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Comparution de la sous-ministre des Affaires étrangères devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC) sur l’ingérence électorale étrangère

Le 13 juin 2023
Publié : le 25 janvier 2024

Table des matières

  1. Note de scénario
  2. Mot d’ouverture d’USS
  3. Biographies des membres du PROC
  4. Aperçu et analyse de la couverture par la presse et les médias sociaux
  5. Rapport sommaire du BCP sur la comparution de la CSNR (1erjuin 2023)
  6. Rapport sommaire du BCP sur la comparution du RSI (6 juin 2023)
  7. Transcription non officielle (« bleus ») de la comparution de la CSNR (1erjuin 2023)
  8. Transcription non officielle (« bleus ») de la comparution du RSI (6 juin 2023)
  9. Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections
  10. Protocole public en cas d’incident électoral majeur
  11. Mécanisme de réponse rapide (MRR)
  12. Désinformation – Chine
  13. Désinformation – Russie
  14. Conventions de Vienne – Déclarations de persona non grata
  15. Ingérence étrangère – Contexte général
  16. Ingérence étrangère – Chine
  17. Allégations d’ingérence chinoise dans la 43e élection générale
  18. Allégations d’ingérence chinoise dans la 44eélection générale
  19. Relations bilatérales entre le Canada et la Chine
  20. Allégations de présence de « postes de police » de la République populaire de Chine et engagement diplomatique récent
  21. SIP – Contexte générale et résistance à la Chine
  22. Représentation diplomatique au Canada et en Chine

Note de scénario

À titre d’information

Calendrier de cette étude

Depuis le 1er novembre, le Comité a tenu de nombreuses réunions sur l’ingérence électorale étrangère et a entendu les témoignages de représentants d’Élections Canada, du Service canadien du renseignement de sécurité, du Centre de la sécurité des télécommunications, d’Affaires mondiales Canada et de la Gendarmerie royale du Canada.

Membres du Comité

Contexte

Votre invitation est attribuable à la motion suivante :

Le Comité entreprend l’examen de questions concernant les travaux du Comité.

Il est convenu, - Que, par rapport à son ordre de renvoi du mercredi 10 mai 2023 concernant la campagne d’intimidation orchestrée par Wei Zhao contre le député de Wellington—Halton Hills et d’autres députés, le Comité :

  1. utilise, aux fins de la présente étude, les éléments de preuve reçus dans le cadre de son étude sur l’ingérence électorale étrangère, sans limiter les témoins qui peuvent être appelés à comparaître;
  2. utilise, aux fins de la présente étude, les témoignages reçus par le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique dans le cadre de son étude sur l’ingérence étrangère, sans limiter le nombre de témoins qui peuvent être appelés à comparaître;
  3. invite chacun des témoins suivants à se présenter seul:
    1. l’honorable Michael Chong, pour une durée d’une heure,
    2. Eric Janse, greffier intérimaire de la Chambre des communes, pour une durée d’une heure,
    3. l’honorable Mélanie Joly, ministre des Affaires étrangères, pour une durée d’une heure,
    4. l’honorable Marco Mendicino, ministre de la Sécurité publique, pour une durée d’une heure,
    5. l’honorable Bill Blair, président du Conseil privé du Roi pour le Canada et ministre de la Protection civile, pour une durée d’une heure,
    6. Jody Thomas, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, pour une durée de deux heures,
    7. David Vigneault, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, pour une durée de deux heures,
    8. David Morrison, vice-ministre des affaires étrangères et ancien conseiller par intérim du premier ministre en matière de sécurité nationale et de renseignement, pour une durée de deux heures,
    9. Mike MacDonald, ancien conseiller par intérim du premier ministre en matière de sécurité nationale et de renseignement, pour une durée d’une heure,
    10. Vincent Rigby, ancien conseiller en matière de sécurité nationale et de renseignement auprès du premier ministre, pour une durée d’une heure,
    11. Michael Duheme, commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, pour une durée d’une heure, et
    12. Cong Peiwu, ambassadeur de la République populaire de Chine au Canada, pour une durée de deux heures
  4. ordonne aux parties de fournir leurs listes préliminaires d’autres témoins au greffier du Comité dans un délai d’une semaine.

Veuillez consulter la note 4 pour une analyse détaillée de ce dossier dans la presse et les médias sociaux.

Mot d’ouverture d’USS

Bonjour chers membres du Comité.  

Merci de m’avoir invité ce matin.   

L’ingérence étrangère est une question importante qui reste au cœur de notre programme national et qui mérite notre attention constante.

Madame la présidente, je sais qu’au moins une partie de la raison pour laquelle vous m’avez invité ici aujourd’hui est que j’ai été conseiller intérimaire en matière de sécurité nationale et de renseignement du début de juillet 2021 jusqu’au début de janvier 2022. 

Comme vous le savez, c’est au cours de cette période qu’a été rédigé et diffusé le 20 juillet 2021 le rapport du SCRS sur l’ingérence étrangère de la Chine, un rapport qui s’est avéré très controversé et dont certains des aspects essentiels ont été publiés dans le Globe and Mail le 1er mai de cette année.   

Les archives du Bureau du Conseil privé montrent que le rapport en question se trouvait dans mon dossier de lecture le 17 août 2021. À noter que je n’ai aucun souvenir de l’avoir reçu ou lu à ce moment-là. Comme Jody Thomas, j’étais à l’époque entièrement occupé par l’évacuation de l’Afghanistan, Kaboul étant tombée seulement deux jours auparavant. 

Je crois que j’ai lu le rapport après m’être concentré sur l’Afghanistan, car j’étais suffisamment intéressé pour avoir commandé une étude complémentaire à un autre groupe au sein de notre communauté du renseignement, dans le but d’obtenir une image aussi complète que possible de l’ingérence étrangère de la Chine au Canada. Je serais heureux de revenir sur ce point si les membres du Comité sont intéressés. 

Cependant, deux aspects importants du rapport du SCRS du 20 juillet 2021 semblent avoir été largement mal compris. 

Tout d’abord, le rapport n’a jamais été conçu pour inciter les lecteurs à agir, que ce soit en matière de ciblage des députés ou de tout autre exemple d’ingérence étrangère qu’il énumère. 

Selon ses propres termes, tels qu’ils ont été publiés dans le Globe, le rapport visait à établir une base de référence pour comprendre l’intention, les motifs et la portée de l’ingérence étrangère de Beijing au Canada. 

Il ne s’agit pas d’un mémoire aux fins d’intervention, mais plutôt d’un rapport de sensibilisation. 

Les services de renseignement du Canada et d’ailleurs créent une série de produits destinés aux consommateurs : des rapports courts contenant des fragments d’informations, provenant parfois d’une seule source, qui tendent à être concis et opportuns; ainsi que des évaluations périodiques plus longues, qui s’appuient souvent sur des renseignements antérieurs, et qui sont conçues pour faire comprendre des questions complexes.   

On peut comparer cela, par exemple, à la différence entre les « nouvelles de dernière heure » qui apparaissent en première page du Globe and Mail et les rapports approfondis qui apparaissent souvent dans les pages centrales de l’édition de la fin de semaine.

Le rapport du SCRS de juillet 2021 était une étude approfondie. Il n’avait pas pour but d’inciter à l’action, ni moi, en tant que conseiller à la sécurité nationale et au renseignement par intérim, ni personne d’autre. Ce n’est certainement pas quelque chose que je me serais empressé de présenter au premier ministre. 

Il est important de souligner que, comme l’a indiqué le Globe et comme l’a répété Jody Thomas, le rapport ne cite ni Michael Chong ni aucun autre député. En effet, il aurait été tout à fait irrégulier que ce type de rapport entre dans ce genre de détails. 

Le deuxième aspect clé du rapport de juillet 2021 qui semble avoir été largement mal compris est que toute personne lisant un tel rapport aurait pu présumer que toute mesure nécessaire, sur n’importe lequel des points soulevés, avait déjà été prise

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé lorsque le rapport a fait référence à des mesures de la Chine contre des députés canadiens. 

J’aimerais rappeler au Comité que, comme l’a rapporté le Globe, le ciblage de députés canadiens par la Chine était lié à une motion parlementaire de février 2021, parrainée par Michael Chong, qui condamnait l’oppression des Ouïghours par Beijing et l’a comparait à un génocide. 

Vous vous souviendrez qu’après la motion et les sanctions imposées plusieurs semaines plus tard par le Canada à des personnes et des entités en Chine, la Chine a réagi en sanctionnant Michael Chong et l’ensemble des membres du Sous-comité des droits internationaux de la personne des comités permanents des affaires étrangères, du commerce international et du développement.

C’est dans ce contexte, comme le montre le rapport de David Johnston, que la Chine a établi des profils et envisagé des mesures contre Michael Chong et d’autres députés.

C’est en réponse à ces activités chinoises qu’en mai 2021, le SCRS a adressé au ministre de la Sécurité publique une note d’information sur la gestion des questions, appelée « note de gestion des enjeux » dans le rapport de David Johnston.

Si vous consultez la page 27 du rapport Johnston, vous verrez qu’il ne s’agissait pas d’une note d’action demandant au ministre de prendre une décision. Il s’agissait plutôt d’une note d’information indiquant au ministre de l’époque que le SCRS avait l’intention de fournir un « breffage sur la sécurité défensive » aux députés que, selon les renseignements, la Chine avait l’intention de cibler.   

Je sais que des questions ont été posées sur la façon dont cette note de gestion des enjeux a été envoyée, sur les personnes qui l’ont reçue, etc. Je sais que vous avez déjà interrogé le ministre Blair à ce sujet. Et je sais que vous poserez ces questions à mon collègue David Vigneault lorsqu’il comparaîtra devant vous ce soir. 

Mais le tableau d’ensemble est le suivant : au printemps, à l’époque de la motion sur la communauté ouïghoure, des informations sont apparues selon lesquelles le gouvernement de la Chine cherchait à obtenir des renseignements sur les parlementaires et, en particulier, sur M. Chong et ses proches.

Ces renseignements ont été pris en compte, puisqu’ils ont donné lieu à une note d’information adressée au ministre de la Sécurité publique, puis, en juin 2021, à un « breffage sur la sécurité défensive » à l’intention de M. Chong et d’un autre député. Tout cela figure à la page 27 du rapport de M. Johnston. 

Madame la présidente, certains trouveront peut-être que tout cela a pris trop de temps. Il a déjà été dit que si le ministre de la Sécurité publique de l’époque n’était pas au courant des renseignements concernant M. Chong et d’autres députés, c’est qu’il y avait manifestement des lacunes.    

Mais Madame la Présidente, j’estime que le système a fonctionné conformément aux protocoles qui étaient en place en 2021. 

Comme vous le savez, le système a maintenant été modifié : la nouvelle directive ministérielle publiée le 16 mai de cette année signifie qu’à l’avenir, tous les renseignements reçus concernant des députés précis seront transmis aux ministres. 

Pour en revenir à mon point de départ, Madame la Présidente, j’aimerais résumer en disant qu’à mon avis, l’attention portée au rapport du SCRS de juillet 2021 et les questions connexes (qui était le conseiller en matière de sécurité nationale et de renseignement à l’époque, qui d’autre l’a lu, s’il est tombé dans un trou noir) a été mal placée. Des mesures concernant le ciblage des députés avaient déjà été prises avant même la publication du rapport.

Avant de conclure, Madame la Présidente, permettez-moi de faire deux remarques finales.

Tout d’abord, on a beaucoup parlé du terme « cible » dans le sens d’être la « cible de Beijing ». Je n’ai aucunement l’intention de minimiser le désarroi qu’ont dû ressentir M. Chong et d’autres députés en apprenant que la Chine avait établi des profils sur eux et se préparait éventuellement à prendre des mesures, y compris à l’encontre de membres de leur famille vivant à l’étranger.

D’un autre côté, comme l’ont déjà indiqué Jody Thomas, Wesley Wark, Thomas Juneau et d’autres, il n’y a rien d’intrinsèquement néfaste à ce que des gouvernements étrangers discutent de députés ou de n’importe quel autre membre de la société canadienne. Les membres du Comité doivent savoir que toutes les ambassades, y compris les ambassades canadiennes dans le monde, créent des « cartes d’influence » qui répertorient les personnes par l’intermédiaire desquelles elles ont l’intention de poursuivre leurs objectifs nationaux.

Ce qu’il faut retenir, c’est si l’activité en question est clandestine, trompeuse ou menaçante pour un individu ou une institution. Comme l’ont indiqué les témoins précédents, l’intention et la capacité sont des facteurs essentiels à évaluer.  

À noter que, si les gouvernements dont les valeurs diffèrent des nôtres n’apprécient pas toujours les activités du Canada à l’étranger, les diplomates canadiens ne font pas d’ingérence à l’étranger. Tout ce qu’ils font est manifeste et officiel.

Cela m’amène à mon deuxième et dernier point, Madame la Présidente. 

Alors que notre attention s’est récemment portée, à juste titre, sur les députés, dans le cas de la Chine, de nombreux Canadiens figurant sur les listes « que vous souhaitiez les appeler « cibles » ou qu’ils fassent partie de « cartes d’influence » plus vastes) seront d’origine chinoise. 

Ces membres de la diaspora sont, à mon avis, les populations les plus vulnérables face à l’ingérence de la Chine au Canada. 

Ils sont des citoyens canadiens et des résidents permanents, et ils méritent les mêmes protections que toute autre personne vivant au Canada. 

En ce qui concerne l’ingérence étrangère, je considère qu’il s’agit là de la plus grande menace à long terme. 

Nous devons en savoir beaucoup plus sur l’ingérence étrangère en cours dans ces communautés, sur les formes qu’elle prend et sur les moyens de la combattre. 

Des consultations publiques avec ces communautés auraient dû être incluses dans la deuxième partie du processus mené par David Johnston, et j’espère que l’importance de ce point sera maintenue dans le processus qui sera convenu pour l’avenir.

Merci beaucoup, Madame la Présidente.

Biographies des membres du PROC

L’honorable Bardish Chagger, présidente
LPC – Waterloo (ON)

Bardish Chagger

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Désinformation

John Nater, vice-président
CPC – Perth—Wellington (ON)

John Nater

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Désinformation

Marie-Hélène Gaudreau, vice-président
BQ – Laurentides—Labelle (QC)

Marie-Hélène Gaudreau

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Désinformation

Luc Berthold
CPC – Mégantic—L'Érable (QC)

Luc Berthold

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Ingérence étrangère

Désinformation

Rachel Blaney
NDP – North Island—Powell River (BC)

Rachel Blaney

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Russie

Désinformation et mésinformation

Blaine Calkins
CPC – Red Deer—Lacombe (AB)

Blaine Calkins

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Ingérence étrangère

Russie

Désinformation

Michael Cooper
CPC – St. Albert—Edmonton (AB)

Michael Cooper

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Ingérence étrangère

Désinformation

Greg Fergus
LPC – Hull—Aylmer (QC)

Greg Fergus

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Mark Gerretsen
LPC – Kingston and the Islands (ON)

Mark Gerretsen

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Chine

Russie

Sherry Romanado
LPC – Longueuil—Charles-LeMoyne (QC)

Sherry Romanado

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Désinformation

Agents étrangers

Ingérence étrangère

Cyberguerre

Ruby Sahota
LPC – Brampton North (ON)

Ruby Sahota

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Ingérence étrangère

Ryan Turnbull
LPC – Whitby (ON)

Ryan Turnbull

Élection à la chambre des communes

Expérience professionnelle

Rôles politiques et parlementaires

Participation à des comités

Points d’intérêt pour AMC

Désinformation

Ingérence étrangère

Aperçu et analyse de la couverture par la presse et les médias sociaux

Objet : Allégations d’ingérence chinoise dans les 43e et 44e élections générales

Date de début de la couverture : 7 novembre 2023

Date de fin de la couverture : 31 mai 2023

Analyse médiatique actualisée

Introduction

La couverture médiatique de l’ingérence présumée de la Chine dans les élections canadiennes entre le 7 novembre 2022 et le 31 mai 2023 a été très volumineuse et majoritairement négative en tonalité.

Les auteurs des articles publiés en novembre 2022 ont exhorté le gouvernement à être proactif et à prendre au sérieux l’ingérence présumée de la Chine dans les élections de 2019. Dans l’ensemble, les articles visaient soit à critiquer le premier ministre Justin Trudeau, soit à enquêter sur la façon dont cette influence s’est infiltrée dans le système politique canadien, ou encore à définir des solutions concrètes à cet enjeu. De nombreux chroniqueurs ont plaidé en faveur d’une approche plus critique à l’égard de la Chine, en espérant que le Canada adopte une telle approche dans le cadre de sa nouvelle Stratégie pour l’Indo‑Pacifique (Toronto Star)(The Globe and Mail)(Edmonton Journal)(The Globe and Mail)(CBC). Plusieurs articles ont également abordé la confrontation du premier ministre Trudeau avec le président chinois Xi Jinping au G20 (The Canadian Press)(La Presse)(The Canadian Press).

Au début de 2023, presque toutes les publications ont eu comme objectif d’examiner les réponses du premier ministre. Dans un article de décembre 2022 du National Post, on a souligné que la ministre Joly a affirmé ne pas avoir été informée du fait que onze élus étaient visés par des forces étrangères. Son utilisation de l’expression « de plus en plus perturbateur » pour décrire la Chine a été accueillie positivement (Toronto Star).

Sécurité nationale

La question de la sécurité nationale a été abordée dans plusieurs articles. Un article écrit par Terry Glavin (Ottawa Citizen) dénonce la dichotomie entre le discours du premier ministre Trudeau sur la sécurité nationale et celui des organismes de sécurité nationale et de renseignement du Canada. M. Glavin était d’avis que la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité de 1984 doit être mise à jour, car les menaces ont évolué depuis la fin de la Guerre froide et proviennent désormais de nouvelles puissances mondiales. Une analyse de la journaliste Emanuelle Latraverse (Le Journal de Montréal) et une autre de Stéphanie Grammond (La Presse) reprennent les mêmes arguments. Peu après la publication de l’enquête de Global News, des chroniqueurs ont critiqué l’inaction du gouvernement, estimant que cette ingérence était prévisible, mais que la question avait été ignorée pendant plusieurs années (La Presse)(The Vancouver Sun)(National Post)(The Hill Times)(National Post). De même, l’ancien ambassadeur du Canada en Chine, Guy Saint-Jacques, a affirmé que l’administration chinoise avait compris depuis longtemps qu’elle pouvait exploiter le système politique canadien (Le Journal de Québec). De nombreux articles ont dénoncé la facilité avec laquelle l’ingérence chinoise s’est installée dans le pays, et la commentatrice politique Tasha Kheiriddin a indiqué que les expatriés chinois au Canada devraient être mieux protégés contre les personnes agissant dans l’intérêt du gouvernement de la Chine (The Windsor Star). La nouvelle stratégie indo-pacifique menée par la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly a été citée comme un espoir que le Canada adopte une position agressive (Radio-Canada) et réaliste (The Globe and Mail) dans le cadre des relations canadiennes avec la Chine.

En février 2023, le consulat de Chine à Vancouver a publié une déclaration dans le Vancouver Sun, dans laquelle il niait toute implication dans l’ingérence électorale présumée. L’article a fait référence aux puissances étrangères qui utilisent les diasporas au Canada pour attaquer le tissu multiculturel du pays. La commentatrice politique Tasha Kheiriddin a écrit un autre article d’opinion sur le sujet, cette fois en mentionnant le rapport du SCRS, qui détaille les façons dont la Chine a attaqué la démocratie canadienne, et a appelé à la prise de mesures supplémentaires pour protéger les Canadiens (Edmonton Journal). Dans un article paru en février, le chroniqueur du Globe and Mail Konrad Yakabuski a comparé les mesures prises par le gouvernement de l’Australie pour contrer l’influence chinoise avec celles prises au Canada.

À la suite de la publication d’un article de Radio-Canada qualifiant l’ingérence chinoise de principale menace pour la sécurité au Canada, les médias ont régulièrement réclamé que le Canada renforce ses lois protégeant les Canadiens contre l’ingérence étrangère, plus particulièrement par la création d’un registre des agents étrangers (Radio-Canada)(Le Devoir). Selon Eric Montigny, membre de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires (Université Laval), « en refusant de se plier au vote de la Chambre des communes qui exige la mise en place d’une véritable commission d’enquête indépendante, c’est sur ce front que Justin Trudeau devient le complice de la Chine » (La Presse).

Répercussions sur la démocratie et pression pour la tenue d’une enquête

D’autres articles ont souligné les conséquences de cette ingérence dans les élections fédérales de 2019 sur la démocratie canadienne, soulignant les préoccupations des membres du Parti conservateur (National Post) tel que le chef conservateur Pierre Poilièvre (CBC). La journaliste Mélanie Marquis a également souligné les demandes de réponses présentées par les députés conservateurs (La Presse). D’autres publications affirment que le Canada n’est pas à l’abri de ce type d’ingérence et qu’il commettrait une faute en supposant que l’ingérence étrangère n’a pas pu se produire sur son territoire. Le chroniqueur Andrew Phillips (Toronto Star) a appelé les Canadiens à réorienter les discussions des problèmes de la démocratie américaine sur les problèmes de leur propre pays et a affirmé que le gouvernement esquive les questions.

En général, les auteurs des articles et des commentaires ont exprimé leur frustration face au manque de détails transmis au public sur l’ingérence électorale présumée et ont souligné la pression accrue de l’opposition sur les représentants du gouvernement pour qu’ils en disent et en fassent plus (Le Devoir). Le chroniqueur Brian Lilley a qualifié le gouvernement d’inactif dans la lutte contre l’ingérence étrangère au sein des institutions canadiennes et a dénoncé le statu quo (Toronto Sun). D’autres critiques ont reproché au premier ministre Trudeau de manquer d’agressivité sur cette question (Radio-Canada) (National Post) (Ottawa Citizen) (CBC). Un article paru dans le Globe and Mail affirme que la défense de la démocratie devrait être abordée comme une question non partisane.

Il y a également eu une certaine confusion quant à la chronologie des événements, à savoir quand le premier ministre a reçu quels renseignements et comment ils ont été présentés (The Canadian Press)(CBC)(National Post)(Radio-Canada)(Toronto Star)(La Presse). Des questions ont été posées sur le fait que le premier ministre a établi un lien entre ces allégations et l’ingérence dans les élections américaines (Le Devoir)(La Presse Canadienne). Plusieurs sources ont rapporté l’affirmation du directeur général des élections du Canada, Stéphane Perrault, selon laquelle les élections canadiennes ont été libres et équitables (The Hill Times)(National Post). Plusieurs médias ont également rapporté les déclarations du premier ministre pendant la période des questions de la Chambre des communes le 23 novembre, estimant qu’il avait esquivé les questions et était resté vague sur les détails de l’ingérence, se référant aux déclarations de M. Perrault (La Presse Canadienne)(National Post).

De plus en plus de commentateurs ont exhorté M. Trudeau à faire preuve d’honnêteté avec les Canadiens et de divulguer des renseignements sur les candidats visés par l’ingérence chinoise (Toronto Sun)(Calgary Sun)(Calgary Sun). D’autres ont exprimé leur confusion et leurs doutes quant à l’affirmation du premier ministre selon laquelle il n’avait pas été informé des candidats recevant de l’argent de la Chine et se sont demandé, dans ce cas, de quoi il avait discuté avec le président chinois Xi Jinping au G20 (The Globe and Mail)(Toronto Sun)(Toronto Star)(National Post)(Le Devoir)(Toronto Sun). Face à cette confusion, la chroniqueuse Lorrie Goldstein, dans l’Edmonton Sun, a examiné les différentes déclarations qui ont été faites et a conclu que personne n’a nié l’existence de l’ingérence, mais que les détails de la gravité et de la façon dont elle a été évaluée demeurent obscurs.

De la fin de 2022 jusqu’au début de 2023, certains journalistes ont continué de critiquer vivement les propos du premier ministre Trudeau, qu’ils qualifiaient d’ambigus, et jugeaient qu’il existait un manque de transparence (Toronto Sun). Plusieurs articles publiés en décembre (Toronto Sun)(Toronto Sun) estimaient que le premier ministre Trudeau refusait de répondre aux allégations. Les auteurs des articles affirmaient tous que le premier ministre devait cesser de jouer avec les mots, offrir une réponse claire et sincère au public canadien et démontrer que le gouvernement prend ces allégations au sérieux (National Post)(National Post)(CBC)(Journal de Québec)(La Voix de l’Est)(CBC). Dans un article paru en février dans le Edmonton Sun, Lorrie Goldstein a déclaré explicitement que toute ingérence étrangère devait être rendue publique.

Deux articles du Globe and Mail ont montré qu’un document détaillant un réseau actif d’ingérence étrangère a effectivement été présenté au premier ministre (The Globe and Mail). (The Globe and Mail). Le gouvernement était alors censé être au courant de la question (Presse canadienne). Un article du Journal de Québec a affirmé que l’ingérence étrangère dans le processus électoral n’était pas un phénomène nouveau.

D’autres chronieurs ont déclaré que « l’ignorance totale des faits et les déclarations trompeuses » du premier ministre donnaient la fausse impression que la Chine n’avait jamais interféré dans les élections canadiennes (Toronto Sun)(Le Quotidien)(National Post). Un article du National Post a affirmé que M. Trudeau était trop tendre envers les États totalitaires. La « différence entre les paroles et les actes du gouvernement » a également été dénoncée à plusieurs reprises (The Province)(National Post).

La Presse canadienne a également critiqué le gouvernement pour ce qu’elle a qualifié d’incapacité à publier un rapport sur l’ingérence étrangère après les élections de 2021, alors qu’il a fallu sept mois pour que le rapport de 2019 soit rendu public. Un article du Globe and Mail de Steven Chase et Robert Fife a mis en lumière les commentaires de l’ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, dans lesquels il demandait une enquête indépendante sur la stratégie sophistiquée de la Chine pour s’ingérer dans les élections fédérales de 2019 et de 2021.

A l’approche du printemps de 2023, les journalistes sont demeurés très critiques à l’égard du premier ministre Justin Trudeau et de la réticence du gouvernement à ouvrir une enquête. Les éditoriaux des journaux anglophones et francophones ont tenu à rappeler au premier ministre que la Chine n’est pas l’alliée du Canada (Toronto Sun) (The Globe and Mail), et que même si elle l’était, l’ingérence dans le processus électoral d’un pays tiers est totalement inconcevable et inacceptable (Le Journal de Montréal). Certains articles ont également mis en doute la véracité de ces allégations, réitérant que l’obtention de renseignements de la part du SCRS ne correspond pas nécessairement à des faits, comme l’a déclaré David Morrison, sous-ministre des Affaires étrangères (Le Devoir).

Les publications sur le débat politique interne au Canada entre le Parti libéral et les partis d’opposition, qui ont unanimement demandé une enquête publique, ont fait l’objet d’un nombre important d’articles. L’expulsion d’un diplomate chinois a également été mentionnée à plusieurs reprises dans la couverture médiatique. L’annonce d’un rapport a été accueillie avec des doutes sur sa véracité et sa fiabilité (La Presse) (CBC). Le chroniqueur Alexandre Sirois (La Presse) et la journaliste Mélanie Marquis (La Presse) ont exhorté le premier ministre à lancer une enquête indépendante. Paul Journet, également de La Presse, a estimé que le premier ministre banalise le problème de l’ingérence dans les élections canadiennes par ce qu’il qualifie d’attitude détachée et d’ignorance des faits. Le Globe and Mail a également critiqué la nomination de l’honorable David Johnston en raison de ses liens personnels avec la famille Trudeau. Malgré les déclarations du premier ministre réitérant sa pleine confiance dans le rapporteur spécial, tous les éditoriaux ont démontré un grand scepticisme quant à ce choix (Calgary Sun) (Toronto Sun) (Winnipeg Sun) (Toronto Star) (Edmonton Sun) (Toronto Star). Le Toronto Sun a même affirmé que le premier ministre « aurait pu rédiger le rapport de Johnston ».

M. Johnston a répondu à ces allégations dans une lettre ouverte publiée dans La Presse, réaffirmant sa détermination à terminer son travail même si ses conclusions sont loin de faire l’unanimité. Un article publié dans Le Droit a montré les résultats d’un sondage révélant que la plupart des Canadiens sont en faveur d’une enquête indépendante sur l’ingérence présumée, les auteurs estimant qu’il s’agit là d’un paradoxe entre le principe démocratique et la volonté politique du parti au pouvoir. En d’autres termes, il existe une dichotomie importante entre le parti au pouvoir et les critiques acerbes révélées par les médias sur la conduite du processus choisi par le premier ministre. Dans un article du Devoir, l’adjectif « indolent » a été utilisé pour qualifier la réaction du gouvernement. Tous ces articles ont fait part d’une grande insatisfaction non seulement à l’égard des allégations d’ingérence elles-mêmes, mais aussi à l’égard de la réponse du gouvernement et de l’attitude du gouvernement fédéral. En conséquence, un article d’opinion du National Post a évoqué la possibilité d’élections, tandis qu’un autre du Toronto Star a jeté un doute sur l’avenir politique du premier ministre.

Enquête publique

La couverture médiatique des allégations d’ingérence a également reflété les demandes d’enquête publique (Le Devoir). Dans un article du Droit, Hélène Buzzetti a affirmé que « le problème avec une enquête publique est qu’elle ne nous apprendrait probablement rien et dédoublerait des processus déjà existants », une telle enquête ne permettant pas une vue d’ensemble et une compréhension des facteurs qui ont conduit au problème. Elle a souligné non pas le manque de renseignements sur les allégations d’ingérence, mais plutôt le manque de divulgation. Mme Buzzetti a estimé que « l’ingérence étrangère est un concept difficile à circonscrire ». Dans le Toronto Star, Chantal Hébert s’est interrogée sur la véracité des renseignements recueillis par les agences d’espionnage, qui est un facteur important à prendre en compte.

La diaspora chinoise ignorée

Des membres de la diaspora chinoise, qui ont été la cible des tactiques d’intimidation du gouvernement chinois en territoire canadien, ont critiqué le rapport de David Johnston. Selon eux, le Canada n’est pas prêt à prendre des mesures concrètes pour empêcher les gouvernements étrangers de s’ingérer dans le pays (Toronto Star). Cette déclaration a fait écho aux commentaires formulés dans des articles d’opinion parus dans les médias anglophones et francophones du Canada. D’autres membres de la diaspora sino‑canadienne ont rappelé aux lecteurs qu’ils dénoncent depuis des années l’ingérence de la Chine au Canada, mais que leur voix a toujours été ignorée (Toronto Star).

Montée des tensions diplomatiques

En réponse à l’expulsion du diplomate chinois Zhao Wei pour son implication présumée dans une opération d’ingérence, la presse a été unanime : cette expulsion aura des répercussions sur les relations diplomatiques entre les deux pays (Le Journal de Montréal) et pourrait avoir des conséquences commerciales (Toronto Star) et d’affaires (La Presse Canadienne) non négligeables. Le comité éditorial du Star a affirmé que cette décision était nécessaire (Toronto Star). Cependant, bien que la décision du gouvernement d’expulser un diplomate chinois a été accueillie très positivement par certains médias, un article du Globe and Mail s’est interrogé sur le moment choisi pour expulser le diplomate chinois, souhaitant que le Canada ait réagi plus rapidement.

Désinformation et médias sociaux

Le rôle de la désinformation et de la mésinformation dans les médias sociaux a été souligné dans les médias. Un article paru dans le National Post a blâmé META (Facebook) et la faible réglementation des entreprises du Eeb lorsqu’il s’agit de prévenir les problèmes de sécurité nationale. La professeure Margaret McCuaig-Johnston a fait valoir que les gouvernements doivent disposer d’outils plus sophistiqués et de stratégies concrètes pour empêcher les campagnes de propagande étrangères d’atteindre les Canadiens, notamment la diaspora chinoise (The Globe and Mail)(Journal de Québec). Le gouvernement du Canada a été appelé à agir (The Province)(Radio-Canada).

Confrontation du premier ministre Trudeau et du président Xi au sommet du G20

Les interactions entre le premier ministre Trudeau et le président Xi lors du sommet du G20 à Bali ont fait l’objet d’une importante couverture médiatique. La couverture s’est particulièrement intensifiée après la diffusion d’une vidéo montrant Xi réprimandant Trudeau pour avoir prétendument divulgué à la presse les détails d’une conversation non officielle dans laquelle le premier ministre Trudeau abordait la question de l’ingérence électorale (National Post)(Cape Breton Post)(The Globe and Mail). En outre, Radio-Canada a rapporté l’évaluation du député conservateur Michael Chong, selon laquelle l’ensemble de cet épisode témoigne du manque de respect de la Chine pour le Canada et que le Canada doit clarifier sa politique étrangère à l’égard de la Chine.

Les commentaires sur la confrontation ont été mitigés. Certains auteurs ont écrit que l’irritation de M. Xi était la preuve que le premier ministre faisait son travail et l’ont encouragé à continuer à tenir tête à la Chine (Toronto Star)(Edmonton Sun)(Le Devoir)(La voix de l’est). Dans le National Post, la chroniqueuse Sabrina Maddeaux a affirmé que le comportement de M. Xi était une tentative d’intimidation pour que M. Trudeau renonce à enquêter sur l’ingérence de la Chine, et que le Canada ne devait pas céder. D’autres ont critiqué M. Trudeau pour avoir donné l’impression d’être faible et d’avoir l’air contrit dans la vidéo diffusée, ainsi que pour avoir mis trop de temps à aborder le rapport du SCRS (National Post)(Edmonton Sun). Certains commentateurs ont apprécié que le premier ministre ait abordé les allégations avec Xi, mais ont exprimé leur mécontentement quant au fait que le gouvernement ne semble pas les avoir abordées dans les mois qui ont suivi les premières séances d’information sur la sécurité (The Globe and Mail)(The Globe and Mail)(The Halifax Chronicle Herald). Quelques auteurs ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la politique partisane (The Hill Times)(National Observer).

Après le G20, le Toronto Star a fait état d’une déclaration de l’ambassade de Chine à Ottawa, rédigée exclusivement en chinois, qui dément ces allégations. Selon Guy Saint-Jacques, ces propos sont une tentative de désinformation à l’égard notamment de la diaspora chinoise au Canada.

Aperçu des médias sociaux

La question de l’ingérence chinoise dans les élections canadiennes a fait l’objet de 22 publications sur Twitter entre décembre 2022 et la fin de février 2023. Les publications ont soulevé la réponse du premier ministre Trudeau, et certains ont estimé que le problème n’est pas la source gouvernementale qui a parlé au Globe and Mail du rapport de l’ingérence chinoise, mais l’impact sur la stabilité démocratique dans le pays. Les publications ont fait écho aux déclarations de la ministre Joly et du premier ministre Trudeau selon lesquelles ces allégations devaient être prises très au sérieux. Les publications ont également souligné les questions posées au premier ministre qui n’ont pas reçu de réponse.

Du 24 février à la fin du mois de mai 2023, les publications sur Twitter relatives à l’ingérence chinoise dans les élections canadiennes se sont multipliées, totalisant 116 tweets en un peu plus de trois mois. Ces publications exprimaient principalement des préoccupations concernant la menace pour la démocratie et le besoin de transparence et d’enquête publique. Le rôle de David Johnston en tant que rapporteur spécial a suscité des réactions mitigées, certaines critiques témoignant d’un certain mécontentement. Certains tweets ont également accusé les médias de propager des renseignements erronés et de saper le gouvernement Trudeau en publiant des fuites possiblement erronées. Plusieurs autres tweets ont fait état d’échanges politiques avec le premier ministre, du témoignage de Katie Telford en comité parlementaire et de l’expulsion d’un diplomate chinois du Canada.

Rapport sommaire du BCP sur la comparution de la CSNR (1er juin 2023)

Bonjour,

Vous trouverez ci-dessous un résumé, préparé avec des notes du BCP et de Sécurité publique Canada, de la réunion d’aujourd’hui du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC). Le Comité a poursuivi son étude de la question de privilège liée à la campagne d’intimidation contre le député de Wellington-Halton Hills et d’autres députés. Le Comité a entendu le témoignage de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement (CSNR), Jody Thomas, et du ministre de la Protection civile.

Le ton de réunion était généralement calme, à l’exception de plusieurs interactions entre le député du Parti conservateur Michael Cooper et la CSNR, au cours desquelles M. Cooper a demandé à la CSNR de commenter les considérations politiques relatives au premier ministre. De plus, en répondant à des questions liées au mémoire du SCRS déposé en juillet 2021, la conseillère a indiqué à plusieurs reprises qu’elle ne ferait pas de commentaires sur des mesures prises alors qu’elle n’occupait pas le poste de CSNR.

Trois engagements ont été pris au cours de la réunion (voir ci-dessous) : deux pour la CSNR et un pour le ministre Blair.

Le Comité devrait se réunir à nouveau le mardi 6 juin, et le très honorable David Johnston comparaîtra pendant trois heures en sa qualité de rapporteur spécial indépendant.

Merci,

Législation et planification parlementaire (BCP)

Résumé des travaux du comité

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (PROC)

Jeudi 1er juin 2023

10 h à 13 h

Rapport préparé par :

Législation et planification parlementaire (BCP)

Thème de la réunion

Question de privilège concernant la campagne d’intimidation envers le député de Wellington-Halton Hills et d’autres députés

Membres présents (visibles en virtuel)

Témoins

10 h à 12 h

Bureau du Conseil privé

Jody Thomas, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement

12 h à 13 h

Bill Blair, C.P., député, ministre de la Protection civile

Ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile

Tricia Geddes, sous-ministre déléguée

___________________

Discussion no 1

Questions

Michael Cooper (PCC) a posé à Mme Thomas une question sur la note du SCRS de juillet 2021 concernant le député Michael Chong et la date à laquelle elle en a pris connaissance. Mme Thomas a indiqué qu’elle avait appris l’existence de cette note dans le Globe and Mail. Le député lui a ensuite demandé à quel moment le premier ministre avait appris que le député Chong, ainsi que les députés Kwan et O’Toole, étaient ciblés. Mme Thomas a répondu que le premier ministre ne l’avait appris seulement qu’au cours des dernières semaines, plus précisément depuis le 1er mai. Elle a indiqué qu’elle avait été informée de ce ciblage au cours des trois ou quatre dernières semaines lors d’une séance d’information donnée par le SCRS. M. Cooper a demandé comment il est possible que la CSNR et le premier ministre n’aient pas été au courant de ce ciblage des politiciens en exercice jusqu’à présent, qualifiant cela d’effondrement de l’appareil gouvernemental. Mme Thomas a dit être d’accord sur le fait qu’il fallait mieux gérer les renseignements de sécurité qui parviennent aux bureaux des hauts fonctionnaires. Elle a indiqué qu’elle ne voulait pas spéculer sur ce qui s’est passé en 2021, car elle n’occupait pas ce poste à l’époque. M. Cooper a indiqué que le 3 mai, le premier ministre avait déclaré aux journalistes que le SCRS avait déterminé qu’il ne s’agissait pas de renseignements devant être transmis à un échelon supérieur, et il s’est avéré que ce n’était pas le cas. Mme Thomas a répondu qu’ils ne savaient pas que les renseignements du SCRS avaient été transférés dans le système, que c’est elle qui l’a dit au premier ministre et qu’elle ne savait pas quels renseignements avaient quitté le SCRS. Mme Thomas a indiqué que, lorsqu’elle a découvert où la note était réellement allé, elle en a informé le premier ministre et le député Chong. Elle a précisé que les renseignements avaient été transmis au CSNR, au sous-ministre de la Sécurité publique, au sous-ministre des Affaires étrangères et au sous-ministre de la Défense nationale. M. Cooper a demandé à Mme Thomas de confirmer que l’information n’est allée nulle part. Mme Thomas a répondu que la note a été distribuée et qu’elle n’a pas été transmise au premier ministre. Elle a également souligné qu’elle était sous-ministre de la Défense nationale à l’époque, qu’elle était en congé et que l’information semble être tombée dans un « trou noir »; lorsqu’elle a repris son travail, elle s’est concentrée sur l’Afghanistan. M. Cooper a demandé si Mme Thomas peut fournir les informations de transmission de la note du SCRS arrivée au BCP en juillet et présentée au CSNR par intérim en août. Mme Thomas a répondu que le BCP fournira ce qu’il a en sa possession en ce qui concerne les destinataires de la note et l’endroit où elle a été envoyée.

M. Cooper a demandé s’il semble raisonnable que le ministre Blair ne puisse pas se connecter à son système pour consulter les renseignements, comme l’indique le rapport du rapporteur spécial indépendant (RSI). Mme Thomas a répondu qu’elle ne pense pas que ce soit une représentation exacte de ce qui s’est passé, car les ministres reçoivent des renseignements à lire et ce ne sont pas eux qui se connectent. M. Cooper a demandé si MmeThomas a participé à des conversations politiques avec le premier ministre ou d’autres ministres. MmeThomas répond que ce n’est généralement pas le cas.

Sherry Romanado (PLC) a demandé quel était le volume d’informations de renseignement qui parvenait à son bureau chaque mois. Mme Thomas a répondu qu’elle lisait chaque jour entre 50 et 100 éléments de renseignement. Elle a indiqué qu’un processus était en cours pour veiller à ce que les renseignements distribués soient reconnus et vus, ce qui, elle l’a reconnu, constituait une défaillance antérieure dans le processus. Mme Thomas a également fait remarquer que les organismes de renseignement disposaient d’un grand nombre de données, qu’ils déterminaient ce qu’ils devaient partager en fonction de la crédibilité, et que, conformément aux récentes directives du premier ministre, ils se tenaient désormais informés de tous les renseignements provenant d’un député et d’une ingérence étrangère, que l’information soit jugée crédible ou non. Mme Romanado s’interroge sur la sensibilisation à l’ingérence étrangère. Mme Thomas a souligné l’importance d’avoir des conversations sur cette question et a indiqué que les conversations qui ont normalement lieu entre la communauté du renseignement et les parlementaires ne sont pas trop précises. Mme Thomas a également indiqué que le Groupe des cinq commencera, cet été, à se réunir entre les élections afin que les membres du Groupe comprennent le contexte complet de ce qui se passe avant et pendant les élections.

Marie-Hélène Gaudreau (BQ) a posé une question sur la directive du premier ministre quant au breffage des députés. Mme Thomas a noté que le ministre de la Sécurité publique a donné une instruction ministérielle au SCRS, fondée sur la directive du premier ministre, pour qu’il informe les députés sur les allégations d’ingérence étrangères, quelle que soit leur crédibilité. Mme Thomas a confirmé que ce n’était pas le cas auparavant pour diverses raisons, afin de ne pas inquiéter inutilement un député. Mme Gaudreau a demandé si ce changement d’orientation donnait l’impression que les députés n’étaient pas bien protégés auparavant. Mme Thomas a souligné que la sécurité physique des députés n’a jamais été remise en question. Elle a également fait remarquer qu’un système plus robuste est maintenant en place pour veiller à ce que les renseignements soient transmis aux personnes qui en ont besoin au bon moment, y compris les conseils connexes. Mme Gaudreau a demandé si une enquête publique devrait être menée afin de savoir ce qui se passe et de rassurer la population. Mme Thomas a répondu qu’en sa qualité de CSNR, elle ne pourrait pas dire grand-chose de plus lors d’une enquête publique qu’elle n’a déjà dit publiquement, et que les comparutions organisées par le RSI seraient un bon moyen de discuter de ces questions. Elle a indiqué qu’une enquête publique pourrait être considérée comme n’allant pas nécessairement de l’avant.

Rachel Blaney (NPD) a dit qu’il semble qu’il y ait eu une solution aux problèmes rapidement, trouvée en quelques semaines, et que si c’était si simple, pourquoi cela ne s’est-il pas produit plus tôt? Mme Thomas a déclaré qu’elle ne pouvait pas spéculer sur ce que ses prédécesseurs avaient fait. Elle a fait remarquer que les organismes de renseignement ne fournissent pas de conseils, mais des renseignements, et qu’elle avait le sentiment qu’il y avait là une lacune lorsqu’elle est entrée en fonction. Mme Blaney a fait remarquer que la perception est importante et qu’il semble qu’à l’heure actuelle, même si nous changeons les choses pour aller de l’avant, il faut rendre des comptes sur ce qui s’est passé antérieurement. Elle a demandé si le problème de la personne en congé et des informations manquantes a été résolu. Mme Thomas a répondu que ce problème a été résolu, mais qu’il est important de souligner que les renseignements de juillet 2021 étaient une « lecture facultative », et non une « lecture obligatoire », et qu’elle était la seule personne à pouvoir les lire, mais que cela n’a pas eu d’incidence sur la gestion quotidienne de son travail. Mme Blaney a demandé à nouveau s’il s’agit d’une mesure provisoire, et qu’il semble que si quelque chose n’est pas une « lecture obligatoire », elle peut être laissée de côté. Mme Blaney s’est interrogée sur la structure du CSNR et de son bureau. Mme Thomas a fait savoir que son équipe a indiqué aux communautés du renseignement quelles informations doivent être transmises aux SM aux fins de discussion et conseil et comment ces informations sont diffusées.

Ryan Turnbull (PLC) a demandé si une information ou une menace jugée non crédible est communiquée à un député, et si cela peut avoir une incidence psychologique et émotionnelle sur un député et sur la façon dont le travail est accompli. Mme Thomas a répondu qu’il est important de souligner la distinction entre une menace et une information. M. Turnbull a demandé à Mme Thomas d’expliquer la façon dont le premier ministre est informé, et elle a répondu que les informations ne sont pas cachées au premier ministre lorsqu’elles sont reçues.

Blaine Calkins (PCC) a demandé à quel moment le premier ministre a pris connaissance du nom du diplomate visés par des activités d’ingérence étrangère. Mme Thomas a répondu qu’elle devrait chercher la date exacte et la fournir au Comité après la réunion, et elle a indiqué qu’elle pourrait fournir la date à laquelle cette information a été discutée par elle, mais pas nécessairement auparavant. M. Calkins a demandé pourquoi le gouvernement n’a expulsé le diplomate qu’après la publication de l’article du Globe and Mail. Mme Thomas a répondu qu’il serait préférable de poser cette question à AMC. M. Calkins a également demandé si d’autres diplomates s’étaient comportés de la sorte et Mme Thomas a indiqué qu’elle ne pouvait pas en parler dans le cadre de ce forum ouvert. En ce qui concerne les postes de police chinois, Mme Thomas a dit qu’elle était au courant de l’existence de ces postes et que des travaux étaient en cours pour tenter de mettre un terme à leurs activités.

Greg Fergus (PLC) s’est interrogé sur la mise en garde concernant les renseignements. Mme Thomas a fait remarquer que la mesure souvent prise à l’égard des informations est de « continuer à enquêter/recueillir ». M. Fergus a demandé si la mise en garde concernant les renseignements destinés aux députés serait incluse dans les séances d’information destinées aux parlementaires. Mme Thomas a répondu que l’on compterait sur les parlementaires pour protéger certains renseignements afin que les enquêtes et les collectes puissent se poursuivre.

Ruby Sahota (PLC) a demandé si la polarisation de la politique dans ce débat ne rendait pas plus difficile le travail de la communauté du renseignement de sécurité. Mme Thomas a répondu qu’elle espérait que le travail du Comité et le débat général sur l’ingérence étrangère contribueraient à faire comprendre qu’il s’agit d’une question importante. Mme Sahota a demandé quels types de changements devraient être apportés pour mieux gérer l’ingérence étrangère. Mme Thomas a répondu que des éléments tels que le régime de transparence en matière d’ingérence étrangère (RTIE), les modifications apportées à la Loi sur la protection de l’information et les modifications apportées à la Loi sur le SCRS afin de mieux gérer la circulation de l’information à l’ère du numérique. Mme Thomas a parlé plus en détail du régime de transparence de l’ingérence étrangère, notamment des modifications apportées au Code criminel pour rehausser le régime de transparence de l’ingérence étrangère. En ce qui concerne la Loi sur le SCRS, Mme Thomas a parlé de la possibilité de divulguer des renseignements sur les menaces, à mi-chemin entre les renseignements classifiés et les termes généraux.

Luc Berthold (PCC) s’est interrogé sur la responsabilité de la CSNR en matière de circulation de l’information. Mme Thomas fait remarquer que si l’information n’a pas été transmise au premier ministre pendant son mandat, elle en assumera la responsabilité, mais qu’elle ne peut pas faire de commentaires sur ce qui s’est passé avant son mandat.

Discussion 2

Questions

Michael Cooper (PCC) a posé une question au ministre Blair sur sa déclaration selon laquelle il n’a jamais été informé de la menace d’ingérence étrangère contre le député Chong. Le ministre a répondu qu’il avait eu un certain nombre de conversations avec le directeur du SCRS au sujet de l’ingérence du gouvernement chinois, mais pas au sujet d’un député en particulier. M. Cooper a interrogé le ministre sur la note du SCRS de juillet 2021, ainsi que sur l’absence de connexion au système classé « très secret ». Le ministre Blair a fait remarquer qu’il n’y a pas de compte de courrier électronique où les renseignements classés « très secrets » sont transmis aux ministres. Il a précisé que le directeur du SCRS prenaient note des renseignements dont le ministre avait besoin, les imprimait sur papier et les lui apportait. Le ministre a noté que le SCRS était autorisé à partager ces renseignements avec lui en tant que ministre, mais qu’ils ne lui ont pas été communiqués. M. Cooper a dit que le RSI indiquait que le ministre n’avait pas accès au terminal, et le ministre Blair a noté que c’était exact. Le ministre Blair a répété qu’il était responsable des renseignements qui lui étaient présentés, à la discrétion des organismes de renseignement, qui décident de ce qu’il faut lui communiquer. M. Cooper a demandé au ministre des détails sur les tiers dans les mandats qu’il a signés concernant M. Chan. Le ministre a répondu qu’il avait prêté serment et qu’il ne pouvait pas discuter de ces détails. M. Cooper a ensuite posé la question de manière plus générale et a demandé des détails sur les mandats qu’il a signés. Le ministre Blair a de nouveau répondu qu’il n’en discuterait pas dans un cadre ouvert. M. Cooper lui a demandé comment il connaissait M. Chan, et il a répondu qu’il l’avait rencontré lorsqu’il était officier de police, mais qu’il ne le considérait pas comme un ami. M. Cooper a demandé au ministre s’il avait reçu la note d’information quotidienne du BCP sur le renseignement extérieur datée du 1er février 2020, qui faisait état d’un réseau actif d’ingérence étrangère de la RPC dans les élections de 2019. Le ministre Blair a répondu qu’il ne s’en souvenait pas. M. Cooper a déclaré qu’il avait été cité dans un article de presse comme ayant reçu cette note. Le ministre Blair a déclaré qu’il avait vu un certain nombre de documents, mais qu’il ne se souvenait pas de la note en question. Il a ajouté qu’il voulait profiter de l’occasion pour confirmer qu’il avait été informé de la note et qu’il ferait rapport au Comité.

En réponse aux questions de Ryan Turnbull (PLC), le ministre Blair a noté que les détails des articles du Globe and Mail n’étaient pas exacts. M. Turnbull a demandé au ministre de détailler les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère. Le ministre Blair a mentionné la création du CPSNR, les autorités de la CSNR et les recours législatifs.

Marie-Hélène Gaudreau (BQ) a interrogé le ministre sur la chronologie décrite dans l’article du Globe and Mail. Le ministre a reconnu que la chronologie n’était pas bonne, mais qu’elle n’était pas exacte sur le plan des faits, et qu’il fallait toujours faire preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne les renseignements recueillis. Mme Gaudreau a souligné la classification des renseignements et le fait que certains d’entre eux peuvent être discutés publiquement. Le ministre a indiqué que nous devions mieux classifier les renseignements et déterminer ce qu’il convient de divulguer dans un souci de transparence. Mme Gaudreau a interrogé le ministre sur la déclaration de Michael Wernick, faite mardi au PROC, selon laquelle le premier ministre devrait annoncer que des mesures législatives sur l’ingérence étrangère sont à venir, et que cette question devrait être soulevée auprès du premier ministre au sein du Cabinet. Le ministre a indiqué qu’il s’agissait d’une question importante, que des mesures législatives étaient envisagées et que si elles étaient introduites, la réponse législative devait être solide et faire l’objet d’une réflexion approfondie.

Rachel Blaney (NPD) a fait remarquer que la confiance des Canadiens dans leurs institutions est primordiale, et c’est pourquoi le NPD souhaite une enquête publique menée par une personne approuvée par tous les partis d’opposition. Interrogé sur la manière dont il recevait ses renseignements, le ministre a indiqué qu’en tant que ministre de la Sécurité publique, il recevait les renseignements sur support papier dans des lieux sécurisés. Il a ajouté qu’il y avait des améliorations à apporter à la manière dont les renseignements sont communiqués aux ministres et à d’autres personnes.

Greg Fergus (PLC) a demandé pourquoi, dans le système actuel, il y a une réticence à partager des renseignements non validés. Le ministre a indiqué que des renseignements non validés pouvaient causer des dommages et qu’il ne voulait pas non plus compromettre les personnes qui collectent ces renseignements.

Rapport sommaire du BCP sur la comparution du RSI (6 juin 2023)

Bonjour,

Vous trouverez ci-dessous un résumé de la réunion d’aujourd’hui du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Comité poursuit son étude de la question de privilège concernant la campagne d’intimidation envers le député de Wellington-Halton Hills et d’autres députés. Le Comité a entendu le témoignage du Très Honorable David Johnston, rapporteur spécial indépendant (RSI) sur l’ingérence étrangère.

Le Comité s’est réuni pendant plus de trois heures, et le RSI a répondu aux questions de toutes les parties. Ces questions ont porté sur les apparences de conflits d’intérêts, y compris les relations du RSI avec l’ancien juge de la Cour suprême Iacobucci et l’avocate Sheila Block, le contenu du premier rapport du RSI et les personnes rencontrées par le RSI, le choix d’audiences publiques par rapport à une enquête publique, ce que le gouvernement peut faire pour contrer l’ingérence étrangère, et la réponse de M. Johnston à la motion de la Chambre des communes lui demandant de démissionner.

Le ton était globalement calme et productif, les membres exprimant leur gratitude pour la présence de M. Johnston, d’autant plus qu’il est resté pour une séance prolongée.

Aucun engagement et aucune motion n’a été noté au cours de la réunion.

Le Comité devrait se réunir à nouveau jeudi. La convocation à la réunion et les témoins possibles n’ont pas encore été publiés.

Merci,

Législation et planification parlementaire (BCP)

Résumé des travaux du Comité

Comité permanent de la procédure et des affaires du Parlement

Mardi 6 juin 2023

10 h à 13 h 25

Rapport préparé par :

Législation et planification parlementaire (BCP)

Thème de la réunion

Question de privilège concernant la campagne d’intimidation envers le député de Wellington-Halton Hills et d’autres députés

Membres présents (visibles en virtuel)

Témoins

En tant qu’individu

Le très honorable David Johnston, rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère

___________________

Johnston a fait une déclaration d’ouverture, évoquant son travail en tant que rapporteur spécial indépendant et son premier rapport.

Questions

Larry Brock (PCC) a demandé à M. Johnston quelle était sa relation avec le premier ministre. M. Johnston a répondu que sa relation avec le premier ministre remontait à l’époque où le premier ministre et ses enfants étaient enfants, et qu’ils n’avaient pas eu d’autre relation particulière pendant 40 ans. Michael Barret (PCC) a ensuite pris la parole et a posé une question à M. Johnston sur sa qualité de membre de la Fondation Pierre Elliott Trudeau. M. Johnston a indiqué qu’il ne prenait aucunement part à la prise de décisions de la Fondation Trudeau. Il a fait remarquer que la première fois qu’il a eu connaissance d’une éventuelle ingérence étrangère, c’était lorsque ces renseignements ont été publiés dans les médias. M. Barrett a posé des questions sur la relation de M. Johnston avec l’ancien juge de la Cour suprême, Frank Iacobucci, et la donatrice libérale Sheila Block. M. Barrett a fait remarquer qu’il semblait y avoir beaucoup de liens entre M. Johnston et le Parti libéral, et a demandé si M. Johnston n’y voyait pas un conflit d’intérêts. M. Brock a demandé si quelqu’un d’autre que Navigator aide M. Johnston. M. Johnston répond par la négative. M. Brock a demandé si Don Guy, Brian Topp ou quelqu’un d’autre de GT & Company l’assistent. M. Johnston a répondu que M. Guy et M. Topp l’assistaient tous les deux. Ce conseil a commencé il y a une dizaine de jours. On a demandé à M. Johnston s’il a payé pour ces conseils, ce à quoi M. Johnston répond par la négative. M. Brock a demandé qui a rédigé ce rapport, étant donné qu’il se souvient mal de plusieurs parties de son rapport. Il dit avoir reçu l’aide d’une équipe juridique, comme celle de Mme Block. M. Johnston déclare que le CPM ne l’a pas aidé à rédiger le rapport. M. Johnston a noté qu’il a discuté avec le CPM lorsqu’il a cherché à obtenir des renseignements. Il n’a pas non plus bénéficié de l’aide du BCP pour la rédaction du rapport.

Ryan Turnbull (PLC) a pris note du rapport de M. Johnston et de ses commentaires sur le fait que le discours sur l’ingérence étrangère devenait politique et partisan, et se transformait en théâtre. M. Johnston a indiqué que les membres du Comité devraient lire le rapport et prendre la question au sérieux. M. Turnbull a demandé pourquoi l’opposition continuait d’attaquer la personnalité de M. Johnston, et a déclaré qu’il pense que c’est parce qu’elle n’aime pas la conclusion de M. Johnston dans son rapport. M. Johnston a noté que son rapport, bien qu’il indique qu’il n’a pas vu de preuve que quelqu’un au sein du cabinet du premier ministre ait ignoré les renseignements d’ingérence étrangère, il y a encore de sérieuses lacunes dans le système. M. Turnbull a demandé si M. Johnston avait été empêché de s’exprimer publiquement en raison de son habilitation de sécurité qui lui permettait de consulter les documents en tant que RSI. M. Johnston répond par la négative.

Alain Therrien (BQ) a parlé de la protection de la confiance dans les institutions démocratiques du Canada comme d’un principe fondamental du comité chargé d’examiner cette question. Il a rappelé la nécessité d’une enquête publique indépendante sur l’ingérence étrangère et a demandé à M. Johnston pourquoi il rejetait l’idée d’une telle enquête. M. Johnston fait remarquer qu’il y a un dilemme à traiter des renseignements classifiés en public. Il fait remarquer que dans la deuxième phase de son mandat du RSI, la question sera abordée lors d’auditions publiques. M. Therrien fait remarquer qu’il existe des précédents en matière de traitement de renseignements de nature délicate en public. M. Johnston a répondu que les auditions publiques porteront sur ce qui peut être dit en public à ce sujet. Il a également affimré que les commissions précédentes sur l’ingérence étrangère, comme la commission MacDonald, ont mis du temps à parvenir à leurs conclusions (cinq ans, dans ce cas). M. Therrien a demandé quelle est la différence entre les renseignements classifiés dans cette affaire et ceux de l’affaire Maher Arar. M. Johnston a affirmé qu’il s’agit d’une bonne question qu’ils espèrent aborder lors des audiences publiques des cinq prochains mois, afin de comprendre les problèmes liés au système de classification au sein du gouvernement. M. Therrien s’est interrogé sur les experts qui étaient à l’origine opposés à une enquête publique et qui, après le rapport de M. Johnston, ont indiqué qu’ils étaient maintenant en faveur d’une telle enquête. M. Johnston a déclaré que son rapport exposait les raisons pour lesquelles il pensait qu’une enquête publique était nécessaire, mais que des audiences publiques seraient la meilleure option. En réponse à une question de M. Therrien, M. Johnston a indiqué que certaines séances des audiences publiques pourraient se dérouler à huis clos. M. Therrien a indiqué que dans le rapport, il semble blâmer les médias et la fonction publique pour les lacunes, mais pas le gouvernement actuel. M. Therrien a demandé si M. Johnston a rencontré le commissaire aux élections fédérales, et M. Johnston a répondu que non, mais qu’il prévoit de le rencontrer plus tard. Il a ajouté qu’il en va de même pour le directeur des élections du Canada.

Jagmeet Singh (NPD) a clairement indiqué qu’il n’était pas d’accord avec la conclusion de M. Johnston selon laquelle il ne devrait pas y avoir d’enquête publique, et que le NPD recommandait qu’il démissionne de son poste de RSI en raison de l’apparence de partialité. Il a également noté qu’il était déçu que le RSI ait rejeté le vote majoritaire de la Chambre sur la démission. M. Singh s’est interrogé sur l’impact de l’ingérence étrangère sur la diaspora. Il a demandé à M. Johnston si des mesures avaient été prises pour protéger les diasporas des menaces d’ingérence étrangère. M. Johnston a répondu que nous n’avions pas fait ce qu’il fallait pour protéger ces communautés. Il a indiqué qu’il fallait redoubler d’efforts pour informer les communautés de la diaspora des types de préjudices qu’elles pourraient subir. M. Singh a noté qu’il semble qu’à aucun moment le premier ministre ou son bureau n’ait contacté le SCRS de manière proactive pour savoir si l’ingérence étrangère avait un impact sur les membres du Parlement. M. Johnston a répondu que dans l’ensemble, le gouvernement est lent à réagir aux menaces d’ingérence étrangère, et qu’il n’y a pas eu la curiosité ou le flux d’informations nécessaires pour traiter la question. En ce qui concerne Erin O’Toole, M. Johnston a indiqué qu’il avait eu l’occasion de le rencontrer peu avant l’achèvement du rapport et que, depuis la publication de ce dernier, on avait recueilli beaucoup plus d’informations sur ce qui aurait dû être fait dans son cas.

Luc Berthold (PCC) a demandé à M. Johnston s’il continuait de recevoir une rémunération en tant qu’ancien gouverneur général. M. Johnston a indiqué qu’il ne recevait pas de salaire en tant qu’ancien gouverneur général, mais qu’il bénéficiait d’une pension en tant qu’ancien fonctionnaire. M. Berthold a demandé pendant combien de temps M. Johnston a été membre de la Fondation Trudeau. M. Johnston a répondu qu’il n’était pas du tout membre du conseil d’administration, mais qu’il votait seulement en tant qu’actionnaire, et qu’il avait démissionné en mars de cette année, lorsqu’il a été nommé RSI. M. Berthold a poursuivi la série de questions posées par les membres précédents du PCC sur les relations de M. Johnston avec les donateurs libéraux et M. Iacobucci. Il a demandé si M. Johnston, après toutes ces questions, ne voyait toujours pas l’apparence d’un conflit d’intérêts dans le fait d’être RSI. M. Johnston a répondu qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts et qu’il n’aurait pas accepté ce rôle s’il y avait eu conflit d’intérêts. Il a demandé que le Comité continue d’examiner la question de l’ingérence étrangère et ce qu’il peut faire à ce sujet.

Jennifer O’Connell (PLC) a fait remarquer que les membres du PCC disposaient de quinze minutes pour poser des questions et qu’ils n’avaient pas posé de questions sur l’ingérence étrangère, mais seulement sur le conflit d’intérêts perçu de M. Johnston. Mme O’Connell a demandé si le Parti conservateur avait déjà fourni des renseignements à M. Johnston au sujet d’un dossier lié à un examen interne du parti sur l’ingérence électorale étrangère. M. Johnston a répondu qu’il a demandé à M. Poilievre à quatre reprises de présenter des observations et de rencontrer le RSI au sujet de ce rapport, mais qu’il a choisi de ne pas le faire. Quelques jours avant la publication du rapport, il a reçu un grand nombre de rapports médiatiques du parti, mais c’est tout.

Jenny Kwan (NPD) a posé une question sur le rapport de Global News selon lequel des fonctionnaires avaient averti le cabinet du premier ministre avant les élections de 2019 qu’il y avait un risque d’ingérence électorale. Elle a noté que, selon le rapport, il existait une ébauche de note qui a été considérablement révisée avant d’être transmise au cabinet du premier ministre. Elle a demandé à M. Johnston si elle pouvait connaître l’identité de la personne qui avait révisé cette note. M. Johnston a répondu que la note mentionnée dans le reportage était une première version qui n’a pas été diffusée plus avant. Mme Kwan a indiqué qu’elle considérait que M. Johnston n’avait pas demandé qui avait modifié la note. Elle a indiqué que le rapport du RSI faisait état d’irrégularités observées lors de la nomination du député Han Dong en 2019 et qui étaient liées à la RPC. Elle a demandé si M. Johnston avait examiné ces irrégularités et s’il avait demandé au premier ministre s’il était au courant de ces irrégularités. M. Johnston a répondu qu’il avait posé la question au premier ministre et qu’il était au courant des problèmes de nomination, mais pas des irrégularités spécifiques, d’après ce qu’il a compris.

Michael Chong (CPC) a souligné que M. Johnston avait fait remarquer que le Parlement devait faire son travail sur l’ingérence étrangère. M. Chong a fait remarquer que le travail des parlementaires consistait à demander des comptes au gouvernement, et que le gouvernement lui-même leur avait lié les mains pour obtenir des informations sur l’ingérence de la RPC. M. Johnston a répondu qu’au cours des audiences publiques, ils examineront de près les organes parlementaires tels que l’OSSNR pour voir comment ils peuvent assurer un contrôle adéquat. M. Chong a abordé avec M. Johnston le rejet de l’idée d’une enquête publique qui a été demandée trois fois au cours des trois derniers mois au Parlement, et à savoir si cela sape la confiance dans la démocratie. M. Chong a demandé des renseignements sur les trois conseillers pour la deuxième partie du mandat de M. Johnston. M. Johnston répond qu’il ne les a pas encore nommés. M. Chong a également demandé comment inclure les membres de la diaspora dans les audiences publiques alors que de nombreux membres de ces diasporas ont indiqué qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’approche du RSI en matière d’audiences publiques par rapport à une enquête publique indépendante.

Greg Fergus (PLC) a interrogé M. Johnston sur les problèmes structurels qu’il a identifiés dans son rapport et sur les solutions possibles. M. Johnston a noté que les dernières pages de son rapport font référence à des solutions possibles, telles que des modifications à la Loi sur le SCRS qui pourraient aider à lutter contre l’ingérence étrangère, le rôle et la structure du CPSNR, les questions relatives à l’appareil gouvernemental, y compris la façon de transmettre l’information aux bonnes personnes au bon moment, et un processus dirigé par le gouvernement plutôt qu’un processus dirigé par l’organisme pour la déclassification des documents. M. Fergus a demandé si la CSNR avait bien mis en place des mécanismes pour traiter les problèmes systémiques, comme elle l’a fait remarquer au comité la semaine dernière. M. Johnston déclare qu’il comprend que c’est le cas et qu’il salue cette mesure. M. Fergus demande si le CPSNR, comparé à nos partenaires du Groupe des cinq, a le bon niveau d’accès aux documents et si sa structure est la bonne en tant que comité exécutif.

Michael Cooper (PCC) s’est interrogé sur la capacité de M. Johnston à concilier l’information qu’Erin O’Toole a reçue du SCRS (selon laquelle lui et le PCC ont été ciblés par Beijing) et la conclusion de M. Johnston selon laquelle il n’a pas pu lier cette information à un cas précis. Il a demandé à M. Johnston s’il affirme qu’il ne dispose pas de toutes les preuves disponibles. M. Johnston a répondu qu’il disposait des renseignements du SCRS et d’autres sources lorsqu’il a rédigé le rapport. M. Cooper a noté qu’il semble y avoir des informations selon lesquelles le régime de Beijing est impliqué dans l’ingérence étrangère, et il ne comprend pas comment M. Johnston ne peut pas arriver à la conclusion qu’il est impliqué. M. Johnston a déclaré que les informations fournies au moment de la rédaction du rapport ne leur permettaient pas de retracer l’attribution des informations. En réponse à des questions sur les séances d’information de l’ancien ministre de la Sécurité publique, M. Blair, M. Johnston a noté qu’il y avait clairement des ruptures de communication dans les avertissements transmis par le SCRS au ministre Blair en raison de problèmes de système, qui ont été clarifiés (tels que l’accès aux systèmes pour récupérer l’information). On a demandé à M. Johnston pourquoi il n’avait pas interrogé M. Dong, et M. Johnston a répondu que M. Dong poursuivait son action en justice à ce moment-là.

Sherry Romanado (PLC) a demandé si M. Johnston avait besoin de plus d’informations pour poursuivre son travail. M. Johnston a indiqué qu’il ne voyait pas comment ils auraient pu absorber plus d’informations qu’ils n’en ont absorbées au cours des huit semaines de travail sur le rapport. Elle a demandé si les membres du PROC devaient recevoir la cote « très secret » nécessaire pour consulter l’annexe protégé par cette habilitation de sécurité. M. Johnston a répondu qu’il existait un précédent, dans d’autres juridictions, d’extension du « cône de silence » qui s’étend actuellement aux membres du CPSNR à d’autres parlementaires afin de leur permettre de faire leur travail. Mme Romanado a demandé à M. Johnston s’il y avait des choses à faire pour être prêt pour les prochaines élections à date fixe d’octobre 2025. M. Johnston a répondu que dans son prochain rapport, il aimerait identifier les réformes qui pourraient être envisagées (telles que le registre des étrangers et les modifications à la Loi sur le SCRS) et obtenir des délais pour leur mise en œuvre.

Ruby Sahota (PLC) a interrogé M. Johnston sur son travail antérieur avec Mme Sheila Block. M. Johnston a indiqué qu’on lui avait demandé d’examiner les allégations d’implication entre M. Schreiber et l’ancien premier ministre Brian Mulroney. Mme Block lui a demandé de l’aider dans cette affaire en tant qu’avocate. Mme Sahota a passé en revue plusieurs des allégations des médias que M. Johnston a abordées dans son rapport, en particulier celles où il est indiqué que le premier ministre n’a ignoré aucun conseil ou recommandation concernant l’ingérence étrangère. M. Johnston a également souligné que les conversations entre M. Dong et le consulat de la RPC à Toronto au sujet de la prolongation de la détention de deux Michaels ont été « mal interprétées ».

Peter Julian (NPD) a demandé si M. Johnston connaissait les antécédents de Mme Block en matière de dons libéraux avant de travailler avec elle. M. Johnston a répondu que non et qu’il ne lui était jamais venu à l’esprit de poser la question en raison de la réputation et des antécédents de Mme Block en tant qu’avocate. M. Julian a demandé si M. Johnston respectait vraiment le rôle du Parlement s’il ignorait le vote majoritaire de la Chambre pour démissionner de son poste de RSI. M. Johnston a répondu qu’il pense que le vote était fondé sur de fausses allégations. M. Julian a estimé que M. Johnston devrait tenir compte de ce vote parlementaire, et a demandé si M. Johnston était au courant des dons de Mme Block au Parti libéral. M. Johnston a répondu qu’il croyait que Mme Block avait également fait des dons à d’autres partis politiques afin de soutenir d’anciens élèves, mais qu’il n’avait pas de détails à ce sujet.

Raquel Dancho (PCC) a interrogé M. Johnston sur les postes de police chinois et lui a demandé pourquoi ils ne figurent pas dans son rapport. M. Johnston a répondu qu’ils faisaient l’objet d’une enquête de la GRC et que c’est pour cette raison qu’ils n’ont pas été inclus. Mme Dancho s’enquiert de la loi sur le registre des étrangers et du retard pris par le gouvernement pour l’introduire. Elle a noté que ce retard aurait été une critique bien placée dans le rapport de M. Johnston.

Transcription non officielle (« bleus ») de la comparution de la CSNR (1er juin 2023)

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

NUMÉRO 079

1re SESSION

44e LÉGISLATURE

TÉMOIGNAGES

LE JEUDI 1ER JUIN 2023

Enregistrement électronique]

(1000)

[Traduction]

La présidente (L’hon. Bardish Chagger (Waterloo, Lib.)):

Bonjour à tous. La séance est ouverte.

Bienvenue à la réunion no 79 du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Le Comité se réunit aujourd’hui pour étudier la question de privilège concernant le député de Wellington—Halton Hills et d’autres députés.

J’aimerais rappeler aux députés et aux témoins de faire très attention lorsqu’ils utilisent les écouteurs des services d’interprétation. Ne placez pas l’écouteur près du microphone, car cela pourrait provoquer un retour de son susceptible de causer un choc acoustique, qui pourrait à son tour occasionner des blessures chez les interprètes. En somme, si vous utilisez un écouteur, gardez‑le sur votre oreille ou déposez‑le à côté de vous. C’est probablement la meilleure chose à faire. Il n’est pas conseillé de jouer avec les écouteurs en ce moment.

Je vous rappelle que les commentaires doivent s’adresser à la présidence. Le greffier du Comité et moi-même tiendrons une liste consolidée des députés qui souhaitent prendre la parole.

Nous avons avec nous aujourd’hui Mme Jody Thomas, conseillère à la sécurité nationale et au renseignement.

Madame Thomas, vous avez cinq minutes pour vous présenter.

Je tiens à vous féliciter, vous et votre équipe, de nous avoir transmis si rapidement vos disponibilités. J’espère que les autres entendront ce message s’ils veulent recevoir des félicitations. Je vous suis très reconnaissante d’avoir répondu si rapidement et de venir témoigner ce matin.

La parole est à vous.

Mme Jody Thomas (conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, Bureau du Conseil privé):

Merci, madame la présidente. C’est un grand plaisir d’être de retour devant le Comité aujourd’hui.

[Français]

Les questions qu’étudie le Comité sont des plus graves, et c’est avec plaisir que je m’en entretiens avec vous aujourd’hui. Ce n’est pas la première fois que le Comité m’invite à témoigner dans le cadre de cette étude; il s’agit d’un dossier qui évolue, tout comme le débat public qui l’entoure.

Depuis ma dernière visite, il y a eu plusieurs changements importants.

[Traduction]

Comme vous le savez, le rapporteur spécial indépendant a présenté le 23 mai un premier rapport qui renferme un certain nombre de conclusions.

D’abord, le rapporteur spécial indépendant a conclu que les gouvernements étrangers tentent indéniablement d’influencer les candidats et les électeurs au Canada. Beaucoup de choses ont été faites jusqu’à présent, mais il en reste encore beaucoup à faire, rapidement, pour renforcer notre capacité à détecter et à contrer les activités d’ingérence étrangère dans les élections et à dissuader ceux qui voudraient s’y livrer.

Le gouvernement et les services de renseignement ont en effet tenu sur une base régulière des discussions sur la menace d’ingérence, qui est croissante et omniprésente. Des efforts sont déjà déployés pour l’atténuer et la contrer, mais il reste encore du travail à faire pour combattre efficacement les menaces en constante évolution que font planer sur nous nos adversaires.

Le 6 avril, le ministre LeBlanc et le greffier du Conseil privé ont présenté au premier ministre un rapport qui décrivait les progrès réalisés jusqu’à présent dans la mise en œuvre des recommandations issues des examens précédents sur l’ingérence étrangère et la sécurité des élections. Le rapport trace ainsi la marche à suivre vers d’autres mesures.

Ce printemps, Sécurité publique Canada a lancé et a mené des consultations publiques sur la mise en place d’un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère.

L’élaboration de propositions législatives visant à moderniser la loi est bien entamée afin que les services de renseignement et les organismes d’application de la loi puissent mieux détecter les menaces, aider les Canadiens à s’en protéger et demander des comptes aux acteurs de l’ingérence étrangère.

En outre, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections exerce une surveillance accrue et une évaluation resserrée des menaces d’ingérence étrangère, au moment où ont été déclenchées simultanément quatre élections partielles.

Le rapporteur spécial indépendant a également découvert de sérieuses lacunes dans la communication du renseignement entre les organismes de sécurité et le gouvernement. Nous avons déjà apporté un certain nombre de changements pour améliorer les processus de communication et la coordination du renseignement au sein du gouvernement.

Sécurité publique Canada a nommé un coordonnateur national de la lutte contre l’ingérence étrangère, qui pilotera la réponse proactive du gouvernement à la menace d’ingérence étrangère.

Nous avons également renforcé notre gouvernance. J’ai mis sur pied un comité de sous-ministres de la réponse fondée sur le renseignement, qui aura pour mandat d’examiner le renseignement, de déterminer la réponse appropriée et de formuler des conseils à l’intention du gouvernement.

De plus, le ministre de la Sécurité publique a publié récemment une directive selon laquelle les parlementaires doivent être informés, dans la mesure du possible et dans le respect de la loi et de l’intégrité des enquêtes, de toute menace dirigée contre eux. La directive prévoit également que le ministre de la Sécurité publique soit mis au courant en temps opportun de toutes les occurrences de menace envers la sécurité du Canada dirigée contre le Parlement ou les parlementaires.

Comme vous le savez, les travaux du rapporteur spécial indépendant sont exécutés par ceux du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, qui ont tous deux examiné l’ingérence étrangère dans le processus démocratique du Canada. Le rapporteur spécial indépendant a également recommandé que l’annexe confidentielle de son rapport soit transmise à ces deux groupes.

Dans le cadre de notre travail, nous appuyons sans réserve le mandat de ces deux instances et la seconde phase du mandat du rapporteur spécial indépendant. Nous savons que des changements à long terme sont nécessaires pour que le Canada et les Canadiens disposent des outils dont ils ont besoin pour juguler l’ingérence étrangère. Le travail du comité de sous-ministres, l’analyse du rapporteur spécial indépendant, qui se poursuivra, et les examens continus du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement contribueront à orienter ces changements.

Merci beaucoup. Je répondrai volontiers à vos questions.

(1005)

La présidente:

Merci beaucoup.

Nous allons commencer la série de questions de six minutes avec M. Cooper, suivi de Mme Romanado, de Mme Gaudreau et de Mme Blaney.

Monsieur Cooper, la parole est à vous.

Michael Cooper (St. Albert—Edmonton, PCC):

Merci, madame la présidente, et merci à vous, madame Thomas, d’être venue témoigner devant le Comité.

Par votre entremise, madame la présidente, à Mme Thomas, nous sommes ici parce qu’une note de service du SCRS datée du 20 juillet 2021 indiquait qu’un diplomate de Pékin accrédité par le gouvernement libéral ciblait un député, Michael Chong, en menaçant de sanctions sa famille établie à Hong Kong.

La note de service a été transmise au ministère du premier ministre, le Bureau du Conseil privé, mais le premier ministre n’a rien fait pendant deux ans. Le gouvernement n’a pas réagi. Le premier ministre a dit à plusieurs reprises qu’il en a été informé pour la première fois dans un article du Globe and Mail. Quand avez-vous été mise au courant de cette note de service?

Mme Jody Thomas:

Comme je l’ai dit à M. Chong au moment où le SCRS lui a donné une séance de breffage, je l’ai su grâce au Globe and Mail. Je n’avais pas vu le rapport, et le premier ministre non plus.

Michael Cooper:

Vous l’avez appris dans le Globe and Mail et puis, soudainement, après la parution de l’article, deux autres députés, Erin O’Toole et Jenny Kwan, ont été invités à rencontrer le SCRS, qui leur a divulgué qu’ils étaient eux aussi ciblés par le régime de Pékin.

À quel moment le premier ministre a‑t‑il été mis au courant que ces députés, dont l’ancien chef de l’opposition, étaient ciblés par Pékin?

Mme Jody Thomas:

Le premier ministre ne savait rien des activités dirigées contre M. Chong ou contre Mme Kwan avant les événements récents et la parution de l’article. Le SCRS lui a communiqué ces informations au cours des deux ou trois dernières semaines.

Michael Cooper:

Vous avez dit que le premier ministre n’était pas au courant pour M. Chong ou pour Mme Kwan. Était‑il au courant pour M. O’Toole?

Mme Jody Thomas:

Ou M. O’Toole... C’est ce que j’ai compris.

Michael Cooper:

Vous dites qu’il aurait appris tout cela le 1er mai.

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Quand avez-vous su que Mme Kwan et M. O’Toole avaient été ciblés?

Mme Jody Thomas:

Je l’ai appris au cours des trois ou quatre dernières semaines.

Michael Cooper:

Vous l’avez appris au cours des trois ou quatre dernières semaines. Comment l’avez-vous appris?

Mme Jody Thomas:

Je l’ai appris lors d’une séance de breffage du SCRS.

Michael Cooper:

Je trouve inconcevable qu’au moins trois députés aient été ciblés par des agents de Pékin, y compris un diplomate accrédité, et que vous n’en ayez pas été mise au courant, que le premier ministre n’en ait pas été mis au courant non plus, et que ce soit seulement maintenant que des mesures sont prises, par pure coïncidence, dans la foulée de l’article du Globe and Mail.

Comment est‑ce possible? Comment peut‑on concevoir que la conseillère à la sécurité nationale, en l’occurrence vous, les anciens conseillers à la sécurité nationale et le premier ministre aient été tenus dans l’ignorance la plus complète à ce sujet? On dirait bien, madame Thomas — je vais vous laisser répondre ensuite —, que nous sommes témoins d’une défaillance de la machine gouvernementale pendant le règne du premier ministre.

Êtes-vous au moins d’accord avec mon évaluation?

Mme Jody Thomas:

Monsieur Cooper, je le répète, je n’étais pas ici en 2021. Je ne peux pas expliquer pourquoi l’information n’a été transmise ni au premier ministre ni à son bureau, et je ne vais pas émettre d’hypothèses.

C’est vrai qu’il faut améliorer la gestion des renseignements que reçoivent les bureaux des sous-ministres, des ministres et de la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement afin d’être en mesure d’informer le premier ministre et les ministres.

Nous avons déployé des efforts en vue de faire en sorte non seulement que l’information soit transmise, mais aussi qu’elle soit accompagnée de conseils, car le problème ne se limite pas à la lecture des renseignements; il faut aussi donner des conseils sur les mesures à prendre à leur égard. Nous avons renforcé ces deux processus.

Michael Cooper:

Madame Thomas, vous avez affirmé que ni vous ni le premier ministre n’étiez au courant. Ce n’est donc pas juste une question des mesures à prendre à l’égard des renseignements. Vous avez dit qu’il ne savait pas. Pourtant, nous savons qu’en ce qui concerne M. Chong, le SCRS a envoyé un courriel au ministre de la Sécurité publique en mai 2021. Cependant, le ministre n’avait pas les données d’accès à son compte de courrier électronique, et ce, 18 mois après son entrée en fonction. Ensuite, le SCRS a envoyé une note strictement au Bureau du Conseil privé, plus précisément au conseiller à la sécurité nationale du premier ministre.

Je répète ma question: comment le premier ministre pouvait‑il ne pas savoir? Pourquoi les députés ont-ils été tenus dans l’ignorance? À la lumière de ces faits, n’êtes-vous pas prête à admettre, pour le moins, qu’il y a eu défaillance majeure de l’appareil gouvernemental pendant que le premier ministre était au gouvernail?

(1010)

Mme Jody Thomas:

Je le répète, je ne peux pas expliquer ce qui s’est passé en 2021 et je ne vais pas émettre d’hypothèses. Je sais que vous rencontrerez mes prédécesseurs et des représentants du SCRS. Selon moi, le processus a échoué; en fait, non seulement il a échoué, mais il était insuffisant. Nous avons réglé ces problèmes.

Michael Cooper:

Quant à moi, ce n’est pas seulement que le processus a échoué; si trois députés ont été ciblés, c’est en raison d’un grave manquement de la part du premier ministre. Combien d’autres députés le régime de Pékin a‑t‑il ciblés?

Mme Jody Thomas:

Les représentants du SCRS vous parleront des renseignements que le SCRS détient lorsqu’ils comparaîtront.

Michael Cooper:

Les députés ciblés en seront-ils informés, ou en serons-nous informés une fois que la nouvelle aura été rapportée par le Globe and Mail?

Mme Jody Thomas:

Les instructions du premier ministre et la directive ministérielle du ministre Mendicino à l’intention du SCRS et des autres organismes du renseignement sous sa direction traduisent clairement qu’ils s’attendent à ce que les députés soient informés sur tous les renseignements les concernant, peu importe la qualité, la gravité ou la fiabilité de ces renseignements. Les députés touchés par des renseignements détenus par le SCRS recevront de l’information détaillée.

La présidente:

Merci.

La parole est à Mme Romanado.

Mme Sherry Romanado (Longueuil—Charles-LeMoyne, Lib.):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Je remercie Mme Thomas de se joindre à nouveau à nous.

Il a été un peu question du processus par lequel l’information est transmise et de la quantité de renseignements que le titulaire d’un poste comme celui de conseiller à la sécurité nationale et au renseignement reçoit. Globalement, quelle quantité de renseignements votre équipe reçoit-elle quotidiennement?

Mme Jody Thomas:

À eux seuls, nos organismes de sécurité recueillent entre 3 000 et 4 000 éléments de renseignement par mois. S’ajoutent à cela les renseignements que nous recevons de la part du Groupe des cinq.

J’ai un dossier de lecture par lequel je suis des enjeux particuliers. Bien entendu, je suis la situation en Ukraine. Je suis aussi le dossier de la Chine et de l’ingérence étrangère. Je demande qu’on me prépare un dossier de lecture, en fonction de sujets ou d’enjeux géopolitiques, ou encore par rapport aux endroits où des troupes des Forces armées canadiennes sont en garnison. Au quotidien, mon dossier de lecture peut contenir entre 50 et 100 éléments de renseignement. Parfois, il en contient plus; d’autres fois, il en contient moins. La quantité fluctue d’un jour à l’autre.

Certains éléments de renseignement envoyés au Bureau du Conseil privé me sont destinés exclusivement, et c’est à moi de déterminer à qui les transmettre. Nous tentons de faire en sorte que, dans les cas où il faut absolument que quelqu’un prenne connaissance d’un élément de renseignement, les responsables des relations avec la clientèle du CST qui travaillent auprès des ministères et qui diffusent les renseignements veillent à ce que quelqu’un en prenne connaissance. Ils doivent également confirmer que quelqu’un en a pris connaissance. Je pense que c’est là où le processus a échoué dans le passé: personne n’a pris connaissance des éléments de renseignement.

Mme Sherry Romanado:

J’aimerais que vous nous expliquiez le processus. Vous recevez des renseignements sur une vaste gamme de sujets, comme tout ce qui concerne les Forces armées canadiennes, ainsi que des enjeux à l’étranger et au pays. Comment les renseignements sont-ils collectés et comment vous sont-ils envoyés? Quels organismes vous transmettent ce type d’information? Évidemment, il y a le SCRS et le CST, mais y en a‑t‑il d’autres? Comment le dossier se rend‑il jusqu’à vous?

Mme Jody Thomas:

D’autres sont beaucoup mieux placés que moi pour vous expliquer le processus puisqu’ils en font partie. En un mot, les renseignements sont entrés dans un système qui s’appelle Slingshot, ou encore ils sont envoyés par méthode secrète ou très secrète à des destinataires donnés. Dans mon cas, ils sont imprimés. Je peux y accéder moi-même, mais en général, on me les imprime. Je reçois un dossier de lecture tous les jours, et je le lis.

Il y a différents types d’éléments de renseignement. Certains sont évalués. La direction de l’évaluation du renseignement du Bureau du Conseil privé effectue des évaluations. Autrement dit, elle prend les renseignements bruts et elle les interprète pour nous au moyen de techniques qu’elle a apprises et de méthodes analytiques perfectionnées ici au Canada et en collaboration avec le Groupe des cinq.

Nous recevons aussi des éléments de renseignement non corroborés de source unique nous informant que telle chose est peut-être arrivée.

Les organismes du renseignement gèrent toute cette information. Leurs fonds de renseignements sont considérables. Ils ne transmettent pas tous les renseignements qu’ils détiennent. Il est essentiel de comprendre qu’ils tentent de faire en sorte que les hauts dirigeants du milieu du renseignement et de la sécurité sont au courant des renseignements qu’ils recueillent et de leur niveau de crédibilité. Ils vont dire, par exemple: « Nous croyons que ce renseignement doit être porté à votre attention, mais il n’a pas encore été confirmé. » D’autres rapports peuvent alors s’ensuivre. Un dossier est monté sur une affaire ou une personne donnée.

Un élément de renseignement est rarement une preuve tangible. C’est plutôt une histoire qui se construit avec le temps. Il faut l’analyser et déterminer ce qu’on en fait.

(1015)

Mme Sherry Romanado:

Merci beaucoup.

Ainsi, chaque élément est comme une pièce de puzzle. Vous avez une petite pièce du puzzle, et même si elle peut paraître intéressante à première vue, il n’est peut-être pas nécessaire de la renvoyer plus haut.

Je présume que quand nous recevrons les autres témoins, nous pourrons leur demander de nous expliquer comment la détermination est faite de transmettre les renseignements à l’échelon supérieur. Je présume que la décision est fondée sur les pièces du puzzle qu’ils ont en main; une fois que l’image se précise... À moins, bien entendu, qu’il s’agisse d’un élément de renseignement capital, très crédible et urgent requérant une attention immédiate, comme vous l’avez dit.

Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Oui, cela résume très bien comment le système fonctionne.

Maintenant, conformément aux directives du premier ministre, nous veillons à ce que toute mention d’ingérence étrangère et d’un député soit transmise à l’échelon supérieur, peu importe le niveau de crédibilité ou de certitude de l’élément de renseignement.

Ensuite, nous demandons au SCRS ou au CST de nous fournir toute autre information qu’ils ont à ce sujet pour pouvoir brosser un portrait plus large de la situation et conseiller le gouvernement. Parfois, on nous conseille de ne rien faire pour l’instant ou d’attendre avant de transmettre les renseignements. D’autres fois, on nous conseille d’agir.

Mme Sherry Romanado:

Ce que vous décrivez, ce sont de nouvelles mesures que vous venez de mettre en place, n’est‑ce pas?

Mme Jody Thomas:

Oui, c’est exact.

Mme Sherry Romanado:

Merci beaucoup, madame la présidente.

La présidente:

Merci.

La parole est à Mme Gaudreau.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau (Laurentides—Labelle, BQ):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Je viens d’entendre des propos voulant que le premier ministre ait donné des directives. On peut donc se demander pourquoi nous sommes ici, malgré les moyens mis en place pour essayer de passer les renseignements à un tamis moins étanche.

Quelle était la directive du premier ministre quant au niveau d’alerte? J’aimerais en savoir davantage. Vous n’avez peut-être pas eu l’occasion de nous en faire part au cours de nos deux premières rencontres.

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Selon moi, le premier ministre a été très clair. Il a ordonné aux organismes du renseignement de veiller à ce que lui et les députés soient informés de toute information et de tout renseignement qu’ils reçoivent concernant des menaces liées à l’ingérence étrangère dirigées contre des députés.

Par la suite, le ministre Mendicino a produit un document officiel à ce sujet, ce qu’on appelle une directive ministérielle. En vertu de cette directive, lorsque le SCRS prend connaissance d’une menace dirigée contre un député, il est tenu d’en informer le ministre et le député ciblé, peu importe le niveau de crédibilité de la menace.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Dois-je comprendre que ce sera ainsi dorénavant, mais que ce n’était pas le cas avant?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Oui, absolument. C’est ce qui sera fait dorénavant.

Ce n’était pas le cas auparavant parce qu’on reçoit des renseignements de toutes sortes. Certains ne sont pas crédibles, mais ils sont préoccupants. Ils inquiéteraient les députés s’ils en étaient informés.

Je pense que la leçon qui a été tirée de la situation, c’est qu’il vaut mieux transmettre les éléments de renseignement rapidement, même s’ils ne sont pas crédibles ou s’ils ne peuvent pas être vérifiés.

(1020)

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Je suis très consciente qu’on reçoit entre 3 000 et 4 000 alertes ou notes de service par mois, comme vous le dites. Toutefois, ce que j’apprends aujourd’hui me trouble énormément. En effet, on croyait avoir autre chose à faire, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, alors que notre travail est extrêmement important.

Auparavant, la communication et le traitement des alertes ne se faisaient pas de la même façon. Tous les témoins qui sont venus au Comité nous ont dit qu’il y avait une épidémie de classements secrets excessifs au sein du domaine du renseignement canadien. On nous parle même d’une culture du renseignement. D’ailleurs, si nous en parlons, c’est seulement parce que quelqu’un a osé s’exprimer dans les médias. Autrement, nous ne serions pas en train d’essayer de corriger le tir.

Comment se fait-il que nous en soyons là aujourd’hui? Je vous offre la possibilité de répondre en toute honnêteté. C’est pour redonner confiance aux gens.

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Tout d’abord, je dirais que l’évaluation effectuée par les cinq intervenants à partir des renseignements présentés par le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections — soit les deux examens réalisés après les élections, le travail du CPSNR et l’analyse du rapporteur spécial indépendant — montre que les élections étaient libres, ouvertes et sûres, et que leurs résultats ne doivent pas être mis en doute. Je trouve très important de le souligner.

Pour ce qui est d’informer le premier ministre, les ministres et les députés touchés, d’éléments de renseignements particuliers... Dans le passé, le SCRS interprétait très strictement les dispositions de sa loi portant sur les séances d’information défensives et les mesures de réduction des menaces. Dorénavant, il devra suivre les instructions très rigoureuses que lui a données le ministre Mendicino. Je trouve cela rassurant.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Nous savons maintenant qu’au moins trois de nos collègues ont été visés, et c’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui, n’est-ce pas? C’est pour nous pencher sur la question de privilège concernant la campagne d’intimidation envers le député de Wellington—Halton Hills. On a agi parce que cela a été révélé publiquement.

Cela me fait croire qu’au fond, auparavant, le gouvernement ne pouvait pas protéger adéquatement les parlementaires. Êtes-vous d’accord?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

D’abord, vous soulevez un point important. Je tiens à souligner que la sécurité physique d’aucun député n’a été compromise et qu’il n’y a pas de menace physique.

Je comprends parfaitement que l’information divulguée par les médias ou transmise aux députés est choquante et troublante. Je reconnais que cela aurait dû se passer autrement.

Je ne peux pas parler de ce qui est arrivé dans le passé. Dorénavant, nous allons utiliser une approche complètement différente. Selon moi, notre nouvelle approche aidera le gouvernement, l’ensemble des députés et toute la population canadienne à comprendre la menace posée par l’ingérence étrangère et les mesures que nous prenons pour y faire face. Il y aura une plus grande transparence et plus d’échanges sur ce qui se passe réellement.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Dans le cadre de votre travail, vous manquait-il un élément pour mieux comprendre les alertes en tant que telles?

Les derniers témoins que nous avons entendus nous ont expliqué l’abondance d’informations et la façon dont on les traite pour déterminer ce qui est urgent ou plus urgent.

Vous manquait-il quelque chose ou, au contraire, vous disait-on qu’il y avait tellement d’informations qu’on devait s’occuper de ce qui était le plus grave?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

D’après moi, ce qu’il importe de retenir, c’est qu’il ne faut pas compter sur une seule personne pour lire tous les renseignements et pour décider lesquels doivent être transmis à l’échelon supérieur, car si un renseignement échappe à cette personne, il passe entre les mailles du filet. Disons que je ne peux pas prendre connaissance de mon dossier de lecture un jour parce que je suis en voyage; cela ne devrait pas vouloir dire que les renseignements ne seront pas transmis à la greffière du Conseil privé, aux ministres ou au premier ministre.

Nous avons maintenant un processus plus rigoureux pour veiller à ce que les renseignements exploitables et non exploitables, en particulier ceux concernant l’ingérence étrangère, fassent l’objet de discussions et soient transmis aux ministres, à la greffière et peut-être aussi au premier ministre et à son bureau. Ce processus vise non seulement la transmission de renseignements bruts, mais aussi la présentation de conseils sur les mesures à prendre à leur égard.

(1025)

[Français]

La présidente:

Merci.

[Traduction]

La parole est à Mme Blaney.

Mme Rachel Blaney (North Island—Powell River, NPD):

Merci, madame la présidente. Merci à Mme Thomas d’être des nôtres aujourd’hui.

J’écoute les échanges et j’essaie vraiment de comprendre parce qu’il s’agit d’une question extrêmement sérieuse. Les répercussions sont très préoccupantes; la manière dont l’information est transmise et à quels moments aussi. Quand on examine globalement la situation, on constate une méfiance grandissante au sein de la population canadienne et des parlementaires. J’espère que c’est une situation qu’on cherche à éviter.

Il y a deux éléments que j’aimerais examiner plus à fond. Vous dites que le premier ministre et vous avez seulement été informés de la situation il y a deux ou trois semaines. Vous dites aussi que vous avez renforcé le processus par lequel les renseignements sont reçus et examinés, ainsi que la manière dont les conseils sont donnés.

Êtes-vous réellement en train de nous dire que le processus était défaillant et que vous avez réglé le problème en deux ou trois semaines? C’est ce que j’entends, mais je ne comprends pas. Pouvez-vous m’expliquer comment c’est possible?

Cela n’a aucun sens. Si le problème était aussi facile à régler, pourquoi n’a‑t‑il pas été réglé plus tôt? Pourquoi sommes-nous ici aujourd’hui?

Si vous pouviez me donner une explication, cela m’aiderait beaucoup à comprendre.

Mme Jody Thomas:

Je le répète, en 2021, je n’occupais pas mon poste actuel; j’étais sous-ministre à la Défense nationale. En juillet 2021, ma préoccupation principale était l’Afghanistan. Je ne lisais pas les renseignements sur l’ingérence étrangère. Comme je l’ai déjà dit, tout le monde reçoit un dossier de lecture différent, en fonction des enjeux qui lui sont pertinents.

À titre de conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, je dois manifestement avoir une plus grande vue d’ensemble et être mise au courant d’une plus vaste gamme de renseignements que dans le passé.

Ce que mes prédécesseurs ont fait... Ils témoigneront devant le Comité. C’est avec eux que vous devrez en parler.

Même avant que les enjeux relatifs à l’ingérence étrangère se retrouvent dans les médias et deviennent un sujet de discussion prioritaire, j’ai remarqué que nous recueillons et évaluons beaucoup de renseignements. Ce qui manque, ce sont les conseils donnés au gouvernement. Les organismes du renseignement ne fournissent pas de conseils. Ce sont les sous-ministres qui donnent des conseils aux ministres, à la greffière du Conseil privé et au premier ministre. Je voyais là une lacune. Par exemple, nous traitions les renseignements que nous recevions sur l’Ukraine d’une façon différente. Les renseignements étaient évalués suivant une méthode semblable à celle que j’ai décrite: dans le cas de l’Ukraine, les sous-ministres et le chef d’état-major de la défense échangeaient sur la signification des renseignements et sur les mesures que le gouvernement devrait prendre à leur égard. L’élément le plus important du renseignement, c’est ce qu’on en fait.

Parfois, la réponse, c’est « rien » parce qu’il faut continuer à collecter des éléments de renseignement et poursuivre les recherches. D’autres fois...

Mme Rachel Blaney:

Je suis désolée. Il ne me reste que quelques minutes.

Je suppose que votre réponse est que oui, nous avons réglé le problème. Je suis très intéressée de voir comment cela fonctionne. Je ne sais pas si vous allez nous le dire aussi clairement que je l’espérais.

Vous ne cessez de répéter que vous pouvez rendre compte... et j’ai entendu dire que les personnes qui ont déjà assumé ce rôle seront là pour nous.

Ma question pour vous est donc la suivante. Lorsque vous êtes entrée en fonction, avez-vous eu des discussions avec votre prédécesseur? Dans le cadre de ces discussions, avez-vous abordé la question des renseignements et l’incidence que cela pourrait avoir sur les parlementaires? On ne vous a exprimé aucune préoccupation. Êtes-vous arrivée avec une ardoise vierge, et tout à coup, les problèmes sont apparus?

J’espère que vous serez en mesure de clarifier cela.

Mme Jody Thomas:

Le directeur du SCRS m’a certainement parlé de l’ingérence étrangère, et pas seulement des menaces à l’encontre des parlementaires, mais de l’ingérence étrangère en général. Ce type d’activités menées par des adversaires dépasse largement le cadre des élections.

Mme Rachel Blaney:

Je comprends cela, mais nous parlons en fait d’une question de privilège, et je pense qu’il est important que nous soyons clairs sur ce point.

Y a‑t‑il eu...? Là encore, on a l’impression que c’était un peu une surprise. Des courriels ont été envoyés aux ministres. Ils ne savaient pas comment les ouvrir.

C’est tellement déroutant, mais les conséquences sont profondes. Cela crée un sentiment de méfiance. Je pense qu’en la matière, la perception est importante. Nous pouvons débattre longuement de la signification de telle ou telle chose, mais c’est la perception qui compte. Dans nos systèmes actuels, les parlementaires se sentent préoccupés par le fait qu’ils ne savent pas. Je me souviens d’avoir posé une question il y a plusieurs semaines où je disais que je pourrais très bien me promener dans la rue à faire mon travail de député, de candidat à une élection. Je pourrais être pris pour cible et personne ne me le dirait.

Comment lutter contre une situation qu’on ignore qui nous arrive? Ce que j’essaie de comprendre, c’est comment on a laissé cela de côté. Comment se fait‑il que toutes ces choses se soient produites? Les médias en ont fait état. Nous pouvons discuter de la source de ces rapports et de leur origine, mais la vraie question pour moi est de savoir pourquoi cela n’a pas été considéré comme un problème.

Pourquoi devons-nous être ici? Comment allons-nous régler le problème à l’avenir tout en rendant des comptes pour le passé?

(1030)

Mme Jody Thomas:

Je pense que tout ce que vous dites est très important, et je ne suis pas en désaccord.

Je ne dirais pas que les ministres sont incapables d’ouvrir leur courrier électronique. Le système de messagerie très secret signifie que nous leur faisons parvenir des courriels. C’est une responsabilité de la fonction publique.

La transparence avec laquelle nous devons parler aux parlementaires est évidente. Je dirais que le SCRS a été limité par sa loi. Il n’est pas en mesure de communiquer tous ses renseignements, sauf dans le cadre d’une mesure officielle de réduction de la menace. Il utilise maintenant ces mesures de manière plus énergique que par le passé.

La présidente:

Je vous remercie.

Cooper est le prochain intervenant, suivi de M. Turnbull, Mme Gaudreau et Mme Blaney.

On vous écoute, monsieur Cooper.

Michael Cooper:

Merci, madame la présidente.

Madame Thomas — par votre entremise, madame la présidente —, le 3 mai, deux jours après que le Globe and Mail nous a appris que le député Chong avait été la cible du régime de Pékin et que le SCRS était au courant de la situation, le premier ministre a dit aux journalistes que « le SCRS a déterminé que ce n’était pas quelque chose qui devait être communiqué à un niveau supérieur parce que ce n’était pas une préoccupation suffisamment importante ».

Nous savons que cette déclaration n’est pas vraie. Pourquoi le premier ministre a‑t‑il dit cela?

Mme Jody Thomas:

Au début de notre compréhension du scénario et des renseignements qui ont mené au document rédigé en juillet 2021, qui faisait référence à un député... Il ne faisait pas référence à M. Chong. Il était cependant question d’un député qui était ciblé. Nous ne savions pas que les renseignements sous-jacents avaient été transférés du SCRS dans le système et distribués. Il s’agissait d’une erreur pour ce qui est des renseignements fournis au premier ministre.

Michael Cooper:

L’avez-vous dit au premier ministre?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Lui avez-vous expressément dit que la question n’avait pas été soulevée à un niveau supérieur?

Mme Jody Thomas:

Je lui ai dit qu’il n’en avait pas été informé et que je ne savais pas ce qui avait quitté le SCRS.

Michael Cooper:

Eh bien, c’est très différent de ce que le premier ministre a dit. Il n’a pas dit qu’il n’avait pas été informé. Il n’a pas dit qu’il ne savait pas où l’information était allée. Il a déclaré très précisément que la question n’avait pas été soulevée. Il a dit plus que cela.

Encore une fois, pourquoi n’a‑t‑il pas expliqué ce qui s’est réellement passé? Pourquoi a‑t‑il induit les Canadiens en erreur?

Mme Jody Thomas:

Madame la présidente, je ne pense pas que ce soit une question appropriée.

Michael Cooper:

J’estime que c’est une question appropriée. Les Canadiens ont le droit de savoir pourquoi le premier ministre ferait une déclaration de la sorte, puisque cela s’est révélé totalement faux.

Mme Jody Thomas:

Je pense que le premier ministre a tenu compte des renseignements dont il disposait à l’époque. Il nous a dit de continuer de travailler. Il a organisé une réunion avec M. Chong, et nous avons mis M. Chong au courant de la situation.

Michael Cooper:

Oui, et soudainement, 24 heures plus tard, vous avez téléphoné au député Chong et l’avez informé — contrairement à ce que le premier ministre avait dit seulement 24 heures plus tôt — que ce n’était pas le cas et que la note d’information avait en fait été transmise au Bureau du Conseil privé, plus précisément au conseiller à la sécurité nationale du premier ministre de l’époque.

Que s’est‑il passé entre la déclaration affirmative du premier ministre selon laquelle la question n’avait pas été soulevée à un haut niveau et votre appel téléphonique à M. Chong, où vous avez dit que c’était exactement le contraire de ce que le premier ministre a dit?

Mme Jody Thomas:

Madame la présidente, M. Chong, durant la séance d’information, m’a demandé si la note avait été distribuée et qui l’avait reçue. Je lui ai répondu que je ne le savais pas encore. Après examen, j’ai fourni des informations au premier ministre et j’ai rappelé M. Chong, comme je l’avais promis.

(1035)

Michael Cooper:

Qu’avez-vous appris, et comment?

Mme Jody Thomas:

Nous avons retracé toutes les adresses. Nous avons découvert à qui les renseignements avaient été envoyés et avons essayé de déterminer pourquoi il n’avait pas été informé.

Michael Cooper:

Après avoir retracé toutes les adresses, vous avez découvert que les renseignements avaient été envoyés au conseiller à la sécurité nationale, n’est‑ce pas?

Mme Jody Thomas:

Effectivement.

Michael Cooper:

Qui d’autre les ont reçus?

Mme Jody Thomas:

Comme je l’ai dit à M. Chong, ils ont été envoyés à plusieurs sous-ministres. Il incombe aux ministres adjoints d’informer ces ministres.

Michael Cooper:

Ils ont été envoyés à plusieurs sous-ministres. Lesquels?

Mme Jody Thomas:

C’était le sous-ministre de la Sécurité publique, le sous-ministre des Affaires étrangères et le sous-ministre de la Défense nationale.

Michael Cooper:

Ils ont été envoyés à trois sous-ministres, ainsi qu’au conseiller à la sécurité nationale du premier ministre.

Mme Jody Thomas:

C’est exact.

Michael Cooper:

C’est survenu en 2021...

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

... et cela a mené nulle part.

Mme Jody Thomas:

C’est exact.

Michael Cooper:

Voulez-vous que les Canadiens croient cela?

Mme Jody Thomas:

Madame la présidente, je ne pense pas que l’intégrité de mes déclarations et de ce que j’ai dit à M. Chong soient remis en question. Il est absolument certain que la note a été distribuée et qu’elle n’a pas été communiquée au premier ministre.

Michael Cooper:

A‑t-elle été distribuée à des ministres?

Mme Jody Thomas:

Pas que je sache.

Michael Cooper:

Eh bien, vous étiez sous-ministre.

Mme Jody Thomas:

Je l’étais. J’étais en congé en juillet 2021 quand la note a été envoyée à mon bureau. À mon retour, je me suis concentrée sur l’Afghanistan. On ne m’a pas remis la note.

Michael Cooper:

Qui l’a reçue à votre bureau?

Mme Jody Thomas:

Personne, c’était...

Michael Cooper:

Elle est tombée dans un trou noir.

Mme Jody Thomas:

C’est exact.

Michael Cooper:

Est‑ce votre réponse?

Mme Jody Thomas:

Je n’ai pas été informée. Je vous ai dit qu’il y avait une faille dans le processus. Nous l’avons corrigée.

Michael Cooper:

Une énorme faille.

La présidente:

Je vais prendre une minute, car je pense que nous nous en tirons plutôt bien, mais il y a cet échange de questions et de réponses.

Je pense que nous avons invité un témoin ici aujourd’hui qui assume un rôle très important, du moins pour moi. Madame Thomas, votre temps et votre présence ici signifient beaucoup pour moi et, je pense, pour la plupart des membres.

Je dirais que, lorsque nous posons une question et que nous disons que nous allons donner du temps aux témoins pour répondre, nous leur accordons du temps pour répondre; nous ne fournissons pas la réponse pour eux.

À ma connaissance, monsieur Cooper, vous n’assumez pas le rôle qu’occupe Mme Thomas, et elle est ici aujourd’hui pour nous fournir les renseignements que nous lui avons demandés.

Michael Cooper:

Madame la présidente, je respecte Mme Thomas, mais elle occupe une fonction très importante, et nous sommes saisis d’un enjeu très important. Je pose des questions sérieuses, et je pense que c’est tout à fait approprié.

La présidente:

Je pense que vous devez la laisser répondre; vous ne devez pas fournir les réponses pour elle.

Je vous remercie.

Monsieur Turnbull, la parole est à vous.

Ryan Turnbull (Whitby, Lib.):

Merci, madame la présidente.

Merci, madame Thomas, d’être ici encore une fois aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de participer à cette importante étude qui est en cours.

J’ai de nombreuses questions, mais avant de les poser, je veux clarifier un point. Ce que vous avez dit jusqu’à présent, c’est qu’il y a une nouvelle directive du premier ministre qui mène à fournir des renseignements plus exhaustifs aux députés lorsque leur famille et eux sont menacés. On dirait qu’il y a un changement dans le processus. Je répète ce que vous avez dit, si j’ai bien compris.

Vous informez maintenant les députés de ces menaces, qu’elles soient crédibles ou non, que les renseignements aient été vérifiés ou non, qu’ils soient complets ou non et qu’elles nécessitent une action de leur part ou de la part de quelqu’un d’autre. Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Oui, c’est l’approche que nous essayons d’adopter. Elle nécessite une certaine confiance, car les enquêtes en cours concernant certains de ces renseignements signifient que les sources peuvent être compromises. Nous espérons donc que lorsque les renseignements sont communiqués, ils ne sont pas ensuite rendus publics par le député.

Ryan Turnbull:

Il y a une responsabilité associée à la communication de ce type de renseignements et un niveau de confiance que vous soulignez et qui est important, et je suis d’accord. La divulgation de renseignements s’accompagne d’une responsabilité, et je pense qu’il s’agit d’une responsabilité très importante lorsqu’il est question de sécurité nationale.

Je sais aussi que les députés seraient reconnaissants de recevoir ces renseignements — je sais que je le serais si j’étais à la place de Michael Chong — et je pense que vous l’avez souligné.

En revanche, si les renseignements et les menaces ne sont pas crédibles, ne craignez-vous pas que les députés se sentent menacés dans une situation qui n’a pas été corroborée? En fait, vous les informez d’une menace qui n’est pas réelle et qui pourrait avoir une incidence psychologique et émotionnelle sur eux et sur la façon dont ils font leur travail.

(1040)

Mme Jody Thomas:

C’est un point très important. Je pense qu’il faudrait clarifier le terme « menace ». Le fait qu’un gouvernement étranger parle d’un député en particulier ne signifie pas forcément qu’il y a une menace contre lui, et je pense que l’élément critique ici sera la manière dont le SCRS transmettra l’information.

Je pense qu’au fur et à mesure que nous adopterons un processus plus transparent, cela deviendra moins effrayant et moins inquiétant. Il y aura des situations, comme nous l’avons appris avec M. Chong, par exemple, où c’est plus sérieux, mais pour la majorité des parlementaires, s’il y a une note à leur intention, j’espère que, grâce à la pratique, à la transparence et au fait que ce soit plus courant — certainement pas un événement quotidien, mais une communication d’information plus fréquente —, si nous la remettons à un député, nous serons en mesure de réduire le niveau d’anxiété que ces renseignements suscitent.

Ryan Turnbull:

Je vous remercie.

Nous avons pris connaissance du rapport de M. Johnston... et vous avez pleinement reconnu que la coordination de l’information et de la communication est un défi et qu’il y a des lacunes, et que vous avez déjà pris des mesures pour y remédier en mettant en oeuvre de nouveaux processus, ce dont je suis reconnaissant.

Je comprends également, d’après votre autre témoignage et les questions de Mme Romanado, qu’il y a de grandes quantités de renseignements, que de nombreuses agences sont en cause, qu’il y un entonnoir d’informations assez large et que tous les renseignements ne vous sont pas transmis — le SCRS a beaucoup de renseignements qu’il peut garder pendant un certain temps.

Je me demande comment vous percevez la relation de votre bureau avec le Cabinet du premier ministre et comment les renseignements sont idéalement censés être transmis au Cabinet du premier ministre.

Mme Jody Thomas:

Je pense que c’est un élément important de ce processus. Le premier ministre peut recevoir des renseignements par l’entremise de la trousse de documents à lire sur les questions qu’il suit. Ces renseignements sont transmis au Cabinet du premier ministre. Ils lui sont communiqués. Comme Katie Telford l’a dit, les renseignements ne lui sont pas cachés. S’il y a quelque chose que j’estime qu’il doit voir, qu’un collègue sous-ministre ou un dirigeant d’une agence pense qu’il doit voir ou que le greffier du Conseil privé estime qu’il doit voir, nous veillons à ce que ces renseignements lui soient communiqués par l’entremise de son bureau.

La présidente:

Je vous remercie.

La prochaine intervenante est Mme Gaudreau.

Ryan Turnbull:

Est‑ce la fin de mon temps de parole, madame la présidente?

La présidente:

Oui, monsieur Turnbull. Il a passé vite.

Ryan Turnbull:

En effet.

Merci, madame Thomas.

[Français]

La présidente:

Madame Gaudreau, vous avez la parole.

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Merci beaucoup, madame la présidente.

J’aimerais revenir à la culture du renseignement au Canada, plus précisément au sein du bureau du premier ministre.

Les gens à l’extérieur du bureau du premier ministre qui ont une connaissance fine sont-ils en mesure de comprendre toutes les informations brutes qu’il faut trier pour arriver à déterminer ce qui est vraiment grave? J’aimerais le savoir, car j’ai l’impression qu’on est dans un entre-deux, qu’on découvre qu’il y avait un espace gravement défaillant et qu’on tente de corriger le tir.

J’aimerais vous entendre à cet égard.

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Je vous remercie.

Je pense qu’il convient de souligner que les hauts fonctionnaires du Cabinet du premier ministre ont des trousses de documents à lire chaque jour, semblables aux miennes, généralement sur la géopolitique — où nos troupes sont stationnées, les points d’intérêt en ce qui concerne le travail international du premier ministre —, à l’instar de tous les dirigeants du G7.

En ce qui concerne plus précisément l’ingérence étrangère, ce qui ne s’est pas produit et ce qui se passe maintenant, c’est que les renseignements non vérifiés, ou les sources anonymes ou les personnes anonymes, sont désormais communiqués plus régulièrement.

Le Cabinet du premier ministre reçoit des trousses de documents à lire. Elles sont préparées par les agents des relations avec les clients. C’est le même processus que tout le monde suit. Ils reçoivent également des notes d’information hebdomadaires d’un groupe qui travaille pour moi — le Secrétariat de l’évaluation du renseignement au BCP. Soit ils recevront une note d’information hebdomadaire sur une série d’enjeux, soit ils demanderont une trousse de documents sur un enjeu précis.

(1045)

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Il ne reste que quelques secondes à mon temps de parole.

Pourquoi le tri de cette information n’était-il pas fait systématiquement auparavant, alors qu’on va le faire dorénavant?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Encore une fois, je ne peux pas avancer d’hypothèses sur la pratique antérieure, et vous entendrez les témoignages de mes prédécesseurs.

À mon avis et conformément à la directive du premier ministre, il veut recevoir des renseignements, point final, qu’ils soient crédibles ou non, si bien qu’il les obtiendra.

La présidente:

Je vous remercie.

Mme Blaney est la prochaine intervenante.

Mme Rachel Blaney:

Merci, madame la présidente.

Je veux revenir à la discussion que nous avons eue à propos du fait que vous avez donné l’exemple d’un congé d’un mois au cours duquel des renseignements ont été fournis, mais personne n’était là pour les lire, si bien qu’ils sont tombés dans un trou noir. Je me demande si vous pouvez nous expliquer si cela a été corrigé, s’il y a un processus en place pour remédier à cette situation, mais aussi si ce n’est pas une question de sécurité en soi. N’est‑ce pas une situation qui vous a inquiétée lorsque vous êtes revenue après un certain temps d’absence et que vous avez constaté qu’il y a ces renseignements...?

Je comprends ce que vous dites. Il se passe des choses importantes dans le monde entier et il faut réagir, et l’Afghanistan était un sujet d’actualité, mais on ne sait pas quels sont les sujets d’actualité dans les documents restants qui n’ont pas été lus, alors j’essaie juste de comprendre... N’y avait‑il pas là quelque chose de préoccupant pour la sécurité? Encore une fois...

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Madame la présidente, j’invoque le Règlement.

Je suis désolée, mais je n’ai plus accès à l’interprétation.

[Traduction]

La présidente:

Merci.

Est‑ce que cela fonctionne maintenant? M’entendez-vous, maintenant? Cela fonctionne à nouveau.

Je pense qu’il est juste que Mme Blaney recommence du début. Merci.

Mme Rachel Blaney:

Eh bien, j’espère que vous avez compris la majeure partie de la question, mais je sais que mon amie n’a pas entendu, alors je vais la répéter.

J’essaie simplement d’avoir des éclaircissements. Dans votre témoignage, vous avez dit que vous étiez en congé pendant un mois. Pendant ce temps, des renseignements ont été transmis, mais sont en quelque sorte tombés dans un trou noir. Je suis consciente qu’à votre retour, il se passait dans le monde des choses importantes qui ont évidemment été portées à votre attention.

Ma préoccupation est la suivante: lorsque des choses sont laissées derrière, cela ne risque‑t‑il pas de devenir une question de sécurité nationale? Si personne ne lit ces renseignements, si le groupe ne les lit pas et que personne ne peut attirer l’attention sur ces choses, je trouve cela préoccupant.

J’aimerais aussi savoir si cela a été corrigé ou est en voie de l’être. Si oui, comment?

Mme Jody Thomas:

Je pense que c’est une question très importante.

Premièrement, comme je l’ai dit plus tôt, il ne devrait pas y avoir de chaînon manquant en ce qui concerne le renseignement. Voilà pourquoi les renseignements critiques sont maintenant transmis aux sous-ministres pour qu’ils les analysent et présentent des conseils à cet égard.

En juillet 2021, l’élément de renseignement en question comportait la liste des personnes autorisées à le lire, à savoir, dans ce cas, uniquement la sous-ministre de la Défense. Ce n’est pas la même chose que la mention « lecture obligatoire ». Il arrive, pour certains éléments de renseignement, que les collecteurs — généralement le SCRS ou le CST, mais parfois la GRC ou le Commandement du renseignement des Forces canadiennes, COMRENSFC — m’indiquent que je dois les lire, puis l’information m’est présentée.

Cet élément de renseignement précis était moins pertinent pour mon travail de sous-ministre de la Défense. J’étais la seule au ministère à pouvoir le lire, mais il n’était pas nécessaire que je le lise pour exercer mes fonctions de sous-ministre de la Défense. Il y a une différence.

Mme Rachel Blaney:

Donc, ce que je comprends de vos propos, c’est que des choses peuvent se perdre. C’est ce qui me préoccupe. Cela me ramène encore une fois au même point. Nous discutons d’une question de privilège concernant un membre de cet endroit qui ignorait ce qui se passait. Voilà comment je perçois la chose, essentiellement. Il y a d’autres noms qui s’ajoutent à cette liste.

Puisque ce n’était pas pertinent pour vous, où est le mécanisme visant à s’assurer que rien ne passe entre les failles du filet? Ce que j’entends, encore une fois, c’est qu’il y a un trou noir. Si personne n’indique que quelque chose doit être lu, la situation va perdurer. Il est à espérer qu’un jour, quelqu’un découvrira ce qu’il en est.

Mme Jody Thomas:

Merci.

Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit. J’ai dit que nous avons réglé ce problème pour l’avenir. Quant aux éléments de renseignements qui concernent des parlementaires... Le nom de M. Chong ne figurait pas dans celui de juillet. À l’avenir, toute référence à un parlementaire sera portée à l’attention des sous-ministres. L’information sera lue par moi ou par la personne qui me remplacera en mon absence, et par les autres sous-ministres. Elle fera l’objet de discussions et un plan d’action sera préparé en conséquence. Souvent, le député concerné en sera informé. Évidemment, les ministres et le premier ministre en seront informés, conformément à leurs instructions.

(1050)

La présidente:

Merci.

Nous passons maintenant à M. Calkins, suivi de M. Fergus.

Monsieur Calkins, la parole est à vous.

Blaine Calkins (Red Deer—Lacombe, PCC):

Merci, madame la présidente. Par votre intermédiaire, je remercie Mme Thomas de sa présence aujourd’hui.

J’aimerais parler un peu de Zhao Wei. Quand le premier ministre a‑t‑il été mis au courant que Zhao Wei était le diplomate accrédité du consulat chinois à Toronto qui était impliqué dans les activités d’ingérence étrangère?

Mme Jody Thomas:

Je ne peux pas vous donner de date précise. Dans le cadre de l’analyse et de la discussion sur les renseignements concernant M. Chong, on a découvert qu’il y avait un individu en particulier. Il faudrait que je consulte mes notes pour vous donner la date exacte.

Blaine Calkins:

Pourriez-vous transmettre ces renseignements au Comité après la réunion d’aujourd’hui?

Mme Jody Thomas:

Je pourrais vous indiquer la date à laquelle j’en ai discuté. Je ne saurais dire si cela a fait l’objet de discussions précédemment.

Blaine Calkins:

Merci.

Nous savons que Zhao Wei ciblait un député en fonction et sa famille. Il espionnait des Canadiens d’origine chinoise.

Le 12 mai 2023, le Globe and Mail rapportait que le SCRS a fourni au ministère des Affaires mondiales, dès 2020, des informations sur les activités de Zhao Wei. Selon ce même reportage, Dan Stanton, un ancien directeur du contre-espionnage au SCRS, a indiqué que cette information a été communiquée au Bureau du Conseil privé.

Pourquoi le gouvernement a‑t‑il jugé pertinent d’expulser Zhao Wei seulement après que le Globe and Mail a rapporté que Zhao Wei ciblait M. Michael Chong et sa famille?

Mme Jody Thomas:

Je pense qu’il vaudrait mieux poser cette question à Affaires mondiales Canada.

Blaine Calkins:

Il me semble qu’il s’agissait surtout de limiter les dégâts sur le plan politique. J’ai beaucoup de mal à croire, madame Thomas — et vous pourrez peut-être nous éclairer à ce sujet — qu’un seul diplomate accrédité de Pékin agit actuellement de cette façon. Pouvez-vous dire au Comité si, à votre connaissance, d’autres diplomates agissent ainsi?

Mme Jody Thomas:

Je ne pense pas pouvoir aborder la question sur cette tribune publique.

Blaine Calkins:

Les postes de police illégaux... Le gouvernement a également affirmé... Nous avons déjà entendu M. Cooper parler d’une affirmation qui a été faite par le premier ministre et qui n’était tout simplement pas vraie, comme nous l’avons appris le lendemain. Il semble avoir déclaré qu’il savait que l’information n’avait pas été communiquée aux échelons supérieurs, puis il a essayé de faire croire aux Canadiens qu’en fait, il n’était pas au courant. Il a fait une déclaration très précise sur quelque chose, puis le lendemain, alors que cela s’était révélé faux, il a déclaré pour se défendre qu’il n’était pas au courant.

On voit exactement la même chose dans le cas des postes de police illégaux. Le gouvernement a dit qu’ils ont été fermés. Lors de sa comparution au Comité, le ministre de la Sécurité publique a indiqué que les postes de police sont fermés. Presque immédiatement après cette déclaration, nous avons appris qu’il reste deux postes de police clandestins de Pékin au Canada.

Vous êtes conseillère à la sécurité nationale. Combien de postes de police illégaux sont toujours en activité au Canada? Pouvez-vous nous le dire? Le gouvernement refuse de nous le dire.

Mme Jody Thomas:

La GRC enquête de façon continue sur ces postes de police. Nous savons qu’il y en a deux à Montréal, et des mesures sont prises pour faire cesser leurs activités. Malheureusement, ce ne sont pas des postes de police, et les individus qui y travaillent et assurent leur fonctionnement sont souvent des citoyens canadiens. Ce qu’il faut faire, c’est mettre fin à leurs activités.

Blaine Calkins:

S’ils mènent des opérations pour le compte du Front uni, qu’ils emploient des citoyens canadiens ou non... Êtes-vous en train de dire qu’en raison des individus qu’ils emploient pour ces activités, ils n’exploitent pas un poste de police clandestin au Canada?

Mme Jody Thomas:

Je dis que parfois, les gens se livrent à ces activités à leur insu ou sont contraints ou forcés de le faire.

Blaine Calkins:

Est‑ce parfois le cas, ou est‑ce vraiment ce qui se passe? Je ne veux pas vous interrompre, mais est‑ce vraiment ce qui se passe, madame Thomas?

Mme Jody Thomas:

Chaque situation est différente. Il n’y a pas de modèle unique.

Les outils utilisés par la GRC pour fermer les postes de police et réduire leur incidence et leur crédibilité varient selon la situation et le contexte. Il serait utile de pouvoir procéder à des arrestations à cet égard, et ces enquêtes sont en cours à la GRC.

(1055)

Blaine Calkins:

Au début de votre présentation, vous avez fait une déclaration — et nous pouvons nous référer au document préparé par le ministre de la Sécurité publique — concernant un changement de directive. La directive indique maintenant que les parlementaires doivent être informés de tout renseignement relatif à l’ingérence étrangère dont ils devraient être au courant. Vous n’avez toutefois pas parlé des partis politiques et de l’infiltration des partis politiques. Je ne vois aucune directive du gouvernement à cet égard. Y aura‑t‑il — à moins que je ne sois tout simplement pas au courant — une directive selon laquelle les partis politiques seront informés de toute infiltration dans leurs processus de nomination ou leurs mécanismes de financement?

Mme Jody Thomas:

Je pense que la question des mécanismes de financement relève d’Élections Canada et non de la conseillère à la sécurité nationale et du comité de la sécurité.

Blaine Calkins:

Élections Canada obtiendrait ces renseignements de vous...

La présidente:

Je suis désolée. Le temps est...

Blaine Calkins:

... n’est‑ce pas, madame Thomas?

Mme Jody Thomas:

Il faut que cela mène à des mesures, afin qu’on puisse faire quelque chose.

Quant au processus de nomination, il s’agit d’un problème distinct sur lequel il faut se pencher, et je pense que des discussions importantes s’imposent avec les partis. Dans un premier temps, nous avons mis en place le processus d’analyse des élections partielles, une nouvelle mesure qui vise à assurer l’intégrité des élections partielles.

La présidente:

Merci.

Monsieur Fergus, la parole est à vous.

L’hon. Greg Fergus (Hull—Aylmer, Lib.):

Merci, madame la présidente.

Madame Thomas, je vous remercie de votre présence aujourd’hui et de votre service à titre de conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, et, auparavant, à titre de sous-ministre de la Défense nationale.

Selon votre témoignage d’aujourd’hui et des témoignages précédents, on retient que tout le monde s’entend pour dire que la présentation d’informations et de renseignements partiels — avec multitude de mises en garde et d’avertissements, etc. — ne raconte parfois qu’une partie de l’histoire, et que cela peut même être erroné. Comment peut‑on brosser un tableau complet pour évaluer les informations que nous recevons, il est vrai, de manière fragmentaire?

Mme Jody Thomas:

C’est une question très importante.

Comme je l’ai indiqué, le SCRS et le CST détiennent d’importants fonds de renseignements dont la majeure partie, de loin, n’est pas communiquée à des fonctionnaires comme moi. Au fil du temps, ces organismes collectent des renseignements de façon continue par des techniques qui doivent demeurer très sécurisées afin de protéger à la fois la méthodologie et, parfois, les individus. Souvent, l’action découlant d’un élément de renseignement est simplement de continuer à collecter des renseignements.

Le SCRS a un processus d’analyse pour déterminer ce qui fera l’objet de divulgation et ce qui fera l’objet d’une enquête continue ou sera simplement conservé. Je pense qu’il est juste de dire que l’on vise à divulguer des éléments pertinents dans un contexte géopolitique donné ou pour d’autres enquêtes et préoccupations du gouvernement. Cela dit, c’est un art et non une science.

L’hon. Greg Fergus:

Je suis féru de politique publique. À partir de maintenant, vous informerez le ministre de la Sécurité publique et le premier ministre de tout renseignement concernant un député, ou un sénateur, j’imagine. Ces renseignements, par leur nature même, seront partiels ou incomplets.

Lorsque vous viendrez me voir pour me présenter des renseignements que vous avez recueillis, j’aurai beaucoup de questions. Je me demande si vous ferez les mêmes mises en garde comme celles que vous feriez habituellement à tout parlementaire, en précisant que vous avez connaissance de certaines choses, mais en vous assurant que je comprends que ces renseignements sont fondés sur un élément d’information — peut-être deux — que vous ne pouvez ni confirmer ni évaluer, et que vous n’avez pas un portrait complet. Est‑ce là le genre de séance d’information que recevront les députés et les sénateurs?

Mme Jody Thomas:

Oui, il s’agit d’un élément essentiel dont on doit discuter. Une transparence accrue peut augmenter le degré d’anxiété, mais j’espère que nous parviendrons à normaliser le genre de séances d’information offertes aux parlementaires, qu’il s’agisse de séances d’information à l’intention des caucus ou de l’ensemble des parlementaires ou simplement de séances d’information individuelles sur des renseignements qui ont été recueillis. Nous comptons sur les parlementaires pour préserver la confidentialité de ces renseignements afin que les enquêtes puissent se poursuivre.

L’hon. Greg Fergus:

C’est beaucoup demander. Comme nous l’avons vu depuis que ces éléments d’information partiels se sont retrouvés dans les médias, certains prennent cela pour paroles d’évangile.

(1100)

Mme Jody Thomas:

La transparence comporte certainement des risques, mais il est encore plus risqué de ne pas parler de l’ingérence étrangère.

L’hon. Greg Fergus:

Examinons la question d’un autre angle. Pouvez-vous énumérer certains des obstacles systémiques qui empêchent l’échange fluide de renseignements entre les organismes et les acteurs? Quels freins et contrepoids seront nécessaires à l’avenir? Comment pouvons-nous mieux rationaliser la collecte et l’échange de renseignements à l’avenir?

Mme Jody Thomas:

Pour ce qui est de la collecte de renseignements, je pense qu’il est important d’obtenir les observations des organismes du renseignement plutôt que les miennes. La collecte de renseignements est un travail difficile et très technique. Les gens se mettent en danger, et il est primordial, pour la sécurité du Canada, qu’ils puissent continuer à faire ce travail.

Quant à l’analyse et aux conseils qui sont donnés en fonction des renseignements recueillis pour protéger la sécurité nationale du Canada, protéger les gens et permettre aux enquêtes de se poursuivre, je pense que certains processus que nous avons établis seront utiles et contribueront à corriger certaines lacunes que nous avons constatées.

Nous ne comptons pas en rester là. Je vais retenir les services d’experts en sécurité pour examiner notre processus et nous conseiller sur les façons de l’améliorer davantage. Je travaille certainement avec mes collègues du Groupe des cinq pour améliorer notre processus, en fonction de leurs expériences.

L’hon. Greg Fergus:

Merci, madame Thomas.

Merci, madame la présidente.

La présidente:

Merci.

Madame Thomas, nous commençons la deuxième heure. Avez-vous besoin d’une pause? De notre côté, nous avons au moins l’occasion de nous lever entre les questions.

Vous pouvez continuer. C’est parfait. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, nous vous l’apporterons après la deuxième heure.

Nous poursuivons avec des interventions de six minutes, ce qui est mieux, à mon avis, pour que tous puissent tirer parti le plus possible de leur temps ici.

Nous commencerons par M. Cooper, suivi de Mme Sahota, Mme Gaudreau et Mme Blaney.

Monsieur Cooper, vous avez six minutes, par l’intermédiaire de la présidence.

Michael Cooper:

Merci beaucoup, madame la présidente.

Madame Thomas — par votre entremise, madame la présidente —, veuillez me corriger si certains de mes propos sont erronés. Ce que je comprends, c’est que la note de service du Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, du 20 juillet 2021 qui dressait la liste des députés ciblés par un diplomate de Pékin — sur laquelle figurait Michael Chong — vous a été envoyée, en votre qualité de sous-ministre de la Défense nationale de l’époque. Elle était ultra confidentielle et destinée à vous seulement. En d’autres mots, aucun autre employé de votre ministère n’avait l’autorisation de lire cette note de service, mais vous étiez en vacances.

Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

D’accord.

On peut présumer que vous êtes revenue de vacances. Qu’est‑il arrivé à la note de service?

Mme Jody Thomas:

Elle a été détruite en vertu des processus de destruction. Elle n’est pas restée sur un bureau, ce qui aurait représenté un risque. Si elle avait été pertinente aux activités du ministère de la Défense nationale, ou s’il s’était agi d’information à fournir au ministre de la Défense nationale de l’époque, quelqu’un d’autre que moi au ministère de la Défense nationale l’aurait lue et aurait pris des mesures.

Michael Cooper:

D’accord. La note de service a été détruite avant votre retour. Elle a été envoyée à la personne qui était à l’époque le conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre.

Qu’est‑il advenu de la note de service lorsqu’elle s’est retrouvée sur son bureau? S’est-elle encore une fois engouffrée dans un trou noir? Le savez-vous?

Mme Jody Thomas:

Non. Comme je vous l’ai dit, je ne vais pas me prononcer sur ce qui est arrivé à l’époque de mes prédécesseurs.

Nous savons que, pour différentes raisons, ce n’est qu’à la mi‑août que la note de service a été présentée à un conseiller à la sécurité nationale et au renseignement, et je ne... Je le sais simplement en raison des pavés de documents à lire.

Michael Cooper:

Qui occupait le poste?

Mme Jody Thomas:

À ce moment, David Morrison occupait le poste de façon intérimaire.

Michael Cooper:

Vous dites qu’il a fallu près d’un mois pour que la note de service se rende au Bureau du Conseil privé, ou BCP.

Mme Jody Thomas:

Non. Elle est arrivée au BCP en juillet.

Michael Cooper:

Elle serait arrivée en juillet. À qui était-elle adressée, et qui était l’expéditeur? J’essaie simplement de comprendre où se rend ce type de correspondance. Il est question d’une note de service des plus importantes. L’information qui s’y trouvait a entraîné l’expulsion d’un diplomate du Canada.

Où la note de service s’est-elle retrouvée?

Mme Jody Thomas:

En août, elle a été présentée au conseiller à la sécurité nationale et au renseignement par intérim.

(1105)

Michael Cooper:

C’était en août. D’accord.

Vous avez pris connaissance des registres d’expédition, n’est‑ce pas?

Mme Jody Thomas:

Nous avons étudié le fil des événements.

Michael Cooper:

Pourriez-vous vous engager à fournir les registres d’expédition à ce comité, ou à tout le moins à...

Mme Jody Thomas:

Je ne suis pas certaine que je les appellerais des « registres d’expédition. » Nous fournirons ce que nous avons.

Michael Cooper:

J’aimerais savoir où la note de service a été envoyée, à qui, quand, à quelles dates...

Mme Jody Thomas:

D’accord.

Michael Cooper:

Je vous en remercie.

Avez-vous accès au réseau de courriels très secret? Avez-vous des identifiants de connexion?

Mme Jody Thomas:

J’ai des identifiants de connexion jusqu’au niveau secret. Tout ce qui est très secret m’est présenté.

Michael Cooper:

Jugez-vous qu’il est approprié que, parce qu’il n’avait pas ses identifiants de connexion, le ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, n’ait pas vu la note d’avertissement du SCRS envoyée en mai 2021 et qui indiquait que Michael Chong était la cible de Pékin?

Croyez-vous que c’est acceptable?

Mme Jody Thomas:

À vrai dire, je ne crois pas que cela correspond à la réalité.

Michael Cooper:

Quelle est la réalité?

Mme Jody Thomas:

Le ministre Blair aurait reçu un pavé de documents à lire.

Je ne peux me prononcer sur ce qui s’est passé pendant cette période au ministère de la Sécurité publique. Il vous faudra discuter avec les fonctionnaires qui y travaillaient à l’époque.

Le ministre Blair ne se promène pas tout bonnement avec un portable contenant des communications secrètes pour s’y connecter. Aucun ministre n’agit ainsi. Nous leur donnons l’information dont ils ont besoin pour qu’ils la lisent.

Michael Cooper:

À l’époque de la note de service de juillet 2021 concernant les députés ciblés par Pékin, Mike MacDonald était le directeur par intérim. Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Jeudi dernier, une possibilité d’emploi a été affichée pour le poste de Mike MacDonald au bureau de la conseillère à la sécurité nationale.

Pourquoi a‑t‑il quitté votre bureau?

Mme Jody Thomas:

Après avoir occupé son poste — qui est un emploi qui accapare le titulaire 24 heures sur 24, sept jours sur sept — pendant trois ans, Mike MacDonald le quitte pour saisir une autre occasion dans le monde de la sécurité nationale.

Michael Cooper:

D’accord.

Convenez-vous que l’omission d’avoir alerté Michael Chong que lui et sa famille étaient la cible du régime de Pékin constituait un manquement grave? Concéderez-vous au moins ce point?

Mme Jody Thomas:

Je reconnais que M. Chong aurait dû être avisé.

Michael Cooper:

Au bout du compte, qui est responsable de ce manquement?

Mme Jody Thomas:

On ne peut pointer du doigt une personne en particulier. Il n’y a pas de point de défaillance unique. Je l’ai déjà dit.

Michael Cooper:

Reconnaissez-vous que le premier ministre est responsable de l’appareil gouvernemental?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Reconnaissez-vous que le premier ministre détient des responsabilités particulières en matière de sécurité nationale?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Reconnaissez-vous que le premier ministre détient des responsabilités particulières entourant la relation entre le gouvernement et le Parlement?

Mme Jody Thomas:

Oui.

Michael Cooper:

Dans ce cas, vous devez reconnaître que ce manquement repose, au bout du compte, sur le premier ministre. Ne le croyez-vous pas?

Mme Jody Thomas:

Le premier ministre ne peut informer les parlementaires d’enjeux dont il n’est pas mis au courant.

Michael Cooper:

D’accord, merci.

La présidente:

Merci.

Madame Sahota, vous disposez de six minutes.

Mme Ruby Sahota (Brampton-Nord, Lib.):

Merci, madame la présidente.

Je m’adresse au témoin par votre entremise: je suis certaine qu’elle a parcouru le rapport du rapporteur spécial indépendant. Dans son rapport, le rapporteur spécial note, au sujet de l’ingérence étrangère: « Il y a eu trop d’attitudes affectées et de situation où on a préféré des slogans aux faits [...] »

En votre qualité de fonctionnaire non partisane et la plus haut placée responsable des enjeux de sécurité nationale, croyez-vous que la polarisation à laquelle nous assistons actuellement à ce sujet a complexifié votre travail et celui de nos agences de sécurité?

Mme Jody Thomas:

Je ne sais pas exactement comment je qualifierais la situation. Je crois que la nature partisane de la discussion en cours mine notre capacité à discuter d’ingérence étrangère de façon mature, comme un pays du G7 devrait le faire. J’espère que le travail de ce comité mettra en lumière la gravité de l’ingérence étrangère et les efforts nécessaires à l’avenir pour prémunir le Canada contre l’ingérence étrangère.

Mme Ruby Sahota:

Je vous remercie de cette réponse. Je vous suis reconnaissante de votre honnêteté.

On s’est demandé à maintes reprises quel forum serait optimal pour cette question. Que l’on pense à une enquête indépendante, comme celle que vient de mener le rapporteur spécial, ou même à toute autre circonstance, la polarisation persiste à un point tel qu’il est difficile de trouver un forum qui en est exempt. Je trouve qu’il est ardu, même pour nous en tant que députés, de fouiller le sujet et de trouver un espace, comme vous l’avez dit, où nous pouvons en discuter de façon avertie.

Le très honorable David Johnston a aussi écrit: « Le Canada a besoin d’une approche plus moderne en matière de sécurité nationale [...] » Nous venons d’en prendre conscience étant donné les défis que nous vivons.

Souscrivez-vous à cette affirmation? Selon vous, quels types de changements devrions-nous apporter, mis à part ceux que vous avez mentionnés et qui ont été effectués récemment, dans les semaines précédant votre comparution?

(1110)

Mme Jody Thomas:

J’ai décrit des changements qui ont été apportés au processus afin de garantir que les documents soient présentés aux décideurs pertinents. Ainsi, on pourra prendre les décisions qui s’imposent pour intervenir à la lumière du renseignement. Je crois également qu’il est temps, comme l’ont dit le ministre Mendicino et d’autres, que nous nous dotions d’un régime de transparence sur l’ingérence étrangère et que nous nous penchions sur des changements à la Loi sur la protection de l’information et au SCRS. La Loi sur le SCRS est entrée en vigueur avant l’arrivée d’Internet et avant la diffusion de l’information, avant la polarisation et avant la montée de la Chine telles que nous les connaissons aujourd’hui. Par conséquent, je crois qu’il est également temps de réfléchir à la façon de moderniser le SCRS afin d’être en mesure de réagir aux menaces modernes.

Mme Ruby Sahota:

Avez-vous des idées quant à la façon de nous moderniser? Quels changements précis pourraient être apportés à la loi, étant donné que les derniers remontent à un passé lointain?

Mme Jody Thomas:

Certains éléments précis pourraient changer.

Tout d’abord, en ce qui a trait au régime de transparence sur l’ingérence étrangère, il faut modifier le Code criminel pour ériger en infraction criminelle le fait de ne pas divulguer d’information. D’autres pays qui se sont dotés du même régime ont mis cette mesure en œuvre, ce qui a renforcé le pouvoir du régime.

Du côté du SCRS, certains changements peuvent être apportés. Le SCRS ne peut transmettre d’information protégée aux autres ordres de gouvernement ou aux partis d’opposition. La règle était justifiée à l’époque où elle a été créée, mais je pense qu’elle n’est plus nécessaire. Ces intervenants en marge du gouvernement doivent être en mesure de discuter d’information classifiée.

Il serait très utile que le SCRS ait un mécanisme pour communiquer cette information à un moment entre ses breffages défensifs — c’est ainsi qu’on appelle les séances où le SCRS informe de façon générale les parlementaires d’une menace — et les mesures de réduction de la menace, qui constituent un processus très formel qui a lieu quand une menace précise vise quelqu’un en particulier, par exemple.

Il devrait y avoir un entre-deux pour permettre aux employés du SCRS de discuter de façon générale d’information protégée, classifiée, sans nécessairement en divulguer l’intégralité. Ils pourraient ainsi entrer un peu plus dans les détails.

Les députés nous disent entre autres, après avoir discuté avec le SCRS: « Je ne comprends pas vraiment si je fais l’objet d’une menace en ce moment. » Le flou ne persiste pas parce que le SCRS ne veut pas transmettre d’information, mais plutôt parce qu’il peut seulement communiquer une partie limitée des renseignements. Pour cette raison, la modernisation de la Loi sur le SCRS serait extraordinairement utile.

Mme Ruby Sahota:

Votre réponse m’éclaire beaucoup. Je vous en suis reconnaissante et je crois que vos conseils permettront à ce comité de passer à l’action et de recommander des mesures que le gouvernement pourra appliquer.

Je ne me rappelle plus si vous avez dit qu’il faudrait moderniser le rôle du conseiller à la sécurité nationale et au renseignement. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Jody Thomas:

Je ne pense pas être la personne la mieux placée pour analyser ce qu’il devrait advenir de ce poste. Dans d’autres pays, il se pourrait que ce poste soit assorti de plus de pouvoir. Le Bureau du Conseil privé convoque le personnel. Je ne donne pas d’instructions aux agences de sécurité, quoique nous leur en donnions un peu plus maintenant au sujet de la communication et de la diffusion et la gestion des documents.

J’ai entendu M. Wernick dire que le mandat devrait durer cinq ans. Je ne crois pas que quiconque devrait occuper ce poste pendant cinq ans parce que, comme je le disais, c’est un emploi qui accapare le titulaire 24 heures sur 24, sept jours sur sept. De plus, il faut être un fonctionnaire chevronné pour l’occuper. Cela dit, je suis convaincue que des recommandations seraient très utiles.

Mme Ruby Sahota:

Nous vous remercions de votre service. Nous espérons que vous continuerez à bien vous porter pendant l’exercice de vos fonctions.

La présidente:

Merci.

Nous passons à Mme Gaudreau.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Merci beaucoup, madame la présidente.

Madame Thomas, nous vous souhaitons surtout d’être présente le plus longtemps possible pour tous les changements que vous êtes en train d’apporter.

Nous étudions le dossier de l’ingérence étrangère depuis le mois de novembre, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, et je suis arrivée à trois conclusions. Plusieurs des témoins nous ont dit et confirmé que les seuils à atteindre pour que les cas d’ingérence soient signalés étaient beaucoup trop élevés. Ils nous ont dit que la culture du renseignement, dont nous avons parlé tantôt, était inexistante. En tout cas, il est évident qu’au Canada, ce n’est pas notre leitmotiv. Ils nous ont aussi dit que l’analyse du renseignement au sein des différents ministères et mécanismes était chaotique, ce dont nous avons parlé.

Nous voulons faire la lumière là-dessus et légiférer pour préserver une démocratie légitime et fiable. Or nous apprenons ce matin qu’il y a un nouveau protocole et de nouvelles mesures, parce qu’on ne veut plus revivre ce qui est arrivé dans le passé. Nous l’apprenons parce que nous avons demandé à la témoin ici présente de comparaître.

Je veux aussi parler de la culture du silence. Grâce à nos médias, qui nous écoutent, nous allons pouvoir informer les gens. C’est un fait, deux personnes sur trois au Canada pensent que le gouvernement chinois tente de s’ingérer dans notre processus électoral.

Pensez-vous qu’il est normal que les parlementaires demandent une enquête publique indépendante pour vous permettre d’entériner tout le processus que vous êtes en train d’entreprendre et, finalement, pour rassurer la population?

(1115)

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Il y a là de nombreuses questions, madame la présidente.

Tout d’abord, notre seuil est potentiellement trop élevé. Il faut se pencher sur cette question. Je le répète: le SCRS est contraint par la loi. Je sais que le directeur de l’organisation vous fera part de son avis lorsqu’il comparaîtra devant vous.

La culture dans la communauté du renseignement consiste à protéger l’information tout en continuant à en recueillir davantage. Je crois que nous serons plus en mesure de bien optimiser le renseignement lorsqu’on modifiera la Loi sur le SCRS, lorsqu’on collaborera, potentiellement, avec la GRC et lorsqu’on sera en mesure de transformer notre renseignement en preuves.

Je ne qualifierais pas la situation de chaotique. Des esprits extraordinairement talentueux et capables d’excellentes réflexions analysent le renseignement au SCRS, au Centre de la sécurité des télécommunications Canada — ou CSTC —, au Bureau du Conseil privé et dans d’autres ministères. C’est à l’étape suivant l’analyse que nous devons parfaire notre travail et renforcer la clarté.

Je reconnais que nous devons parler davantage de sécurité nationale. Nous devons le faire de façon transparente, claire et compréhensible en français, en anglais et dans d’autres langues. Nous ne réussissons pas à l’heure actuelle, parce que nous protégeons constamment l’information, ce qui m’amène à ma préoccupation entourant une enquête publique. Dans le cadre d’une enquête publique, je pourrais divulguer à peine plus d’information que ce que je vous ai communiqué aujourd’hui. La Loi sur la protection de l’information protège cette information. Il est essentiel de protéger les sources de renseignements. Il est primordial de protéger les techniques par lesquelles le renseignement est recueilli.

Dans le cadre des audiences que M. Johnston a recommandées et qu’il entreprendra, il est vraiment important que les intervenants, les communautés des diasporas et vous obteniez des explications aussi ouvertes et transparentes que possible quant aux prochaines étapes.

Selon moi, si une enquête a lieu, nous pourrions nous retrouver à examiner cette question plutôt qu’à apporter des changements. Je crois que nous avons en ce moment une occasion de modifier nos façons de faire. Ces changements favoriseraient grandement notre discussion sur la sécurité nationale et la compréhension des Canadiens sur les subtilités de la sécurité nationale.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Madame la présidente, je veux simplement préciser que, quand je parle de chaos, je parle vraiment de chaos. Je ne parle pas de la compétence des gens, mais d’un chaînon manquant, d’un vide ou d’une perte de documents pendant des vacances bien méritées, comme cela s’est produit pour notre témoin. Quand les gens entendent cela, ils se disent qu’il faut non seulement apporter des changements, mais il faut aussi que la population en général soit bien au courant de tout cela.

Or, je suis une parlementaire, et je ne suis même pas au courant de ce qui se passe présentement. C’est pour cela que je lance un cri du cœur et que je dis qu’il est normal, pour nous, de penser qu’il faut aller jusqu’au bout et de demander une enquête publique et indépendante pour vraiment faire la lumière sur la situation. Quand je parle à mes concitoyens, ils me disent savoir ce qui se passera et que, au bout du compte, cela ne changera rien. Cela me trouble énormément. Il y aura des élections, et ce ne sera pas dans quatre ans. Cela me préoccupe beaucoup.

Comme il ne me reste que quelques secondes, j’aimerais vous poser une question. Comme vous aurez droit à d’autres vacances prochainement, quel moyen allez-vous prendre pour vous assurer que cela sera sans conséquence?

(1120)

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Comme je l’ai dit, si les renseignements qu’on m’a fait parvenir pendant mes vacances avaient été pertinents à notre travail en défense, des actions auraient été exécutées.

Il y a une différence entre la mention « à lire » et « peut être lu, » et il importe vraiment de la saisir. Je me fais transparente lorsque je vous dis que je figurais sur cette liste en juillet 2021.

Je crois qu’il est important que les Canadiens comprennent que les agences de sécurité et nos hauts fonctionnaires — au sein du Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignement visant les élections et au sein du groupe de cinq membres — accomplissent un travail critique pour garantir que les élections sont sûres et valides. Le groupe a aussi conclu qu’il n’y a pas...

Je suis désolée, madame la présidente. Je vais conclure. Je dirai que les parlementaires détenant l’habilitation de sécurité au Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, ont accès à ces documents. Le CPSNR devrait être écouté et mis à contribution au profit de tous les parlementaires.

La présidente:

Merci.

Madame Blaney est la prochaine intervenante.

Mme Rachel Blaney:

Merci, madame la présidente.

Vous avez mentionné tout à l’heure que M. Wernick a proposé que le gouvernement légifère le poste et vous avez ajouté juger qu’un mandat de cinq ans serait un peu trop long. Je comprends.

Vous avez aussi dit que, dans d’autres pays, le rôle s’accompagne d’un peu plus de pouvoir. Il me semble que M. Wernick, à ce sujet, parlait d’une reddition de compte accrue, surtout pour la transmission et la réception d’information, qui semble faire défaut dans le système.

En vous inspirant de la situation dans d’autres pays — et j’imagine que vous vous concentrez sur nos partenaires du Groupe des cinq — quels types de changements à ce rôle seraient appropriés pour nous à l’avenir?

Mme Jody Thomas:

J’aimerais tout d’abord dire que je rends des comptes et que je prends ma reddition de compte très au sérieux. Si un manquement survient...

Mme Rachel Blaney:

Je suis désolée, mais j’aimerais vous interrompre. Pardonnez-moi. Je ne parle pas de votre reddition de compte.

Je crois que M. Wernick disait que le fait de légiférer le poste impliquerait un processus formel de reddition de compte qui garantirait un suivi de l’information reçue et de la façon dont elle est reçue. Un des défis qui a nous a été très clairement décrit, dans votre témoignage et ceux d’autres témoins, est que l’information ne se rend pas toujours où elle est censée aller, ce qui entraîne le problème dont nous sommes saisis.

Vous dites aussi que vous vous efforcez avec diligence à régler ce problème. Je veux exprimer clairement que je ne vous reproche rien personnellement par rapport à votre reddition de compte. Nous pourrions en discuter une autre fois.

Ce que je cherche à savoir concrètement, c’est ce qui doit composer le rôle que vous occupez maintenant pour que la reddition de compte soit mesurable. J’ai l’impression que nous essayons en ce moment d’atteindre une cible mouvante plutôt que d’atteindre un objectif très clair et précis qui nous permettrait d’obtenir une reddition de compte fiable.

J’espère avoir clarifié ma question.

Mme Jody Thomas:

Oui, merci.

Les sous-ministres doivent rendre des comptes à titre d’agents comptables au ministère. La situation est bien sûr différente au Bureau du Conseil privé, puisque le greffier est le fonctionnaire le plus haut placé. Dans mon rôle, j’estime qu’il serait utile de disposer d’une plus grande capacité à diriger au sein de la communauté de la sécurité nationale.

Le Conseil privé fonctionne en vertu de la prérogative de la Couronne. Il y a toute une série de choses à examiner, et le greffier nous a demandé de le faire.

J’ai écouté le témoignage de M. Wernick, mais je n’ai peut-être pas encore assez de recul pour en parler, puisque c’était il y a deux jours. Cela dit, je serais heureuse d’en discuter ultérieurement avec vous, lorsque nous aurons eu l’occasion d’explorer les diverses options pour ce poste.

Je note que le premier ministre a annoncé hier la création du poste de conseiller adjoint à la sécurité nationale et au renseignement, qui nous permettra d’agir à l’échelle tactique et stratégique.

(1125)

Mme Rachel Blaney:

Merci.

J’aimerais clarifier une chose. Vous avez dit dans vos remarques liminaires qu’il y aura une nouvelle équipe chargée de l’examen des renseignements et de l’octroi de conseils. Cela semble être l’une des lacunes à l’heure actuelle. On n’a pas nécessairement pu bénéficier de conseils.

Je tente de mieux comprendre la structure. Est‑ce votre équipe? Allez-vous travailler avec plus de gens directement? Comment fonctionne cette relation? Je reviens à la façon d’évaluer la reddition de comptes.

La situation n’est pas claire en raison de la façon dont on transmet l’information. Où va‑t‑elle, quand arrive‑t‑elle, qui la voit, pourquoi quelqu’un n’y a‑t‑il pas accès? Est‑ce que cela va fonctionner? L’équipe arrive‑t‑elle à faire son travail? Quel est votre rôle au sein de cette équipe?

Mme Jody Thomas:

Il est vrai que la collecte, la diffusion et l’analyse de renseignements au Canada et avec nos alliés du Groupe des cinq demandent des efforts concertés. Diverses agences recueillent et analysent ces renseignements pour ensuite prendre des décisions à cet égard.

Au sein de mon équipe, nous avons relevé les renseignements à transmettre aux sous-ministres aux fins de discussion et de conseil, afin qu’il n’y ait pas un seul point d’échec — comme je l’ai dit — lorsqu’une information n’a pas été transmise, et qu’une seule personne ne décide pas quoi faire avec cettedite information.

Nous avons également donné récemment — aujourd’hui, en fait — des instructions aux agences et aux organismes de collecte de renseignements sur la manière dont les renseignements seront diffusés et enregistrés selon les gens qui y auront eu accès. Nous sommes en train de mettre en place un cadre de reddition de comptes pour les personnes désignées pour lire des documents de renseignements pour veiller à savoir si elles ont lu tel ou tel document. L’idée est d’avoir un rapport hebdomadaire qui nous dira qui a lu un document précis, et ce qui s’est passé avec ce document.

Nous avons un système en place depuis des années; nous travaillons maintenant à le rendre plus structuré.

Mme Rachel Blaney:

Merci.

L’une des choses que nous tentons de comprendre... Vous avez dit que les députés seront avisés immédiatement. Je le comprends. Ma question porte plutôt sur le seuil. Nous avons entendu à maintes reprises que le seuil est parfois beaucoup trop élevé et ne correspond pas vraiment aux besoins de nos systèmes.

Les députés seront avisés immédiatement. Cela signifie‑t‑il que vous changez le seuil, ou cette mesure concerne‑t‑elle seulement l’enjeu dont il est question? Comment allez-vous vous y prendre pour éduquer les députés et les autres parlementaires à recevoir ces informations d’une manière qui leur soit utile?

Mme Jody Thomas:

Je m’excuse si j’ai utilisé le mot « immédiatement ». Ils seront avisés, mais pas avant une période d’analyse pour déterminer quoi transmettre comme renseignement. Le seuil peut être trop élevé, et c’est une limite de la Loi sur le SCRS. Comme je l’ai dit, il y a du travail à faire à cet égard.

Vous avez parlé d’éducation, et j’estime que c’est le point le plus important dans ce dossier. Nous n’informons pas assez les députés sur les enjeux de sécurité nationale, l’ingérence étrangère et les menaces qui pèsent contre eux.

La CBC a publié un article sur la sécurité des ministres et des fonctionnaires hier. Les ministres sont loin d’être les seuls concernés.

De plus, nous ne parlons pas suffisamment des menaces physiques proférées envers des députés.

Nous sommes en train d’adopter une approche de transparence pour transmettre plus d’information et aborder ces enjeux différemment au Canada.

Mme Rachel Blaney:

Merci.

La présidente:

Nous allons maintenant passer à M. Berthold.

[Français]

Il sera suivi de Mme Romanado.

Luc Berthold (Mégantic—L’Érable, PCC):

Merci, madame la présidente.

Bonjour, madame Thomas.

Madame Thomas, mon collègue, M. Cooper, vous a demandé tout à l’heure qui était ultimement responsable de l’échec du système relativement à l’information qui n’a pas été transmise à M. Chong. Vous avez répondu, si je ne me trompe pas, que

[Traduction]

... personne n’est responsable de cet échec.

Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Je suis désolée, mais je n’ai pas entendu la fin de votre question.

Luc Berthold:

Vous avez dit que personne n’est responsable de cet échec.

Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

J’ai dit qu’il n’y avait pas eu « un seul point d’échec. »

[Français]

Luc Berthold:

J’ai déjà entendu les mêmes propos, madame Thomas.

Je suis le député de la circonscription Mégantic—L’Érable, où a eu lieu la tragédie de Lac‑Mégantic, dans laquelle 47 personnes ont perdu la vie. Il y a eu des études et beaucoup d’analyses, et le Bureau de la sécurité des transports du Canada a établi qu’il y avait eu une foule d’erreurs de processus, mais personne n’a assumé la responsabilité finale de l’échec de tous ces systèmes.

Comment en sommes-nous venus, dans ce pays, à manquer autant de courage et à ce que personne n’accepte d’assumer la responsabilité de ses échecs?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Si jamais de l’information ne se rendait pas au premier ministre pendant que je suis sa conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, je considérerais avoir des comptes à rendre.

Je ne vais pas parler de ce qui s’est passé auparavant, mais je peux parler de ce qui se passe pendant mon mandat alors que je travaille pour le greffier du Conseil privé et le premier ministre.

(1130)

[Français]

Luc Berthold:

Cependant, vous reconnaissez qu’ultimement, certaines personnes sont responsables de ces échecs. Imaginons que quelque chose soit arrivé à M. Chong ou à sa famille pendant la période où il n’a pas été informé de cette menace. Nous nous sentirions tous coupables, aujourd’hui, de ne pas avoir agi.

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Si les renseignements avaient indiqué qu’il y aurait des actions immédiates, M. Chong en aurait été informé en vertu des mesures de réduction des menaces de la Loi sur le SCRS.

Aurait‑on dû l’informer des renseignements disponibles à ce moment‑là? Je crois qu’on peut maintenant s’entendre pour dire oui. Cela dit, il n’a jamais été question de menace physique; je tiens à ce que ce soit très clair. Cela ne veut pas dire par contre que la situation n’était pas grave.

[Français]

Luc Berthold:

Toutefois, on ne peut pas présumer qu’une telle menace n’existait pas. On ne peut pas présumer que le Service canadien du renseignement de sécurité a accès à toutes les mesures et à toutes les discussions qui se déroulent sur les territoires étrangers.

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Absolument. Voilà pourquoi le ministre Mendicino a clairement indiqué qu’il faudra aviser les députés.

[Français]

Luc Berthold:

Ne devrait-il pas y avoir un processus d’enquête pour déterminer, justement, qui n’a pas fait son travail?

[Traduction]

Ms. Jody Thomas:

Je crois que vous allez recevoir certains de mes prédécesseurs. Il vous faudra leur demander ce qui a motivé leur décision à l’époque et au moment où ces rapports ont été transmis.

Avant de sauter à la conclusion de négligence, je crois qu’il est essentiel de les entendre afin qu’ils vous expliquent les décisions qu’ils ont prises à l’époque.

[Français]

Luc Berthold:

J’ai entendu les mêmes choses dans le dossier de Lac‑Mégantic. C’est pourquoi je suis un peu inquiet, madame Thomas.

J’aimerais revenir aux postes de police clandestins du régime de Pékin. Vous avez reconnu tout à l’heure qu’il y avait deux postes de police clandestins qui opéraient à Montréal. Nous avons beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi, le 27 avril, le ministre de la Sécurité publique a dit que ces postes avaient été fermés, alors qu’ils opèrent toujours. Nous avons tenté de savoir combien de postes de police clandestins opéraient ou avaient opéré au pays et vous avez répondu qu’il y en avait eu deux, mais nous nous sommes arrêtés à Montréal.

Y en a-t-il d’autres qui opèrent ailleurs au pays?

Le Journal de Montréal a fait un tableau très clair qui montrait qu’il y avait des postes de police qui opéraient à Toronto et à Vancouver. Ces postes de police opèrent-ils toujours?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

À ce que je sache, les postes qui étaient opérationnels à Toronto et à Vancouver ne le sont plus au moment où on se parle.

[Français]

Luc Berthold:

Savez-vous si la diaspora chinoise est encore surveillée par des policiers, par des diplomates, ou par des gens qui bénéficient d’une protection diplomatique et sont encore en fonction? Oui ou non?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Je n’ai pas d’autres informations sur ces postes de police. Il se pourrait que j’en apprenne davantage après la réunion d’aujourd’hui, mais je n’ai pas connaissance d’autres postes à l’heure actuelle.

Il existe effectivement des diplomates mandataires qui agissent contre les intérêts de la diaspora. C’est un élément important de...

[Français]

Luc Berthold:

Combien y en a-t-il?

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Je ne pourrais pas vous donner un chiffre.

Luc Berthold:

Vous ne pouvez pas ou vous l’ignorez?

Mme Jody Thomas:

Me demandez-vous si j’ai un chiffre exact? Non.

Ces mandataires font toutes sortes de choses, alors je ne peux pas vous donner un chiffre.

La présidente:

Merci.

Nous allons maintenant passer à Mme Romanado.

Mme Sherry Romanado:

Merci beaucoup, madame la présidente.

Par votre entremise, j’aimerais parler de la question du privilège avec notre témoin. J’aimerais sensiblement poursuivre dans la même veine que Mme Blaney et parler de la sensibilisation des députés. Des témoins nous ont clairement dit que la communauté du renseignement ne comprend pas le milieu politique, et que l’inverse est tout aussi vrai.

Lorsque M. Chong est venu témoigner devant notre comité, il a dit avoir eu quatre réunions avec le SCRS. La première réunion a eu lieu le 24 juin 2021 à la demande du SCRS, puis les trois réunions suivantes se sont tenues à sa demande.

Ayant été secrétaire parlementaire au portefeuille de la défense et ayant siégé au comité de la défense, j’ai participé à diverses séances de breffage de la communauté du renseignement, alors je comprends ce qu’il en est. Ne seriez-vous pas d’accord pour que tous les députés, sénateurs et leur personnel participent à une séance de breffage pour savoir quoi surveiller et ce qu’est l’ingérence étrangère? Parle‑t‑on de quelqu’un qui tente de s’immiscer fortement dans une campagne ou qui publie des informations quelque peu erronées afin qu’on les corrige? Est‑ce le genre de choses dont il est question?

Comme vous le savez, la communauté du renseignement cherche toujours à recueillir des renseignements. Les députés en savent probablement beaucoup, mais n’en sont peut-être pas toujours conscients, parce qu’ils ignorent quoi surveiller. S’ils comprenaient le travail des agents du renseignement, ils pourraient à leur tour donner un retour d’information aux agences du renseignement concernées. Un autre témoin nous a dit que les Canadiens en général pourraient avoir accès à des informations qui seraient également utiles à la communauté du renseignement.

Il s’agit en quelque sorte d’une approche pancanadienne. Un État tente de miner nos institutions démocratiques, et je crois que tous les Canadiens s’entendent pour dire qu’il nous faut travailler ensemble pour contrer et dissuader cette menace. Si nous comblons toutes les lacunes, cela pourrait nous permettre de veiller à ce que les prochaines élections dans deux ans, disons, soient différentes de la situation actuelle.

Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet? Pensez-vous qu’il serait bénéfique de veiller à tout le moins à ce que les députés, les sénateurs, leur personnel et même les Canadiens en général comprennent mieux l’ingérence étrangère? Quelle serait l’approche idéale pour leur transmettre cette information afin qu’ils puissent aider et faire partie de la solution?

(1135)

Mme Jody Thomas:

Vous avez soulevé des points très importants. Le directeur du SCRS a comparu devant plusieurs comités, dont le vôtre, et a dit publiquement qu’il était nécessaire de parler de l’ingérence étrangère et de la sécurité nationale du Canada. Nous parlons de beaucoup de choses au Canada, mais rarement de cela. Il est vraiment essentiel de faire comprendre à la population quelles sont les menaces envers notre sécurité nationale, qui s’intéresse au Canada, qui pourrait potentiellement œuvrer à l’encontre des intérêts canadiens, etc.

La communauté de la sécurité nationale critique le fait que les discussions avec les parlementaires sont potentiellement anodines, et pas assez précises ou descriptives en ce qui concerne les choses à surveiller. Nous y travaillons. Nous continuons d’évoluer quant aux élections, et je crois qu’il est très important que les Canadiens comprennent notre travail à cet égard. Le groupe d’experts et le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections sont normalement liés à une convention de transition lors des élections générales. Or, nous avons demandé au Groupe de travail d’analyser ce qui se passe présentement dans cinq élections partielles.

Rosenberg a recommandé que le groupe d’experts se réunisse entre les élections. La première réunion aura lieu cet été pour veiller à ce qu’il y ait une certaine continuité d’ici les prochaines élections générales. En se réunissant ainsi, les membres du groupe comprendront les renseignements qu’ils analyseront pendant la période électorale. Ils auront une vue d’ensemble. Il est essentiel que ce travail se fasse dans la transparence. Il faut davantage sensibiliser la population, afin qu’elle sache quoi surveiller et quelles sont les techniques employées par nos adversaires. Ainsi, nous pourrons certes être à l’affût de tout cela lors des prochaines élections, mais la population sera également bien au fait de la situation. Nous pourrions assurément en faire rapport aux parlementaires.

La présidente:

Merci.

Allez‑y, madame Gaudreau.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Merci beaucoup, madame la présidente.

Il me reste deux minutes et demie.

Encore une fois, comment se fait-il que ce soit ici, au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, que l’on apprenne toutes ces choses, alors que des gens nous regardent? Je remercie les médias. Il est question de transparence, d’information à transmettre au public pour le rassurer, mais cela ne me rassure pas du tout.

J’aimerais profiter du temps qu’il me reste pour demander au gouvernement d’annoncer les mesures qu’il prend en ce moment ainsi que son plan de match. On pourra relayer l’information ou lancer un cri du cœur.

Je vous offre les prochaines minutes pour que vous puissiez nous parler de ce qui s’en vient dans trois mois, six mois ou un an, et non de ce que vous venez d’accomplir.

(1140)

[Traduction]

Mme Jody Thomas:

Je n’ai pas de boule de cristal. J’espère que les députés et les Canadiens...

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

J’invoque le Règlement, je n’entends pas l’interprétation. Je suis désolée.

[Traduction]

La présidente:

J’ai arrêté le temps.

Avez-vous entendu la question, madame Thomas? Est‑ce que cela fonctionne, maintenant? D’accord.

Mme Jody Thomas:

Merci.

Je n’ai pas de boule de cristal. J’espère que vous serez rassurée d’apprendre que les efforts de communication de la communauté de la sécurité nationale augmenteront au cours des prochains mois. Il y aura un meilleur dialogue avec les Canadiens et les diverses diasporas. Nous parlerons d’ingérence étrangère de façon plus candide et transparente sans pour autant révéler des informations classifiées liées à la sécurité nationale. Nos séances de breffage avec les députés seront plus précises et vernaculaires, et nous vous donnerons des exemples de choses à surveiller et vous expliquerons les préoccupations actuelles.

J’espère qu’il y aura des séances de breffage plus fréquemment avec les députés ciblés par d’autres États. Le ministre Mendicino a été très clair à ce sujet. Je pense au processus interne et à la dynamique. J’espère que l’information et les conseils circuleront bien au sein du gouvernement pour que les gens sachent quoi faire dans telle ou telle situation. Comme je l’ai dit, les conseils sont essentiels. J’espère aussi que nous allons commencer à aborder et changer les outils nécessaires pour que les agences de sécurité nationale puissent faire leur travail.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Pour terminer, compte tenu de la compétence et de l’influence dont vous disposez, j’aimerais souhaiter également qu’il y ait une vraie transparence et que la lumière soit faite afin de rassurer la population. Au moment où nous nous parlons, c’est extrêmement inquiétant.

Merci, madame la présidente.

La présidente:

Merci.

Madame Blaney, vous avez la parole.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney:

Merci.

J’aimerais faire un bref commentaire avant de poser ma question. J’ai entendu ce que vous avez dit plus tôt sur la possibilité de tenir une enquête publique. Je pense moi aussi que la discussion est devenue beaucoup trop partisane, et c’est l’une des raisons pour lesquelles le NPD estime qu’il est important que tous les partis s’entendent sur la personne chargée du processus d’enquête. Nous devons délaisser la rhétorique pour nous attaquer au problème pour de bon. Cela dit, la confiance des Canadiens envers nos systèmes a été vraiment ébranlée. J’estime donc que la seule avenue possible est une enquête publique.

Je vous suis reconnaissante de nous avoir fait part de votre opinion. J’ai simplement profité du moment pour faire de même.

J’ai une question pour vous. Lors de sa comparution, M. Chong nous a dit qu’il avait participé à une séance de breffage générale sur l’ingérence étrangère il y a un certain temps. Il a dit qu’environ 40 députés auraient participé à une telle séance. L’objectif était simplement de les prévenir. La séance ne portait pas sur sa situation personnelle; on cherchait plutôt à lui faire comprendre ce à quoi peut ressembler l’ingérence étrangère autour de soi.

Je crois que ce serait logique que tous les parlementaires reçoivent ce type de formation afin de mieux comprendre la situation. Nous avons beaucoup entendu que les parlementaires et les Canadiens doivent être mieux outillés pour faire face à l’ingérence étrangère, pour la repérer. Pensez-vous qu’il serait bénéfique d’agir en ce sens?

Des témoins nous ont également dit que plus de parlementaires devraient passer par un processus similaire à celui du CPSNR. Ce processus permet d’avoir une cote de sécurité donnant accès à plus d’informations. Cela nous permettrait de mettre la partisanerie de côté. Je ne dis pas que plus de parlementaires seraient nécessairement mis au fait des enjeux ultra-secrets, mais nous serions plus nombreux à comprendre ce qui se passe. Nous nous engagerions officiellement à ne pas transmettre ces informations à qui que ce soit.

N’êtes-vous pas inquiète de constater que les parlementaires ne disposent peut-être pas des bons outils pour faire face à cet enjeu et mieux le comprendre lors des séances de breffage?

Mme Jody Thomas:

Merci.

Vous avez posé des questions complexes. Je crois que le CPSNR peut être utilisé de manière plus efficace afin de permettre aux membres habilités de comprendre les renseignements qui sont recueillis et la façon dont ils sont utilisés au sein de la communauté de la sécurité nationale. Je crois que ce comité est essentiel.

L’habilitation d’un plus grand nombre de parlementaires est un processus complexe. Le renseignement se fonde sur le besoin de savoir. Je ne crois pas que l’habilitation accrue de parlementaires soit la solution. Je crois plutôt qu’il faut parler des menaces de façon non confidentielle, mais plutôt très claire et très précise.

Je ne crois pas que les rencontres individuelles avec les parlementaires soient nécessaires ou possibles, mais je crois qu’il faut changer notre façon de nous adresser aux groupes de parlementaires.

(1145)

La présidente:

Merci.

Nous allons entendre M. Cooper et M. Turnbull, puis nous laisserons partir Mme Thomas.

Monsieur Cooper, vous avez la parole.

Michael Cooper:

Par votre entremise, madame la présidente, j’aimerais revenir à certains points que j’avais abordés pendant la série de questions précédente.

Lorsque j’ai dit que le ministre Blair n’avait pas pu ouvrir une session pour accéder à la note sur la gestion des enjeux fournie par le SCRS, qui indiquait que Michael Chong était ciblé par Pékin, vous avez dit que ma question ne se fondait pas sur la réalité ou quelque chose du genre.

À la page 31 du rapport de M. Johnston, on peut lire ceci:

Ni le ministre ni son chef de cabinet n’a reçu la note de l’UGE. Les deux ont mentionné qu’ils n’ont pas accès à la messagerie du réseau Très secret qui a servi à envoyer la note (ce que nous avons pu confirmer auprès de représentants de la fonction publique).

Quelle partie de ma question n’était pas fondée sur la réalité?

Mme Jody Thomas:

J’ai eu l’impression que vous disiez que le ministre n’avait tout simplement pas de nom d’utilisateur et qu’il n’avait pas accès au système. Les ministres n’ont pas accès au réseau Très secret; les documents leur sont transmis sur papier lorsqu’il est approprié de le faire.

Michael Cooper:

Johnston indique par ailleurs ceci:

Il s’agit sans doute de l’exemple le plus marquant, mais non le seul, d’une mauvaise circulation de l’information et d’un mauvais traitement de l’information entre les organisations, la fonction publique et les ministres.

Contestez-vous une telle affirmation?

Mme Jody Thomas:

Non. C’est pourquoi nous modifions le processus.

Michael Cooper:

Il est un peu tard pour le faire.

Pour revenir à la dernière série de questions, lorsque je vous ai parlé de la note de juillet 2021 qui faisait valoir que certains députés, dont Michael Chong, étaient ciblés par Pékin, vous avez dit qu’elle avait été présentée à David Morrison, qui était le conseiller à la sécurité nationale du premier ministre.

Vous avez ensuite dit que le premier ministre n’avait pas été informé et n’était pas du tout au courant de la situation. Je vous rappelle que la note de juillet 2021 avait été envoyée un mois avant la campagne électorale fédérale, et qu’elle visait des allégations d’ingérence ciblant des députés du Parlement élus de façon démocratique. Pourquoi une telle information ne s’est-elle pas rendue au premier ministre?

Mme Jody Thomas:

Madame la présidente, j’ai dit que je n’allais pas spéculer et vous avez l’occasion de poser vos questions aux titulaires des postes lorsqu’ils témoignent devant vous.

Je vous assure qu’en tant que conseiller à la sécurité nationale pour le premier ministre, il reçoit l’information nécessaire, surtout en ce qui a trait à l’ingérence étrangère, mais aussi en ce qui a trait à de nombreux autres sujets.

Michael Cooper:

Lors de votre dernière comparution devant le Comité, vous avez dit que le premier ministre était souvent informé des enjeux en matière d’ingérence étrangère. La cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, a dit que le premier ministre lisait tout et qu’aucun renseignement n’était omis. Pourtant, à un mois des élections, alors que certains députés étaient ciblés par Pékin, le premier ministre n’était soudainement plus informé. Tout d’un coup, le premier ministre qui lit tout ne lit pas cette note.

Comment peut‑on y croire? Qu’est‑ce que cela nous dit au sujet du premier ministre et de l’importance qu’il accorde à la menace que représente Pékin pour notre démocratie et à son ingérence dans le travail des députés du Parlement? Ces députés étaient ciblés parce qu’ils faisaient leur travail, qu’ils parlaient au nom des contribuables et au nom des Canadiens. Or, soudainement, le premier ministre serait dans le noir... ce qui l’arrange bien. Que faut‑il en déduire à son sujet?

Mme Jody Thomas:

Vous tirez des conclusions fallacieuses.

Le premier ministre ne peut tirer de conclusions à partir de renseignements qu’il n’a pas reçus, et il n’a pas été informé de la situation, c’est tout.

Michael Cooper:

Le premier ministre, qui est responsable de la machine gouvernementale, qui décide de la façon dont l’information circule jusqu’à son bureau et qui se préoccupe grandement de la sécurité nationale, n’est soudainement plus au courant de rien? Cela tombe bien.

Je crois que les Canadiens peuvent très facilement en venir à la conclusion que le premier ministre ne prend pas au sérieux l’ingérence de Pékin et qu’il agit comme s’il n’était au courant de rien parce que cela l’arrange bien. Je crois qu’il était au courant. Je crois aussi que la plupart des Canadiens sont d’avis qu’il était au courant et que s’il ne l’était pas, c’est la preuve de son manque total de leadership.

Je vais maintenant changer de sujet. Est‑ce que vous participez aux discussions politiques avec le premier ministre, le bureau du premier ministre, le cabinet ou les députés libéraux?

(1150)

Mme Jody Thomas:

J’aimerais vous dire deux ou trois choses.

Michael Cooper:

Je vous ai posé une question.

Mme Jody Thomas:

Le premier ministre n’était pas au courant. Nous ne sommes pas à la période des questions. Vous tirez des conclusions d’ordre politique; elles ne se fondent pas sur des faits. L’information n’a pas été transmise au premier ministre.

Michael Cooper:

Ce que je dis, c’est qu’il n’était supposément pas au courant, alors qu’il aurait dû l’être, ce qui démontre son manque de leadership.

Mme Jody Thomas:

Cela démontre le processus...

La présidente:

Excusez-moi; je vous arrête un instant.

Madame Thomas, veuillez garder votre idée.

Monsieur Cooper, votre temps est écoulé. Je vous ai rendu les 12 secondes qu’il vous restait tout à l’heure.

Sur ce, madame Thomas, vous avez la parole.

Mme Jody Thomas:

Je ne suis habituellement pas dans la pièce lorsqu’il y a des discussions politiques.

La présidente:

Merci.

Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

Ryan Turnbull:

Merci, madame la présidente.

Je crois que nous avons entendu des arguments fallacieux et défaillants, de même que des conclusions indécentes de la part de M. Cooper, qu’il répète sans cesse en donnant des coups sur la table. C’est honteux, à mon avis.

J’aimerais que nous en venions aux faits.

Madame Thomas, dans son rapport, M. Johnston établit clairement que, selon les renseignements, rien n’indique que la RPC a posé des gestes pour menacer la famille de Michael Chong.

Est‑ce que c’est ce que vous comprenez?

Mme Jody Thomas:

C’est ce que je comprends.

Ryan Turnbull:

Il n’y a eu aucune menace ni aucune mesure prise pour exécuter cette menace.

Mme Jody Thomas:

C’est exact. L’information qui a été transmise à M. Chong est troublante, cela ne fait aucun doute; mais aucune mesure n’a été prise.

Ryan Turnbull:

Nous sommes tous du même avis: il est très troublant de penser qu’un élu ou un membre de sa famille puisse être menacé ou intimidé. Je suis tout à fait d’accord avec vous.

En ce qui a trait au courriel sur le réseau Très secret, qui semble semer la confusion, vous avez dit clairement, d’une manière qui correspond à ce qui est dit dans le rapport de M. Johnston, que selon l’orientation ministérielle en place, le SCRS aurait dû informer le ministre.

Êtes-vous d’accord?

Mme Jody Thomas:

Oui, le SCRS aurait probablement dû informer le ministre. Le sous-ministre avait aussi un rôle à jouer.

Ryan Turnbull:

D’accord.

Vous dites que vous n’avez pas accès à ce réseau Très secret non plus. Vous avez dit que votre niveau d’accès était inférieur, je crois. Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

Je peux me connecter au réseau Secret, mais pas au réseau Très secret. Les renseignements très secrets me sont transmis par ce que l’on appelle un agent du service à la clientèle du CSE.

Ryan Turnbull:

Je vous remercie pour ces précisions.

Vous avez dit qu’il aurait fallu imprimer les renseignements et les montrer au ministre dans un endroit sécurisé.

Est‑ce exact? Il n’y aurait pas eu de courriel très secret?

Mme Jody Thomas:

C’est exact.

Ryan Turnbull:

Merci.

Après vous avoir entendue aujourd’hui, je m’intéresse aux déclarations sur la cote de crédibilité associée aux renseignements.

Est‑ce que cette cote est toujours incluse dans les documents sur la sécurité?

Mme Jody Thomas:

Oui. Lorsque nous recevons les renseignements bruts des organismes, ils nous informent habituellement de leur crédibilité ou de leur fiabilité.

Ryan Turnbull:

Quelle est l’importance de cette cote de crédibilité?

Mme Jody Thomas:

Elle nous permet de déterminer si nous devons prendre des mesures, si nous devons attendre d’obtenir plus de renseignements et comment nous devons évaluer ce que nous lisons. S’il s’agit d’une source unique ou d’une source qui n’est pas crédible, ou s’il n’y a pas d’autres renseignements au sujet d’un élément en particulier ou d’une allégation, ou de toute mesure qui pourrait être prise, nous agissons en conséquence.

Comme nous l’avons dit plus tôt, le renseignement ne représente habituellement pas une preuve tangible. C’est l’élément d’un tout; une pièce du casse-tête.

(1155)

Ryan Turnbull:

Oui, c’est ce que vous avez dit. Merci.

Quelle est l’utilité, donc, des renseignements qui ne sont pas associés à une cote de crédibilité?

Mme Jody Thomas:

Au bout du compte, ces renseignements peuvent s’avérer très importants. Ils nous donnent une idée de ce qui pourrait arriver, de ce qui se passe ou ne se passe peut-être pas. Comme je l’ai dit plus tôt, il s’agit d’un art et non d’une science.

Ryan Turnbull:

Ces renseignements pourraient être importants comme ils pourraient ne pas être pertinents; on ne le sait pas, puisqu’ils ne sont pas associés à une cote de crédibilité.

Est‑ce exact?

Mme Jody Thomas:

C’est exact, parce qu’il faut tenir compte de ce qui est arrivé avant et des renseignements que l’on continue de recueillir. La crédibilité est associée à la façon dont les organismes déterminent, à l’aide de ressources restreintes, si elles poursuivent l’enquête et la collecte de données.

Ryan Turnbull:

Je crois qu’il importe de souligner que les fuites dans les médias n’étaient pas associées à une cote de crédibilité, du moins à ce que je sache. Je crois que M. Johnston a parlé de certaines ébauches. Est‑ce que cela nous mène à la source des diverses fuites dans les médias, à la crédibilité de l’information et à son origine au sein de l’environnement de la sécurité et du renseignement?

La présidente:

Monsieur Turnbull, en règle générale, je redonnerais la parole à Mme Thomas, mais vous n’avez plus de temps.

Madame Thomas, vous pouvez transmettre d’autres renseignements au greffier si vous le souhaitez, et nous allons...

Ryan Turnbull:

Madame la présidente, est‑ce que je peux obtenir une courte réponse à cette dernière question? Elle est assez importante.

La présidente:

D’accord, mais très rapidement.

Mme Jody Thomas:

Je ne suis pas certaine d’avoir compris la question; excusez-moi.

La présidente:

Je ne peux vous laisser répéter la question, monsieur Turnbull; nous n’avons tout simplement pas le temps. Je suis désolée.

Vous m’excuserez, madame Thomas, mais nous recevons le ministre Blair pour la prochaine heure de la réunion et nos ressources sont très limitées. Je ne veux pas devoir gérer un retard.

Sur ce, au nom des membres du comité de la procédure, je vous remercie de nous avoir accordé votre temps et votre attention. Si vous le souhaitez, vous pouvez transmettre des renseignements supplémentaires au greffier; nous les distribuerons dans les deux langues officielles.

Nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes. Nous reviendrons à midi.

Merci et bonne journée.

(1155)

(1200)

La présidente:

Nous reprenons les travaux.

Pour cette partie de la réunion, nous recevons l’honorable Bill Blair, ministre de la Protection civile, et Tricia Geddes, sous-ministre déléguée au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile.

Monsieur le ministre, nous vous souhaitons la bienvenue. Vous disposez de cinq minutes pour votre déclaration préliminaire. Allez‑y.

L’hon. Bill Blair (ministre de la Protection civile):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci, chers collègues, de m’avoir invité à témoigner devant vous aujourd’hui.

Je vais tenter d’être bref pour ma déclaration préliminaire, afin de vous laisser amplement le temps de poser des questions et de discuter.

Il y a un enjeu important au cœur de cette étude. Soyons clairs: aucun parlementaire et aucun membre de sa famille ne devrait être menacé pour avoir défendu ses croyances, pour avoir représenté les électeurs ou pour avoir agi en leur nom.

Chers collègues, les Canadiens nous élisent pour parler de l’avenir de notre pays en leur nom. Nous ne sommes souvent pas d’accord les uns avec les autres, mais il est tout à fait inacceptable qu’un député du Parlement soit la cible de violences. Je tiens à vous assurer que je soutiens toutes les victimes de tels comportements.

J’ai eu vent pour la première fois des menaces contre le député de Wellington—Halton Hills en lisant un article dans le Globe and Mail le 1er mai dernier. Les allégations étaient graves et très troublantes, puisqu’on nommait le député et les membres de sa famille.

Bien que les considérations relatives à la sécurité restreignent les renseignements que je peux vous transmettre, je peux vous dire qu’on ne m’avait jamais informé de cette menace de violence proférée par un acteur étranger contre un parlementaire. Je vous assure que si j’avais obtenu de tels renseignements, j’aurais demandé à ce que l’affaire soit renvoyée devant les autorités policières et à ce que des mesures soient prises pour protéger le député et sa famille. Si nous avons des preuves d’une menace de violence contre un Canadien, il est essentiel de faire appel à la police immédiatement, afin que des mesures appropriées soient prises.

L’ingérence étrangère représentait déjà une menace importante pour les intérêts canadiens, avant même que le gouvernement actuel ne soit élu, et le problème s’est aggravé au cours des dernières années. Dans le cadre de notre tout premier mandat, nous avons pris de premières mesures en vue d’aborder le problème. Nous avons notamment investi dans la capacité en matière de cybersécurité et adopté des lois pour accroître la sécurité des élections.

Peu après ma nomination à titre de ministre de la Sécurité publique, la COVID a frappé et a complètement changé nos vies. Le paysage de la sécurité publique a évolué rapidement et de nouvelles menaces sont apparues à une vitesse sans précédent. Les activités des acteurs étrangers malveillants qui tentent de s’ingérer dans les intérêts nationaux du Canada se sont accrues.

En guise de réponse, j’ai envoyé une lettre à chaque député en 2020 afin de les aviser de la gravité de cette menace et de leur expliquer les efforts du gouvernement pour la contrer. J’avais écrit ceci:

Le gouvernement privilégie d’abord et avant tout le bien-être et la sécurité des Canadiens. Lorsque des États étrangers malveillants cherchent à causer des préjudices à nos collectivités, à miner nos valeurs ou à compromettre les institutions sur lesquelles notre pays est bâti, nous prendrons des mesures.

Cette déclaration est toujours vraie aujourd’hui.

Nous savions — et c’est toujours le cas — que des acteurs malveillants étrangers tentaient d’intervenir dans la politique canadienne, d’une façon qui dépasse largement les activités diplomatiques habituelles. C’est pourquoi j’ai explicitement demandé au SCRS de sensibiliser les personnes qui pourraient être ciblées afin qu’elles comprennent les risques et qu’elles sachent comment se défendre contre ces attaques.

Je tiens toutefois à le répéter: je n’ai jamais été informé d’une quelconque tentative par un acteur étranger d’attaquer un parlementaire ou ses proches. Bien que le SCRC était responsable de désigner les personnes à informer, je comprends que plusieurs députés l’ont été avant les élections de 2021.

Le travail du gouvernement en ce sens est loin d’être terminé. Nous avons continué de réaliser d’importants progrès depuis les dernières élections.

Le budget de 2023 prévoyait un investissement de 13,5 millions de dollars pour la création du Bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère à Sécurité publique Canada. La GRC a également reçu 48,9 millions de dollars pour renforcer sa capacité à protéger les Canadiens contre les acteurs étrangers ennemis.

De plus, mon collègue, le ministre Mendicino a tenu des consultations sur un registre visant la transparence en matière d’ingérence étrangère, et je suis heureux de vous annoncer que ces consultations ont pris fin plus tôt ce mois‑ci. Nous avons reçu l’appui nécessaire pour aller de l’avant.

Chers collègues, comme l’a fait valoir le très honorable David Johnston dans son rapport la semaine dernière, certaines questions sont trop importantes pour laisser place à la partisanerie. Il a aussi dit ceci: « Ce qui est en jeu pour nous tous, c’est la confiance dans nos institutions démocratiques. La confiance même que l’ingérence étrangère tente de miner. »

Nous devons continuer d’examiner ces questions de manière à respecter toutes nos obligations en matière de sécurité nationale, notamment pour ceux qui mettent leur vie en jeu pour recueillir des renseignements sur le terrain. Bien que je ne puisse aborder certains sujets de façon publique, je reconnais et je respecte le travail de sensibilisation du Comité à l’égard de cette grave menace pour tous les Canadiens et pour les institutions du Canada.

Madame la présidente, merci. Je répondrai avec plaisir aux questions de mes collègues.

(1205)

La présidente:

Merci, monsieur Blair, d’avoir été bref.

Nous commençons maintenant une série de questions de six minutes. Nous allons d’abord entendre M. Cooper, puis nous entendrons M. Turnbull.

[Français]

Ce sera ensuite au tour de Mmes Gaudreau et Blaney.

[Traduction]

Monsieur Cooper, vous avez la parole.

Michael Cooper:

Merci, madame la présidente, et merci, monsieur le ministre.

Par l’entremise de la présidence, monsieur le ministre, vous avez clairement dit que vous n’aviez pas été informé des menaces de violence contre les députés. Saviez-vous toutefois que les députés étaient victimes d’intimidation ou d’ingérence? Le mot « violence » est très précis.

L’hon. Bill Blair:

En effet. Je vous remercie pour votre question. Je suis heureux de pouvoir vous donner des précisions sur le sujet.

J’ai discuté à plusieurs reprises avec le directeur du SCRS de la question de l’ingérence étrangère et, de façon particulière, des activités du gouvernement chinois, mais je n’ai pas obtenu de renseignements précis au sujet de certains députés visés. Je savais que le SCRS se préoccupait de l’ingérence visant certains députés, qui n’avaient pas été nommés. C’est pourquoi j’ai demandé au SCRS de tenir des séances d’information avec ces personnes.

Michael Cooper:

Merci, monsieur le ministre.

Vous avez dit tout à l’heure que c’est dans un article du Globe and Mail que vous aviez appris que le député Michael Chong avait été la cible de Pékin, mais nous savons que le SCRS avait tenté de vous informer que certains députés étaient visés, notamment Michael Chong, dans une note sur la gestion des enjeux qui avait été transmise à vous et à votre cheffe de cabinet par courriel très secret, mais que vous n’aviez pas lu la note parce que vous et votre cheffe de cabinet n’aviez pas les données de connexion requises.

Comment cela est‑ce possible?

(1210)

L’hon. Bill Blair:

Premièrement, ce que vous venez de décrire est incorrect. Vous vous trompez sur les faits, mais je vais vous expliquer avec plaisir comment tout cela fonctionne, si vous me le permettez.

Michael Cooper:

Allez‑y.

L’hon. Bill Blair:

Oui, bien sûr. Premièrement, il n’y a pas de compte courriel qui sert à transmettre les renseignements très secrets aux ministres. Il y a un terminal sécurisé dans certains bureaux, mais pas dans les bureaux politiques, et certainement pas dans le bureau du ministre. Je n’ai pas accès au terminal à partir duquel l’information a été transmise.

C’est le directeur du SCRS qui a décidé des renseignements à transmettre au ministre. Ces renseignements ont été imprimés et le directeur du SCRS m’a rencontré dans un lieu sécurisé pour m’informer...

Michael Cooper:

Monsieur le ministre, en tout respect, dans son rapport, M. Johnston a fait valoir que le SCRS vous avait transmis l’information, à vous et à votre cheffe de cabinet, probablement parce qu’il voulait que vous la voyiez, mais vous ne l’avez pas vue, parce que vous n’y aviez pas accès.

C’est ce qu’a dit M. Johnston. Est‑ce qu’il a tort?

L’hon. Bill Blair:

Permettez-moi de préciser que l’information ne m’a pas été transmise. Le SCRS a déterminé que les renseignements pouvaient m’être transmis, mais a déterminé... Vous devriez peut-être poser la question au directeur. Il a déterminé qu’il n’était pas nécessaire que je sois informé, alors on ne m’a jamais parlé de l’existence de ces renseignements, et on ne me les a jamais transmis.

Michael Cooper:

Johnston a dit que vous n’y aviez pas eu « accès ». Ce sont ses mots.

L’hon. Bill Blair:

Oui. C’est factuellement correct. Il n’y a pas de terminal permettant d’avoir accès à ces renseignements dans un bureau politique, et certainement pas dans le bureau du ministre. Le terminal se trouve dans un lieu sécurisé. Je n’y avais pas accès. Pour que des renseignements très secrets se trouvant sur ce terminal soient portés à mon attention, il faudrait que le SCRS prenne une décision en ce sens et me les montre dans un local isolé pour l’information sensible cloisonnée ou dans ses bureaux.

Michael Cooper:

Johnston a dit qu’il s’agissait de l’exemple le « plus marquant » d’une mauvaise circulation de l’information. Vous étiez ministre de la Sécurité publique. Cela relevait de votre compétence, en tant que ministre.

Que signifie pour vous la responsabilité ministérielle?

L’hon. Bill Blair:

Ma responsabilité est de traiter l’information qui est portée à mon attention par nos organismes de sécurité nationale et de renseignement. Dans le cas qui nous occupe, cet organisme a déterminé que les renseignements n’avaient pas à être communiqués au ministre et il ne me les a pas transmis. C’est préoccupant et je crois que la question a été abordée de manière appropriée dans une récente directive ministérielle diffusée par mon successeur, le ministre Mendicino, qui énonce...

Michael Cooper:

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le ministre, votre réponse nous indique que vous n’acceptez pas la responsabilité ministérielle qui vous revient.

L’hon. Bill Blair:

Je crois que c’est complètement faux. J’assume la pleine responsabilité pour toutes les questions visées par mon mandat.

Dans cette situation en particulier, le SRCS a pris une décision opérationnelle sur les renseignements qui devaient être transmis au gouvernement. Il a déterminé qu’il n’était pas nécessaire de communiquer l’information. Deux ans plus tard, lorsque la presse a eu vent de cette information, elle m’a été transmise.

À ce moment‑là, je ne savais pas que l’information existait. Je ne savais pas qu’elle ne m’avait pas été communiquée, parce que je ne savais pas qu’elle était disponible. Le SCRS avait déterminé à juste titre qu’il n’était pas nécessaire de me transmettre l’information.

Michael Cooper:

Monsieur le ministre, je crois que le grand responsable, c’est vous, en tant que ministre de la Sécurité publique. Cela en dit beaucoup sur le gouvernement si vous, en tant que ministre de la Sécurité publique, le premier ministre et l’actuel conseiller à la sécurité nationale avez appris la nouvelle par le Globe and Mail. C’est assez révélateur.

(1215)

L’hon. Bill Blair:

Ce n’était pas une question, madame la présidente. Voulez-vous que je réponde?

La présidente:

Le Comité vise à offrir l’occasion aux personnes que nous avons invitées de fournir des réponses. Parfois... Nous sommes dans le milieu politique; ce n’est pas facile. J’ai besoin de vous entendre.

L’hon. Bill Blair:

Donc, si je peux répondre...

La présidente:

Rapidement.

L’hon. Bill Blair:

... Je ne suis pas d’accord avec vous, monsieur Cooper.

La présidente:

Merci.

Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

Ryan Turnbull:

Merci, madame la présidente.

Par l’entremise de la présidence, monsieur Blair, je tiens à dire que ce que nous venons d’entendre est une fois de plus un argument fallacieux de la part des conservateurs; nous en entendons régulièrement. C’est malheureux.

J’aimerais revenir à certains d’entre eux, mais d’abord, j’aimerais vous poser une question, rapidement: pouvez-vous donner suite à des renseignements qui ne vous ont pas été transmis?

L’hon. Bill Blair:

Je crois qu’il est évident, monsieur Turnbull, que je ne peux pas.

Toutefois, je crois que la collecte de renseignements est importante, mais tout est... La GRC, par exemple, qui se rapporte à moi à titre de ministre de la Sécurité publique, ne m’informe pas des enquêtes opérationnelles en cours. Elle me présente les résultats. La situation est très similaire avec les organismes de sécurité nationale et de renseignement. Ils prennent des décisions en fonction de leur propre évaluation des renseignements.

Les renseignements peuvent prendre diverses formes et provenir de diverses sources, et le SCRS est responsable d’en déterminer la validité et la crédibilité, et de décider si le gouvernement doit prendre des mesures pour y répondre. C’est le SCRS qui prend ces décisions.

Évidemment, s’il juge qu’il n’est pas nécessaire de nous transmettre les renseignements et que je n’en suis pas avisé, je ne peux pas prendre de mesure à leur égard.

Ryan Turnbull:

C’est évident.

Je suppose que ce qu’on dit ici, c’est que le SCRS n’a pas jugé nécessaire de vous transmettre cette information. Pourquoi a‑t‑on pris une telle décision, selon vous?

L’hon. Bill Blair:

Encore une fois, j’hésite à émettre des hypothèses. Je crois qu’il vaudrait mieux poser la question au directeur du SCRS afin de savoir pourquoi il a pris la décision de ne pas transmettre l’information au gouvernement, au ministre responsable ou à d’autres personnes. Je ne veux pas spéculer sur la façon dont le SCRS en est venu à cette décision.

Comme je travaille dans le domaine du renseignement depuis plusieurs années, je sais qu’on procède à diverses évaluations de la validité des renseignements, de leur importance et de l’urgence de prendre d’autres mesures connexes.

On ne peut que conclure, d’après sa décision de ne pas transmettre l’information, que le SCRS jugeait que cela n’était pas nécessaire, mais je crois qu’il faudrait poser la question au directeur.

Ryan Turnbull:

C’est tout à fait juste.

Il y a d’autres allégations relatives à la surveillance d’un élu, à savoir Michael Chan. Selon les allégations, il a fallu trop de temps pour approuver la surveillance. C’est ce qu’on peut voir dans les médias. En gros, selon le Parti conservateur, vous avez tardé à agir, alors que vous auriez dû le faire plus tôt.

Je crois que vous avez parlé d’un processus de diligence raisonnable. Il s’agit d’un enjeu très sérieux, qu’il ne faut pas prendre à la légère lorsqu’on décide de surveiller un élu provincial.

Pourriez-vous nous parler de ce processus, sans entrer dans les détails? Je sais que vous ne pouvez pas trop en parler, mais quelle est la diligence raisonnable requise dans pareils cas?

L’hon. Bill Blair:

Je vous remercie de le reconnaître, monsieur Turnbull. En effet, j’ai prêté serment de ne pas discuter des détails des enquêtes ou des mandats qui auraient pu être délivrés ou non. Je ne vais pas briser ce serment. Ces enjeux sont confidentiels pour une bonne raison.

Toutefois, je peux vous dire pour commencer que l’information rapportée dans le Globe and Mail est fausse. L’article contient des renseignements erronés. Je peux aussi vous dire que les demandes de mandats — de façon générale — sont associées à un processus de diligence raisonnable approprié et que l’on reconnaît toujours que le travail doit être fait rapidement.

Je tiens à rassurer les Canadiens: nonobstant les fausses suggestions qui ont été faites dans les journaux, il n’y a jamais eu de retard inutile. Les délais décrits dans les journaux étaient loin de la réalité dans ce cas en particulier... et j’ai prêté serment de ne pas en aborder les détails.

(1220)

Ryan Turnbull:

Merci.

Le parti de l’opposition a aussi souvent dit que le gouvernement n’avait rien fait pour lutter contre l’ingérence étrangère dans les élections, ce qui est faux. Vous avez abordé la question brièvement dans votre déclaration préliminaire... votre réponse à la motion du 18 décembre 2020 sur l’ingérence étrangère. Je l’ai lue, et elle est très détaillée.

Afin de réfuter une fois de plus le mythe que tentent de perpétuer les partis de l’opposition voulant que le gouvernement n’ait rien fait, pourriez-vous nous parler des mesures que vous avez prises, pour démontrer que vous prenez la situation très au sérieux?

L’hon. Bill Blair:

Merci beaucoup, monsieur Turnbull.

J’aimerais assurer aux membres du Comité, à mes collègues du Parlement et à tous les Canadiens que nous avons pris cet enjeu très au sérieux dès que nous avons formé notre gouvernement en 2015. Nous avons franchi des jalons très positifs grâce à la mise sur pied du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, et en élargissant les pouvoirs de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Des progrès ont été faits pour s’attaquer à ce problème. Un certain nombre de mesures législatives ont été proposées, ce qui, à mon avis, renforce également la résilience du Canada.

En ce qui concerne la motion adoptée au Parlement, je crois qu’il était primordial de donner une réponse exhaustive et de nommer précisément l’enjeu de l’ingérence étrangère et les pays qui l’exercent, particulièrement la Chine. J’ai discuté à de nombreuses reprises avec le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité sur la manière d’intervenir comme il se doit.

Il était également primordial pour moi de ne pas me contenter de déposer le rapport, mais d’en faire parvenir un exemplaire à chaque parlementaire. À mon avis, ces renseignements étaient d’une importance critique pour l’accomplissement de leur travail. Je voulais m’assurer qu’ils étaient bien informés et, ensuite...

Oh, c’est terminé.

La présidente:

Merci.

Allez‑y, madame Gaudreau.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Merci, madame la présidente.

Madame la présidente, serait-il possible de demander à monsieur le ministre de parler un peu plus lentement? En effet, nos interprètes, que je salue d’ailleurs, sont au travail depuis presque deux heures trente. Cela va me permettre aussi de m’assurer que j’ai tout capté.

J’aimerais revenir aux propos précédents. Je n’ai peut-être pas bien compris ce qui a été dit concernant le temps qu’il a fallu avant d’autoriser le fameux délai de quatre mois.

Nous avons accueilli au Comité un ancien conseiller en matière de sécurité nationale et ancien directeur du Service canadien de la sécurité et du renseignement, M. Richard Fadden. Il nous a alors mentionné qu’il trouvait ce délai très long. Que répondriez-vous à M. Fadden au sujet de ce très long délai?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

J’essaierai de parler plus lentement. Je présente mes excuses aux interprètes. C’est là un point très important. Merci pour ce rappel.

D’abord, je ne suis pas en désaccord avec M. Fadden. Le fil des événements décrit dans le Globe and Mail est très long. Je vous assure qu’il n’est pas vrai. Cela ne s’est tout simplement pas produit. Ce récit est absurde. En revanche, le SCRS, le ministère de la Justice, Sécurité publique Canada et même des membres de mon cabinet exercent leur diligence raisonnable pour garantir... La signature d’un mandat au titre de l’article 12 exige des efforts considérables en matière de renseignement, mais il s’agit également d’une intrusion importante dans la vie privée. Pour cette raison, il faut exercer une diligence raisonnable.

La Cour fédérale a aussi soulevé des enjeux relatifs au devoir de franchise, par exemple, qui est une responsabilité du SCRS. Il faut toujours exercer le bon niveau de surveillance et de diligence. Je ne peux m’exprimer sur un cas précis — vous m’en excuserez —, mais quand ces affaires ont été portées à mon attention aux fins d’approbation, cela s’est toujours fait dans un endroit sécurisé. Honnêtement, il a fallu des heures — pas des jours, des semaines ou des mois — pour officialiser cette approbation.

Je reconnais qu’il est nécessaire d’être diligent et d’agir rapidement. Je vous assure que je l’ai fait dans chacun des cas.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Je vous remercie.

Monsieur le ministre, vous disposez d’une vaste expérience, et j’aimerais vous entendre sur l’avis des experts qui sont venus au Comité et nous ont dit qu’un excès de documents issus du renseignement étaient classés secrets. Tantôt, nous avons entendu Mme Thomas dire que cela pouvait aller de 3 000 à 4 000 informations par mois.

La culture du renseignement est-elle déficiente au sein du Conseil des ministres? Expliquez-nous cela. Nous voulons le savoir.

(1225)

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Je ne la qualifierais pas nécessairement de déficiente. Par contre, laissez-moi reconnaître un certain nombre d’éléments, si vous le permettez.

Je crois que la transparence est très importante. Les Canadiens veulent avoir des preuves des mesures prises par leur gouvernement. Je crois qu’il faut donc toujours essayer d’être aussi ouvert et transparent que possible. Je sais également, ayant travaillé dans le domaine pendant de nombreuses années avant de devenir politicien, qu’il est primordial de maintenir le secret autour de la collecte de renseignements, des personnes qui effectuent cette collecte, des techniques d’enquête et de la manière dont on recueille cette information. Certains renseignements sont très délicats et pourraient entacher la réputation de notre gouvernement, de notre pays ou de citoyens canadiens.

Bien franchement, il existe des renseignements qui doivent être classifiés, et le rester. Toutefois, il nous faut réfléchir aux éléments qui... À mon avis, nous n’avons pas un bon système de déclassification des renseignements secrets, et tous les renseignements ne sont pas aussi délicats les uns que les autres. Je crois qu’il faut mener cette réflexion et œuvrer à améliorer la situation.

Comme le Comité l’a entendu de la part de nombreux témoins, la transparence et la confiance sont au cœur de nos activités. Il importe que nous expliquions à la population pourquoi certaines choses doivent rester secrètes et pourquoi d’autres devraient être plus facilement accessibles au public.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Puisqu’il me reste peu de temps, parlons de transparence et de confiance.

Les chiffres parlent. Tantôt, je disais que deux Canadiens sur trois pensent que le gouvernement chinois tente de s’ingérer dans le processus électoral. Par ailleurs, presque la moitié des gens croient que les prochaines élections seront moins libres et justes. Cela me trouble, monsieur le ministre.

Compte tenu de ce que nous avons entendu plus tôt, nous avons pris connaissance d’une foule de nouvelles mesures dont je ne connaissais pas l’existence.

Évidemment, les citoyens non plus ne sont pas au courant. Que comptez-vous faire pour les tenir au courant? Pensez-vous avoir l’humilité de dire que vous avez corrigé le tir et d’annoncer ce qui s’en vient?

Les gens ont besoin d’être rassurés parce que, en ce moment, ils s’y perdent. Que diriez-vous à ces gens de ce que vous faites, entre autres?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

La question est très importante. La confiance de la population est la monnaie d’échange du travail que nous accomplissons comme politiciens, ici, au Parlement. Sans la confiance et le consentement du public, nous ne sommes pas en mesure de faire notre travail.

J’aimerais éclaircir quelques points.

Vous affirmez que les Chinois sont résolus à faire de l’ingérence. Mais il s’agit de la République populaire de Chine. C’est en réalité le gouvernement d’un pays étranger, un pays hostile, qui cible... et pour s’ingérer, il cible non seulement nos institutions démocratiques et nos élections, mais bien d’autres aspects de la société également. Nous avons la responsabilité absolue de protéger les institutions et la population canadiennes.

Je crois que, pour gagner cette confiance...

La présidente:

Merci.

Madame Blaney, allez‑y.

Mme Rachel Blaney:

Je remercie la présidente. Comme toujours, tout ce que je dis s’adresse à la présidence.

Monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui.

À mon avis, la confiance de la population est au cœur de notre discussion. Voilà pourquoi le Nouveau Parti démocratique a présenté une motion affirmant que tous les partis doivent s’entendre sur la personne qui dirige ce processus, qui, à notre avis, doit être une enquête publique.

Le débat s’est imprégné de rhétorique politique. L’enjeu clé, selon moi, est de protéger la confiance des Canadiens envers leurs institutions. S’ils ne leur font pas confiance, la situation devient vraiment effrayante.

Nous sommes ici pour débattre précisément de la question du privilège, mais aussi pour tenter de comprendre ce qui s’est passé et pour cerner les lacunes.

Ma première question concerne la façon dont vous, comme ministre, avez reçu les renseignements du SCRS. Quel est le processus, et y a‑t‑il un problème qui doit être réglé dans ce processus?

Nous avons reçu des témoignages de la part d’experts qui ont affirmé que le renseignement est transmis... mais que les conseils opportuns ne sont pas nécessairement fournis. Quand des renseignements sont transmis à une personne, il ne semble pas y avoir un processus robuste pour s’assurer que ces renseignements sont absorbés, qu’ils sont absorbés de la bonne façon et qu’on en suit les résultats.

Je me demande si vous pourriez parler du processus. D’après ce que vous avez vécu, dites-nous quels sont les points d’amélioration possibles et si le processus a été une source d’inquiétude pour vous à quelque moment que ce soit.

(1230)

L’hon. Bill Blair:

Permettez-moi de vous expliquer comment les renseignements m’étaient transmis quand j’étais ministre de la Sécurité publique. Habituellement, le directeur du SCRS ou l’un des membres de son personnel m’informait que le SCRS avait des renseignements à me transmettre. Il existe une salle sécurisée, ici, à Ottawa, pour ce genre de séance d’information — en fait, il en existe quelques-unes —, et une à Toronto. Je me rendais fréquemment, selon mon emploi du temps, à l’un de ces lieux sécurisés. Dans ce lieu, on me conduisait à une salle, où on me transmettait les renseignements en question sur papier — jamais par courriel. On me donnait l’occasion de lire les documents et de poser des questions à ce sujet.

La question que vous soulevez, je crois, est la plus importante. On absorbe des renseignements — et les gens croient que c’est ce qui se passe, ce qui pourrait s’être passé ou ce qu’on leur dit qui se passe — et cela soulève des questions. Que se passe‑t‑il ensuite? Quelles sont les étapes suivantes? Que fait‑on de ces renseignements?

Par exemple, M. Johnston m’a demandé quelle serait ma réponse si l’on m’informait de menaces envers un parlementaire ou sa famille. J’ai répondu que j’appellerais la police. Comment faire autrement? Notre responsabilité première est de protéger les autres, et on ne peut laisser une personne dans une situation périlleuse. Cette question se pose lors de chaque séance d’information relative au renseignement.

À mon avis, il y a moyen d’améliorer la manière dont cette information est transmise à différentes personnes au sein du gouvernement, particulièrement au ministre de la Sécurité publique et d’autres.

Mme Rachel Blaney:

Voilà qui m’amène à une deuxième question.

Vous dites avoir voulu appeler la police, en espérant que celle‑ci se saisisse de l’affaire; je comprends cela. Le problème, évidemment, est le suivant: nous savons aujourd’hui que des députés étaient ciblés et qu’ils ne l’ont pas su avant un très long moment. Il est difficile d’intervenir de quelque façon que ce soit si on ne sait pas qu’on est ciblé.

L’autre difficulté, qu’ont abordée Mme Kwan et M. Chong, réside dans le fait que des communautés ethniques sont ciblées. Certaines personnes font des signalements à la GRC — à la police, comme vous l’avez souligné. Lorsqu’elles leur transmettent ces renseignements, ces personnes trouvent que leurs interlocuteurs ne savent pas trop comment réagir à la situation. Elles obtiennent un numéro de dossier, puis n’entendent plus jamais parler de l’affaire. Elles se sentent menacées. Elles continuent peut-être à vivre cette situation, mais elles ne demandent plus d’aide, parce qu’il ne semble pas y en avoir.

Je me demande si, dans vos fonctions précédentes, il a été question de la nécessité de bâtir une infrastructure au Canada, de manière à ce que, quand des événements se produisent et que les citoyens communiquent avec la police ou la GRC, il y ait une véritable capacité et une véritable compréhension de l’ingérence étrangère et une intervention significative. Voilà ce qui me préoccupe. Je comprends ce que vous dites, mais il me semble, d’après les témoignages reçus, que la police et la GRC n’ont pas les compétences nécessaires pour intervenir. Pourquoi aurions-nous reçu tant de commentaires de communautés affirmant qu’elles ont demandé... qu’elles reçoivent des numéros de dossier, mais que personne ne les rappelle ensuite?

L’hon. Bill Blair:

Madame, je vous donne quelques éléments de réponse.

D’abord, quand le SCRS m’a prévenu des activités d’un État étranger hostile, la République populaire de Chine, en particulier, envers des citoyens canadiens, et de la possibilité que cela concerne des parlementaires — bien qu’on n’ait nommé personne en particulier ni mentionné aucun cas d’ingérence précis ou personne précise dans la plupart des cas —, j’ai demandé, par égard pour ces parlementaires et pour ces Canadiens, à ce qu’on tienne des séances d’information de sensibilisation. Il fallait informer ces personnes des formes que prend l’ingérence étrangère, des moyens pour la reconnaître, des mesures à prendre pour se protéger contre elle. Il est inacceptable que les gens demeurent vulnérables à ces attaques, car elles peuvent être insidieuses et assez graves. J’ai demandé à ce qu’on tienne des séances d’information. Je crois que c’était une étape importante.

Ensuite, vous avez selon moi cerné un défi considérable: le passage du renseignement à la preuve. Les organismes nationaux du renseignement de sécurité recueillent les renseignements, et il est difficile d’être en mesure, ensuite, de se servir de ces renseignements aux fins d’une enquête criminelle ou de poursuites. C’est un travail constant. Je pense qu’il existe certaines interventions et considérations d’ordre législatif et judiciaire dont il faut se préoccuper.

Laissez-moi aussi reconnaître que je collabore étroitement avec cette diaspora partout au pays. Dans certains cas, ces personnes ont été intimidées ou menacées. Ce sont des enjeux très sérieux. Nous avons la responsabilité de protéger tous les Canadiens, et nos institutions nationales, comme la GRC et le SCRS, partagent cette responsabilité. Nous devons nous assurer qu’elles disposent des ressources adéquates.

Vous l’avez dit, et je l’ai aussi mentionné dans mon allocution: nous consacrons des ressources supplémentaires considérables à la GRC pour lui permettre, par exemple, de mener ces enquêtes et de protéger ces Canadiens. Cela dit, je reconnais aussi qu’il y reste beaucoup de travail à faire.

(1235)

La présidente:

Merci beaucoup.

La parole est à M. Cooper, suivi de M. Fergus.

Monsieur Cooper, vous avez cinq minutes.

Michael Cooper:

Merci, madame la présidente.

Je m’adresse au ministre — par votre entremise, madame la présidente, comme toujours. Connaissez-vous l’arrêt Vanweenan de 1988 de la Cour suprême, aussi répertorié comme l’affaire R. c. Chesson?

L’hon. Bill Blair:

Non, je ne le connais pas.

Michael Cooper:

D’accord. Le jugement Vanweenan déclare que le SCRS doit identifier les personnes dont on interceptera, selon lui, les communications lors du processus de surveillance pendant la demande de mandat.

Est‑ce que cela vous dit quelque chose?

L’hon. Bill Blair:

Je sais de quoi vous parlez, maintenant, en effet.

Michael Cooper:

Merci.

Saviez-vous que le SCRS doit fournir une liste de tierces parties dont les communications avec la cible d’une surveillance pourraient être interceptées pendant le processus d’une demande de mandat?

L’hon. Bill Blair:

Oui.

Michael Cooper:

Dans sa demande de mandat visant M. Chan, que vous avez approuvée, le SCRS a‑t‑il nommé des personnes qui pourraient être interceptées pendant la surveillance, des personnes faisant partie du conseil des ministres, des députés ou des hauts fonctionnaires du gouvernement?

L’hon. Bill Blair:

Monsieur Cooper, j’ai fait le serment de n’aborder ou de ne divulguer aucun renseignement...

Michael Cooper:

Je comprends, monsieur le ministre...

L’hon. Bill Blair:

... relatif à ces questions, et j’entends respecter ce serment.

Michael Cooper:

... alors je vais formuler ma question de manière générale.

L’hon. Bill Blair:

Il n’y a rien de général dans votre question, monsieur Cooper, et je n’y répondrai pas.

Michael Cooper:

Je vous pose une question...

La présidente:

J’arrête le chronomètre un instant. Parfois, cela peut être utile.

Nous le savons tous, une seule personne parle à la fois.

Monsieur le ministre, je sais que vous n’êtes pas un habitué de notre comité, mais nous vous sommes reconnaissants de prendre le temps de comparaître, et vous avez répondu rapidement à l’invitation. J’ai dit la même chose à Mme Thomas.

En raison de la culture qui y règne, le Comité permet à ses membres de prendre leur temps. Lorsque je m’aperçois qu’on ne vous donne pas de temps, je m’assure de vous en accorder pour que vous répondiez, mais parfois, en raison de l’importance du sujet abordé, nous savons quelle direction prend l’échange.

Je me permets de nous ramener dans la bonne direction. Je m’adresse ainsi à tous. Excellent.

Monsieur Cooper, je vous redonne la parole.

Michael Cooper:

Je pose la question de manière plus générale.

Dans quelque demande de mandat que vous ayez approuvée, le SCRS a‑t‑il nommé des personnes qui pourraient être interceptées pendant la surveillance; des membres du conseil des ministres, des députés ou des hauts fonctionnaires du gouvernement?

L’hon. Bill Blair:

Je regrette, monsieur Cooper. Ce sont des renseignements dont je ne suis pas prêt à discuter dans un cadre non sécurisé, simplement parce que j’ai fait le serment de ne pas le faire, et que j’ai intention de respecter mon serment.

Michael Cooper:

Avez-vous connaissance de communications qu’aurait eues M. Chan avec des membres du conseil des ministres, des députés ou des hauts fonctionnaires du gouvernement?

L’hon. Bill Blair:

Pouvez-vous mettre votre question en contexte? M. Chan est actif depuis longtemps. Je peux vous dire que, quand j’étais chef de police, j’ai rencontré M. Chan à de nombreuses occasions.

Est‑ce là le fond de votre question?

Michael Cooper:

D’accord. Depuis quand connaissez-vous M. Chan? A‑t‑il participé à l’une de vos campagnes politiques?

L’hon. Bill Blair:

Je ne crois pas — du moins, pas directement —, mais je connais cet homme. Comme je l’ai dit, je l’ai rencontré lorsque j’étais chef de police à Toronto.

Michael Cooper:

Le considérez-vous comme un ami?

L’hon. Bill Blair:

Non, monsieur.

Michael Cooper:

Depuis combien de temps votre cheffe de cabinet connaît-elle M. Chan et travaille‑t‑elle avec lui?

L’hon. Bill Blair:

Je n’en ai aucune idée, monsieur.

Michael Cooper:

Vous n’en avez aucune idée. D’accord.

Monsieur le ministre — par votre entremise, madame la présidente —, avez-vous reçu le bulletin quotidien de renseignement étranger du Bureau du Conseil privé, daté du 21 février 2020, qui a révélé l’existence d’un réseau actif d’ingérence étrangère, dirigé par Pékin, lors des élections de 2019?

L’hon. Bill Blair:

Je vais devoir vérifier. Je ne me souviens pas de cette date précise.

Michael Cooper:

Pour vous rafraîchir la mémoire... le 21 décembre 2022, vous auriez dit, dans un article de Global News, que vous reconnaissez avoir reçu certains renseignements au moyen de cette note de service. Je présume donc que vous avez vu cette note de service.

L’hon. Bill Blair:

Encore une fois, il s’agit d’un document classifié, et je ne peux pas discuter de documents classifiés dans le présent contexte.

Michael Cooper:

Je comprends tout à fait que vous ne puissiez pas parler de documents classifiés, mais dans la note de service qui a été remise au Comité — ce n’est donc pas un document classifié —, il est question d’un « réseau actif d’ingérence étrangère », dirigé par Pékin, lors des élections de 2019. Ce n’est pas classifié.

Avez-vous vu ce document?

(1240)

L’hon. Bill Blair:

Je suis désolé, monsieur Cooper. J’ai vu un assez grand nombre de documents. Je peux vous dire qu’au cours de cette période, nous avons pris des mesures pour réagir à l’ingérence étrangère perpétrée par la République populaire de Chine contre le gouvernement canadien, mais je ne peux pas parler de ce document particulier.

Michael Cooper:

Madame la présidente, ce que j’ai dans la main n’est pas un simple accessoire. Je vais essayer de rafraîchir la mémoire du ministre. Il s’agit d’un document, d’une note de service, qui figure parmi les très rares documents qui ont été remis au Comité. La question est revenue sur le tapis à maintes reprises. Je suis surpris que vous ne soyez pas au courant, compte tenu de ce fait, sachant que vous comparaissez ici au sujet de l’ingérence étrangère, puisque vous étiez ministre de la Sécurité publique et que vous avez reconnu, le 21 décembre, avoir reçu certains renseignements.

Je vous pose à nouveau la question. Avez-vous reçu cette note de service? Étiez-vous au courant de ce réseau d’ingérence dirigé par Pékin? Qu’avez-vous fait de cette information?

L’hon. Bill Blair:

J’aimerais avoir l’occasion de confirmer cela. Je veux donner une réponse franche et directe au Comité pour établir si cette note de service m’a effectivement été transmise. Encore une fois, je ne peux pas voir, de loin, ce que vous avez montré et, de toute façon, on dirait que le document est lourdement caviardé. Quoi qu’il en soit, je ne manquerai pas de vérifier si cette séance d’information a bel et bien eu lieu et quand elle a eu lieu, et je me ferai un plaisir de communiquer la réponse au Comité.

Michael Cooper:

Très rapidement...

La présidente:

Non, il n’y a pas de « très rapidement ». Les députés qui siègent ici... Vous savez que le signal sonore a retenti, et vous savez comment je suis. Si je ne gère pas le temps d’une main de fer, vous vous plaignez que je n’ai pas été assez stricte et que nous n’avons pas eu le temps de terminer toutes nos séries de questions. Je n’endurerai plus ces bravades, car après un certain temps, cela commence à faire mal.

Monsieur Fergus, vous avez la parole.

L’hon. Greg Fergus:

Merci beaucoup, madame la présidente, et, par votre entremise, j’aimerais remercier le ministre et sa sous-ministre déléguée d’être ici aujourd’hui pour répondre à nos questions sur cet enjeu important.

Monsieur Blair, pouvez-vous nous donner plus de détails sur les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère?

L’hon. Bill Blair:

Nous avons déployé un certain nombre d’efforts considérables pour gérer l’ingérence étrangère, et surtout l’ingérence électorale, au pays. Ces efforts ont commencé dès 2015.

Nous avons créé, par exemple, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement afin de fournir aux parlementaires un aperçu de tous les renseignements que nous recevions et des mesures que nous prenions.

J’ai d’ailleurs toute une liste ici que je me ferai un plaisir de vous remettre, mais il y a également eu un certain nombre d’investissements assez importants dans la façon dont nous réagissons à cet enjeu. En particulier, comme je l’ai mentionné tout à l’heure, la GRC a reçu 48 millions de dollars pour renforcer sa capacité de protéger les Canadiens contre les acteurs hostiles. Il y a eu un investissement important de 13,5 millions de dollars dans le Bureau national de lutte contre l’ingérence étrangère à Sécurité publique Canada. Nous nous sommes également employés très fort à améliorer la collecte et l’échange de renseignements dans la mesure du possible.

J’aimerais simplement souligner, monsieur Fergus, que, durant mon mandat à titre de ministre de la Sécurité publique, le Service canadien du renseignement de sécurité a continué de signaler une menace croissante d’ingérence de la part d’un certain nombre d’acteurs étatiques hostiles, dont notamment la République populaire de Chine. Nous avons pris la décision très consciente d’être très francs et transparents au sujet de cette menace et d’en parler publiquement aux gens. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai déposé, en décembre 2020, un rapport devant le Parlement pour m’assurer que les gens étaient au courant. J’ai travaillé en étroite collaboration avec le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, qui a fait un certain nombre de déclarations publiques très importantes et, en juillet 2021, nous avons également publié des rapports qui précisaient la nature de cette menace.

Pendant que le gouvernement faisait des investissements importants et prenait des mesures importantes pour protéger nos élections... De plus — comme vous le savez très bien —, j’aurais dû mentionner qu’un groupe de fonctionnaires a également été mis sur pied pour surveiller les répercussions de l’ingérence politique sur nos élections. Ils ont fait un travail important pour nous afin de déterminer ce qu’il en était. Par ailleurs, Élections Canada a reçu des renseignements pouvant également s’avérer pertinents dans le cadre de son important travail de maintien de l’intégrité de nos élections — par exemple, pour être au courant de cas éventuels de versement de fonds étrangers. Un certain nombre de mesures importantes ont été prises, et ce qui a été clairement établi — ce que nous reconnaissons pleinement —, c’est qu’il reste encore beaucoup à faire.

C’est pourquoi j’estime, en toute déférence, que le travail important que M. Johnston accomplira à l’avenir, en examinant les enjeux et en mettant à profit son expertise et ses renseignements, nous permettra de déterminer les mesures supplémentaires que nous pourrons prendre à l’échelle nationale pour protéger ces institutions importantes.

(1245)

L’hon. Greg Fergus:

C’est vraiment important pour ce qui est de l’avenir, mais il faut aussi tenir compte du passé. Vous avez mentionné dans votre témoignage, en réponse aux questions de certains de mes collègues d’en face, que vous n’aviez pas reçu cette information à l’avance.

Comment pouvez-vous agir en fonction de renseignements dont vous ne disposez pas?

L’hon. Bill Blair:

De toute évidence, monsieur Fergus, c’est chose impossible.

Je tiens toutefois à être très prudent. Je ne dis pas que le Service canadien du renseignement de sécurité m’a délibérément caché de l’information. Les gens du SCRS prennent une décision en fonction de la crédibilité et du sérieux des renseignements qu’ils ont recueillis, et ils déterminent ainsi ce qui doit être communiqué à un ministre ou au premier ministre, ou même publiquement.

Dans le cas qui nous occupe, ils ne sont pas arrivés à cette conclusion.

L’hon. Greg Fergus:

Il sera très difficile de répondre à cette question en peu de temps, mais pourquoi le système hésite‑t‑il à communiquer au gouvernement des allégations non prouvées et non corroborées en matière de sécurité nationale?

L’hon. Bill Blair:

Je pense que cette question soulève deux points très valables à prendre en considération.

Tout d’abord, comme il s’agit de renseignements de nature délicate, cela peut avoir des répercussions importantes sur notre réputation, sur nos relations internationales et sur les intérêts des Canadiens. À mon avis, il faut toujours réfléchir attentivement à la façon dont les renseignements sont utilisés ou communiqués.

Par ailleurs, il faut aussi éviter de compromettre les techniques d’enquête ou le travail de ceux qui risquent leur vie pour recueillir ces renseignements ou qui sont la source de ces renseignements pour le gouvernement canadien.

Il y a un processus de collecte de renseignements. Les renseignements ne constituent pas, en soi, des faits et des preuves. Ils sont évalués par nos fonctionnaires, qui font de leur mieux pour déterminer ce qu’ils signifient.

La présidente:

Je vous remercie.

L’hon. Greg Fergus:

Madame la présidente, de peur de me faire réprimander, je tiens à vous remercier de m’avoir accordé ce temps supplémentaire.

La présidente:

Madame Gaudreau, la parole est à vous.

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, M. Michael Wernick, ancien greffier du Conseil privé que vous connaissez bien, a comparu mardi pour une deuxième fois devant le Comité.

En répondant à la dernière question, il nous a dit que le premier ministre devrait annoncer à la Chambre des mesures législatives fortes. Il a même dit hier, pendant une réunion du caucus, que c’était urgent s’il voulait démontrer l’importance de la transparence, de la prise en compte et, surtout, de la confiance.

Qu’en est-il? On ne peut pas savoir ce qui s’est dit durant la réunion du caucus, mais y a-t-il quelque chose en vue?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Oui, madame. C’est une question importante.

Je pense que le Parlement a un rôle très important à jouer, et il a aussi une responsabilité. Nous avons déjà déterminé, à la suite de consultations, la nécessité d’établir un registre des agents étrangers, qui, à mon avis, sera très important et qui nous fournira des outils très importants.

Je pense qu’il y a aussi eu une certaine réflexion au sujet de l’application de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Cette loi a été rédigée en 1984. Le monde a beaucoup changé depuis, et nous croyons qu’il y a des solutions législatives qui seraient appropriées et qui doivent être présentées.

Les mesures législatives de ce genre ont des répercussions importantes sur les Canadiens, sur le droit à la vie privée et sur la Charte des droits et libertés. C’est pourquoi il est si important non seulement que nous présentions un projet de loi, mais aussi que ce dernier fasse l’objet d’un débat vigoureux au Parlement et dans le cadre des travaux de nos comités. Nous devons tous nous assurer que la réponse législative à ces circonstances est robuste et efficace, mais elle doit aussi être prudente et réfléchie.

J’espère également que l’examen de M. Johnston nous fournira des idées et des conseils provenant d’un large éventail de Canadiens et représentant des points de vue variés qui sauront éclairer le travail important que nous devons faire pour donner suite à ces enjeux. Ce n’est pas seulement un enjeu d’ordre opérationnel. Il y a une réponse législative que nous devons examiner très attentivement.

(1250)

[Français]

Mme Marie-Hélène Gaudreau:

J’aimerais dire que si un particulier, un commissaire ou un juge avait été choisi par l’ensemble des parlementaires, nous aurions été contents. On a entendu durant une réunion de comité qu’on pourrait même nommer un étranger pour s’assurer de son impartialité.

Chaque fois que l’on parle du rapporteur spécial nommé par le premier ministre, mes concitoyens restent incrédules.

Il y a quelque chose à faire, et je pense que le gouvernement sait de quoi il s’agit, mais qu’il ne veut pas le faire.

La présidente:

Merci.

Je cède la parole à Mme Blaney.

[Traduction]

Mme Rachel Blaney:

Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, lorsque vous étiez ministre de la Sécurité publique, le gouvernement a lancé la Commission des pertes massives de la Nouvelle-Écosse. Bien entendu, le mandat était de découvrir ce qui s’était passé ces deux jours‑là.

J’aimerais en savoir plus sur le processus. Cette commission a‑t‑elle eu à traiter des documents ou des renseignements protégés qui ne pouvaient pas être rendus publics? Le cas échéant, quelles mesures de protection étaient en place pour que la Commission puisse examiner ces documents de nature délicate qui ne pouvaient pas être rendus publics?

L’hon. Bill Blair:

Dans le cadre de l’enquête publique dirigée par le juge MacDonald pour la Commission des pertes massives, un certain nombre de documents d’enquête pertinents, provenant principalement de la GRC, ont été mis à la disposition de la Commission, certains sous une forme caviardée. Les circonstances de cet événement tragique, ainsi que les éléments de renseignement et de preuve qui ont été présentés à la Commission, ne relevaient pas de ce qui serait considéré comme des renseignements très secrets et de nature très délicate. Certains des renseignements étaient de nature secrète, ce qui correspond à un niveau de classification différent, et nous avons été en mesure de travailler très étroitement, par l’entremise du ministère de la Justice, avec la Commission des pertes massives pour mettre le plus d’information possible à sa disposition.

Mme Rachel Blaney:

Je vous remercie.

Ce sera peut-être ma dernière question, vu le peu de temps dont je dispose. Vous avez parlé tout à l’heure, dans le cadre de nos échanges, de la façon dont les renseignements deviennent des éléments de preuve. Je trouve cela très intéressant, car c’est ce qui permet vraiment de passer à l’action.

Lorsque nous étudions des enjeux comme l’ingérence étrangère dans nos systèmes et dans nos élections, quelles sont les lacunes à cet égard, et que devons-nous examiner de façon plus générale? Est‑ce que certains de nos partenaires du Groupe des cinq, par exemple, ont pris des mesures qui méritent notre attention? S’agit‑il d’une solution législative, ou est‑ce autre chose?

L’hon. Bill Blair:

Je pense qu’il vaudrait peut-être mieux poser la question aux représentants du ministère de la Justice parce qu’il y a des obstacles juridiques assez importants à... Les modalités de collecte de renseignements, et certains des pouvoirs juridiques utilisés à cette fin, empêchent que ces renseignements servent d’éléments de preuve devant les tribunaux pour des accusations criminelles.

Il y a des recours législatifs, mais je ne me considère pas comme un expert en la matière. C’est une question qu’il vaudrait mieux poser au ministère de la Justice.

La présidente:

Je vous remercie.

Monsieur Berthold, vous avez la parole.

[Français]

Luc Berthold:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Blair, si je vous ai bien compris tout à l’heure, je résumerais vos propos en disant que vous ne niez pas que la demande de mandat de surveillance que vous avez reçue au sujet de Michael Chan comportait des références à d’autres députés et à d’autres ministres libéraux.

Est-ce bien cela?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Je ne crois pas, monsieur. Je ne l’ai ni confirmé ni nié. C’est, bien franchement, une information dont je n’avais pas l’intention de discuter. J’ai prêté serment de ne pas le faire.

[Français]

Luc Berthold:

D’accord. Vous ne le niez pas non plus. Si cela avait été aussi facile, vous auriez pu nier.

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Pour être très clair, monsieur, je ne confirme ni n’infirme rien. Je n’en parle tout simplement pas.

[Français]

Luc Berthold:

Tout à l’heure, vous avez dit que l’article paru dans le Globe and Mail au sujet du délai de quatre mois que vous avez pris pour approuver le mandat était foncièrement incorrect.

Est-ce exact?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

C’est exact. L’information rapportée était effectivement incorrecte.

[Français]

Luc Berthold:

C’est particulièrement pratique de dire qu’un article est faux et de se réfugier ensuite derrière la confidentialité quand vient le temps de parler des faits qui concernent ce mandat.

Je vous rappelle que nier l’article du Globe and Mail a aussi été la réaction de votre gouvernement dans le dossier de l’affaire SNC‑Lavalin. Nous avons tous vu les résultats de cette affaire et nous savons comment elle s’est terminée.

Par ailleurs, vous avez dit tout à l’heure avoir été informé que le régime de Pékin avait interféré avec des députés anonymes. Quand avez-vous été informé de cette situation?

(1255)

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Je ne crois pas avoir vraiment dit cela. J’ai dit que les agents de Pékin entreprenaient... Ils dirigeaient un effort d’ingérence.

Je m’inquiétais du risque que certains députés fassent l’objet d’ingérence à leur insu. Je voulais m’assurer qu’ils étaient suffisamment informés et sensibilisés en ce qui concerne cette ingérence, les façons de la déceler et les mesures à prendre pour se protéger. J’ai demandé au Service canadien du renseignement de sécurité de tenir des séances d’information, mais on ne m’a pas dit qui étaient les députés visés ni quelle était la nature de l’ingérence qu’ils pouvaient subir.

[Français]

Luc Berthold:

Alors, quand le Service canadien du renseignement de sécurité vous a-t-il informé que ces députés anonymes, comme vous l’avez vous-même mentionné tout à l’heure, pouvaient être la cible du régime de Pékin?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Soyons bien clairs: le Service canadien du renseignement de sécurité ne m’a pas donné le nom d’un député en particulier, ni même d’un certain nombre de députés. Je me faisais du souci pour nous tous, c’est‑à‑dire pour vous tous et pour nous. S’il y a un risque, nous devons vous en informer afin que vous puissiez vous protéger.

[Français]

Luc Berthold:

Vous ne vous êtes pas simplement levé un matin en vous disant qu’il faudrait avertir tous les députés. Vous avez reçu un rapport qui vous a suffisamment inquiété pour que vous décidiez de renseigner davantage les députés.

Quand avez-vous été informé que ces opérations pouvaient se dérouler? C’est une question simple.

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

Vous vous en souvenez peut-être, parce que je vous ai envoyé, à vous et à tous les autres députés, une lettre en décembre 2020 dans laquelle je décrivais l’ingérence politique de la République populaire de Chine. C’était une missive de 12 pages. Je l’ai déposée au Parlement; je l’ai publiée sur le site Web, et je vous en ai envoyé une copie.

Luc Berthold:

Je sais. Quand le Service canadien du renseignement de sécurité vous a‑t‑il informé que vous deviez avertir le député de cette situation?

L’hon. Bill Blair:

Le Service canadien du renseignement de sécurité ne m’a pas dit que je devais en informer le député. Nous avons discuté...

Luc Berthold:

Non. Quand vous a‑t‑on informé qu’il fallait faire quelque chose? Quelqu’un doit vous l’avoir dit.

[Français]

Quelqu’un a dû vous informer, monsieur le ministre de la Protection civile. Vous n’avez pas pris l’initiative, un matin, d’envoyer une lettre à tous les députés pour leur demander de faire attention.

Que s’est-il passé? Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion? Qui vous a conseillé d’envoyer cette lettre?

[Traduction]

L’hon. Bill Blair:

À titre de ministre de la Sécurité publique, je recevais de l’information sur les activités menées par des acteurs étatiques hostiles, notamment la République populaire de Chine. Personne ne m’a dit de vous avertir. C’est une décision que j’ai prise. C’était mon travail de vous protéger et de protéger tous les Canadiens et nos institutions.

Je me suis dit que la meilleure façon de le faire était de vous informer afin que vous soyez conscients de la menace. J’ai aussi suggéré à ce moment au SCRS de procéder à des séances de sensibilisation avec ceux qui, selon eux, étaient tout particulièrement vulnérables aux menaces d’ingérence. Ils ne m’ont pas dit de qui il s’agissait et les raisons, mais j’ai appris par la suite qu’ils ont tenu un certain nombre de ces séances.

Luc Berthold:

Pourquoi n’avez vous pas posé de question à ce sujet? Il s’agissait d’une menace pour notre démocratie, pour des députés. Pourquoi n’avez-vous pas demandé si des députés étaient ciblés en particulier? C’était votre responsabilité en tant que ministre. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait?

L’hon. Bill Blair:

Eh bien, il s’agit de questions opérationnelles qui relèvent du SCRS. Ils recueillaient du renseignement et travaillaient et prenaient des mesures en collaboration avec d’autres organismes canadiens de renseignement de sécurité pour protéger les députés.

Je n’ai pas reçu d’information me disant qu’un député était ciblé ou qu’il était d’une quelconque façon menacé d’être la cible d’ingérence. Toutefois...

La présidente:

Je vais vous arrêter ici. Il est parfois bon d’avoir une réponse complète sans que j’aie à interrompre les gens. Les membres savent que quand le chronomètre s’arrête, ils ne peuvent rien ajouter, mais il s’agit simplement de donner à la personne dont on dit attendre de l’information importante la chance de nous fournir cette information.

Monsieur le ministre, je suis certaine que vous avez remarqué qu’il est presque 13 heures. Pouvez-vous m’accorder un peu plus de temps?

L’hon. Bill Blair:

Oui, madame la présidente, bien sûr.

J’ai des obligations dans environ 15 ou 20 minutes, mais je serai heureux de vous accorder un peu plus de temps.

La présidente:

Nos interprètes sont à pied d’œuvre depuis près de trois heures, alors nous ne voulons pas prolonger trop longtemps, mais je vais céder la parole rapidement à Mme Romanado pendant cinq minutes.

Mme Sherry Romanado:

Je vous remercie beaucoup, madame la présidente. Par votre entremise, j’aimerais remercier le ministre d’être avec nous.

J’aimerais rebondir sur la précédente série de questions.

Monsieur le ministre, je sais que l’information que vous avez acheminée aux députés est une initiative que vous avez prise à la suite de la motion sur l’ingérence étrangère qui a été déposée à la Chambre le 18 décembre 2020. Je vous remercie d’avoir pris cette initiative à ce moment pour sensibiliser les députés à ce problème en déposant un rapport à la Chambre et en faisant parvenir une missive à tous les députés directement. Si ma mémoire est bonne, je crois que nous l’avons même reçue par courrier traditionnel, avec un exemplaire imprimé du rapport, pour vous assurer que nous avions bien reçu le tout, étant donné le nombre de courriels que nous recevons. Je tiens à vous remercier d’avoir porté ce problème à l’attention des députés.

Nous avons entendu parler un peu plus tôt, lors de mes échanges avec la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, de l’importance de veiller à ce que les députés, les sénateurs et leur personnel comprennent en quoi consiste l’ingérence étrangère, quelle forme elle peut prendre, et quels genres de tactiques utilisent les acteurs étatiques hostiles pour soutirer de l’information aux parlementaires.

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de l’idée qu’il s’agit d’une responsabilité réciproque? Par exemple, les services de renseignement ne comprennent vraiment pas la politique, et les politiciens ne comprennent pas toujours les services de renseignement. Les députés peuvent être au courant de renseignements qui seraient utiles aux services de renseignement, mais nous ne savons pas que ces renseignements peuvent être utiles.

Encore une fois, pouvez-vous nous parler de l’importance d’accroître la sensibilisation chez les parlementaires, et nous dire ce que nous pouvons faire pour nous entraider et nous assurer de collaborer pour prévenir et combattre l’ingérence étrangère?

(1300)

L’hon. Bill Blair:

C’est une question très importante.

Je dirai tout d’abord que comme politiciens, nous travaillons dans des communautés très diversifiées et avec des diasporas qui sont venues du monde entier pour s’installer au Canada. Elles ont également ici des représentants gouvernementaux de leur pays d’origine. L’une de nos responsabilités en tant que politiciens est de travailler avec ces diasporas, mais aussi avec certains de ces organismes ou acteurs gouvernementaux.

Je pense que chaque gouvernement tente, de manière positive, d’exercer une certaine influence sur le gouvernement du Canada. C’est une chose dont nous sommes tous conscients et pouvons faire l’objet, mais il est très important que les politiciens soient conscients que cette tentative d’influence peut parfois dépasser les limites et prendre la forme d’une ingérence. Il est important parfois que les gens comprennent ces intentions malveillantes et qui sont ces acteurs étatiques hostiles. Ils ne s’emploient pas simplement à avoir de bonnes relations ou à servir leur communauté; ils peuvent avoir d’autres intentions.

Éduquer et informer les parlementaires pour qu’ils sachent quand cette tentative d’influence dont nous faisons tous l’expérience au quotidien peut se traduire par des actes d’ingérence... Nous devons en être conscients. Nous devons nous assurer de protéger l’intégrité de notre travail, l’intégrité de nos institutions et, bien sûr, l’intégrité de nos élections. Je pense que notre première ligne de défense consiste à avertir les gens de cela.

Il y a d’autres mesures que nous pouvons prendre et prenons pour protéger nos institutions, mais notre meilleure ligne de défense est d’informer, tout d’abord, ceux d’entre nous qui travaillent dans les communautés, et aussi de communiquer l’information aux Canadiens afin qu’ils sachent comment se protéger et comment être plus résilients face à certaines tentatives d’ingérence ou même à certaines actions que nous savons d’être produites au pays. Il est très important de mettre cela en évidence, et d’informer les gens à ce sujet. Je pense que c’est un enjeu important.

C’est ce que j’essayais de faire lorsque j’ai publié le rapport... Je l’ai rendu public. Il était sur notre site Web. Je voulais m’assurer que les Canadiens puissent le voir, mais je savais aussi que l’envoyer à tous les parlementaires était le meilleur moyen de diffuser cette information dans toutes les régions du Canada, dans toutes les communautés, par l’intermédiaire de nos collègues au Parlement.

Mme Sherry Romanado:

Je vous remercie beaucoup.

Par ailleurs, je sais que nous avons parlé un peu plus tôt de l’allusion qui a été faite à un courriel secret auquel vous n’avez pas eu accès. Vous avez été très clair: ce n’est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Les informations qui doivent vous parvenir ne sont pas envoyées par courrier électronique, comme votre compte Gmail, dont vous êtes le seul à détenir le mot de passe. Il s’agit d’un terminal physique qui n’est pas situé dans votre bureau. Il est situé dans un endroit sécurisé et, pour pouvoir accéder à ces informations, quelqu’un ayant une habilitation très secrète doit les faire imprimer et s’assurer que vous en êtes informé dans un endroit sécurisé. Est‑ce exact?

L’hon. Bill Blair:

C’est exact. Il n’y avait pas de terminal sécurisé très secret dans le bureau du ministre, et il ne devrait pas y en avoir. Ces informations sont hautement classifiées et sensibles et doivent être traitées avec le plus grand soin. Le SCRS recense, en fait, ce qui doit être... En raison du principe du besoin de savoir, les organismes canadiens de renseignement de sécurité évaluent s’il s’agit d’informations que le ministre a besoin de connaître, et, le cas échéant, il me la communique. Dans le cas contraire, l’information ne me parvient pas.

(1305)

Mme Sherry Romanado:

Je vous remercie beaucoup.

La présidente:

Je vous remercie beaucoup de votre temps et de votre attention.

Madame Geddes, vous n’avez pas eu de questions ou de commentaires, et le ministre n’a pas eu besoin de vous pour nous éclairer, ce qui signifie qu’il est bien au courant de son dossier. Souhaitez-vous ajouter quelque chose aujourd’hui?

Mme Tricia Geddes (sous-ministre déléguée, ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile):

Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

Je tiens à souligner qu’il revient au ministère et à l’organisme de renseignement d’accéder à ces réseaux pour fournir l’information. En fait, en tant que sous-ministre, je n’ai pas non plus accès à ces terminaux. Nous comptons sur notre personnel pour veiller à ce que le renseignement nous soit fourni en temps opportun.

La présidente:

Si d’autres informations vous viennent à l’esprit, que ce soit plus tard ou à n’importe quel moment, veuillez les faire parvenir au greffier, qui les fera traduire dans les deux langues officielles et les communiquera aux membres.

Sur ce, au nom des membres du Comité, je vous remercie du temps et de l’attention que vous nous avez accordés aujourd’hui. Nous vous souhaitons le meilleur pour la suite.

Je mentionne à l’intention des membres du Comité que le mardi 6 juin, nous accueillerons le très honorable David Johnston. Notre demande de dérogation ayant été acceptée, la réunion durera trois heures ce matin‑là.

Nous nous reverrons bientôt. Portez-vous bien et soyez prudents. À mardi prochain.

Transcription non officielle (« bleus ») de la comparution du RSI (6 juin 2023)

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

NUMÉRO 080

1re SESSION

44e LÉGISLATURE

TÉMOIGNAGES

LE MARDI 6 JUIN 2023

Enregistrement électronique]

(1005)

[Traduction]

La présidente (L’hon. Bardish Chagger (Waterloo, Lib.)):

Bonjour à tous. La séance est ouverte.

Bienvenue à la 80e réunion du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Comité se réunit aujourd’hui pour étudier la question de privilège concernant le député de Wellington—Halton Hills et d’autres députés.

J’aimerais rappeler à tous les députés et aux témoins une consigne au sujet des écouteurs de l’interprétation. N’oubliez pas de maintenir les oreillettes loin de votre microphone afin de ne pas provoquer un choc acoustique qui pourrait blesser les oreilles des interprètes. Parfois, lorsque nous intervenons, nous oublions ces choses, alors je vous prie d’y faire attention.

Tous les commentaires seront adressés à la présidence. Je demanderais aux membres du Comité et à nos invités de regarder vos interlocuteurs pendant les échanges, parce qu’ils pourraient vous faire signe indiquant qu’ils désirent reprendre la parole. De cette façon, je n’aurai pas besoin de vous interrompre, ce qui maximisera le temps dont nous disposons.

Nous accueillons aujourd’hui le très honorable David Johnston, rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère. Pour ce qui est des conflits d’intérêts, il a été président de l’Université de Waterloo lorsque j’y étudiais en vue d’obtenir mon diplôme. Nous nous connaissons donc bien, car nous venons tous deux de la région de Waterloo.

Monsieur Johnston, vous avez 10 minutes pour faire votre déclaration préliminaire.

Mais auparavant, j’ai entendu dire que des votes pourraient avoir lieu aujourd’hui. J’aimerais donc que nous nous entendions sur le fait que si nous sommes appelés au vote pendant une déclaration préliminaire ou pendant la première série de questions, nous utiliserons l’application de vote et nous continuerons à travailler. Êtes-vous d’accord? Je vais maintenant vous donner quelques minutes pour préparer vos photos, et quand vous serez tous prêts, nous reprendrons. Cela nous permettra de maximiser le temps que nous passerons ensemble.

Comme cette réunion dure trois heures, je vais modifier la durée des tours de questions. Nous allons commencer par des tours de 10 minutes au lieu de six, puis nous poursuivrons avec les interventions normales de cinq minutes, cinq, deux et demie, deux et demie, cinq et cinq. Nous ferons une courte pause au milieu de la réunion pour reprendre notre souffle, s’il le faut.

Sur ce, monsieur Johnston, vous avez la parole.

[Français]

Soyez le bienvenu au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.

Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston (rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, à titre personnel):

Merci, madame la présidente, et merci aux membres du Comité de m’accueillir aujourd’hui pour parler de ce grave problème et du travail qui m’a été confié.

Le 15 mars dernier, le gouvernement m’a nommé rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère. J’avais pour mandat d’évaluer l’ampleur de l’ingérence étrangère et de formuler des recommandations sur les façons de mieux protéger notre démocratie.

Mon premier rapport a révélé que des gouvernements étrangers, notamment la République populaire de Chine, travaillent de façon hostile et clandestine pour miner notre démocratie. J’en suis arrivé à cette conclusion après avoir mené un examen intensif du renseignement très secret et après avoir interviewé de hauts responsables du renseignement, de la sécurité et des élus.

Les méthodes d’ingérence étrangère sont de plus en plus complexes et retorses. J’ai relevé des lacunes importantes dans la capacité qu’a le gouvernement de détecter, de dissuader et de combattre cette menace.

Nous devons corriger cela de toute urgence.

[Français]

C’est pourquoi la prochaine phase de mon travail, qui sera un processus public, portera sur la meilleure façon de lutter contre l’ingérence étrangère.

À partir du mois prochain, j’organiserai des audiences publiques au cours desquelles les Canadiens pourront entendre des fonctionnaires du gouvernement, des experts et des agents responsables de la sécurité et du renseignement, et, surtout, des membres des communautés de diaspora qui sont les plus touchées par les efforts hostiles de gouvernements étrangers.

Pour ce travail, je serai épaulé par trois conseillers spécialisés en sécurité nationale, en renseignement, en droit et en questions relatives aux communautés de diasporas.

Ensemble, nous élaborerons des recommandations sur les changements urgents qui sont nécessaires pour protéger les institutions démocratiques canadiennes et, surtout, la confiance des Canadiens en ces institutions.

(1010)

[Traduction]

Avant de conclure, je pense qu’il est important que je reconnaisse la motion adoptée la semaine dernière à la Chambre des communes. J’ai un profond respect pour la Chambre des communes et pour son droit d’exprimer une opinion sur mon travail.

Certains se sont opposés avec force à ma décision de ne pas lancer une enquête publique. Les gens ont aussi fortement douté de mon intégrité et de mon indépendance. Ces allégations sont fausses, et le fait de les répéter ne les rendra pas véridiques.

La question de l’ingérence étrangère mérite un débat sérieux et vigoureux. Je sais que bien des gens s’opposeront à mes recommandations, mais je ne me laisserai pas décourager et je terminerai mon travail.

Je rappelle respectueusement au Comité et à tous les Canadiens que je ne demande pas simplement que l’on me croie sur parole. Les experts et les parlementaires qui détiennent la cote de sécurité nécessaire pourront examiner non seulement mon travail, mais aussi les renseignements détaillés sur lesquels il est fondé.

Si le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et les dirigeants de l’opposition ne sont pas d’accord avec mes conclusions, je leur ai demandé de le dire publiquement, ce qu’ils sont tout à fait autorisés à faire.

[Français]

En conclusion, je voudrais rappeler aux Canadiens et aux membres de ce comité que mon mandat n’est qu’une partie de l’ensemble des efforts et des initiatives visant à détecter, prévenir et combattre l’ingérence étrangère.

[Traduction]

Par conséquent, j’encourage les autres, notamment votre comité, à apporter leur contribution afin de bien équiper le Canada pour qu’il puisse efficacement détecter, dissuader et combattre l’ingérence étrangère.

Merci. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente:

Merci, monsieur Johnston, pour cette déclaration préliminaire.

J’entends la sonnerie. L’écran est allumé pour que vous puissiez tous voir ce qui se passe. Je pense que nous pourrons terminer les deux premiers tours, alors je vais commencer par vous, monsieur Brock, et je donnerai ensuite la parole à M. Turnbull.

Monsieur Brock, allez‑y.

Larry Brock (Brantford—Brant, PCC):

Merci, madame la présidente. Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Barrett.

Bonjour, monsieur Johnston, et merci d’être venu aujourd’hui.

Monsieur Johnston, en 2010, alors qu’il était encore simple citoyen et avant de se lancer en politique, Justin Trudeau a donné une entrevue à CBC Radio au cours de laquelle il a dit qu’il aimait beaucoup dîner avec vous. Il a ajouté que vous meniez d’excellentes conversations sur toutes sortes de sujets. Cette entrevue a eu lieu pendant la période où vous avez été nommé gouverneur général.

Étiez-vous au courant de cette affirmation, monsieur?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je n’étais pas au courant de cette affirmation de M. Trudeau. Je l’ai rencontré quand il avait 10 ou 11 ans. Il faisait du ski avec mes enfants quatre ou cinq fois...

Larry Brock:

Merci, monsieur Johnston. Nous parlerons de ces choses plus tard. Mon temps est très limité...

Le très hon. David Johnston:

Je ne l’ai pas revu depuis...

Larry Brock:

J’ai une autre question à vous poser.

Justin Trudeau, lorsqu’il était premier ministre, vous a décrit comme un ami de la famille de longue date, ajoutant que cette amitié s’est consolidée au cours de nombreux étés passés dans les Laurentides dans des chalets avoisinants. Vous n’avez jamais corrigé la description que fait le premier ministre de votre relation avec lui, n’est‑ce pas?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, le lien que j’avais avec M. Trudeau...

Larry Brock:

Monsieur Johnston, pardonnez-moi de vous interrompre, mais ma question est la suivante...

La présidente:

Je vais vous arrêter ici. Je ne pensais pas devoir le faire aussi tôt dans la réunion. Monsieur Brock, vous et moi en avons déjà discuté, alors vous savez très bien que les commentaires doivent s’adresser à la présidence.

Je peux vous assurer que le premier ministre et moi ne sommes pas allés au chalet ensemble, alors arrêtons-nous pendant une seconde. C’est pourquoi je voulais vous accorder un peu plus de temps. Je ferai preuve de clémence pour vous aider à mieux orienter vos questions.

Larry Brock:

Merci, madame la présidente.

La question que j’ai posée à M. Johnston était la suivante: avez-vous désigné ou modifié l’affirmation que Justin Trudeau, alors premier ministre, a faite, disant que vous étiez un ami de la famille de longue date et que cette amitié s’était cimentée au cours de nombreux étés passés dans des chalets avoisinants dans les Laurentides? Avez-vous confirmé ou nié cela, monsieur?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je n’étais pas au courant de l’affirmation qui vient d’être faite. J’ai été ami avec le père de M. Trudeau tout au long de sa vie politique. Nous l’avons encouragé à nous rejoindre comme professeur à l’Université de Montréal.

Ma dernière rencontre avec l’actuel premier ministre...

Larry Brock:

Merci, monsieur Johnston. Je vais aborder des domaines qui vous permettront de nous en dire plus sur ce que vous avez fait avec le premier ministre.

Je dois passer à autre chose, car mon temps est limité.

En 2016, six ans après votre entrée en fonction au poste de gouverneur général, vous avez accordé une entrevue à CTV. On vous a demandé ce que vous pensiez du fait que la famille Trudeau vivait sur le terrain de Rideau Hall. Sans hésiter, vous avez répondu que c’était merveilleux, parce que leurs enfants jouaient dans le jardin où jouaient vos petits-enfants. Vous avez ajouté qu’il était très beau d’observer la prochaine génération mettre de la vie dans cet endroit.

Cette affirmation était-elle exacte?

(1015)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je ne me souviens pas de cette affirmation, mais il est vrai que la famille Trudeau vivait au Rideau Cottage...

Larry Brock:

Merci, monsieur Johnston.

Dans la même entrevue, vous dites que les Trudeau étaient de très bons locataires.

Ryan Turnbull (Whitby, Lib.):

J’invoque le Règlement, madame la présidente.

La présidente:

Turnbull invoque le Règlement. Allez‑y.

Ryan Turnbull:

Brock ne cesse de couper la parole au témoin sans lui laisser le temps de répondre.

J’aimerais que nous laissions au moins M. Johnston répondre à la question qui lui est posée. Je pense que ce serait la moindre des politesses et que c’est notre pratique habituelle.

Larry Brock:

Madame la présidente, si vous me permettez de répondre, mon temps est très limité. La question était de savoir si l’affirmation était exacte ou non. Il n’était pas nécessaire que le témoin élabore.

La présidente:

Je vais vous répondre très brièvement.

Je pense que le comité PROC poursuit des normes élevées. Il existe depuis longtemps. Je crois que vous connaissez maintenant ma façon de présider.

À mon avis, ces rappels au Règlement et mes interruptions, que je ne tiens pas du tout à faire, empiètent sur le temps dont nous disposons et qui est très précieux. Je ne pense pas que nous perdrions du temps en laissant le témoin terminer ses phrases. Je pense qu’il convient parfaitement de laisser le témoin répondre.

Monsieur Brock, vous avez la parole, mais n’oublions pas ces choses. Je pense bien que nous réussirons à passer à travers cela. Je sais que vous le pouvez, monsieur Brock, alors je vais vous redonner la parole.

Larry Brock:

Merci, madame la présidente.

Vous avez ajouté que votre épouse, Sharon, et vous étiez devenus de bons amis avec les Trudeau, que votre relation avec Pierre Trudeau remontait à l’époque des enfants, lorsque les familles se réunissaient pour skier au Mont-Tremblant. Vous avez dit que les trois garçons Trudeau avaient le même âge que vos cinq filles et que vous étiez devenu un joyeux groupe de skieurs au Mont-Tremblant.

Vous avez dit que vos enfants avaient énormément de respect pour Pierre Elliott Trudeau. Il était un père merveilleux et très bon avec les enfants, qui étaient à ce moment‑là des adolescents, et il les amenait à discuter, par exemple, des démocraties dans le monde.

En 2017, monsieur, Paul Wells vous a interviewé. Vous lui avez dit que vous connaissiez Justin Trudeau depuis qu’il avait six ans, car les deux familles passaient leurs vacances dans des chalets avoisinants dans les Laurentides.

En 2017, le premier ministre vous a rendu hommage en vous traitant d’ami de la famille et d’ami de son père. Il a conclu son allocution en disant « Merci, mes amis » à vous et votre épouse. Vous ne vous êtes jamais défendu, en privé ou en public, de cette affirmation de votre amitié avec Justin Trudeau.

Passons maintenant à votre conférence de presse du 23 mai. Vous avez déclaré publiquement les faits fondamentaux de votre amitié avec Justin Trudeau. Vous avez dit vous-même, monsieur, que quand vos enfants avaient entre 7 et 12 ans, vous aviez un condo au pied du Mont-Tremblant. Pierre Elliott Trudeau avait une maison de campagne à 50 kilomètres de là. Pendant sept ans, M. Trudeau et ses trois enfants laissaient leur auto dans le stationnement de votre condo. Une fois, vous avez ramené ces enfants chez leur mère. Vous avez connu Justin Trudeau quand il étudiait à McGill. Après cela, vous n’avez eu aucun contact avec lui jusqu’à ce qu’il soit élu député, puis premier ministre.

Le fait est, monsieur, que vous avez dit que vous n’aviez eu aucun contact d’amitié avec Justin Trudeau pendant 40 ans. Vous avez affirmé ces faits. Plus tard ce jour‑là, vous avez donné une interview au présentateur de CTV, Omar Sachedina, et vous avez déclaré que votre relation avec Justin Trudeau était une allégation malheureuse. Vous avez en grande partie confirmé les mêmes détails qu’à votre conférence de presse, mais vous avez changé la fréquence des voyages de ski à cinq fois sur une période de deux ou trois ans et non sur sept ans.

Monsieur Johnston, ce comité a devant lui deux descriptions complètement différentes de votre relation avec Justin Trudeau. Ces descriptions différentes ne peuvent pas être toutes deux exactes.

Ma question est simple et directe, monsieur Johnston. Avez-vous dit la vérité aux Canadiens le 23 mai ou en 2016?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je dis la vérité en ce qui a trait à ma relation avec le premier ministre Trudeau, qui remonte à l’époque où nos enfants étaient adolescents. Pendant près de 40 ans, nous ne nous sommes pas rencontrés, nous n’avons pas soupé ensemble et nous n’avons eu aucun contact particulier. J’étais un ami du père, etc., mais notre relation se limite à cela.

Michael Barrett (Leeds—Grenville—Thousand Islands et Rideau Lakes, PCC):

Merci, madame la présidente. Je vais reprendre où j’en étais.

Monsieur, vous avez été membre de la Fondation Trudeau jusqu’à votre nomination à ce poste. Est‑ce exact?

(1020)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’étais membre de l’association de la Fondation Trudeau — ce qui équivaut à faire partie des actionnaires à une assemblée générale —, et non pas membre de son conseil d’administration.

Je me suis joint à l’organisation en 2018, soit environ un an après avoir quitté mes fonctions de gouverneur général, parce que je m’intéresse depuis très longtemps au soutien aux étudiants — aux étudiants des cycles supérieurs, aux bourses d’études.

Michael Barrett:

Merci, monsieur.

Le très hon. David Johnston:

En tant que membre de l’association, mon rôle était d’assister aux assemblées générales annuelles et de voter pour la composition du conseil d’administration, mais je n’ai rien eu à voir avec les décisions de la Fondation Trudeau.

Michael Barrett:

Saviez-vous que la Fondation Trudeau avait fait l’objet d’une campagne d’influence étrangère de la part de Pékin et qu’elle avait accepté 140 000 $ de la dictature communiste de Pékin?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la première fois que j’ai eu connaissance de ce don en particulier, c’est lorsqu’il en a été fait état dans les journaux et qu’en tant que membre de l’association, j’ai reçu une note de la présidente-directrice générale, comme d’autres membres, je crois, m’indiquant qu’on s’apprêtait à publier un communiqué de presse annonçant que ce don avait été retourné.

Michael Barrett:

Je vous remercie de confirmer que vous étiez au courant.

Compte tenu de vos liens avec la fondation, des rapports de cette dernière avec Pékin et du rôle de Pékin dans votre rapport, voyez-vous un conflit d’intérêts?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, mon lien avec l’association de la Fondation Trudeau n’a joué aucun rôle dans les décisions prises par le conseil d’administration, l’acceptation de dons, etc.

Michael Barrett:

Merci, monsieur.

Vous êtes ami avec Frank Iacobucci depuis des décennies. Est‑ce exact?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, le professeur Iacobucci et moi étions de jeunes professeurs de droit à l’Université de Toronto, lorsque j’avais environ 25 ans, et oui, c’est un ami de longue date.

Michael Barrett:

Iacobucci, qui est aussi membre de la Fondation Trudeau, est celui à qui vous avez demandé un avis sur la question de savoir si vous étiez en conflit d’intérêts, et il vous a fourni l’exemption ou l’excuse que vous cherchiez.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, le juge Iacobucci n’était pas membre de la Fondation Trudeau. Il a servi de mentor à un ou deux étudiants qui étaient des boursiers de la fondation. Le rôle de la fondation n’est pas seulement de fournir des bourses d’études, mais aussi d’offrir des possibilités de mentorat à des étudiants par des gens qui sont respectés dans leur domaine, et c’est de cette fonction qu’il s’est acquitté.

Michael Barrett:

Merci, monsieur.

Le très hon. David Johnston:

Oui, lorsque des allégations de conflit d’intérêts ont été faites à mon endroit...

Michael Barrett: Merci, monsieur.

Le très hon. David Johnston: ..., il me connaissait depuis longtemps et a indiqué qu’il n’y en avait pas.

Michael Barrett:

Monsieur, je crois qu’il y a au moins 12 juges à la retraite de la Cour suprême qui ne sont pas associés à la Fondation Trudeau comme l’est M. Iacobucci.

Le cabinet d’avocats de M. Iacobucci, Torys LLP, a également été recruté. Vous avez fait appel à eux pour vous aider. Sheila Block, une donatrice libérale de longue date, travaille pour Torys.

Vous êtes membre d’une association de la Fondation Trudeau. Il y a aussi M. Iacobucci qui est associé à la Fondation Trudeau. Mme Block, qui est une donatrice et une partisane à vie du Parti libéral, a participé récemment à des activités de financement avec le premier ministre. Compte tenu de tout cela, ne voyez-vous pas un conflit d’intérêts?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, en ce qui concerne la question de Mme Block, elle est une avocate éminente. Elle...

Michael Barrett:

La question porte sur les conflits d’intérêts, monsieur.

La présidente:

Faisons une pause, voulez-vous. Vous venez de prendre 23 secondes pour poser cette question. Donnons au témoin 23 secondes pour répondre.

Je n’arrive pas à croire que je suis en train de chronométrer le temps des questions et des réponses pour que cette réunion puisse être fonctionnelle. Tous les députés ont demandé que cette personne nous consacre trois heures — je dis bien trois heures —, ce qui représente beaucoup de temps. Il est souvent question de l’importance de notre temps, mais vous m’obligez à vous interrompe constamment.

Monsieur Johnston, vous avez la parole.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je ne vois pas de conflit. Sheila Block est une avocate éminente. Elle m’a offert un soutien indéfectible lorsque le premier ministre Harper m’a invité à entreprendre une autre enquête très difficile il y a une quinzaine d’années. Elle est réputée pour la qualité de son travail, et le travail qu’elle a accompli est certainement important et a été bien fait, mais cela dit, les conclusions du rapport sont les miennes.

Peu importe ce que font les avocats en pratique ou les autres en ce qui concerne les contributions aux campagnes politiques, tout cela est du domaine public et bien compris par tous.

(1025)

La présidente:

La parole est maintenant à M. Turnbull.

Ryan Turnbull:

Merci de votre présence ici, monsieur Johnston.

Je dirais que nous vous sommes tous redevables des services que vous avez rendus au Canada pendant des décennies. Je tiens à vous remercier pour les nombreux rôles que vous avez assumés et que vous avez fidèlement remplis, ainsi que pour les fonctions que vous avez prises en charge récemment.

Je reconnais que votre rapport soulève des questions et que des préoccupations ont été exprimées. J’irai jusqu’à citer le premier ministre Harper, ce que je fais rarement. Lorsque vous avez été nommé gouverneur général, il a dit que vous représentiez « le meilleur du Canada ».

Je vous suis reconnaissant de comparaître ici aujourd’hui, devant tous les députés, pour répondre à nos questions pendant trois heures. Cela témoigne vraiment de votre engagement envers le Canada.

J’aimerais commencer par mentionner certaines choses que nous avons entendues ici, à ce comité, en ligne, lors de conférences de presse et dans les délibérations de la Chambre.

Calkins a dit de Han Dong qu’il est un « agent de Pékin ».

Pierre Poilievre a répété à maintes reprises que Justin Trudeau agissait à l’encontre des intérêts du Canada et au profit d’une dictature étrangère. C’était le 7 mars.

Pierre Poilievre a également dit que le premier ministre « admirait la dictature communiste chinoise [...] Voyant qu’il y avait un lien idéologique, Pékin a décidé que le premier ministre était un ami et qu’il fallait donc l’aider à se faire élire. La Chine s’est ingérée dans notre système électoral deux fois de suite. » M. Poilievre a aussi dit: « Nous savons également que le premier ministre était au courant de ces faits depuis bien longtemps et qu’il a choisi de ne rien faire. »

Cooper, qui siège à ce comité, a déclaré que l’invitation à une « séance d’information » représentait un piège flagrant pour museler M. Poilievre en vertu des lois sur la sécurité nationale. Il semble donc que la vérité est maintenant un piège.

La dernière d’une longue liste de prétentions absurdes et sans fondement du Parti conservateur se trouve sur son site Web. On peut y lire: « Le faux rapporteur de Trudeau continue de dissimuler l’ingérence ».

Je dirais au Comité, et à vous aussi, qu’il ne s’agit pas seulement d’exagérations inoffensives ou de cas isolés d’hyperbole partisane. Ces propos sont intentionnels et incendiaires. Ce sont des allégations sans fondement, nuisibles et fausses, qui minent la confiance dans notre démocratie. Elles attisent les sentiments antigouvernementaux à des fins politiques.

Dans votre premier rapport, monsieur Johnston, vous avez dit que vous aviez intégré un large éventail de sources, y compris les délibérations de ce comité. Vous avez fait remarquer que les membres du Comité avaient posé des « questions judicieuses ». Vous avez aussi parlé de l’aspect du « théâtre politique ».

Pensez-vous que ce débat, de même que l’importance de fournir des réponses à la population canadienne, sont bien servis lorsque l’aspect du théâtre politique prend le pas sur le travail d’établissement des faits probants que nous sommes tous appelés à faire?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’encourage les membres du Comité à lire le rapport que nous avons préparé et à se concentrer sur le danger réel que nous courons ici, à savoir l’ingérence étrangère manifeste, présente et envahissante dans notre système électoral.

Dans notre rapport, nous avons tenté d’éviter les discussions partisanes auxquelles vous faites référence, de suivre les faits et d’appliquer la loi de façon rigoureuse et réfléchie. Je nous exhorte à nous pencher sur cette importante question de l’ingérence étrangère, qui exige une attention immédiate de la part de cet organisme et des institutions du Parlement, afin de protéger notre sécurité nationale et nos citoyens.

Ryan Turnbull:

Merci, monsieur Johnston.

Il me semble, d’après les conversations que nous avons eues au Comité, qu’il y a des députés qui participent à ces débats et délibérations et qui veulent en venir aux faits et à la question dont nous sommes saisis, alors qu’il y en a d’autres qui évitent cruellement les faits et qui semblent ne pas vouloir en parler.

Monsieur Johnston, il est clair pour moi que les conservateurs ont chanté vos louanges et vanté vos vertus pendant plus d’une décennie. En fait, en 2007, Pierre Poilievre lui-même a dit ceci concernant votre nomination à la tête de l’enquête Mulroney-Schreiber:

Je pense que nous avons affaire à une personne très crédible et je pense que cette histoire lointaine n’enlève rien au fait qu’il a une carrière très distinguée. L’idée qu’il ne devrait pas participer à la vie publique simplement parce qu’il a été nommé à un moment donné dans l’histoire par un ancien premier ministre conservateur est, je pense, un peu extrême. Il s’agit d’une personne très qualifiée, et franchement, je n’ai entendu personne remettre en question son intégrité et je n’ai aucune raison de le faire.

Monsieur Johnston, pourquoi pensez-vous que M. Poilievre a changé d’avis depuis 2007?

(1030)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, tout au long de cette étude, je me suis concentré sur les faits liés à l’ingérence étrangère, j’ai essayé d’appliquer la loi, et je vous ai présenté un rapport aussi complet et réfléchi que possible, sachant qu’il serait examiné par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement et, j’espère, que les chefs des trois principaux partis — et je remercie M. Singh d’avoir accepté ce mandat — participeraient à l’examen qui en sera fait.

Mis à part les changements de position des gens sur la question de savoir si mon intégrité s’est évaporée il y a trois ou quatre ans, pour une raison quelconque, avec le changement de gouvernement, je tiens à ce que nous nous attaquions au vrai problème, c’est‑à‑dire l’ingérence étrangère. Examinons ce rapport où figurent nos recommandations. Revoyons-le et agissons de toute urgence pour régler un problème qui est extrêmement grave et qui touche non seulement notre sécurité nationale, mais aussi nos citoyens, de façon très directe, immédiate et grave.

Ryan Turnbull:

Merci, monsieur Johnston.

Les conservateurs semblent prétendre que vous avez soudainement trahi votre nature, la personnalité que vous avez bâtie au fil des ans et qu’ils ont qualifiée de crédible et d’intègre, et que vous avez tout à coup abandonné vos principes et votre intégrité lorsque vous avez été nommé par le premier ministre Trudeau à ce poste, ce qui est tout à fait absurde à mes yeux.

Le meilleur prédicteur du comportement futur est le comportement passé, et vous vous êtes bâti au fil du temps une réputation honorable, intègre et crédible. Beaucoup de gens ont dit cela de nous pendant de nombreuses années, et pourtant nous nous retrouvons devant des prétentions contraires.

Je me demande pourquoi ils sont si déterminés à vous attaquer sur ce front. Tout ce que je peux dire, c’est qu’ils n’aiment pas les conclusions de votre rapport, dont la principale qui figure à la page 2 et qui, à mon avis, leur fait peur:

Je n’ai pas relevé de cas où des ministres, le premier ministre ou leur cabinet ont volontairement ignoré des renseignements, des conseils ou des recommandations sur l’ingérence étrangère ni de cas où ils ont été motivés par des considérations partisanes en traitant ces questions.

Pourtant, nous entendons et nous voyons encore souvent des affirmations contraires, des faits souvent déformés, mal perçus et mal interprétés. Nous voyons ici, dans un contexte parlementaire, et à l’extérieur du contexte parlementaire, ce genre de discours, ces affirmations qui sont faites sans preuve et ces fausses interprétations qui sont souvent caractérisées par la mauvaise foi.

À votre avis, ce genre d’activité nuit‑il à notre démocratie?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je dirais plusieurs choses.

Premièrement, l’examen et le travail que vous faites visent à renforcer la confiance dans notre démocratie lorsque l’ingérence étrangère la met en péril.

Dans la citation que vous venez de lire, nous avons poursuivi en disant que, dans le cadre de notre examen, nous avons relevé de graves lacunes dans nos systèmes de lutte contre l’ingérence étrangère, qui exigent un examen et des améliorations très importants, et c’est exactement ce que le Comité et les autres organismes du Parlement ont la responsabilité de faire.

L’ingérence étrangère s’est intensifiée dans un sens, et notre capacité d’adaptation a évolué dans l’autre sens. Nous devons combler l’écart entre les deux, mais c’est au Parlement qu’il incombe d’établir les faits, ainsi que de formuler des recommandations et de suggérer des améliorations, en s’appuyant sur les précédents d’autres administrations, en particulier le Groupe des cinq, qui a dû composer avec cette situation depuis plus longtemps, en présence de menaces encore plus graves dans leur cas, qui se font maintenant bien sentir chez nous. Notre travail consiste à nous tourner vers l’avenir et à déterminer comment nous pouvons faire un bien meilleur travail pour mettre en place un système qui traite de l’ingérence étrangère d’une manière constructive et très protectrice pour les intérêts canadiens.

Ryan Turnbull:

Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il serait bien que les autres partis contribuent à ces discussions de façon constructive et agissent en fonction des faits, mais ce que nous avons vu, c’est... Vous avez intégré la validation dans vos conclusions, mais les députés des partis de l’opposition ne sont pas disposés à se pencher sur l’annexe de votre rapport.

Est‑ce que c’est ce que vous vouliez dire dans votre rapport en parlant du maintien d’un voile d’ignorance?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, dans notre rapport, nous avons présenté ce que nous pouvions rendre public, tout en respectant pleinement la nature des renseignements classifiés auxquels nous avons eu accès. Nous avons préparé une annexe à ce rapport, dans laquelle nous expliquons en détail les renseignements classifiés qui nous ont permis de tirer certaines de ces conclusions.

Cette information classifiée accompagnera évidemment le rapport présenté à l’OSSNR et au CPSNR, après examen et corrections si nécessaire, mais cela signifie qu’il faut s’atteler à la tâche et que le Parlement doit faire son travail, c’est‑à‑dire s’attaquer de façon constructive et réfléchie à ce danger d’ingérence étrangère dans nos élections.

(1035)

La présidente:

Merci.

[Français]

Il reste trois minutes avant que la période de vote commence. Je vais donner la parole à M. Therrien pour 10 minutes, puis nous ferons une pause pour que tout le monde puisse aller voter.

Monsieur Johnston, vous pouvez répondre dans l’une des deux langues officielles, c’est votre choix. Le temps pris pour l’interprétation ne sera pas compté dans le temps de parole de M. Therrien. Prenez le temps d’écouter la question et les commentaires, et vous pourrez prendre le temps dont vous aurez besoin pour répondre.

Monsieur Therrien, vous avez la parole.

Alain Therrien (La Prairie, BQ):

Merci, madame la présidente.

Je salue mes collègues.

Monsieur Johnston, je vous remercie d’être ici.

Aujourd’hui, nous essayons de défendre le plus possible notre démocratie, qui est prise d’assaut par l’ingérence étrangère. Ce que nous faisons aujourd’hui est extrêmement important.

Quand je fais du porte-à-porte, des gens me disent ne pas être certains qu’ils iront voter. Je suis certain que vous entendez la même chose. Je les encourage alors à le faire en leur disant qu’il est important de voter et de s’impliquer, car leur choix peut décider de la couleur du gouvernement et des politiques qui seront adoptées.

Or il y a de plus en plus d’abstentions, et nous luttons contre cette abstention. Malheureusement, quand on voit ces menaces d’ingérence, il y a une baisse de confiance des gens dans la démocratie et nos institutions. Cela peut les amener à penser que les dés sont pipés, à se demander à quoi cela sert de voter et à se dire que ce sont les étrangers qui décident à leur place. Cela peut prendre des proportions extrêmement importantes. C’est cette confiance qu’il faut protéger, et ce sont nos institutions qu’il faut protéger.

Selon le dernier sondage Léger, 72 % des gens veulent une commission d’enquête publique et indépendante, car l’heure est grave. Il est important de faire toute la lumière sur la question et les gens pensent que c’est la seule façon de s’y prendre. Je ne vais pas vous donner toute la liste, mais de nombreux spécialistes dans le domaine nous disent qu’il faut tenir une enquête publique indépendante. La majorité des députés de la Chambre ont dit qu’il fallait créer une commission d’enquête publique et indépendante.

Dans le document de M. Johnston, ce dernier rejette cette possibilité. J’aimerais savoir pourquoi il rejette l’idée d’une commission d’enquête publique et indépendante qui est demandée par tant de gens.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, tout d’abord, j’appuie de tout cœur les commentaires qui viennent d’être faits concernant la perte d’intérêt et le manque de compréhension des gens au sujet de la démocratie, et je suis d’avis que nous devons travailler très fort pour bâtir cette confiance.

Je dirais aussi que ce que nous voyons partout dans le monde, c’est une diminution de la confiance à l’égard des démocraties. Au fur et à mesure que les gens s’éloignent de la primauté du droit, qui est si importante dans ce cas‑ci, et adoptent la loi de la primauté, des pouvoirs forts et des gouvernements autocratiques s’installent. C’est le danger auquel nous faisons face.

En ce qui concerne la question de la tenue d’une enquête publique, nous y avons longuement réfléchi. Le dilemme, c’est que nous avons affaire à des renseignements classifiés. Il n’est pas possible de discuter de renseignements classifiés en public, ni de les inclure dans des rapports. Cela est ressorti de façon évidente dans le cadre d’autres enquêtes qui ont eu à traiter de cette question difficile.

Ce que nous avons fait, c’est reconnaître qu’il y a de très graves lacunes, après avoir fait de notre mieux avec les renseignements classifiés sur les questions de responsabilité au sein du gouvernement en matière d’ingérence étrangère. Au cours de la deuxième phase de notre mandat, c’est‑à‑dire au cours des cinq prochains mois, nous nous pencherons sur ces questions dans le cadre d’audiences publiques, auxquelles nous inviterons le public à participer, avec des experts, en mettant l’accent sur l’urgence d’agir. Nous allons commencer par des audiences publiques avec les communautés de la diaspora, qui nous ont fait part de leurs préoccupations, sans obtenir de protection ou de réponses adéquates jusqu’à maintenant.

Pour la suite de notre travail, nous espérons nous attaquer à ce problème et à un certain nombre d’autres qui seront fortement axées sur l’urgence de lutter contre l’ingérence étrangère, en encourageant et en renforçant nos institutions parlementaires, afin d’élaborer les réformes appropriées, de les mettre en place, puis de voir à ce qu’elles soient appliquées d’une manière qui, en fait, renforce la confiance dans notre démocratie.

(1040)

[Français]

Alain Therrien:

Madame la présidente, il y a des précédents de commissions d’enquête publique indépendante sur des sujets extrêmement épineux sur lesquels reposent parfois des problèmes pouvant être liés à la sécurité de certains individus en cas de divulgation de l’information. C’est pour cela que, dans les enquêtes publiques indépendantes passées, il y avait des huis clos pour ce genre d’information. C’est la meilleure façon de faire la lumière sur un sujet.

Lors de la commission d’enquête qui s’est penchée sur le cas de Maher Arar, trois services secrets de pays étrangers étaient impliqués. Malgré tout, une commission d’enquête publique indépendante a été mise en avant, tout comme dans le cas de l’attentat commis contre le vol 182 d’Air India. Il y a des précédents.

Johnston dit que le sujet d’une commission d’enquête publique indépendante a été discuté et considéré, mais que certains éléments empêchent d’en tenir une. Je lui répondrai très respectueusement que cela s’est déjà fait.

J’irai même plus loin. M. Dan Stanton, ancien directeur exécutif du SCRS a présenté un témoignage assez intéressant. Il estime que M. Johnston se trompe en disant qu’une commission d’enquête publique n’est pas possible. M. Stanton a déclaré que l’ingérence étrangère est l’une des questions de renseignement les plus faciles à explorer dans le cadre d’une enquête publique. Il connaît quand même le tabac!

Monsieur Johnston, j’aimerais connaître votre opinion sur les déclarations de M. Stanton et sur les expériences passées démontrant qu’une commission d’enquête publique indépendante est possible.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la question des enquêtes publiques est importante, et nous constatons que lorsqu’il s’agit de renseignements classifiés, la situation devient très difficile. Il a été possible, dans le cadre d’autres examens, de tenir des séances qui ne portaient pas sur des renseignements classifiés et de jeter de la lumière sur ces questions. C’est ce que nous avons l’intention de faire dans le cadre des audiences publiques sur les réformes qui revêtent la plus grande importance pour notre système.

Lorsque le juge O’Connor a terminé l’enquête sur l’affaire Arar, il a affirmé que les enquêtes publiques en vertu de la Loi sur les enquêtes sont des outils très difficiles à utiliser dans les cas où il faut faire la lumière sur des situations, particulièrement des situations de négligence et ainsi de suite. Comme elles sont dirigées par des avocats et comportent des contre-interrogatoires, il est difficile d’obtenir des renseignements classifiés. Cela ne peut pas se faire dans le domaine public. Cela est aussi très coûteux et prend beaucoup de temps et, souvent, cela ne permet pas de faire toute la lumière sur la question.

Ce que nous espérions, bien sûr, au cours des nombreux mois de notre mandat, c’était exactement cela — tenir des audiences publiques sur des questions qui ne font pas partie des renseignements classifiés. Vous vous souviendrez peut-être d’une enquête précédente, soit celle de la Commission McDonald, qui a mené à la création de la Loi sur le SCRS, en vue de prendre la relève de la GRC en matière d’ingérence étrangère. Il a fallu cinq ans à cette commission pour terminer son travail.

[Français]

Alain Therrien:

Madame la présidente, je suis un peu estomaqué.

On dit qu’une commission d’enquête publique indépendante peut être coûteuse. Quel est le prix d’une démocratie? Quelle est la valeur de la démocratie?

Actuellement, deux partis sont coude à coude dans les sondages, et quelques circonscriptions peuvent décider de la couleur du gouvernement. Or on me dit qu’il peut être coûteux de faire la lumière sur la question. Les gens s’entendent là-dessus: la seule façon de faire la lumière sur cette question, c’est au moyen d’une commission d’enquête publique indépendante. Cela peut être long, mais on pourrait vivre très longtemps dans l’obscurité si on ne fait rien. Ce ne serait pas mieux.

Johnston dit qu’il y a des éléments classés « secret » qui ne peuvent pas être dévoilés au grand jour. En quoi est-ce pire que ce qu’on a vu dans le cas de Maher Arar, alors que trois services secrets de trois pays différents étaient impliqués dans cette enquête?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, en ce qui concerne les audiences publiques que nous envisageons, il sera certainement possible d’inviter des représentants du SCRS et d’autres experts du gouvernement et de l’extérieur du gouvernement à formuler des commentaires à ce sujet.

En ce qui concerne la question des coûts, je tiens à souligner que nous gaspillons beaucoup de temps en ne nous attaquant pas aux véritables problèmes que pose l’ingérence étrangère et en ne proposant pas de réformes, de changements et d’améliorations, de même qu’en n’assurant pas une surveillance minutieuse de nos opérations, afin de veiller à faire un bien meilleur travail que celui que nous faisons à l’heure actuelle, au sujet d’une situation très grave qui n’est pas reconnue pleinement comme un danger pour notre société démocratique au Canada.

(1045)

[Français]

Alain Therrien:

Pouvons-nous procéder au vote, madame la présidente?

Je vais interrompre mon temps de parole. Cela vous convient-il?

La présidente:

Oui. Nous allons faire une pause maintenant et revenir pour quelques minutes, pour une ou deux questions.

Alain Therrien:

D’accord. Vous êtes gentille.

Je vous remercie.

La présidente:

Nous pouvons tous voter. Si vous n’avez pas voté, dites-le-moi.

[Traduction]

Nous allons faire une pause pour voter.

(1045)

(1045)

La présidente:

Nous allons reprendre nos travaux. Je suis heureuse que tout le monde ait pu voter.

[Français]

Monsieur Therrien, vous avez la parole pour 1 minute et 38 secondes.

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

On dit que le processus est long, mais je pense qu’il est essentiel. Pour que nous réglions la question une fois pour toutes et que nous ayons la confiance de la population, il est important que nous fassions la lumière sur cette situation.

Il est vrai que nous avons eu le rapport de M. Johnston dans un délai assez court mais, quand je le lis, je n’y vois à peu près rien nous permettant, d’une part, de comprendre que nous pouvons avoir confiance en M. Johnston pour la suite et, d’autre part, de dire que nous avons fait la lumière sur la question.

Je veux revenir à une question simple, monsieur Johnston. J’en appelle à votre intelligence, car je sais que vous êtes un homme très brillant. Votre expérience le prouve. Quelle est la différence entre la classification « secret » de l’information dans le cas de l’ingérence étrangère et la classification « secret » de l’information dans le cas de Maher Arar? Pourquoi le cas actuel est-il pire que celui concernant Maher Arar?

C’est une question simple. Si vous n’y répondez pas, je vais y revenir, parce que je trouve cela important.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, il est très important de déterminer quand l’information entre dans la sphère de la preuve et quand elle est classifiée ou non. C’est l’une des questions que nous espérons aborder en profondeur lors des audiences publiques qui auront lieu au cours des cinq prochains mois, à savoir si nous avons la bonne orientation et le bon équilibre pour définir ce qui doit être gardé secret et ce qui peut être révélé au grand jour.

Nous avons l’expérience d’autres pays qui se sont attaqués à ce problème très particulier. Il me semble que nous pouvons tirer des leçons de ces expériences et essayer de trouver un meilleur équilibre entre ce qui doit être classifié pour protéger les gens concernés, ainsi que nos alliés du Groupe des cinq.

(1050)

[Français]

Alain Therrien:

Je veux simplement vous dire, monsieur Johnston, que ce que vous avez dit est très important.

Ce que je comprends de votre réponse, c’est qu’on ne sait pas pourquoi on ne peut pas tenir une enquête publique indépendante. C’est ce que j’ai entendu. Vous avez dit que cela prendrait quelques mois avant de voir la différence entre les éléments d’information et l’importance de la classification. Vous n’êtes donc même pas prêt à me dire, aujourd’hui, que nous n’avons pas besoin d’une enquête publique indépendante, car il va vous falloir quelques mois pour y réfléchir.

La présidente:

Monsieur Therrien...

Alain Therrien:

Je voulais seulement conclure notre conversation. Ce qu’a dit M. Johnston est extrêmement important.

La présidente:

Nous poursuivons avec vous, monsieur Singh. Vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

Jagmeet Singh (Burnaby-Sud, NPD):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Madame la présidente, par votre entremise, j’aimerais remercier M. Johnston de comparaître aujourd’hui. Merci d’être parmi nous pour discuter du rapport.

J’aimerais faire quelques déclarations préliminaires. Vous avez abordé la question, mais je veux que ce soit clair également de mon point de vue. J’ai dit clairement que je ne suis pas d’accord avec votre conclusion selon laquelle il ne devrait pas y avoir d’enquête publique. Je crois qu’il devrait y avoir une enquête publique. Je pense que c’est la seule façon de vraiment rétablir la confiance du public dans notre système électoral.

La semaine dernière, nous avons adopté une résolution à la Chambre. Vous y avez fait allusion, mais je tiens aussi à dire que nous avons recommandé que vous vous retiriez du poste de rapporteur spécial pour une raison très précise, à savoir l’apparence de partialité. J’ai donné un exemple concret qui, pour une personne raisonnable, démontre clairement l’apparence de partialité, à savoir que l’avocate principale a fait plusieurs dons au Parti libéral et a assisté à une activité de financement avec le premier ministre, pas plus tard qu’en 2021. Pour une personne raisonnable, cette apparence de partialité minerait le travail que vous espérez faire, et ce travail ne peut pas être réalisé en raison de cette apparence de partialité, qui est tellement fondamentale.

Je suis également déçu que vous ayez rejeté le vote majoritaire. La volonté de la Chambre a été exprimée, et vous avez rejeté ce vote. Je pense que c’est décevant.

Je veux utiliser mon temps de parole pour aborder certains détails du rapport. Je vais passer à ma première question, par votre entremise, madame la présidente.

Mon premier point porte sur une question que j’ai posée au premier ministre, le 9 mai, pendant la période des questions. Elle portait sur les répercussions de l’ingérence étrangère sur la diaspora, ce qui, comme vous l’avez mentionné, constituera une partie importante de vos audiences publiques. J’ai posé une question au premier ministre au sujet des répercussions de l’ingérence étrangère sur les diasporas. En réponse, le premier ministre a déclaré que « les diasporas, que ce soient des communautés sino-canadiennes, irano-canadiennes, russo-canadiennes ou indo-canadiennes, sont souvent les premières communautés à être ciblées par l’ingérence étrangère ».

En fait, la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement, Jody Thomas, a également souligné que l’ingérence étrangère, en particulier de la part de l’Inde, a une incidence sur les Canadiens et, en particulier, sur la communauté sikhe. De nombreux membres des diasporas vous diront qu’ils ont quitté des communautés assujetties à des régimes répressifs et sont venus au Canada dans l’espoir d’obtenir la sécurité et la liberté, mais qu’ils ont continué d’être poursuivis par le même type d’ingérence. Dans la communauté sikhe, on entend de nombreuses personnes raconter qu’on leur a refusé un visa, ou que leur communauté ou les membres de leur famille ont été menacés, parce qu’ils avaient soulevé des préoccupations au sujet du bilan de l’Inde en matière de droits de la personne, par exemple.

Étant donné qu’il est bien connu que cela existe, et compte tenu surtout que le premier ministre a confirmé l’existence de ces menaces contre les communautés de la diaspora, comment vous attendez-vous à ce que les gens de ces communautés — sachant qu’ils sont déjà ciblés et qu’ils risquent déjà d’être ciblés personnellement ou que leurs familles sont ciblées — aient la confiance nécessaire pour assister à une audience publique, compte tenu de ces menaces pour eux-mêmes ou leur communauté et des réactions et des répercussions possibles sur leurs familles?

Comment ces personnes auront-elles la confiance nécessaire pour se présenter à une audience publique? Comment ce processus fonctionnera‑t‑il pour elles? Y a‑t‑il des mesures qui sont prises pour protéger leur sécurité, compte tenu des préoccupations qu’elles ont?

Le très hon. David Johnston:

Je vous remercie de ces questions, qui sont vraiment vitales et importantes et qui nécessitent une attention très réfléchie.

Vous avez tout à fait raison de dire que les communautés de la diaspora ont été victimes d’ingérence et que leur tranquillité a été mise à mal, tout comme leur sécurité et leur bien-être, d’une manière qui est inadmissible. Il nous incombe à tous de voir cela comme une menace très grave pour notre nation, où le pluralisme et le respect de notre patrimoine culturel sont des valeurs très importantes, qui ont été négligées pendant beaucoup trop longtemps.

Je regarde M. Chong, qui a présidé le Comité spécial sur la relation entre le Canada et la République populaire de Chine, par exemple, où ont été entendus des tonnes de témoignages de la diaspora sur cette question. Nous n’avons pas fait le genre de choses que nous aurions dû faire et que nous devons faire — parce que le problème est réel, dommageable et tout simplement inacceptable pour les citoyens canadiens.

Ce que nous espérons faire au cours des cinq prochains mois, c’est de vraiment jeter de la lumière sur cette question des menaces qui pèsent sur les communautés de la diaspora et de trouver des façons beaucoup plus efficaces de, premièrement, nous équiper et d’équiper nos agences de renseignement pour faire face à ces menaces plus efficacement qu’à l’heure actuelle, et deuxièmement, d’informer les Canadiens du fait que tant de membres de la diaspora sont des victimes involontaires de quelque chose qui les dépasse dans une large mesure. En tant que Canadiens, nous avons la responsabilité de les protéger, de les appuyer et de dire que ce n’est pas acceptable et que nous ne laisserons pas la situation perdurer. Nous devons reconnaître que c’est ce qui se passe dans ces communautés et prendre les mesures de protection qui s’imposent à l’échelle gouvernementale.

Au cours du dernier mois environ, nous avons fait un pas en avant en essayant au moins d’expliquer la situation et d’envoyer des avertissements aux députés et aux autres personnes qui ont été victimes de ces choses et dont les familles ont été soumises à ces choses. Cela exige aussi des correctifs très importants.

(1055)

Jagmeet Singh:

Merci. J’espère que vous parlerez également des moyens de faire en sorte que ces familles ou ces personnes ne craignent pas de parler de leur situation.

J’aimerais maintenant aborder les graves lacunes que vous avez révélées dans les communications entre les organes de sécurité et le gouvernement. Selon votre rapport, vous n’avez trouvé « aucun exemple où un ministre, le premier ministre ou leurs bureaux respectifs se sont abstenus, en connaissance de cause ou par négligence, de donner suite aux renseignements, conseils ou recommandations fournis ». Il est donc concevable que les ministres ou le premier ministre n’aient pas été correctement informés. Mais vous reconnaissez également dans votre conclusion que des gouvernements étrangers tentent effectivement ou sans aucun doute de s’ingérer dans notre démocratie et que c’est un fait notoire.

Puisque l’ingérence étrangère est avérée et que le gouvernement aurait dû être au courant de cet enjeu en général, ma question portera sur le manque flagrant de curiosité de ce gouvernement. Malgré les preuves claires et crédibles que vous en avez obtenues dans le cadre de votre enquête, à aucun moment le premier ministre ou des ministres n’ont demandé activement ou proactivement au SCRS ou à d’autres organismes de sécurité si des députés étaient visés.

Personne n’a donc jamais tenté d’évaluer proactivement les menaces qui pèsent sur des députés? Vous admettez que le gouvernement n’en a peut-être pas été informé par le SCRS, mais ne s’est‑il jamais demandé si, puisqu’on sait qu’il y a de l’ingérence étrangère, cela pourrait toucher nos députés? Personne n’aurait donc jamais manifesté de curiosité ou d’intérêt à cet égard?

Le très hon. David Johnston:

Merci de ces deux questions. Mes réponses seront brèves, mais j’espère qu’elles vous seront utiles.

Quant à savoir si des membres de la diaspora pourront comparaître en toute transparence dans le cadre d’une audience publique, je suis convaincu qu’ils seront nombreux à le faire et que, s’ils ne veulent pas comparaître, ils nous feront parvenir des mémoires. Nous avons déjà reçu environ une demi-douzaine de mémoires de groupes de la diaspora, qui expliquent de façon très douloureuse et éloquente le fardeau qu’ils portent et l’aide dont ils ont besoin. Quant aux personnes qui estiment ne pas pouvoir se présenter, nous les invitons et les encourageons à nous fournir toute l’information qu’elles pourront et, notamment, à nous indiquer les mesures que nous pourrions prendre.

Voyons maintenant la question de la curiosité face à ces menaces étrangères. Dans notre rapport, nous sommes très critiques des lacunes du gouvernement. Nous y expliquons qu’il a été bien souvent lent à réagir et lent à anticiper et que cela doit changer, mais que ce changement doit advenir par le travail de ce comité et d’autres comités parlementaires. Le CPSNR et l’OSSNR — respectivement créés en 2017 et 2019 — sont des comités d’examen et de surveillance. Ils sont chargés de vérifier si nos organismes fonctionnent bien ou non, et nous devons consolider ces institutions.

Il est tout à fait vrai que nous n’avons pas eu ce genre de curiosité, ni le genre de communications qui aurait permis de donner suite à [Inaudible], et j’espère que nous pourrons régler ce problème.

(1100)

Jagmeet Singh:

Je comprends. Merci, monsieur Johnston.

Pour terminer, j’aimerais vous signaler une chose particulièrement inquiétante, à savoir que vous êtes arrivé à une conclusion différente de celle de M. O’Toole. Je rappelle que M. O’Toole a soulevé une question de privilège. Permettez-moi de citer une partie de ce qu’il a dit:

L’exposé du SCRS m’a confirmé ce que je soupçonnais depuis un bon moment, à savoir que mon caucus parlementaire et moi-même avons été la cible d’une campagne sophistiquée de désinformation et de suppression de votes orchestrée par la République populaire de Chine avant et pendant les élections générales de 2021.

Les membres du caucus conservateur et lui-même ont donc été visés.

Dans votre rapport, vous dites au sujet de M. Chiu, qui était membre du Parti conservateur et candidat aux élections de 2021, qu’il n’a pas été possible de faire remonter la désinformation à une source étatique. Nous sommes donc en présence de deux conclusions très différentes, l’une tirée de la séance d’information du SCRS dont parle M. O’Toole, et l’autre, de votre rapport, selon lequel il n’y a pas de preuve claire d’une source étatique. Comment avez-vous pu tirer une conclusion aussi divergente?

Le très hon. David Johnston:

Merci de la question. On m’a demandé d’être bref.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer M. O’Toole peu de temps avant la fin de notre rapport et nous avons tenu compte de ce qu’il avait à nous dire. Je dois dire qu’il connaît très bien le dossier et qu’il a encore beaucoup à nous apprendre.

Les preuves qui nous ont permis de conclure dans le sens que vous dites étaient tout ce que nous avions à notre disposition à ce moment‑là. Depuis, compte tenu des conversations de M. O’Toole avec le directeur du SCRS, on en a appris beaucoup plus sur ce qui aurait dû être fait et ce qui devra être fait à l’avenir.

La présidente:

Merci.

[Français]

Je cède maintenant la parole à M. Berthold pour cinq minutes.

Luc Berthold (Mégantic—L’Érable, PCC):

Merci, madame la présidente.

Je vous remercie également, monsieur Johnston.

Monsieur Johnston, j’ai été un peu choqué quand vous avez dit, dans votre allocution d’ouverture, que les commentaires sur votre intégrité sont faux et que le fait de les répéter ne les rend pas vrais. Pour moi, cette déclaration seule vous place en situation de conflits d’intérêts, particulièrement envers les chefs des partis de l’opposition.

Monsieur Johnston, vous avez été le gouverneur général du Canada. À ce titre, vous ne pouvez pas exercer de rôle politique.

Vous recevez cependant toujours une paie à titre d’ancien gouverneur général. Est-ce exact?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Pourriez-vous répéter la question?

[Français]

Luc Berthold:

Continuez-vous de recevoir une rémunération à titre d’ancien gouverneur général?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Non, je ne reçois aucun paiement comme ancien gouverneur général. J’ai une pension de fonctionnaire, et c’est mon salaire.

[Français]

Luc Berthold:

Merci.

Pendant combien d’années avez-vous été membre de la Fondation Trudeau, monsieur Johnston?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Merci de la question.

Je me suis joint à l’association de la Fondation Trudeau. C’est comme un actionnaire dans une assemblée générale, et non pas un membre du conseil d’administration. Il ne participe pas aux décisions...

[Français]

Luc Berthold:

Ce n’est pas la question, monsieur Johnston.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

[Inaudible] une assemblée générale annuelle pour voter au conseil d’administration, pour approuver les états financiers — il n’y a aucune participation à quelque activité de financement que ce soit. C’était en 2018, et j’ai démissionné en mars de cette année, quand on m’a confié ces responsabilités.

[Français]

Luc Berthold:

En 2016, au cours d’une entrevue, vous avez déclaré, au sujet de votre relation avec la famille du premier ministre, que vous aviez appris à connaître les enfants et que votre amitié et votre relation s’étaient vraiment construites à partir des échanges de l’enfance.

Est-ce que vous reconnaissez avoir tenu ces propos, monsieur Johnston?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Je me souviens effectivement d’avoir fait allusion au fait que mes propres enfants et M. Trudeau, quand il était jeune, ont eu l’occasion de skier ensemble quatre ou cinq fois. Entre ce moment et celui où il est devenu premier ministre, je n’ai eu aucune rencontre avec lui, pas plus que nos enfants à ma connaissance.

Lorsqu’ils sont devenus nos voisins à Rideau Hall, je crois bien avoir dit qu’il serait agréable que nos petits-enfants aient la chance de jouer avec ses enfants. Cela ne s’est jamais produit, que je sache, mais cela aurait quand même été une expérience agréable pour nous.

[Français]

Luc Berthold:

Monsieur Johnston, je vous demanderais, s’il vous plaît, d’être plus bref dans vos réponses. Je veux aborder plusieurs points et je veux être respectueux et vous laisser le temps de répondre, mais j’ai des questions très précises à vous poser.

En 2017, en tant que président de l’Université de Waterloo, vous avez visité l’Université de Chongqing, vous avez rencontré le président Xi Jinping et vous avez par la suite déclaré qu’il était merveilleux d’être de retour en Chine et que vous vous sentiez comme si vous étiez revenu à la maison.

Est-ce exact?

(1105)

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Si j’ai bien compris la question — qu’il est merveilleux de rentrer à la maison —, je crois qu’il s’agissait de M. Trudeau de retour au 24, promenade Sussex, mais que la résidence n’était pas disponible. Le secrétaire du Bureau du gouverneur général avait très galamment offert de libérer Rideau Cottage, où la famille de M. Trudeau s’est installée.

[Français]

Luc Berthold:

Madame la présidente, je pense que nous avons des problèmes d’interprétation, parce que, depuis le début, les questions que je pose et les réponses ne concordent vraiment pas.

Je vais donc vous demander un peu d’indulgence. Je vais essayer de parler plus lentement, mais nous avons vraiment des problèmes d’interprétation, parce que M. Johnston ne répond pas à mes questions.

Monsieur Johnston, vous avez demandé à M. Iacobucci, un ancien mentor de la Fondation Trudeau, de vous donner son opinion sur un possible conflit d’intérêts dans votre mandat de rapporteur spécial du premier ministre.

Est-ce vrai?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Oui.

[Français]

Luc Berthold:

Vous avez engagé Mme Sheila Block, grande donatrice libérale, en tant que conseillère principale dans la rédaction de votre rapport.

Est-ce vrai?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Il est vrai que Mme Block a été mon avocate principale dans le cadre de l’enquête Mulroney-Schreiber. Je lui ai demandé de l’être aussi dans cette enquête.

[Français]

Luc Berthold:

J’ai beaucoup d’autres déclarations comme celles-là que vous avez définies comme étant fausses, monsieur Johnston, mais le temps me manque, malheureusement, en raison des problèmes d’interprétation.

Vous avez écrit un livre dont le titre est Trust, que j’ai ici. Il n’y a pas de version en français. Vous déclarez dans ce livre que les pires dirigeants font de la manipulation en ne divulguant pas des informations vitales ou en ne divulguant que les informations qui soutiennent leurs opinions, leurs décisions et leurs gestes.

Vous rappelez-vous avoir écrit cela?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Je me souviens d’avoir écrit ce chapitre du livre, en effet.

[Français]

Luc Berthold:

Monsieur Johnston, malgré tout le respect que je vous dois et compte tenu de vos années d’expérience, j’ai de la difficulté à croire que, parmi tous les faits que je viens d’énumérer, il n’y a pas une seule chose qui, selon vous, suscite une apparence de conflit d’intérêts pour quelqu’un qui est appelé à présenter un rapport indépendant sur l’ingérence du régime de Pékin dans notre démocratie, ingérence qui aurait favorisé le Parti libéral.

Croyez-vous sincèrement que, dans tout cela, il n’y a rien qui puisse donner l’impression qu’il y a un conflit d’intérêts, et que les Canadiennes et les Canadiens doivent vous croire sur parole?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Je ne crois pas être en conflit d’intérêts et je n’aurais pas assumé cette responsabilité si je l’avais été.

Je précise que, depuis 55 ans, j’ai présidé des comités consultatifs ou y ai participé, peut-être 20 ou 30 fois, en raison de mon impartialité et de mon intégrité. C’est la première fois qu’on remet cela en question ou qu’on laisse entendre que j’ai un conflit d’intérêts.

Je propose qu’on examine mes états de service et qu’on en tire une conclusion à cet égard. Je vous invite encore une fois à vous concentrer sur la question de l’ingérence étrangère, sur ce rapport, qui sera examiné, et sur d’autres. Nous devons faire beaucoup mieux pour nous atteler à cette importante question.

La présidente:

Merci.

Madame O’Connell, vous avez cinq minutes.

Mme Jennifer O’Connell (Pickering—Uxbridge, Lib.):

Merci, madame la présidente.

Merci d’être avec nous aujourd’hui, monsieur Johnston. En fait, ce que vous venez de dire va dans le sens de certaines de mes questions.

Avant d’y venir, je tiens à souligner que les conservateurs viennent de poser des questions pendant 15 minutes en tout, mais qu’ils n’en ont pas posé une seule sur l’ingérence étrangère, pas une seule. Ce n’était que diffamation ou théorie du complot au sujet d’enfants qui jouent ensemble.

Monsieur Johnston, compte tenu de votre exposé préliminaire au sujet de la gravité et de l’omniprésence de ce problème, je trouve extrêmement frustrant et décevant que les questions de l’opposition officielle n’aient pas porté sur l’ingérence étrangère pendant ces 15 minutes. Mais il faut savoir — et vous ne le savez pas, monsieur Johnston — que le député conservateur M. Barrett a déjà publié des clips — et je suis certaine que cela aidera à recueillir des fonds ou alimentera les craintes et les théories du complot concernant votre impartialité.

Certaines des questions posées tout à l’heure par M. Brock portaient sur des jeux d’enfants — partagés par vos petits-enfants et les enfants de l’actuel premier ministre. C’est ce que les conservateurs estiment être une preuve tangible: des enfants qui jouent ensemble. Je signale, monsieur Johnston, que dans certaines de vos réponses... Même si les conservateurs voulaient que vous soyez ici et que l’opposition voulait que vous soyez ici pendant trois heures, ils ne voulaient pas que vous répondiez à une seule question. Je trouve cela très révélateur, et, je le redis, ils ont eu leurs clips. C’est vraiment de cela qu’il s’agit. Ils ne s’intéressent pas à l’ingérence étrangère ou à la protection de notre démocratie, parce que, si c’était le cas, ils poseraient des questions sérieuses au lieu de s’adonner à des manœuvres partisanes.

Brock a parlé d’une époque où, comme vous l’avez dit vous-même, l’actuel premier ministre avait 11 ans. Cependant, mon collègue M. Turnbull a rappelé que, depuis le temps que vous avez passé avec l’actuel premier ministre à l’âge de 11 ans, M. Poilievre, chef de l’opposition, a défendu votre réputation. Rien dans votre conduite ou votre comportement n’a changé, et la seule conclusion que je puisse en tirer est que les députés de l’opposition ne prennent pas l’ingérence étrangère au sérieux. Ils ne prennent pas la préservation de la démocratie au sérieux. Ils ne cherchent qu’à lancer des attaques partisanes. Monsieur Johnston, vous avez rappelé que certaines des personnes que vous avez employées dans le cadre de l’enquête Mulroney-Schreiber vous ont également aidé à rédiger ce rapport, mais les conservateurs négligent commodément cet élément d’information.

Venons‑en donc aux véritables enjeux entourant l’ingérence étrangère, car je crois que nous devons aux Canadiens de prendre cette question au sérieux. Nous pouvons laisser les conservateurs à leurs manœuvres partisanes et les Canadiens en juger. Je vais donner suite à certaines questions de M. Singh au sujet de M. O’Toole. Nous avons entendu ici le témoignage de M. Chiu. À l’époque, je lui avais demandé s’il pouvait nous communiquer par écrit des éléments de preuve dont il disposait ou des exemples qui l’inquiétaient. Il avait répondu qu’il n’avait jamais sauvegardé ces éléments d’information.

Y avait‑il quelque chose... Le Parti conservateur a‑t‑il fourni des renseignements? M. O’Toole a parlé d’un dossier. En 2022, le Parti conservateur a également effectué un examen interne des résultats des élections de 2021. Est‑ce que certains de ces renseignements figuraient dans les documents que vous avez reçus et examinés?

(1110)

Le très hon. David Johnston:

Pourriez-vous préciser de quels documents vous parlez? Je n’ai aucun contexte.

Mme Jennifer O’Connell:

Certainement. M. Singh a commenté certaines déclarations publiques de M. O’Toole et il a parlé d’un dossier du Parti conservateur sur une partie de l’information concernant WeChat. M. Chiu a déclaré que toutes ces preuves lui avaient été communiquées, mais qu’il ne les avait pas conservées ou quelque chose comme cela. Puis, en janvier 2022, le Parti conservateur a reçu les résultats d’un examen interne effectué par James Cumming.

Avez-vous reçu l’un ou l’autre de ces documents dans le cadre de votre enquête?

Le très hon. David Johnston:

Je vais vous donner une réponse prudente, parce que je ne me rappelle pas précisément avoir reçu ces documents.

Ce que je peux dire, c’est que nous avons demandé à M. Poilievre, à quatre reprises, de nous faire part, si possible, de ses observations et de nous rencontrer, mais il n’a pas donné suite.

Deux ou trois jours avant la publication de notre rapport, nous avons reçu une série de documents, qui étaient en grande partie des articles de journaux et d’autres médias. Je ne me souviens pas de documents comme ceux dont vous parlez.

La présidente:

Merci.

[Français]

Monsieur Therrien, vous disposez de deux minutes et demie.

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

Je vais poser des questions courtes, et j’espère obtenir des réponses courtes cette fois-ci. Je ne veux pas mettre de pression sur M. Johnston, mais je n’ai que deux minutes et demie.

Monsieur Johnston, nous nous entendons pour dire qu’il est très important de rétablir la confiance du public. C’est le but de la démarche, entre autres.

Qu’est-ce qui, selon vous, rétablira la confiance de la population, une commission d’enquête publique et indépendante ou pas de commission du tout?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Merci de la question.

C’est effectivement notre travail: rétablir la confiance. Dans le reste du rapport et durant les travaux des cinq prochains mois, nous nous consacrerons à éclairer le mieux possible la question essentielle, à savoir les moyens de lutte contre l’ingérence étrangère. D’après le rapport que vous avez lu, ce n’est pas du tout au point. Il faut améliorer considérablement ces moyens.

Grâce à ces audiences publiques, aux témoignages d’experts et d’autres intervenants, et à l’aide que vous apportez au comité d’examen, j’espère que nous pourrons traiter cette question avec toute l’urgence qu’elle mérite, et que nous pourrons être fiers de dire aux Canadiens que nous faisons tout en notre pouvoir pour les protéger.

(1115)

[Français]

Alain Therrien:

Ce que j’entends, c’est que M. Johnston va faire la lumière, qu’on ne doit pas s’inquiéter, qu’il est là pour cela, et ainsi de suite.

Le problème est simple. Avant que M. Johnston dépose son rapport, des spécialistes étaient contre une commission d’enquête. Or, après le dépôt de ce rapport, ils y sont maintenant favorables.

Cela veut-il dire que la tentative de faire la lumière extrêmement rapidement et à peu de frais, comme M. Johnston le propose, est un échec? J’ai des noms ici: MM. Daniel Stanton, que j’ai mentionné tantôt, anciennement du SCRS, Michael Wernick et Artur Wilczynski. Ces personnes ont changé d’idée à la suite du dépôt de votre rapport.

Cela veut-il dire que, finalement, il faut un rapport d’une commission d’enquête? Vous n’avez pas convaincu les gens. Ils ont plutôt été convaincus, après le dépôt de votre rapport, qu’une commission d’enquête publique et indépendante est vraiment nécessaire.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Merci encore de cette question.

Nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous pensons qu’une commission royale d’enquête publique classique ne servirait pas à rétablir la confiance, mais que les audiences publiques dont j’ai parlé le feraient.

Je reviens au juge O’Connor, à la suite du comité Arar, qui estime que les enquêtes publiques, au sens traditionnel du terme, ne sont pas particulièrement utiles et peuvent être épouvantables dans ce genre de situation. Il y a de meilleures façons de s’y prendre. C’est ce que nous devons faire au cours des cinq prochains mois.

[Français]

La présidente:

Merci.

Madame Kwan, vous avez la parole.

[Traduction]

Mme Jenny Kwan (Vancouver-Est, NPD):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Selon un article de Global News paru le 8 février 2023, « les responsables de la sécurité nationale ont averti le premier ministre Justin Trudeau et son cabinet, plus d’un an avant les élections fédérales de 2019 [...] que des agents chinois aidaient des candidats canadiens aux élections ». Dans le rapport de M. Johnston, on fait état d’une première version de la note de service contenant « un passage semblable, mais non identique à cette citation ». Toujours selon le rapport, cette ébauche a fait l’objet d’une « importante révision » avant que la note de service soit envoyée au premier ministre.

Johnston a‑t‑il demandé qui avait modifié la note de service et pourquoi?

Le très hon. David Johnston:

Merci beaucoup de cette question.

Je vais citer directement notre rapport. Je dois tenir compte de deux éléments ici. Il y a, d’un côté, les renseignements classifiés et, de l’autre, l’information ouverte. Il est important que je ne franchisse pas la ligne de démarcation.

Pour répondre précisément à la question posée, on peut lire ceci à la page 27 du rapport au sujet de ces énoncés et conclusions dans la presse:

La RPC s’est ingérée dans la nomination de Han Dong comme candidat pour le Parti Libéral dans Don Valley North (Global News, 24 février 2023)

Voici la suite:

Des irrégularités ont été observées dans la nomination de M. Dong en 2019, et il y a des soupçons bien fondés que les irrégularités étaient liées au consulat de la RPC de Toronto, avec lequel M. Dong entretient des liens. Pendant l’examen des renseignements, je n’ai pas trouvé de preuve selon laquelle M. Dong était au courant des irrégularités ou de l’implication possible du consulat de la RPC dans sa nomination.

Le premier ministre a été informé de ces irrégularités, mais aucune recommandation précise n’a été formulée. Il a conclu que rien ne permettait d’exclure M. Dong comme candidat pour Don Valley North. Cette conclusion n’était pas déraisonnable en fonction des renseignements mis à la disposition du premier ministre à cette époque.

La présidente:

Monsieur Johnston, si vous voulez que nous prenions note de ce que vous venez de dire, nous le ferons, car nous avons peu de temps.

Je vais revenir à Mme Kwan.

Mme Jenny Kwan:

Merci beaucoup, madame la présidente.

J’ai lu le rapport à plusieurs reprises. Ce n’est pas en me le citant de nouveau que vous pouvez répondre à cette question.

Ma question était la suivante: M. Johnston a‑t‑il vérifié qui avait modifié cette note de service et pourquoi?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je répète que je dois faire attention à ne pas divulguer de renseignements classifiés. La note de service parue dans Global News...

Mme Jenny Kwan:

Désolée, je vais devoir vous interrompre un instant. Veuillez répondre par oui ou par non.

Avez-vous vérifié qui l’a modifiée, oui ou non?

Le très hon. David Johnston:

La réponse est que la note de service dont il est question dans le rapport de Global News était une première ébauche qui contenait certains énoncés. Cette ébauche n’a pas été distribuée. La version finale contenait une conclusion très différente.

(1120)

La présidente:

Merci.

Mme Jenny Kwan:

Madame la présidente, si je peux terminer ma réflexion, j’en déduis que M. Johnston n’a pas demandé qui l’avait modifiée et pourquoi.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, encore une fois...

La présidente:

Je ne ferai pas de commentaire, monsieur Johnston, mais je pense que votre commentaire tient lieu de réponse. Le débat d’aujourd’hui ne porte pas sur la façon dont les gens ont reçu l’information, mais plutôt sur l’ingérence étrangère dans les élections.

Continuons.

Nous écouterons M. Chong, qui dispose de cinq minutes, puis ce sera au tour de M. Fergus.

[Français]

Ensuite, nous ferons une pause.

Monsieur Chong, vous avez la parole.

[Traduction]

L’hon. Michael Chong (Wellington—Halton Hills, PCC):

Merci, madame la présidente.

Merci de votre présence ici, monsieur Johnston.

Au cours de la séance d’aujourd’hui, vous avez dit plusieurs fois que le Parlement devait faire son travail. Vous avez dit que c’est le travail du Parlement d’aider à contrer ce que vous appelez la menace toujours croissante de l’ingérence étrangère. Vous nous avez instamment invités à nous concentrer sur la question de l’ingérence étrangère.

Notre travail consiste à demander des comptes au gouvernement. C’est prévu dans les toutes premières dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867. L’article 18 nous confère d’immenses pouvoirs à cet égard.

Mais il se trouve que le Parlement n’a pas pu faire son travail parce que le gouvernement nous a lié les mains. Nous n’avons pas pu obtenir de réponses aux questions que nous avons posées au sujet de l’ingérence de la République populaire de Chine dans les affaires du Canada. Les documents gouvernementaux que nous avons demandés ne sont pas divulgués. Et, quand ils le sont, ils sont souvent tellement caviardés qu’ils n’ont pas beaucoup de sens. Les témoins du gouvernement ne répondent pas directement à nos questions.

Non seulement nous ne sommes pas en mesure de faire notre travail à cause de cela, mais le gouvernement court-circuite délibérément le Parlement par l’entremise des entités mêmes dont vous avez parlé dans votre rapport et dans votre témoignage, à savoir le CPSNR, l’OSSNR et même — sauf votre respect, monsieur — votre charge. Toutes ces entités sont nommées par le gouvernement. Ce sont des gens nommés par le premier ministre et qui le servent selon son bon plaisir.

Nous n’avons pas pu faire notre travail. C’est extrêmement frustrant. Au cours des quatre dernières années, les audiences sur l’ingérence étrangère nous ont pris beaucoup de temps et d’efforts. Quatre comités de la Chambre s’y sont intéressés, à savoir le Comité des affaires étrangères, le Sous-comité des droits internationaux de la personne, le Comité Canada-Chine et nous-mêmes, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. D’après mes calculs, ces quatre comités ont tenu, à eux seuls, 70 réunions au cours desquelles, dans le cadre de l’étude sur l’ingérence de la République populaire de Chine dans les affaires du Canada, 364 témoins ont été entendus pour un total de 152 heures de témoignages. L’ensemble a donné lieu à 1 902 pages de témoignages et à cinq rapports comprenant 31 recommandations précises sur l’ingérence étrangère.

Malgré tout ce travail, nous n’avons toujours pas obtenu de réponses aux questions que nous avons posées au gouvernement et, sauf votre respect, vous ne les obtiendrez pas non plus. Dans votre premier rapport, vous avez indiqué que vos prochaines audiences ne porteraient pas sur qui savait quoi et quand. Il ne s’agira pas d’examiner les dossiers du gouvernement, ni de discuter avec le personnel gouvernemental.

Si le Parlement n’a pas été en mesure d’obtenir de réponses depuis quatre ans, si vous n’allez pas chercher de réponses au cours de vos prochaines audiences et si nous n’avons pas une enquête publique avec tous les pouvoirs d’assignation qui permettraient de convoquer des témoins et de recueillir des preuves, comment diable pourrons-nous obtenir les réponses dont nous avons besoin pour remplir notre fonction constitutionnelle et demander des comptes au gouvernement?

Le très hon. David Johnston:

Je dois dire que mon avocate et moi avons passé une heure et demie ou deux heures très instructives avec M. Chong à examiner certains de ces enjeux. Nous avons énormément bénéficié du travail qu’il a lui-même fait dans ce dossier et dans d’autres.

Tout d’abord, le CPSNR et l’OSSNR — avec l’aide des chefs des trois grands partis, je l’espère — auront l’occasion d’examiner notre rapport et nos conclusions et de déterminer s’il y a erreur de notre part à ne pas évaluer la responsabilité là où elle se trouve.

Pour ce qui est de l’incapacité du Parlement à faire bouger le gouvernement, nous allons examiner très attentivement le fonctionnement des organes de surveillance. Nous nous intéresserons notamment à l’OSSNR, qui existe depuis 2019, et au CPSNR, qui existe depuis 2017.

Nous entendrons des experts du renseignement étranger et nous bénéficierons des conseils que vous nous donnerez, monsieur Chong, et qui nous seront très utiles, notamment sur ce qui a été fait, selon vous, depuis quatre ans. Ces deux comités auront un rôle beaucoup plus important et beaucoup plus solide pour assurer une surveillance suffisante et veiller à ce que les activités de surveillance de l’ingérence étrangère soient beaucoup plus efficaces qu’elles ne le sont aujourd’hui.

(1125)

L’hon. Michael Chong:

Merci de cette réponse, monsieur Johnston.

J’aimerais également vous poser une question sur la façon dont vous pourriez rétablir la confiance de la population dans nos institutions. Il y a huit mois, lorsque le scandale de l’ingérence étrangère a éclaté au grand jour, des gens raisonnables auraient pu faire valoir que la confiance de la population pourrait être rétablie sans une enquête publique indépendante. Cette porte s’est refermée il y a bien longtemps.

Trois fois au cours des trois derniers mois, la Chambre des communes a voté en faveur d’une enquête publique indépendante. Dans les sondages, les Canadiens veulent majoritairement une enquête publique. Mais vous avez fait une recommandation contraire. Ne voyez-vous pas que cette recommandation contraire mine la confiance dans nos institutions démocratiques?

Le très hon. David Johnston:

Merci encore de cette question, monsieur Chong.

Ce que nous avons recommandé — et ce que nous avons l’intention de faire au cours des cinq prochains mois — c’est de tenir des audiences publiques sur la question très importante de savoir si nos moyens de lutte sont suffisants et, dans le cas contraire, comment améliorer très largement ces moyens. Nous avons l’intention de nous concentrer là‑dessus, car c’est très important pour le Parlement, pour nos organismes et pour la population en général, afin de nous assurer de faire un bien meilleur travail qu’à l’heure actuelle.

La présidente:

Merci.

Allez‑y, monsieur Fergus.

L’hon. Greg Fergus (Hull—Aylmer, Lib.):

Merci de votre présence aujourd’hui, monsieur Johnston. Je vous remercie de votre rapport comme rapporteur spécial indépendant, ainsi que de votre carrière au service de notre pays dans de nombreuses fonctions.

Monsieur Johnston, vous signalez dans votre rapport une série de problèmes structurels dans la façon dont l’information est communiquée par nos organes de sécurité. Pourriez-vous préciser? Quelle pourrait être une première perspective des solutions possibles?

Le très hon. David Johnston:

Dans les dernières pages du rapport, nous parlons des questions à examiner à l’étape publique des travaux. Ce sont notamment les suivantes:

Le rôle et la structure du CPSNR, et la possibilité de renforcer le Comité.

Les modifications à la Loi sur le SCRS qui pourraient faciliter la lutte contre l’ingérence étrangère.

Les problèmes liés à l’appareil gouvernemental, notamment:

Les processus de transmission des renseignements aux hauts dirigeants, ce qui comprend une meilleure reddition de comptes afin que les bonnes personnes consultent les bons renseignements, y compris aux échelons supérieurs de la fonction publique et de la politique.

Les protocoles de suivi, afin qu’il soit possible de retracer quelles personnes ont vu quels renseignements et à quel moment.

Une hiérarchisation plus claire des responsabilités en ce qui concerne des recommandations sur la façon de réagir aux renseignements.

Un processus mené par le gouvernement (et non par un organisme) pour la déclassification des renseignements afin d’améliorer la transparence.

Nous parlons également de la nécessité de créer un comité du Cabinet chargé de la sécurité nationale, qui permettrait d’inscrire l’ingérence étrangère dans un contexte où elle devrait être traitée au plus haut niveau et avec un sentiment d’urgence et d’importance.

L’hon. Greg Fergus:

J’ai bien compris cela. Ce que j’aimerais avoir, c’est plutôt un aperçu préliminaire de ce que nous devrions faire, à votre avis, pour régler le problème d’échange d’information qu’il semble y avoir, d’après ce que vous dites dans votre rapport.

Dans son témoignage devant le Comité, la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement auprès du premier ministre, Jody Thomas, a également dit avoir constaté des lacunes. Nous savons qu’elle a mis en place un processus pour les corriger. Est‑ce également ce que vous comprenez, et quelle pourrait être l’utilité de ce processus, selon vous?

Le très hon. David Johnston:

D’après ce que je comprends, madame la présidente, ce processus a été lancé par la conseillère à la sécurité nationale et au renseignement. C’est une initiative très bien accueillie.

Je pense qu’il est possible d’entreprendre des réformes importantes, en nous inspirant de l’expérience de certains de nos alliés, comme le Groupe des cinq, pour régler ces problèmes.

Nous devons continuer à encourager nos agences de renseignement à proposer ces changements de manière proactive et nous assurer que le Parlement et les comités comme le vôtre comprennent qu’il est possible de faire mieux et qu’ils ne ménageront aucun effort pour s’assurer que nous serons plus efficaces, et ce, le plus rapidement possible.

L’hon. Greg Fergus:

Du côté parlementaire, nous avons le Comité parlementaire sur la sécurité nationale et le renseignement. Vous en parlez dans votre rapport. Selon vous, cette tribune se prête-t-elle à l’examen parlementaire de documents, tout en nous permettant de maintenir leur niveau de classification? Et surtout, le CPSNR bénéficie-t‑il d’un accès suffisant aux documents, par rapport à nos partenaires du Groupe des cinq?

(1130)

Le très hon. David Johnston:

Vous soulevez un point intéressant. L’une des questions que nous devons aborder au cours des quatre ou cinq prochains mois, c’est justement celle de savoir si le CPSNR a été correctement constitué en tant que comité exécutif plutôt qu’en tant que comité du Parlement. Ce comité joue un rôle fondamental, au même titre que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Ce comité existe depuis maintenant six ans. Il a fait des recommandations. Je pense que nous pouvons faire beaucoup plus pour améliorer notre système. Le CPSNR, l’OSSNR et ce comité de surveillance ont des rôles fondamentaux à jouer.

L’hon. Greg Fergus:

Êtes-vous en mesure de recommander à notre comité des moyens à prendre ou des questions à examiner pour rendre le CPSNR et l’OSSNR plus fonctionnels?

Le très hon. David Johnston:

Dans le cadre de notre préparation à ces audiences publiques, nous essaierons de dresser la liste des points à examiner et nous solliciterons ensuite l’avis d’experts de l’extérieur et de l’intérieur du gouvernement à ce sujet.

L’hon. Greg Fergus:

Excellent.

Très rapidement, monsieur Johnston, vous avez formulé des recommandations quant aux changements qui devraient être apportés à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. D’autres témoins nous ont dit la même chose. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur les changements que vous souhaitez?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, ma première observation, c’est que depuis son adoption en 2003, je crois, cette loi n’a jamais été modifiée en profondeur. Il est temps d’en faire un examen exhaustif.

D’ailleurs, le directeur du SCRS a réclamé cet examen à plusieurs reprises et a fait des recommandations en ce sens. C’est donc un autre dossier qui requiert une attention dans les plus brefs délais. Le...

La présidente:

Je vais vous demander d’attendre un peu avant de poursuivre, parce que nous avons eu un agréable répit et que cet échange est fort intéressant.

La sonnerie se fait entendre. Nous avons un autre vote. J’invite les membres du Comité à faire une pause de 10 minutes. À notre retour, nous reprendrons nos tours de questions de six minutes. Nous aurons probablement le temps de faire deux tours avant de pouvoir voter.

Êtes-vous tous d’accord pour voter au moyen de l’application, comme nous l’avons fait pour le premier vote? Je vais faire une pause pour m’assurer que tous les votes ont été enregistrés et nous poursuivrons ensuite afin de profiter au maximum de notre réunion. Excellent.

Nous serons de retour dans 10 minutes. Merci beaucoup.

(1130)

(1140)

La présidente:

Nous reprenons nos travaux.

Nous allons faire des tours de six minutes. Je garde un oeil sur le chronomètre. Je crois que nous pouvons faire deux, voire trois tours de six minutes, si le temps le permet.

Nous commençons par M. Cooper.

[Français]

Il sera suivi de Mme Romanado, puis de M. Therrien, si nous en avons le temps. Nous voterons très rapidement et nous poursuivrons la réunion, comme nous l’avons fait lors du premier vote.

Monsieur Cooper, vous avez la parole.

[Traduction]

Michael Cooper (St. Albert—Edmonton, PCC):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci à vous également, monsieur Johnston.

Monsieur Johnston, lorsqu’on vous a demandé tout à l’heure de concilier ce qui a été dit durant la rencontre d’information entre Erin O’Toole et le SCRS, au cours de laquelle il a été informé que lui-même et le Parti conservateur étaient ciblés par Pékin et que, entre autres choses, le régime de Pékin et des acteurs du régime, notamment le ministère du Front commun, avait amplifié et diffusé de la désinformation, et votre conclusion selon laquelle il vous a été impossible de relier cette désinformation à une source parrainée par l’État. Vous avez répondu que vous êtes arrivés à cette conclusion en vous appuyant sur les éléments de preuve dont vous disposiez à ce moment‑là.

Voulez-vous dire qu’au moment de rédiger votre rapport, vous n’aviez pas en votre possession l’ensemble des preuves et des renseignements pertinents?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, lorsque nous avons rédigé notre rapport, nous disposions de renseignements provenant du SCRS et d’autres sources, et ce sont ces renseignements qui sont le fondement de notre conclusion.

Michael Cooper:

Vous aviez des renseignements, mais vous avez dit que vous en êtes arrivés à cette conclusion en fonction des renseignements dont vous disposiez à l’époque. Vous avez aussi dit qu’avec ce que vous aviez appris depuis, vous auriez pu aller beaucoup plus loin. C’est à peu près ce que vous avez répondu quand on vous a demandé comment vous pouviez concilier ce que vous avez dit avec ce que M. O’Toole a dit après sa rencontre avec le SCRS.

Je vous demande encore une fois d’expliquer cela?

(1145)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, notre rapport s’appuie sur les renseignements que nous avions à notre disposition. Je ne connais pas la teneur de la discussion entre le directeur du SCRS et M. O’Toole. Mais en ce qui concerne...

Michael Cooper:

Qui a choisi les renseignements du SCRS sur lesquels vous vous êtes appuyés dans votre rapport?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous détenions des renseignements importants provenant du SCRS et, bien sûr, d’autres entités, notamment de la conseillère à la sécurité nationale, ainsi que de témoignages directs des dirigeants des différents organismes.

Michael Cooper:

Je dirais qu’il y a trois façons possibles de concilier ce que M. O’Toole a dit avec ce qu’il y a dans votre rapport: soit que vous avez omis des renseignements importants, soit que vous avez mal interprété ces renseignements, soit que le gouvernement vous a caché ces renseignements.

Pour être plus précis, j’ajoute qu’à la page 28 de votre rapport, au sujet de l’article paru le 8 septembre dans le Global Times qui contenait de la désinformation — le Global Times étant une entité contrôlée par Pékin —, vous dites à cet égard que « cette circulation n’a pas pu être attribuée à un acteur étatique. »

Comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous sommes arrivés à cette conclusion en nous appuyant sur les renseignements dont nous disposions à ce moment‑là...

Michael Cooper:

D’accord. Je vous remercie de cette réponse, parce que les renseignements dont vous disposiez à ce moment‑là comprenaient certainement un rapport du mécanisme de réponse rapide du 18 octobre 2021 qui disait que les médias exploités par le Parti communiste chinois sur la plateforme Douyin — la version chinoise de TikTok — ont publié des vidéos qui reprennent un titre du Global Times, publié le 8 septembre, laissant entendre que la plateforme du PCC amènerait la Chine à rompre ses relations avec le Canada. C’est ce qui a été publié dans un média exploité par le Parti communiste, notamment un média de Douyin qui comptait 26 millions d’abonnés.

Vous aviez cette information. Dans ce cas, pourquoi avez-vous affirmé que vous n’aviez aucune preuve que le régime de Pékin avait joué un rôle dans la circulation de ces faux renseignements?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la réponse à cette question, c’est que nous sommes arrivés à la conclusion que nous ne pouvions pas trouver de lien direct avec un acteur étatique. Il ne faisait aucun doute qu’il y avait des activités, mais nous en sommes arrivés à la conclusion qu’elles ne pouvaient être directement attribuées à un acteur étatique.

Michael Cooper:

Le Mécanisme de réponse rapide l’attribuait à un acteur étatique. Il s’agissait d’un média exploité par le Parti communiste. En quoi un « acteur étatique » ne peut‑il pas être un média du Parti communiste?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, si je comprends bien la référence, notre rapport mentionne qu’un article du Hill Times a circulé sur WeChat.

Est‑ce ce à quoi il fait allusion?

Michael Cooper:

Non, je parle du rapport du mécanisme de réponse rapide du 18 octobre 2021, l’un des rares documents qui ont été produits à l’intention de notre comité. Vous l’avez certainement lu.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, à cet égard, l’information que nous avions ne nous a pas permis de conclure qu’il y avait une source parrainée par l’État. Il existe peut-être d’autres informations qui permettraient de clarifier cela, mais ce n’était pas clair pour nous à l’époque.

Michael Cooper:

Eh bien, il y avait des médias exploités par le Parti communiste, dont l’un comptait 26 millions d’abonnés, mais vous avez déclaré sans équivoque que rien n’indiquait que le régime de Pékin faisait circuler et amplifiait de l’information.

À la page 29 de votre rapport, vous dites, au sujet de la mésinformation dont a fait l’objet l’ex‑député Kenny Chiu, qu’il était impossible de la relier à une source parrainée par l’État. Monsieur Johnston, n’étiez-vous pas au courant de cela? Le 10 septembre, un compte associé à HuayiNet, qui est lié au ministère du Front commun, a diffusé de la désinformation provenant d’un autre article du Global Times, qui ciblait cette fois Kenny Chiu. Dans votre rapport, pourtant, vous affirmez catégoriquement que vous n’étiez pas au courant.

Comment est‑ce possible?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, permettez-moi de citer ce que nous avons écrit à ce sujet à la page 29 de notre rapport:

Les députés canadiens d’origine chinoise, y compris M. Chiu, ont présenté et continuent de présenter un intérêt particulier pour la RPC. Il y avait de la mésinformation en ligne à propos du projet de loi sur les agents étrangers de M. Chiu, qu’il a corrigé dans les médias pendant la campagne. Cependant, la mésinformation n’a pas pu être retracée à une source soutenue par un État. Le gouvernement ne régule pas la consommation de médias sociaux pendant les élections ni à aucun autre moment. Toutefois, il s’est adressé aux plateformes de médias sociaux pour attaquer la mésinformation et la menace qu’elle représente pour la sécurité des élections. Cela ne comprend pas WeChat, qui est basé dans la RPC.

(1150)

La présidente:

Je vous remercie.

Madame Romanado, allez‑y.

Mme Sherry Romanado (Longueuil—Charles-LeMoyne, Lib.):

Merci beaucoup, madame la présidente.

Par votre intermédiaire, je tiens à remercier M. Johnston de sa présence aujourd’hui.

Tout d’abord, monsieur Johnston, je tiens à vous présenter des excuses, à vous et à votre équipe, pour les attaques personnelles dont vous avez fait l’objet, concernant votre intégrité, votre équipe et le travail que vous accomplissez. Je tiens à vous remercier de votre travail sur cette question très grave.

Monsieur Johnston, j’ai lu votre rapport à plusieurs reprises. Je dois dire que j’en arrive à la conclusion que vous avez fait un très bon travail. Il est très clair pour moi que vous avez eu accès à l’information dont vous aviez besoin pour vérifier certaines des déclarations et réfuter une partie de la mésinformation qui a été diffusée. Les renvois aux renseignements qui vous ont amenés à tirer ces conclusions font partie de l’annexe confidentielle intégrée au rapport, dont seules les personnes détenant la cote de sécurité de niveau très secret peuvent prendre connaissance, évidemment.

J’ai deux observations à faire. On entend dire que vous n’avez peut-être pas eu accès à des renseignements supplémentaires. Vous avez dit tout à l’heure que le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, a été invité à quatre reprises à fournir des renseignements supplémentaires aux fins de votre examen sur cette question. Il ne vous a fourni aucune information et vous a simplement fait parvenir des copies de reportages médiatiques. Nous croyons savoir que le rapport Cumming, publié dans la foulée des dernières élections, ne vous a pas été fourni.

Y a‑t‑il autre chose? La collecte de renseignements est un processus constant. Il ne s’agit pas de quelque chose de statique, comme une pièce de casse-tête qui, une fois à sa place, ne bouge plus. Avez-vous besoin de plus de renseignements pour poursuivre et achever le travail que vous avez commencé?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’ai deux observations à faire.

La première, c’est que nous avons dû traiter des tonnes d’informations en huit semaines à peine. C’est comme peindre un tableau en une série de coups de pinceau. Vous devez donner un trait de pinceau à la fois pour faire émerger l’image. C’est le seul moyen de faire une synthèse.

Ai‑je la certitude que nous avons vu tous les renseignements que nous aurions voulu ou peut-être dû avoir? Compte tenu de cette mer d’informations, la réponse est non. Je ne sais pas comment nous aurions pu en absorber davantage d’informations que celles que nous avons traitées en l’espace de huit semaines.

Que reste-t‑il à faire? Comme nous l’avons dit, c’est tout l’appareil qui doit faire l’objet d’une révision approfondie. Cela nous donnera une bien meilleure idée du moment où, dans ce nouveau contexte, un renseignement devient une menace et doit être communiqué. Nous ne traitons tout simplement pas l’information aussi efficacement que nous devrions le faire.

Mme Sherry Romanado:

Monsieur Johnston, un témoin que nous avons entendu précédemment a dit que les services de renseignement ne comprennent pas vraiment la politique ni les partis politiques, et que les partis politiques et les politiciens ne comprennent pas vraiment ce qu’est la collecte de renseignements et ainsi de suite. Nous devons donc améliorer la communication dans les deux sens entre tous ces intervenants concernant l’ingérence étrangère.

J’aimerais aussi savoir autre chose. Étant donné que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penche sur le sujet, de même que le CPSNR, l’OSSNR, vous-même et d’autres comités, est‑ce que vous recommanderiez que les membres de ce comité reçoivent la cote de sécurité de niveau très secret dont ils ont besoin pour avoir accès aux mêmes renseignements que vous, notamment à l’annexe sur laquelle vous vous êtes manifestement appuyé pour en arriver à vos conclusions? Est‑ce une recommandation que vous feriez, ou pensez-vous que ce serait plutôt un chevauchement des efforts du CPSNR?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, pour répondre à la deuxième question, je pense que cela mérite un examen très minutieux, surtout si cela permet aux parlementaires de s’acquitter de leurs fonctions.

D’autres pays en ont fait l’expérience. Ils ont mis en place des comités d’examen comme le CPSNR, mais il est logique d’élargir le « cône du silence », pour ainsi dire, et de saisir l’occasion de permettre au Parlement de prendre des décisions en matière de renseignement. Il ne serait peut-être pas nécessaire, selon moi, de conférer cette cote de sécurité à tous les parlementaires, mais je pense que nous pourrions élargir considérablement le rôle des parlementaires, notamment en qui a trait à des enjeux qui les touchent, comme leur sécurité. Il est très clair pour moi que nous ferions un bien meilleur travail si nous cessions de garder l’information confidentielle, si nous cessions de la taire de peur d’affaiblir nos forces. Nous devons trouver des moyens de mettre les parlementaires au courant des renseignements confidentiels.

Pour répondre à votre première question, je dirais que vous avez raison. C’est dans la culture des agences de renseignement de garder l’information confidentielle, et ce, pour de très bonnes raisons. Elles ne veulent pas mettre en danger la vie de leurs sources. Elles sont convaincues qu’elles doivent partager l’information avec d’autres organismes de renseignement. Cependant, d’autres pays ont déployé avec succès des efforts dans le but de mieux gérer cette connexion entre les renseignements classifiés et déclassifiés.

(1155)

Mme Sherry Romanado:

Merci beaucoup.

J’ai deux derniers points à aborder.

Comme nous parlons de nos ressources en matière de renseignement, vous savez certainement, monsieur Johnston, que mes deux fils sont dans l’armée et que l’un d’eux est officier du renseignement. Je comprends donc très bien l’importance de la sécurité nationale ainsi que la différence entre communiquer une information classifiée en vertu du critère du « besoin de savoir » et mettre en danger nos ressources, ainsi que notre relation avec le Groupe des cinq.

Une chose que nous avons entendue, c’est que nombreux parlementaires ou membres de leur personnel ne savent pas reconnaître ce qu’est une ingérence étrangère. Êtes-vous d’accord pour dire qu’il est nécessaire de mieux les informer si nous voulons être un partenaire crédible dans la recherche d’une solution pour contrer l’ingérence étrangère?

Le très hon. David Johnston:

Tout d’abord, permettez-moi de rendre hommage à vos deux fils et de les féliciter pour leur service que j’ai en haute estime.

Deuxièmement, c’est tout un défi de traiter l’information sensible et d’en présenter une version acceptable et compréhensible; comme nous l’avons souligné, nous devons améliorer notre façon de relever ce genre de défis.

La présidente:

Je vous remercie.

La sonnerie vient de cesser. Nous allons accorder à M. Therrien ses six minutes et nous ferons ensuite une pause pour nous assurer que tout le monde a voté.

[Français]

Monsieur Therrien, la parole est à vous.

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

Johnston a beaucoup parlé d’audiences publiques. Quand je parlais d’une commission d’enquête publique, il me répondait souvent qu’il allait tenir des audiences publiques.

Monsieur Johnston, supposons que je sois victime de l’ingérence chinoise, par exemple par un poste de police quelconque. Pensez-vous que j’irais me présenter à une audience publique?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, il est évident que certaines personnes ne voudront pas comparaître en audience publique. Cela dit, nous encourageons toutes les personnes qui le souhaitent à nous faire parvenir un mémoire, à nous écrire ou à nous faire part de leurs expériences personnelles. Ce serait grandement apprécié et nous espérons pouvoir leur accorder l’attention voulue.

[Français]

Alain Therrien:

Je vous remercie de votre réponse rapide et précise.

Tenir des audiences publiques, c’est dire aux gens que, s’ils veulent venir parler d’ingérence, ils sont les bienvenus. Mme Cherie Wong a dit très récemment qu’elle n’irait pas à des audiences publiques. Elle est membre de l’Alliance Canada Hong Kong. Elle ne veut pas y aller parce qu’elle craint les représailles.

C’est la différence entre une audience publique et une commission d’enquête. La commission d’enquête va convoquer des gens et assurer le huis clos. Elle peut convoquer des gens et demander qu’on lui fournisse des documents. De cette façon, ces gens pourraient, en toute sécurité, aller discuter avec es membres de la commission, être interrogés et contre-interrogés. L’information ainsi recueillie nous donnerait une meilleure idée de la forme de l’ingérence chinoise chez nous.

Ne trouvez-vous pas, monsieur Johnston, que cette approche est séduisante?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, selon moi, il est tout à fait possible et approprié que, dans le cadre des audiences publiques, certaines séances aient lieu à huis clos. En fait, comme nous allons poursuivre notre examen des menaces à notre sécurité, je m’attends à ce que nous soyons obligés de le faire à huis clos, ne serait‑ce que pour entendre des fonctionnaires qui ont des renseignements confidentiels à nous communiquer.

Quant aux citoyens qui ne souhaitent pas comparaître en public, mais qui tiennent à nous faire part de faits susceptibles de faire l’objet d’un examen approfondi, je pense qu’il serait tout à fait approprié de les rencontrer à huis clos et de leur assurer toute la protection voulue.

(1200)

[Français]

Alain Therrien:

Vous êtes donc favorable à l’idée d’inviter des gens sans nécessairement leur mettre une pression légitime pour obtenir l’information désirée et pour que nous soyons mieux outillés pour faire face à l’ingérence étrangère. C’est ce que je comprends.

Le très hon. David Johnston:

Exactement.

Alain Therrien:

Est-ce simplement en invitant des gens que nous allons faire la lumière sur l’ingérence? C’est déjà confirmé. Des victimes membres de la diaspora ont déjà annoncé qu’elles n’iraient pas à ces audiences.

Est-ce là un manque d’information auquel vous serez confronté et qui vous empêchera de faire toute la lumière, conformément à votre mandat?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Personne ne devrait obliger des gens à venir témoigner en public ou à huis clos et à divulguer de l’information, s’ils ne le souhaitent pas. Ce sont des citoyens canadiens. Ils ont le droit de refuser de témoigner et ce droit sera pleinement respecté.

[Français]

Alain Therrien:

Dans une commission d’enquête, le huis clos est extrêmement important. Je reviens sur la commission Arar. Des gens ont été convoqués, mais ils n’ont pas reçu de menaces à leur intégrité physique ou autre. C’est la preuve qu’une commission d’enquête protège les gens qui sont victimes de ce genre de pression et permet de recueillir l’information la plus complète, comparativement à ce qu’on pourrait obtenir dans des audiences publiques. C’est pour ces raisons que plusieurs experts qui étaient contre une commission d’enquête publique avant le rapport de M. Johnston se sont ravisés après l’avoir lu.

Je reviens maintenant à la conseillère en chef, Mme Sheila Block. Je ne ferai pas un long discours là-dessus. Elle a donné 7 500 $ au Parti libéral et a participé à une activité de financement en 2021, où était aussi le premier ministre.

Le fait de l’avoir choisie comme conseillère en chef vous permet-il d’avoir la confiance des gens qui attendent des solutions à l’ingérence chinoise? Est-ce là un bon geste qui amènera les gens à faire confiance à ce rapporteur spécial?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, Mme Block est reconnue pour sa sagesse, son impartialité et sa grande intégrité par tous les membres du Barreau du pays qui l’ont côtoyée. Je pense que nous avons eu une chance inouïe de pouvoir compter sur ses compétences, son intégrité et sa détermination à améliorer notre façon de traiter l’ingérence étrangère.

J’ai pleinement confiance en elle, et ce sentiment est largement partagé au pays; elle compte parmi les plus éminents conseillers que nous ayons au Canada.

[Français]

Alain Therrien:

Merci.

Les conservateurs ont beaucoup insisté pour savoir s’il était un ami du gouvernement, du premier ministre, et ainsi de suite. Moi, je n’ai pas vraiment posé cette question, pour une raison simple: dans son rapport, il blâme les médias, le SCRS et la fonction publique, mais il ne blâme pas le gouvernement et les ministres. Je trouve que ce rapport est une preuve que, finalement, c’est l’ami du premier ministre.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous ne blâmons ni les médias ni les fonctionnaires dans notre rapport. Ce que nous demandons, c’est de poursuivre ces audiences publiques pour trouver des façons de réformer notre système afin qu’il serve l’intérêt de tous les Canadiens et qu’il fonctionne très bien.

La présidente:

Je vous remercie.

Je vais demander que nous fassions une interruption d’une minute tout au plus, je l’espère, le temps de vérifier que tout le monde a voté et que les votes ont tous été enregistrés.

Je suspends la séance quelques instants. Je vous prie de rester à vos places.

(1200)

(1205)

La présidente: Nous poursuivons la séance.

C’est maintenant au tour de Mme Kwan.

[Français]

Madame Kwan, vous avez la parole pour six minutes.

[Traduction]

Mme Jenny Kwan:

Monsieur Johnston, dans votre rapport, je lis ceci:

Des irrégularités ont été observées dans la nomination de M. Dong en 2019, et il y a des soupçons bien fondés que les irrégularités étaient liées au consulat de la RPC de Toronto, avec lequel M. Dong entretient des liens.

Avez-vous examiné ces irrégularités? Le cas échéant, de quoi s’agissait‑il?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’essaie d’utiliser les deux côtés de mon cerveau — le côté transparent et le côté confidentiel. Nous en parlons à la page 30:

Han Dong a conseillé le consulat de la RPC de prolonger la détention des « deux Michael » (Global News, 22 mars 2023)

Une transcription alléguée de cette conversation a suscité beaucoup d’intérêt de la part des médias. J’ai examiné le même rapport de renseignement qui a été fourni au premier ministre en lien avec cette allégation, et l’on m’assure qu’il s’agit des seuls renseignements qui portent sur cette question. Je peux déclarer ce qui suit.

L’allégation est fausse. M. Dong a discuté des « deux Michael » avec un représentant de la RPC, mais il n’a pas suggéré au représentant que la RPC prolonge leur détention. L’allégation qu’il a fait cette suggestion a eu un effet très néfaste sur M. Dong. Il a continué à entretenir des liens étroits avec des représentants consulaires de la RPC au moins pendant la campagne électorale de 2021.

Des ministres et le premier ministre ont tenu à défendre M. Dong, qu’ils estiment avoir été très blessé par les reportages. Ils n’ont pas cru les reportages lorsqu’ils ont été publiés...

La présidente:

Je vais vous interrompre.

Mme Kwan est l’invitée du Comité aujourd’hui et nous sommes ravis de l’accueillir. Si nous pouvions simplement porter attention les uns aux autres, vous constateriez alors... Je pense qu’elle essaie seulement de dialoguer avec vous. Nous apprécions ces citations de votre rapport, mais elle vous a déjà dit qu’elle l’avait lu. Elle veut donc simplement que vous lui répondiez de votre mieux...

Madame Kwan, vous avez la parole.

Mme Jenny Kwan:

Je vous remercie, madame la présidente.

J’ai lu le rapport à plusieurs reprises, je n’ai donc pas besoin que M. Johnston m’en cite des extraits. Je veux vraiment qu’il réponde à ma question, ce qu’il n’a pas fait.

Ma prochaine question est la suivante. A‑t‑il demandé au premier ministre s’il était au courant de ces irrégularités?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, est‑il possible d’être plus précis au sujet des irrégularités?

Mme Jenny Kwan:

Monsieur Johnston, ce sont les irrégularités dont vous parlez dans votre rapport. Je vous cite: « Des irrégularités ont été observées dans la nomination de M. Dong en 2019, et il y a des soupçons bien fondés que les irrégularités étaient liées au consulat de la RPC de Toronto, avec lequel M. Dong entretient des liens. »

Le très hon. David Johnston:

Les irrégularités concernaient les assemblées d’investiture et le transport par autobus de personnes et d’étudiants; il y avait aussi des questions pour savoir si M. Dong avait remplacé un autre candidat dans le processus de nomination. C’est ce genre d’irrégularités, je pense.

Mme Jenny Kwan:

Monsieur Johnston, je vous ai demandé si vous aviez demandé au premier ministre s’il était au courant des irrégularités.

Le très hon. David Johnston:

Nous avons demandé au premier ministre s’il était au courant de la nomination de M. Dong et des allégations selon lesquelles un candidat précédent avait été écarté. Il a répondu qu’il était au courant de cela et qu’il y avait des raisons pour expliquer le désistement de ce candidat et la nomination de M. Dong.

Mme Jenny Kwan:

Je suis désolée, mais je vous ai demandé si le premier ministre était au courant de ces irrégularités.

Le très hon. David Johnston:

Je pense que le premier ministre était au courant du processus de nomination et du transport de personnes par autobus et des choses du genre.

Mme Jenny Kwan:

D’accord.

Dans votre rapport, monsieur Johnston, vous en arrivez à la conclusion qu’il était raisonnable que le premier ministre ne prenne aucune mesure, même si vous affirmez qu’il y a eu des irrégularités et que les soupçons étaient fondés.

Je me demande bien comment vous pouvez concilier tout cela et en arriver à cette conclusion, alors que, malgré des soupçons bien fondés, aucune mesure n’a été prise. Le thème récurrent de votre rapport semble être que puisqu’aucune recommandation n’a été faite, aucune n’a été retenue et aucune n’a été ignorée. D’une façon ou d’une autre, c’est comme si vous disiez: « Je ne vois pas de mal, je ne connais pas de mal, il n’y a donc pas de mal », mais en réalité, il y a beaucoup plus que ça et le problème est plus profond que ce qui se passe.

Ma question est donc la suivante. M. Johnston peut‑il expliquer si le SCRS a examiné les processus de nomination?

(1210)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, il est très difficile de gérer les processus de nomination, parce qu’ils sont régis par les règles du parti. Il est donc très difficile de les réguler et de les surveiller, et je pense que l’on s’attend à ce que chaque parti se dote de règles appropriées.

Je pense que le SCRS savait que les activités de mise en candidature respectaient des règles qui ne sont pas parmi les plus attractives, mais à ce jour, je ne pense pas que le SCRS ait accordé beaucoup d’attention à cette question.

Mme Jenny Kwan:

Cela explique pourquoi le SCRS ne fait aucune recommandation au premier ministre à ce sujet, parce qu’il n’examine pas la question en profondeur, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème. Même dans votre propre rapport, monsieur Johnston, vous soulignez qu’il y avait des irrégularités et des soupçons bien fondés. Comment pouvez-vous en venir à la conclusion que le premier ministre n’a aucune mesure à prendre, que tout va bien? J’ai vraiment beaucoup de mal à comprendre cela.

J’aimerais poser la question suivante à M. Johnston: pouvez-vous dire au Comité ce que vous entendez par apparence de conflit d’intérêts? Qu’est‑ce que cela signifie pour vous?

Le très hon. David Johnston:

Il y a apparence de conflit d’intérêts lorsqu’une personne raisonnable en possession de tous les faits avérés conclut qu’une autre personne n’est pas en mesure de porter un jugement impartial sur une question particulière. Il y a deux éléments clés à considérer: premièrement, la personne est raisonnable et, deuxièmement, elle a en main tous les faits avérés.

Mme Jenny Kwan:

Avez-vous vérifié si Mme Block a fait un don au Parti libéral ou si elle a assisté à une activité de financement du Parti libéral avec le premier ministre avant de lui demander de se joindre à votre équipe pour faire cet important travail?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’ai travaillé avec Mme Block à une occasion auparavant et je lui fais entièrement confiance, ainsi qu’à ses collègues, pour porter de bons jugements sur les conflits d’intérêts. En ce qui concerne ses contributions au Parti libéral, elle en a fait à d’autres partis aussi et elle a servi le pays avec grande distinction.

Non, je ne crois pas que Mme Block soit en conflit d’intérêts.

La présidente:

Merci.

Nous allons maintenant passer à nos séries de questions habituelles. Il reste cinq minutes à M. Cooper, suivi de Mme Sahota.

Monsieur Cooper, allez‑y.

Michael Cooper:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnston, je vous renvoie à la page 31 de votre rapport, où vous écrivez que « le SCRS a transmis [...] une note de gestion d’enjeux », au ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, et à son chef de cabinet, en mai 2021. Cette note avertissait que Pékin avait le député Michael Chong dans sa mire.

Jeudi dernier, le ministre Blair a dit quelque chose de très différent de ce que vous écrivez dans votre rapport. Il a dit que le SCRS ne lui a pas transmis ce renseignement. Comment peut-on concilier ce que vous dites dans votre rapport et ce que le ministre Blair a dit devant le Comité jeudi dernier?

Le très hon. David Johnston:

Pourriez-vous me donner la référence de page? Vous avez dit page trente... quoi?

Michael Cooper:

J’espère que cela ne gruge pas mon temps, madame la présidente.

C’est la page 31.

Le très hon. David Johnston:

D’accord. Il est écrit que « le SCRS a transmis une note de gestion d’enjeux ». C’est bien la question?

Michael Cooper: Oui.

Le très hon. David Johnston: Il est écrit aussi: « Le SCRS a bien donné le breffage en question, mais nous comprenons, d’après ce que M. Chong a indiqué aux médias et au [Comité de la procédure et des affaires de la Chambre], que ce breffage ne comprenait pas de détail concernant sa famille. »

Michael Cooper:

Je suis sûr que vous êtes bien au courant. J’espère que vous êtes familier avec cette section de votre rapport. C’est une section entière.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’essaie de comprendre le contexte afin de pouvoir répondre correctement.

Il est clair pour nous qu’il y a eu rupture dans la communication des avertissements du SCRS à M. Blair, pour des raisons qui, à mon avis, doivent être corrigées, en précisant notamment qui reçoit l’information et avec quel type d’équipement, etc. Je pense que cela a été clairement indiqué.

Dans ce cas‑ci, le premier ministre est intervenu...

Michael Cooper: Vous...

Le très hon. David Johnston: ... pour mettre en place un bien meilleur protocole...

(1215)

Michael Cooper:

Je suis désolé, monsieur Johnston. Sauf votre respect...

La présidente: Je dois vous interrompre.

Michael Cooper: ... mon temps est limité...

La présidente:

Je dois vous interrompre.

Sur cette belle feuille que j’ai devant moi, il y a exactement le temps alloué à chacun et le temps auquel chacun a eu droit. Vous remarquerez que lorsque l’échange se déroule bien, qu’une seule personne parle à la fois et qu’on entend le signal sonore, je laisse la conversation se poursuivre.

Vous en êtes la preuve, monsieur Cooper. Au dernier tour, vous aviez six minutes, et je vous ai laissé aller pendant sept minutes et douze secondes. Savez-vous pourquoi? L’échange se déroulait bien et nous obtenions de bons renseignements.

Encore une fois, allons‑y à tour de rôle. Vous pouvez être assurés, comme tous les membres du Comité, que le temps qui vous est alloué vous sera accordé.

Monsieur Cooper, vous avez de nouveau la parole.

Michael Cooper:

Monsieur Johnston, à la page 31 de votre rapport, vous dites très précisément qu’une « note de gestion d’enjeux » a été envoyée au ministre en mai 2021 concernant Michael Chong, mais que « ni le ministre ni son chef de cabinet n’a reçu la note », parce qu’ils n’avaient pas accès aux courriels de ce que vous appelez la « messagerie du réseau Très secret ». Jeudi dernier, au Comité, le ministre Blair a dit que ce n’était pas une question d’accès. En fait, il a dit: « Premièrement, il n’y a pas de compte courriel [...] »

Blair n’a‑t‑il pas été franc dans son témoignage, ou est‑ce qu’il y un fait important ou des faits que vous auriez pu mal rapporter? J’ai du mal à concilier ce que M. Blair a dit, d’une part, et ce que vous dites, d’autre part.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la question portait sur ce que M. Blair a reçu. D’après ce que nous avons compris de son témoignage devant nous, il n’a pas reçu la note de service qui portait cet avertissement.

Michael Cooper:

Mais une note de service avait bien été envoyée à son attention.

Le très hon. David Johnston:

D’après ce que je comprends, son nom ou celui de son bureau y figurait, mais il ne l’a pas reçue.

Michael Cooper:

Cela a été envoyé par courriel, par un réseau de messagerie très secret. C’est ce que dit votre rapport.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, il m’apparaît très clairement qu’il n’a pas reçu le message, par courriel ou quoi que ce soit. C’est le témoignage qu’il nous a livré. Pour nous, cela semblait être une faille très importante dans la façon de cristalliser l’information et de l’acheminer aux destinataires qui sont habilités à la traiter.

Michael Cooper:

Il est impossible de comprendre comment M. Blair a pu dire qu’il n’y avait pas un tel compte courriel, mais vous, vous dites qu’il y en a un.

Passons maintenant au député de Don Valley-Nord. À la page 27 de votre rapport, vous dites que vous n’avez « pas trouvé de preuve selon laquelle M. Dong était au courant des irrégularités ou de l’implication possible du consulat de la RPC dans sa nomination ». Avez-vous trouvé des preuves ou des renseignements indiquant que M. Dong n’était pas au courant de l’implication du consulat de Pékin dans les irrégularités qui ont marqué sa campagne d’investiture, lors de l’assemblée de mise en candidature?

Le très hon. David Johnston:

Encore une fois, j’essaie de distinguer entre ce qui est de l’information ouverte et ce qui est de l’information classifiée.

En ce qui concerne l’assemblée de mise en candidature, il y a eu manifestement des pratiques curieuses, inhabituelles. Nous ne sommes pas arrivés à la conclusion d’une implication directe de la République populaire de Chine. Il est vrai qu’il y a eu discussion entre M. Dong et le consulat de Toronto, mais sans plus, à ma connaissance.

Michael Cooper:

Eh bien, je vous ai posé une question précise, à savoir si vous aviez des renseignements qu’il ignorait.

Je vous le demande très simplement: pourquoi n’avez-vous pas pris la peine d’interviewer M. Dong?

Le très hon. David Johnston:

Nous avons interviewé les gens qui avaient de l’information sur ce sujet précis. À l’époque, je pense, M. Dong intentait sa propre poursuite. Nous avons pensé qu’il devait aller de l’avant.

La présidente:

Merci.

Madame Sahota, c’est à vous.

(1220)

Mme Ruby Sahota (Brampton-Nord, Lib.):

Merci, madame la présidente.

En répondant à une question posée précédemment, à la fin, monsieur Johnston, vous avez dit avoir travaillé avec Mme Block auparavant. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce travail antérieur?

Le très hon. David Johnston:

Vers 2007‑2008, le premier ministre Harper m’a invité à examiner les allégations d’accointance entre M. Karlheinz Schreiber et l’ancien premier ministre Mulroney, qui avait démissionné, et à fixer les paramètres d’une enquête sur cette affaire. Mme Block a communiqué avec nous pour offrir ses services d’avocate principale. Avec son équipe du cabinet d’avocats Torys, elle s’est montrée extrêmement utile et compétente.

Mme Ruby Sahota:

Je suppose qu’elle a fait du bon travail à cette occasion, puisque vous avez décidé de retenir de nouveau ses services cette fois‑ci.

Le très hon. David Johnston:

Lorsque je lui ai demandé de m’aider à cet égard, on m’a dit qu’elle était l’avocate tout indiquée au pays pour faire ce genre de travail, et cela s’est avéré.

Mme Ruby Sahota:

Merci.

Au cours de vos travaux, monsieur Johnston, on vous a remis des milliers de documents. Vous avez dit que vous ne disposiez que de quelques semaines et qu’on vous avait fourni amplement de preuves, y compris des renseignements. Vous avez interviewé des fonctionnaires, des ministres, le premier ministre et des gens de la sécurité et du renseignement. Vous avez ensuite examiné des allégations non vérifiées qui ont circulé dans les médias ou qui ont été lancées par des politiciens. Enfin, vous avez examiné le fond de l’affaire, le matériel qui vous a été fourni, pour tirer des conclusions.

J’aimerais passer en revue certaines de ces conclusions et vous demander de nous en dire un peu plus, d’expliquer pourquoi vous êtes arrivé à ces conclusions.

Au sujet de l’allégation selon laquelle la République populaire de Chine aurait versé 250 000 $ à 11 candidats politiques lors de l’élection de 2019 — c’est ce que disait le reportage de Global News du 7 novembre 2022 —, vous dites dans votre rapport:

Aucune recommandation n’a été formulée à un ministre ou au premier ministre concernant cette allégation et donc, aucune recommandation n’a été ignorée.

Pouvez-vous nous expliquer comment vous êtes arrivé à cette conclusion?

Le très hon. David Johnston:

C’est énoncé à la page 25. Nous terminons en disant:

La CSNR Thomas et la chef de cabinet du premier ministre ont toutes les deux témoigné devant le [Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre] et déclaré que rien ne prouvait que de l’argent avait été envoyé à des candidats fédéraux.

J’ai demandé au premier ministre et à d’autres ministres si des membres de leur personnel ou eux-mêmes savaient quelque chose à propos d’un transfert d’argent à des candidats fédéraux durant l’élection de 2019. Ils ont répondu qu’ils n’en avaient jamais entendu parler avant que cela ne sorte dans les médias. Le premier ministre a fait remarquer qu’on ne le mettait pas au courant des affaires qui ne sont pas étayées par des renseignements fiables. Aucune recommandation n’a été formulée à un ministre ou au premier ministre concernant cette allégation et donc, aucune recommandation n’a été ignorée.

Mme Ruby Sahota:

Ensuite, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles il y avait un réseau de 11 candidats et agents électoraux fédéraux, dont au moins quelques-uns étaient « des affiliés du parti communiste chinois » — c’est ce que rapportait Global News le 7 novembre 2022 —, vous dites dans votre rapport:

Je conclus qu’aucune preuve n’a été présentée aux ministres ou au premier ministre établissant que certains de ces 11 candidats ou qu’un groupe de candidats travaillaient ensemble dans le cadre d’un réseau. Aucune recommandation n’a été formulée à propos d’un réseau de candidats, car il n’y a aucune preuve de l’existence d’un tel réseau. Par conséquent, aucune recommandation n’a été ignorée.

Pouvez-vous nous dire comment vous en êtes venu à cette conclusion?

Le très hon. David Johnston:

Cela s’appuyait sur de l’information ouverte et de l’information classifiée, pour commencer. Voici ce qu’on lit un peu plus haut, page 25:

La RPC a utilisé des mandataires et a tenté d’influencer de nombreux candidats libéraux et conservateurs de différentes manières subtiles. Rien ne permet de conclure que les 11 candidats travaillaient ou travaillent de concert (c.‑à‑d. comme un « réseau ») ou qu’ils comprenaient les intentions des mandataires. Certains des candidats sont bien intégrés dans des organisations communautaires canado-chinoises. Il n’y a rien d’intrinsèquement douteux à ce propos, car il est courant pour des candidats politiques de se fonder sur le soutien de leur communauté.

Bref, d’après ce que nous avions en main, nous n’avons pas pu établir la preuve qu’un réseau intégré fonctionnait comme on le prétendait.

Mme Ruby Sahota:

Merci.

On en a parlé un peu lors de questions précédentes, mais je tiens à tirer au clair l’allégation selon laquelle Han Dong aurait conseillé au consulat de la RPC de prolonger la détention des deux Michael. Global News semblait très sûre de son coup à ce sujet. Vous avez découvert que c’était faux. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

(1225)

Le très hon. David Johnston:

Global News s’appuyait, je pense, sur une première ébauche d’une interprétation de ce qui avait transpiré d’une conversation entre un membre du consulat de la RPC et M. Dong. Cela a fait place ensuite à une autre entrevue, où l’interprétation initiale, selon laquelle M. Dong aurait proposé que les deux Michael restent détenus, était tout simplement erronée. C’était une fausse interprétation.

La présidente:

Merci.

Assurons-nous de fermer les micros pour éviter les retours de son à nos collègues.

Merci, madame Sahota.

[Français]

Monsieur Therrien, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnston, vous avez mentionné que vous aviez rencontré des témoins qui avaient des informations pertinentes pour que vous puissiez rédiger le rapport que vous avez déposé il y a deux semaines. J’ai quelques questions là-dessus.

D’abord, avez-vous rencontré le directeur général des élections actuel, M. Stéphane Perrault?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous n’avons pas rencontré le directeur, M. Perrault, parce que ni lui ni la commissaire aux élections fédérales n’avaient reçu de plaintes à propos de l’ingérence. Nous prévoyons le rencontrer, lui et ses collègues, puisque nous cherchons à améliorer nos systèmes et que nous sommes ouverts à toute suggestion qui pourrait aider la commissaire à travailler plus efficacement.

[Français]

Alain Therrien:

À moins que je ne me trompe, l’ingérence chinoise attaque d’une certaine façon le système électoral du Canada, et peut-être celui du Québec.

Vous ne trouviez pas pertinent de rencontrer le directeur général des élections actuel. Il me semble que, dès le départ, M. Perrault aurait dû être rencontré parce qu’il est au cœur de tout ce qui se passe au sein du processus électoral du Canada. Je suis un peu stupéfait d’entendre que vous ne l’avez pas rencontré, même si je comprends votre réponse.

Avez-vous rencontré la commissaire aux élections, Mme Caroline Simard?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, aucune plainte n’avait été déposée auprès de la commissaire aux élections fédérales, Mme Simard, et du directeur général des élections, de sorte que nous n’avions pas matière à faire un suivi des élections de 2019 et de 2021. Pour cette raison, nous ne les avons pas rencontrés, mais nous nous attendons à le faire pour nos travaux à venir.

[Français]

Alain Therrien:

Il n’y a pas eu de plainte, mais 11 candidats auraient été victimes d’une certaine forme d’ingérence au cours des élections. Vous le confirmez dans votre rapport. Ce sont des candidats à des élections. Comme il n’y a pas eu de plainte visant ces deux organisations, vous vous êtes dit que vous n’aviez pas à rencontrer la commissaire aux élections ou le directeur général des élections.

Est-ce exact?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous nous attendons à rencontrer ces deux fonctionnaires dans le cadre d’un examen ultérieur. Ce que je disais, c’est qu’à notre connaissance, aucune plainte ne leur avait été adressée qui aurait justifié de les rencontrer au sujet des élections de 2019 et de 2021.

[Français]

Alain Therrien:

Madame la présidente, je suis vraiment stupéfait de ce que j’entends. Je terminerai mon intervention ainsi.

La présidente:

Nous poursuivons avec M. Julian.

[Traduction]

Peter Julian (New Westminster—Burnaby, NPD):

Merci, madame la présidente.

J’aimerais remercier M. Johnston de sa présence ici aujourd’hui.

Je veux revenir à la question que Mme Kwan vous a posée au sujet de l’approbation de Sheila Block. Je ne sais trop si vous comptiez sur son sens de l’honneur pour qu’elle aborde elle-même les préoccupations au sujet de ses antécédents de donatrice, ou si vous étiez au courant de tous ces dons et qu’à vos yeux, cela ne posait aucun problème, étant donné l’importance du travail que vous alliez lui confier.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, en ce qui concerne Mme Block, j’ai communiqué avec elle parce qu’elle est une avocate éminente et hautement qualifiée. J’avais travaillé avec elle dans un autre dossier difficile...

Peter Julian:

Sauf votre respect, là n’est pas la question, monsieur Johnston. Il s’agit de savoir si vous étiez au courant de ses antécédents en matière de dons.

Le très hon. David Johnston:

La réponse, c’est que je n’étais pas au courant, et il ne me serait pas venu à l’idée de me renseigner à ce sujet, parce que sa réputation et son intégrité sont irréprochables et continuent de l’être, à mon avis.

Peter Julian:

Monsieur Johnston, nous avons entendu beaucoup de choses aujourd’hui. Des conservateurs citent des libéraux qui font l’éloge de vos décennies de service public. Des libéraux citent des conservateurs qui en font autant. Il ne fait aucun doute que vous avez une longue feuille de route dans le service public.

Il en a été question à la Chambre également, à savoir qu’une motion a été adoptée par une majorité de parlementaires dans un parlement minoritaire. Les parlementaires ont lu votre rapport et en ont tenu compte avant de voter.

Comme vous l’avez dit au début, vous avez un profond respect pour le Parlement, alors je suis perplexe. Comment pouvez-vous avoir un profond respect pour le Parlement si vous faites fi d’un vote qui vous demande clairement de vous retirer pour qu’on puisse tenir une enquête publique, comme le veulent évidemment la plupart des Canadiens?

(1230)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’ai un profond respect pour le Parlement et j’espère l’avoir bien prouvé au cours de ma vie et de mon mandat de gouverneur général.

La raison pour laquelle je maintiens ma position face à cette motion du Parlement, c’est que le vote reposait sur des allégations qui étaient fausses, à mon avis. J’aurais tort de simplement me retirer en disant: « Laissons libre cours à ces allégations. C’est un fait; c’est la vérité, ainsi soit‑il. » Ce ne serait pas la bonne chose à faire.

Peter Julian:

Monsieur Johnston, sauf votre respect, il ne vous appartient pas de déterminer comment les parlementaires votent ou pourquoi ils votent de cette façon. Comme vous l’avez dit, vous avez un profond respect pour le Parlement, alors vous devez tenir compte d’un vote parlementaire. Ayant moi-même voté dans ce sens, j’étais bien au courant de vos antécédents de service public, mais je n’approuvais tout simplement pas vos conclusions.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, le gouvernement m’a confié une tâche importante, celle d’examiner l’ingérence étrangère dans nos élections. J’ai entrepris cette tâche et j’ai l’intention de la poursuivre jusqu’à ce que mes services ne soient plus utiles ou nécessaires.

C’est la raison pour laquelle, avec tout le respect que j’ai pour le Parlement...

La présidente:

Merci.

Nous entendrons maintenant Mme Dancho, qui sera suivie de M. Turnbull.

Mme Raquel Dancho (Kildonan—St. Paul, PCC):

Merci, madame la présidente.

Merci d’être ici, monsieur Johnston. Nous vous sommes reconnaissants de participer à cet important processus démocratique qui vise à obliger le gouvernement libéral à rendre des comptes, comme c’est le devoir de l’opposition officielle de Sa Majesté. Je vous remercie donc encore une fois d’être ici aujourd’hui.

J’aurais une brève question au sujet de votre rapport. Vous savez sans doute que Pékin a établi de nombreux postes de police en différents endroits au Canada dans le but d’intimider les Canadiens d’origine chinoise et les étudiants venus de Chine, de museler leur droit démocratique de débattre et de critiquer librement des gouvernements étrangers.

Cependant, j’ai été déçue de constater que vous n’en parliez pas dans votre rapport. Pouvez-vous expliquer pourquoi?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, ces postes de police se livrent à des activités abjectes en de nombreux endroits au Canada et dans d’autres pays. Ils font l’objet d’une enquête de la GRC, ce qui est plutôt inhabituel comme situation. En raison des activités d’enquête et de surveillance en cours, nous avons jugé qu’il valait mieux laisser mener cette enquête à terme.

Mme Raquel Dancho:

Merci de votre réponse.

J’estime toutefois que c’est justifié, et cela s’inscrit certainement dans la sphère de l’ingérence étrangère dont on a tant parlé. Je vois que vous hochez la tête pour signifier votre accord.

J’ai l’impression que le mutisme sur cette question alimente en quelque sorte une perception de parti pris, une chose qu’on reproche à ce rapport et au fait que vous l’avez dirigé, d’autant que le gouvernement libéral s’est traîné les pieds pour présenter une loi sur le registre des agents étrangers. Ce serait pourtant l’outil essentiel pour tenir responsables ceux qui exploitent ces postes de police illégaux de Pékin, qui constituent une violation flagrante de notre souveraineté. C’est une gifle à tous les Canadiens. Nous avons besoin de cette loi pour obliger les responsables à rendre des comptes, or le gouvernement libéral se traîne les pieds depuis des années. J’estime, monsieur, que cette critique aurait été justifiée dans un rapport qui en exprime très peu, voire aucune, à l’endroit du gouvernement libéral actuel.

Je trouve préoccupant aussi que vous ayez omis de dire que la Fondation Trudeau, d’après le rapport du SCRS qui a fait l’objet d’une fuite, avait reçu 140 000 $ par divers canaux de la part du Parti communiste chinois. Dans ce rapport, le SCRS dit avoir découvert, grâce à une écoute électronique, que cet argent avait été versé expressément dans le but d’influencer Justin Trudeau, qui allait devenir premier ministre. Cette omission a elle aussi de quoi nourrir une perception de parti pris, monsieur. Que ce soit justifié ou non, c’est certainement une perception valable que beaucoup de gens ont signalée, en dehors du Parti conservateur.

Je comprends que vous ne voyiez pas de conflit d’intérêts avec Justin Trudeau ou avec la famille Trudeau. Je dois reconnaître qu’il n’est pas courant, au Canada, que des gens soient amis avec des fils de premier ministre, qu’ils partagent des repas et qu’ils fassent du ski avec eux.

Je suis diplômée de McGill, monsieur, et je sais que vous êtes passé par là aussi. Vous avez dit à plusieurs reprises être tombé par hasard sur Justin Trudeau à McGill et l’avoir vu là‑bas. Je peux dire pour ma part que, lorsque j’étais à McGill, je ne savais pas qui était le président, et encore moins que je suis tombée sur lui à maintes reprises.

J’ai l’impression qu’à cause de votre longue carrière et des services que vous avez rendus au Canada, vous avez des liens évidents avec un cercle très restreint de ce que certains appellent les « proches du Parti libéral », ce dont vous ne vous rendez peut-être pas compte. Votre nomination a clairement donné l’impression que vous aviez un parti pris. À tort ou à raison, ceux qui ont cette perception ont une bonne raison de l’avoir.

En fin de compte, monsieur, bien que le rapport soit exhaustif, il minimise bon nombre des préoccupations et des fuites dont nous ont fait part des journalistes réputés dans le Globe and Mail. Il en réfute quelques-unes. Il dit que d’autres sont fausses et que les conclusions sont fausses. Vous êtes très critique, et je comprends que vous ne voyiez pas les choses de cette façon, mais ce rapport, monsieur, est très critique à l’égard des médias et de leur traitement de ces fuites pour informer le public.

Il critique aussi vivement le Parti conservateur pour avoir tenu le gouvernement responsable lorsqu’il a été mis au courant de ces fuites. Encore une fois, il épargne beaucoup le Parti libéral, qui s’est pourtant bien gardé d’imputer à qui que ce soit la responsabilité des postes de police chinois, de l’intimidation des députés Chong, O’Toole, Kwan et Chiu, sans parler du ciblage du Parti conservateur du Canada. En fait, le seul diplomate expulsé n’aurait pas été expulsé si ces fuites n’avaient pas eu lieu. Pourtant, il n’y a rien dans ce rapport qui critique l’inaction et l’échec à tenir quiconque responsable de ces agissements.

Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, j’estime que l’apparence de parti pris est justifiée, tant dans le rapport qu’en raison de vos antécédents avec la famille Trudeau.

Je vais conclure, madame la présidente.

Je vous exhorte à respecter la volonté du Parlement, monsieur Johnston, qui a tenu trois votes pour exiger une enquête publique. Respectez la volonté du Parlement et présentez honorablement votre démission.

Merci, monsieur Johnston.

(1235)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, tout d’abord, pour ce qui est de ne pas critiquer le gouvernement, le rapport donne beaucoup de détails sur le fait que notre système de lutte contre l’ingérence étrangère ne fonctionne pas. Il souligne un certain nombre de défauts. J’ai bien accueilli les initiatives qui ont été prises, comme la création d’un registre d’agents étrangers, qui permettrait de rendre cela public. C’est une question qu’il faut étudier, parce qu’il y a des avantages et des inconvénients, mais je pense que des mesures sont prises à cet égard. C’est très encourageant.

En ce qui concerne l’amitié, les connaissances, etc., vous avez laissé entendre que, d’une certaine façon, mon groupe d’amis se compose de hauts dirigeants du Parti libéral. J’ai eu la chance, dans ma vie, de présider deux universités importantes au Canada. J’ai participé à deux ou trois douzaines d’enquêtes, des conseils consultatifs, etc. Quand on fait ce genre de travail, on a l’occasion de rencontrer de hauts fonctionnaires, qu’ils soient conservateurs ou de n’importe quel autre parti. Pour moi, cela fait tout simplement partie de ma vie, alors il est tout simplement faux de prétendre que je fais partie d’une clique libérale.

La présidente:

Merci.

Monsieur Turnbull, vous avez la parole.

Ryan Turnbull:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnston, j’ai été réconforté, en un sens, par le fait que vous ayez invité tous les partis représentés au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR, et les experts en sécurité et renseignement par l’entremise de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, ou OSSNR, à examiner vos constats. Vous avez également dit à maintes reprises aujourd’hui, et je sais que cela figure également dans votre rapport, que les chefs de l’opposition ont été invités à examiner les faits qui figurent à l’annexe de votre rapport et que vous les avez encouragés à le faire.

Je crois comprendre, d’après les commentaires de Mme Dancho, que le fait que vous qualifiiez quelque chose de « faux » est une critique. Je pense que c’est simplement un engagement envers la vérité.

Il semble que vous devez être convaincu — dans vos constatations et les conclusions que vous avez tirées des faits, selon le contexte — que les autres parties et personnes que vous avez invitées à examiner vos constats tireraient les mêmes conclusions. Dans quelle mesure en êtes-vous convaincu?

Le très hon. David Johnston:

Ce que je dirais, madame la présidente, c’est que nous avons fait de notre mieux pendant les deux mois dont nous disposions pour suivre les faits le plus loin possible et appliquer la loi.

Nous nous réjouissons de l’examen, de l’aperçu des deux comités dont vous avez parlé, auquel se joignent les chefs des principaux partis de l’opposition. Je pense que c’est approprié et que c’est ainsi que les choses devraient fonctionner. Notre travail devrait consister à rendre des comptes, comme c’est le cas ici. C’est ce que feront des comités qui ont une expertise dans ce domaine et qui le font depuis très longtemps.

En ce qui concerne les médias, nous disons dans notre rapport que nous ne les dénigrons pas. La liberté de presse est très importante dans notre pays et ce serait le chaos si nous ne l’avions pas, surtout en ce qui concerne la primauté du droit.

(1240)

Ryan Turnbull:

Merci.

Je sais que vous avez dû avoir une habilitation de sécurité au plus haut niveau pour pouvoir examiner les documents de renseignement dans le contexte où vous avez formulé vos conclusions dans votre rapport. Vous a‑t‑on empêché de dire publiquement ce que vous pensez de l’action ou de l’inaction du gouvernement à la suite de l’obtention de cette habilitation de sécurité?

Le très hon. David Johnston:

La réponse à cette question, madame la présidente, est non. On ne nous a pas empêchés de dire quoi que ce soit. En fait, nous avons travaillé très fort pour essayer de rédiger un rapport qui jetterait le plus de lumière possible sur cette question, tout en respectant les renseignements classifiés. Il n’y avait aucun obstacle. Nous étions très heureux de pouvoir repousser ces limites un peu plus qu’elles ne le seraient normalement dans un rapport public.

Ryan Turnbull:

Merci.

J’ai passé beaucoup de temps à examiner tout ce que le gouvernement a fait au sujet de l’ingérence étrangère depuis 2015. J’ai entendu à maintes reprises des gens dire des choses fausses, que le gouvernement n’a rien fait.

Dans votre rapport, vous y consacrez un nombre considérable de pages — je crois que c’est aux pages 35 à 57, donc une vingtaine de pages du rapport — et vous concluez ainsi:

Bien qu’il est possible et essentiel d’en faire plus pour renforcer notre capacité à détecter et dissuader l’ingérence étrangère, l’étendue des initiatives stratégiques du gouvernement et les communications régulières sur le sujet contredisent les suggestions selon lesquelles le gouvernement avait l’intention de cacher l’existence de l’ingérence étrangère, qu’il a omis par négligence d’aborder le problème ou qu’il a accepté de tolérer l’ingérence étrangère.

Pouvez-vous confirmer encore une fois qu’il est faux de dire que notre gouvernement n’a rien fait au sujet de l’ingérence étrangère?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous avons présenté une série d’initiatives qui ont été prises, principalement à partir de 2017 environ. L’influence russe était la principale préoccupation à ce moment‑là; l’influence chinoise l’est devenue. Il y avait clairement une activité importante. Ce qui est préoccupant, c’est que les mesures n’ont pas été prises assez rapidement pour rattraper l’ingérence étrangère croissante, qui se poursuit.

Ce que nous avons fait dans ce contexte, c’est d’essayer de créer une liste d’autres initiatives qui devraient être mises en place, dont certaines devraient selon nous être examinées dans le cadre de nos audiences publiques, de continuer d’être beaucoup plus agressifs en reconnaissant la nature du renversement de la situation, puis de prendre des mesures rapides pour la contrer, la décourager et la régler de façon adéquate.

Ryan Turnbull:

Si vous me permettez de poursuivre dans la même veine, je sais qu’à un moment donné — et je ne me souviens pas exactement où c’était —, vous avez admis que vous avez émis l’hypothèse, avant de commencer votre travail de rapporteur spécial, que vous alliez probablement mener une enquête publique, mais ce n’est pas ce qui est arrivé. Vous avez participé à des audiences publiques.

Pouvez-vous expliquer pourquoi?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, une enquête publique ferait double emploi avec le travail que nous avons tenté de faire, surtout en ce qui concerne les renseignements classifiés. N’importe quelle enquête publique va se heurter au même problème: comment traiter les renseignements classifiés de façon ouverte et en faire rapport?

Nous sommes d’avis que vous pourriez le faire, particulièrement dans le domaine de la réforme de nos systèmes, en les examinant attentivement et de façon réfléchie, en tirant parti de la meilleure expertise possible, en renforçant les comités de surveillance, en misant sur un meilleur système de gestion de l’ingérence étrangère et en tirant des leçons d’autres administrations, en particulier du Groupe des cinq, qui a acquis une expérience considérable en composant précisément avec ces défis.

La présidente:

Merci.

Cela nous amène presque à la fin. Nous allons accorder cinq minutes à M. Brock, puis cinq minutes à Mme O’Connell.

[Français]

Therrien disposera de deux minutes et demie et M. Julian, de deux minutes.

[Traduction]

Monsieur Brock, vous avez cinq minutes.

Larry Brock:

Merci, madame la présidente.

Je vais partager mon temps avec mon collègue, M. Chong.

Monsieur Johnston, à part Navigator, y a‑t‑il d’autres personnes ou entités qui vous aident actuellement?

(1245)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, j’ai reçu des conseils informels de plusieurs personnes, y compris des professionnels, mais personne n’a été payé pour ses services à part Navigator.

Larry Brock:

Merci.

Don Guy et Brian Topp, ou quelqu’un d’autre de GT and Company vous aident-ils?

Le très hon. David Johnston:

Oui, ces deux personnes m’ont donné des conseils, ce qui a été très bien accueilli.

Larry Brock:

D’accord. Est‑ce que c’était ces deux personnes, M. Guy et M. Topp?

Le très hon. David Johnston:

Oui.

Larry Brock:

Quand cela a‑t‑il commencé?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je crois que cela a commencé il y a une dizaine de jours, si je me souviens bien.

Larry Brock:

Merci.

Continuez-vous de recevoir des conseils?

Le très hon. David Johnston:

Oui.

Larry Brock:

Merci.

Y a‑t‑il quelqu’un d’autre de GT and Company à qui vous avez parlé d’ingérence étrangère?

Le très hon. David Johnston:

Non, je ne le crois pas, madame la présidente.

Larry Brock:

D’accord.

Payez-vous M. Guy et M. Topp pour leurs services et leurs conseils?

Le très hon. David Johnston:

Pas du tout, madame la présidente, et nous ne payons pas non plus pour les autres conseils informels que je reçois d’un certain nombre de milieux.

Larry Brock:

Merci.

Au moins trois fois, monsieur Johnston, vous avez mal cité des sections de votre rapport en réponse à diverses questions de députés de tous les partis. Cela nous amène à nous demander, monsieur, qui a rédigé ce rapport.

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la réponse, c’est que j’ai rédigé le rapport et que j’ai reçu de nombreux conseils d’une équipe juridique très compétente.

Larry Brock:

Cela comprend Sheila Block.

Le très hon. David Johnston:

Elle était dirigée par Sheila Block, madame la présidente.

Larry Brock:

Est‑ce que cela inclut son équipe?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, oui, j’ai reçu l’aide d’une équipe d’experts juridiques.

Larry Brock:

Avez-vous reçu de l’aide à la rédaction du Cabinet du premier ministre?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, non, il ne serait pas question d’aide à la rédaction de la part du CPM. Notre travail est complètement indépendant du CPM.

Larry Brock:

Avez-vous reçu des conseils du CPM quant à ce que devrait contenir le rapport?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous avons eu des discussions continues avec des représentants du CPM au moment où nous cherchions des renseignements et que nous tentions d’obtenir différents...

Larry Brock:

Merci.

Avez-vous reçu de l’aide à la rédaction de la part du Bureau du Conseil privé?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, c’est moi qui ai rédigé le rapport, avec l’aide de mon équipe juridique principale, et c’est tout.

Larry Brock:

Merci, madame la présidente.

Je vous cède la parole, monsieur Chong.

L’hon. Michael Chong:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnston, je vous remercie d’avoir pris le temps de comparaître devant nous au cours des trois dernières heures.

Votre mandat consiste essentiellement à examiner l’ingérence étrangère dans notre processus électoral. C’est au cœur de votre mandat.

Au Canada, il n’y a qu’un seul processus électoral fédéral, et c’est le processus par lequel les Canadiens obtiennent un vote pour leur député local. Tous les autres membres de notre système sont nommés. Les sénateurs sont nommés. Le premier ministre est nommé — comme vous le savez, à titre d’ancien gouverneur général. Les membres du Cabinet sont nommés. Tous les autres sont nommés. Le seul processus électoral fédéral dans notre système concerne la Chambre des communes. C’est la seule partie de notre système qui comporte un processus électoral. C’est la seule partie de notre système qui est démocratique. C’est la seule partie de notre système où les Canadiens ont le droit de vote, et c’est pour la Chambre des communes.

La majorité des 338 représentants élus par la population ont voté à trois reprises au cours des trois derniers mois en faveur d’une enquête publique indépendante, et pourtant vous et vous seul — avec tout le respect que je vous dois — avez recommandé le rejet d’une telle enquête. Comment vous et le gouvernement, dans le cadre de ce processus auquel vous participez en qualité de rapporteur indépendant, pouvez-vous rétablir la confiance dans notre démocratie si le gouvernement continue de défier la volonté démocratique de notre seule institution démocratique nationale, la Chambre des communes?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, le gouvernement au pouvoir m’a demandé d’entreprendre un examen de l’ingérence étrangère, et cela comprenait la question de savoir si une enquête publique serait la meilleure façon de procéder. Après y avoir longuement réfléchi, nous avons conclu que ce n’était pas le cas, mais que la tenue d’audiences publiques sur des questions qui n’étaient pas des renseignements classifiés serait une façon très appropriée de renforcer la confiance dans nos institutions.

Ce travail continue d’être très important, et je pense que nous devons susciter un sentiment d’urgence de nous atteler à cette tâche.

L’hon. Michael Chong:

J’ai une tout autre question, madame la présidente, très courte.

O’Toole a indiqué que le rapport avait été envoyé à la traduction le week-end précédant sa rencontre avec vous. À quelle date le rapport a‑t‑il été envoyé à la traduction?

(1250)

Le très hon. David Johnston:

Si ma mémoire est bonne, madame la présidente, [difficultés techniques] pour la traduction. Il était compris que la traduction pourrait commencer et qu’il y aurait des changements au rapport. Dans les deux jours qui ont suivi notre rencontre avec M. O’Toole, rencontre extrêmement importante et utile, je le répète, nous avons apporté des changements au rapport et veillé à les faire intégrer dans la traduction.

La présidente:

Merci.

Nous n’avons pas beaucoup de temps, et je vous ai laissé poser une question de plus, et je ne l’oublie pas.

Madame O’Connell, je vous accorde le même temps.

Mme Jennifer O’Connell:

Merci, madame la présidente.

J’espérais bien. Depuis ma dernière intervention, nous avons reçu des questions des conservateurs sur l’ingérence étrangère, mais il semble que nous ayons bouclé la boucle avec une nouvelle théorie du complot qui demande si vous avez vraiment rédigé le rapport que vous avez signé. Après trois heures de désespoir, c’est ce que nous apprenons.

Mais je reviens à notre propos. Monsieur Johnston, vous avez insisté pendant votre témoignage d’aujourd’hui sur le grand soin que vous avez pris à écrire et à partager de l’information facile à lire et à comprendre par les Canadiens ordinaires. En tant qu’ancien membre du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR, je peux affirmer que, s’il y a une chose que ce comité surveille très attentivement également, c’est justement la façon de rédiger un rapport public qui soit à la portée des personnes qui ne sont pas des experts en sécurité nationale.

J’ai bien aimé l’explication que vous avez donnée dans votre rapport sur la façon dont vous présenteriez toute l’information sur laquelle vous avez fondé vos recommandations ou vos conclusions. Vous les regrouperiez dans une annexe, que vous mettriez à disposition pour examen. J’ai noté que vous accueillez favorablement l’examen fondé sur l’information sur laquelle vous avez formulé vos recommandations.

Est‑il raisonnable que certains expriment des doutes sur votre intégrité et aillent jusqu’à se demander si vous êtes bien l’auteur du rapport et quels renseignements vous aviez ou n’aviez pas, alors que ces mêmes personnes ont eu la possibilité de lire toute l’information confidentielle sur la sécurité nationale, mais qu’elles ont préféré ne pas le faire? Selon vous, est‑il raisonnable que quelqu’un qui refuse de lire l’information porte ensuite un jugement sur l’information que vous aviez ou n’aviez pas?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, permettez-moi de répondre à cette question de manière générale. Je pense qu’en traitant de quelque chose d’aussi important et explosif que l’ingérence étrangère dans nos élections qui fait naître la méfiance à l’égard de nos institutions — et, soit dit en passant, ces ennemis se frottent les mains de satisfaction en observant les paroxysmes que nous connaissons — il faudrait travailler très fort pour expliquer l’ingérence étrangère aux parlementaires, mais que le public n’y comprend pas grand-chose. Dans ce pays béni qu’est le Canada, nous préférons nous sentir bien protégés, sans avoir à nous soucier de cela.

Mais nous devons nous en soucier. Cela nous pose des problèmes très difficiles, qui vont continuer et empirer.

Mme Jennifer O’Connell:

Merci.

Une autre critique qui revient souvent sur la raison pour laquelle certains chefs de parti refusent d’assister à toute séance d’information sur la sécurité nationale et de prendre connaissance de la même information que vous, c’est qu’ils disent qu’ils seront réduits au silence. Vous êtes ici depuis environ trois heures à discuter de la nature même de ce rapport, de l’information. Vous avez les autorisations de sécurité. Vous avez rédigé un rapport complet fondé sur de l’information protégée concernant la sécurité nationale. Avez-vous l’impression qu’on vous empêche de parler de ces choses‑là, alors que vous avez rédigé un rapport complet à ce sujet et que vous venez de passer trois heures à répondre aux questions de tous les partis sur cette même question, qui rejoint certains aspects de confidentialité en matière de sécurité nationale?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je dirai tout d’abord que c’est de la reddition de comptes, et que c’est ce que le Parlement fait et doit faire.

Deuxièmement, je dirais qu’il est tout à fait possible pour les parlementaires d’obtenir la cote de sécurité la plus élevée, comme certains d’entre vous l’ont fait, sans d’aucune façon restreindre leur responsabilité de parler publiquement et ouvertement de ce qu’ils savent dans leur tête. Certes, ils doivent éviter de dévoiler de l’information classifiée. C’est le problème que nous avons avec les enquêtes publiques qui sont censées faire la lumière sur des choses lorsque surgit un problème d’information classifiée qu’il ne saurait être question de dévoiler pour les raisons que nous avons évoquées.

(1255)

Mme Jennifer O’Connell:

Absolument. Je vous remercie de le rappeler, car j’ai moi aussi soulevé la question à la Chambre.

J’ai déjà siégé au CPSNR, et la capacité de distinguer... Ce que vous avez déjà dit dans votre témoignage m’a rappelé le dossier rouge et le dossier vert. Il est parfois difficile de se rappeler ce qui est confidentiel et ce qui ne l’est pas. D’où l’importance des conversations ouvertes. Ce n’est pas un secret que vous essayez de cacher aux Canadiens; c’est une question de protéger le caractère sensible de cette information d’une manière raisonnable et respectueuse qui, au bout du compte, est dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Comment pouvons-nous avoir des conversations plus ouvertes avec les Canadiens pour leur donner une meilleure idée de ce qu’est notre sécurité nationale?

Le très hon. David Johnston:

Je suis enseignant et je crois fermement qu’il faut voir le monde avec les yeux de mes enfants, et désormais de mes petits-enfants. Je pense que nous devons travailler plus fort pour enseigner à nos jeunes nos institutions civiques, la qualité de nos institutions et la façon dont nous les protégeons.

La démocratie est un vernis très mince. Elle est comme le jardin cultivé à l’orée de la jungle, a écrit Hugh MacLennan dans Voices in Time. Ce jardin est à cultiver. Il doit être cultivé avec beaucoup de soin, parce que si on ne s’en occupe pas constamment, les mauvaises herbes et la jungle auront tôt fait de l’envahir. Nous avons besoin de jardiniers constants. Vous, les parlementaires, êtes les jardiniers constants.

Je pense que nous devons inculquer à nos jeunes enfants l’importance de notre pays, leur faire comprendre que nous avons beaucoup à protéger et que nous devons nous engager dans cette voie pour faire en sorte que le pays soit un meilleur endroit pour ceux qui nous suivront.

La présidente:

Merci.

[Français]

Monsieur Therrien, vous avez la parole pour deux minutes et demie.

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

La démocratie est menacée. Il faut s’assurer que la population a confiance en cette démocratie. La population demande, à 72 %, une commission d’enquête publique et indépendante. La majorité de la Chambre demande une commission d’enquête publique et indépendante. Plusieurs experts la demandent aussi. Certains ne la demandaient pas au début, mais le rapport de M. Johnston les a convaincus de sa nécessité; ils se sont ajoutés aux experts qui demandaient déjà cette commission d’enquête publique et indépendante. C’est la seule façon d’avoir les documents nécessaires pour parvenir à comprendre cette ingérence et à la limiter. C’est la seule façon de rencontrer les victimes d’ingérence en assurant le huis clos. Ce que M. Johnston propose, ce sont des audiences publiques sans obligation, où l’on ne fait qu’inviter les gens. Des victimes ont déjà dit qu’elles ne s’y présenteraient pas.

L’avantage de la démarche de M. Johnston, c’est qu’elle est moins coûteuse. Combien vaut une démocratie saine? On parle de démocratie.

Selon M. Johnston, sa démarche est plus rapide. Malheureusement, c’est un travail bâclé. C’est plus rapide, mais la lumière ne sera pas faite sur le sujet. C’est tellement rapide qu’il n’a pas rencontré M. Stéphane Perrault, le directeur général des élections du Canada, ni Mme Caroline Simard, la commissaire aux élections fédérales. Dans ce cas, quand on parle de rapidité, on parle de travail bâclé.

La seule chose à faire, c’est une commission d’enquête publique et indépendante. La démocratie la demande. La Chambre la demande. La population la demande. M. Johnston parle de protéger la démocratie, mais il ne la respecte pas.

Je pense que, malheureusement, sa nomination était une erreur de distribution. Il doit se retirer pour le bien de tous.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Je n’ai pas de réponse, madame la présidente.

La présidente:

Merci.

Monsieur Julian, vous avez deux minutes et demie.

[Français]

Peter Julian:

Merci, madame la présidente.

Monsieur Johnston, tout à l’heure, vous avez indiqué ne pas avoir rencontré la commissaire aux élections fédérales, car il n’y avait pas de plaintes. Or Mme Simard a témoigné devant notre comité et nous savons que plusieurs plaintes sur la question de l’ingérence étrangère sont en train d’être étudiées.

Êtes-vous au courant que la commissaire est activement en train d’étudier ces plaintes d’ingérence étrangère dans nos élections?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous étions au courant d’enquêtes, mais pas de conclusion d’ingérence. Nous nous attendons à continuer de suivre le déroulement des enquêtes et à rencontrer la commissaire aux élections fédérales pour avoir une bonne discussion sur ces enquêtes.

(1300)

[Français]

Peter Julian:

Madame la présidente, il est très important de tenir cette réunion avant de décider si on doit procéder à une enquête publique.

Monsieur Johnston, j’ai écouté attentivement votre témoignage d’aujourd’hui. Vous avez dit que cela coûterait un peu plus cher et que ce serait peut-être un peu plus long, mais vous avez aussi admis les faiblesses de l’approche que vous avez adoptée. Au début de votre témoignage, vous avez dit clairement que l’ingérence étrangère était réelle et qu’elle constituait une menace pour notre démocratie.

À mon avis, les contradictions dans votre témoignage sont évidentes pour les Canadiens. N’êtes-vous pas inquiet que cela réduise la crédibilité de votre approche, d’autant plus que des parlementaires ne sont pas d’accord et ont voté autrement?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, la question est de savoir si j’ai bon espoir que le public répondra d’une façon ou d’une autre. C’est au public de décider. Nous avons entrepris cette tâche et nous avons fait de notre mieux pour bâtir la confiance dans la démocratie. Notre travail sera examiné par les comités compétents, dont nous accueillons favorablement les suggestions et les conclusions.

[Français]

Peter Julian:

Madame la présidente, je propose de prolonger la réunion de 16 minutes. M. Johnston a été très généreux, mais je sais que certains députés ont encore des questions à lui poser. J’aimerais donc que vous accordiez un tour de parole de quatre minutes à chaque parti, pour un total de 16 minutes.

[Traduction]

La présidente:

Monsieur Julian, voulez-vous cinq minutes de plus pour les conservateurs et cinq minutes de plus pour les libéraux?

[Français]

Peter Julian:

Non, madame la présidente, je voudrais que vous accordiez quatre minutes à chaque parti, pour un total de 16 minutes.

[Traduction]

La présidente:

Nous aurons terminé ce tour dans 10 minutes. Étant donné que notre comité est convenu de procéder par vote, selon mon calcul, nous aurons eu presque trois heures avec le très honorable David Johnston. Et c’est un calcul très généreux.

Nous avons des ressources. Je trouve cela absolument aberrant. Est‑ce la volonté des membres?

Madame Sahota, allez‑y.

Mme Ruby Sahota:

Madame la présidente, au cours des deux dernières séries de questions, certains députés n’ont pas posé une seule question. Ils ont seulement utilisé leur temps de parole pour faire leurs commentaires. Si c’est ainsi que le Comité veut fonctionner, comme nous en avons amplement la preuve depuis trois heures, je dirais que nous devrions libérer le témoin et lever la séance pour aujourd’hui.

La présidente:

Pour ma part, je savais qui était le président à mon université. Nous n’avons pas fait de ski ensemble, mais j’apprécie le service que vous avez offert.

En tant que présidente, je dois connaître la volonté des membres du Comité. Je trouve cela très pénible, parce que j’ai travaillé avec tout le monde pour arriver à nous entendre sur une façon de procéder. En fait, je croyais que nous étions très crédibles dans notre façon de procéder, alors je suis préoccupée par cette conversation. Cela sera noté.

Monsieur Johnston, connaissant votre calibre, je sais que vous n’allez pas dire non — sauf si vous le voulez; vous pouvez partir tout de suite. Autrement, je vais devoir demander un autre tour rapide.

Je suis désolée, du moins en mon nom et au nom de certains députés. Ce n’était pas mon intention.

Qui parlera pour les conservateurs?

Monsieur Chong, vous avez cinq minutes.

L’hon. Michael Chong:

Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Johnston, d’avoir accepté de rester encore un peu.

Vous avez mentionné dans votre exposé qu’il y a trois conseillers pour la deuxième partie de votre mandat. Pourriez-vous nous dire qui sont ces trois conseillers?

Le très hon. David Johnston:

Non. Nous n’en sommes pas là du tout.

L’hon. Michael Chong:

D’accord, merci.

Je veux me concentrer sur la deuxième partie de votre mandat, que vous avez décrite dans votre rapport. À la page 19 de votre rapport, vous dites: « Il ne fait aucun doute que ces communautés ne font pas confiance aux organismes de sécurité. » Ce n’est pas tout à fait exact. De nombreuses communautés de la diaspora et en particulier la collectivité sino-canadienne implorent les organismes de sécurité de faire davantage pour mettre fin à l’ingérence étrangère dont elles sont victimes.

Les Canadiens d’origine chinoise sont ciblés par Pékin, et ils ont rejeté vos propositions d’audiences publiques. Ils sont frustrés parce qu’ils ont déjà pris la parole et témoigné à maintes reprises au cours des quatre dernières années devant les quatre comités parlementaires que j’ai mentionnés. Le gouvernement a essentiellement fait la sourde oreille à leurs appels à l’aide et ils ont souffert en silence. Ils sont épuisés. Ils veulent plus d’action, pas les audiences que vous proposez.

Encore hier soir, j’ai consulté une liste partielle des membres de la diaspora chinoise qui ne veulent pas de cette deuxième phase d’audiences, qui veulent une enquête publique indépendante: Mabel Tung, de la Vancouver Society in Support of Democratic Movement; Mehmet Tohti, du Projet de défense des droits des Ouïghours, ou ; Chemi Lhamo, du Réseau international pour le Tibet; Gloria Fung, du Canada-Hong Kong Link; Victor Ho, l’ancien rédacteur en chef du Sing Tao Daily, l’un des plus grands journaux de langue chinoise au pays; Cherie Wong, de l’Alliance Canada Hong Kong; et la liste est longue.

Tous ces leaders civiques de la collectivité chinoise et bien d’autres ont exprimé leur manque de confiance dans votre premier rapport et dans ce processus. Comment pouvez-vous donc vous acquitter de la deuxième partie de votre mandat compte tenu de ce manque de confiance de la part de nombreux éléments de la collectivité chinoise au Canada?

(1305)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, nous espérons pouvoir encourager les membres de ces collectivités à continuer d’attirer l’attention du Parlement et du public en général sur les dangers auxquels nous sommes confrontés.

Nous espérons que le travail que nous avons accompli et l’examen effectué par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et par l’Office de surveillance des activités de renseignement, auquel se sont joints les chefs de l’opposition, sauront imprimer un grand élan pour assurer beaucoup plus activement la protection appropriée de ces collectivités.

L’hon. Michael Chong:

Ces collectivités, qui ont été les plus vulnérables à l’ingérence de la République populaire de Chine, réclament une enquête publique indépendante. Au cours des quatre dernières années, ils ont exprimé l’espoir que le Parlement prendrait des mesures concrètes, mais malheureusement, parce que le Parlement a été incapable de faire son travail en raison d’un manque d’information de la part du gouvernement, d’un manque de documents, d’un manque d’ouverture et de franchise de la part des témoins du gouvernement qui ont comparu devant le comité, nous avons maintenant tous, au Parlement comme dans la diaspora, mis notre espoir dans une enquête publique indépendante dotée des pleins pouvoirs d’assigner des témoins à comparaître et d’exiger la production de documents afin de tenir le gouvernement responsable de ce qui s’est passé et de régler ces problèmes de longue date.

Que diriez-vous à ceux qui disent qu’il est possible de tenir une enquête publique indépendante tout en protégeant la sécurité nationale? Quelqu’un a dit tout à l’heure que nous avons déjà eu des enquêtes comme celle concernant Maher Arar, qui portait sur des renseignements hautement classifiés. En fait, une partie de cette information provenait du renseignement du Groupe des cinq. C’est le renseignement le plus sensible parce qu’il provient de nos partenaires du Groupe des cinq et non des services nationaux.

Nous avons également entendu l’ancien dirigeant du SCRS, Dick Fadden, nous dire qu’une enquête publique est possible dans cette affaire. Dan Stanton, un ancien gestionnaire du SCRS, a également dit qu’une enquête publique est possible. L’ancien directeur général des élections du Canada a dit qu’une enquête publique est nécessaire.

À la lumière de toutes ces demandes d’enquête publique, comment la deuxième partie de votre mandat peut-elle rétablir la confiance?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je dirais que d’autres experts, dont Ward Elcock, par exemple, se sont dits d’avis que les enquêtes publiques ne sont pas le bon remède, et que le juge O’Connor, après le comité Arar, s’est rangé à cet avis. Il y a des divergences d’opinions à ce sujet, et elles sont raisonnables.

Je crois que le travail du groupe du rapporteur spécial exercera en fait beaucoup de pression et incitera le gouvernement à agir plus rapidement pour améliorer notre système de résistance à l’ingérence étrangère et que le travail que nous ferons au cours des cinq prochains mois y ajoutera des efforts considérables. J’ai donc bon espoir de voir d’importantes mesures pour relever ce très grand défi au cours des prochains mois.

(1310)

La présidente:

Merci.

C’est au tour de Mme Romanado.

Mme Sherry Romanado:

Merci beaucoup, madame la présidente.

Je remercie M. Johnston d’avoir accepté de rester avec nous pour un autre tour de questions.

Pour poursuivre dans la même veine, au sujet de la différence entre une enquête publique et le processus en cours, je pense que beaucoup de gens oublient qu’une enquête publique est instituée par décret, c’est‑à‑dire par le Cabinet. Par conséquent, on pourrait invoquer le même argument, pour dénoncer l’absence d’indépendance dans le cas d’une enquête publique, parce qu’au bout du compte, c’est le Cabinet qui déciderait du mandat et ainsi de suite.

Nous savons, monsieur Johnston, que vous avez interrogé diverses personnes au sujet de l’ingérence étrangère. Vous avez étudié la documentation. Vous avez rédigé un rapport. Vous allez mener des entrevues et des audiences publiques, parfois, bien sûr, à huis clos pour ceux qui, par peur, préféreraient ne pas témoigner. Ce serait la même chose dans une enquête publique. Si l’on a peur de témoigner devant vous en audience publique, ce pourrait être la même chose dans une enquête publique. La différence n’a pas de sens. Vous avez dit que certaines séances pourraient être à huis clos pour les témoins qui pourraient avoir des craintes particulières.

Étant donné que les prochaines élections sont prévues pour le 20 octobre 2025, l’objectif, bien sûr, devrait être de s’assurer que nos systèmes en place sont aussi solides que possible pour détecter, décourager et contrer toute ingérence étrangère lors de nos prochaines élections, si nous voulons être « tournés vers l’avenir ». Vous avez déjà abordé certains des problèmes de communication que nous avons constatés. Que nous recommanderiez-vous, en outre, de faire pour nous assurer que, dans le cadre d’un objectif axé sur l’avenir, nous protégeons notre démocratie? Y a‑t‑il quelque chose que le Comité pourrait faire pour aider, pour s’assurer que nous sommes prêts pour les prochaines élections?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je vous remercie de cette question.

J’encouragerais le Comité à être très précis, discipliné et rigoureux dans sa reddition de comptes afin d’améliorer nos systèmes de résistance à l’ingérence étrangère. Oui, nous avons constaté des progrès et des changements. Nous avons une idée claire des changements en cours.

En fait, dans notre prochain rapport, nous aimerions cerner les initiatives actuellement à l’étude — comme le registre des étrangers, par exemple, et bien d’autres choses du genre — et voir s’il pourrait être opportun de fixer des échéanciers pour traiter de ces réformes, avec des modifications à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et ainsi de suite, pour mettre en place une procédure très rigoureuse, disons, bien avant les prochaines élections de 2025. Nous pouvons nous tourner vers nos collègues du Groupe des cinq et vers les Canadiens et dire que nous travaillons très fort pour lutter contre l’ingérence étrangère et que nous faisons de réels progrès pour convaincre les Canadiens qu’ils peuvent compter sur notre gouvernement pour les protéger.

Mme Sherry Romanado:

À cet égard, proposeriez-vous que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et du renseignement dressent également une liste des délais de réalisation des produits livrables pour s’assurer que nous sommes prêts et êtes-vous d’avis que nous devrions vérifier, peut-être dans six mois ou un an, où les uns et les autres en sont dans la suite donnée à ces recommandations?

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je pense que c’est une excellente suggestion qui devrait être concrétisée.

L’important à cet égard, à mon avis, est que nous ayons ces comités de surveillance qui ont de l’expertise, qui ont la possibilité d’examiner des renseignements hautement protégés, et que nous fassions en sorte qu’ils soient aussi solides que possible dans leur existence actuelle en apportant des modifications à leur structure, et ainsi de suite, et en veillant à leur donner pour tâche de travailler avec vous et avec les autres comités de la Chambre pour s’assurer que nous faisons vraiment des progrès dans ce dossier.

Mme Sherry Romanado:

Enfin, vous avez parlé un peu du civisme nécessaire. Nous en avons parlé un peu plus tôt lorsque j’ai posé la question. La preuve et le renseignement, ce n’est pas la même chose. Comment pouvons-nous nous assurer que les Canadiens, les parlementaires et tous ceux qui veulent protéger notre démocratie le reconnaissent? À quoi cela ressemble‑t‑il? Quelles sont les tactiques qu’utilisent les agents qui ne nous aiment pas pour s’ingérer? Comment peuvent-ils faire partie de la solution pour ce qui est de les repérer et de les dénoncer? Il pourrait s’agir d’un effort d’équipe Canada pour contrer l’ingérence étrangère. Je pense que ce serait un effort conjoint de tous les Canadiens.

(1315)

Le très hon. David Johnston:

L’une de nos recommandations, en ce qui concerne les audiences publiques au cours des cinq prochains mois, portait précisément sur cet enjeu. Faites appel à la meilleure expertise qui soit. Apprenez d’autres personnes qui ont été en mesure de fournir plus de lumière. Ensuite, aidez-nous à faire connaître cette distinction au public et à lui expliquer comment nous pouvons la gérer et faire la lumière sur le sujet.

La présidente:

Merci.

Monsieur Therrien, allez‑y.

[Français]

Alain Therrien:

Merci, madame la présidente.

Le rapport de M. Johnston mentionne des problèmes de communication de l’information émanant du SCRS pour se rendre au premier ministre et aux ministres.

Dans son rapport, M. Johnston dit que ce que nous avons entendu dans les médias était à peu près vrai. Toujours dans le rapport, il dit que les ministres et le premier ministre n’ont pas reçu l’information. Quand ces derniers disaient être dans l’ignorance, ils avaient raison. Ils étaient vraiment dans une situation où ils n’avaient pas l’information.

Je ne critique pas cela, je n’en suis pas là. Cependant, M. Johnston mentionne que, dans le parcours des informations, le SCRS et la fonction publique ont chacun leur part de responsabilité. Cependant, les propos de M. Stanton, de M. Wilczynski, de Mme Thomas et de M. Wark révèlent l’existence d’un problème en ce qui touche les cabinets politiques.

J’aimerais que M. Johnston nous en parle.

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je suis tout à fait d’accord avec le député qui vient de soulever la question, à savoir que nous avons beaucoup à faire pour améliorer notre façon de cristalliser l’information, de la transférer entre des mains responsables, et de veiller à prendre les mesures qui s’imposent en rendant des comptes à cet égard. Nous avons beaucoup de travail à faire, et c’est la tâche à laquelle nous devrions nous attaquer de toute urgence.

[Français]

Alain Therrien:

Je vais poser une question délicate, madame la présidente, et je ne voudrais pas qu’elle soit mal interprétée.

Il y a des moments où on aimerait peut-être mieux ne pas savoir certaines choses.

Se pourrait-il que les cabinets politiques réagissent à la possibilité que des ministres ou le premier ministre ne veuillent pas vraiment recevoir cette information?

[Traduction]

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, je ne pense pas avoir beaucoup de commentaires à faire sur le genre de messages qui ont été envoyés à ce moment‑là. Cependant, nous nous attendons à ce que les fonctionnaires du pays soient non partisans, qu’ils soient professionnels et qu’ils fournissent des renseignements clairs et des recommandations précises à leurs ministres et à nos systèmes de responsabilité ministérielle. Nous devrions nous attendre à ce qu’ils agissent comme il se doit. S’ils ne le font pas, nous devrions leur imputer la responsabilité.

[Français]

La présidente:

Merci.

Monsieur Julian, vous avez la parole.

[Traduction]

Peter Julian:

Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Johnston, de nous avoir généreusement accordé du temps pour poser quelques questions supplémentaires.

Je veux revenir sur la question des contributions de Sheila Block. En réponse à nos questions, vous avez dit que Mme Block avait fait des contributions financières à d’autres partis. À quels partis, à votre connaissance?

Le très hon. David Johnston:

Je crois comprendre que ses contributions ont été très dispersées. Je pense qu’elle a appuyé des gens qui occupent des fonctions politiques et qui ont d’autres qualités que celles des libéraux, mais je n’ai pas d’information précise à vous donner.

Peter Julian:

Cependant, elle vous a dit qu’elle avait aussi contribué à d’autres partis.

Le très hon. David Johnston:

Oui, je crois qu’elle a appuyé et était disposée à aider d’autres anciens étudiants et des personnes qui ont été affiliées à des partis autres que le Parti libéral.

Peter Julian:

En réponse à une question de Mme Kwan, vous avez dit que l’apparence de conflit d’intérêts doit reposer sur des faits. Ces faits, ses fréquentes contributions au Parti libéral, font partie du domaine public. Ne comprenez-vous pas pourquoi certaines personnes soulèvent l’apparence d’un conflit d’intérêts lorsque ces faits — on ne parle pas seulement de soupçons — sont là?

Le très hon. David Johnston:

Je ne comprends pas la question. Je suis désolé.

Peter Julian:

Vous avez dit qu’une apparence de conflit d’intérêts doit reposer sur des faits. Elle a versé des milliers de dollars au Parti libéral, alors comprenez-vous pourquoi les gens y voient une apparence de conflit d’intérêts?

(1320)

Le très hon. David Johnston:

Madame la présidente, comme je l’ai déjà dit, je ne considère pas que les contributions de Mme Block à des partis politiques constituent un conflit d’intérêts. Je pense que sur une quinzaine d’années, cela représente quelque chose comme 300 $ ou 400 $ pour le Parti libéral, mais je crois comprendre qu’elle a fait des contributions un peu partout, notamment à d’anciens étudiants.

Peter Julian:

Cela représente des milliers de dollars.

Voici ma dernière question. Dans votre rapport, vous avez dit qu’il n’existe pas de preuve de dons illégaux, mais nous savons que la seule façon d’obtenir ces renseignements est par l’entremise du processus de plainte auprès d’Élections Canada ou du commissaire aux élections. C’était certainement le cas dans l’affaire Dean Del Mastro.

Cela a‑t‑il été fait? Y avait‑il des preuves concernant les campagnes d’audit? Comme vous n’avez pas rencontré le commissaire ni Élections Canada, comment en êtes-vous arrivé à cette conclusion?

Le très hon. David Johnston:

D’après ce que nous ont dit ces fonctionnaires, on n’a pas constaté de faute ni, certainement, d’activité ayant mené à des accusations relativement aux élections de 2019 et de 2021.

La présidente:

Sur ce, le très honorable David Johnston a été très généreux de son temps aujourd’hui.

Au nom des membres du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, je tiens à vous remercier de nous avoir fait savoir quand vous alliez pouvoir comparaître et d’avoir répondu sans délai à nos communications. Nous vous souhaitons bonne chance, à vous et à vos proches. Merci de votre service.

Le très hon. David Johnston: Merci beaucoup, madame la présidente. Merci à tous les membres du Comité.

La présidente: Merci.

Sur ce, chers collègues, nous nous reverrons jeudi. Portez-vous bien et soyez prudents.

La séance est levée.

Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections

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Faits et chiffres à l’appui

Protocole public en cas d’incident électoral majeur

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Mise à jour

Une évaluation indépendante du Protocole, de sa mise en œuvre et de son efficacité dans la lutte contre les menaces est requise après chaque élection. Grâce à l’examen de documents, à des entretiens et à des recherches, un examen approfondi est réalisé et un rapport classifié contenant des conclusions et des recommandations est présenté au premier ministre et au Comité parlementaire de la sécurité nationale et du renseignement (CPSNR). Une version non classifiée est ensuite rendue publique.

Une évaluation indépendante des élections fédérales de 2021 est actuellement menée par M. Morris Rosenberg, ancien sous-ministre des Affaires étrangères, de la Justice et procureur général du Canada. Une version non classifiée de ce rapport, comprenant ses conclusions et recommandations, devrait être présentée prochainement.

Mécanisme de réponse rapide (MRR)

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Faits et chiffres à l’appui

En mai 2022, les responsables du Mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7 ont publié leur premier rapport annuel conjoint. Ce rapport désigne publiquement la République populaire de Chine, la Russie et l’Iran comme des pays qui tirent parti de questions suscitant la division et de clivages sociaux pour polariser les sociétés, influencer les résultats politiques et saper les institutions et les processus démocratiques.

Désinformation – Chine

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Mise à jour

Désinformation – Russie

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Mise à jour

Contexte

La machine de désinformation et de propagande de la Russie, y compris dans le contexte de l’Ukraine, utilise cinq tactiques principales, selon un rapport public publié par le département d’État l’année dernière. Selon ce rapport, le Kremlin :

  1. utilise les communications officielles du gouvernement, y compris les déclarations et les messages sur les médias sociaux;
  2. s’appuie sur des médias financés par l’État, tels que RT ou Sputnik TV;
  3. cultive des sources mandataires, notamment des organes de presse alignés sur la Russie, ou des sites Web douteux, qui produisent des contenus qui sont ensuite amplifiés, volontairement ou involontairement;
  4. arme les médias sociaux en utilisant de faux comptes ou en amplifiant les discours polarisants dans les sociétés occidentales afin de saper la confiance et la cohésion sociale;
  5. utilise des moyens cybernétiques pour acquérir ou falsifier des informations et perturber la communication. On pense notamment aux fausses adresses vidéo du président Zelensky et aux fausses lettres envoyées récemment par des fonctionnaires ukrainiens et polonais.

Avant période électorale, comme le veut la pratique habituelle, AMC informe toutes les missions étrangères au Canada qu’elles doivent respecter la période électorale et s’abstenir d’exprimer des points de vue qui affectent les relations bilatérales. Cet avis est envoyé par courrier électronique pour rappeler les obligations découlant de la Convention de Vienne.

Conventions de Vienne – Déclarations de persona non grata

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Contexte

Aperçu : La Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, ratifiée par le Canada en 1966 et mise en œuvre par la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, définit les règles du droit diplomatique. Elle codifie les règles relatives à l’échange et au traitement des envoyés entre les États, qui étaient fermement établies dans le droit coutumier depuis des centaines d’années. Cette convention établit, par exemple, des règles pour la nomination des représentants étrangers, l’inviolabilité des locaux des missions, la protection des diplomates et de leur famille contre toute forme d’arrestation ou de détention et l’obligation pour les diplomates de respecter les lois de l’État d’accueil. La Convention de Vienne sur les relations consulaires, à laquelle le Canada a adhéré en 1974 et qui est également mise en œuvre par la loi, codifie les règles relatives aux postes consulaires et aux fonctionnaires consulaires.

Persona non grata : Lorsque l’État accréditaire (le Canada) est préoccupé par le comportement d’un représentant étranger, il peut soit 1) demander à l’État accréditant de rappeler volontairement le représentant (mettre fin à l’affectation), soit 2) l’expulser. Dans ce dernier cas, les deux conventions de Vienne prévoient que l’État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à expliquer sa décision, aviser l’État accréditant qu’un membre de son personnel diplomatique ou consulaire est persona non grata ou qu’un autre membre du personnel de la mission n’est pas acceptable.

L’avis qu’un représentant étranger est persona non grata entraîne l’obligation pour l’État d’envoi de rappeler cette personne « dans un délai raisonnable », défini dans la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales comme une période n’excédant pas dix jours, à partir du jour où l’avis est donné.

La décision de déclarer un représentant étranger persona non grata est prise dans l’exercice de la prérogative de la Couronne par le ministre des Affaires étrangères en fonction d’une recommandation du secteur géographique et d’un avis juridique du secteur des affaires juridiques. Le Bureau du Protocole met en œuvre la décision en envoyant la note diplomatique informant la mission étrangère de ladite décision.

Ingérence étrangère – Contexte général

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Faits et chiffres à l’appui

Ingérence étrangère – Chine

Allégations d’ingérence chinoise dans la 43e élection générale

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Au sujet des liens avec les rapports des postes de police de la République populaire de Chine au Canada :

Allégations d’ingérence chinoise dans la 44e élection générale

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Au sujet des préoccupations générales en matière d’ingérence étrangère, y compris les postes de police chinois :

Relations bilatérales entre le Canada et la Chine

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Mise à jour

Le 8 mai 2023, le Canada a annoncé que le diplomate chinois Zhao Wei avait été déclaré persona non grata pour s’être immiscé dans la politique canadienne. Le 9 mai 2023, le ministère des Affaires étrangères de la Chine a annoncé qu’il expulserait à son tour la diplomate Jennifer Lalonde du consulat général du Canada à Shanghai.

Le 15 mars 2023, le premier ministre Trudeau a annoncé la nomination de l’ancien gouverneur général David Johnston en tant que rapporteur spécial indépendant (RSI) pour aider à protéger l’intégrité de la démocratie canadienne. Dans son premier rapport, publié le 23 mai, le RSI a conclu que les élections canadiennes de 2019 et 2021 n’avaient pas été compromises, mais qu’il était possible d’améliorer l’échange de renseignements de sécurité au sein du gouvernement.

La ministre Joly a rencontré son homologue chinois, le ministre Qin Gang, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20, le 2 mars 2023. Ils ont discuté des relations bilatérales, des affaires consulaires, de l’incident du ballon espion chinois, de la guerre en Ukraine et de l’ingérence présumée de la Chine dans les élections canadiennes.

La ministre Joly a également soulevé la question de l’ingérence étrangère lors d’une réunion informelle avec Wang Yi, alors ministre des Affaires étrangères de la Chine, en marge du sommet du G20 le 15 novembre 2022, ainsi que lors d’une réunion avec Wang, alors ministre des Affaires étrangères, le 8 juillet 2022, en marge de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20 qui s’est tenue en Indonésie.

Allégations de « postes de police » de la RPC et engagement diplomatique récent

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Contexte

Le 27 octobre, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé que la police enquêtait sur des rapports d’activités criminelles en rapport avec les allégations de « postes de police » chinois.

Le 16 novembre, Global News a publié un article indiquant que M. Wei Chengyi, président honoraire permanent de la Confederation of Toronto Chinese Canadian Organizations, fait l’objet d’une enquête pour ses liens avec plusieurs propriétés à Toronto et à Vancouver qui auraient été utilisées comme « postes de police » de la République populaire de Chine (RPC), et pour son implication présumée dans l’ingérence de la RPC dans les élections générales de 2019 au Canada.

Le 21 novembre, Affaires mondiales Canada (AMC) a présenté l’Unité de sensibilisation et d’engagement stratégique de la GRC aux parties prenantes axées sur la Chine (c’est-à-dire les dirigeants des communautés et des organisations de la société civile) afin d’améliorer le dialogue et d’encourager des lignes de communication ouvertes sur les questions d’ingérence étrangère.

Le 22 novembre, la GRC a publié une déclaration indiquant que la police enquêtait sur des rapports faisant état d’une possible ingérence d’acteurs étrangers dans ces « postes de police ».

Le 5 décembre 2022, Safeguard Defenders a publié un second rapport qui documente l’existence de deux autres « postes de police » au Canada, dont un à Vancouver, établis par d’autres municipalités chinoises.

Le sous-ministre adjoint (SMA) d’AMC pour l’Asie-Pacifique a fait des démarches auprès de l’ambassadeur de la RPC au Canada sur cette question à quatre reprises : le 7 octobre, le 28 octobre, le 4 novembre 2022 et le 24 février 2023.

SIP – Contexte générale et résistance à la Chine

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Mise à jour

Depuis le lancement de sa stratégie, le Canada a réalisé d’importants progrès dans la mise en œuvre anticipée : plusieurs visites de ministres et du premier ministre dans la région, l’annonce de la création du premier bureau indo-pacifique pour l’agriculture et l’agroalimentaire (décembre 2022), la création du Centre de recherche sur les politiques chinoises d’AMC (janvier 2023), le lancement officiel des missions commerciales d’Équipe Canada dans l’Indo‑Pacifique (février 2023) et le déploiement du NCSM Montréal dans la région dans le cadre de l’initiative de renforcement des capacités de défense (mars 2023). Plus récemment, Ian McKay a été annoncé comme envoyé spécial du Canada pour l’Indo-Pacifique (19 avril).

Faits et chiffres à l’appui

Représentation diplomatique au Canada/en Chine

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Faits et chiffres à l’appui

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