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Dans le monde entier, des programmes canadiens mettent en lumière les droits et les services en matière d’avortement sécuritaire

Un médecin tient les mains d’une personne sur une table, près d’un bloc-notes.

Dans de nombreux pays, il est difficile de parler de l’avortement, sous peine de soulever des tabous ou de s’exposer à des poursuites criminelles. Mais en République démocratique du Congo (RDC), Nurse Nisa est toute prête à donner des conseils et à répondre aux questions, allant de la recherche de services d’avortement sécuritaire et légal à l’obtention de soins post-avortement adéquats. Ces renseignements sont fournis confidentiellement, de manière à atténuer les risques encourus par les utilisatrices lorsque l’avortement n’est pas facilement accessible ou n’est pas accepté.

Nurse Nisa n’est pas une personne réelle, mais une application pour téléphone cellulaire qui fournit des informations claires et fiables sur l’avortement, ainsi que sur la contraception et la violence fondée sur le genre.

« C’est tout à fait révolutionnaire », déclare Jean-Claude Mulunda, directeur national d’Ipas Partners for Reproductive Justice pour la RDC – organisme qui a mis en place l’application en RDC et au Kenya en collaboration avec Dimagi, une société de technologie à vocation sociale. « C’est l’occasion de communiquer à de nombreuses personnes les informations dont elles ont besoin, d’une manière sûre et conviviale. »

Selon lui, Nurse Nisa, qui est accessible sur la plateforme WhatsApp, explique les choix possibles et offre des instructions approuvées médicalement sur les mesures à prendre avant, pendant et après un avortement. Disponible en français et en swahili, l’application numérique traite des préoccupations entourant les procédures liées à l’avortement, aborde les préoccupations entourant l’auto-prise en charge de l’avortement et met les utilisatrices en relation avec des agents de santé et des organisations qui fournissent des services d’avortement et un soutien connexe.

Le Canada a apporté un soutien financier à Nurse Nisa au moyen d’une subvention récemment accordée par Affaires mondiales Canada (AMC) à Ipas pour améliorer l’accès à l’avortement et à une contraception sûrs et légaux en Amérique centrale et en Afrique.

Un engagement en matière de santé et de droits des femmes et des filles dans le monde

En 2019, le Canada s’est engagé pour 10 ans à appuyer la santé et les droits des femmes et des enfants, et à porter d’ici 2023 son financement en santé mondiale à 1,4 milliard de dollars par an, dont 700 millions de dollars consacrés à la santé et aux droits sexuels et reproductifs (SDSR). Le Canada finance actuellement un certain nombre de projets d’aide internationale qui comprennent notamment une éducation sexuelle complète, la planification familiale (y compris la contraception), la sensibilisation, ainsi que la promotion du droit des femmes de recourir à un avortement sécuritaire et légal et d’obtenir des soins post-avortement.

Karin Nilsson, portant un chandail vert et un cordon rouge SheDecides, tient un livre rouge intitulé Without Question. SheDecides.

Karin Nilsson dirige l’unité de soutien de SheDecides. Crédit : Photo gracieusement fournie par SheDecides

« Le travail financé par le Canada dans les pays en développement pour assurer la protection de ces droits revêt une grande importance », souligne Karin Nilsson, responsable de l’unité de soutien à SheDecides. Cette organisation internationale a été créée il y a 5 ans pour mobiliser le soutien politique à l’égard de services d’avortement sécuritaire grâce à un réseau de champions mondiaux et à des activités communautaires de promotion des intérêts d’un bout à l’autre de la planète.

Selon Mme Nilsson, le droit à l’autonomie corporelle « n’est pas acquis » pour les femmes partout dans le monde. Une atteinte à ce droit, surtout pour les femmes des pays à faible revenu, « aggrave la pauvreté et réduit leurs possibilités de participer pleinement à la société. Tout est lié », affirme-t-elle. SheDecides a désigné un groupe diversifié de 50 champions, parmi lesquels figure Harjit Sajjan, ministre du Développement international du Canada, pour soutenir et protéger « en tant que société mondiale » l’autonomie corporelle, dit-elle. « Il est vraiment important de se lever, de résister et de persister. »

En effet, alors que certains pays assouplissent leurs lois sur l’avortement (entre autres, le Bénin, l’Argentine, la Colombie et le Mexique), il en existe d’autres où se faire avorter, ou même aider quelqu’un à obtenir un avortement, peut vous conduire derrière les barreaux. De plus, la désinformation et la politisation entourant cette procédure sûre et efficace menacent la capacité des femmes du monde entier à bénéficier de ce qui est considéré comme des soins de santé essentiels.

Les efforts sur le terrain

Les efforts déployés sur le terrain dans les pays en développement avec l’appui du Canada aident les femmes et les filles à exercer leur droit à un avortement sécuritaire. Mme Doherty, directrice de la politique mondiale et du plaidoyer à Action Canada pour la santé et les droits sexuels, souligne qu’il est essentiel de favoriser un environnement où les gens sont en mesure de bien comprendre les choix qui s’offrent à eux et où ils ont accès aux services dont ils ont besoin.

MC soutient un projet de 4 ans mené par Action Canada – une organisation progressiste et pro-choix engagée dans la promotion et la défense de la santé et des droits sexuels et reproductifs au Canada et dans le monde – dans des districts ciblés en Bolivie, en Équateur, au Guyana et au Pérou. Selon Mme Doherty, l’initiative, appelée Droits dès le départ, s’adresse aux jeunes, en particulier aux adolescentes. Elle repose sur 3 piliers : la prestation de services en matière de santé et de droits sexuels et reproductifs, y compris les soins liés à l’avortement lorsqu’ils sont autorisés; la prestation d’une éducation sexuelle complète; enfin, des travaux de plaidoyer et de développement du mouvement.

Meghan Doherty, portant un chandail rouge et un blue-jean sourit, assise sur un rocher.

Meghan Doherty est directrice de la politique globale et de la défense des droits à Action Canada pour la santé et les droits sexuels. Crédit : Photo gracieusement fournie par Action Canada pour la santé et les droits sexuels

Lorsque la réponse à la pandémie de COVID-19 a amené de nombreux pays à réorienter les ressources au détriment des services de santé sexuelle et reproductive, les partenaires locaux d’Action Canada « sont intervenus pour prendre la relève », indique Mme Doherty. « Ce qui est remarquable, c’est la façon dont ces organisations se sont adaptées et se sont efforcées de continuer à répondre aux besoins du mieux qu’elles le pouvaient. »

Maintenant que les restrictions liées à la pandémie ont été assouplies, « elles maintiennent les meilleures pratiques instaurées dans le contexte de la COVID », explique Mme Doherty. Parmi celles-ci, mentionnons l’échange d’information sur les médias sociaux, l’installation de postes informatiques communautaires et l’offre de crédits pour téléphone cellulaire afin que les gens puissent assister à des rendez-vous en télémédecine. Cela permet de joindre beaucoup plus de personnes et d’offrir des services dans les communautés éloignées.

De nouvelles façons de joindre les jeunes

Au Pérou, par exemple, l’organisation INPPARES, en partenariat avec Action Canada et grâce à un financement de Droits dès le départ, a créé un balado dirigé par des jeunes, intitulé « Sin Roche » (« Sans honte » en français), où sont diffusées des entrevues qui abordent une vaste gamme de sujets liés à la SDSR. Ce balado permet à l’organisation d’offrir aux jeunes une éducation sexuelle complète, ce qui n’était généralement pas possible, selon INPPARES. Des jeunes animent le balado et choisissent les contenus qu’ils jugent pertinents.

Jean-Claude Mulunda, portant une chemise à col bleu et un veston blanc, sourit à l’intérieur d’une bibliothèque.

Jean-Claude Mulunda est le directeur national d’Ipas Partners for Reproductive Justice pour la République démocratique du Congo. Crédit : Photo gracieusement fournie par Ipas

Parmi les thèmes abordés dans le balado, citons les infections sexuellement transmissibles, les grossesses précoces/non désirées, la violence contre les femmes et la diversité des genres. L’épisode le plus récent, intitulé « Décider n’est pas un crime, c’est un droit », traite de l’avortement. Parmi les personnes interrogées à cette occasion, la psychologue Guadalupe Torres signale que l’an dernier, il y a eu quelque 28 000 hospitalisations en raison d’avortements dangereux dans le pays. « Le droit de décider est un droit humain », commente-t-elle.

D’autres stratégies novatrices en matière de droit à l’avortement, telles que l’application téléphonique Nurse Nisa mise en place en pleine pandémie de COVID-19, offrent de nouveaux moyens de joindre les gens, en particulier les jeunes, et ce à plus grande échelle que ce qui était possible auparavant.

Le Dr Mulunda, un médecin qui prodiguait auparavant des services de santé sexuelle et reproductive, affirme qu’autrefois on ne pouvait même pas discuter d’avortement en RDC. Un traité régional connu sous le nom de Protocole de Maputo, adopté en 2005 et ratifié par la RDC en 2008, autorise l’accès aux services d’avortement dans des situations telles que le viol et l’inceste, pour des questions de santé mentale ou lorsque la vie d’une femme est en danger.

Cependant, il explique que la stigmatisation entourant l’avortement subsiste, ainsi que les restrictions, et que les avortements non médicalisés sont la deuxième cause de mortalité maternelle en RDC, car les femmes et les jeunes filles ne sont généralement pas au fait des complications qui peuvent survenir si un avortement n’est pas pratiqué sous directives médicales. Ipas travaille avec les dirigeants politiques afin de promouvoir l’acceptation de l’avortement au sein de la communauté, et de faire mieux prendre conscience aux femmes et aux jeunes filles qu’elles peuvent y avoir recours si elles le décident.

L’application Nurse Nisa s’inscrit dans cette démarche, dit-il, car elle propose un menu de réponses, de faits et d’orientations vers des services de soutien. Il précise que les sujets abordés incluent les bons médicaments abortifs à utiliser, « afin que les femmes puissent se les procurer en pharmacie ». Cela leur donne une plus grande assurance et la capacité de gérer ces méthodes d’avortement de manière sûre et efficace.

Communication d’informations essentielles

« Les gens sont ainsi en mesure d’obtenir des informations essentielles de manière rapide, facile et sûre », déclare Jennifer Holloway, directrice des communications d’Ipas. L’organisation travaille avec des partenaires en Afrique, en Asie et en Amérique latine où elle cherche à rendre l’avortement et la contraception largement disponibles, à informer les gens pour qu’ils puissent trouver des services et à faire campagne pour un avortement légal et accessible.

Jennifer Holloway, assise à une table, sourit.

Jennifer Holloway est la directrice des communications pour Ipas Partners for Reproductive Justice. Crédit : Photo gracieusement fournie par Ipas

« Être en mesure de prendre des décisions concernant votre propre corps et vos soins de santé et en matière de reproduction, vous permet en tant que personne de contribuer à votre société, à votre communauté, à votre famille, dit-elle. Si vous n’avez pas cette possibilité, vos choix, votre parcours dans la vie, deviennent plus limités. »

Ipas s’efforce également de rendre les soins relatifs à l’avortement accessibles dans les contextes humanitaires, par exemple, dans les camps de réfugiés. L’organisation estime à 35 millions le nombre de femmes et de filles en âge de procréer qui vivent dans de tels contextes partout dans le monde, souvent avec peu ou pas d’accès à la contraception et à des services d’avortement. Ipas forme des prestataires de soins de santé à tous les niveaux afin qu’ils puissent offrir des services et des renseignements sûrs et de qualité, explique Mme Holloway. « Le manque d’information, la stigmatisation, les changements climatiques et les conflits – ainsi que les restrictions visant l’avortement – créent des obstacles que nous nous efforçons de faire tomber. »

Selon elle, l’attention accrue qui est actuellement accordée à l’avortement peut être bénéfique. « On en parle d’une façon qui est susceptible de le normaliser. Nous parlons de soins de santé, dit-elle. C’est pourquoi nous travaillons avec AMC sur ces projets. À bien des égards, nous partageons une même vision de ce que le monde pourrait être, plutôt que de ce qu’il est aujourd’hui. »

Un projet quinquennal d’Ipas au Mozambique, qui bénéficie d’un soutien d’AMC, vise à améliorer l’accès aux services de santé sexuelle et reproductive, y compris à l’avortement sécuritaire, dans 3 provinces qui enregistrent les taux de violence fondée sur le genre les plus élevés du pays. Jorge Matine, directeur national d’Ipas au Mozambique, estime qu’il est essentiel de renforcer le système de santé, de réduire la stigmatisation entourant l’avortement et de limiter les distances que les femmes et les jeunes filles doivent parcourir pour obtenir des services de santé sexuelle et reproductive.

Lutter contre la stigmatisation et l’inégalité des genres

L’amélioration de la communication et la lutte contre les tabous nuisibles, qui sont souvent basés sur l’inégalité des genres et la discrimination, occupent une place d’importance dans la programmation d’Ipas dans ces 3 provinces. L’organisme travaille avec des journalistes locaux et des stations de radio communautaires pour présenter des programmes d’information sur les services disponibles et contrer la désinformation, dit-il. « Tous ces mythes qui circulent, il faut les faire disparaître. »

Un homme portant une chemise bleue et des lunettes sourit.

Jorge Matine est le directeur national d’Ipas Partners for Reproductive Justice pour le Mozambique. Crédit : Photo gracieusement fournie par Ipas

Améliorer l’accès à l’avortement dans les pays en développement requiert « une démarche graduelle », affirme Mme Doherty. « Tous les petits progrès s’additionnent, mais encore faut-il que chaque petit progrès soit réalisé ». Par exemple, elle souligne que l’Équateur a récemment dépénalisé l’avortement pour les victimes de viol. De nombreux autres pays lui emboîtent le pas et reconnaissent qu’interdire l’avortement n’empêche pas les femmes d’y recourir – l’interdiction le rend simplement moins sûr. Bien qu’Action Canada ne soit pas favorable à la mise en place d’exceptions – par exemple l’autorisation des avortements seulement en cas de viol – qui peuvent être politisées et donc assujetties aux changements de gouvernement, la modification de la loi équatorienne crée un précédent et constitue une amélioration par rapport aux restrictions sévères qui étaient en place au préalable, dit-elle. « Ce changement permet de former les prestataires de soins de santé, et il finira par s’ajouter à un plaidoyer plus large pour une plus grande libéralisation de la loi. »

Les Canadiens doivent savoir que « les difficultés d’accès à la santé et aux droits sexuels et reproductifs sont assez universelles, ajoute Mme Doherty. Ces problèmes ne sont pas le propre de ces pays, ils sont aussi présents chez nous. Nous avons beaucoup de choses en commun et nous devons tous travailler ensemble. »

Pour Mme Nilsson, il est essentiel que les pays « s’élèvent ensemble pour défendre le droit à l’avortement ». SheDecides aimerait que les dirigeants politiques soulignent avec plus de fermeté « que pouvoir décider de son propre corps, de sa vie et de son avenir est un droit humain fondamental. Malheureusement, nous n’en sommes pas encore là ».

Faire bouger les choses

Elle aimerait que l’on investisse davantage dans cette question. Elle signale que le Canada « fait bouger les choses » grâce à sa Politique d’aide internationale féministe.

« Le leadership du Canada nous est vraiment utile, ajoute Mme Nilsson. Nous sommes très heureux de travailler avec le gouvernement canadien et Affaires mondiales Canada, car nous partageons la même vision qui consiste à nouer des liens avec d’autres pays à travers le monde, à leur apporter un soutien et à collaborer avec eux. »

Le Dr Mulunda salue le fait que le Canada appuie l’autonomie des femmes et qu’il finance des programmes tels que l’application Nurse Nisa « pour que les femmes disposent d’informations pertinentes qui leur permet de faire leur choix ».

Il souhaite que l’avortement soit légalisé pour toutes les femmes de son pays. D’ici là, « nous aimerions être sûrs que les femmes puissent bénéficier des dispositions de la loi actuelle », en sensibilisant mieux les gens et en facilitant l’accès à un avortement sécuritaire grâce aux informations disponibles sur Nurse Nisa.

Il souligne que l’application continuera d’être améliorée grâce à l’ajout de fonctionnalités interactives et sera programmée avec du nouveau contenu en réponse aux commentaires des utilisatrices. On prévoit de renforcer la capacité de Nurse Nisa à mettre les utilisatrices en relation avec des services d’assistance téléphonique, des pharmacies et des centres de santé locaux fiables lorsqu’elles ont besoin de services en personne.

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