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Changer les attitudes face à la santé menstruelle


Lorsqu’elle a commencé sa carrière d’infirmière il y a 50 ans, Peggy Thorpe est partie en quête d’aventure. Elle l’a trouvée chez les équipes de missionnaires travaillant dans les zones rurales de Papouasie-Nouvelle-Guinée.

Elle effectuait des voyages pouvant durer jusqu’à huit heures à pied ou à cheval pour se rendre dans des villages reculés, où elle surveillait la croissance des enfants, traitait les infections et pratiquait des accouchements. Le soir, son groupe partageait un repas de gibier rôti que l’un d’entre eux avait abattu le long du sentier accidenté plus tôt dans la journée.

Peggy Thorpe en train de montrer le bracelet menstruel qu’elle porte au poignet.

Peggy Thorpe porte le bracelet menstruel, un symbole mondial des règles chez les femmes.

Ce fut une expérience remarquable pour la jeune femme de 21 ans qui avait grandi à Sudbury, en Ontario. Elle se souvient notamment des petites huttes disséminées dans la campagne, appelées « maison de la lune malade » dans la langue pidgin mélanésienne locale. Ces maisons étaient simples et sans fenêtre, à peine plus grandes que des toilettes extérieures typiques. Les femmes et les jeunes filles y restaient enfermées pendant plusieurs jours chaque mois, le temps de leurs menstruations.

« Elles étaient mises à l’écart, bannies et considérées comme sales, se souvient Peggy Thorpe. Les menstruations étaient ressenties comme une sorte de maladie, et les femmes de ces cultures devaient se séparer de leur famille pendant la période où elles avaient leurs règles. »

Peggy Thorpe ne pensait pas beaucoup à cela à l’époque. En effet, la santé et l’hygiène menstruelles n’avaient jamais fait partie de sa formation médicale, et le sujet était largement tabou au Canada au début des années 1970. « Aujourd’hui encore, notre langage est truffé de stéréotypes négatifs pour tout ce qui a trait aux menstruations », dit-elle.

C’est une situation que Peggy Thorpe, aujourd’hui âgée de 71 ans, s’est efforcée de changer en tant que conseillère principale en santé à Affaires mondiales Canada (AMC), dans le domaine de la santé sexuelle et reproductrice et les droits connexes.

Après être rentrée chez elle en 1976, elle a poursuivi ses études et a travaillé pour des programmes de santé mondiale, joignant les rangs d’AMC en 1990. Elle a été affectée en Indonésie, au Bangladesh, en Tanzanie et au Mozambique, où elle a occupé des postes liés à la santé des mères et des enfants, au renforcement des systèmes de santé et à la lutte contre des maladies telles que le paludisme, le VIH et la tuberculose, et mettant un fort accent sur les services d’approvisionnement en eau, d’assainissement et d’hygiène.

Ces dernières années, elle a rejoint une équipe travaillant sur la sa santé sexuelle et reproductive et les droits connexes et a pris conscience du lien étroit entre ce domaine et l’hygiène menstruelle.

« On se penche sur la sexualité dans son ensemble et l’éducation à l’école et en dehors de l’école, et on parle notamment du cycle de reproduction, de la sensibilisation à la fertilité et de l’égalité des genres, ainsi que d’une foule de sujets qui n’ont jamais été abordés correctement auparavant », explique Mme Thorpe.

Alors que le monde se concentre sur la réponse à la crise de la COVID-19, elle affirme que l’hygiène « doit faire l’objet d’une attention bien plus grande à tous les niveaux » pour faire face à la pandémie et prévenir les futures pandémies. « Je pense que tout le monde, chaque famille, chaque personne au Canada reconnaît l’importance des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, surtout maintenant ».

Par exemple, 818 millions d’enfants dans le monde ne disposent pas de services d’assainissement de base dans leurs écoles, et 40 % des écoles n’ont pas d’eau. Même celles qui disposent de toilettes n’ont souvent pas d’installations séparées pour les garçons et les filles, ce qui constitue un problème en matière de santé et d’hygiène menstruelles.

« Comment les filles peuvent-elles gérer leurs règles lorsqu’elles n’ont pas d’eau ou de toilettes réservées aux hommes ou aux femmes? » En l’absence de telles installations, de nombreuses adolescentes ne vont pas à l’école pendant les quelques jours de menstruation mensuelle, ce qui leur fait prendre du retard, voire abandonner l’école. Pour certaines cultures, les menstruations sont également le signe que les adolescentes sont fertiles, ce qui entraîne des mariages forcés.

Mme Thorpe aimerait que davantage soit fait dans ce domaine; en fait, elle a continué à travailler à AMC après avoir prévu de prendre sa retraite, pour continuer à sensibiliser le public à cette question. Elle prévoit de quitter le Ministère en juillet et continuera à faire du bénévolat dans le mouvement mondial pour la santé et l’hygiène menstruelles.

« C’est un privilège qu’Affaires mondiales Canada m’ait donné l’occasion de travailler dans ce domaine », a déclaré Mme Thorpe, qui estime avoir réussi à « présenter des données probantes » sur la santé menstruelle. « Je suis convaincue que la santé menstruelle est au cœur des considérations liées à l’égalité des genres et à de nombreux autres aspects liés au développement et aux besoins fondamentaux des femmes, notamment dans les pays les moins développés. »

Même au Canada, « la situation n’est pas tout à fait idéale », souligne Peggy Thorpe. Une enquête menée en 2019 par Plan International a révélé que des filles et des femmes canadiennes ont honte et sont la cible de moqueries lorsqu’elles achètent des produits d’hygiène menstruelle et qu’elles manquent d’information et de soutien concernant leur santé menstruelle.

Mme Thorpe trouve « très emballant » de voir que la sensibilisation à la question des droits menstruels augmente au Canada. Un nombre croissant d’hommes et de femmes font pression pour que les femmes et les jeunes filles puissent gérer leurs menstruations dans la dignité, dit-elle. Par exemple, des campagnes publiques ont été menées pour mettre des produits hygiéniques gratuits à la disposition des femmes dans les prisons et des filles dans les écoles.

Elle constate que les décideurs politiques, tant au niveau national qu’international, sont plus disposés à parler de ce problème, mais reconnaît que les solutions ne sont pas faciles à trouver.

« Je crois qu’il y a eu du progrès. On peut en parler plus ouvertement, dit-elle. Mais changer les mentalités et les attitudes prend du temps, et c’est ce que nous voulons faire. »

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