je vous posais la même question au sujet des élections de 2021, auriez-vous la même réponse? Est‑ce que ces élections étaient libres et justes, comme doivent l'être des élections démocratiques, à votre avis?

Stéphane Perrault: À mon avis, il n'y a aucune raison de croire que les élections n'étaient pas libres et justes.

Ryan Turnbull: Lorsque vous dites qu'il n'y a « aucune raison de croire »... Je dirais qu'étant donné votre position, vous avez la capacité de prendre en compte divers facteurs en vue de poser un tel jugement. C'est un énoncé général assez important. Comment pouvez-vous être certain de poser un jugement juste de la situation? Quels facteurs prenez-vous en compte lorsque vous dites que les deux élections étaient libres et justes?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, j'ai fait bien attention de parler à la négative. D'après ce que je sais, je n'ai aucune raison de douter du caractère libre et juste des élections.

Je suis responsable du déroulement général des élections. Bien sûr, chaque élection compte son lot de problèmes. Nous avons parlé en comité de certains cas où les renseignements au sujet du processus de vote étaient incorrects; nous les avons corrigés afin de veiller à ce que les électeurs puissent voter.

Il se peut que nous découvrions après coup que certaines infractions ont été commises. Il se peut également que des enquêtes soient en cours et que je n'en sois pas au courant. Or, selon les renseignements dont je dispose, je n'ai aucune raison de croire que les élections n'étaient pas libres et justes.

Ryan Turnbull: D'accord. Merci.

Dans la même veine, avez-vous des raisons de croire que les élections fédérales de 2019 ou de 2021 ont été perturbées ou compromises par l'ingérence étrangère?

Stéphane Perrault: Je n'ai aucun renseignement ou preuve à cet égard.

Je dirais que nos relations avec les organismes de sécurité nationale nous permettent de savoir — et nous le savions avant les élections — qu'il y avait un certain risque à cet égard et que certains pays semblaient vouloir perturber les élections ou s'y ingérer. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons tenu une réunion avec les partis politiques et les organismes de sécurité nationale pour sensibiliser les divers joueurs et établir une relation avec eux pour protéger les élections.

Ryan Turnbull: Quelles mesures avez-vous prises pour protéger les élections? Je suis certain que vous pouvez nous donner des exemples précis.

Stéphane Perrault: Par exemple, nous travaillons avec les experts en cybersécurité et le gouvernement du Canada pour sécuriser nos infrastructures de sorte que nous puissions tenir les élections et que nous ne soyons pas victimes de cyberattaques.

Nous prenons aussi d'importantes mesures pour informer les Canadiens et les médias des procédures que nous suivons pour nous assurer que le vote est juste. Nous avons un rôle de communication à jouer pendant les élections afin d'éduquer les Canadiens et de les aider à comprendre leurs droits, et ce qu'ils doivent faire. Nous offrons aussi une formation aux partis et aux candidats au sujet de leurs obligations — financières et en matière de déclaration —, alors nous réalisons un large éventail d'activités pour assurer la justesse des élections.

Ryan Turnbull: D'accord. C'est excellent.

Avez-vous des raisons de croire que la capacité des Canadiens à voter a été compromise d'une quelconque façon par l'ingérence étrangère dans les élections générales de 2019 ou de 2021?

Stéphane Perrault: De façon générale, je dirais que non. Comme je l'ai déjà dit aux membres du Comité, des renseignements erronés au sujet du processus de vote ont été diffusés. Il est très difficile de déterminer si ces renseignements ont été diffusés par une source canadienne ou une source étrangère. Quelle qu'en soit la source, nous avons rectifié l'information.

Ryan Turnbull: Merci.

En ce qui a trait au financement des élections, je comprends — vous l'avez dit et je crois que M. Cooper y a aussi fait référence dans le cadre de ses questions — qu'il y avait des limites relatives aux contributions étrangères destinées aux candidats, en ce sens qu'elles ne sont pas permises. C'est une bonne chose; tout le monde en convient.

Comment nos règles de financement des élections se comparent- elles à celles des autres administrations dans le monde? Selon ce que je comprends, nos règles sont très strictes, ce qui est bon pour nous. Pourriez-vous nous en parler plus en détail?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, je crois que dans l'ensemble, nous avons un régime très robuste en matière de financement politique, qui comprend une association de financement privé et public, ce qui est sain, à mon avis. Nous avons des règles strictes en matière de divulgation et de faibles limites de contribution. Nous réglementons un large éventail d'entités politiques, que ce soit les candidats, les associations de circonscription, les partis politiques ou les candidats à la direction. Le régime est donc très étendu.

Il n'y a rien de parfait. J'ai fait des recommandations en vue d'améliorer le régime, mais je dirais que dans l'ensemble, il est très robuste.

Ryan Turnbull: Pouvez-vous nous dire quels sont les protocoles en place à Élections Canada lorsqu'un candidat contrevient à la Loi électorale canadienne?

Stéphane Perrault: Si nous avons des raisons de croire ou même de soupçonner qu'il y a contravention à la loi, nous renvoyons le dossier à la commissaire afin qu'elle procède à une enquête.

Ryan Turnbull: Lorsque Élections Canada est avisé du non- respect des lois financières par une campagne, comment le bureau réagit‑il? Est‑ce que vous en avisez la commissaire afin qu'elle lance une enquête?

Stéphane Perrault: C'est à la commissaire de décider si les faits justifient le déclenchement d'une enquête ou d'un examen.

Ryan Turnbull: Merci, monsieur Perrault.

La présidente: Merci, monsieur Turnbull. La parole est maintenant à Mme Gaudreau.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau (Laurentides—Labelle, BQ):

Merci, madame la présidente.

Pour être très honnête, je dois dire qu'il y a eu énormément d'informations. J'avais beaucoup de questions à poser, mais je vais revenir à la base.

J'ai bien compris les enjeux liés à la cybersécurité ainsi que les mesures ou les procédures à suivre. Monsieur Perrault, vous avez dit que les médias et les individus étaient bien au courant. Pourriez- vous nous en dire davantage à cet égard? Peut-être que l'interprétation ne s'est pas faite correctement.

Je vous explique ce que je veux dire. D'une certaine façon, on nous dit qu'on essaie d'agir contre les gens qui ont de mauvaises intentions. Au bout du compte, il y a effectivement des gens ici qui cherchent le pouvoir ou qui ne veulent pas le perdre. De votre point de vue, que peut-on retenir de vos échanges pour s'assurer que les citoyens ont confiance en notre démocratie? Est-ce qu'Élections Canada a tout le nécessaire pour déterminer que la Loi électorale du Canada est conforme ou bien qu'elle est insuffisante?

J'aimerais que vous nous parliez des mesures dont vous disposez et de ce qui manque. Je sais très bien que nous allons discuter avec Mme la commissaire, mais je vous laisse le temps de répondre à ma question.

Stéphane Perrault: Il est important que les membres du Comité ainsi que les gens qui nous écoutent comprennent qu'assurer la sécurité de l'élection n'est pas que l'affaire d'Élections Canada. Quand on parle de ce qu'on fait pour s'assurer que les élections sont justes et pour assurer leur sécurité, il faut comprendre que beaucoup d'intervenants ont un rôle à jouer. Par exemple, les forces policières locales peuvent agir lorsqu'il y a de l'interférence, et je ne parle pas ici d'interférence au sens d'ingérence étrangère, mais plutôt d'enjeux liés à sécurité publique. De plus, lors de la dernière élection, les organismes de santé publique provinciaux et fédéraux avaient un rôle à jouer. Il y a donc beaucoup d'intervenants.

En matière de sécurité nationale, il y a les agences de sécurité nationale. Je sais que le Comité va entendre des représentants du Service canadien du renseignement de sécurité. Le Centre canadien pour la cybersécurité nous appuie pour ce qui est de la sécurité de notre infrastructure TI. C'est donc l'affaire de plusieurs.

Dans le cas d'Élections Canada, il faut distinguer le rôle du directeur général des élections et celui de la commissaire aux élections fédérales. Le DGE est responsable de l'application de la Loi, et cela inclut le fait de s'assurer que les Canadiens comprennent leurs droits et la façon de voter. Le DGE doit aussi s'assurer que les candidats et les partis comprennent leurs obligations, entre autres celles découlant des règles en matière de financement politique, et qu'ils savent ce qu'ils peuvent accepter ou ne pas accepter. À cet égard, on prépare des manuels et on donne de la formation. Il y a donc un ensemble d'activités qui ont cours pour s'assurer que le régime fonctionne correctement.

S'il y a des cas où il y a des infractions potentielles à la Loi, c'est le rôle de la commissaire et de son bureau de faire enquête, de façon indépendante d'Élections Canada.

Quand on parle des différents acteurs, il est important de comprendre qu'ils ont des obligations redditionnelles bien distinctes. Personnellement, je me rapporte au Parlement par l'entremise de ce comité-ci; je ne me rapporte pas à un ministre, contrairement aux agences de sécurité nationale.

Par conséquent, nous faisons bien attention de parler de nos zones de responsabilités et de nos mandats respectifs, tout en assurant une bonne collaboration entre les différents ministères et les différentes agences.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Comment justifier les lacunes actuelles en matière d'information? D'un côté, les médias nous apprennent qu'il y a suffisamment d'éléments permettant de dire qu'il y a apparence d'ingérence étrangère dans 11 circonscriptions. De l'autre, on nous dit que ce n'est pas vrai, qu'on n'a pas été mis au courant et qu'on essaie de mettre des bâtons dans les roues.

Quel est le travail d'Élections Canada, alors qu'on voit que la commissaire est en train de faire des enquêtes? Je ne comprends plus rien. Aidez-moi: que puis-je dire aux citoyens de ma circonscription à propos des dernières élections?

Stéphane Perrault: De façon générale, je pense qu'on peut parler d'élections qui sont justes. Je n'ai pas de raison d'en douter.

Il faut faire attention quant aux articles de journaux et aux médias. Je ne veux pas remettre en cause le travail journalistique, mais il n'y a pas eu d'enquête. On ne sait pas ce qui est arrivé ni quelles circonscriptions sont visées. On ne sait pas si de l'argent a été donné à des candidats pour leur campagne ou à des fins personnelles. Est-ce qu'on parle de corruption d'individus ou d'influence dans le financement des élections? Je n'ai pas cette information.

Il faut donc faire attention, à la lecture d'un article médiatique, avant de se prononcer sur l'équité d'une élection et les conséquences que cela peut entraîner. Cela dit...

Mme Marie-Hélène Gaudreau: J'enchaîne avec ma dernière question, parce qu'il ne me reste plus qu'une trentaine de secondes.

Selon votre expertise, la Loi électorale du Canada est-elle solide? Avons-nous tout ce qu'il faut?

Stéphane Perrault: Je pense que nous avons un excellent régime. Cela dit, certains éléments pourraient être améliorés. J'en ai d'ailleurs fait part au Comité et, au besoin, je pourrais en dire plus à cet égard. Somme toute, de façon générale, je pense que notre régime de financement politique fait l'envie d'à peu près tous les autres régimes dans le monde.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je m'en réjouis.

Tantôt, on parlait des mesures et des étapes à suivre. Bien sûr, comme vous le dites, la commissaire doit faire son enquête. Toutefois, une fois que vous aurez cette information, quelles seront les étapes à suivre pour la divulguer à qui de droit? Tantôt, vous avez parlé de ministres et du gouvernement en entier.

Quel est le processus de divulgation à cet égard?

Stéphane Perrault: On ne sait pas s'il y a des faits qui mèneraient à une enquête. Je répète qu'il s'agit simplement d'un article de journal. On peut faire des hypothèses en lisant un article; nous le faisons tous, c'est normal. On peut supposer que de l'argent a servi à financer des campagnes. Si c'est le cas et qu'il y a des éléments de preuve, ceux-ci doivent être transmis à la commissaire. Toutefois, je ne sais pas si c'est le cas. Si la commissaire décide de faire une enquête parce qu'elle juge qu'il y a suffisamment d'éléments pour le faire, l'enquête suivra son cours. Normalement, à la fin de l'enquête, la commissaire prendra des mesures, qui deviendront publiques ou non, selon l'issue de l'enquête.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente: Merci à vous.

Monsieur Blaikie, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

Daniel Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'ai bien compris les commentaires de M. Perrault, alors je ne lui poserai pas de question sur les détails de l'affaire qui a été rapportée.

Ces allégations ont été faites dans les médias. La question a été soulevée à la Chambre. Au cours de la fin de semaine, le premier ministre a fait valoir qu'on ne lui avait pas donné d'information sur ces 11 candidats. Je crois que, sur le plan de la confiance du public, une telle déclaration aurait été utile plus tôt dans le processus.

Perrault a l'habitude de parler des élections et d'inspirer la confiance du public à l'égard du processus électoral. Je crois qu'il y a une tension, dans l'esprit de la population, entre les allégations qui ont fait surface, le premier ministre qui a dit ensuite n'avoir été au courant de rien et les questions qui sont posées.

À votre avis, que devraient faire le gouvernement, Élections Canada ou d'autres joueurs pour aider les Canadiens qui veulent pouvoir faire confiance à ce processus, mais qui ne sont pas satisfaits, jusqu'à maintenant, de ce qui a été dit? La population pense peut-être que le processus est acceptable, mais elle se pose tout de même des questions.

Y a‑t‑il un processus qui pourrait aider? Je comprends que vous n'êtes pas responsable de décider de ce qui justifie une enquête. C'est le travail de la commissaire. On a proposé, à la Chambre des communes, de demander au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement de se pencher sur la question.

Y a‑t‑il une organisation ou un groupe qui pourrait s'engager dans un processus pour accroître la confiance des Canadiens à l'égard des élections?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, je crois comprendre que le Comité recevra des représentants du SCRS. Ils auront peut-être des renseignements à transmettre au Comité sur le processus suivi en pareil cas. Je ne peux pas répondre à leur place. Je le répète, je trouve très important que les responsabilités soient distinctes. Je tiens coûte que coûte à l'indépendance d'Élections Canada, mais il faut aussi respecter l'indépendance des autres organismes.

Ce que je peux dire pour rassurer la population canadienne, c'est qu'avant les élections de 2019 et certainement avant celles de 2021, les diverses institutions qui ont un rôle à jouer étaient très au fait de la question. Non seulement elles en avaient conscience, mais elles travaillaient activement à faire part de leurs préoccupations à tous les partis politiques en les convoquant à des séances d'information. Nous les avons invités à une réunion du Comité consultatif des partis politiques en février 2019, avant les élections, et je sais qu'il y a eu d'autres séances d'information à leur intention. Tout était en place pour faire face à ces enjeux.

Je ne peux pas vous parler des mesures qui ont été prises et des institutions qui ont transmis des renseignements; cela dépasse mon mandat. Toutefois, tout était en place; tous étaient aux aguets.

Daniel Blaikie: Il a été proposé à la Chambre des communes de rendre publics les noms des 11 candidats. Avez-vous des conseils à donner au Comité ou au gouvernement sur les conséquences possibles de prendre une telle mesure sans suivre une procédure équitable?

Devrions-nous être au fait de conséquences possibles, qu'elles soient positives ou négatives?

Stéphane Perrault: Je trouve toujours important de réaffirmer le principe de la primauté du droit. Contrairement à d'autres pays, nous sommes une démocratie fondée sur la primauté du droit et nous devons respecter la procédure, y compris la confidentialité des enquêtes. Lorsqu'une poursuite est justifiée, il faut suivre la procédure judiciaire. Certes, nous devons avoir confiance que les institutions qui ont été mises sur pied pour faire respecter la primauté du droit font leur travail, mais nous ne devons pas chercher à prendre leur place.

Il faut sensibiliser la population à cet enjeu, et je pense que le travail du Comité contribue à cela. Toutefois, il faut aussi se plier aux règles.

Daniel Blaikie: Le rapport que vous avez publié au sujet des 43e et 44e élections générales — je crois que c'était en juin, mais corrigez-moi si j'ai tort — est intitulé: Répondre aux nouveaux défis: Recommandations du directeur général des élections du Canada à la suite des 43e et 44e élections générales. Sauf erreur, ce rapport contient une mention expresse de l'ingérence étrangère, à la section 4.2, « Élargir la portée des interdictions en vigueur ».

Pouvez-vous nous fournir plus de détails sur cette partie de votre rapport? Selon vous, quel effet la mise en œuvre de la recommandation qui s'y trouve aurait-elle sur la prévention de l'ingérence étrangère dans les élections canadiennes?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, la disposition en question a été promulguée en 2019 et elle a une portée extraterritoriale. Elle vise diverses mesures considérées comme exerçant une influence indue aux termes de la Loi électorale du Canada.

Contrairement à d'autres dispositions, celle‑ci s'applique uniquement durant la période électorale. Bien entendu, je suis d'avis que la période pendant laquelle elle s'applique devrait être élargie. Dans mon rapport, je recommande que les interdictions soient étendues au minimum à la période préélectorale, mais le Comité pourrait considérer la possibilité de la rendre applicable en tout temps.

Cette recommandation porte expressément sur l'ingérence étrangère. Comme je l'ai dit durant ma dernière comparution, puisque l'ingérence étrangère peut prendre diverses formes, d'autres dispositions de la loi sont aussi pertinentes dans ce contexte, même si elles ne se rapportent pas directement à l'ingérence étrangère. Je pense notamment aux dispositions sur la désinformation et sur l'usurpation d'identité d'un candidat.

La présidente: Merci.

Je voulais vous permettre d'aller au bout de votre pensée, mais je ne peux pas être trop indulgente.

Je vous remercie. [Français]

Monsieur Berthold, vous avez la parole pour cinq minutes.

Luc Berthold (Mégantic—L'Érable, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.

Monsieur Perrault, merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Nous sommes ici parce qu'un article de Global News a révélé qu'un réseau clandestin étranger aurait financé 11 candidats pour leur campagne électorale, ce qui pourrait avoir influé sur le résultat de certaines élections.

Le directeur général des élections est nommé directement par le Parlement. Vous êtes donc le représentant désigné par la population et les élus pour s'assurer que les élections se déroulent bien au Canada. J'ai relu votre mandat, qui consiste entre autres à « surveiller l'observation de la législation électorale ». De plus, vous comptez parmi vos valeurs « la confiance du public sans cesse méritée et maintenue ».

Qu'est-ce que cela prend pour que le directeur général des élections, qui est responsable du processus électoral au Canada, en vienne à la conclusion qu'une élection a été influencée par de l'ingérence étrangère?

Stéphane Perrault: Cela en prend certainement plus qu'un article de journal. Je répète que j'ai beaucoup de respect pour les journalistes, mais je ne peux pas me fier à un article de journal.

Soit dit en passant, la question comportait de nombreux sous-entendus, cependant rien de tout cela n'a été confirmé par cet article. D'abord, on ne sait pas si l'argent a servi aux campagnes des candidats. L'article ne le dit pas. Même si on prête foi à l'article, on ne sait pas à qui est allé cet argent ni à quelle fin il a servi. On parle essentiellement de ce que j'appellerais des tentatives de corruption ou d'achat d'influence. Ce ne sont pas nécessairement des tentatives visant à influencer l'élection.

Luc Berthold: Mettons de côté cet article.

Le directeur général des élections doit, à un moment donné, faire un rapport et certifier le résultat de l'élection en disant qu'elle a été menée correctement et qu'il n'y a pas eu d'influence étrangère.

À quel moment le directeur général des élections va-t-il dire qu'il a des craintes? Combien de circonscriptions doivent être visées, combien d'allégations et d'enquêtes doit-il y avoir avant que le directeur général des élections dise qu'il a des inquiétudes et qu'il est possible que le résultat de certaines élections ait été influencé par des activités d'ingérence étrangère?

Stéphane Perrault: Après chaque élection, je remets un rapport au Parlement, qui fait l'objet d'une discussion à ce comité-ci. Si j'ai des préoccupations concernant l'équité de l'élection, je n'hésiterai jamais à en faire rapport. Si vous lisez mon rapport préparé à la suite de la dernière élection, vous verrez que j'ai été très transparent quant à ce qui avait bien fonctionné et ce qui avait moins bien fonctionné. À ce moment, rien ne m'indiquait précisément qu'il y avait eu ingérence étrangère, et c'est encore le cas aujourd'hui. J'étais cependant au courant des risques, et mon travail consiste à travailler avec les partis et avec les partenaires des agences de sécurité nationale pour sensibiliser les participants aux risques.

La mécanique de la Loi est suivie: je fais rapport au Comité et je transmets, de façon très transparente, les préoccupations que je peux avoir quant à la conduite des élections, sans nécessairement y mettre une étiquette sur ce qui se passe dans une, onze ou trois circonscriptions.

Luc Berthold: C'est là que je veux en venir.

Je vous soumets une hypothèse, parce que je veux vraiment savoir comment cela fonctionne. Si, un jour, vous appreniez qu'il y avait eu de l'ingérence étrangère et que cela avait influé sur les résultats d'une campagne dans une circonscription, diriez-vous que cela a eu des répercussions sur le résultat de l'élection?

Stéphane Perrault: Il s'agit effectivement d'une bonne question.

Il est extrêmement difficile de tracer une ligne de causalité entre les irrégularités financières et le résultat de l'élection. C'est difficile même quand on parle de dépenses. Il arrive parfois que les dépenses d'une campagne dépassent le plafond établi. Or, il est extrêmement difficile de tirer une conclusion quant aux conséquences qu'un dépassement des dépenses aurait pu avoir sur les résultats dans une circonscription donnée.

Il existe cependant un mécanisme pour cela: la contestation de l'élection. Si quelqu'un croit que les résultats de l'élection ont été influencés, il y a un mécanisme qui permet de trancher la question.

Luc Berthold: Quand on dit publiquement que les résultats des élections de 2019 et de 2021 n'ont pas subi d'influence étrangère, c'est donc une affirmation générale. Selon l'information que vous avez, on ne peut rien confirmer; on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu d'influence, mais on ne peut pas non plus présumer que cette influence a modifié les résultats.

Stéphane Perrault: C'est tout à fait cela. Je crois qu'il est très spéculatif de parler de conséquences sur les résultats. Dans l'article en question, on parle de contributions faites à des candidats. À mes yeux, on parle beaucoup moins de la possibilité que cela ait changé le résultat d'une élection que du fait qu'on a pu acheter la loyauté des gens.

Luc Berthold: Cela pourrait aller dans un sens comme dans l'autre.

Stéphane Perrault: Effectivement, ce que dit l'article, c'est que cela pourrait aller d'un côté ou de l'autre.

Luc Berthold: Je ne parle pas nécessairement de l'article, mais je parle en termes plus généraux.

Je vois que mon temps de parole est maintenant écoulé. C'est dommage, car nous nous en allions sur une piste intéressante.

La présidente: Voulez-vous terminer ce que vous aviez commencé à dire, monsieur Berthold?

Luc Berthold: Ce que je veux savoir, c'est à partir de quel moment vous pouvez dire que quelque chose s'est produit dans une circonscription de telle sorte que le résultat général de l'élection a été influencé par une puissance étrangère. À quel moment le directeur général des élections peut-il considérer avoir reçu suffisamment d'informations, de plaintes et de contestations pour dire qu'il y a effectivement eu une influence étrangère, même si cela n'a pas changé le résultat du vote? Qu'est-ce que cela prend pour que le directeur général des élections en vienne à de telles conclusions dans le rapport qu'il remet au Parlement? N'oublions pas que, en tant que directeur général des élections, vous êtes la voix du public.

Stéphane Perrault: C'est une question importante, mais ce n'est pas mon rôle de dire si l'élection tient la route ou non dans telle ou telle circonscription. Mon rôle, c'est de transmettre au Comité ce que je sais quant à la conduite de l'élection. Si un électeur pense que les résultats ont été influencés, le mécanisme prévu pour contester des résultats d'élection, c'est d'aller devant les tribunaux. Seul un tribunal a l'autorité d'annuler une élection. Ce n'est pas le rôle du directeur général de dire cela. Mon rôle, c'est de transmettre aux Canadiens, par l'entremise de ce comité-ci, ce qui s'est passé dans une élection, ce qui a bien été et ce qui a moins bien été.

La présidente: Merci beaucoup. Madame Sahota, vous avez la parole.

[Traduction]

Mme Ruby Sahota (Brampton-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Merci de vous joindre à nous aujourd'hui, monsieur le directeur général des élections.

Ma première question concerne les recommandations dont vous venez de parler. Depuis plusieurs législatures, vous vous présentez devant le Comité et vous faites des recommandations après les élections. Récemment, vous avez formulé des recommandations sur l'ingérence étrangère et sur les modifications à apporter aux règles de financement.

Vos recommandations ont-elles été formulées dans une optique de précaution, ou sont-elles basées sur des exemples que vous pouvez donner au Comité de leçons que vous avez apprises grâce à vos organismes partenaires?

Stéphane Perrault: La liste de recommandations est longue; c'est donc difficile de donner une réponse générale. Par exemple, au moment d'appliquer la loi, on se rend parfois compte qu'elle est inadéquate dans certaines circonstances.

On parle ici de contributions. Mon rapport contient des recommandations visant à améliorer la transparence en ce qui concerne les sources de financement. À l'heure actuelle, des règles interdisent les contributions en espèces de plus de 20 $. Ce n'est pas permis. Toutefois, il n'existe aucune règle sur les cartes de crédit prépayées. Cette question a fait l'objet d'un débat durant une récente course à la direction. J'en ai pris bonne note et je suis aussi d'avis qu'il faut prendre des mesures à cet égard.

Mon rapport aborde également la question des cryptomonnaies. Les cryptomonnaies n'ont jamais été utilisées pour financer des élections au Canada, mais on y a de plus en plus recours aux États- Unis. Quelles règles s'y appliquent? Nous avons des directives à ce sujet, fondées sur les règles actuelles, mais selon moi, les règles actuelles n'assurent pas une transparence suffisante pour ce type de contributions.

Dans le rapport de recommandations, j'examine des enjeux qui ne concernent pas directement l'ingérence étrangère, mais qui pourraient nous aider à nous y attaquer, notamment les contributions.

Mme Ruby Sahota: Je vous remercie pour votre réponse.

Il y a une expression que j'aime beaucoup: « seul un imbécile apprend de ses propres erreurs ». Je suis heureuse de constater que vous tirez des leçons d'autres territoires et d'autres pays pour éviter les problèmes.

Vous avez dit que la population canadienne devait avoir confiance en ses institutions. Vous comptez parmi nos meilleures institutions. Pouvez-vous nous en dire plus sur les moyens par lesquels Élections Canada peut communiquer avec la population canadienne en vue de renforcer sa confiance en vous?

Beaucoup de questions ont été posées au sujet du seuil. Que feriez-vous en cas d'incident? La commissaire mènerait une enquête. Quelle forme cette enquête prendrait-elle? Vous avez dit que l'enquête pourrait être rendue publique, mais elle pourrait aussi être confidentielle.Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet afin de bâtir la confiance de la population canadienne?

Stéphane Perrault: J'estime qu'une des fonctions importantes d'Élections Canada, c'est d'expliquer les règles et la procédure. Ce rôle nous tient à cœur. Durant les dernières élections, par exemple, l'expérience aux États-Unis a suscité des préoccupations liées au vote par correspondance. Nous avons donc délibérément expliqué chaque étape des mesures de contrôle; nous tenions à faire preuve d'une grande transparence et à ce que la population canadienne sache exactement quelles mesures de contrôle sont en place.

Bien entendu, nous ne touchons pas tout le monde, car tout le monde ne consulte pas notre site Web. Toutefois, nous avons des partenaires médiatiques et autres qui nous aident à ouvrir des dialogues sur la sécurité des élections.

Toute personne ayant des renseignements précis sur une infraction à la loi ne devrait pas hésiter à communiquer soit avec mon bureau, soit avec la commissaire. Si la personne joint mon bureau, je transmettrai le dossier à la commissaire. Son mandat est de déterminer si, d'après elle, une enquête ou un examen est justifié et de prendre les mesures qui s'imposent pour y donner suite. Ce processus peut mener à diverses sanctions, de sanctions administratives pécuniaires jusqu'à des poursuites au criminel. Les sanctions et les poursuites sont rendues publiques.

Ces mesures assurent une certaine transparence quant aux événements qui surviennent durant les élections.

Mme Ruby Sahota: Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il fallait faire très attention à ce qu'on dit dans les médias et même au Parlement.

Qu'est‑ce qui vous a poussé à faire une telle affirmation? Quelles sont vos craintes par rapport aux articles qui sont publiés?

Stéphane Perrault: Il faut se garder de tirer des conclusions d'informations qui n'ont pas été prouvées. Je le répète, je dois beaucoup de respect aux médias et aux journalistes, mais en ma qualité de directeur général des élections, je ne peux pas me fier uniquement à des reportages pour arriver à des conclusions, et les autres institutions chargées d'assurer la sécurité des élections non plus.

Mme Ruby Sahota: Qu'arriverait‑il si l'on tirait des conclusions de telles informations?

Stéphane Perrault: On courrait le risque de décrédibiliser le processus électoral dans des situations qui ne le justifient pas. Dans le cas présent, même si l'on ajoute foi aux allégations, on ignore quelles circonscriptions ont été touchées, combien d'argent a été versé et si ce sont les campagnes ou les candidats qui ont reçu des fonds.

Des individus ont-ils été corrompus, ou a‑t‑on cherché à soutenir une campagne? Nous ignorons tous ces détails; il est donc prématuré de tirer des conclusions, même si l'on croit que les allégations sont fondées. Il y a trop peu de faits en ce moment.

La présidente: Je vous remercie. [Français]

Madame Gaudreau, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Merci, madame la présidente.

Je vais rassembler toutes mes idées. Il a été question d'une meilleure transparence et du souci de légiférer pour augmenter la capacité à cibler les possibles tentatives de corruption et d'influence. Ce que j'en comprends, c'est que nous aurons beaucoup d'éléments à soulever lorsque nous aurons l'occasion de poser des questions à la commissaire.

À l'heure actuelle, il est difficile d'avancer des affirmations, parce qu'on n'est pas en mesure de prouver quoi que ce soit. Il faut faire enquête et c'est compliqué. Je me trompe peut-être, mais, en plus de devoir redoubler de vigilance, n'en est-on pas rendu à devoir examiner la situation sous l'angle de la Loi sur le lobbying et de la Loi sur les conflits d'intérêts? On est effectivement rendu loin.

Les électeurs cherchent à avoir davantage confiance dans le système, tous partis confondus, comme on l'a dit ce matin. J'aimerais que vous me rassuriez sur ce plan. Avez-vous des suggestions à nous transmettre? On pourrait commencer par revoir les règles canadiennes entourant la protection de la vie privée, qui sont manifestement défaillantes. Pas plus tard qu'hier, j'étais avec le président de l'Estonie. Nous devrions nous inspirer du modèle de ce pays à ce chapitre.

Quelles seraient vos suggestions? Si le temps vous manque pour nous en faire part, j'aimerais recevoir un rapport de votre part à ce sujet.

Stéphane Perrault: Je veux qu'on fasse attention, ici. Pour ma part, je fais des recommandations sur la Loi électorale du Canada, et je vais continuer d'en faire. On peut ensuite prendre appui sur ces recommandations en vue d'apporter des modifications à cette loi.

Certaines mesures pourraient effectivement aller plus loin. Je vous donne un exemple. On parle ici de contributions possiblement illégales. Normalement, chaque candidat nous soumet un rapport incluant la liste des contributeurs et le tout est révisé par mon bureau, alors comment parvient-on à faire de telles contributions? Si l'argent rentre, cela veut dire qu'il s'agit ou bien d'argent comptant, ce qui est illégal au-delà d'un certain montant et auquel cas une enquête est nécessaire, ou bien de cartes de crédit prépayées, ce que j'ai recommandé qu'on élimine, ou bien de prête-noms, un problème qui est bien connu.

On sait que le Québec a adopté des règles qui vont plus loin que celles du fédéral. On demande le nom des employeurs, ce qui permet de voir s'il y a plusieurs contributions d'un même employeur. Ce n'est pas mentionné dans mon rapport de recommandations, mais les membres du Comité pourraient s'y intéresser. Attention, je ne suis pas en train de supposer que l'employeur, dans ce cas-ci, est l'ambassade de Chine. Quoi qu'il en soit, il y a des moyens de parfaire le régime.

Je répète que mon rôle est de parler de la Loi électorale du Canada, et non des autres régimes qui pourraient être pertinents lorsqu'on a affaire à des cas de corruption.

Mme Marie-Hélène Gaudreau: Je vous remercie beaucoup.

La présidente: Merci, madame Gaudreau.

Monsieur Blaikie, vous avez la parole.

Daniel Blaikie: Merci, madame la présidente.

Perrault a déjà abordé les éléments que contenait ma question. Je vais donc lui demander simplement de continuer de nouparler des recommandations présentées à la section 4.2 de son rapport du mois de juin.

S'il y a d'autres façons dont nous pourrions légiférer pour réduire la possibilité d'ingérence dans nos élections, j'aimerais qu'il nous en fasse part.

Stéphane Perrault: Mon rapport contient une autre recommandation qui s'intéresse à la transparence du financement des tiers et qui inclut la question d'un possible financement étranger de tiers. Nous en avons d'ailleurs parlé la dernière fois que j'ai comparu devant le Comité.

En ce moment, les tiers ne peuvent pas recevoir ni utiliser de contributions d'origine étrangère. Ici, il est important de rappeler qu'un tiers, c'est tout individu ou groupe qui n'est pas un candidat ou un parti politique. Les tiers ont une vie en dehors des élections et ont des sources de revenus qui peuvent être commerciales ou qui peuvent se composer de contributions reçues à des fins générales pour servir les causes qu'ils défendent. Or, si un jour les tiers se décident à se lancer dans une élection, les fonds qu'ils utilisent sont alors considérés comme étant les leurs, en vertu de la Loi, même lorsque ces fonds proviennent de l'étranger, à l'origine. Cela soulève un problème de transparence et possiblement de financement étranger.

Ce que je recommande, c'est qu'on examine la possibilité que les groupes qui reçoivent un certain seuil de financement sous forme de contributions soient tenus d'utiliser, aux fins d'activités règlementées par la Loi électorale du Canada, uniquement des contributions provenant d'un compte bancaire dans lequel ne peuvent se faire que des dons provenant de donateurs canadiens admissibles en vertu de la Loi. Les groupes qui ne reçoivent pas de contributions et qui touchent des revenus commerciaux pourraient continuer à utiliser leurs propres revenus.

C'est une avenue que je suggère au Comité pour traiter de la question de la transparence du financement des tiers, ce qui inclut le possible financement étranger.

Daniel Blaikie: Merci beaucoup, monsieur Perrault.

Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci, monsieur Blaikie. Monsieur Nater, vous avez la parole.

[Traduction]

John Nater (Perth—Wellington, PCC): Merci, madame la présidente.

J'ai aussi droit au reste du temps de parole de M. Blaikie.

Monsieur Perrault, j'aimerais commencer par une question complémentaire.

Lorsque de l'information sur des méfaits réels ou potentiels est portée à votre attention en période électorale, quel est le seuil à atteindre pour que vous estimiez avoir assez d'information pour mettre la population au fait de la menace d'ingérence étrangère?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, il s'agit d'une question hautement théorique puisque normalement, les violations financières ne sont pas mises au jour durant la période électorale. Je n'ai jamais été témoin d'une telle situation.

Je le répète, notre régime repose sur la primauté du droit. Si je crois avoir la preuve qu'il y a eu contribution illégale ou violation de la loi, j'ai la responsabilité de renvoyer l'affaire à la commissaire. Il serait prématuré pour moi de parler d'une violation avant la fin de l'enquête de la commissaire.

John Nater: Je vous remercie pour votre réponse.

Durant votre déclaration préliminaire, vous avez répété qu'avant les élections de 2019, des inquiétudes avaient été exprimées au sujet des risques d'ingérence étrangère. Il s'agissait de vos premières élections à titre de directeur général des élections, mais vous travailliez pour l'organisme depuis plusieurs années déjà. J'aimerais savoir ce qui a changé, d'après vous, entre 2015 et 2019. Pourquoi les risques étaient-ils plus clairs en 2019 que durant les élections précédentes?

Stéphane Perrault: La réponse, c'est que les élections présidentielles américaines de 2016 ont rendu les risques très clairs. À la suite de ces élections, j'ai rencontré des représentants du Bureau du Conseil privé; je crois que c'était en janvier ou en février. Je suis aussi entré en contact avec le Centre de la sécurité des télécommunications pour commencer à préparer les élections canadiennes parce que j'avais compris que les choses avaient changé.

Dans le passé, on s'inquiétait principalement que les élections soient perturbées par des catastrophes naturelles ou des affaires policières, mais d'une nature différente.

Je ne crois pas avoir été le seul à tirer cette conclusion. Le comité qui a été mis sur pied a pris de nombreuses mesures. Différents intervenants ont réagi, mais quant à moi, c'est à ce moment‑là que les risques sont devenus clairs.

John Nater: Maintenant que les élections de 2019 et de 2021 sont passées, selon vous, d'où viendra le plus grand risque d'ingérence étrangère pendant les prochaines élections? Dorénavant, qu'est‑ce qui pose le plus grand risque?

Stéphane Perrault: C'est une très bonne question à poser au SCRS. C'est le SCRS qui me fournit les renseignements à ce sujet, et nous continuerons à nous rencontrer.

Jusqu'à maintenant, les informations que nous détenons proviennent principalement du rapport publié par le SCRS avant les élections de 2021. La situation pourrait évoluer. Je n'ai aucune raison de douter que nous allons continuer à échanger des renseignements pendant que nous préparons les prochaines élections.

John Nater: Je vous remercie, monsieur Perrault.

Madame la présidente, je cède la parole à M. Cooper.

Michael Cooper: Merci, madame la présidente.

Monsieur Perrault, je sais que vous ne pouvez pas vous prononcer sur le contenu de l'article publié par Global News, mais je vais vous poser une question hypothétique basée sur cet article.

Disons qu'un consulat étranger avait versé 250 000 $ dans la campagne de candidats aux élections fédérales par l'intermédiaire de mandataires. Tout d'abord, êtes-vous d'avis que de telles activités contreviennent à plusieurs articles de la Loi électorale du Canada?

Stéphane Perrault: Tout à fait.

Michael Cooper: Ces activités hypothétiques pourraient être considérées comme des infractions, notamment, à l'article 363, qui interdit le versement de fonds de l'étranger aux candidats; à l'article 367, qui plafonne les contributions à 1 500 $ par personne; à l'article 368, qui interdit à toute personne ou entité d'esquiver ou de tenter d'esquiver l'interdiction d'utiliser des fonds de l'étranger ou un plafond des contributions, ainsi que de cacher ou de tenter de cacher l'identité de l'auteur d'une contribution, et d'agir de concert avec d'autres personnes ou entités en vue d'accomplir un tel fait; et l'article 370, qui interdit les contributions indirectes provenant d'autres personnes ou entités.

Êtes-vous d'avis que tous ces articles pourraient être mis en œuvre?

Stéphane Perrault: À première vue, hypothétiquement, oui.

Michael Cooper: On entend souvent dire que dans l'ensemble, les élections étaient libres et justes. Or, cela n'écarte pas la possibilité qu'il y ait eu de l'ingérence ou des activités illégales, n'est‑ce pas? Il se peut que des violations de la Loi électorale du Canada n'aient pas d'incidence sur l'intégrité globale des élections. Êtes-vous d'accord avec moi là‑dessus?

Stéphane Perrault: Madame la présidente, malheureusement, des affiches sont toujours détruites durant les élections. Toutes sortes d'irrégularités sont commises, mais elles ne minent pas l'intégrité globale des élections. Ce n'est pas pour dire que ces comportements sont justes ou acceptables; toutefois, il y a une grande différence entre reconnaître la présence de comportements illégaux et tirer des conclusions sur les résultats des élections.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Fergus, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

L’hon. Greg Fergus (Hull—Aylmer, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

J'aimerais remercier M. Perrault de sa présentation.

Monsieur Perrault, vous êtes le quatrième directeur général des élections que j'ai le privilège de rencontrer dans ma vie, après Hamel, M. Kingsley et M. Mayrand. Nous avons une longue et belle tradition au Canada.

J'aimerais juste confirmer que vous croyez que le Canada se dote des meilleurs mécanismes et règlements au monde pour assurer la bonne tenue des élections.

Stéphane Perrault: Je pense que, dans l'ensemble, le Canada a un excellent régime.

L'une des choses qui font que nous avons un excellent régime, c'est que celui-ci est revu régulièrement. D'ailleurs, ce comité-ci joue un rôle important à cet égard. Après chaque élection, le directeur général des élections fait des rapports, tire des leçons de l'élection et recommande des changements à la Loi. Mes prédécesseurs l'ont fait et je le fais à mon tour. Ces recommandations sont ensuite examinées avec grand sérieux par le Comité. Il y a une solide tradition qui consiste à mener ces examens de façon non partisane. Le fait qu'on cherche à apporter des améliorations au processus électoral de manière non partisane ajoute énormément à la crédibilité du régime canadien.

L’hon. Greg Fergus: J'imagine que, si tout était à refaire, vous créeriez de la même façon un poste de commissaire aux élections fédérales et un poste de directeur général des élections, pour que des gens qui sont non partisans et qui ont un statut irréprochable dirigent les élections au Canada, n'est-ce pas?

Stéphane Perrault: L'une des caractéristiques qui font que notre régime est solide, c'est que nous avons une administration indépendante des élections et du gouvernement qui est assurée par un directeur général des élections qui est nommé par la Chambre des communes. Ce n'est pas quelque chose qu'on voit partout dans le monde et c'est un aspect important.

L’hon. Greg Fergus: Hier soir, quand j'ai lu les notes que vous nous aviez fournies, j'ai remarqué que vous ne vouliez pas prendre position sur cette question aujourd'hui parce que vous n'aviez pas encore tous les faits et qu'on ne pouvait pas tirer de conclusions en se basant sur le reportage de Global News. Pourquoi êtes-vous de cet avis?

[Traduction]

Stéphane Perrault: La procédure est importante. [Français]

C'est ce que je dirais, tout simplement.

Il faut qu'on s'assure de suivre les procédures en place. On parle ici de possibles violations très sérieuses de la Loi qui entacheraient les élections de façon considérable. Il faut donc prendre le temps de s'assurer que les preuves sont connues et examinées, et que le processus est suivi. Cela inclut le fait d'assurer l'indépendance de la commissaire, qui doit mener ses enquêtes au moyen de tous les outils dont elle dispose, et ce, sans interférence. Il faut faire attention avant de tirer des conclusions.

L’hon. Greg Fergus: Il s'agit pourtant d'allégations sérieuses, et je prends au sérieux ce qui est contenu dans ce reportage, de même que le font tous les autres parlementaires, je crois. J'irais même jusqu'à dire que la vaste majorité des personnes qui osent mettre leur nom sur un bulletin de vote prennent cela au sérieux, peu importe si elles ont ou non de bonnes chances de gagner dans telle ou telle circonscription. Est-ce aussi votre point de vue?

Stéphane Perrault: Certainement. Lorsque des candidats posent leur candidature — vous l'avez fait plusieurs fois —, on leur envoie une lettre dans laquelle on leur rappelle l'importance de respecter la Loi. On leur transmet un message sur l'importance de préserver la réputation des candidats et celle du processus électoral. De plus, on leur rappelle que, s'ils ont des préoccupations ou s'ils voient des gestes qui semblent non conformes à la Loi, ils doivent les rapporter à Élections Canada ou au Bureau du commissaire aux élections fédérales. Tous les participants ont un rôle à jouer, et je n'ai pas l'impression que nous avons ici un système qui est corrompu.

L’hon. Greg Fergus: Quel message pouvez-vous envoyer à M. et Mme Tout‑le‑Monde qui nous écoutent à propos du reportage de Global News? Prenez-vous cela au sérieux? La commissaire aux élections fédérales prend-elle cela au sérieux? Êtes-vous en train d'examiner les allégations faites dans ce reportage?

Stéphane Perrault: C'est certain que tous les participants prennent cela très au sérieux. Je n'ai aucune raison d'en douter.

Comme je l'ai dit dans mon allocution d'ouverture, les organismes de sécurité nationale dont on parle ici étaient très à l'affût de ces questions avant l'élection. Ils nous ont informés en conséquence, et nous avons pu à notre tour transmettre l'information pertinente aux partis politiques. Le commissaire qui était en poste à l'époque prenait aussi cette question au sérieux. La commissaire actuelle a écrit au Comité, et je pense qu'elle a affirmé très clairement qu'elle prenait cela au sérieux.

Le message à envoyer, c'est que nous avons des institutions qui fonctionnent et qu'il faut les laisser faire leur travail.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Fergus. [Traduction]

Au nom des membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, je vous remercie, monsieur Perrault, pour votre présence et pour votre témoignage.

Comme toujours, si vous avez d'autres renseignements à nous transmettre, y compris au sujet de la liste, comme il a été question tout à l'heure, je vous prie de les envoyer au greffier, qui les acheminera aux membres du Comité.

Sur ce, je vous souhaite une bonne journée, à vous et à votre équipe. Continuez votre beau travail.

Merci et bonne journée à toutes et à tous. La séance est levée.

Publié en conformité de l’autorité du Président de la Chambre des communes

PERMISSION DU PRÉSIDENT

Les délibérations de la Chambre des communes et de ses comités sont mises à la disposition du public pour mieux le renseigner. La Chambre conserve néanmoins son privilège parlementaire de contrôler la publication et la diffusion des délibérations et elle possède tous les droits d’auteur sur celles-ci.

Il est permis de reproduire les délibérations de la Chambre et de ses comités, en tout ou en partie, sur n’importe quel support, pourvu que la reproduction soit exacte et qu’elle ne soit pas présentée comme version officielle. Il n’est toutefois pas permis de reproduire, de distribuer ou d’utiliser les délibérations à des fins commerciales visant la réalisation d'un profit financier. Toute reproduction ou utilisation non permise ou non formellement autorisée peut être considérée comme une violation du droit d’auteur aux termes de la Loi sur le droit d’auteur. Une autorisation formelle peut être obtenue sur présentation d’une demande écrite au Bureau du Président de la Chambre des communes.

La reproduction conforme à la présente permission ne constitue pas une publication sous l’autorité de la Chambre. Le privilège absolu qui s’applique aux délibérations de la Chambre ne s’étend pas aux reproductions permises. Lorsqu’une reproduction comprend des mémoires présentés à un comité de la Chambre, il peut être nécessaire d’obtenir de leurs auteurs l’autorisation de les reproduire, conformément à la Loi sur le droit d’auteur.

La présente permission ne porte pas atteinte aux privilèges, pouvoirs, immunités et droits de la Chambre et de ses comités. Il est entendu que cette permission ne touche pas l’interdiction de contester ou de mettre en cause les délibérations de la Chambre devant les tribunaux ou autrement. La Chambre conserve le droit et le privilège de déclarer l’utilisateur coupable d’outrage au Parlement lorsque la reproduction ou l’utilisation n’est pas conforme à la présente permission.

Aussi disponible sur le site Web de la Chambre des communes à l’adresse suivante : https://www.noscommunes.ca

Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (SITE)

Messages supplémentaires

Faits et chiffres à l’appui

Contexte

En tant que membre du Groupe de travail SITE, le MRR du Canada tire parti de son réseau du MRR du G7 pour partager les enseignements tirés et les évaluations sur le plan international afin d’éclairer les pratiques du Groupe de travail SITE. Il sert également de système d’alerte précoce en produisant des analyses de données de sources ouvertes sur les menaces étrangères à la démocratie, en mettant l’accent sur les tactiques de désinformation.

Au cours de la 43e élection générale, le MRR du Canada a organisé une formation sur l’ingérence étrangère à l’intention des ministères et organismes concernés, a contribué aux séances d’information sur les menaces à l’intention des hauts fonctionnaires, des partis politiques et des médias, et a produit des rapports quotidiens pour le groupe de 5. Il a également passé un contrat avec le laboratoire de recherche judiciaire numérique du Conseil de l’Atlantique pour qu’il rende compte de la désinformation étrangère.

Mécanisme de réponse rapide (MRR)

Messages supplémentaires

Faits et chiffres à l’appui

Mise à jour

En mars 2022, le premier ministre a annoncé un financement supplémentaire pour le MRR du Canada afin de continuer à diriger le MRR du G7, financement qui a été fourni dans le cadre du budget de 2022. D’autre part, en août 2022, le premier ministre a annoncé la création d’une unité spécialisée dans l’Europe de l’Est au sein du MRR du Canada afin d’améliorer les efforts déployés par le Canada pour comprendre, surveiller et détecter la désinformation russe et d’autres désinformations parrainées par l’État.

Définitions clés

Protocole public en cas d’incident électoral majeur (PPIEM)

Messages supplémentaires

Mise à jour

Une évaluation indépendante du Protocole, de sa mise en œuvre et de son efficacité dans la lutte contre les menaces est requise après chaque élection. Grâce à l’examen de documents, à des entretiens et à des recherches, un examen approfondi est réalisé et un rapport classifié contenant des conclusions et des recommandations est présenté au premier ministre et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement (CPSNR). Une version non classifiée est ensuite rendue publique.

Une évaluation indépendante des élections fédérales de 2021 est actuellement menée par M. Morris Rosenberg, ancien sous-ministre des Affaires étrangères, de la Justice et procureur général du Canada. Une version non classifiée de ce rapport, comprenant ses conclusions et recommandations, devrait être présentée prochainement.

Faits et chiffres à l’appui

Contexte

Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur est un mécanisme permettant aux hauts fonctionnaires (le groupe d’experts) de communiquer de manière claire, transparente et impartiale avec les Canadiens pendant une élection en cas d’incident menaçant l’intégrité d’une élection fédérale. Mis en œuvre pour la première fois en 2019, le Protocole a fait l’objet d’une évaluation indépendante à la suite de la 43e élection générale, et a été renouvelé et mis à jour pour les élections à venir. Le Protocole public en cas d’incident électoral majeur a un mandat limité. Il est mis en place pour répondre aux incidents qui se produisent pendant la période de transition et qui ne relèvent pas des domaines de responsabilité d’Élections Canada.

Le Protocole comprend des dispositions pour : informer les candidats, les organisations ou les responsables électoraux s’ils ont été la cible connue d’une attaque; informer le groupe de hauts fonctionnaires au cœur du Protocole; informer le premier ministre et les autres chefs de parti (ou leurs représentants) qu’une annonce publique est prévue; et informer le public.

Le Protocole est composé du greffier du Conseil privé, du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, du sous-ministre de la Justice et du sous-procureur général, du sous-ministre de la Sécurité publique et du sous-ministre des Affaires étrangères, qui sont chargés de déterminer conjointement si le seuil pour informer les Canadiens a été atteint, qu’il s’agisse d’un incident unique ou d’une accumulation d’incidents.

Avant les élections générales de 2021, le groupe d’experts a commencé à se réunir en mai 2021. Au total, l’équipe s’est réunie quatre fois avant le début de la période électorale en août. Le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections (SITE) a informé le groupe d’experts au sujet de l’environnement des menaces. Le groupe d’experts a commencé à travailler sur des scénarios afin d’en arriver à une compréhension commune du seuil d’intervention.

L’élection de 2021 a été convoquée le 15 août. À compter de cette date et jusqu’au jour de l’élection, le 20 septembre, le groupe d’experts a tenu six réunions hebdomadaires. Le Groupe SITE donnait une séance d’information sur toute information ou tout renseignement dont il disposait au moment de chaque réunion du groupe, et il incombait à ce dernier de déterminer si le seuil était atteint ou si d’autres interventions étaient nécessaires sur la base des renseignements fournis. Aucune des informations présentées lors de ces séances d’information n’a permis d’atteindre le seuil.

Rôle d’Affaires mondiales Canada (AMC) dans la réponse à l’ingérence étrangère

Messages supplémentaires

Cyberdiplomatie

Initiative cybernétique dans l’Indo-Pacifique

Contexte

En collaboration avec d’autres membres de la communauté de la sécurité et du renseignement, notamment le Centre de la sécurité des télécommunications (CST), le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le ministère de la Défense nationale (MDN) et le ministère de la Sécurité publique (SP), AMC s’emploie activement à protéger le Canada contre ces comportements en évaluant et en comprenant les menaces étrangères, tout en veillant à ce que les intérêts du Canada en matière de politique étrangère soient pris en compte dans le cadre de ces initiatives. Les principaux secteurs d’activité et initiatives sont les suivants :

La menace posée par la République populaire de Chine (RPC), y compris les activités malveillantes ciblant les institutions démocratiques, les communautés et la prospérité économique du Canada (voir les onglets 012 et 014), est particulièrement préoccupante. Le programme cybernétique parrainé par l’État chinois, les rapports faisant état de harcèlement et d’intimidation de militants des droits de la personne et de membres de la diaspora chinoise au Canada, ainsi que les rapports signalant l’existence de « postes de police » illicites de la RPC dans la région du Grand Toronto en sont des exemples clés. La désinformation en provenance de la Russie est une préoccupation croissante au Canada et à l’échelle mondiale (voir l’onglet 013).

Désinformation – Chine

Mise à jour

Contexte

Désinformation – Russie

Messages supplémentaires

Mise à jour

Contexte

La machine de désinformation et de propagande de la Russie, notamment dans le contexte de l’Ukraine, emploie cinq tactiques principales, selon un rapport public publié par le département d’État l’année dernière. Selon ce rapport, le Kremlin :

  1. fait usage des communications officielles du gouvernement, y compris les déclarations et les messages sur les médias sociaux;
  2. s’appuie sur des médias financés par l’État, tels que RT ou Sputnik TV;
  3. cultive des sources mandataires, y compris des organes de presse alignés sur la Russie ou des sites Web parallèles, qui produisent des contenus qui sont ensuite amplifiés volontairement ou involontairement;
  4. fait usage des médias sociaux comme d’une arme en employant de faux comptes ou en amplifiant les discours polarisants dans les sociétés occidentales afin de saper la confiance et la cohésion sociale;
  5. utilise des moyens cybernétiques pour acquérir ou falsifier des informations et perturber la communication. On pense notamment aux fausses allocutions par vidéo du président Zelensky et aux fausses lettres envoyées récemment par des fonctionnaires ukrainiens et polonais.

Avant les élections, dans le cadre de ses pratiques habituelles, AMC informe toutes les missions étrangères au Canada qu’elles doivent respecter la période électorale et s’abstenir d’exprimer des points de vue qui touchent les relations bilatérales. Cette notification est envoyée par courrier électronique pour rappeler les obligations découlant de la Convention de Vienne.

Allégations d’ingérence chinoise dans la 43e élection générale

Messages supplémentaires

Sur les liens avec les rapports faisant état de postes de police de la RPC au Canada :

Faits et chiffres à l’appui

Relations bilatérales entre le Canada et la Chine

Messages supplémentaires

Mise à jour

La ministre Joly a eu une rencontre informelle avec le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en marge du sommet du G20, le 15 novembre 2022. Mme Joly a évoqué la guerre en Ukraine, la Corée du Nord, la COP15 et l’ingérence présumée de la Chine.

La ministre Joly a également rencontré le ministre des Affaires étrangères Wang le 8 juillet 2022, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 en Indonésie. Il s’agissait de leur première interaction en personne.

Fin octobre, l’ambassadrice Jennifer May est arrivée à Beijing en tant que nouvelle ambassadrice du Canada en Chine.

Faits et chiffres à l’appui

Allégations de « postes de police » de la RPC et engagement diplomatique récent

Messages supplémentaires

Contexte

« Postes de police » chinois

Représentations auprès de l’ambassade de la RPC – « postes de police » chinois

Ingérence étrangère – Chine

Contexte

Ingérence étrangère (général)

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