Sélection de la langue

Recherche

Irrigation de proximité : Mieux gérer l’eau pourrenforcer l’agriculture et réduire la pauvreté

On estime qu’à travers ces deux projets la coopération canadienne aura permis d’aménager ou de réhabiliter près de 25 000 hectares de terres irriguées exploitables.

Contexte du projet

L'agriculture est au cœur de la société, de l'économie et du développement du Mali. Le secteur agricole occupe 70 % de la population active, contribue à plus de 40 % du PIB et fournit près de 40 % des recettes d'exportations du pays. Presque 60,1 % de la population vit en milieu ruralet dépend de ce secteur. L'agriculture malienne repose essentiellement sur des pratiques traditionnelles assujetties aux conditions géographiques et climatiques ainsi qu'à une pluviométrie variable. Les systèmes d'exploitation agricole dominants sont de type familial et tirent leurs revenus d'une agriculture pluviale faiblement mécanisée. Malgré la place centrale de l'agriculture au Mali, la production agricole ne couvre pas les besoins des populations et la productivité est faible. Ces caractéristiques expliquent, d'une part la récurrence des crises alimentaires majeures survenues depuis 2005 et, d'autre part, le pourcentage de la population souffrant de sous-alimentation ou de malnutrition (29 %), alors que seulement 7 % des 43,7 millions d'hectares de terres arables sont cultivés. Au cours des dix dernières années, l'insécurité alimentaire et nutritionnelle a été exacerbée par une combinaison de facteurs exogènes tels que les chocs agro-climatiques, économiques et finalement sociopolitiques.

L'analyse des opportunités et des contraintes du développement du secteur agricole au Mali s'accorde à considérer que la faible utilisation des eaux de surface et la faible maîtrise de l'eau en général à des fins de production agricole constituent des obstacles à l'accroissement durable des revenus et à la réduction de la pauvreté dans les zones rurales.

À cet égard, le Mali dispose d'importantes ressources en eaux souterraines et de surface, avec un potentiel irrigable estimé à plus de 2,2 millions d'hectares, mais seulement 12 % de ces immenses capacités d'irrigation sont exploitées. Face à ces défis, la maitrise et la gestion de l'eau représentent une partie des solutions avancées pour augmenter la production et la productivité du secteur agricole et ainsi atteindre l'autosuffisance alimentaire.

Comment alors susciter un accès durable à l'eau de façon à cultiver les terres sur une plus longue période, voire toute l'année? Il semble qu'une part importante de la solution se trouve dans l'irrigation, et tout particulièrement dans l'irrigation de proximité.

Au Mali, l'agriculture irriguée se subdivise en deux principaux types : la grande et la petite irrigation (ou irrigation de proximité), selon la taille des aménagements.

Le Mali est situé sur la bande sahélienne. Malgré un climat très aride, l'immense potentiel irrigable du pays lui confère la position d'un des plus grands potentiels de développement agricole de l'Afrique de l'Ouest. Pourtant, selon la Direction nationale du génie rural, le cumul exploité (2016) était seulement de 462 450 hectares (dont à peine 1/3 aménagé en maîtrise totale de l'eau), soit seulement 21 % du potentiel irrigable sur l'ensemble du pays. L'irrigation permet pourtant de tripler voire quadrupler les rendements de l'agriculture pluviale et augmente l'intensité culturale.

Conscient de ce fort potentiel de l'irrigation de proximité et dans le but de coordonner les stratégies et actions dans un effort concerté, le Gouvernement du Mali a adopté le Programme national d'irrigation de proximité (PNIP) 2012 à 2021. C'est le cadre national de référence et la plateforme opérationnelle et financière qui établit les besoins du pays et oriente les actions du Gouvernement et de ses partenaires en irrigation de proximité.

L'appui au développement de l'irrigation ne se limite pas à l'installation de barrages. Au contraire, il relève d'une culture et d'une démarche de développement intégré qui impliquent un accompagnement des communautés dans l'intégration et la gestion de leurs nouvelles pratiques agricoles. À la suite des travaux, le programme prévoit un volet de formation en agronomie adaptée aux besoins spécifiques du ou des villages impliqués. Cette formation peut porter notamment sur la valorisation, la transformation et même la commercialisation des produits agricoles issus de l'irrigation de proximité.

On aura vite compris que l'irrigation de proximité peut changer radicalement la vie d'un village et de ses habitants. En plus d'assurer une sécurité alimentaire pour la communauté, elle permet d'implanter une culture de contre-saison, allongeant considérablement la période de production. Combinée à des capacités en entreposage et en conservation, elle permet à la communauté de fournir des produits hors-saison à des prix nettement plus avantageux. Elle contribue ainsi à la réduction de la pauvreté en milieu rural.

« C'est un changement profond du rapport de l'homme à la ressource en eau et à l'espace. Avant l'aménagement, quand on parle de l'eau aux populations, elles la vivaient comme une ressource qui ne fait que passer. Elles vivent d'ailleurs les phénomènes d'inondation comme un aléa qu'on ne maîtrise pas, et ce avec un certain fatalisme. A partir du moment où on leur met un aménagement, il y a un contrôle de la ressource. »

–Thomas Hertzog

Implication canadienne

En 2008, face à la succession des crises alimentaires (2005, 2008) au Mali, le Canada a décidé de contribuer à l'amélioration de la sécurité alimentaire en augmentant significativement ses investissements en appui au développement du secteur agricole et plus particulièrement au développement de l'irrigation de proximité au Mali. Le Canada a financé consécutivement le Projet d'appui à l'irrigation de proximité (PAIP), de 2010 à 2014, auquel a succédé le projet Renforcement de l'Agriculture Irriguée (REAGIR) pour la période 2014 à 2019. Le financement cumulé de ces deux projets représente un montant total de 95 millions de dollars canadiens, faisant du Canada le principal bailleur de fonds, avec l'Allemagne, de l'appui à l'irrigation de proximité au Mali.

Le PAIP (2010 à 2014) consistait en un appui financier direct de 20 millions $ CA (environ 8,6 milliards de FCFA), sous forme de coopération déléguée à la GTZ (Agence de la coopération allemande devenue par la suite GIZ), partenaire important et de longue date du Mali dans la sécurité alimentaire et l'irrigation de proximité. L'objectif du PAIP était de contribuer à l'amélioration de la sécurité alimentaire par une augmentation de la production et de l'accessibilité des produits agricoles. Au-delà d'un accompagnement dans l'élaboration du Programme national d'irrigation de proximité et dans la coordination du développement du secteur, le PAIP visait à contribuer à l'accroissement des capacités de production et de commercialisation des produits issus de l'irrigation de proximité et à la réduction des risques d'insécurité alimentaire des régions ciblées (principalement les régions de Tombouctou et Mopti).

Doté d'une enveloppe budgétaire de 75 millions de $ CA (environ 32 milliards de FCFA), REAGIR est une mise à l'échelle du projet PAIP. Ce financement canadien s'inscrit dans la mise en œuvre des initiatives opérationnelles de la coopération allemande (GIZ et KfW) dans le sous-secteur de l'irrigation de proximité et est complémentaire des interventions des autres partenaires techniques et financiers (UE et USAID).

L'objectif de REAGIR est d'augmenter la production agricole issue de l'irrigation de proximité et d´assurer un meilleur accès aux marchés pour contribuer à l´amélioration de la sécurité alimentaire et la création d´emplois au Mali. Plus spécifiquement, il s'agit de parvenir à une utilisation accrue, durable et équitable du potentiel irrigable dans les régions de Koulikoro (cercle de Koulikoro, Banamba, Kati sud et Dioïla) et Mopti (cercles de Bandiagara, Koro et Bankass ainsi que Youwarou).

Au-delà de l'appui au renforcement des capacités institutionnelles, techniques et organisationnelles des acteurs de l'irrigation de proximité, les principales activités de REAGIR portent sur l'aménagement, la construction et la réhabilitation d'infrastructures telles que des périmètres irrigués villageois, des micro-barrages, des mares, des seuils d'épandage, des magasins de stockage et des pistes rurales, liées à la production, la conservation et la commercialisation des produits agricoles issus de l'irrigation. De même, avec REAGIR, il est prévu l'accompagnement et la formation des producteurs à de nouvelles techniques agricoles et sur l'utilisation durable des ressources naturelles (sol et eau). REAGIR intervient donc à deux niveaux : (1) l'élargissement des zones irriguées et la valorisation des produits agricoles et des infrastructures de commercialisation, notamment à travers l'achat de matériels et équipements agricoles, et (2) la valorisation de la production agricole issue de l'irrigation de proximité, notamment à travers le renforcement de capacités des producteurs, particulièrement des femmes, en matière de conservation, de transformation et de commercialisation des produits agricoles. Dans le cadre de ce volet, le partenariat avec la coopération allemande permet également un appui à l'émergence d'entreprenariat agricole et agroalimentaire, la structuration institutionnelle des organisations de producteurs et productrices ainsi que l'entretien et la mise en valeur des aménagements hydro-agricoles.

Implication des autres partenaires

L'implication du Canada dans l'appui au développement de l'irrigation de proximité est avant tout marquée par un fort partenariat avec la coopération allemande, sous la forme d'une coopération déléguée. Le mécanisme de coopération déléguée manifeste le choix par le Canada de confier ses fonds et la responsabilité de la mise en œuvre des initiatives visées à la coopération allemande, compte tenu de sa longue expérience et son expertise déjà démontrée dans le secteur au Mali.

Ce partenariat implique une relation de confiance basée sur la reconnaissance des compétences de chacun des partenaires et exige une grande souplesse de la part des deux parties.

Ce partenariat a permis au Canada d'apporter une réponse rapide à la crise alimentaire sévissant au Mali (2008 à 2009). L'équipe de la coopération allemande était déjà opérationnelle sur le terrain, ce qui permettait de démarrer rapidement les activités et d'obtenir des résultats en matière de croissance de production agricole après seulement une campagne.

Le Canada a été en mesure de renforcer ses connaissances et de construire un réseau dans un domaine où il avait peu de programmation, en profitant de la longue présence et de l'expertise de la coopération allemande, acquise dans ce pays à travers ses différentes interventions depuis 1970. Le partenariat a privilégié une gestion efficace et efficiente des financements mis à la disposition du gouvernement malien pour l'irrigation de proximité, tout en limitant le risque fiduciaire.

D'autres partenaires techniques et financiers ont décidé d'appuyer ce sous-secteur dans les dernières années et en 2017, près de 30 partenaires appuyaient des actions complémentaires dans l'irrigation de proximité, dont l'Union européenne et l'USAID, en coopération déléguée avec l'Allemagne. Il y a une vingtaine de projets majeurs, totalisent 240 milliards de FCFA (environ 571 millions $ CA), pour la période 2012 à 2021. Ces contributions couvrent près de 60 % du coût des investissements du Programme national d'irrigation de proximité, estimé à 395 milliards FCFA (environ 940 millions $ CA).

Résultats obtenus

Localisation des aménagements hydro-agricoles (AHA) de la coopération canadienne en coopération déléguée dans l’irrigation de proximité

Le premier résultat marquant de l’appui canadien au programme d’irrigation de proximité au Mali est l’augmentation considérable de la superficie cultivable grâce à la remise en culture des terres basses. Après un peu plus de 7 ans d’intervention (2010 à 2018), les résultats consolidés du PAIP (2010 à 2014) et de REAGIR (à sa troisième année de mise en œuvre 2014 à 2017) sont éloquents. Ils ont contribué à la valorisation du potentiel irrigable du pays de façon significative, tout en participant au développement, à l’occupation et à l’aménagement du territoire, notamment dans les régions de Koulikoro, Mopti et Tombouctou.

On estime qu'à travers ces deux projets la coopération canadienne aura permis d'aménager ou de réhabiliter près de 25 000 hectares de terres irriguées exploitables, si l'on inclut les mares dans les régions de Mopti, Tombouctou et Koulikoro, sur la période 2010 à 2017. Ces aménagements ont permis des avancées importantes liées à la production agricole et à l'amélioration de pratiques agricoles, à la santé alimentaire, à la création de la main-d'œuvre, bref, à la réduction de la pauvreté.

L'appui du Canada a contribué à l'élaboration et à l'approbation du Programme national d'irrigation de proximité qui constitue maintenant le cadre fédérateur de tous les intervenants de l'irrigation de proximité (collectivités, services techniques, producteurs, partenaires techniques et financiers, etc.

Production agricole et santé alimentaire

Photo de la construction de micro-barrage en pays Dogon, février 2018

Au terme du projet REAGIR (2019), il est prévu que près de 39 000 exploitations des régions de Mopti et Koulikoro, pour un total de 233 500 producteurs et productrices agricoles, bénéficieront directement des aménagements hydro-agricoles construits, réhabilités et mis en valeur et augmenteront ainsi leurs possibilités d'emplois et leurs revenus. Plus de 19 000 nouveaux hectares de terres agricoles irriguées seront aménagés et exploités, soit 1/3 des 60 000 ha d'aménagement du Projet national d'irrigation de proximité prévus pour la période 2014 à 2019, permettant ainsi une production supplémentaire annuelle de plus de 27 600 tonnes de céréales, dont près de 19 000 tonnes de riz, ainsi que plus de 84 700 tonnes de produits maraîchers, tels que l'échalote, la tomate et la pomme de terre. À elle seule, la production annuelle supplémentaire de riz attendue devrait permettre de satisfaire les besoins de plus de 232 000 personnes par année. Pour sa part, l'accroissement de la production maraîchère prévue correspond aux besoins nutritionnels d'environ 580 000 personnes, tel que suggéré par l'Organisation mondiale de la santé de l'Agence des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture.

La sécurité alimentaire et les activités génératrices de revenus pour les populations ont été améliorées grâce à l’augmentation des superficies cultivables, l’accroissement des rendements, la diversification de la production ainsi que l’augmentation significative de l’autoconsommation dans les zones d’intervention.

L’approche choisie par le Programme national d’irrigation de proximité quant au développement des infrastructures complémentaires (barrages pour la production agricole, la pisciculture, magasins pour le stockage/conservation, pistes pour l’accès aux marchés) favorise un développement socio-économique durable des villages ciblés.

Des infrastructures dans une même zone géographique rend possible la mutualisation des moyens (pirogues, charrues, charrettes, équipements de travail, etc.); une meilleure organisation de l'approvisionnement groupé en intrants et la commercialisation des productions agricoles pour l'obtention de prix rémunérateurs et la création d'un pôle de développement favorisant la promotion des services de maintenance des équipements agricoles et la mécanisation des activités de production et de transformation. L'irrigation de proximité, accompagnée d'une amélioration des conditions de stockage et de conservation (magasins de semences, entrepôts, etc.), permet le développement d'une culture de contre-saison. Cette culture permet à son tour d'inscrire l'agriculture de proximité dans une activité économique dont les retombées peuvent contribuer grandement à la communauté.

L'exploitation des nouvelles infrastructures hydro-agricoles a concouru à la sécurité alimentaire, par l'accroissement des superficies exploitables, la diversification des productions agricoles, le développement du maraîchage et l'introduction de la riziculture.

Création d'emplois

On peut difficilement compter les emplois directs créés dans le secteur agricole grâce au développement de l'irrigation de proximité. Dans chacun des villages concernés, c'est toute la communauté qui se voue à l'agriculture dans un contexte structuré. Auparavant, l'agriculture constituait plutôt une activité saisonnière pour la subsistance alimentaire de la famille. Aujourd'hui, elle devient un emploi pour toute l'année.

Par ailleurs, la création d'une véritable filière de l'irrigation de proximité au Mali va bien au-delà de la simple fonction « production ». Les investissements en irrigation de proximité ont contribué au développement d'une chaine de valeur, créant ainsi des opportunités économiques et d'emplois. Son essor a permis de créer et de renforcer d'autres corps de métiers et des prestataires de services, en amont et en aval de la production, qui sont nécessaires à une exploitation durable des aménagements hydro-agricoles : les mécaniciens, les aménagistes, les maçons, les fournisseurs d'intrants et d'équipements (motopompes, équipements de transformation). Entre 2012 et 2017, l'irrigation de proximité a suscité la création de plus de 11 500 emplois au niveau des bureaux d'ingénieurs-conseils, des entreprises de construction et de contrôle technique, des prestataires de services, des fournisseurs. Grâce à l'envergure de ses investissements, le Canada a fortement contribué à développer une base solide et une masse critique suffisante qui permettront sans doute d'assurer la durabilité de cette filière dans les différentes régions du Programme national d'irrigation de proximité.

L'irrigation de proximité a également permis la professionnalisation, ainsi que la multiplication, des entreprises de construction et des bureaux d'ingénieurs conseils. Au début du Programme national d'irrigation de proximité, en 2012, la Direction nationale du génie rural avait des difficultés à recruter des entreprises bénéficiant d'un savoir-faire suffisant en matière de construction d'aménagements hydro-agricoles. Six ans plus tard, on compte plus de 100 entreprises de construction et une trentaine de bureaux d'études au niveau national capables de mener à bien les études techniques et les mandats de surveillance et de contrôle.

Le développement de l'irrigation de proximité est générateur de nombreux emplois plus rémunérateurs dans les zones rurales, particulièrement pour les femmes et les jeunes. L'irrigation de proximité constitue surtout pour les régions du Nord une alternative à l'émigration. Elle contribue considérablement à la fixation des populations.

Perspectives d'avenir

L'irrigation de proximité au Mali n'a pas fini de connaître des avancées. L'utilisation de nouvelles technologies, telles que les dispositifs du Système d'information géographique et de télédétection, ouvre la voie à de meilleures techniques de planification et de contrôle de l'irrigation.

L'introduction de l'outil « drone » constitue un bel exemple de nouvelle technologie testée en vue d'améliorer le suivi, évaluation et la communication. D'autres domaines d'application, notamment l'identification, la prospection et les études de bases (topos, évaluations de superficies et de volumes d'eau en surface, rendement des cultures) sont en train d'être explorés. Les communautés éloignées sont de moins en moins isolées et il leur sera de plus en plus facile d'intégrer les nouvelles technologies à leurs activités agricoles de façon à augmenter leur productivité, à mieux subvenir à leurs besoins et à profiter économiquement des fruits de leur travail.

Défis rencontrés

La mise en œuvre de l'appui canadien à l'irrigation de proximité, et plus largement la mise en œuvre du Programme national d'irrigation de proximité, se heurte cependant à un certain nombre de défis. L'un des défis majeurs est la redistribution des terres cultivables. L'architecture et la législation foncières du Mali reposent aussi bien sur des dispositions légales (le droit moderne) que sur des dispositions traditionnelles (le droit coutumier). Ce chevauchement entre deux approches peut facilement devenir source de litige. On note particulièrement l'imprécision des droits fonciers, la difficulté d'accès des femmes aux terres aménagées et l'insuffisance de protection des droits fonciers des producteurs et productrices. C'est pourquoi des clarifications et des ententes foncières claires s'avèrent nécessaires avant le démarrage des travaux d'aménagement.

Par ailleurs, les organisations paysannes, principales gestionnaires des terres irriguées, sont souvent encore peu structurées et ne sont pas en mesure de rendre des services efficaces à leurs membres. Sur le plan économique, elles ont des difficultés à mobiliser des ressources financières et les systèmes de financement du secteur primaire sont peu adaptés pour accompagner les investissements hydro-agricoles. Compte tenu des capacités limitées des organisations paysannes, il s'avère parfois difficile de faire la démonstration de la rentabilité des investissements de l'irrigation de proximité, démarche pourtant essentielle si l'on veut mesurer l'atteinte des résultats en matière de réduction de la pauvreté et de croissance économique.

La valorisation et la commercialisation des produits agricoles demeurent également un défi pour les agriculteurs et agricultrices. L'enclavement des zones de production, la faible diversification de la production, l'absence de système d'information et de transfert de connaissances sur les marchés constituent autant d'enjeux auxquels ils sont confrontés. Dans ce contexte, il reste encore un très grand travail à accomplir pour la valorisation optimale et l'accès à des conditions de commercialisation favorables pour les produits agricoles issus de l'irrigation de proximité.

Dimension égalité des genres

Photo d’une ingénieure hydro-agricole malienne coordonnant la planification de construction d’unmicro-barrage, 2016.

Il est reconnu que les femmes jouent un rôle primordial dans la production agricole au Mali, plus spécifiquement dans les filières de la riziculture et du maraîchage (60 % de la production maraîchère au Mali est assurée par les femmes), dans les zones d’intervention de l’irrigation de proximité. Cependant, l’entrepreneuriat féminin est freiné par différents facteurs socioculturels qui ont pour conséquences : (1) le faible accès des femmes à la terre et aux ressources productives; (2) le confinement des femmes dans les cultures vivrières destinées à la subsistance de la famille; (3) le faible niveau d'équipement des femmes pour la production et la transformation; (4) l'accès inégal des femmes aux moyens de financement et aux aménagements hydro-agricoles; et (5) l’exclusion des femmes au niveau des droits de succession. Cette marginalisation a contribué au fil du temps à l’exclusion des femmes des processus de renforcement de capacités et de formation, d’où le niveau faible des organisations paysannes féminines au Mali.

Photo des productrices maraîchères en pays Dogons,février 2018.

À cela s’ajoute le fort pourcentage d’analphabétisme chez les femmes dans les zones rurales ciblées par l’irrigation de proximité.

Le Canada a joué un rôle important pour que la dimension Égalité femmes-hommes soit une composante principale de toutes les activités des projets, contribuant, entre autres, à une meilleure prise en compte de cette dimension dans les processus et outils de programmation, de suivi et de rapportage des projets. Les femmes sont progressivement devenues des intervenantes incontournables de l’irrigation de proximité au Mali grâce à une institutionnalisation de leur participation dans la planification et la gestion des aménagements hydro-agricoles, notamment en inscrivant leur pleine implication à hauteur d’un minimum de 30 % dans la composition des comités de gestion des infrastructures construites ou réhabilitées.

On constate également une augmentation importante des superficies exploitées par les femmes. L’appui canadien a notamment contribué à faire inscrire l’obligation pour toute intervention dans le cadre du Programme national d’irrigation de proximité de dédier un minimum de 10% des surfaces aménagées aux exploitantes. D’ailleurs, notamment dans la région de Mopti, certains périmètres irrigués villageois exclusivement réservés aux femmes ont été réalisés grâce au financement canadien, avec des équipements de pompage adaptés qui peuvent être gérés par des femmes.

L’irrigation des bas-fonds sert habituellement à la culture du riz, qui est traditionnellement assignée aux femmes. Celles-ci sont donc les premières bénéficiaires de ce secteur de l’irrigation de proximité.

Les financements des projets PAIP et REAGIR ont par ailleurs permis la multiplication des opportunités à travers la création de plus de 15 000 emplois pour les femmes, incluant les activités en amont et en aval des activités de production sur l’ensemble des chaînes de valeur des deux filières (maraîchage et riziculture). Par ailleurs, plus de 5 000 femmes ont été formées dans les techniques de production et de valorisation/transformation des produits agricoles issus de l’irrigation de proximité. Ces nouveaux emplois féminins constituent une avancée majeure dans le développement de l’entreprenariat féminin à travers la transformation et la commercialisation des produits de l’irrigation de proximité. Certaines femmes ont vu leurs revenus plus que quadrupler.

Enfin, l’appui canadien a contribué à la mise en place de stratégies et d’activités de sensibilisation à l’intention des communautés villageoises pour une plus grande accessibilité des femmes aux bas-fonds aménagés, à travers la signature d’accords tripartites (bénéficiaire, projet et mairie). Ces ententes visent notamment à assurer la sécurité de la tenure foncière des parcelles de production des groupements féminins.

Leçons apprises

L'implication canadienne en appui à l'irrigation de proximité au Mali a fourni de nombreuses leçons et continue de le faire. L'expérience réussie de la coopération déléguée a été source de motivation pour d'autres partenaires impliqués dans le développement du sous-secteur de l'irrigation de proximité. Elle a permis de faciliter la coordination par la partie malienne, à travers le Programme national d'irrigation de proximité, et a encouragé la concrétisation de l'approche sectorielle sous la coordination et le pilotage des structures maliennes. Elle a contribué au renforcement de la coordination des interventions des partenaires techniques etfinanciers, avec la création d'un noyau dur formé des principaux partenaires appuyant l'irrigation de proximité. L'expérience de la coopération déléguée entre le Canada et l'Allemagne et les bons résultats obtenus ont incité d'autres partenaires à leur emboiter le pas dans l'utilisation de ce mécanisme, notamment l'Union européenne et l'USAID.

La mise en œuvre du PAIP et de REAGIR a fait ressortir plusieurs facteurs de durabilité qui constituent des conditions critiques pour que les résultats et impacts des investissements de la coopération canadienne et ceux des autres interventions en appui au développement en irrigation de proximité au Mali, se maintiennent à long terme. On note notamment l'importance de l'obtention d'un consensus sur la gestion des terres aménagées dans les communautés ciblées par l'irrigation de proximité. Cette gestion concertée se manifeste par des accords pris en assemblée villageoise et sous la coordination et la tutelle des collectivités territoriales.

De même, la responsabilisation des organisations paysannes et le renforcement de leurs capacités sont des éléments indispensables à la pérennité des actions. Il ressort des expériences le besoin de réunir un certain nombre de conditions préalables, notamment l'expression des besoins par une organisation de producteurs/productrices légalement constituée, l'assurance de la participation effective des organisations paysannes, la sécurité foncière attestée par la commune, etc.

Enfin, la durabilité des acquis dépend de la mise en place de mécanismes financiers pérennes et fonctionnels permettant de garantir une couverture des coûts d'entretien ou du renouvellement des infrastructures. L'intervention du Canada dans le sous-secteur de l'irrigation de proximité est une belle aventure de coopération qui a fait ses preuves. La lutte contre l'insécurité alimentaire et la pauvreté, l'instabilité des populations et la dégradation de l'environnement dans un contexte de changement climatique, notamment en milieu rural, demeurent des enjeux prioritaires pour le Mali. L'appui fourni par le Canada cadre parfaitement avec ces priorités. De cette intervention on doit retenir l'impact sur l'amélioration des conditions de vie des populations, et plus spécifiquement des femmes, à travers la création d'emplois, l'augmentation des revenus, le développement de l'entreprenariat, l'amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés et la réduction de la pauvreté. Cette intervention contribue à la conservation durable des eaux et des sols, elle joue un rôle important de stabilisation des populations et de réduction des migrations.

Sources d'information

  • Rapport final du PAIP, GIZ, décembre 2014;
  • Rapport de la Mission d'évaluation du PAIP, GEDD-Sarl, AMC, mai 2015;
  • Rapports annuels d'activités 2015, 2016, 2017 du PASSIP/REAGIR, GIZ;
  • Rapports annuels d'activités 2015, 2016, 2017 du projet IPROs -REAGIR, KfW;
  • Programme national d'irrigation de proximité (PNIP) 2012-2022, Ministère de l'agriculture, mars 2012.

Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à la production de la présente histoire :

  • Le personnel d'Affaires mondiales Canada;
  • Le personnel du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT);
  • M. FafreBagayoko, Coordinateur Secteur Agriculture, KfW;
  • M. Mousssa Diallo, Directeur National adjoint DNGR;
  • M. Adama Diarra, Directeur National DNGR;
  • M. Mamadou Diarra, Consultant, ex-conseiller sécurité alimentaire développement rural, UAP;
  • M. Juergen Hoerner Directeur PASSIP;
  • M. Amaury Hoste, Chargé de programme Délégation de l'Union européenne;
  • M. Abdoulaye Kabdaogo, Chargé de projet Délégation de l'Union européenne;
  • M. Daniel Kelema, Coordinateur Composante 1, PASSIP / REAGIR, GIZ;
  • M. Detlef Klein, Chargé de Projet IPRO-REAGIR, KfW, Allemagne;
  • M. BadjiMaharafa, Coordinatrice Composante 2 PASSIP/REAGIR, GIZ;
  • M. HuubMustenge, Conseiller au Secrétariat technique permanent du PNIP;
  • M. HelmiSabara, Coordinateur Composante 3 PASSIP / REAGIR, GIZ;
  • M. Cheick Sadibou Keita, Consultant, ex-conseiller SA/développement rural, UAP;
  • M. Jan Schumacher, Directeur du bureau KfW de Bamako;
  • M. Siaka Fofana, Directeur National de l'Agriculture;
  • M. Samaké, ex-Directeur DNGR);
  • M. Agha Tam, Coordonnateur national du projet REAGIR-IPRO Mali-Nord.

La série « Histoires d'impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.

Rue Sotuba/ACI, rond-point de l'ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Courriel : info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.


Liens connexes

Signaler un problème sur cette page
Veuillez cocher toutes les réponses pertinentes :

Merci de votre aide!

Vous ne recevrez pas de réponse. Pour toute question, s’il vous plaît contactez-nous.

Date de modification: