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Débat ouvert du Conseil de sécurité : Les femmes, la paix et la sécurité - Violences sexuelles en période de conflit

Déclaration de l'Ambassadeur Michael Grant, Représentant permanent adjoint du Canada auprès des Nations Unies, au nom du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité

New York, le 15 mai 2017

Madame la présidente/Monsieur le président,

Je suis heureux de parler au nom du Groupe des amis des femmes, de la paix et de la sécurité, un réseau informel de 53 États membres présidé par le Canada et représentant les 5 groupes régionaux des Nations Unies.

Nous remercions l’Uruguay d’avoir organisé le débat public d’aujourd’hui. Nous souhaitons aussi remercier Mme Zainab Bangura pour son service exemplaire à titre de Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit au cours des cinq dernières années. En outre, nous félicitons Mme Pramila Patten dans ses nouvelles fonctions de RSSG, pour lesquelles elle pourra compter sur notre soutien total dans la réalisation de son mandat.

Nous sommes indignés des actes de violence sexuelle persistants et généralisés commis dans les conflits armés par des acteurs étatiques et non étatiques, comme indiqué dans le plus récent rapport du Secrétaire général. La violence sexuelle est de plus en plus utilisée comme tactique de guerre et il s’agit d’une violation flagrante et inacceptable du droit humanitaire international et des normes internationales relatives aux droits de la personne. Nous sommes bien conscients que le nombre déjà impressionnant de cas de violence sexuelle signalés dans le contexte des conflits ne représente qu’une fraction du nombre réel de cas. En outre, la violence sexuelle dans les conflits est devenue une cause et une conséquence des déplacements forcés.

Nous sommes consternés par les actes de violence sexuelle, y compris les viols, les mariages précoces et forcés ainsi que l’esclavage, commis par les groupes terroristes. Nous trouvons également alarmant que de tels actes fassent désormais partie des objectifs stratégiques et de l’idéologie de certains groupes terroristes, notamment comme méthode de recrutement, de financement, d’intimidation et de destruction de collectivités, comme l’indique la résolution 2331 du Conseil de sécurité. Il faut mettre un terme à ces gestes haineux, dont les auteurs doivent être traduits en justice, et il faut apporter une aide exhaustive aux victimes et aux survivants de ces crimes pour qu’ils puissent se remettre entièrement de ces violations et être en mesure de réintégrer la société.

Madame la présidente/Monsieur le président,

Nous soulignons qu’un climat d’impunité freine le signalement, compromet le soutien et favorise de nouvelles violations. La lutte contre la violence sexuelle dans les conflits doit être considérée comme un moyen de prévenir les conflits. Nous préconisons donc la responsabilisation pour les actes de violence sexuelle dans les conflits armés, y compris pour les gestes constituant des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des génocides. Les enquêtes efficaces et la documentation sur la violence sexuelle dans les conflits armés sont essentielles afin de garantir l’accès à la justice pour les victimes en obligeant les auteurs à rendre des comptes. Plusieurs mécanismes de reddition de comptes importants sont en place. Toutefois, la responsabilisation dépend aussi des cadres juridiques et fondés sur la preuve pour condamner ces crimes. À ce sujet, nous soulignons l’existence du Protocole international relatif aux enquêtes sur les violences sexuelles dans les situations de conflit ainsi que les travaux de l’Équipe d’experts de l’état de droit et des questions touchant la violence sexuelle liée aux conflits.

Nous recommandons aussi que des mécanismes de reddition de comptes internationaux et les propres régimes de sanctions du Conseil reçoivent le mandat et les ressources nécessaires pour enquêter précisément sur la violence sexuelle dans les conflits. Nous saluons les efforts déployés afin de traduire en justice Daech et les autres groupes terroristes pour les crimes que leurs membres ont commis pendant les conflits, y compris des actes de violence sexuelle. Nous devons toutefois nous souvenir que la défaite militaire des auteurs des crimes ne remplace pas une condamnation des crimes et la reconnaissance des souffrances des victimes.

La reddition de comptes et la prévention de la violence sexuelle devraient être incluses dans les accords de paix, notamment, le cas échéant, dans les mécanismes de justice transitionnelle favorisant la justice, la vérité, les réparations et les mesures visant à éviter que la situation ne se répète. Les auteurs d’actes de violence sexuelle ne devraient pas bénéficier d’une amnistie et la violence sexuelle devrait être formellement interdite dans les conditions des cessez-le-feu et les accords de paix. À l’ONU, les commandants de la Force devraient rencontrer plus souvent les membres de la société civile et les pays fournisseurs d’effectifs militaires et de police devraient déployer plus de femmes à titre d’intermédiaires pour la communication d’informations d’alerte rapide essentielles.

La responsabilisation doit être accompagnée d’un soutien efficace et multisectoriel pour les survivants, dont le profond traumatisme peut persister longtemps après la fin du conflit. Des efforts supplémentaires sont nécessaires sur tous les plans pour veiller à ce que les survivants aient accès à un large éventail de moyens de subsistance et de services juridiques, psychosociaux et médicaux non discriminatoires. Nous devons être solidaires des survivants, non seulement en paroles, mais aussi en actes. De plus, l’aide humanitaire doit lutter contre la violence sexuelle et sexiste grâce à des mesures préventives et réactives et être fondée sur une approche programmatique sensible aux genres.

En outre, nous ne devons pas accepter que la violence sexuelle soit amplifiée par la honte associée à la stigmatisation, dont les conséquences ne sont que trop réelles et souvent fatales. Cette stigmatisation ne fait qu’aggraver la marginalisation des survivants et constitue un obstacle au rétablissement complet et à la réintégration dans la société. La société, y compris les chefs traditionnels et religieux, doit s’allier pour soutenir les survivants. Nous devons déclarer une bonne fois pour toutes que ce sont les auteurs des crimes qui devraient avoir honte, non leurs victimes.

Madame la présidente/Monsieur le président,

Pour finir, je voudrais souligner que les inégalités causent et accentuent la violence sexuelle liée aux conflits, qui se poursuivra tant que ces iniquités persisteront. Pour ces raisons, et beaucoup d’autres encore, il incombe à tous les États membres de redoubler d’efforts pour atteindre l’égalité entre les sexes, garantir aux femmes et aux filles le respect total de leurs droits en tant que personnes et permettre à celles-ci de contribuer pleinement et activement à la société.

Permettez-moi maintenant d’ajouter brièvement cinq points à titre de représentant du Canada.

Tout d’abord, le Canada est indigné par l’ampleur et la portée de la violence sexuelle dans les situations de conflit. Bien que nous ayons observé des progrès à d’autres chapitres du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, il semble que ce fléau ne fait que s’aggraver, devenant de plus en plus cruellement étendu.

Deuxièmement, l’utilisation systématique de la violence sexuelle comme arme de guerre exige une réponse efficace et rapide. Les États membres ne peuvent simplement dénoncer la situation, sans prendre les mesures en leur pouvoir pour aider les survivants. C’est pourquoi le Canada contribue à l’Initiative d’intervention rapide au service de la justice, afin d’aider à réagir et à faire enquête sur les violences sexuelles. C’est aussi pourquoi nous nous sommes engagés à accueillir quelque 1 200 survivants de Daech cette année, notamment des femmes et des enfants yézidis vulnérables et leurs familles. Nous nous réjouissons des efforts que font la Représentante spéciale du Secrétaire général et le Royaume-Uni en vue de remédier à la stigmatisation des survivants.

Troisièmement, nous continuerons aussi à empêcher que de tels actes ne se produisent en premier lieu. À cet égard, il faut rappeler l’importance de faire participer les hommes et les garçons aux efforts de prévention.

Quatrièmement, alors que la grande majorité des auteurs de violences sexuelles en période de conflit sont des hommes, nous devons être conscients qu’il y a également des hommes et des garçons parmi les victimes. Il est donc impératif que l’ONU et les États membres veillent à ce que toute analyse comparative entre les sexes examine l’impact de ces violences chez les hommes et les garçons, de même que chez les femmes et les filles.

Enfin, il incombe à tous les États membres de l’Organisation des Nations Unies de faire partie de la solution et non du problème. Le Canada demeure profondément préoccupé par toute forme d’exploitation ou de violences sexuelles commises par des membres du personnel de l’ONU, des Casques bleus ou des membres de forces non onusiennes. Les États membres, y compris tous les membres du Conseil de sécurité, doivent donner suite à leur promesse de tolérance zéro en prenant des mesures concrètes et efficaces concernant leur propre personnel. Surtout, ils ne doivent pas s’opposer aux initiatives clés proposées par le Secrétaire général pour aider à guérir l’ONU de ce cancer.

Vous pouvez compter sur le Canada pour faire sa part dans la résolution de ce problème vital.

Merci.

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