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Des programmes qui démontrent l'importance du partage des tâches domestiques

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Dans le cadre de son travail de conseillère en matière d'égalité des genres au sein de l'Agence de développement et de secours adventiste Canada (Adventist Development and Relief Agency [ADRA]), Mahider Yeshaw est en mesure de constater les retombées négatives que peuvent avoir sur la santé physique et mentale des femmes les responsabilités familiales qui leur incombent. Après sa journée de travail, cette mère seule doit faire face à d'autres obligations chez elle, où un « deuxième quart de travail » épuisant l'attend puisqu'elle doit s'occuper de la maison et prendre soin de ses 3 enfants.

Madame Yeshaw rappelle que la responsabilité des tâches familiales est un phénomène universel qui touche toutes les femmes. Elle affirme qu'elle s'efforce pour sa part de « sensibiliser » son fils âgé de 12 ans pour qu'il participe aux tâches ménagères afin, dit-elle, de contrer les normes perpétuées au fil des générations, selon lesquelles les femmes et les filles doivent s'acquitter d'une plus grande part des tâches à la maison. Aujourd'hui, précise-t-elle, son fils est capable de cuisiner, de faire le ménage, la lessive et même de plier et ranger ses vêtements.

ADRA Canada a recours à une stratégie très semblable dans bon nombre de ses 57 projets au Canada et à l'étranger, des projets conçus pour aider les gens à se sortir de la pauvreté. Selon madame Yeshaw, il est important d'amener les hommes à s'acquitter de leurs responsabilités et d'assurer « une répartition équitable du travail non rémunéré » dans le cadre des programmes de l'organisation. Ceux-ci comprennent une multitude de projets, de l'amélioration des systèmes d'eau et d'assainissement au renforcement de l'adaptation aux changements climatiques, en passant par les progrès en matière de santé sexuelle et reproductive.

Le programme EMBRACE d'ADRA Canada au Myanmar comprend des sessions de formation qui enseignent aux femmes et aux hommes l'importance de répartir équitablement le travail de soins. Source : Frank Spangler.

On s'attend à ce que les femmes remplissent 3 rôles, explique Mahider Yeshaw : un rôle productif qui consiste à générer des revenus pour le ménage; un rôle reproductif qui englobe l'éducation des enfants et le travail non rémunéré; un rôle communautaire par leur contribution bénévole à la collectivité.

« Dans la plupart de nos projets, nous constatons que les femmes sont prises en étau entre ces 3 rôles, précise Madame Yeshaw. Cela parce que le travail domestique est vraiment important pour le maintien et la continuité de la famille, mais qu'il est rarement reconnu et souvent sous-évalué, car il ne se traduit pas en argent. »

Madame Yeshaw a grandi en Éthiopie et est arrivée il y a 6 ans au Canada, où elle a élu domicile à Toronto. Elle affirme que pour contrer ces dynamiques rigides et complexes en matière de genre, il faut faire appel à différentes stratégies, par exemple en rendant les services accessibles aux femmes et en démontrant aux hommes les avantages qu'il y a à partager avec leur partenaire les tâches ménagères et la prise de décisions.

Madame Yeshaw ajoute que les femmes qui reçoivent de l'aide à la maison en tirent des bienfaits émotionnels et physiques. « Elles ont le temps de perfectionner leurs compétences, de poursuivre leur éducation, et même d'aller travailler. Il va sans dire que les ménages où règne l'égalité sont plus sains et plus heureux », précise-t-elle.

La mobilisation des hommes et des garçons a entraîné des changements durables dans le cadre des projets de l'ADRA auxquels contribue Affaires mondiales Canada. Ces projets comprennent l'initiative Enhancing Mother, Newborn and Child Health in Remote Areas through Health Care and Community Engagement (EMBRACE)[Améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants dans les régions éloignées grâce aux soins de santé et à la mobilisation communautaire], une initiative axée sur la réduction du taux de mortalité maternelle et infantile dans les régions reculées du Cambodge, du Myanmar, des Philippines et du Rwanda.

Man Kyaw Thar Awar (à droite), un fermier de Hpa-An, au Myanmar, prépare le repas du soir pour sa famille. Source : Frank Spangler.

Bien que ces projets comprennent aussi des activités comme la construction de nouvelles cliniques et la formation de travailleurs en santé communautaire, le changement d'attitude chez les hommes en est un élément central, selon madame Yeshaw. C'est pourquoi l'ADRA forme des groupes d'hommes et sensibilise les chefs communautaires et religieux, pour la plupart des hommes, à l'importance du travail domestique. L'ADRA promeut également l'avènement de champions masculins qui partagent les tâches ménagères, les soins aux enfants, la préparation des aliments et d'autres tâches. Selon elle, « cette initiative contribue grandement à faire évoluer les idées reçues selon lesquelles le travail non rémunéré relève des femmes, tandis que le travail rémunéré est la chasse gardée des hommes. Elle ajoute qu'il est vraiment important de déployer des efforts continus pour s'attaquer à ces systèmes patriarcaux.

De tels efforts ont entraîné un changement de comportement durable. Par exemple, grâce à l'initiative EMBRACE, Man Kyaw Thar Awar, un agriculteur du Myanmar, a appris que s'occuper de sa fille de 3 ans ne se limite pas à veiller à sa sécurité et à la nourrir. Selon Awar, lui et les autres pères de son groupe ont appris qu'en tant que parents, ils doivent faire preuve de gentillesse et de patience envers leurs enfants, en leur faisant vivre de nombreuses expériences susceptibles de renforcer leur estime de soi et leur confiance en eux.

Mary Ann et Dannis Bisco, qui vivent sur l'île de Sumaoy aux Philippines, partagent des responsabilités telles que le raccommodage des filets de pêche. Source : Frank Spangler.

Pour Mary Ann et Dannis Bisco, des Philippines, la formation offerte dans le cadre de l'initiative EMBRACE s'est avérée très importante. Selon Mary Ann, qui travaille à temps partiel dans le domaine de la santé, ils ont appris que « lorsque les conjoints partagent les tâches et les responsabilités à la maison, cela peut vraiment aider et fortifier la famille et le couple ». Mary Ann explique que son conjoint Dannis, qui vit de la pêche, l'aide à s'acquitter de tâches comme la lessive, tandis qu'elle l'aide à réparer ses filets de pêche. Elle ajoute qu'ils ont maintenant tous deux acquis une bien meilleure compréhension des responsabilités que chacun d'entre eux avait l'habitude d'assumer seul.

Madame Yeshaw affirme que « la pandémie de COVID‑19 a aggravé la situation des femmes. En effet, on s'attend à ce qu'elles prennent soin des malades, qu'elles se débrouillent avec moins de ressources et qu'elles composent avec toutes les retombées de la crise sur la santé émotionnelle de la famille ».

Elle estime que de se concentrer sur l'atteinte d'un juste équilibre pour ce qui est du partage des responsabilités à la maison pourrait aider à la fois dans la crise actuelle et à long terme. Prenons par exemple un projet d'urgence de l'ADRA sur l'eau, l'assainissement et la protection, réalisé dans deux régions de l'État du Nil Bleu au Soudan. Appuyé par AMC, ce projet vise à faciliter pour les femmes la gestion des tâches familiales. La mise en place d'installations d'eau, d'assainissement et d'hygiène plus près des habitations améliore dans cette région la vie des femmes et des filles, qui devaient auparavant effectuer un trajet aller-retour de 4 heures pour aller chercher de l'eau. Un tel projet renforce également la confiance en soi des femmes en leur accordant une représentation égale, voire des postes de direction, au sein de comités consultatifs. Elles reçoivent en outre une formation dans le cadre du projet et sont embauchées en tant que techniciennes de l'eau.

Dannis Bisco participe aux tâches ménagères, comme la cuisine. Source : Frank Spangler.

Misant sur la sensibilisation, ce projet utilise des structures existantes comme la cérémonie traditionnelle de préparation du café, connue sous le nom de jabana, au cours de laquelle les femmes discutent de leurs difficultés. « Elles en profitent pour parler de la violence familiale, du travail non rémunéré, de leurs enfants, de l'alimentation, ainsi que de la santé sexuelle et reproductive », explique madame Yeshaw.

Dans le cadre du projet, on fait appel à des chefs religieux pour encourager les hommes à participer davantage aux tâches ménagères. Madame Yeshaw explique que l'objectif consiste à intégrer ces notions au programme scolaire, afin d'enseigner à tous les membres de la collectivité que l'égalité des genres commence dès le plus jeune âge, un peu comme les leçons de cuisine et les conseils de nettoyage qu'elle-même donne à son fils de 12 ans.

Elle ajoute que le but ultime du projet est de faire évoluer les normes en matière de genre, et ce, de manière durable. Selon elle, le renforcement des capacités collectives, l'élaboration de politiques et l'acquisition de capacités au niveau local sont susceptibles de mener loin.

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