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Les Centres de santé communautaire universitaires au Mali : Un partenariat entre communautés

Les professeurs et les chargés d’encadrement clinique passent de plus en plus d’un rôle d’enseignant omniscient à celui de mentor et de facilitateur.

Contexte du projet

Les soins de santé de première ligne sont à la base du système de santé du Mali. Afin d’appuyer le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique dans l’amélioration de l’offre de services essentiels de qualité aux Maliennes et au Maliens, le gouvernement du Canada a investi dans la mise en œuvre d’une initiative novatrice, l’implantation à Bamako et dans quatre régions de Centres de Santé Communautaire Universitaires (CSCom-U).

Comme plusieurs initiatives de développement, la mise en place des CSCom-U au Mali a pris racine dans un partenariat entre individus et qui est devenu un partenariat entre institutions et entre communautés. Les CSCom-U constituent l’exemple-type d’un projet né de l’expérience humaine, une initiative qui a été conçue et qui s’est concrétisée grâce à des personnes engagées dans une vision partagée du développement humain.

Photo de Pr François Couturier

En 1989, François Couturier était étudiant en médecine à l’Université de Sherbrooke, au Canada. Il est reçu pour un stage d’externat au Centre de santé communautaire de Banconi, dans la ville de Bamako, au Mali. Cette exposition à la dynamique du CSCom-U de Banconi et son directeur, le Dr Akory Ag Iknane, sera une véritable révélation pour cet étudiant canadien et s’avèrera déterminante dans l’établissement du partenariat entre le CSCom-U de Banconi et l’Université de Sherbrooke.

Sept ans plus tard, François  Couturier  est  devenu  professeur d’enseignement clinique au Département de médecine familiale de l’Université de Sherbrooke. C’est par hasard qu’il rencontre alors chez des amis communs le Dr Albaka Ag Bazet, médecin malien établi depuis peu à Montréal. Celui-ci est proche parent du Dr Akory, le médecin de l’Association de santé communautaire de Banconi, créée en 1989, rencontré à Bamako. Le contact est renoué : de cette rencontre imprévue résultera la mise en place du premier stage en clinique de Santé internationale pour des résidents en médecine familiale de Sherbrooke à l’Association de santé communautaire de Banconi, un modèle de partenariat innovant entre les communautés et le milieu universitaire dans le secteur de la santé.

Depuis 1996, les liens entre l’Université de Sherbrooke et le CSCom-U de Banconi n’ont jamais été rompus. Cette collaboration est à la base de l’idée de la création des CSCom-U à vocation universitaire, innovation porteuse du projet Formation des professionnels de la santé (DÉCLIC) qui touche actuellement cinq Centres de Santé communautaire dans quatre régions du Mali.

Les Centres de santé communautaire

La politique sectorielle de santé du Mali est bâtie sur une structure pyramidale dont le premier niveau est le Centre de Santé Communautaire (CSCom), le second le Centre de Santé de Référence (CSRef) et les troisième et quatrième niveau les Hôpitaux Régionaux et Nationaux. La gestion des CSCom est assurée par des associations de santé communautaire et plus précisément par le Comité de gestion.

Le Centre de santé communautaire (CSCom) est une institution sanitaire créée sur la base de l’engagement d’une population définie et organisée au sein d'une Association de santé communautaire. Conformément au décret du 28 juin 2005 fixant ses conditions de création et les principes fondamentaux de fonctionnement, un CSCom a pour vocation d’assurer le service public de santé au niveau de l’aire de santé pour répondre de façon efficace et efficiente aux problèmes de santé de sa population et lui offrir un paquet minimum d’activités. Plus précisément, il est chargé :

Ainsi, à travers son mandat à la fois curatif, préventif et promotionnel, un CSCom a pour mission de promouvoir la participation communautaire dans la gestion et la prise en charge des problèmes de santé de l’individu et de la collectivité.

Soins de première et deuxième ligne

Les services de première ligne représentent le point de contact de la population avec le réseau de la santé. Ils comprennent un ensemble de services courants qui s’appuient sur une infrastructure légère et peuvent être dispensés en cabinet privé, en centre de santé ou à domicile. Les services de deuxième ligne s'adressent aux personnes qui ne peuvent plus demeurer dans leur milieu naturel de vie ou qui s’appuient sur une infrastructure adaptée et une technologie relativement lourde, qu'on retrouve habituellement en centre hospitalier.

Fait intéressant, le CSCom de Banconi est un précurseur du mouvement de santé communautaire. Grâce au partenariat avec le Dr Couturier et l’Université de Sherbrooke, il a été le terrain d’expérimentation d’un nouveau concept de formation des médecins à partir de l’expérience communautaire. « À l’Université de Sherbrooke, nous sommes allés chercher la pédagogie d’enseignement de médecine de première ligne qui n’existait pas au Mali », souligne le Dr Mahamane Maïga, pionnier de la médecine communautaire au Mali.

En milieu rural, un CSCom joue un rôle encore plus étendu, compte tenu des difficultés d’accès aux services de santé. Comme en témoigne le Dr Maïga, la santé communautaire est difficile parce qu’elle s’adresse d’abord aux pauvres, alors que la santé a un coût. Il est également très difficile d’amener des médecins en milieu rural, car ils sont fortement attirés par les cliniques publiques ou privées en milieu urbain ou universitaire. Pourtant, les régions ont besoin de médecins, particulièrement pour améliorer la santé maternelle et infantile. Apparu comme un phénomène urbain, le mouvement de création des CSCom va progressivement s’étendre au monde rural grâce à un foisonnement sans précédent d’initiatives locales. Les autorités sanitaires du Mali ont dorénavant adopté le CSCom comme pièce maîtresse dans la mise en œuvre de la politique nationale de santé.

Having emerged as an urban phenomenon, the movement to create CSComs gradually spread to rural areas, thanks to an unprecedented flourishing of local initiatives. Mali's public health authorities went on to adopt the CSCom model as the cornerstone of the national health policy.

Les Centres de santé communautaire universitaires (CSCom-U)

Grâce au partenariat entre le Canada et le Mali, opérationnalisé à travers le projet DECLIC, les Maliens disposent dorénavant de Centres de santé communautaire universitaires (CSCom-U). Un Centre de santé communautaire universitaire est un centre de santé agréé par l’Université de Bamako, sur la base d’un certain nombre de critères, comme étant un lieu stratégique de formation et éventuellement de recherche pour les étudiantes et étudiants en médecine. C’est un modèle innovant, permettant de former des professionnels de la santé dans la communauté, de façon à ce qu’ils soient aptes à travailler dans les milieux de soins de premier niveau et à répondre aux besoins des populations desservies. Il s’appuie sur la conviction que le développement de milieux de stages délocalisés dans la communauté et la formation interdisciplinaire des différents professionnels de la santé sont des éléments essentiels pour améliorer les soins de santé primaire et notamment la santé des femmes et des enfants qui sont les principaux bénéficiaires des CSCom.

Le passage de CSCom ordinaire à CSCom-U fait l’objet d’un long processus d’évaluation et d’analyse. L’objectif final est d’examiner aussi systématiquement et objectivement que possible les CSCom ayant un potentiel universitaire. Le CSCom doit démontrer qu’il est apte à constituer un partenaire rigoureux et professionnel et n’obtiendra le statut universitaire que lorsqu’il sera agréé par l’Université de Bamako, à travers la Faculté de Médecine, comme étant un lieu stratégique de formation et éventuellement de recherche. Pour ce faire, il doit satisfaire aux critères suivants :

Vue partielle du CSCom-U de Konobougou (Région de Ségou), après sa mise à niveau par le projet DECLIC.

Au Mali, c’est à travers les Centres de Santé communautaire universitaires que la Faculté de médecine et d’odontostomatologie et l’Institut national de formation en sciences de la santé ont pu assumer leur responsabilité sociale de former des professionnels dont le système de santé malien a besoin en s’associant étroitement avec les milieux de soins de santé primaire. Ce modèle de formation pratique au sein des CSCom-U favorise un alignement et une meilleure synergie entre la formation, l’offre de services et les besoins des populations locales.

Les Centres de santé communautaire universitaires sont au nombre de cinq : les CSCom-U de Banconi (Bamako), de Ségué (Koulikoro), de Koniakari (Kayes), de Konobougou (Ségou) et de Sanoubogou (Sikasso).

Implication canadienne

La mise sur pied des CSCom-U et la formation des intervenants du système médical au Mali sont le résultat de nombreuses contributions de partenaires canadiens, tant institutionnels que gouvernementaux. Dès 1997 et jusqu’en 2000, la Faculté de médecine et des sciences de la santé de  l’Université de Sherbrooke, et la Faculté de médecine et d’odontostomatologie de l’Université de Bamako s’engagent dans un partenariat visant le renforcement des compétences des médecins maliens œuvrant en première ligne. Plusieurs stages cliniques de santé internationale sont organisés.

Photo de la visite de la Ministre de la coopération internationale et de la francophonie du Canada, Marie-Claude Bibeau, au CSCom-U de Banconi.

Entre 2001 et 2006, grâce à un appui ponctuel de l’ambassade du Canada, les deux universités développent des ateliers de formation continue sur le paludisme, les infections transmissibles sexuellement et la gestion du travail et l’accouchement au bénéfice de centaines de prestataires (médecins, sages-femmes et infirmiers).

De 2005 à 2010, le Centre de coopération internationale en santé et développement (CCISD), une organisation non gouvernementale canadienne, et le Cégep de Saint-Jérôme, équivalent québécois d’un institut d’enseignement post-secondaire, s’associent en consortium en vue de la mise en œuvre du projet d’Appui à la formation des paramédicaux. Les résultats attendus au terme de ce projet de cinq ans sont la mise sur pied d’un Institut national de formation en sciences de la santé et la formation de personnel paramédical selon l’Approche par compétences.

À partir de 2007, le consortium élargit son champ d’action à la formation et au renforcement du personnel médical malien en médecine communautaire et médecine de famille, dont l’un des volets est la mise en place des Centres de Santé Communautaire Universitaires.

Un aspect innovant et remarquable inscrit dans la démarche du projet consiste à appuyer la mise en place de comités de femmes utilisatrices. Leur mission est de sensibiliser et de mobiliser les femmes et les filles en vue d’une fréquentation massive des CSCom. Les comités de femmes utilisatrices jouent aussi le rôle d’interface entre les populations et le Centre de santé, qui est ainsi régulièrement informé des réactions sur la qualité des services offerts. Au-delà du partenariat entre l’Université de Sherbrooke et le Centre de santé de Banconi, ce sont aujourd’hui deux communautés médicales, l’une au Mali et l’autre au Canada, qui unissent leurs forces dans des échanges mutuels en vue d’améliorer leurs connaissances en santé familiale, communautaire et internationale.

Financé par le Canada, le budget total du projet Formation des professionnels de la santé DECLIC est de 19,1M $ CA (soit plus de 8 milliards de FCFA). Le consortium formé par le CCISD, le Cégep de St-Jérôme et l’Université de Sherbrooke a contribué pour plus de 465 000 $ CA (environ 200 millions FCFA). Près de 20 % de ce montant a été spécifiquement consacré à la mise en place des Centres de santé communautaire universitaires. La valeur du Projet d’appui à la formation des paramédicaux dont a bénéficié l’Institut national de formation en sciences de la santé de 2005 à 2010 s’élevait à 7,75M $ CA.

Implication des autres partenaires

Photo de quelques étudiantes et étudiants stagiaires des CSCom-U

La création des CSCom-U et plus largement l’implantation des programmes de formation des personnels médicaux et paramédicaux maliens sont le fruit de solides partenariats impliquant le gouvernement, les institutions et la société civile. Le Gouvernement du Mali, à travers le ministère de la Santé et de l’Hygiène publique, a facilité le bon déroulement des activités au niveau des CSCom-U. En tant que démembrement du ministère, la Direction nationale de la santé a favorisé et dynamisé la collaboration entre les structures de santé décentralisées, les écoles de formation en santé et les CSCom-U. Par ailleurs, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique assure la tutelle des deux écoles publiques de formation des médecins et du personnel paramédical impliquées dans le suivi des CSCom-U. L’Institut national de formation en sciences de la santé est signataire de la convention avec les CSCom-U qui reçoivent ses étudiantes et étudiants dans le cadre de leurs stages et la Faculté de médecine et d’odontostomatologie veille à l’encadrement des étudiantes et étudiants du Diplôme d’études spécialisées en santé communautaire.

Les Associations de santé communautaire, en tant que responsables de la gestion et de l’animation des centres de santé communautaires à vocation universitaire, ont comme rôle de promouvoir, avec l’appui de la Faculté de médecine et d’odontostomatologie et de l’Institut national de formation en sciences de la santé, l’atteinte des résultats. En tant que représentante de l’ensemble des CSCom-U, la Fédération nationale des Associations de santé communautaire du Mali s’implique auprès de ses membres. La mise en place des Comités de femmes utilisatrices a permis d’innover et d’adapter les services de santé aux besoins spécifiques des femmes et des filles.

Résultats obtenus

Le renforcement de l’offre de soins passe notamment par l’amélioration de l’environnement clinique, ainsi que par le renforcement des capacités des prestataires et les activités de supervision qui contribuent à consolider et à perfectionner la pratique des professionnels de la santé. Les cinq CSCom-U mis en place ont été dotés de moyens de fonctionner adéquatement, dans un environnement propice à l’apprentissage des stagiaires en santé et à la recherche médicale, et d’offrir  des services complets et de qualité aux populations desservies. À l’heure actuelle, 11 médecins et 59 agents paramédicaux y travaillent. De plus, 26 résidents (5 femmes et 21 hommes) du Diplôme d’études spécialisées en médecine familiale et médecine communautaire y sont présents. Depuis 2012, 1 354 stagiaires de l’Institut national de formation en sciences de la santé (51 % de femmes et 49 % d’hommes) y ont fait leur stage.

L’une des retombées remarquables de l’initiative a été de renforcer spécifiquement le recrutement et la rétention de ressources humaines compétentes en régions. Plusieurs mesures ont été mises en place afin de favoriser une formation délocalisée dans des conditions d’accueil et un environnement appropriés et sécuritaires. Parmi elles, des logements sexo-spécifiques, des bourses d’éloignement et l’amélioration des technologies de l’information et des communications afin de pallier l’éloignement de certains CSCom-U et de les relier aux activités de recherche et d’enseignement du réseau.

Il était important de créer en région des conditions similaires à celles des milieux urbains habituellement partenaires des universités dans la formation des médecins et professionnels de la santé. Grâce à cette nouvelle proximité, l’enseignement médical est mieux outillé pour intégrer les réalités propres à la santé en zones rurales.

L’initiative a créé un précédent avant-gardiste et proposé une réforme majeure de l’enseignement de la santé au Mali. Le rayonnement du projet s’est même fait sentir jusqu’au programme de formation pré-doctoral en médecine.

Un autre changement majeur a été l’instauration d’une véritable formation en santé mentale pour les médecins généralistes, une spécialité jusque-là presque absente du cursus médical et par conséquent du système de santé.
Cette mesure a reçu des échos positifs et certains résidents du Diplôme d’études spécialisées en médecine familiale et en médecine communautaire ont mené des projets de recherche sur cette thématique. Cela démontre une appropriation de la santé mentale que ces futurs médecins de première ligne intégreront plus aisément dans leur pratique.

La pérennité de tout projet de développement, quel que soit le secteur, dépend largement de sa capacité à susciter une prise en main locale et à opérer les changements nécessaires pour assurer la durabilité des acquis. À ce titre, la force du partenariat canado-malien en formation des intervenants en santé réside d’abord dans l’importance d’améliorer la prise en charge par les Maliens eux-mêmes des programmes d’enseignement. Les professeurs  et  chargés  d’encadrement  clinique  impliqués dans le Diplôme d’études spécialisées ont tous bénéficié d’une formation professorale de 100 heures en pédagogie de l’enseignement. Un noyau organise à intervalles réguliers des ateliers de mise à niveau pédagogique et clinique dans les CSCom-U au profit de tout le personnel, pour l’encadrement clinique des stagiaires par des  supervisions par les pairs. De cette appropriation découle une vie pédagogique et clinique qui se poursuit tant à la Faculté de médecine et d’odontostomatologie que dans les CSCom-U, et les Associations de santé communautaires assument maintenant parfaitement leur rôle de soutien à la vocation académique de leur CSCom-U.

La pérennisation des acquis passe également par l’acceptation du changement, l’adoption de nouvelles attitudes et la modification des pratiques. À cet effet, un premier changement d’attitude important concerne l’implication active des femmes, à tous les paliers décisionnels.

L’initiative a pu renforcer les compétences individuelles du personnel féminin de santé, de même que les capacités organisationnelles des institutions d’enseignement et des CSCom-U à prendre en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles.

Un autre changement de comportement majeur s’est opéré au niveau de la relation entre les enseignants (professeurs et chargés d’encadrement clinique) et les étudiants. Les professeurs et les chargés d’encadrement clinique passent de plus en plus d’un rôle d’enseignant omniscient à celui de mentor et de facilitateur. Ces changements majeurs et la qualité de la formation ont augmenté l’attractivité des CSCom-U.

Le projet a par ailleurs suscité une plus grande reconnaissance par les acteurs de la santé de l’importance de la médecine familiale et communautaire et fait émerger une attitude différente dans le milieu médical, qui encourage les professionnels à aller vers les populations pour mieux comprendre leurs défis et leurs besoins et mieux les servir, en collaboration avec les organisations communautaires et les collectivités locales.

Au ministère de la Santé et de l’Hygiène publique et à celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, les responsables reconnaissent de plus en plus le CSCom-U comme un lieu de formation académique de première ligne.

Le projet a également exercé un impact majeur sur les communautés. À travers les CSCom, les agents de santé prodiguent les soins dans des conditions d’hygiène et de salubrité appropriées et adaptées aux besoins spécifiques des femmes et des enfants. Le personnel a également été sensibilisé à l’importance de l’accueil, afin que les patients, et plus particulièrement les utilisatrices, soient traités avec dignité.

Enfin, l’implication des femmes, à travers les microprojets financés dans le cadre des CSCom­, a des effets positifs dans la diffusion des messages sur l’importance pour la santé des mères et des enfants, des consultations prénatales, des accouchements assistés et des consultations postnatales. L’initiative a aussi renforcé l’acquisition de connaissances sur les conséquences néfastes de l’excision et du mariage précoce sur la santé des femmes et des filles et sur l’importance de soins préventifs en santé.

Défis rencontrés

La rupture des conditions socio-politiques du Mali depuis les événements de 2012 et la détérioration des conditions de sécurité constituent les principales difficultés auxquelles le projet a dû faire face. L’insécurité a notamment rendu difficile les rencontres à l’extérieur de Bamako et les missions prévues au Mali par les experts canadiens. Il était prévu que tous les résidents du programme de médecine familiale et médecine communautaire et les chargés d’encadrement clinique des CSCom-U soient exposés à la médecine de famille canadienne, à travers la participation de stagiaires canadiens supervisés par des professeurs du microprogramme en santé internationale de l’Université de Sherbrooke.

Ces stages, riches en échanges, avaient lieu cinq mois par année dans les CSCom-U depuis 1997. Malheureusement, depuis 2012, l’Université de Sherbrooke a été contrainte de les suspendre au Mali, privant les chargés d’encadrement clinique d’un soutien additionnel important.  

La formation devait être offerte au Mali en novembre 2015, mais a été annulée à la suite d’un attentat meurtrier. La situation instable, à la suite du coup d’État en 2012, a également suspendu la formation des étudiants québécois au Mali. « Le programme a toutefois pu continuer, parce qu’on avait des racines profondes au Mali. L’équipe est très forte, très solide », souligne le Dr Couturier, qui ne croit pas qu’il faudrait abandonner le Mali, d’autant plus que l’objectif premier n’était pas la formation d’étudiants sherbrookois. « Ça nous apprend beaucoup. Il y a cette espèce d’humanité partagée aussi qui est très importante. »

Comme mesure de remplacement, les responsables du projet ont dû miser sur l’utilisation des technologies de la communication pour la tenue de rencontres virtuelles, ainsi que sur la délocalisation de certaines activités vers Bamako ou à l’extérieur du Mali. Malgré certaines lacunes dans la qualité de l’accès aux services de communication, l’implantation du réseau de communication et d’information des CSCom-U offre une opportunité d’information, d’échanges et de soutien virtuel, spécialement pour les quatre CSCom-U extérieurs à Bamako.

La  communauté  médicale  malienne  fait  dorénavant  face  au  plus  grand  défi,  celui de la pérennité des acquis. Les CSCom-U n’y échappent pas, notamment en ce qui concerne la communication entre les différentes parties prenantes de l’initiative, la lourdeur administrative pour l’adoption de plans et de  rapports, le climat politique instable et la forte mobilité du personnel.

Dimension égalité des genres

L’égalité entre les femmes et les hommes est au cœur de toute l’initiative, à la fois parce qu’elle permet l’amélioration des soins de santé, en particulier pour les femmes et les filles, mais également parce qu’elle suscite l’intégration des femmes à tous les paliers décisionnels, de la direction du projet aux personnes bénéficiaires.

Le développement d’initiatives spécifiques en égalité entre les femmes et les hommes a permis aux Associations de santé communautaire, ainsi qu’aux Comités de femmes utilisatrices et groupements de femmes, de mener des activités de sensibilisation au sein de la population. Les stratégies ont été adaptées aux réalités du milieu ou des thèmes choisis (séances au sein de la population, animations sur le thème du jour, sketchs, émissions thématiques sur les radios locales, etc.). Le projet a appuyé les Associations de santé communautaire des CSCom-U dans la réalisation de plusieurs initiatives en lien avec l’égalité entre les femmes et les hommes, sur des thèmes aussi variés que la santé des femmes et des enfants, l’importance des consultations prénatales et postnatales, la planification familiale, la santé de la reproduction, les mariages précoces, les mutilations génitales féminines, etc. Grâce aux microprojets en égalité entre les femmes et les hommes, 52 personnes des CSCom-U (32 femmes et 20 hommes) sont mieux outillées pour aborder la santé sexuelle et de la reproduction.

« Avant le microprojet, peu de femmes connaissaient leurs droits, surtout en matière de santé. Aujourd’hui, elles abordent les conséquences des mariages et grossesses précoces, des avortements clandestins, de l’excision et des autres formes de violence dont elles sont victimes. Profitant des connaissances acquises lors des séances de sensibilisation, plusieurs femmes animent des causeries sur ces thèmes ». – Les responsables de Banconi CSCom-U.

On constate également que les femmes formatrices sont significativement plus confiantes en leurs capacités à réaliser des activités de sensibilisation et que les femmes utilisatrices ont davantage recours aux services de santé maternelle et infantile. « À Kaworibougou, une dame de 54 ans dit qu’elle n’a jamais eu de plaisir  dans un contact sexuel et qu’elle a compris où se situe son problème. À Kouroune, la présidente des femmes a dit qu’elle se sent coupable du décès de sa petite fille, survenu quelques heures après son excision, par suite d’hémorragie. À Sirado, deux femmes ont dit que leur fille et petite-fille sont mortes de la même cause ». Certaines femmes étaient auparavant stigmatisées par la population pour avoir abordé des thèmes considérés comme tabous. Grâce aux sensibilisations, ces tabous sont maintenant en partie levés.

Puisque 80 % des usagers des CSCom sont des femmes, des filles et des enfants, il est important que les professionnels des CSCom prennent pleinement en compte les problématiques de la santé sexuelle et reproductive et qu’ils aient les compétences nécessaires pour y répondre dans le respect de leurs droits. Une difficulté d’adhésion des hommes avait été notée au début, mais des stratégies ont été développées pour impliquer les leaders religieux et coutumiers, en les informant et en les sensibilisant sur ces thèmes et l’apport potentiel pour la population. La participation des hommes et leur adhésion aux valeurs d’égalité de droits entre les femmes et les hommes est un important succès du projet DÉCLIC, bien que relatif.

Leçons apprises

Une initiative basée sur l’innovation est souvent source de nombreuses leçons : la présente ne fait pas exception. La principale leçon se trouve dans la nécessité d’un partenariat fort entre les institutions d’enseignement, les intervenants du secteur de la santé et les communautés.

La levée des barrières hiérarchiques entre professeurs et étudiants, l’implication du projet dans des zones rurales, l’engagement des communautés dans la mise en place des CSCom et dans la promotion des soins de santé sont autant de résultats qui attestent que la communication entre les différents partenaires doit être fluide et les efforts concertés.

Le projet a également montré que l’implication active des femmes à tous les paliers décisionnels, particulièrement dans la gestion, permet une intégration réelle des réalités et préoccupations des femmes et des filles dans la livraison des services de santé aux populations. Leur participation convainc de la capacité des femmes à intervenir de façon constructive dans la mise en œuvre des stratégies, ce qui les valorise et les valide comme intervenantes de plein droit dans la gestion des affaires de la communauté.

À travers l’impulsion initiale du Dr Couturier, la longue histoire de ce partenariat durable entre le Canada et le Mali montre de façon assez éloquente le rôle important que la société civile peut et doit jouer dans les efforts de développement international. Il ne concerne pas que les gouvernements, il interpelle également les membres des communautés qui peuvent, chacun à leur façon, contribuer à rehausser la dignité humaine.

Sources d’information

Nous tenons sincèrement à remercier les personnes suivantes pour leur contribution à la production de la présente histoire :

La série « Histoires d'impact » de la coopération canadienne au Mali a été produite sous la coordination du Projet de services d'appui sur le terrain (PSAT) et grâce à la collaboration de tous les intervenants susmentionnés.

Rue Sotuba/ACI, rond-point de l'ancienne chaussée
Bamako, Mali
Tél. : +223 44 90 44 45
Courriel : info@psat-mali.org
Nota : Le PSAT est soutenu financièrement par le gouvernement du Canada.


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