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Bureau du Vérificateur Général du Mali

Cette publication a créé auprès des citoyens un besoin, une nécessité de contrôle de l’action publique et de redevabilité, celle de rendre compte du travail fait.

Contexte du projet

En 1992, les autorités maliennes ont eu l’idée de créer un service indépendant chargé de vérifier la gestion financière et administrative des services publics au Mali. Jusqu’à cette date, il y avait deux services en charge du contrôle :

Le Gouvernement du Mali, via son ministère chargé du Contrôle Général d’État, a décidé d’effectuer des missions d’exploration en Europe et en Amérique du Nord pour analyser différents modèles de services de contrôle. Suite à ces missions, le modèle canadien a été choisi et le Gouvernement a décidé de doter le Mali d’une structure comparable au Bureau du Vérificateur Général (BVG) du Canada. La création du BVG-Mali est donc une « initiative malienne, voulue par le Mali ».

Le modèle canadien, qui existe depuis 1878, a été retenu par le Mali pour plusieurs raisons, dont principalement celle liée à son indépendance. Au Canada, le Vérificateur Général (VG) est nommé par le Parlement (Assemblée Nationale). Il effectue des audits et études indépendants qui fournissent des informations et avis au Parlement, aux assemblées législatives, au Gouvernement et aux Canadiens sur les ministères, les organismes fédéraux et la plupart des sociétés et organisations fédérales.

Dans la pratique, les Canadiens se servent des rapports du VG pour surveiller les activités gouvernementales et demander au Gouvernement fédéral des comptes sur la manière dont il dépense et gère les fonds publics. Les rapports sont publiés avec une obligation de rendre compte aux citoyens et les débats sont retransmis à la télévision. Il faut noter que ce rattachement au Parlement est seulement fonctionnel et n’affecte en rien l’indépendance du VG. Le BVG-Canada est également indépendant dans le recrutement de son personnel. Enfin, les provinces ont leurs propres vérificateurs, avec des mandats spécifiques.

C’est ainsi que le Gouvernement du Mali a initié en 2003 un projet de loi visant à créer une autorité indépendante, c’est-à-dire un service qui n’est soumis à aucune autorité (politique, administrative ou judiciaire), pouvant servir d’outil  efficace de lutte contre la corruption et la mauvaise gestion. Ce service doit renforcer également la confiance entre l’administration et le citoyen. Il s’agit d’un service nouveau dans le contexte malien, créé à l‘exemple de celui qui existe au Canada et qui vient renforcer le système de contrôle. Ainsi, le citoyen a accès à une « autorité indépendante » chargée de la vérification générale et dont les missions doivent contribuer à une meilleure gestion des ressources publiques.

L’idée de créer un Bureau du Vérificateur Général au Mali répondait à un double souci : celui de lutter contre la corruption et la délinquance économique et financière (à travers la dénonciation des cas de fraude à la justice), d’une part, et, d’autre part, de participer à l’amélioration de la gestion des finances publiques (à travers la formulation de recommandations aux structures contrôlées et au gouvernement à l’occasion des missions de vérifications ou d’évaluation de politiques). Par ailleurs, face à l’absence d’une structure de contrôle externe hormis la Section des Comptes de la Cour Suprême, qui est par ailleurs une juridiction, il fallait nécessairement créer une institution de contrôle véritablement indépendante et performante, capable de faire face à la corruption et de contribuer à l’amélioration de la gestion des finances publiques. 

Après sept ans d’exercice, et dans un souci de performance améliorée, une nouvelle loi est adoptée en 2012. Ce nouveau texte assure une plus grande garantie aux agents chargés d‘effectuer la vérification, élargit leurs domaines de compétence et fixe certaines exigences  relatives à la qualité des rapports à produire. Présentement, grâce à la qualité de ses rapports de vérification et au professionnalisme de ses agents, le BVG-Mali est en train de susciter une véritable prise de conscience au sein de la société malienne ainsi que des services publics vérifiés sur la nécessité absolue de revoir et d’améliorer les modes de gestion des ressources publiques.

Cet outil de contrôle est d’autant plus important qu’en mars 2012, le Mali a connu une crise multidimensionnelle qui a affecté tous les domaines (sécuritaire, politique et institutionnel) et qui a été en bonne partie déclenchée par une mauvaise gestion des affaires publiques et une corruption généralisée.

En effet, malgré tous les efforts consentis par les pouvoirs publics, à travers la création de structures et l’adoption de textes de lois, le phénomène de la corruption persiste. Le rapport 2016 de l’indice de perception de la corruption de Transparency International classait le Mali 116ème sur 176 au moment où la pauvreté s’accroissait, comme l’atteste l’indice de développement humain (2016) du PNUD, qui plaçait le Mali 176ième sur 187 pays classés. Au regard de ces constats, des efforts importants doivent encore être fournis par le Gouvernement du Mali, les structures de contrôle et les organisations de la société civile afin d’assurer aux populations une meilleure gouvernance.

Locaux du BVG-Mali

Dans cette perspective, le BVG-Mali demeure un des instruments essentiels pour réaliser cet objectif, même si, au départ, son avènement a été accueilli avec scepticisme par les agents et services publics. Cette méfiance initiale s’expliquait par la méconnaissance de la structure en tant que telle, par la multitude d’organismes de contrôle existants et par les difficultés propres au démarrage d’une telle institution. Toutefois, la société civile a accueilli l’initiative avec beaucoup d’enthousiasme, d’exigence et de soutien.

Il y a toutefois lieu de relativiser cette perception. Le BVG est certes venu s’ajouter à d’autres structures de contrôle auxquelles il est complémentaire. Son institution demeure cependant une innovation importante dans l’environnement administratif malien et plusieurs arguments peuvent soutenir cette création. Le premier, comme on le dit, est qu’il n’y a jamais un contrôle de trop et, de ce fait, la multitude des structures de contrôle n’est pas une mauvaise chose en soi. A cela, il faut ajouter le fait que la majeure partie des services au Mali ne peut assurer un contrôle efficace parce que ceux-ci ne disposent pas suffisamment de contrôleurs bien formés à ce métier particulièrement délicat.

Dans la même logique, il est toujours recommandé que chaque gestionnaire fasse l’objet de contrôles réguliers, de façon à éviter la découverte tardive de dérapages coûteux pour la communauté. En second lieu, tous les organismes de contrôle qui existent actuellement sont situés dans la chaine hiérarchique administrative et dépendent des décideurs administratifs. Dès lors, le problème de leur indépendance peut être posé. Pour des raisons de transparence et de crédibilité, le BVG est nécessaire, puisqu’il s’agit d’une autorité administrative indépendante, qui dispose de ses propres moyens. Il a pour compétences le contrôle de la gestion des ressources publiques de toutes les institutions de la République, des administrations civiles et militaires, des entreprises publiques, des collectivités locales et des structures privées  qui reçoivent des subventions publiques.

Le contrôle du VG s’étend non seulement sur la régularité des actes de gestion, mais aussi sur la performance et l’efficacité des structures publiques. Pour l’accomplissement de sa mission, il est assisté d’un adjoint, nommé dans les mêmes conditions. Le BVG est en outre composé de Vérificateurs et d’agents d’appui.

Le Vérificateur Général peut être saisi par toute personne (physique ou morale) qui souhaite la vérification d’une structure. Il décide de la suite à réserver à cette saisine. De même, il peut se saisir d’office de toute question relevant de sa compétence.  Les missions du BVG sont  sanctionnées par la production de rapports sectoriels (pour le service vérifié) et d’un rapport annuel (qui fait la synthèse des premiers) remis solennellement au Président de la République, au Premier ministre et au Parlement, mais aussi partagé avec l’ensemble de la population malienne. Le principe qui guide cette recherche de transparence dans la divulgation des rapports est le suivant : la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion des fonds publics ne peut pas se faire en cachette.  Le contenu des rapports de vérification et les recommandations pour améliorer la gestion des finances publiques sont des sujets qui intéressent l’ensemble de la population malienne et qui méritent d’être discutés ouvertement.

Ces rapports sont transmis aux pouvoirs publics pour mise en œuvre des recommandations et à la justice éventuellement aux fins de poursuites judiciaires. Il y a lieu de noter que le premier rapport a été remis en 2005 et le dernier, relatif aux vérifications de 2017, a été remis en 2018.

Malgré les inquiétudes du début, force est de constater que le BVG-Mali présente aujourd’hui une bonne image, en raison de la connaissance accrue par les Maliens des objectifs et de la mission dévolue à cette structure et de la qualité des rapports publiés ces dernières années.

Implication canadienne

Le Canada a toujours apporté un soutien à la lutte contre la corruption de façon générale au Mali. De manière constante et multiforme, il a toujours soutenu le BVG-Mali depuis sa création.

Appui dans le processus de création de l’institution

Depuis 2003, un appui du Canada a été apporté à la mise en place de la structure, à travers l’élaboration de la loi instituant le BVG-Mali. C’est ainsi qu’un voyage d’études a été effectué au Canada du 20 au 25 Octobre 2003 pour explorer la mise en place effective du Bureau du Vérificateur Général au Mali.

Cette mission, composée de hauts fonctionnaires de l’administration publique malienne, de représentants de l’Assemblée Nationale du Mali, d’un représentant de l’Association des Contrôleurs, Inspecteurs et Auditeurs du Mali et d’un Conseiller à l’Unité d’Appui au Programme de Coopération Canada-Mali, a été dirigée par le Ministre délégué en charge de la Réforme de l’époque, Monsieur Badi Ould Hamed Ganfoud. Pendant son séjour, la délégation s’est rendue auprès du BVG-Canada pour s’enquérir de son expérience. Elle a eu des entretiens et tenu des séances de travail. Celles-ci ont porté essentiellement sur la mise en place du Bureau, son fonctionnement, les modalités de sélection du personnel et les conditions de travail du BVG, les produits de vérifications, les examens spéciaux des sociétés d’État et les relations du Bureau avec son environnement institutionnel, notamment avec le système judiciaire et le Parlement. La mission a pu assister à une audience du Comité permanent des comptes publics du Parlement sur un rapport de la Vérificatrice Générale, ce qui lui a permis de voir la manière dont le Vérificateur du Canada livre son rapport.

Photo de groupe au BVG-Canada. Déjeuner offert au VG du Mali parson Homologue canadien M. M. Ferguson, Ottawa 26 mars 2014.

De gauche à droite en avant : Ismaël Diawara, Jocelyne Thérien, Julie Gelfand, RenéePichard, Lucie Cardinal, Adriel Gionet, Jean-Charles Parisé. En arrière : Sylvain Ricard, Yvan Gaudette, Michael Ferguson VG du Canada et Amadou Ousmane Touré VG du Mali.

La mission a été fortement soutenue par la coopération canadienne, à travers la participation d’une équipe de l’Agence Canadienne de Développement International. Les leçons apprises de cette mission ont été déterminantes pour l’élaboration de la loi instituant le Vérificateur Général qui a tenu compte de la nature du système politique malien.

En août 2009, à l’occasion de la relecture de la loi de 2003, le Comité d’Appui à la Réforme Institutionnelle, bénéficiant d’un appui de la coopération canadienne, a effectué une mission d’études au niveau du BVG-Canada et du Québec. La délégation était conduite par le ministre Daba Diawara et comprenait des experts dudit Comité.

Cette mission a été également largement soutenue par la coopération canadienne, tant dans sa préparation que dans son déroulement. Elle a eu une rencontre au Parlement du Canada, où elle a reçu des informations utiles sur le fonctionnement de l’institution. Elle a tenu des séances de travail avec les BVG du Canada et du Québec et avec l’Agence canadienne de développement international.

Cette mission a notamment permis de clarifier la relation entre le BVG Canada et le Parlement et de rappeler l’importance de préserver en tout temps les principes d’objectivité et d’indépendance du Bureau.

Appui dans le renforcement des capacités du BVG-Mali

Séance de travail entre le VG et Fida Geagea de l’EFPC, oct. 2011.

Les gouvernements du Canada et du Mali ont signé en Janvier 2008 un Protocole d’Entente pour une durée initiale de quatre ans, dénommé « Appui Canadien au BVG-Mali », pour un montant de 4,5 millions de dollars canadiens, soit 2 milliards de FCFA environ. Cet appui comportait deux volets : le premier visant à appuyer le BVG-Mali à se doter de normes, méthodes et techniques de vérification, d’outils de communication et d’un processus de planification et de gestion interne; le second étant un appui ponctuel et rapide pour faire face aux besoins prioritaires de la nouvelle structure.

L’objectif final de ce projet était « d’aider le BVG-Mali à se doter d’une structure compétente, ayant les moyens et les outils appropriés pour réaliser le mandat que lui confère la loi ».

Les résultats attendus visaient à obtenir, d’une part une bonne gestion des ressources publiques, une amélioration de la prestation des services publics et une meilleure application des politiques définies par les autorités et, d’autre part, une amélioration des capacités institutionnelles du BVG-Mali en matière de planification, un accroissement des capacités de l’État malien à prévenir les fraudes et la mauvaise gestion des ressources publiques, l’intégration des dimensions « Égalité Femmes-Hommes » et « Durabilité sur le plan environnemental dans la vérification au Mali ».

Séance de travail à L’Ecole de la Fonction Publique Canadienne. De droite à gauche : M. A. Gionet BVG-Canada, M. M. Fayssal Ministère Affaires Etrangères du Canada, I. Diawara BVG-Mali, A.O. Touré VG du Mali, Y. Gaudette Consultant et Mme L. Varagnolo EFPC-Ottawa 24 mars 2014.

A l’issue de la mise en œuvre de ce projet, des résultats concrets ont été obtenus, avec notamment : les diverses formations effectuées, la contribution au développement et à l’implémentation d’instruments et d’outils de gestion de travail, la mise à disposition de Conseiller stratégique, la fourniture d’expertise dans des domaines pointus, le renforcement des techniques et méthodes de planification, de gestion, d’organisation et de travail de bureau ainsi des missions de vérifications, avec la création d’un pôle.

Suite aux résultats obtenus par ce premier projet, les autorités canadiennes ont décidé une prolongation pour une période complémentaire allant de 2012 à 2014. L’École de la Fonction Publique du Canada a assuré la mise en œuvre du projet et le BVG-Canada, partenaire technique du projet. Cependant la mise en œuvre de ce projet connaitra des difficultés liées à la suspension de l’aide, au lendemain du coup d’État survenu au Mali le 22 mars 2012 et au retrait de l’École de la Fonction Publique du Canada en 2014.

A la reprise de l’aide du Canada, en mars 2014, le VG du Mali a effectué une visite de travail auprès du BVG-Canada. Un plan de travail 2014-2016 d’un montant total de 1.5 millions de dollars canadiens a été élaboré.

Des voyages de formation relatifs au renforcement des capacités du Vérificateur Général et des vérificateurs ont pu être effectués grâce à l’appui de la coopération canadienne. Des partenaires clés du bureau, comme les magistrats, par exemple, ont été associés à ces formations, notamment celle tenue en 2016 au Canada et qui a permis une amélioration de la collaboration avec l’autorité judiciaire.

L’implication canadienne se manifeste également à travers la coopération fructueuse avec le BVG-Canada. Ainsi, la Vérificatrice Générale du Canada Sheila Fraser a effectué une mission au Mali en 2009, au cours de laquelle elle a rencontré le Vérificateur Général du Mali, les autorités administratives et judiciaires et les élus autour de la mission du BVG-Canada. Cette visite était une marque d’amitié qui a renforcé le partenariat entre les deux structures.

VG du Mali Sidi Sosso Diarra recevant la Vérificatrice Générale du Canada, Mme Sheila Fraser, janvier 2010.

Globalement, l’appui canadien a été déterminant pour permettre au BVG Mali d’asseoir sa méthodologie de vérification sur des bases solides et de devenir fonctionnel et efficace dans l'exécution de son mandat. Il a permis la mise en place d’une équipe de techniciens très pointue en vérification financière et en vérification de performance, ce qui était totalement nouveau au Mali. De même, l’outil de travail a été bien organisé et modernisé.

On peut constater la forte implication de la coopération canadienne, qui a permis d’obtenir de bons résultats parce qu’elle n’a pas cherché à imposer au Mali des solutions toutes faites. Au contraire, les besoins ont été prioritairement formulés par les Maliens eux-mêmes et satisfaits par le Canada dans le cadre d’un partenariat constructif. La conception et la mise en œuvre des solutions ont été faites de façon collégiale, dans le dialogue continu et le respect mutuel.

Au total, on peut dire que l’appui financier apporté au BVG-Mali a été conséquent et fort appréciable et que le projet a fait l’objet d’un suivi constant et efficace de la part de la coopération canadienne. La qualité des rapports s’améliore, l’institution est devenue crédible et apparait désormais comme le véritable instrument d’une bonne gouvernance financière et de la lutte contre la corruption.

Au regard des résultats positifs ainsi enregistrés, et dans la perspective de poursuivre et de renforcer ce qui a été fait, une nouvelle initiative a été récemment approuvée par Affaires mondiales Canada.

Implication des autres partenaires

Atelier avec la presse malienne « Comment mieux exploiter les rapports annuels du Vérificateur Général? » tenu le 18 octobre 2017

Le BVG-Mali dispose d’une autonomie de gestion. Les crédits nécessaires à l’accomplissement de ses missions sont inscrits au budget d’État. Sur ce point, le VG estime que les moyens mis à disposition par le Gouvernement permettent d’assurer de manière plus ou moins satisfaisante le fonctionnement du Bureau, qui, par ailleurs, est soumis au contrôle de la Section des Comptes de la Cour Suprême. Hormis cet aspect et la remise des rapports, le BVG n’a aucun rapport direct avec le Gouvernement.

Selon le VG, le Canada est actuellement le seul partenaire technique et financier du BVG-Mali, même s‘il note qu’il y a eu une collaboration ponctuelle avec la Délégation de l’Union Européenne au Mali, qui avait commandité deux audits en 2015. La DUE a récemment manifesté son intention de lui renouveler son appui. Enfin, l’intérêt de l’Union Européenne se manifeste par le fait que la publication du rapport du BVG-Mali est un déclencheur pour justifier le relâchement de son appui budgétaire.

2ème réunion internationale de suivi de la Conférence des donateurs pour le développement du Mali : le VG avec la délégation malienne conduite par Monsieur le Premier Ministre Oumar Tatam Ly, Bruxelles, 5 février 2014.

Le VG entretient des relations de collaboration avec les autres structures de contrôle administratif (Contrôle Général des Services Publics, Inspections ministérielles) et la Section des Comptes de la Cour Suprême, qu’il peut saisir s’il a connaissance d’infractions à la législation financière et comptable. Il existe une bonne collaboration entre ces deux structures de contrôle externe, qui sont complémentaires selon le Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême. A ce titre, il faut bien préciser que le BVG est une structure administrative, alors que la Section des Comptes est une juridiction, donc avec une vocation de sanctionner les infractions constatées à l’occasion des missions de vérifications. Le BVG peut dénoncer directement à la justice, en l’occurrence aux Procureurs des Pôles économiques et financiers des Tribunaux de Grande Instance de Kayes, Bamako et Mopti, les cas de fraude décelés à l’occasion des vérifications. La collaboration avec l’institution et l’administration judiciaires est bonne, selon le Secrétariat général du ministère de la Justice. En effet, au niveau de l’institution judiciaire, on estime que la qualité du travail s’est considérablement améliorée, ce qui facilite le traitement des procédures judiciaires. Les rapports sont plus documentés, bien préparés et cela a une incidence sur le travail du juge, qui doit souvent rechercher les éléments de preuve ou, à défaut, classer les dossiers.

Le Doyen des juges d’instruction du Pôle Économique et financier du Tribunal de Grande Instance de la Commune III du District de Bamako ajoute que le rapport du BVG a par ailleurs un effet sur les gestionnaires des fonds publics qui, face à cette reddition des comptes, améliorent leur gestion. Cependant, il souligne qu’une meilleure formation des vérificateurs et des juges permettra d’obtenir des résultats plus probants et d’avoir un impact réel sur le traitement des dossiers. 

En octobre 2012, le BVG-Mali a signé avec le Conseil National de la Société Civile (CNSC) un Cadre de collaboration. Ce cadre établit un partenariat, avec comme objectifs notamment « le partage des rapports de vérification avec les organisations faîtières et organisations de base, la dissémination des rapports de vérification, la sensibilisation des citoyens sur le rôle et l’importance du BVG-Mali… ». Toutefois, la mise en œuvre de ce partenariat reste timide, par manque de financement des activités de dissémination et de sensibilisation des citoyens.  Enfin, le BVG-Mali entretient des relations de coopération avec les structures similaires d‘autres pays, ce qui facilite l‘échanges d’expériences.

Résultats obtenus

Lutte contre la corruption Le projet d’appui canadien au BVG-Mali est un projet de gouvernance dont la pertinence ne fait l’objet d’aucun doute, puisqu’il a permis d’engranger des résultats positifs dans l’assainissement des finances publiques et la lutte contre la corruption, à travers les vérifications effectuées et la production des rapports consécutifs aux vérifications. Les différents témoignages et  réformes législatives et institutionnelles entreprises, notamment au niveau des marchés publics et des Directions des Finances et du Matériel, en attestent. En outre, les chiffres sont éloquents : plus de 193 vérifications financières, 52 missions de vérifications de performance et 27 missions de suivi de recommandations ont été réalisées depuis l’institution du VG.

L’appui canadien a facilité la création de la structure et s’est poursuivi à travers un accompagnement constant de l’institution depuis 2003. Dans ce cadre, il faut noter le renforcement des capacités des personnels de vérification à travers les formations, les échanges et le développement d‘outils et de guides, notamment sur la méthodologie de vérification. Le travail de vérification s’est amélioré au fur et à mesure. Cela a eu un impact positif sur la qualité des rapports et des effets sur la gestion des affaires publiques et l’exploitation des rapports, par les services judiciaires notamment. Dans le même cadre, il faut ajouter la bonne gestion du bureau par la mise en place de procédures en matière de gestion administrative et financière et les compétences acquises en matière de gestion axée sur les résultats. 

Impact psychologique

Remise du rapport annuel 2015 par le Vérificateur Général du Mali au Chef de l’État, SEM Ibrahim Boubacar Keita.

La publication très attendue du rapport annuel du VG a un impact psychologique certain auprès de l’opinion publique, des pouvoirs publics et des partenaires financiers du Mali. Cette publication a créé auprès des citoyens un besoin, une nécessité de contrôle de l’action publique et de redevabilité, celle de rendre compte du travail fait. La publication du rapport du VG et la diffusion de son contenu à travers les médias constituent des moments exaltants pour la lutte contre la mauvaise gestion des fonds publics au Mali. Ces moments ne peuvent être occultés par les gouvernants. Les différentes conclusions des missions de vérification, à savoir les manquements et violations, voire les détournements, constatés, sont des motifs suffisants pour justifier la saisine de l’autorité judicaire chargée des poursuites dans un état de droit. Ainsi, le contenu du rapport apparait comme un outil d’appréciation de la qualité de la gouvernance du pays et de la gestion des affaires publiques.

De plus,  les  rapports  contribuent à responsabiliser davantage les titulaires de charges publiques et à éduquer les citoyens maliens par rapport à la saine gestion des deniers publics.

Recouvrement

A l’occasion des  vérifications  et lors  des  interventions  subséquentes de la justice, des recouvrements et reversements de sommes d’argent sont effectués. A titre d’illustration, sur la centaine de vérifications financières effectuées de 2004 à 2011, un manque à gagner de 382,93 milliards de francs CFA (environ 889 millions de dollars canadiens) a été décelé au préjudice du Trésor public et des entités vérifiées, dont 393,14 milliards de francs CFA (environ 915M $ CA) proposés au recouvrement.

Sans être exhaustif, il faudra ajouter à cette situation, pour la période 2012-2015, un montant de 6,02 milliards de francs CFA (12M $ CA) représentant des recouvrements, des remboursements ou des régularisations sur les dossiers. Ces différentes sommes seront réinvesties éventuellement dans les actions de développement du pays.

Il y a également eu une amélioration du comportement des gestionnaires, d’où l’aspect pédagogique de la vérification, qui doit entrainer donc un changement de comportement des agents publics. L’institution du BVG a fortement contribué à ancrer dans la pratique des gestionnaires de fonds publics un plus grand respect des normes, textes législatifs ou règlements applicables au Mali. A ce niveau, il importe de noter que l’objectif visé n’est pas d’entreprendre nécessairement une action répressive contre les agents, mais plutôt de susciter auprès de chaque acteur de la vie publique, et en particulier des gestionnaires, un meilleur comportement vis-à-vis du bien de la communauté. Cela peut se traduire par un respect de la part de ceux-ci de la réglementation en matière financière et comptable.

Une forte implication de la société civile et de la presse dans le processus de mobilisation autour des rapports du BVG-Mali, à travers une communication efficace, est à noter. En effet, la société civile, dans toutes ses composantes, estime que l’institution du VG est un nouvel outil de contrôle de la gestion des derniers publics et, partant, donne une indication appréciable du « niveau du thermomètre » de respect de l’utilisation des deniers publics.

Enfin, il faut noter que la création du BVG au Mali a considérablement revalorisé la fonction de contrôle. L’indépendance accordée au Bureau lui a permis d’aborder en toute liberté, dans l’action et la formulation des résultats, les secteurs les plus variés de l’Administration et des Finances Publiques.

Défis rencontrés

Dans la mise en œuvre de l’appui :

L’appui a nécessité le développement d’un programme de renforcement des capacités  permettant d’améliorer la gestion interne en intégrant la gestion axée sur les résultats, le rapportage, la mise en place d’une structure dédiée à la programmation et à la mise en œuvre des projets de coopération.

Dans la mise en œuvre du mandat :

Le BVG-Mali a fait preuve d’un grand professionnalisme dans l’accomplissement de son mandat. Il a considérablement amélioré la qualité de travail au fil du temps, mais, il y a encore quelques défis :

Dimension égalité des genres

Au niveau de ses activités, le BVG-Mali a initié une formation avec les femmes et les jeunes sur les missions du Bureau et leur implication dans la mise en œuvre de ses rapports. Dans le cadre de son mandat, de façon globale, le BVG-Mali envisage l’évaluation de la Politique Nationale Genre adoptée par le Gouvernement malien et la formulation de recommandations relativement à l’élimination des discriminations à l’égard des femmes.

Enfin, la finalité des vérifications est la lutte contre la corruption et l’amélioration de la gestion des finances publiques. Dans ce cadre, les fonds recouvrés peuvent être utilisés pour éliminer les discriminations, notamment celles à l’égard des femmes et des filles.

Le BVG-Mali a consenti des efforts pour recruter davantage de personnel féminin. Malgré tout, le taux reste faible : sur un total de 113 agents, les femmes représentent 23 %. Le taux pour le personnel de vérification est encore plus faible, sur un total de 40, on compte 7 femmes, soit 17,5 %. Ce pourcentage peut s’expliquer par des considérations d’ordre général, marquées par une sous-représentation des femmes dans les structures publiques, mais aussi par la carence de personnel féminin dans le domaine de la vérification.

Leçons apprises

Il est incontestable qu’après plus de dix ans de coopération le Canada et le Mali ont pu tirer quelques leçons de cette expérience, qui demeure un projet-phare et a permis de renforcer les liens de collaboration et d’amitié entre les deux pays. On peut noter que :

Au-delà des acquis de ce projet et du chemin parcouru par le BVG-Mali depuis 15 ans, le constat suivant est de mise : la lutte contre la corruption, dont le BVG-Mali porte le flambeau, à l’instar des liens de coopération et d’amitié qui lient le Mali et le Canada, est une entreprise de longue haleine, appelée à se poursuivre et à se renforcer.

Sources d’information

Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à la production de la présente histoire:

La série « Histoires d'impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.

Rue Sotuba/ACI, rond-point de l'ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Courriel : info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.


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