Réunion de l’Organe de règlement des différends de l’OMC

Le 28 septembre 2020

Déclaration du Canada

1. Mesures compensatoires DES États-Unis visant le bois d'oeuvre résineux en provenance du Canada (DS533)

  • Merci, Monsieur le Président.
  • Le Canada souhaite tout d’abord remercier les membres du groupe spécial et le Secrétariat de l’OMC pour le travail qu’ils ont accompli dans le cadre de ce différend.
  • Nous tenons aussi à exprimer notre reconnaissance aux tierces parties pour leur contribution dans cette procédure.
  • Monsieur le Président, le Canada accueille favorablement les conclusions et les recommandations du groupe spécial au sujet de la décision définitive en matière de droits compensateurs rendue par le département du Commerce des États-Unis concernant le bois d’œuvre résineux en provenance du Canada.
  • Le groupe spécial a passé en revue les milliers de pages des communications écrites qui lui ont été soumises et les éléments de preuve à l’appui, afin de préparer un rapport complet et équilibré.
  • Le groupe spécial a conclu à maintes reprises que le département du Commerce avait déterminé à tort que des provinces canadiennes subventionnaient les producteurs de bois d’œuvre résineux en leur donnant accès au bois sur pied sur les terres publiques en contrepartie d’une rémunération moins qu’adéquate.
  • Le Canada abordera en premier lieu le contenu du rapport, puis les implications de la décision des États-Unis de faire appel de celui-ci, alors qu’ils bloquent en parallèle le processus de nominations à l’Organe d’appel.
  • Avant toute chose, le Canada tient à réitérer sa conviction profonde que tous les Membres sont en droit de prendre les mesures voulues pour remédier à des pratiques commerciales déloyales.
  • Toutefois, pour que le système commercial multilatéral demeure sûr et prévisible, il est impératif que toute mesure prise soit conforme aux obligations contractées par les Membres dans les accords de l’OMC.
  • Dans ce différend, le groupe spécial a procédé à une évaluation objective de la question dont il a été saisi. À cette fin, le groupe spécial a examiné si le département du Commerce avait fourni une explication « motivée et adéquate » de la façon dont les éléments de preuve versés au dossier étayaient ses constatations et s’il avait évalué ces éléments de façon objective et impartiale.
  • Le groupe spécial a estimé que le département du Commerce n’avait pas rempli ces critères à l’égard de 16 différents motifs de plainte. Le groupe spécial a conclu que le département du Commerce n’a pas agi de façon objective et impartiale, et ce, à plusieurs reprises, et que la manière dont il a traité les éléments de preuve a porté atteinte au droit à une procédure régulière prévu à l’article 12.1 de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (SCM).
  • Le Canada souhaite porter à l’attention de l’Organe de règlement des différends trois points importants du rapport.
  • En premier lieu, le groupe spécial a fourni de précieuses orientations sur le choix d’un point de repère conformément à l’article 14d) de l’Accord SCM. Le Canada soutenait que l’organisme d’enquête est tenu d’établir l’adéquation de la rémunération sur la base des conditions du marché existantes pour le bien fourni par le gouvernement. En particulier, le Canada a fait valoir que les marchés du bois sur pied étaient de nature régionale et que le département du Commerce avait rejeté indûment les prix des marchés régionaux des provinces comme point de repère pour plutôt fonder sa comparaison sur des prix pratiqués à l’extérieur de ces marchés régionaux.
  • Or, le groupe spécial a indiqué que « le grand nombre » d’éléments de preuve présentés attestaient de la nature régionale des marchés du bois sur pied locaux dans la région de l’intérieur de la Colombie-Britannique et des provinces du Québec, de l’Alberta et de l’Ontario. Le groupe spécial a donc conclu que le département du Commerce avait l’obligation d’envisager d’utiliser des points de repère fondés sur les marchés provenant de chacune de ces régions comme point de départ de son analyse de l’avantage conformément à l’article 14d).
  • Le groupe spécial a aussi donné raison au Canada en concluant que le département du Commerce avait agi de manière incompatible avec l’article 14d) en rejetant les prix fixés au moyen de systèmes d’enchères provinciaux et d’autres points de repère fondés sur le marché en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec et en Ontario.
  • Deuxièmement, le groupe spécial a conclu que le département du Commerce a commis une erreur en excluant expressément du calcul de la « rémunération » les divers coûts en nature et frais obligatoires que les exploitants sont tenus d’acquitter comme condition d’accès au bois sur pied des terres publiques, ce qui a gonflé artificiellement le montant de la subvention alléguée.
  • Troisièmement, le groupe spécial a confirmé, comme l’affirmait le Canada, que le processus d’autorisation des exportations de grumes de la Colombie-Britannique ne constitue pas une contribution financière aux termes de l’article 1.1a)(1)iv) de l’Accord SCM. Le groupe spécial a donné raison au Canada en convenant que rien ne prouvait que les gouvernements de la Colombie-Britannique et du Canada exigent des fournisseurs de grumes qu'ils fournissent leurs grumes à quelqu'un, ou leur ordonnent de vendre ces grumes à un prix particulier.
  • Nous tenons à souligner que ce rapport ne se limite pas aux points que nous venons d’aborder. Sans aller plus en détail au sujet des autres conclusions du rapport, il convient de noter que le groupe spécial a conclu, par exemple, que la méthode utilisée par le département du Commerce pour calculer l’avantage conféré par divers programmes relatifs à l’électricité était incompatible avec les articles 1.1b) et 14d) de l’Accord SCM.
  • Jusqu’à présent, nous estimons que des droits se montant à près de 3 milliards de dollars américains ont été recueillis sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux à la suite des erreurs commises par le département du Commerce ‒ ce qui va clairement à l’encontre des obligations contractées par les États-Unis à l’OMC. Et ce n’est pas la première fois que les États-Unis appliquent contre le bois d’œuvre résineux canadien des recours commerciaux qui sont en fin de compte jugés incompatibles avec les accords de l’OMC.
  • Une preuve abondante démontre que les mécanismes fondés sur le marché utilisés au Canada n’engendrent pas de subventions pouvant donner lieu à des mesures compensatoires. En dépit de ce fait, les États-Unis continuent de traiter les producteurs canadiens de bois d’œuvre résineux d’une façon qui n’est ni objective, ni impartiale.
  • Nous traiterons maintenant de la question des implications systémiques de l’appel interjeté par les États-Unis dans ce différend.
  • Dans une déclaration faite lors de la dernière réunion de l’ORD, les États-Unis ont affirmé que, malgré l’impasse actuelle au sujet de l’Organe d’appel, le mécanisme de règlement des différends fonctionnait toujours.
  • Le comportement des États-Unis dans ce différend et dans des litiges antérieurs contredit cette affirmation.
  • Nous tenons à rappeler que tous les Membres de l’OMC, y compris les États-Unis, ont adhéré au Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. Celui-ci prévoit que, lorsqu’un groupe spécial produit un rapport, ce dernier peut être soit adopté, soit porté en appel. S’il est porté en appel, l’Organe d’appel doit produire un rapport à l’issue de son examen de la question. Dans l’un ou l’autre cas, l’Organe de règlement des différends pourra adopter les recommandations faites dans l’éventualité où des violations des règles ont été constatées. Si le Membre en cause ne rend pas ses mesures conformes à ses obligations découlant des accords de l’OMC, le Membre plaignant peut adopter des contre-mesures.
  • Dans le différend qui nous occupe, sans Organe d’appel fonctionnel, le Canada a offert aux États-Unis de recourir à un arbitrage d’appel, qui leur aurait permis de demander un réexamen du rapport du groupe spécial s’ils le souhaitaient. Comme les États-Unis ont refusé cette offre, le Canada aurait espéré qu’ils permettent l’adoption du rapport et en mettent en œuvre les recommandations et les décisions dès que possible.
  • Les États-Unis ont plutôt fait appel du rapport du groupe spécial alors que l’Organe d’appel ne peut pas fonctionner du fait qu’ils bloquent le processus de nomination de ses membres, aggravant ainsi le traitement inéquitable dont font l’objet les producteurs de bois d’œuvre résineux canadiens. Cet appel, dans la situation actuelle, a pour effet de priver le Canada de son droit à un règlement rapide du différend, comme le prévoit le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends.
  • Le Canada a été surpris que les États-Unis fassent appel de ce rapport, étant donné la position exprimée par le représentant au Commerce des États-Unis selon lequel un Organe d’appel n’est nullement nécessaire.
  • Dans le souci d’obtenir un règlement clair et prévisible de nos différences, au lieu d’aggraver l’incertitude créée par la suspension des activités de l’Organe d’appel, le Canada exhorte les États-Unis à accepter la décision du groupe spécial et de mettre en œuvre toutes les recommandations formulées par le groupe spécial dans le cadre de ce différend.
  • De façon plus générale, le Canada est profondément préoccupé par les mesures prises par les États-Unis qui entravent le bon fonctionnement du mécanisme de règlement des différends.
  • Le comportement des États-Unis a pour effet de considérablement réduire la sécurité et la certitude auxquelles nous attachons collectivement une grande importance dans les échanges commerciaux internationaux.