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Les plastiques, un problème global

5 novembre 2021

Deux femmes marchant sur la plage avec des mouettes volant au-dessus d'elles
La doctorante Lillian Stewart et Dr. Jennifer Lavers du laboratioire Adrift collectent des déchets de plastique sur l'ile de Lord Howe.
Crédit photo : Justin Gilligan

Docteure Jennifer Lavers, originaire d’Edmonton au Canada, vit maintenant de l’autre côté du monde en Tasmanie où elle poursuit sa recherches sur des îles isolées.

Maître de conférence à l’Institut des études marines et antarctiques de l’Université de Tasmanie, elle est un témoin direct des impacts catastrophiques de la pollution des plastiques sur la faune mondiale.

C’est à Terre-Neuve et au Labrador, dans le nord du Canada, qu’elle a découvert sa passion pour les oiseaux marins. Ayant fait ses études à l’Université de l’Alberta, Dr. Lavers admet qu’elle avait peu d’expérience de l’océan, qui se trouvait après tout à plus de 1000 kms de là.

« Je savais très peu de choses sur les océans, dit-elle, incroyablement peu en fait. Ironie du sort, je suis maintenant une biologiste marine et l’océan est ma spécialité. »

À l’âge de 25 ans, alors qu’elle préparait sa thèse à l’Université Memorial de Terre-Neuve, elle a découvert le monde incroyable des oiseaux marins.

« C’était un monde remarquable, dit-elle, et ce fut un tournant dans ma vie. Je me suis retrouvée sur un grand navire en bois en route pour le centre-nord du Labrador et quelques îles lointaines, isolées et inhabitées où pullulent de beaux oiseaux de mer. Cela a bousculé mes habitudes, dans un endroit où je me sentais tellement chez moi qu’il n’était pas question de revenir en arrière. Depuis, je suis devenue complètement accrochée aux oiseaux de mer et aux îles. »

Trois personnes debout devant un plan d'eau
La candidate au doctorat Megan Grant, Jennifer Lavers et le Dr Jack Rivers-Auty d’Adrift Lab sur l’île Lord Howe.
Crédit photo : Silke Stuckenbrock

Alors que ses études portaient sur l’écologie des oiseaux de mer et non sur les impacts du changement climatique causé par les humains, elle a commencé à découvrir personnellement que ces deux domaines sont intrinsèquement liés.

« Au départ, déclare Dr. Lavers, ma thèse de doctorat ne portait pas sur les pressions anthropogéniques, mais au final j’en ai mentionné certaines. »

Grâce à des conversations avec des aînés autochtones et à la lecture d’articles scientifiques datant de deux décennies, elle a pu se rendre compte que l’action humaine avait eu un impact significatif sur l’environnement.

« Le message était très clair, dit-elle. »

Le trafic maritime a accès à des zones auparavant inaccessibles en raison du retrait de la glace. Même lors des mois les plus froids, les ponts de glace qui ont pendant des siècles assuré un passage en toute sécurité pour les habitants étaient devenus aléatoires.

« Je n’avais que 25 ans à ce moment-là, donc c’était littéralement pendant ma vie que tout cela avait disparu, en un temps très court. »

Pour Dr. Lavers, c’est le temps qu’elle a passé au Canada subarctique qui l’a rendue accrochée à la recherche sur les îles inhabitées. À partir de là, dit-elle, j’ai sauté d’une île à l’autre jusqu’à la Tasmanie : du subarctique aux îles isolées de Hawaii pour finalement me retrouver sur cette île au sud de l’Australie.

« Je me souviens, dit-elle, d’avoir atterri ici le 27 mai 2007 en me disant que cet endroit était extraordinaire et que je devrais peut-être y rester quelques temps. J’y suis encore 15 ans plus tard. »

Dr. Lavers est membre du laboratoire Adrift de l’université de Tasmanie, qui conduit des recherches sur les plastiques et les oiseaux marins. Les chercheurs du laboratoire Adrift suivent de près des espèces spécifiques d’oiseaux marins afin de comprendre la santé de l’écosystème en général.

« Si nos populations d’oiseaux marins se portent bien, explique Dr. Lavers, alors tout ce qui se trouve au-dessous d’eux dans la chaîne alimentaire marine va sûrement très bien. »

En collectant des données sur la santé des oiseaux marins, y compris la quantité de plastique qu’ils ingurgitent, les chercheurs sont en mesure de suivre les changements et tendances au cours du temps, ce qui signifie qu’ils peuvent aussi voir si les changements de politiques ont un impact sur la faune.

Le temps passé dans la région subarctique du Canada lui a révélé l’impact du changement climatique, et maintenant à l’autre bout du monde elle est confrontée tous les jours à une autre pression environnementale causée par les humains : la pollution par les plastiques. En travaillant sur les îles isolées, souvent inhabitées de l’hémisphère sud, Dr. Lavers et son équipe du laboratoire Adrift notent l’impact dévastateur des plastiques sur les oiseaux marins.

«Il y a beaucoup de choses dans mon travail quotidien qui sont vraiment horribles, dit-elle. »

Elle dit devoir régulièrement euthanasier des animaux sauvages qui souffrent, souvent pour avoir ingurgité des plastiques. Elle se livre à l’autopsie d’animaux morts, ce qui implique le retrait de centaines de morceaux de plastique. Son équipe se livre à des lavages d’estomac sur des oiseaux marins afin d’en retirer les plastiques et leur donner une chance de survie.

Pour faire ce travail, ajoute-t-elle, elle doit se couper de la réalité et continuer sa recherche comme un robot, mais une fois revenue du terrain, elle encaisse tout le poids de ce qu’elle a vu.

« Je rentre chez moi, dit-elle, et je tremble. »

Selon elle, il est important que la communauté scientifique engage la discussion sur les traumatismes ressentis pendant la recherche. Elle ajoute que pendant longtemps, de nombreux chercheurs ont pensé qu’ils ne pouvaient pas parler de leurs émotions et poursuivre en même temps une recherche objective.

Dr. Lavers n’est pas d’accord.

« Les chercheurs sont humains, dit-elle. On peut donc être objectifs de par le fait même de notre activité de chercheurs, mais on peut aussi craquer quand c’est nécessaire et s’en remettre, exactement comme tout le monde. »

Un homme dissèque un oiseau sous le regard de deux autres personnes
Megan Grant, Jack Rivers-Auty et Jennifer Lavers traitent des échantillons d’oiseaux marins à la station de recherche de l’île de Lord Howe.
Crédit photo : Paul Sharp

Malgré les épreuves auxquelles elle doit faire face, Dr. Lavers s’engage à continuer ses recherches et à soutenir ses étudiants pour continuer le travail.

« Je n’agite pas le drapeau blanc, dit-elle. C’est ce que j’enseigne à mes étudiants et c’est ce qui me motive. »

Pour elle, « rallier ses troupes » fait partie de son refus de capituler devant ce désastre environnemental, ce qui veut implique d’expliquer la crise de pollution par les plastiques aux personnes qui ne font pas partie de la communauté scientifique.

Sa manière d’impliquer les gens a changé au cours du temps, ajoute-t-elle. Il y a environ 10 ans, elle a publié sur YouTube une vidéo d’elle-même en train d’extraire 276 morceaux de plastique d’un poussin d’oiseau marin de 90 jours.

« Nous pensions rallier les troupes avec cette vidéo, dit-elle. »

Toutefois, elle dit avoir été surprise de la réaction des gens.

Alors qu’environ la moitié des personnes ayant vu la vidéo se sentaient mobilisés pour combattre la pollution des plastiques, l’autre moitié avait déconnecté.

« Il y avait, dit Dr. Lavers, les autres 50 % qui disaient : non, je ne veux pas en entendre parler, c’est trop, arrêtez ! Ce n’était pas mon but. »

Elle dit que ce fut un moment radical pour elle, le moment où elle a réalisé qu’elle devait être plus sensible et inclusive pour impliquer les gens.

« On se doit de comprendre, dit-elle, la manière dont chaque personne différente répond aux questionnements et on ne peut pas appliquer la méthode du tout ou rien. »

C’est ce qui a mené Dr. Lavers et le laboratoire Adrift à s’allier avec des artistes pour exposer leur travail au public. Pour Dr. Lavers, les articles scientifiques sont remplis de jargon, « incroyablement ennuyeux » et souvent motivés par l’argent. Lorsque la recherche est présentée, c’est en général à une conférence scientifique, encore une fois inaccessible au public.

« Ce qui consiste à prêcher aux convertis, » dit Dr. Lavers. « Je me rebelle vraiment contre tout cela. Si on veut rallier les troupes, ce n’est pas la bonne manière. »

Pour elle, travailler avec des photographes, écrivains, poètes et autres artistes est une manière de présenter le message à de nouveaux groupes de personnes.

En 2019 le laboratoire Adrift s’est associé avec la photographe lauréate de prix internationaux Mandy Barker pour capturer les débris de plastique marin qui polluent l’île Henderson.

Site listé au patrimoine mondial de l’UNESCO à plus de 5000 kilomètres de la terre la plus proche, l’île Henderson est complètement inhabitée, mais elle abrite une des plages les plus densément polluées de plastiques de la planète. Bien que les humains n’aient jamais vécu sur cette île, notre impact collectif sur cette petite terre est immense.

Dans une série de photos saisissantes, Barker a montré comment les déchets du monde ont envahi cette île isolée. Les images du plastique récupéré identifient aussi les pays d’où vient ce plastique, avec 25 différents pays identifiés.

Ce qui prouve bien, selon Dr. Lavers, que la pollution plastique est un problème global.

« Il en vient de partout, dit-elle. Les déchets d’un pays deviennent le problème d’autres pays. Nous avons tous un rôle à jouer dans cette problématique. »

En utilisant l’art comme véhicule pour exposer la condition des îles lointaines, le laboratoire Adrift a touché un public international et a été présenté aux Biennales du design de Londres et de Sydney. Le laboratoire Adrift travaille actuellement avec le célèbre photographe Justin Gilligan qui est aussi un résident de l’île de Lord Howe où Dr. Lavers et son équipe concluent actuellement un travail de terrain. Pour Dr. Lavers, travailler avec les communautés locales et les impliquer est essentiel pour mener à bien le travail qu’elle effectue.

Comme sa recherche scientifique entre dans des domaines complètement étrangers aux conférences scientifiques habituelles, Dr. Lavers continue à impliquer un plus grand nombre de gens dans le combat contre la pollution plastique. Si elle pouvait persuader les gens de faire une seule chose pour la bonne cause, ce serait de discuter avec celles et ceux qui ne sont pas impliqués.

« C’est à nous d’engager la conversation avec les quelques personnes réticentes, dit-elle, car nous avons besoin d’elles. »

Selon elle, un changement significatif ne se produira que si tout le monde y participe.

« Préparez-vous à des conversations difficiles, ne prêchez pas aux convertis. »

Il existe selon elle de nombreuses manières d’aider les gens à comprendre la crise du plastique et la manière d’acquérir cette connaissance n’est pas unique. Même si les articles scientifiques peuvent être le moyen d’apprendre pour certains, l’art pourrait être pour d’autres un moyen plus efficace et plus intéressant.

« Les tasses réutilisables, les brosses à dents en bambou, les sacs en coton réutilisables, tout cela, dit-elle, sera connu de tout le monde. Nous devons tous être impliqués dans ces crises, en parler, trouver des solutions, influencer les politiciens. »

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