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L'approche féministe du Canada pour aborder la prestation de soins non rémunérée et rémunérée dans le contexte de l'aide internationale

Le présent guide vise à permettre aux partenaires de mise en œuvre de mieux comprendre la démarche qu'entend suivre le gouvernement du Canada à l'égard de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée dans le contexte de l'aide internationale, en particulier en ce qui concerne l'élaboration de programmes de soins ancrés dans une approche féministe. Le guide comprend de l'information sur nos attentes concernant la façon dont les partenaires de mise en œuvre intègrent les questions liées aux soins dans leur analyse et leur conception de projets.

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Terminologie de la prestation de soins

Prestation de soins non rémunérée

La prestation de soins non rémunérée désigne la prestation de soins informelle, sans rémunération; il s'agit notamment :

Prestation de soins rémunérée

La prestation de soins rémunérée désigne les soins directs offerts aux personnes, y compris les soins personnels et les tâches domestiques connexes, effectuées au sein d'un ménage ou d'un établissement, moyennant paiement ou profit, souvent dans le secteur informel. Il peut s'agir notamment :

Économie des soins

L'économie des soins englobe toutes les formes de prestation de soins, rémunérées ou non, fournies dans un cadre formel ou informel, par des membres du ménage, de la communauté, de l'État, du secteur privé, de la société civile, entre autres, ou par leur entremise.

Manque de temps

Manque de temps discrétionnaire, y compris pour satisfaire aux besoins de base en matière de repos et de loisirs, en raison des heures excessives de travail, qu'il s'agisse de travail rémunéré ou non.

Pourquoi la prestation de soins non rémunérée et rémunérée revêt-elle une importance?

La prestation de soins est essentielle au bien-être humain et à la croissance économique durable. Toutefois, partout dans le monde, elle demeure négligée, sous-évaluée et fortement genrée. Selon les données de l'OIT, dans le monde, 16,4 milliards d'heures par jour sont consacrées à la prestation de soins non rémunérée, soit l'équivalent de 11 000 milliards de dollars américains, c.-à-d. 9 % du produit intérieur brut mondial, une proportion qui la rend deux fois plus importante que le secteur agricole mondial.

Les femmes âgées de 15 ans et plus consacrent en moyenne 3,2 fois plus de temps que les hommes à la prestation de soins non rémunérée (ce rapport varie selon les régions : c'est 1,7 fois plus dans les Amériques; 3,4 fois plus en Afrique; 4,1 fois plus en Asie-Pacifique; 4,7 fois plus dans les États arabes, selon les données de l'OIT). Une part importante de la prestation de soins non rémunérée est accomplie dans des conditions pénibles, qui, combinées au manque de temps, peuvent entraîner des tensions physiques et émotionnelles (parfois appelées « épuisement »). La responsabilité disproportionnée des femmes et des filles en ce qui concerne la prestation de soins non rémunérée restreint leurs possibilités d'éducation, d'emploi, de participation aux sphères politiques et sociales et de loisirs, affecte leur santé et les rend plus susceptibles à la pauvreté.

La répartition entre les genres de la prestation de soins non rémunérée varie également en fonction du ménage et de la communauté et de facteurs tels que la religion, la culture et le niveau de revenu, mais pèse le plus sur les femmes et les filles selon des formes multiples de discrimination qui se recoupent. Lorsque les femmes en âge de travailler ne sont pas en mesure de fournir des soins, le ménage se tourne souvent vers les enfants, en particulier les adolescentes, et les femmes âgées pour s'acquitter de ce rôle.

Selon un rapport de l'UNICEF publié en 2016, les filles âgées de 5 à 14 ans consacrent 40 % plus de temps aux tâches ménagères non rémunérées et à la collecte d'eau et de bois de chauffage que les garçons de leur âge; les filles âgées de 10 à 14 ans en Asie du Sud et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord y consacrent près de deux fois plus de temps. Les filles sont souvent plus nombreuses que les garçons à abandonner leurs études secondaires notamment parce qu'on attend d'elles qu'elles participent aux tâches ménagères. L'exécution par les enfants de travaux légers, notamment de tâches ménagères, peut contribuer de manière importante au bien-être du ménage et à leur propre passage à l'âge adulte. Cependant, lorsque la quantité et le type de tâches de soins non rémunérées effectuées par les enfants, en particulier les filles, les empêchent d'aller à l'école ou de suivre une formation, compromettent leur sécurité, leur santé ou leur développement, ou les privent de leur enfance, de leur potentiel ou de leur dignité, cela peut être considéré comme du travail des enfants, conformément aux définitions de l'OIT.

Les femmes sont également disproportionnellement représentées dans l'économie informelle de la prestation de soins rémunérée, qui se caractérise par de faibles salaires, un faible statut, des conditions de travail médiocres et des protections sociales limitées. Les données de l'OIT à l'échelle mondiale montrent que la prestation de soins rémunérée représente 19,3 % du travail effectué par des femmes. Les travailleurs chargés de la prestation de soins rémunérée comprennent 75,6 millions de travailleurs domestiques dans le monde, dont 76,2 % sont des femmes. Sur l'ensemble des travailleurs domestiques, 81,2 % occupent un emploi informel. Ces travailleurs subissent certaines des pires conditions de travail de tous les travailleurs chargés de la prestation de soins et sont particulièrement vulnérables à l'exploitation.

La prestation de soins non rémunérée et rémunérée représente les deux faces d'une même médaille. Le manque de reconnaissance et de valorisation de la prestation de soins non rémunérée se manifeste dans la manière dont la prestation de soins rémunérée est considérée comme un « travail de femme ». Et pour les femmes sur le plan individuel, toute réduction de leurs propres responsabilités en matière de prestation de soins non rémunérée repose souvent sur leur accès à une main-d'œuvre sous-payée, vulnérable et principalement féminine.

Les défis associés à la prestation de soins non rémunérée et rémunérée sont exacerbés dans les contextes fragiles et les périodes de crise, y compris les catastrophes naturelles et les conflits. La pandémie de COVID­19 a exacerbé la nature inégale de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée. Elle a mis en lumière la nature essentielle de la prestation de soins et aggravé l'inégalité entre les genres qui la caractérise. La fermeture des écoles et des garderies, la maladie de membres de la famille et les services de santé débordés ont considérablement augmenté le fardeau de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée pesant sur les femmes et les filles, ce qui a eu des effets négatifs sur leur participation à l'emploi, à l'éducation et à la vie publique. Les femmes occupent un pourcentage disproportionné de postes de travailleurs de la santé et de soins de longue durée. Elles sont confrontées à un double fardeau : elles peuvent être appelées à prolonger leurs heures de travail en raison de la demande accrue pour des services de santé, et elles doivent travailler davantage à domicile pour prendre soin de leur famille. Les travailleurs domestiques, en particulier les travailleurs domestiques migrants, subissent une détérioration de leurs conditions de travail et une précarisation de leur emploi, ainsi que des risques accrus pour la santé. Sans intervention proactive, on s'attend à ce que ces effets négatifs pour les femmes et pour les familles se prolongent.

Prestation de soins non rémunérée et rémunérée dans le contexte des politiques et programmes d'aide internationale

La reconnaissance de la nécessité pressante de réagir à la responsabilité disproportionnée et lourde que portent les femmes et les filles aux fins de la prestation des soins et de s'attaquer aux mauvaises conditions de travail des personnes qui prennent en charge la prestation de soins s'impose de plus en plus dans le cadre du programme d'action mondial. L'Objectif de développement durable no 5 (égalité entre les sexes) demande aux États de « faire une place aux soins et travaux domestiques non rémunérés et les valoriser, par l'apport de services publics, d'infrastructures et de politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités dans le ménage et la famille, en fonction du contexte national » (cible 4) afin d'atteindre l'égalité des genres et le développement durable.

Le gouvernement du Canada élabore des programmes afin de traiter des enjeux liés à la prestation de soins non rémunérée et à la charge disproportionnée des soins qui pèse sur les épaules des femmes dans le monde entier. Cette approche est fondée sur la Politique d'aide internationale féministe du Canada, qui part du principe selon lequel l'égalité des genres et le renforcement du pouvoir des femmes et des filles représentent le meilleur moyen de bâtir un monde plus pacifique, inclusif et prospère. Le fait de s'attaquer aux problèmes de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée et d'investir dans l'économie des soins peut permettre de réaliser un triple gain. Tous les aspects suivants peuvent en bénéficier :

La pandémie de COVID-19, qui exacerbe les inégalités et met en lumière la crise imminente de la prestation de soins, nous amène à chercher à approfondir et à élargir les programmes conçus pour relever ces défis, au moyen de programmes qui reconnaissent, réduisent et règlent la répartition inégale de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée et qui soutiennent les travailleurs chargés de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée et protègent leurs droits afin de s'attaquer à une cause fondamentale des inégalités dans le monde. Le Canada a l'occasion de mieux faire connaître les questions liées à la prestation de soins non rémunérée et rémunérée à l'échelle internationale, de recueillir et de diffuser des preuves de ce qui fonctionne pour résoudre les problèmes liés à la prestation de soins non rémunérée et rémunérée et d'amorcer un changement significatif et durable dans ce domaine essentiel.

Pour contribuer à l'atteinte de ces objectifs, le gouvernement du Canada cherchera à approfondir et à élargir les programmes conçus pour aborder la question des soins en envisageant de soutenir des initiatives autonomes qui visent principalement à résoudre des enjeux rattachés à la prestation de soins non rémunérée ou rémunérée en ayant un effet transformateur sur les inégalités entre les sexes, ainsi que des projets qui intègrent ces considérations dans leurs plus vastes objectifs.

Étant donné que les questions relatives à la prestation de soins sont pertinentes dans tous les champs d'action, secteurs et régions visés par la Politique d'aide internationale féministe, le Canada adopte une démarche globale pour intégrer les considérations relatives à la prestation de soins afin d'aborder la question de manière efficace. Dans le cadre de ses programmes sur la prestation de soins, le Canada cherchera à accroître la participation des femmes et des filles à des activités économiques, éducatives, politiques, communautaires et de loisirs conformes à leur propre choix, ainsi que la protection et la promotion des droits et des besoins de tous les travailleurs chargés de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée, en particulier les femmes et les filles.

Afin d'assurer que les programmes tiennent compte de la question des soins, nous demanderons aux partenaires de mise en œuvre, pour tous les nouveaux projets faisant l'objet d'une demande de financement, d'intégrer cette question dans l'analyse comparative entre les sexes plus (ACS+) et l'analyse des droits de la personne de leurs projets et d'utiliser les renseignements qui en seront tirés pour éclairer la conception du projet et la théorie du changement, le cas échéant (voir les conseils qui suivent pour en savoir davantage). Nous évaluerons les propositions en tenant compte de la mesure dans laquelle elles intègrent une évaluation claire des enjeux liés aux soins relevés dans l'ACS+ et des stratégies à adopter pour relever les défis et saisir les occasions concernant la prestation de soins, ou expliquent pourquoi cela n'est pas pertinent.

Nous reconnaissons également que le fait de ne pas prendre en compte la prestation de soins non rémunérée peut limiter la capacité des projets dans les champs d'action à atteindre les résultats escomptés. À l'inverse, il est essentiel de s'attaquer concrètement aux obstacles systémiques que rencontrent les femmes et les filles en raison de leurs responsabilités à l'égard de la prestation de soins non rémunérée afin de favoriser leur participation à part entière, ce qui pourrait améliorer la profondeur, la durabilité et l'ampleur des résultats des projets. Ainsi, dans le cadre de l'ACS+, les partenaires de mise en œuvre doivent également évaluer dans quelle mesure les questions liées à la prestation de soins peuvent entraver les résultats du projet et, lorsque des difficultés sont relevées, proposer des solutions. Les dépenses liées à la prestation de soins, notamment en ce qui concerne les services de garde qui doivent être mis à la disposition des bénéficiaires qui participent aux programmes de formation, peuvent être autorisées s'il peut être démontré qu'elles facilitent la réalisation des objectifs du projet. Les partenaires de mise en œuvre sont également invités à revoir les projets en cours afin de déterminer comment les responsabilités en matière de prestation de soins pourraient avoir une incidence sur l'atteinte des résultats escomptés et trouver des façons de régler ce problème.

Principes féministes pour les interventions du Canada dans le domaine de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée

Les principes suivants, structurés selon les principes féministes généraux du Canada, guideront nos interventions dans le domaine de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée. Ils devraient être lus conjointement avec le document intitulé Approche féministe – Note d'orientation sur l'innovation et l'efficacité et d'autres directives et politiques sur l'égalité des genres.

Fondée sur les droits de la personne et inclusive

Ce principe nécessite d'évaluer les inégalités vécues par les femmes et les filles dans toute leur diversité, en examinant la façon dont leur expérience de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée est influencée par divers facteurs d'identité qui se recoupent, comme le genre, la race, l'origine ethnique, l'âge, l'orientation sexuelle, le statut de migrant et leurs aptitudes.

Stratégique et concentrée

Les initiatives doivent être stratégiques et ciblées de manière à réduire le plus possible les inégalités dans la prestation de soins et les inégalités entre les genres, comme les programmes, les politiques, les lois et les réformes économiques et sociales ayant un effet transformateur sur les inégalités entre les sexes, qui peuvent avoir un effet catalyseur pour mener à un changement durable (par exemple, congé parental, réforme des pensions).

Transformatrice et militante

Les initiatives doivent mobiliser les organismes de défense de droits des femmes, les réseaux de jeunes, notamment les réseaux de jeunes féministes, les hommes et les garçons, les communautés et les secteurs privé et public pour lutter contre les rapports de force inégaux, la discrimination systémique et les normes et les pratiques nuisibles qui sont à la base des inégalités dans la prestation de soins et donner aux femmes et aux filles les moyens de prendre des décisions sur l'utilisation de leur propre temps.

Fondée sur les faits et responsable

Les initiatives doivent être fondées sur une ACS+ et une analyse des droits de la personne et les leçons retenues et être assorties d'un engagement ferme à recueillir des données et à assurer un suivi, notamment dans des domaines délicats comme les changements dans les normes sociales.

Points d'entrée liés à l'élaboration de programmes : une approche des « 5 R » pour la prestation de soins

Il existe cinq points d'entrée pour aborder la prestation de soins dans les programmes financés par le Canada, qui découlent de l'attachement du Canada envers l'égalité des genres et les droits de la personne :

Cette approche des « 5 R » (reconnaître, redistribuer, réduire, représenter, répondre) s'inspire directement d'une série de cadres fondés sur les « 3/4/5 R » de la prestation de soins, initialement conçus par Diane Elson (2008) et mis au point par diverses organisations dont Oxfam, ActionAid, l'Institute for Development Studies et, plus récemment, l'OITNote de bas de page 1 .

Reconnaître la valeur de la prestation de soins non rémunérée et mal rémunérée

Au moyen de ses projets et de ses partenariats, le gouvernement du Canada peut contribuer à la reconnaissance de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée effectuée principalement par les femmes et les filles de nombreuses façons, notamment :

Réduire la pénibilité du travail et le temps requis par la prestation de soins non rémunérée

Au moyen de ses projets et de ses partenariats, le gouvernement du Canada peut contribuer à réduire la pénibilité du travail et le temps requis par la prestation de soins non rémunérée de nombreuses façons, notamment en venant :

Redistribuer les responsabilités liées à la prestation de soins de manière plus équitable

Par nos projets et nos partenariats, nous pouvons contribuer à redistribuer les responsabilités en matière de prestation de soins de manière plus équitable entre les femmes et les hommes, les garçons et les filles, et aider à transférer des responsabilités liées à la prestation de soins non rémunérée des membres du ménage à l'État ou aux employeurs, notamment en :

Veiller à ce que les travailleurs chargés de la prestation de soins non rémunérée et rémunérée soient représentés et aient voix au chapitre

Par nos projets et nos partenariats, nous pouvons nous assurer que les femmes, les filles et les personnes donnant des soins sont représentées et peuvent s'exprimer dans les processus décisionnels et lors de l'élaboration de politiques et de programmes liés aux soins qui ont une incidence sur leur vie de nombreuses façons, notamment en :

Répondre aux besoins et respecter les droits des travailleurs chargés de la prestation de soin non rémunérée et rémunérée

Par nos projets et nos partenariats, nous pouvons contribuer à répondre aux besoins et à respecter les droits des travailleurs chargés de la prestation de soins rémunérée ou non rémunérée de nombreuses façons, notamment en :

Les partenaires de mise en œuvre sont invités à travailler simultanément sur plus d'un « R » afin de maximiser l'incidence et la durabilité des interventions prévues. Il est aussi important de noter que ces points d'entrée sont interreliés. En particulier, nous nous attendons à ce que les travaux visant à aborder les normes sociales qui posent problème soutiennent la réalisation de chacun des « 5 R » et interagissent avec une série de questions plus vastes sur l'égalité des genres telles que l'accès aux ressources et aux services, le pouvoir de décision dans les ménages et la violence fondée sur le genre.

En ce qui concerne les initiatives autonomes portant expressément sur la question des soins, on s'attendra à ce que les cadres de résultats incluent un ou plusieurs de ces « R » dans les résultats intermédiaires. Le gouvernement du Canada collaborera avec les organisations de mise en œuvre pour définir les résultats et créer conjointement des programmes ayant une incidence importante.

Conseils pour intégrer les questions liées aux soins dans l'ACS+ et la conception et l'exécution des projets

Liens connexes

Les définitions et les données mentionnées ci-dessus se trouvent dans les ressources suivantes :

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