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Reconstruire, redonner : Les réfugiés comme modèles de compassion


Le renforcement de la résilience face à l’adversité est devenu un thème récurrent de la pandémie, alors que les Canadiens surmontent de nouveaux stress et de nouvelles difficultés attribuables à la crise de la COVID-19. Pour les réfugiés qui vivent parmi nous, la résilience est une réalité quotidienne, qui exige force, détermination et même créativité.

Les histoires de deux de ces réfugiés montrent comment ces qualités les aident à réussir – et aident les autres.

Répondre à l’accueil

Après son arrivée en Nouvelle-Écosse en tant que réfugié, un homme a demandé à Tareq Hadhad pourquoi il venait enlever des emplois aux Canadiens. Sa réponse a été simple.

« C’était un moment d’émotion », se souvient M. Hadhad. « Je lui ai dit : “Nous ne sommes pas venus au Canada pour voler des emplois, mais pour en créer.” »

Hadhad et sa famille de confiseurs sont peut-être les mieux connus parmi la vague de réfugiés syriens qui sont arrivés au Canada à partir de la fin de 2015. En raison de la guerre en Syrie, ils ont perdu leur maison et leur commerce de Damas, une chocolaterie qui comptait 500 employés et qui faisait des ventes partout au Moyen-Orient.

Hadhad, 28 ans, attribue le succès de sa famille au Canada à la suggestion d’un conseiller en immigration pendant qu’il était en attente au Liban. Il lui a dit qu’il serait préférable pour son intégration de ne pas déménager dans une grande ville.

« Une petite ville nous donne plus d’attention, plus de soins », explique-t-il. « Il y avait plus de gens autour de nous, il y avait un sentiment d’appartenance et de soutien vraiment incroyable pour notre famille au cours des premières années de notre vie ici. »

Les Hadhad ont été parrainés par un groupe d’Antigonish, en Nouvelle-Écosse, appelé Syria-Antigonish Families Embrace, ou SAFE. Et ils ont rapidement commencé à répondre à l’accueil.

« Redonner au Canada était le strict minimum que nous pouvions faire », commente-t-il. Ils ont commencé à faire du chocolat et ont fait des dons sur les profits provenant des premières ventes pour soutenir les efforts de secours lors des feux de forêt de Fort McMurray en 2016.

« Nous avons aussi demandé à d’autres nouveaux arrivants du pays de nous aider, et ils l’ont fait, dit M. Hadhad. « Nous savions tous ce que c’est que de perdre sa maison en un clin d’œil. »

La campagne a inspiré le nom de leur entreprise, Peace by Chocolate, et en 2018, la famille a lancé la société Peace on Earth, qui donne un pourcentage de ses revenus à des projets de renforcement de la paix partout dans le monde. Elle appuie également les partenariats avec des groupes locaux comme la nation Paqtnkek Mi’kmaw, une communauté autochtone près d’Antigonish, et des organisations nationales comme l’Association canadienne pour la santé mentale, Refugee Hub, qui aide les nouveaux réfugiés à se réinstaller.

Tareq Hadhad porte un T-shirt arborant un signe de paix symbolisant l'entreprise Peace by Chocolate de sa famille et son projet de redonner à la communauté. Photo : Applehead Studio

« La bonté au Canada est un cercle, dit M. Hadhad. « Vous donnez et vous obtenez en retour, vous donnez et vous obtenez en retour. C’est la loi de la réciprocité. »

La pandémie de COVID-19 a été difficile pour l’entreprise, qui a fermé ses portes et mis à pied tout son personnel pendant plusieurs mois à partir de mars 2020. Elle a commencé sa reconstruction en août dernier, rouvrant l’usine et ajoutant de nouveaux produits.

Peace by Chocolate compte aujourd’hui 55 employés, dont des travailleurs à temps plein, à temps partiel et saisonniers. La compagnie possède une boutique à Antigonish, un nouveau magasin phare à Halifax, un commerce de gros en croissance et des ventes à l’exportation. Hadhad espère que son entreprise se remettra complètement de l’impact de la pandémie d’ici la fin de l’année. Il s’est engagé, d’ici 2022, à embaucher 50 réfugiés et à soutenir 10 entreprises créées par des réfugiés, grâce à des initiatives de marketing et autres.

Neuf membres de la famille de Hadhad et de nombreux autres réfugiés syriens vivent maintenant à Antigonish.

« La dernière famille est venue il y a quelques mois, et pour les accueillir pendant leur quarantaine, nous avons fait un défilé de voitures autour de leur maison, pour leur faire savoir que nous sommes avec eux », dit-il. « L’idée était de s’assurer que quiconque arrive pendant la pandémie ressent le même sentiment d’accueil que notre famille. »

Leçons de résilience

La réinstallation au Canada présente de nombreux défis pour les réfugiés, qu’il s’agisse de surmonter les incertitudes du passé ou de commencer une nouvelle vie ici. Pour Monyror Bior, il s’agit également de leçons, d’expériences révélatrices et d’une occasion d’aider les autres.

Bior, 27 ans, a grandi au Soudan du Sud. Il a fui le conflit là-bas avec sa famille en 2014 pour vivre dans un camp de réfugiés en Ouganda, où il est devenu enseignant. Il est arrivé au Canada en septembre 2019 dans le cadre du programme d’étudiants réfugiés de l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC). L’initiative lancée en 1978 combine la réinstallation et les possibilités d’accéder à l’éducation supérieure. Une cohorte de 130 à 150 réfugiés de six pays d’Afrique et du Moyen-Orient viennent étudier chaque année au Canada en tant que résidents permanents, parrainés par des groupes sur le campus pour leur première année de classe.

Monyror Bior a fui le conflit au Soudan du Sud en 2014 et est arrivé au Canada en 2019.

Bior, qui étudie le travail social à l’Université de Regina, a éprouvé des difficultés lorsque la pandémie de COVID-19 a interrompu les cours en personne en mars 2020 et que les cours ont été offerts en ligne, « pour moi, ça a été un recul ». Il n’avait pas l’habitude de travailler et surtout de passer des examens à l’ordinateur. « J’ai réussi, mais je n’ai pas obtenu les résultats que j’espérais », admet M. Bior, qui s’est davantage accoutumé aux cours en ligne au cours de sa deuxième année.

Il est maintenant leader étudiant bénévole au sein du réseau de l’EUMC et coprésident du comité local qui supervise la cohorte d’étudiants réfugiés de cette année à l’Université de Regina. À cause de la crise de la COVID-19, au lieu d’arriver l’automne dernier, ils ont atterri la semaine tout juste avant le jour de Noël. Bior offre de l’aide aux six nouveaux arrivants, qu’il s’agisse de les aider à demander des cartes d’assurance-maladie, à activer leur carte d’autobus ou à chercher certains aliments dans les magasins locaux.

Bior a également fait du bénévolat au sein du club d’aide aux devoirs parascolaire de la Regina Open Door Society, un organisme sans but lucratif qui offre des services d’établissement et d’intégration aux réfugiés et aux immigrants. Il estime que ces étudiants peuvent exceller, malgré les nombreux stress qu’ils vivent. « Il n’y a pas d’autre option que de s’adapter. ».

Un homme dans un champ tient une pelle.

Monyror Bior passe cet été à planter des arbres dans une région éloignée de la Colombie-Britannique.

L’été dernier, il a travaillé comme caissier d’épicerie dans le petit établissement autochtone de l’Île-à-la-Crosse, dans le nord-ouest de la Saskatchewan. Il passe maintenant quatre mois à planter des arbres dans une région éloignée de la Colombie-Britannique. Le travail est exigeant, on dort dans des tentes et on goûte des aliments peu familiers comme des sandwiches à la viande en conserve. « J’ai fini par ne manger que le pain », dit-il.

Ces emplois l’aident à payer ses études et ses frais de subsistance, qui sont devenus sa responsabilité après la fin du parrainage d’un an de l’EUMC. Il envoie également de l’argent en Ouganda pour soutenir ses deux belles-mères qui vivent dans des camps de réfugiés là-bas, dont l’une a cinq enfants et l’autre, six.

Les Canadiens des régions éloignées visitées par Bior sont curieux de connaître son histoire. « Je leur dis simplement que je viens d’Afrique, parce que parfois je n’aime pas utiliser le mot « réfugié », dit-il. « Les gens croient que vous êtes forcément à la charge de quelqu’un. Mais de nombreux réfugiés se débrouillent seuls. »

M. Bior espère que sa troisième année d’université cet automne se fera en classe. En fin de compte, il aimerait devenir travailleur social ou avocat et aider les Canadiens qui vivent dans des situations de vulnérabilité.

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