Rapport annuel 2023 du Mécanisme de réponse rapide du G7
Table des matières
- Introduction
- Menaces étrangères à la démocratie en 2023
- Activités du MRR du G7
- Groupes de travail du MRR du G7 de 2023
- Évolution de la manipulation de l’information et de l’ingérence étrangère
- Mesures prises par les gouvernements pour protéger les élections nationales en 2023
- Pleins feux sur les pays et les organismes
Introduction
Lors du Sommet du G7 à Charlevoix, en 2018, les dirigeants ont mis en place le Mécanisme de réponse rapide du G7 (MRR du G7) qui renforce la coordination entre les pays du G7 afin de déceler les diverses menaces étrangères à la démocratie et y réagir. La définition de ces menaces est délibérément vaste afin de tenir compte de leur évolution et elle comprend les activités d’États hostiles qui visent les institutions et les processus démocratiques, l’environnement des médias et de l’information, ainsi que l’exercice des droits de la personne et des libertés fondamentales.
Depuis sa création, le MRR du G7 s’est axé sur les menaces qui surviennent dans l’environnement numérique, notamment la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère. Il s’agit d’un terme générique qui décrit les efforts d’acteurs étrangers visant à manipuler secrètement l’environnement d’information afin d’atteindre des objectifs stratégiques. Cette manipulation peut affaiblir la confiance du public dans les institutions démocratiques, augmenter la division sociétale et nuire à la réalisation des mandats et des engagements du gouvernement. L’accent mis sur la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère démontre l’importance de l’intégrité de l’information en tant que pilier existentiel de la démocratie et comble une lacune du système multilatéral. Au cours des deux dernières années, le MRR du G7 a élargi sa portée afin d’inclure d’autres vecteurs de menace, y compris l’ingérence infranationale et la répression transnationale, qui ont toutes les deux, des dimensions numériques importantes.
Le MRR du G7 est composé de représentants — « agents de coordination » — de la communauté du G7 et compte l’Australie, la Nouvelle‑Zélande, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), les Pays-Bas et la Suède à titre d’observateurs. Les agents de coordination tirent parti de leurs structures et processus institutionnels respectifs pour favoriser une participation pangouvernementale dans le cadre des travaux du MRR du G7. Le Canada dirige le MRR du G7 de façon permanente et offre un soutien logistique et stratégique constant à titre de Secrétariat du MRR du G7.
Le MRR du G7 produit des rapports annuels depuis 2022 à la demande des ministres des Affaires étrangères du MRR du G7. Les rapports soulignent les éléments du contexte des menaces en évolution qui ont stimulé les efforts du MRR du G7 et présentent les réponses des membres et des observateurs. Les rapports ont pour objectif de contribuer à la résilience sociétale et à la prévention des activités malfaisantes. Le premier rapport de2021, était axé sur les menaces posées par la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, tandis que le deuxième rapport, de 2022, comprenait une réflexion sur l’ingérence infranationale. Le rapport de 2023, quant à lui :
- expose certains des événements géopolitiques qui ont entraîné l’ingérence étrangère en 2023;
- donne un aperçu des activités du MRR du G7 en 2023;
- présente les nouvelles tendances de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère;
- met en lumière des initiatives entreprises par les membres du MRR du G7 en réaction à des menaces étrangères.
Menaces étrangères à la démocratie en 2023
Les menaces étrangères, également appelées « ingérence étrangère », s’expliquent en grande partie par la géopolitique et la technologie. En 2023, des acteurs étrangers ont saisi toutes les occasions possibles afin d’exploiter des événements mondiaux connus — que ce soient les conflits armés, les catastrophes naturelles, ou les élections — pour en faire des points chauds géopolitiques. L’année 2023 a également été marquée par la popularisation de l’intelligence artificielle (IA) générative, qui est venue ajouter un nouvel outil d’ingérence étrangère.
Les premiers mois de l’année ont été marqués par le premier anniversaire de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et les derniers, par l’éclosion de la guerre entre Israël et le Hamas. Pendant ce temps, les tensions entre la République populaire de Chine (RPC) et Taïwan ont continué de couver. Du rejet d’eau traitée provenant de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi aux incendies de forêt qui ont ravagé Hawaï, les acteurs étrangers se sont servis de catastrophes très médiatisées afin d’atteindre leurs objectifs stratégiques.
Au cours de 2023, les adversaires ont profité des progrès de l’IA. En effet, l’IA a simplifié la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère lors des élections et a aidé les adversaires à surveiller leurs opposants à l’échelle mondiale dans le cadre de ce qu’on appelle la répression transnationale, une catégorie d’ingérence étrangère de plus en plus inquiétante qui ne risque que de s’intensifier avec les tendances de migration à la hausse et les améliorations exponentielles des technologies de connectivité.
Manipulation de l’information, ingérence étrangère et conflits armés
Pour la deuxième année de suite, l’espace informationnel mondial a reflété et façonné les conflits armés. Des opérations d’information russes, un terme qui englobe la manipulation flagrante et cachée ainsi que la propagande, ont visé à fragiliser le soutien pour l’Ukraine à l’étranger et à démoraliser les citoyens et les soldats ukrainiens. Dans certains cas, les opérations d’information ont entraîné des retards dans l’aide militaire essentielle et ont suscité la crainte qu’un incident nucléaire se produise.
Des opérations d’information russes ont submergé le public de récits qui ont cherchés à diminuer la confiance vis-à-vis le gouvernement ukrainien et de dépeindre de manière trompeuse les Ukrainiens comme étant des sympathisants nazis. Ces opérations ont continué de véhiculer un narratif contre l’OTAN, affirmant que l’OTAN agissait comme un agresseur.Note de bas de page 1 Elles ont également diffusé de la désinformation potentiellement dangereuse affirmant que la centrale nucléaire de Zaporijjia travaillerait sur des « bombes sales », bien que des rapports émis par des missions d’observation indépendantes de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) aient indiqué que ces déclarations étaient fausses. Note de bas de page 2
Dès le début de la guerre entre Israël et Gaza, des instances de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère se sont développées, en provenance de diverses entités étatiques et non étatiques investies dans le dénouement de la guerre. La Russie, la RPC et l’Iran ont tenté de se servir du conflit pour faire progresser leurs propres intérêts en matière de politique étrangère. Les médias d’État russes ont accusé les pays occidentaux « d’aggraver » le conflit et ont faussement accusé l’Ukraine d’avoir fourni des armes au Hamas. La Russie a également relancé son opération Doppelgänger à travers l’utilisation de faux sites Web déguisés en organes de presse légitime dans le but de de semer la discorde dans l’environnement informationnel sur la couverture de la guerre.Note de bas de page 3 Des médias affiliés à l’État iranien ont fait circuler du contenu anti-Israël et ont tenté de dépeindre le conflit comme faisant partie de la « résistance panislamique » contre les pays occidentaux « néocolonialistes ». De plus, des comptes affiliés à des médias d’État chinois ont aussi saisi l’occasion pour dénoncer les États‑Unis, les pays occidentaux et les médias grand public pour avoir ignoré les victimes de Gaza.Note de bas de page 4
Manipulation de l’information, ingérence étrangère et élections
La période électorale regorge d’occasions propice aux acteurs de la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangère. Les pays où les médias locaux et nationaux sont sous-développés y sont particulièrement vulnérables. Tout au long de l’année 2023, les élections ont été un terrain favorable à la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangère, l’IA ayant notamment servi à créer de faux enregistrements sonores, de fausses vidéos et de fausses images. Par ailleurs, des acteurs malveillants ont utilisé l’IA générative pour cibler d’importantes figures politiques et médiatiques pendant les élections. Il s’agit d’un nouveau vecteur sur lequel il faudra garder un œil en 2024 — une année historique pour la démocratie électorale, étant donné que plus de la moitié de la population mondiale est autorisée à voter. À mesure que ces technologies se développent et deviennent plus accessibles, la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère deviendront de plus en plus sophistiquées, répandues et efficaces.
Manipulation de l’information, ingérence étrangère et catastrophes naturelles
En 2023, les adversaires ont profité de toutes les occasions pour répandre de fausses histoires sur les catastrophes naturelles. À la suite de la décision du Japon de rejeter dans la mer les eaux traitées de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi au moyen du système avancé de traitement des liquides (ALPS), des acteurs malveillants ont utilisé une série de tactiques de désinformation, comme la publication de caricatures afin d’inciter la peur, la falsification de documents pour discréditer l’authenticité du rapport de l’AIEA, des interactions virtuelles inauthentiques à travers l’utilisation de robots, et la création de faux comptes pour diffuser et amplifier la désinformation.Note de bas de page 5 De même, lorsque des feux de forêts incontrôlés ont ravagé Hawaï, la RPC s’est servie de l’IA comme instrument de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère, prétendant que le gouvernement des États‑Unis était responsable des feux.Note de bas de page 6
Répression transnationale
En 2023, la répression transnationale est demeurée un enjeu d’envergure pour la communauté du MRR du G7, tant en ligne que hors ligne. La version numérique de ce phénomène est souvent appelée « répression numérique transnationale ».
Dans l’espace virtuel, les États hostiles utilisent des contrôles de mobilité, des logiciels d’espionnage et la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère pour s’immiscer davantage dans nos sociétés. Ils utilisent ces technologies pour surveiller les déplacements, imposer le respect, sévir contre la dissidence et intimider les communautés issues des diasporas ainsi que les défendeurs des droits de la personne et d’autres voix.Note de bas de page 7 Les manifestations physiques de la répression transnationale sont nombreuses. Elles englobent notamment des voies de fait, des actes d’intimidation (y compris au travers des membres des familles), des expulsions et détention illégales, des enlèvements et des assassinats.Note de bas de page 8
Les conséquences de la répression transnationale sont désastreuses pour les individus et les collectivités touchées ainsi que pour l’intégrité de nos systèmes et de nos processus démocratiques. Lorsque les droits et libertés de personnes ciblées sont bafoués et que la sécurité et la sûreté individuelle de nos citoyens sont menacées, nos démocraties souffrent.
Activités du MRR du G7
Présidé par le Japon, le MRR du G7 s’est tourné vers la région de l’Indo-Pacifique. Les priorités du Japon comprenaient le besoin de renforcer le système international fondé sur les règles et d’améliorer la mobilisation de la majorité internationale.
Le Sommet du G7 de 2023 à Hiroshima (lien en anglais) a tenu compte de l’évolution des menaces auxquelles les membres du G7 sont confrontés tout en mettant de l’emphase sur le besoin d’adopter une réponse collective. Dans le communiqué des dirigeants du G7 d’Hiroshima, les dirigeants ont condamné publiquement la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère et ont réaffirmé que le MRR du G7 dirigera la lutte contre les menaces pesant sur la démocratie. À la suite du Sommet d’Hiroshima, le MRR du G7 a mis sur pied un groupe de travail, dirigé par le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), pour élaborer un cadre de réponse collective du G7.
Comme la répression transnationale prend de plus en plus de place, l’objectif du MRR s’est élargi au-delà de la lutte contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère. Dans leurs déclarations, les dirigeants du G7 et les ministres des Affaires étrangères du G7 ont mentionné la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961) à titre d’outil pour lutter contre la répression transnationale. Le MRR du G7 a également accepté de préparer une déclaration sur la répression transnationale qui refléterait les préoccupations croissantes concernant les adversaires qui menacent et intimident des citoyens à l’intérieur de nos frontières.
Reconnaissant la menace existentielle que représentent les armes de destruction massiveet les matières connexes et leur instrumentalisation à travers la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, le MRR du G7 a fourni une expertise et un soutien au Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes en mettant sur pied un projet pilote de 18 mois visant à lutter contre la désinformation sur les armes de destruction massive et les matières connexes (lien en anglais).
L’année s’est conclue par un exercice de simulation, organisé par le Comité de la diplomatie publique de l’OTAN et par le SEAE à Bruxelles, en Belgique (décembre 2023). L’exercice portait sur les difficultés, les possibilités et les méthodes pour éliminer la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, et a mis en lumière les aspects importants au renforcement des capacités en matière de réponse collective. À la fin de la réunion en présentiel, les membres et observateurs du MRR du G7 ont reconnu que 2024 serait l’année où l’IA deviendrait une tendance dominante.
Groupes de travail du MRR du G7 de 2023
Réponse collective
- Dirigeant : Service européen pour l’action extérieure (représente l’Union européenne (UE) dans le MRR du G7).
- Objectif : répondre à la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangère de façon coordonnée.
- Livrables : a) cadre de réponse collective du MRR du G7 et principes opérationnels d’ici la fin de 2024 et b) divulgations coordonnées par le MRR du G7 des incidents de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère.
Répression transnationale
- Dirigeant : États‑Unis (Département d’État des États-Unis avec la participation du département de la Justice, du département de la Sécurité intérieure et du Bureau Fédéral d’Investigation).
- Objectifs : a) sensibiliser la population et signaler la détermination à lutter contre la répression transnationale, b) concevoir des outils pour répondre à la répression transnationale et c) renforcer les approches pangouvernementales pour contrer la répression transnationale.
- Livrables : a) déclaration commune du G7 sur la répression transnationale afin de déclarer ce phénomène comme étant une menace internationale en 2024 et b) boîte à outils collective pour les membres du MRR du G7 en 2025.
Ingérence infranationale
- Dirigeant : Allemagne
- Objectif : rehausser la capacité collective à évaluer l’ingérence infranationale et à y répondre.
- Livrables : cartographie des approches et mesures nationales pour contrer l’ingérence infranationale, avec la possibilité de créer un document public du MRR du G7 sur les mesures de lutte à l’ingérence infranationale.
Analyse des données de sources ouvertes (établie en 2022)
- Dirigeants : Global Engagement Center des États‑Unis et le SEAE
- Objectifs : renforcer la capacité collective de détection et d’évaluation des cas de manipulation de l’information et de l’ingérence étrangère afin de contribuer aux efforts de renforcement des capacités et de réponse coordonnée.
- Livrables : a) amélioration de l’accès aux outils et aux méthodes, b) échanges d’experts en matière d’Analyse de données de sources ouvertes et c) évaluations conjointes de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère.
Renforcement des capacités
- Dirigeants : États-Unis et Royaume-Uni
- Objectif : rehausser la capacité des démocraties en dehors du MRR du G7 à répondre à la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangère.
- Livrables : le groupe de travail a été lancé en décembre et les livrables prévus inclus : a) cartographie des ressources et des lacunes dans l’ensemble du MRR du G7 et des démocraties aux vues similaires et b) le renforcement de la coordination et l’offre d’un soutien en matière de capacités aux pays aux vues similaires, notamment les économies émergentes et en développement.
Évolution de la manipulation de l’information et de l’ingérence étrangères
Les auteurs de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère ont pu accroître l’efficacité de leurs activités grâce à l’IA. Les adversaires ont également exploité des environnements en ligne plus permissifs en sous-traitant des opérations à des entreprises vendant des services de désinformation à la carte ou en exploitant les changements apportés aux plateformes de médias sociaux. Enfin, les adversaires ont continué à opérer et à construire sur les campagnes précédentes en utilisant des récits de désinformation basés sur l'identité, en exploitant la mésinformation liée à la santé et en influençant les médias traditionnels.
Intelligence artificielle
L’année 2023 s’est avérée déterminante pour l’IA, qui est devenue accessible aux utilisateurs communs. Les outils d’IA générative comme ChatGPT et DALL-E utilisent des modèles d’algorithmes de pointe qui peuvent « apprendre » et générer divers contenus réalistes, dont des textes, des enregistrements sonores et des vidéos. Ces nouveaux modèles ont abaissé les obstacles à l’entrée en offrant des méthodes sophistiquées pour générer, distribuer et gérer des profils et du contenu sur les plateformes de médias sociaux.Note de bas de page 9 Par exemple, les hypertrucages et d’autres formes de médias falsifiés et manipulés ont été utilisés pour concevoir du faux contenu servant à causer la controverse. Par ailleurs, les modèles avancés de langage d’IA peuvent être utilisés pour traduire facilement la désinformation à un niveau de maîtrise d’un locuteur natif.Note de bas de page 10 Le mélange stratégique de contenu généré ou altéré par l’IA avec de véritables images et vidéos peut renforcer l’authenticité et la crédibilité du faux contenu. À mesure que les modèles d’IA reçoivent de nouvelles informations et qu’ils sont mis à jour et corrigés, ces modèles avancés d’outils d’IA générative engendrent d’importants problèmes de transparence dans l’environnement d’information.
Désinformation fondée sur l’identité
Les acteurs étrangers ont continué d’utiliser la désinformation fondée sur l’identité au cours de l’année 2023. La désinformation fondée sur l’identité a recours à des stéréotypes et des mensonges associés avec les identités sociales pour exploiter les divisions sociétales, projeter des valeurs traditionnelles et patriarcales et réprimer les voix des communautés marginalisées.Note de bas de page 11 Les auteurs ciblent stratégiquement les groupes marginalisés, notamment les femmes, les personnes de couleur et les personnes LGBTQ2+, à l’aide de faux récits servant à les discréditer et les faire taire.Note de bas de page 12 Une portion importante de ces efforts de désinformation s’est révélée être propagée par des acteurs russes qui tentent de provoquer l’indignation du public et d’affaiblir la confiance dans les institutions et les valeurs occidentales.Note de bas de page 13 Il est probable que les acteurs autoritaires continueront de se servir de la désinformation fondée sur l’identité pour attirer dans leurs écosystèmes de désinformation de nouveaux publics qui entretiennent déjà des préjugés à l’égard des communautés marginalisées.
Hausse de l’utilisation des manipulateurs commerciaux
En 2023, des entreprises privées ont vendu des services d’influence et de désinformation. Certaines organisations comme Reporters sans frontières sonnent l’alarme à propos de la menace que ce faux contenu représente pour le journalisme dans le monde entier.Note de bas de page 14 Malheureusement, plusieurs plateformes de médias sociaux demeurent vulnérables à l’exploitation par des acteurs commerciaux habiles, et peu de plateformes ont amélioré leur capacité à réprimer cette activité malveillante en 2023.Note de bas de page 15 Alors que l’industrie se développe, elle est soumise à un plus grand examen public de la part des médiasNote de bas de page 16 et des autorités, qui commencent à définir clairement les menaces que ces entreprises, et leur utilisation par les adversaires étrangers, représentent pour les processus démocratiques.Note de bas de page 17
Prévalence persistante de la désinformation dans le domaine de la santé
Bien que beaucoup souhaitent un retour à la « normalité » d’avant la pandémie, la circulation et la diffusion de désinformation et de mésinformation sur la COVID‑19 a continué en 2023 et risque de se poursuivre au cours des prochaines années. Même si la désinformation dans le domaine de la santé ne date pas d’hier (les vendeurs de « remèdes miracles » existent depuis des siècles), ceux qui propagent de la désinformation sur la santé profitent de l’environnement d’information en évolution et de la diffusion rapide de l’information.Note de bas de page 18 En 2023, la désinformation et la mésinformation sur la COVID‑19 se sont poursuivies, concernant entre autres les effets des vaccins, les effets des mécanismes de contrôle de la pandémie et les théories du complot en lien avec la technologie 5G.Note de bas de page 19 Les chercheurs qui étudient les effets de la désinformation relative à la COVID‑19 ont découvert qu’elle était directement associée à des décès, ce qui renforce l’importance d’un environnement d’information fiable.Note de bas de page 20
Changements apportés aux plateformes de médias sociaux
X, anciennement Twitter, a connu une augmentation significative de l'engagement autour de la désinformation russe, chinoise et iranienne après l’élimination des étiquettes de « médias d’État » survenue suite au changement de propriétéde Twitter.Note de bas de page 21 À la lumière de l’essor du contenu d’État, on s’inquiète à savoir si la société peut efficacement lutter contre la manipulation de l’information avec des politiques comme des frais d’abonnement et de vérification de profil.Note de bas de page 22 La situation chez X s’est aggravée suite à la décision de l'entreprise de restreindre la recherche ouverte et académique sur la plateforme, où plus de 100 études ont été annulées ou suspendues au cours de l'année en raison des changements apportés à la plateforme.Note de bas de page 23 Si X perpétue le rôle important qu’avait Twitter en tant que place publique mondiale, les gouvernements devront trouver la meilleure manière de composer avec cette plateforme en constante évolution, et la société devra veiller à ce que les acteurs appuyés par l’État ne surchargent pas les conversations de vraies personnes de désinformation et de contenu manipulé.
Influence des médias
La Russie et la RPC utilisent une combinaison d’opérations secrètes de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère, de même que des campagnes d'influence ouvertes par l’entremise de médias contrôlés par l'État pour perturber, saper et influencer. Outre l’évidente propagation de désinformation et de mensonges flagrants, les adversaires ont continué d’employer et de perfectionner des formes plus subtiles d’influence dans les médias, s’inspirant des premières tactiques de manipulation de l’information pendant la Guerre froide. Si ces tactiques sont souvent renforcées par d’autres techniques de manipulation de l’information, elles sont aussi particulièrement rudimentaires du point de vue technologique.
Le rapport annuel 2022 du MRR du G7 relate les tentatives des médias appuyés par le Kremlin de changer leur image pour contourner les sanctions de l’Union européenne (UE), une tendance qui s’est poursuivie en 2023.Note de bas de page 24 Malgré les rapports publics d'experts indépendants et d’organisations de la société civile, la propagande russe, dotée d’une piètre nouvelle image, continue de récolter encore des millions de vues sur des plateformes populaires comme TikTok, Facebook et Instagram.Note de bas de page 25 Bien que les campagnes médiatiques russes s’adressent normalement aux publics occidentaux, des opérations ont aussi été décelées en Amérique latine, en Asie du Sud-Est et en Afrique, visant à dépeindre la Russie comme un champion anticolonial et à disséminer de la désinformation sur sa guerre en Ukraine.Note de bas de page 26 Or, la machine de propagande n’est pas parfaite; la réponse confuse à la mutinerie de Yevgeny Prigojine a fait écho aux débuts de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, lorsque l’industrie de la désinformation russe avait également été prise au dépourvu. Alors que les systèmes nationaux peinaient à s’adapter aux nouveaux récits du Kremlin concernant Prigojine, un héros autrefois célébré, les organismes gouvernementaux de censure tergiversaient à déterminer quoi restreindre et comment réagir.Note de bas de page 27
Au cours des dernières années, le gouvernement chinois a dramatiquement élargi ses efforts visant à influencer les médias à l’échelle mondiale. À l’automne 2022, Freedom House a publié un rapport mettant en lumière l’étendue de l’empreinte mondiale du gouvernement de la RPC dans les médias.Note de bas de page 28 Les efforts déployés par la Chine dans ce domaine reposent sur l’ordre du président Xi de « bien raconter l’histoire de la Chine », ce qui a mené à une multitude de mesures, comme soudoyer des journaux locaux pour qu’ils publient de la propagande et collaborer à des coproductions avec des médias étrangers crédibles.Note de bas de page 29 Cependant, ces campagnes ont généré des résultats mitigés : bien que la RPC demeure l’un des plus grands investisseurs dans les opérations d’information étrangères, son contrôle des médias a été critiqué par certains pays du Sud Global.Note de bas de page 30
Mesures prises par les gouvernements pour protéger les élections nationales en 2023
En octobre 2023, l’Australie a tenu son premier référendum en 24 ans, qui portait sur la modification de la constitution australienne. L’Australie avait mis sur pied l’Electoral Integrity Assurance Taskforce (EIAT) pour conseiller le commissaire aux élections sur les questions susceptibles de compromettre l’intégrité du référendum. L’EIAT est un mécanisme inter-agences chargé d’évaluer, de comprendre et d’atténuer les menaces qui pèsent sur l’intégrité électorale et, le cas échéant, de conseiller le commissaire électoral sur la façon de gérer ces menaces. Après le référendum, le commissaire électoral australien, Tom Rogers, a déclaré que les organismes de l’EIAT n’avaient pas relevé d’ingérence étrangère, ou toute autre ingérence, susceptibles de compromettre l’organisation du référendum de 2023 ou de miner la confiance du peuple australien dans les résultats du référendum. De plus, l’EIAT prodigue sur demande une assistance aux commissions électorales des États et des territoires de l’Australie pour veiller à l’intégrité de leurs élections. En 2023, il a appuyé les élections en Nouvelle-Galles du Sud.
Pleins feux sur les pays et les organismes
Cette section présente brièvement comment les membres du MRR du G7 ont contré les menaces à la démocratie en sensibilisant la population à la manipulation de l’information et à l’ingérence étrangère, en lançant des stratégies et des initiatives ainsi qu’en adoptant des lois et en veillant à leur application.
Canada
En 2023, le gouvernement du Canada a fait deux déclarations publiques condamnant l’ingérence de la RPC et soulignant la campagne de la RPC visant le Canada. La première campagne détectée par le Mécanisme de réponse rapide du Canada (MRR Canada) fut une opération d’information ciblant un membre du parlement. Elle a été déployée sur la plateforme de média social WeChat, où un réseau coordonné de nouveaux comptes ont publié et répandu de l’information fausse ou trompeuse sur leur identité, leur position politique et leur héritage familial.Note de bas de page 31
La deuxième opération d’ingérence probable de la RPC qu’a découverte le MRR du Canada fut la campagne liée au réseau « Spamouflage », qui ciblait des douzaines de députés issus de divers partis politiques, y compris de hauts responsables politiques canadiens. Cette campagne a utilisé un réseau de robots qui a publié des milliers de commentaires en anglais et en français sur les comptes Facebook et X (anciennement Twitter) des députés, affirmant qu’un porte-parole du Parti communiste chinois au Canada avait accusé des députés d’agissements contraires à l’éthique et d’actes criminels.Note de bas de page 32 Le Canada a répondu en avisant les parlementaires visés, en communiquant avec les responsables des plateformes concernées et en portant ses préoccupations à l’attention de la RPC.
Union européenne
En 2023, le SEAE a adopté des structures et des mesures concrètes pour détecter et exposer systématiquement la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère. La boîte à outils relative aux activités de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère de l’UE a été élaborée suivant l’établissement du FIMI Information Sharing and Analysis Centre (FIMI-ISAC)Note de bas de page 33 — une étape importante vers la création d’une approche communautaire et d’un réseau de militants contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, en collaboration avec la société civile et d’autres parties prenantes. Le SEAE a aussi publié son premier rapport sur les menaces de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère,Note de bas de page 34 dans lequel il propose l’établissement d’une méthodologie et d’un cadre d’analyse communs pour les partenaires gouvernementaux et internationaux.
Dans le cadre de la campagne EUvsDisinfo, le SEAE a continué à dénoncer l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, à renforcer le soutien de l’UE à l’Ukraine et à fournir des données probantes pour sanctionner davantage d’instruments russes de propagande de guerre ainsi que de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère. Le projet EUvsDisinfo a touché plus de 20 millions de personnes et il a contribué à améliorer la résilience de pays partenaires, par la collaboration avec les gouvernements et des acteurs de la société civile qui jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, notamment en Ukraine et en Moldavie. Pour favoriser la sensibilisation sur le continent africain, un groupe de travail StratCom dédié à l’Afrique subsaharienne a été créé au sein de la direction des communications stratégiques du SEAE. En outre, le SEAE a continué à contrer la manipulation de l’information et l’ingérence chinoise.
France
En 2023, la France a exposé publiquement pour la première fois une campagne de manipulation de l’information pro-russe, « RRN », également connue sous le nom de « Doppelgänger ». S’appuyant sur un rapport technique de VIGINUM, le service français ayant pour mission de surveiller les ingérences numériques étrangères et de protéger le public contre celles-ci, le ministre français des Affaires étrangères a dénoncé des opérations d’information russes visant à saper le soutien étranger apporté à l’Ukraine. La dénonciation publique de la campagne en cours avait pour but de renforcer la résistance de la société civile face aux nouvelles campagnes, y compris les efforts visant à générer un faux intérêt et à susciter la controverse à l’égard des graffitis de l’étoile de David à Paris. Cette dénonciation publique a aussi contribué à la mise en œuvre des premières sanctions de l’UE contre les opérateurs de désinformation russes.
En juillet 2023, VIGINUM a organisé sa première conférence publique afin de renforcer davantage les partenariats en rassemblant des acteurs importants de la société civile, des médias et des universitaires pour parler de la manipulation de l’information et échanger des pratiques exemplaires.
Allemagne
En Allemagne, l’ingérence étrangère demeure l’un des principaux enjeux sociopolitiques et problèmes de sécurité. En 2023, le gouvernement fédéral allemand a réagi à une puissante vague de campagnes de manipulation de l’information en créant une unité inter-agences, le Central Office for the Detection of Foreign Information Manipulation. Ce bureau central est chargé de repérer et de quantifier les campagnes de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère le plus rapidement possible à l’aide de renseignement de sources ouvertes. Cela comprend l’identification des renseignements disséminés explicitement par des comptes de médias sociaux d’acteurs étrangers dans l’espace d’information allemand.
Le groupe de travail interministériel contre la désinformation reliera les activités du bureau central à d’autres unités gouvernementales. Dirigé par le ministère fédéral de l’Intérieur, le groupe de travail continuera de favoriser une coopération étroite pour répondre aux menaces hybrides, en particulier la désinformation.
De surcroît, l’Allemagne a de nouveau intensifié son travail au niveau infranational et continue de partager les meilleures pratiques dans ce domaine avec ses partenaires internationaux. Le groupe de travail fédéral et étatique conjoint sur les menaces hybrides se penche sur la question à l’ordre municipal et fédéral, tout en élaborant un plan d’action conjoint pour lutter contre la désinformation.
En vertu de l’approche pansociétale de l’Allemagne, la coopération avec la société civile pour lutter contre l’ingérence étrangère, y compris la désinformation, a été renforcée en 2023. Par exemple, le ministère fédéral de l’Intérieur a octroyé du financement à un projet d’initiation aux médias destiné aux jeunes et a appuyé un projet de participation civique, dans lequel les citoyens ont créé des propositions de moyens de contrer le contenu préjudiciable et manipulé, de protéger la liberté d’expression et de consolider le débat démocratique.
Italie
En 2023, l’Italie a connu une hausse de la désinformation russe sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, tout en étant victime d’attaques contre les principes démocratiques, les institutions, les représentants gouvernementaux et les médias. L'une de ces attaques a été réalisée par des domaines de type« typosquatting », également appelé le« détournement d'URL », visant à publier des articles dans de grands journaux italiens pour cibler le soutien de la première ministre italienne pour l’Ukraine.
En réponse, et en lien avec sa stratégie nationale de cybersécurité 2022-2026, l’Italie a renforcé la coopération et la collaboration entre les ministères pour lutter contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère. En 2023, le ministère de l’Information et de l’Édition du Cabinet de la Première ministre a aussi adopté des mesures spécifiques pour renforcer la lutte contre la désinformation, notamment l’exigence que les organes de presse majeurs offrant des services à l’administration publique fassent appel à des conseillers indépendants pour contrer les fausses nouvelles. L’Italie a également renforcé la sensibilisation et la résilience du public. Par exemple, la radiotélévision nationale italienne, RAI, et l’Italian Digital Media Observatory a mené une vaste campagne d’éducation numérique (appelée « Unis contre la Désinformation ») à la télévision et en ligne pour sensibiliser le public, qui a atteint plus de 800 millions de personnes.
Japon
En juillet 2023, l’AIEA a conclu que le déversement d’eau traitée par l’ALPS dans la mer et les activités connexes sont conformes aux normes de sécurité internationales et que le déversement n’aurait qu’un effet radiologique négligeable sur les humains et l’environnement. Dans la période précédant et suivant la présentation du rapport de l’AIEA et le début du déversement, de la mésinformation et de la désinformation ont été propagées dans divers médias traditionnels et sociaux. Des acteurs malveillants ont utilisé une série de tactiques, comme la publication de caricatures en ligne conçues pour inciter la peur, la falsification de documents pour discréditer l’authenticité du rapport de l’AIEA, la production de fausses activités en ligne, comme l’utilisation de robots, et la création de faux comptes pour diffuser et amplifier la désinformation.
En réponse, le gouvernement japonais a disséminé activement de l’information sur l’eau traitée par l’ALPS en toute transparence en utilisant des données scientifiques. Il a aussi organisé des séances d’information avec des gouvernements et des médias étrangers, a disséminé des renseignements scientifiques dans plusieurs langues en ligne, notamment sous la forme de publications dans les médias sociaux et de courtes vidéos, et a publié des articles et des communiqués de presse réfutant des reportages erronés et des faux. En diffusant de l’information dans des vidéos, des infographies et d’autres formats, le gouvernement japonais a reçu une grande quantité de réactions positives et d’encouragements.
Royaume‑Uni
Le Royaume-Uni reconnaît la menace que posent la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère à notre résilience démocratique. Il s’emploie donc à amplifier ses efforts visant à contrer la manipulation de l’information et l’ingérence parrainées par un État étranger et à veiller à une meilleure harmonisation avec ses partenaires les plus proches. Notamment, il a pris des mesures conjointes pour exposer les opérations d’information étrangères et les acteurs malveillants, qui cherchent à répandre des mensonges et de la discorde afin d’ébranler les sociétés libres et ouvertes, et, particulièrement, pour aider l’Ukraine à contrer la désinformation et la propagande du Kremlin cherchant à justifier une invasion injustifiable. Le Royaume-Uni s’applique à instaurer des défenses mondiales contre la manipulation de l’information et l’ingérence étrangère, et à promouvoir la résilience sociétale en développant la capacité des gouvernements partenaires à détecter et contrer les menaces de manipulation de l’information et d’ingérence étrangère en Europe, en Asie centrale et en Europe orientale.
États-Unis
En 2023, les États‑Unis ont élaboré et lancé le Cadre de lutte contre la manipulation de l’information par un État étranger. Ce cadre vise à permettre de parvenir à une même compréhension de la menace de manipulation de l’information par des acteurs étrangers et à établir une image commune de la situation opérationnelle à partir de laquelle les États-Unis, en coordination avec leurs alliés et leurs partenaires, pourront élaborer des interventions face à la manipulation étrangère de l’information et protéger les sociétés libres et ouvertes. Le cadre vise également à consolider la coopération entre les partenaires aux vues similaires et d’appuyer la création d’écosystèmes d’information factuels et résilients.
Le cadre repose sur cinq domaines d’action prioritaires :
- stratégies et politiques nationales
- structures de gouvernance et institutions
- capacités humaines et techniques
- société civile, médias indépendants et monde universitaire
- engagement multilatéral
Grâce à leur engagement envers ces cinq domaines d’action prioritaires, les États-Unis et leurs partenaires et alliés collaborent à renforcer la résilience de la société à la manipulation de l’information par des acteurs étrangers.
De plus, les États‑Unis ont augmenté leur utilisation de rapports d’exposition afin d’entraver les campagnes de désinformation et d’informer le public quant aux tactiques, aux techniques et aux procédures de manipulation de l’information utilisées par des pays comme la Russie et la RPC. En août 2023, le Global Engagement Center du Département d’État des États-Unis a publié un rapport historique intitulé « How the People’s Republic of China Seeks to Manipulate the Global Information Environment » (Comment la République populaire de Chine cherche à remodeler l’environnement mondial de l’information). D’autres rapports de dénonciation contenaient des analyses sur les tentatives russes de désinformation concernant l’invasion de l’Ukraine, l’Initiative céréalière de la mer Noire, ainsi que les liens entre la Russie et le groupe néo-fasciste Nova Resistência au Brésil.
Australie
En novembre 2022, le Sénat australien a constitué un Comité spécial sur l’ingérence étrangère par l’entremise des médias sociaux, chargé d’enquêter sur les risques que l’ingérence étrangère par l’entremise des médias sociaux pose à la démocratie australienne. Le rapport définitif du comité a été déposé en août 2023 et ilcomprend 17 recommandations visant à atténuer les risques. Le rapport indique [traduction] : « Qu’on le veuille ou non, les plateformes de médias sociaux ne sont pas que la principale voie de communication dans nos économies modernes : elles tiennent également le rôle de place publique des démocraties... Les États autoritaires étrangers l’ont compris. Ils ne laissent pas place aux débats ouverts et libres sur leurs propres plateformes de médias sociaux. Ils utilisent nos plateformes comme vecteur d’information afin de façonner notre prise de décision dans leur intérêt national, qui est contraire au nôtre. » La lutte contre l’ingérence étrangère par l’entremise des médias sociaux est donc devenue le problème de sécurité le plus pressant en Australie.
Le 19 décembre 2023, l’homme d’affaires australo-chinois Di Sanh, aussi connu sous le nom Sunny Duong, a été reconnu coupable de s’être préparé à commettre une ingérence étrangère, ce qui contrevient à l’article 92.4 de la Loi du Code Criminel de 1995. Il s’agissait de la première fois où une personne était reconnue coupable d’ingérence étrangère en Australie. M. Duong a été reconnu coupable d’avoir tenté d’influencer secrètement l’ancien ministre fédéral Alan Tudge par l’entremise de dons hospitaliers, en vue de favoriser l’atteinte des objectifs du Parti communiste chinois. Le 29 février 2024, M. Duong a écopé d’une peine d’emprisonnement de deux ans et neuf mois, sans possibilité de liberté conditionnelle avant un an.
Nouvelle‑Zélande
En août 2023, la Nouvelle‑Zélande a publié une série de documents de sécurité nationale, offrant un aperçu sur sa sécurité nationale, sa défense et sa perspective de politique étrangère. Ceci comprends le premier rapport non classifié sur l’environnement des menaces à la sécurité, abordant l’ingérence étrangère et l’espionnage. La Nouvelle-Zélande a également publié sa première stratégie de sécurité nationale, qui met en lumière les risques fondamentaux pour les intérêts du pays en matière de sécurité nationale, dont l’ingérence étrangère, l’espionnage et la désinformation. Ces documents visent à bonifier la compréhension publique des menaces à la sécurité nationale et ils établissent des plans d’adaptation aux changements de l’environnement. La Nouvelle‑Zélande s’inquiète particulièrement des effets de l’ingérence étrangère sur ses communautés ethniques, qui sont souvent les plus directement touchées par ces menaces. L’année dernière, pour remédier à cette situation, la Nouvelle‑Zélande a créé un programme de quatre ans sur la mobilisation de ses communautés ethniques. La Nouvelle‑Zélande s’est également employée à élargir la compréhension de la société civile aux préjudices par la désinformation et à renforcer sa résilience contre ces derniers.
Suède
La première moitié de 2023 fut largement déterminée par la présidence de la Suède au Conseil de l’Union européenne, qui a donné lieu à des travaux dans l’éventail complet des activités liées à l’influence étrangère malveillante et aux menaces hybrides. Le groupe de travail StratCom du SEAE en Afrique subsaharienne représente un résultat clé atteint durant la présidence de la Suède.
En 2023, à la suite de campagnes d’influence d’informations malveillantes étrangères ciblant la Suède, le gouvernement suédois a attribué de nouvelles directives aux organismes gouvernementaux. Les tâches visaient à augmenter la résilience à l’étranger aux assertions fausses et trompeuses et à la désinformation au sujet de la Suède, ainsi qu’à promouvoir activement la diffusionde faits dans des langues appropriées et à réaliser un grand investissement à long terme en Suède pour renforcer l’éducation du public national au sujet des médias et de l’information et des . À long terme, les tâches cherchaient à accroître la résilience de la société à la désinformation et aux activités d’influence malveillante étrangère d’information .
Organisation du Traité de l’Atlantique Nord
En 2023, l’OTAN a redoublé ses efforts pour contrer les menaces informationnelles en intensifiant la « pré-démystification » des narratifs russes, notamment celles au sujet de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, et en opérationnalisant cette approche par la création à l’interne d’un nouveau groupe de travail pour lutter contre la désinformation. Les analystes au sein de l’organisation misent sur les mégadonnées et les outils basés sur l’IA pour signaler des cas d’informations hostiles au groupe de travail, afin de contribuer à l’élaboration d’un portrait global de la situation pour l’Alliance. Les membres du groupe de travail, à leur tour, coordonnent les options de réponses les plus appropriées en fonction des entrées synthétisées découlant des domaines de l’évaluation de l’environnement d’information, des médias et du renseignement.
Pour renforcer la résilience sociétale, l’OTAN adopte une approche pansociétale. Elle collabore avec des journalistes, des individus de la société civile et des milieux universitaires, des leaders d’opinion importants, des créateurs de contenu, des organismes de renseignement de sources ouvertes et d’autres. En plus de soutenir les efforts internationaux, l’OTAN soutient des projets locaux. Ce faisant, l’OTAN accroît la résilience des citoyens à long terme et renforce le soutien autant pour l’Ukraine que pour l’OTAN. Une grande partie du travail qu’accomplit l’OTAN pour lutter contre la désinformation est transmise en russe. Malgré les restrictions imposées aux médias, à la société civile et aux voix d’opposition en Russie, l’OTAN s’adresse à la fois à distance et en personne à des publics cibles russophones – autant en format numérique qu’en personne - pour aborder la lutte contre les menaces informationnelles sur l’OTAN en russw, et pour démystifier certains des mythes les plus répétés.
Pays‑Bas
Aux Pays-Bas, l’année 2023 a été marquée par le lancement et la mise en œuvre d’une stratégie pangouvernementale pour lutter contre la désinformation, qui avait été présentée en décembre 2022. La stratégie définit plusieurs lignes d’action selon deux axes : 1) renforcer le débat public, et 2) réduire les répercussions de la désinformation. Les Pays‑Bas ont tenu des élections parlementaires en novembre 2022. Aucune campagne de désinformation pertinente n’a été repérée durant les élections. Le ministère de l’Intérieur a utilisé une fois le mécanisme d’acheminement d’urgence de la plateforme X en raison de faux rapports qui risquaient de désorienter les électeurs et les électrices en les amenant à déposer un bulletin de vote invalide. En novembre 2023, les Pays‑Bas ont officiellement adopté un cadre d’intervention pour la lutte contre les menaces hybrides après avoir mis à l’essai le mécanisme dans une phase pilote. Le cadre vise à établir une structure interagences pour encadrer une approche pangouvernementale à la lutte contre les menaces hybrides.
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