La finance inclusive au service des exclus des systèmes financiers au Mali
On constate par ailleurs une augmentation considérable de l’offre de produits financiers davantage adaptés aux populations à faibles revenus, aux petits entrepreneurs, aux entrepreneurs agricoles, etc.
Contexte du projet
Au Mali, le revenu net per capita est de 1 349 $ US chez les femmes et de 3 071 $ US chez les hommes (PNUD 2016) et 49,3 % de la population vit avec moins de 1,90 $ US par jour. Il n’est donc pas étonnant que la majorité de la population vive en marge de l’activité économique formelle et qu’elle n’ait pas accès aux services financiers élémentaires proposés par les institutions financières traditionnelles.
Ces indicateurs suffisent à expliquer les difficultés de la plus grande part de la population du Mali à participer à la vie économique et à améliorer ses propres conditions de vie. Avec des revenus à peine suffisants, comment les producteurs agricoles peuvent-ils accéder au crédit pour financer les projets d’infrastructure et de réhabilitation des terres et améliorer la productivité de secteur agricole? Peut-on compter sur les services et les compétences de professionnels de la finance pour planifier le lancement d’une micro-entreprise et pour en financer les activités? Au Mali, la solution proposée à ces questions est l’inclusion financière.
Du micro-crédit à la finance inclusive
Le micro-crédit propose de répondre aux besoins financiers des individus par des prêts de faibles montants à des conditions avantageuses dans le but de financer leurs activités génératrices de revenus. Il consiste en un système de prêts bancaires à petite échelle.
La finance inclusive repose sur un écosystème économique beaucoup plus large que le micro-crédit et offre une gamme d’offre de services financiers (épargne, assurance, crédit, etc.). Elle vise avant tout à lutter contre l’exclusion financière des populations à faibles revenus et veut inscrire la planification et la gestion financière dans les pratiques de la population. Elle englobe toute une gamme de produits et services financiers et non financiers (produits d’épargne, crédit, assurances, transferts d’argent, formations, conseils financiers et expertise technique, etc.) destinés à accompagner les membres (les clients) dans la gestion de leur patrimoine économique et financier, quel qu’en soit l’importance.
Au Mali, malgré la présence des banques, le modèle coopératif / associatif a pris le dessus sur l’ensemble des approches adoptées pour la finance inclusive. Les coopératives financières apportent une contribution essentielle au développement social et à l’amélioration des conditions de vie des communautés. Le modèle coopératif mise sur la propriété collective, la gestion locale et l’enracinement dans la communauté. Ce mode de gestion rapproche encore plus l’institution de la communauté et accentue la recherche d’impact sur la réduction de la pauvreté individuelle et collective.
Le modèle de finance inclusive semble particulièrement approprié dans un pays comme le Mali, où le développement économique et la réduction de la pauvreté constituent des objectifs primordiaux. L’accès à des services financiers adaptés aux besoins et aux réalités sociales et économiques de la population, la prise en main et la gestion des institutions de services financiers par les communautés et l’établissement d’une relation développementale entre les services financiers et leur impact sur la communauté sont autant de raisons qui ont justifié l’implication du Canada dans la finance inclusive au Mali.
« Une coopérative est une association autonome de personnes volontaires réunies pour satisfaire leurs aspirations et des besoins économiques, sociaux et culturels grâce à une entreprise gérée démocratiquement et dont ils sont les propriétaires. […] »
« L’essence de l’approche coopérative est d’une simplicité désarmante : accroître le pouvoir des individus et des communautés afin qu’ils puissent prendre en charge leur propre développement par l’entremise d’entreprises dont ils sont les propriétaires et les décideurs. Cette approche, si on lui donne les moyens de prendre sa place et de s’épanouir, peut connaître un succès remarquable en créant la richesse économique, tout en appuyant la vitalité culturelle, en encourageant des pratiques démocratiques et en réduisant la pauvreté. »
– Extrait de DID, CMC et SOCODEVI, Les coopératives et les mutuelles canadiennes en développement international, Créer de la richesse, réduire la pauvreté et construire un monde meilleur.
Implication canadienne
Le Canada, à travers Développement international Desjardins (DID), s’est impliqué dans le développement de la finance inclusive au Mali depuis plus de 40 ans. Au fil des décennies, les services offerts se sont élargis, le micro-crédit a progressivement pris la forme et adopté la culture de la finance inclusive et des partenaires ont joint leurs efforts en vue de consolider leurs appuis à l’inclusion financière des populations à moindres revenus.
En 1989, le Canada a contribué à la mise en place, dans la région de Ségou, d’un projet de développement des coopératives d’épargne et de crédit qui constitueront en 1993 le Réseau de caisses d’épargne et de crédit Nyèsigiso (qui signifie « La maison de la prévoyance »). Ce réseau est aujourd’hui le deuxième en termes d’importance au Mali.
Le Réseau Nyèsigiso a été créé en 1993 avec l’appui de Développement international Desjardins (DID), qui a agi comme agence d’exécution avec un budget de 17,6M $ CA. C’est un système financier décentralisé regroupant des institutions mutualistes (dont les membres paient une cotisation dans le but de s’assurer une aide mutuelle) ou des caisses d’épargne et de crédit réparties dans les régions de Kayes, Koulikoro, Ségou, Sikasso, Tombouctou et le District de Bamako. Les premières caisses ont été créées en 1990 et l’Union des caisses a été constituée et agréée en 1997. L’Union apporte un appui technique et financier aux caisses qui lui sont affiliées et celles-ci sont chargées de livrer les services aux membres. Le Canada a appuyé le Réseau des caisses d’épargne et de crédit Nyèsigiso depuis sa création, dans le but d’améliorer l’accès des populations aux services d’intermédiation financière afin de promouvoir la croissance et d’améliorer leurs conditions de vie.
Le Programme canadien d’appui au secteur de la micro finance au Mali a couvert la période 2008 à 2013 (14,6M $ CA). Il a permis d’appuyer la stratégie nationale de la micro finance, dont le but est d’améliorer l’accès à des services financiers diversifiés et innovants à une large majorité de populations pauvres ou à faibles revenus. La mise en œuvre s’est effectuée à travers un mécanisme de financement commun impliquant le Gouvernement du Mali, l’agence danoise de coopération et le Canada.
Le Projet d’appui au financement inclusif rural au Mali (AFIRMA), d’une valeur de 13M $ CA, s’est échelonné de 2014 à 2018. Le projet AFIRMA vise à améliorer l’accès des populations rurales à des services financiers répondant à leurs besoins. L’aide du Canada s’insère dans le Programme de Micro finance Rurale, supervisé par le Fond International de Développement Agricole (FIDA) pour une période de huit ans (2010 - 2018). Le programme s’articule autour de deux principales composantes : (1) un appui à la facilitation de l’accès aux services financiers; et (2) un appui à la viabilité des systèmes financiers décentralisés dans cinq régions administratives (Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, et Mopti). Au moins quatre cent quinze mille (415 000) personnes, au sein des populations rurales à faibles revenus, sont ciblées.
Le Projet Financement agricole et rural au Mali (FARM), d’un budget de 18,4M $ CA, s’étend sur 5 ans (2014 à 2019). Il est réalisé par Développement international Desjardins (DID) et la Financière agricole du Québec – Développement international. Le projet FARM vise à accroître la productivité du secteur agricole dans les régions de Ségou, Sikasso, Koulikoro et le District de Bamako, en structurant de façon globale l’offre existante de services financiers destinés aux exploitants agricoles. Il s’agit de : (1) renforcer les institutions financières en financement agricole; (2) optimiser la coordination des acteurs des chaînes de valeurs identifiées; (3) améliorer l’accès à des mécanismes de protection financière pour les producteurs agricoles et les institutions financières, notamment par un programme d’assurance-récolte et un fonds de garantie; et (4) intégrer les femmes et les jeunes dans l’activité agricole, en favorisant le développement durable et l’équité des genres. Le projet FARM est largement marqué par l’élargissement de la gamme de services du système de finance inclusive, bien au-delà du système de prêts qui caractérise le strict micro-crédit, dans le but d’offrir aux intervenants du secteur agricole un accompagnement dans l’amélioration de leurs pratiques de gestion et même de leurs techniques agricoles.
De l’importance de l’informatisation
Au fil des appuis canadiens, le réseau Nyèsigiso a professionnalisé ses services en développant des technologies qui permettent de consolider les caisses membres en un réseau connecté et accessible. Ainsi, au début des années 2000, l’automatisation des opérations est devenue une priorité des réseaux coopératifs. Dès 2002, Développement international Desjardins a implanté un logiciel transactionnel dans trois caisses du réseau. Entre 2008 et 2015, d’importants chantiers visant l’inter-connectivité des institutions membres des réseaux Nyèsigiso et KafoJiginew ont été réalisés par Développement international Desjardins, avec le concours de la Fondation Bill et Melinda Gates et du Canada. Des innovations telles que la mise en place du système inter-caisses et de guichets marchés permettent aujourd'hui aux membres des institutions coopératives d’avoir accès à leur argent quelle que soit la localité où ils se trouvent dans le pays, à condition qu’il existe une coopérative d’épargne et de crédit à proximité.
Les petits entrepreneurs maliens ont des besoins particuliers de financement qui ne sont pas comblés par le système bancaire traditionnel. Ils dépassent souvent les capacités d’une coopérative de base, qui, dans un souci de limitation des risques, hésite à octroyer des crédits importants.
Pour pallier cet état de fait, dès 1996 Développement international Desjardins, avec l’appui financier du Canada, a assuré la mise en place de la Caisse d’épargne et de crédit des entrepreneurs (CAECE). Elle procure le financement nécessaire à l’expansion des activités des entreprises et offre des services de collecte de l’épargne afin de répondre aux besoins de gestion des liquidités et de constitution d’un patrimoine financier. On y incite à l’établissement de relations étroites avec les clients, incluant des déplacements sur le site même des opérations de l’emprunteur.
Par ailleurs, en 1996, le Canada a assuré le financement d'un projet d’appui au financement de l’habitat urbain. Ce projet réalisé par Développement international Desjardins en partenariat avec la Société canadienne d’hypothèque et de logement, a conduit à la mise en place d'un fonds de garantie hypothécaire au Mali.
Implication des autres partenaires
La mise en place et le développement d’un système financier alternatif et inclusif exige l’apport et la concertation avec de nombreux partenaires, locaux et étrangers, organisations non gouvernementales, promoteurs individuels et intervenants du secteur privé. Parmi les partenaires techniques et financiers du Mali aux côtés de la coopération canadienne sont intervenus la Banque mondiale, le Fonds monétaire international, la Banque africaine de développement, les coopérations allemande, française, américaine, danoise, néerlandaise, etc., de nombreuses ONG ainsi que des banques locales.
Résultats obtenus
Plusieurs résultats directs sont associés à la mise en œuvre des appuis canadiens dans le secteur de la finance inclusive. La création du grand réseau des caisses Nyèsigiso, la participation des populations à la gestion coopérative des institutions financières et des caisses de proximité et l’adhésion aux produits et services offerts sont autant d’indicateurs des grandes réussites de l’accompagnement de Développement international Desjardins et de l’appui financier du Canada. En dépit de la crise sécuritaire qui marque le Mali depuis 2012, et qui a entrainé des pertes importantes sur les prêts au sein du réseau Nyèsigiso, celui-ci montre son caractère durable. La professionnalisation de ses services, à travers l’informatisation de ses institutions et leur mise en réseau, améliore grandement l’accès à des services financiers de proximité, même en zones rurales.
L’accompagnement du réseau Nyèsigiso depuis ses débuts a été marqué par une évolution dans l’expertise apportée par le Canada en fonction du niveau de développement des caisses.
L’accompagnement est passé de l’appui à l’émergence des premières caisses, en 1989, à l’informatisation des caisses et à la reconfiguration du réseau. Ce qui a transformé le paysage de la finance inclusive au Mali.
On constate par ailleurs une augmentation considérable de l’offre de produits financiers davantage adaptés aux populations à faibles revenus, aux petits entrepreneurs, aux entrepreneurs agricoles, etc. Par exemple, au-delà des produits d’épargne et de crédit, certains étaient à peu près inconnus des populations : garanties de prêts, assurances récoltes, etc. Ce qui distingue également le réseau mis en place avec l’appui canadien, ce sont les nombreux programmes de formation, non seulement à l’intention des gestionnaires des institutions de financement, mais également des femmes et des hommes, épargnants et entrepreneurs, touchant autant les finances que le savoir-faire dans leur secteur d’entreprise.
Nyèsigiso en quelques données (2011)
- Nombre d’emprunteurs actifs : 25 695 dont 46% de femmes
- Nombre total d’épargnants : 177 733
- Taille du portefeuille brut de crédits ($US) : 20,7 millions
- Nombre de caisses et points de service : 60
- Couverture géographique : régions de Kayes, Koulikoro, Ségou, Tombouctou, District de Bamako
– Organisation internationale du Travail
L’ensemble des efforts du Canada, des pays partenaires et du Mali ont été couronnés par l’adoption de la Politique nationale de micro finance, qui a incité les institutions de micro finance maliennes au respect du cadre règlementaire de l’Union économique et Monétaire Ouest Africaine. Au-delà de l’accès aux services financiers, l’appui canadien à la finance inclusive a permis d’importants changements sociaux, notamment en privilégiant l’instauration d’une culture coopérative dans un contexte d’entraide économique.
Compte tenu du fait que les membres sont également propriétaires, ils sont invités à contribuer directement à la gestion de leur caisse. Ce sont eux et elles qui décident de l’orientation des services, de l’accueil des bénéficiaires et des clients. Si les membres sont composés de femmes et de jeunes, ce sont les femmes et les jeunes qui prendront en main leur institution financière et décideront des orientations stratégiques qui marqueront ses actions envers la communauté. Ainsi, les partenaires canadiens ont transmis plus qu’un savoir-faire, ils ont transmis une culture d’engagement et de développement.
L’impact sur les populations peut être difficile à mesurer. Toutefois, il suffit de compter chaque femme, chaque homme, chaque jeune qui a eu accès à un service financier, même à petite échelle, et qui a vu sa qualité de vie s’améliorer, pour reconnaître les multiplies bénéfices de la finance inclusive. Il suffit de s’intéresser aux nombreux micro-entrepreneurs, femmes et hommes, qui ont trouvé dans leur caisse de proximité un partenaire d’investissement, de formation et de coaching, pour mesurer l’effet multiplicateur d’un accompagnement financier basé sur les besoins spécifiques des membres.
Réduire le travail des enfants par une amélioration des conditions de travail et de la productivité en milieu agricole
Nyèsigiso s’est attaqué au travail des enfants à travers des activités de sensibilisation et de formation des sociétaires. Si la sensibilisation porte sur le travail des enfants exclusivement, la formation se décline autour de ce thème en combinaison avec la productivité, les conditions de travail et la gestion des ressources financières. Ces différents thèmes ont été intégrés afin d’intéresser les sociétaires à participer aux formations en leur donnant ainsi les moyens d’engendrer des bénéfices supplémentaires par rapport à leur activité. Dans un premier temps, Nyèsigiso a formé des formateurs internes à la méthodologie d’amélioration du travail dans le cadre du développement rural, au travail des enfants et la gestion financière en utilisant les guides et matériels produits par le Bureau International du travail. Ensuite, ces formateurs ont formé les bénéficiaires du programme, à savoir les sociétaires de Nyèsigiso qui emploient (ou font employer) des enfants et qui souscrivent un crédit agricole.
– Organisation internationale du Travail
Enfin, la finance inclusive au Mali eu un impact sur les conditions de vie et de travail grâce à une plus grande rentabilité dans les entreprises membres. Il a notamment été démontré que le Réseau Nyèsigiso, principal partenaire bénéficiaire, a eu un impact significatif sur le travail des enfants, qui, au Mali, impliquait 36 % des enfants de 4 à 15 ans sur la période de 2001 à 2010. Les résultats de l’analyse menée par l’Organisation internationale du travail ont démontré que les sociétaires de Nyèsigiso ont amélioré la productivité des entreprises et les conditions de travail et réduit le travail des enfants. On note effectivement une réduction du nombre d’enfants travailleurs découlant de la réduction du nombre d’heures de travail, une augmentation du taux de scolarisation, une diminution de l’absentéisme chez les enfants des clients et une sensibilisation accrue au travail des enfants.
Défis rencontrés
La pérennisation des résultats observés dans le secteur de la finance inclusive demeure précaire. Les réformes maliennes visant à doter le pays d’un environnement propice à l’investissement et au développement du secteur privé, incluant le contexte législatif, fiscal et institutionnel, sont lentes à prendre forme. Néanmoins, le niveau de motivation des partenaires et leur degré d’appropriation sont en général élevés, puisqu’en principe ils bénéficient directement des résultats, notamment sur les plans de l’amélioration de leurs conditions de vie et de l’accroissement de leurs revenus.
Parmi les risques affectant les chances de pérennisation des résultats des interventions en finance inclusive, il y a les politiques fiscales du Gouvernement du Mali, soit l’imposition d’un taux d’intérêt maximal sur les crédits, qui a eu un impact contre-productif sur les performances des systèmes financiers décentralisés.
La fragilité des systèmes de surveillance, de contrôle et de gestion des fonds de crédit, qu’il s’agisse de la micro finance ou du crédit rural, la capacité d’absorption, le bassin de compétences professionnelles et les ressources financières dont peuvent disposer les entreprises ou organisations de la base atteignent rapidement leurs limites, ce qui affecte leurs chances d’atteindre l’autonomie administrative et financière.
Le coup d’État de 2012 et la crise sécuritaire qui en est découlé ont eu un impact important sur la finance inclusive en général et sur le Réseau Nyèsigiso en particulier, celui-ci étant fragilisé par une vague de faillites des systèmes financiers décentralisés enregistrés dans la partie nord du Mali. Autant les entreprises évoluent dans un contexte difficile sur le plan économique, autant les institutions financières sont affectées.
Dimension égalité des genres
Le Canada est un des pionniers en matière d’égalité femmes/hommes, et l’ensemble de sa programmation au Mali y porte un intérêt particulier. Cependant, après plusieurs décennies d’interventions dans la finance inclusive, les résultats touchant l’égalité femmes-hommes sont modestes alors que la situation des femmes au Mali demeure préoccupante. Les disparités dans le secteur de la micro finance reflètent l’équilibre social qui existe entre les sexes dans la société malienne. Malgré une aide qui a visé les populations vulnérables et a tendu la main aux femmes, les dividendes tirés par celles-ci des interventions en finance inclusive semblent infimes.
En 2016, seulement 51 % des femmes avaient accès aux services de micro finance contre 64 % des hommes (BCEAO). Plusieurs facteurs expliquent la faible présence des femmes:
- Les femmes rurales sont fortement impliquées dans la production céréalière de leur famille et disposent d’outils de production rudimentaires. Elles ne perçoivent ni rémunération ni valorisation.
- En plus de contribuer à la production céréalière de leur famille, elles doivent exercer leurs propres activités productives (céréalières, mais principalement maraîchères) sur des parcelles qui leur sont allouées ou prêtées. Souvent éloignées et peu fertiles, ces parcelles font rarement l’objet d’investissements conséquents, car les femmes redoutent sans cesse que les propriétaires ne reprennent leurs terres et les propriétaires craignent que les femmes ne s’approprient les terres s’ils y apportent des améliorations.
- L’accès au crédit est très limité pour les femmes, surtout en matière de crédit agricole, le principal obstacle ayant trait à la capacité d’offrir des garanties aux institutions financières. Rares sont les femmes qui parviennent à obtenir du crédit de campagne (pour une activité saisonnière) ou du crédit d’équipement, que ce soit en nature ou en espèces.
- On estime que moins du quart des femmes sont alphabétisées et rares sont celles qui réussissent à obtenir un encadrement ou à recevoir des formations spécifiques liées au développement de leurs activités économiques. Les femmes disposent donc de moyens limités pour répondre aux exigences et relever les défis liés aux transactions économiques.
Dès 1993, par la mise en place du programme d’accès des femmes au crédit réalisé par Développement international Desjardins, le Canada affichait son intention claire de voir l’amélioration du statut économique et des conditions de vie des femmes des régions de Ségou et de Bamako, en favorisant leur bancarisation, leur accès au crédit et le renforcement de leurs entreprises individuelles et collectives.
Dans le but de satisfaire sa clientèle féminine et rurale, le réseau Nyèsigiso a mis en place des activités de formation visant spécifiquement les femmes, tels les ateliers sur l’éducation financière, la gestion et l’accès au crédit. Aujourd'hui, en bonne partie grâce à l’action de la coopération canadienne, les femmes ont un meilleur accès aux services financiers.
Les réseaux coopératifs contribuent directement à l’inclusion financière des femmes maliennes. Avec 22 % de femmes dirigeantes, le réseau Nyèsigiso marque sa volonté de voir les femmes jouer un rôle de plus en plus actif dans la société malienne. La présence soutenue des femmes dans les réseaux coopératifs est un gage de progrès.
Dans la poursuite de la stratégie visant à réduire les disparités économiques et sociales, le Canada poursuit ses efforts en vue d’une plus forte participation des femmes dans le secteur de la finance inclusive. En 2017, le projet FARM s’est doté d’une stratégie sur l’égalité entre les femmes et les hommes visant à mettre en place les conditions propices à une offre de produits financiers qui répondent aux besoins des femmes agro-entrepreneures. Cette stratégie, basée sur l’analyse comparative entre les sexes, vise à améliorer l’accès des femmes aux ressources, à la prise de décision et aux connaissances.
Leçons apprises
Au-delà de l’intérêt marqué pour la finance inclusive et la reconnaissance de sa pertinence dans le contexte malien, la nécessité de poursuivre l’extension du réseau par une amélioration et une diversification des produits et services et l’augmentation des points de service, notamment en milieu rural et isolé, les leçons apprises de l’intervention du Canada dans le secteur de la finance inclusive au Mali sont nombreuses. Même s’il demeure impossible d’en faire un portrait complet, notons en quelques-unes d’intérêt.
D’abord, les dernières années, et tout particulièrement la période de crise qui a suivi les événements de 2012, ont démontré la nécessité de maintenir un niveau de rentabilité permettant de sécuriser le réseau d’institutions financières de proximité. C’est pourquoi, malgré l’engagement social fort du réseau de finance inclusive, il s’avère essentiel de rechercher un équilibre entre la mission sociale et les objectifs de pérennité financière. Dans le même esprit, il est également vital d’atteindre un juste milieu entre les taux d’intérêts, jugés trop élevés pour les clients et trop faibles pour assurer la viabilité des institutions.
L’expérience de l’appui canadien aux systèmes financiers décentralisés au Mali montre qu’en marge de la population pauvre figure une autre catégorie : la population très pauvre, qui doit également composer avec la nécessité de vivre dignement dans son environnement. Cette population demeure exclue du système bancaire, et même de l’économie, qui se veut pourtant inclusive.
Le défi des institutions de finance inclusive demeure le développement d’une approche qui permettra d’inclure cette population, en fonction de ses besoins et en respectant ses moyens limités, en gardant toujours à l’esprit la nécessité de maintenir la santé de l’institution financière. D’autres types de programmes peuvent être nécessaires pour améliorer la situation de cette population et réussir à l’intégrer.
Enfin, il ressort que les programmes de micro finance gérés par le gouvernement créent généralement des distorsions dans le marché, car ils sont sujets à l’influence politique plutôt que portés par des intérêts commerciaux.
L’approche coopérative, caractérisée par le membre-propriétaire impl1ique une gestion démocratique, davantage à l’abri de l’influence et des intérêts d’un individu et plutôt tournée vers les besoins de la communauté et la réduction de la pauvreté.
En ce sens, les partenaires canadiens en appui à la finance inclusive ont légué beaucoup plus qu’un savoir-faire. Ils ont inculqué une culture d’engagement communautaire et de développement.
Sources d’information
- BCEAO – Document - Cadre de politique et de stratégie régionale de l’inclusion financière dans l’UEMOA;
- Tableau des indicateurs clé du secteur de la micro finance, 2017, MPISP
- Études d’impact de SOCEPI datant de 2004;
- Rapport Étude Impact version finale-CAECE 26-01-04;
- Rapport Étude Impact version finale-Caisses de base-16-01-04;
- Rapport Étude Impact version finale-Caisses Villageoises 26-01-04;
- Rapport Méthodologie Étude Impact version finale;
- Synthèse Résultats – Évaluation Nyèsigiso;
- Présentation – Micro finance au Mali : États des lieux;
- Rapport annuel 2013 sur l’évolution du secteur de la micro finance au Mali, Ministère de l’économie et des finances (MEF);
- Rapport annuel 2014 sur l’évolution du secteur de la micro finance au Mali, Ministère de l’économie et des finances;
- Rapport annuel 2015 sur l’évolution du secteur de la micro finance au Mali, Ministère de l’économie et des finances;
- Rapport semestriel 2015 – Projet FARM;
- Rapport semestriel 2016 – Projet FARM;
Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à la production de la présente histoire :
- Le personnel d’Affaires mondiales Canada;
- Le personnel du Projet de Services d’appui sur le terrain;
- Le personnel de Développement international Desjardins;
- M. Marcel Ouellette, consultant.
- M. Alhassane Ibrahima Diall, Coordonnateur du Centre de promotion et d'appui des systèmes financiers décentralisés;
- M. Adama Camara, Président de l’Association professionnelle des systèmes financiers décentralisés du Mali;
- M. Modibo Coulibaly, Directeur général de Nyesigiso et son équipe.
La série « Histoires d’impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d’appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.
Rue Sotuba/ACI, rond-point de l’ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Email: info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.
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